78
Peter Kneitz (dir.) 2 e édition corrigée Schriften des Zentrums für Interdisziplinäre Regionalstudien Fihavanana La vision d’une société paisible à Madagascar Avant-propos par Françoise Raison-Jourde 04

Introduction: La paix du fihavanana

Embed Size (px)

Citation preview

Peter Kneitz (dir.)

2e édition corrigée

Schriften des Zentrums für Interdisziplinäre Regionalstudien

Fihavanana –La vision d’une sociétépaisible à Madagascar

Avant-propos par Françoise Raison-Jourde

04

Band 4

Schriften des Zentrums für Interdisziplinäre Regionalstudien

Herausgegeben vom

Direktorium des Zentrums für Interdisziplinäre Regionalstudien

Peter Kneitz (dir.)

Fihavanana –

La vision d’une société paisible à Madagascar

Perspectives anthropologiques, historiques et socio-économiques

Avant-propos par Françoise Raison-Jourde

2e édition corrigée

Peter Kneitz est chercheur au Département d’Anthropologie Sociale (Seminar für Ethnologie) à l’Université

Martin Luther de Halle-Wittenberg. Il dirige des travaux anthropologiques et ethno-historiques sur les

institutions Sakalava de la côte ouest (Die ‘Kirche der Sakalava’). Ses travaux actuels portent sur l’analyse

de l’Etat postcolonial et le développement démocratique à Madagascar, avec un regard particulier sur les

voies de résolution des conflits et l’impact de la normativité du fihavanana.

Gedruckt mit Unterstützung des Internationalen Graduiertenkollegs

„Formenwandel der Bürgergesellschaft – Deutschland und Japan im Vergleich“

sowie der Gesellschaft für Japanforschung (GJF)

Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in

der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische

Daten sind im Internet über http://dnb.d-nb.de abrufbar.

XCIII

2., überarbeitete und korrigierte Auflage

© Universitätsverlag Halle-Wittenberg, Halle an der Saale 2016

Umschlaggestaltung: pixzicato GmbH Hannover, Horst Stöllger

Printed in Germany. Alle Rechte, auch die des Nachdrucks von Auszügen, der photomechanischen

Wiedergabe und der Übersetzung, vorbehalten.

ISBN 978-3-86977-134-2

Table de matières 5

Table de matières

FRANÇOISE RAISON-JOURDE

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

PETER KNEITZ

Introduction : La paix du fihavanana . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

FARANIRINA V. RAJAONAH

Indépendances et identité : Le fihavanana comme ressource pour les Malgaches au XXe siècle, d’après Paul Ramasindraibe . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

MAREIKE SPÄTH

Fihavanana 2010: National solidarity within the context of Madagascar’s 50th anniversary of Independence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

GABRIEL SCHEIDECKER

Cattle, conflicts, and gendarmes in southern Madagascar: A local perspective on fihavanana gasy. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

PETER KNEITZ

Une « maladie malgache » : Fihavanana et solution d’une crise sociale à Besalampy (côte ouest de Madagascar). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

GABRIEL A. RANTOANDRO

Les usages du tsaboraha : Parenté, liens sociaux et patrimoine dansl’Est malgache . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

6 Table de matières

MARIONA ROSES

Fihavanana local, fihavanana national : Les usages d’une coutumejuridique locale à Madagascar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237

FREDERIC SANDRON

Le fihavanana au quotidien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263

FREDERIC GANNON

Le fihavanana comme capital social . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279

HILAIRE RAHARILALAO

Témoignage « Fihavanana ou réconciliation ? Le fondement de l’identité culturelle malgache » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305

Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315

Table des illustrations et des annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 319

Les auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323

La paix du fihavanana 15

Introduction :

La paix du fihavanana1

Peter Kneitz

Située à l’est du continent africain, l’île de Madagascar présente un parcours

impressionnant et méconnu, allant de la guerre à la paix. Jusqu’à la fin du

XIXe siècle, les guerres et les affrontements violents représentent encore le quoti-

dien de la vie malgache. Précisément à partir de la colonisation française en 1896

des forces contraires se mettent en place, produisant un mouvement insolite qui

débute dans le cadre d’une pacification forcée imposée par les colonisateurs et se

poursuit pendant plus de cinq décennies après l’indépendance de la République de

Madagascar en 1960. La guerre et la violence ouverte, heureusement, ont cessé

depuis d’être regardées comme l’expression quotidienne d’une dispute politique.

Mais plus étonnant encore, une société à vocation normative de consensus et de

solidarité s’est constituée – et cela contre une tendance visiblement différente dans

la plupart des Etats africains, et contre toute probabilité selon les arguments encore

courants d’une glissade vers la violence et le désordre en Afrique, et, plus généra-

lement, dans les pays postcoloniaux, jugée comme plus ou moins « inévitable »

(voir le titre de Chabal et al. 2005). Comment comprendre ce bilan surprenant et

même provocant ? Un premier regard sur l’actualité du discours public permet

d’offrir des premiers points de repères importants.

1 Ce recueil d’articles est soutenu par la Fondation Allemande de la Recherche (Deutsche For-

schungsgemeinschaft, DFG) et par deux institutions de l’Université Martin-Luther de Halle-Wit-

tenberg, le « Zentrum für Interdisziplinäre Regionalstudien (ZIRS) » et le « Seminar für Ethno-

logie » (Département de l’Anthropologie Sociale). Je voudrais remercier Hanne Schönig (ZIRS)

pour son support précieux dans le travail d’édition.

16 Peter Kneitz

Noël 2012

Juste avant Noël 2012, le « Premier Ministre de la Transition »2 du gouvernement

malgache, Omer Beriziky, s’est adressé à des journalistes invités dans le cadre d’un

petit-déjeuner professionnel dans sa résidence officielle, à Mahazoarivo. A cette

occasion, il a confié à ses hôtes – et au-delà de ses médiateurs à toute la population

de l’île, évaluée actuellement à plus de 22 millions habitants – quelques-unes de ses

réflexions sur la crise politique actuelle, soulignant surtout l’importance d’une sta-

bilité politique, d’un Etat de droit et d’un comportement approprié des politiciens.

Ses remarques réconciliatrices, adaptées au contexte de la fête de Noël imminente,

se sont achevées comme suit : « Le contexte difficile dans lequel nous évoluons ne

favorise pas toujours les initiatives. Il nous faut faire preuve de volonté politique,

de tolérance, d’écoute et de compréhension en mettant au premier plan le Fihava-

nana Malagasy. » (Madagascar-Tribune 22.12.2012)

Il ne s’agit ici que d’un appel parmi beaucoup d’autres semblant s’adresser au

public malgache qui renvoie, dans un temps perçu comme dangereux pour l’ordre

social, à l’importance de la société, au respect, mais aussi au support mutuel et à

la solidarité civique. Ces appels finissent régulièrement par la référence à un terme

souvent tenu comme tellement spécifiquement malgache qu’il est qualifié d’intra-

duisible, comme dans le discours français de Beriziky : le fihavanana malagasy3.

Cette expression, souvent utilisée sous les formes abrogées de fihavanana gasy ou

simplement fihavanana, peut se traduire dans le contexte donné par « solidarité

nationale ». Mais l’utilisation de ce terme renvoie au-delà de cette signification abs-

traite à une norme chargée d’un poids historique et culturel énorme de consensus

et d’assistance mutuelle à Madagascar, adaptée à et vécue dans des unités sociales

très différentes, et perçue comme une expérience unique. Si Omer Beriziky s’adresse

à ses concitoyens dans une rhétorique du fihavanana, il tente de mettre en avant le

difficile quotidien malgache, les ruptures politiques actuelles, une vision d’une

société paisible à Madagascar, et surtout d’évoquer dans la population les émotions

profondes ou nostalgiques qui y sont attachées – et de parvenir ainsi à s’en faire

l’avocat. L’intensité des idées gravitant autour du fihavanana est telle, qu’étrange-

2 Pour indiquer le caractère spécial des institutions et des fonctions depuis le changement forcé du

pouvoir en 2009 (irrégulier aux yeux de la communauté internationale), le vocable « transition » a

été ajouté par l’administration malgache aux titres et aux dénominations des entités officielles :

« Président de la Transition » (PT), « Premier Ministre de la Transition » (PMT), « Conseil Supé-

rieur de la Transition » (CST) et d’autres encore.

3 Le français est une des deux langues officielles de Madagascar, à côté du malgache. Il est surtout

utilisé comme langue véhiculaire dans le contexte de l’Etat moderne (comme dans l’administration,

l’éducation, la politique, les médias).

La paix du fihavanana 17

ment, même le souvenir des guerres du XIXe siècle, pas encore si lointaines, se

cache derrière la perception idéale d’une société malgache traditionnellement liée

à la paix.

L’objectif : une approche systématique d’une norme de consensus

Les deux faits esquissés au-dessus sont-ils liés, en dehors de la coïncidence histori-

que, de manière systématique ? Le développement vers une « société paisible »4,

d’un côté, et l’expression d’un discours explicite et quotidien de la solidarité, de

l’autre, tournant autour de la notion du fihavanana sont-ils des phénomènes

dépendants ? Une fois pris en note les détails et les grands traits des faits phénomé-

nologiques, il devient difficile de contourner une telle association.

Un élément à souligner est la présence d’un discours du fihavanana sous des

formes très différentes dans les quotidiens, pas toujours faciles à déchiffrer pour

des personnes non familiarisées avec sa lecture, par exemple, le sacrifice d’un zébu

(le bovin à bosse malgache) comme acte de solidarité. Mais l’on ne rencontre pas

cette forme de moralité du fihavanana uniquement dans les conversations quoti-

diennes et populaires. Elle a été également formalisée et officialisée ces dernières

années comme l’idéal d’un contrat civil malgache par son introduction dans les

préambules des constitutions malgaches en 1992. Evidemment, la paix à Madagas-

car n’est pas une « paix négative » (expression forgée par Galtung 1969, voir Jahn

2012 : 46ff.) dans le sens d’un simple renoncement aux actes agressifs ou aux guer-

res, mais le résultat d’un mouvement actif, d’une attitude insistant activement sur

le respect des normes et demandant un comportement décidément paisible –

comme les résultats de la nouvelle voie d’investigation des sociétés paisibles le mon-

trent (Sponsel et Gregor 1994, Fry 2006 : 11–85). Ces observations, encore éphé-

mères, confirment qu’une recherche sur les causes de l’évolution exceptionnelle

vers la paix à Madagascar, ouvrant la porte à maintes questions concernant le déve-

loppement postcolonial à l’échelle de l’île, devrait mettre l’accent de l’analyse sur

l’impact du fihavanana.

Se basant sur les résultats des recherches déjà publiées, mais aussi des lacunes

importantes (voir plus loin la présentation de l’état des connaissances sur le sujet),

4 L’expression « société paisible » (peaceful society) a été établie par des chercheurs comme Sponsel

et Gregor (1994) et Fry (2006) dans une approche encore nouvelle pour élaborer les particularités

des unités sociales valorisant un comportement consensuel et solidaire, en somme non-agressif.

Cette notion n’est évidemment pas à confondre avec une idée naïve ou utopiste d’une paix absolue,

souvent liée, dans la tradition occidentale, à des visions pacifistes, contrairement aux sociétés per-

çues comme belliqueuses.

18 Peter Kneitz

l’objectif de cet ouvrage est de rendre accessible le fihavanana, interprété comme

la vision d’une société paisible malgache, pour la première fois dans une approche

systématique et critique, dans une discussion coordonnée et interdisciplinaire,

regroupant des domaines aussi différents que l’anthropologie sociale, l’histoire et

la socio-économie. S’appuyant sur le travail d’un atelier préparatoire5, il s’agissait

tout d’abord de présenter le sujet dans une approche phénoménologique, nécessi-

tant de détailler explicitement les données aussi concrètement que possible, pour

dépasser le regard jusqu’alors primordial d’une généralisation du genre

« essentialiste » et simplificatrice. Quel changement de l’idée du fihavanana est à

constater à travers le temps ? Quelles sont les nuances régionales ? Comment la

notion du fihavanana est-elle pratiquée aux différents niveaux de la société malga-

che, dans le contexte des différents concepts de la parenté ? Comment des conflits

ou des intérêts divergents sont-ils résolus en revenant sur la moralité du fihava-

nana, et par quelle technique ou pratique ? Les contributions individuelles sont

destinées, au-delà de l’approche particulière, à inviter les lecteurs intéressés à

découvrir la gamme étonnante des phénomènes du fihavanana, sans qu’il soit pré-

tendu pour autant garantir un traitement exhaustif.

Le but de cette introduction est tout d’abord une élaboration analytique d’une

vue d’ensemble, utile aussi pour la lecture des textes des contributeurs de ce recueil

d’articles. Une telle analyse de base, incluant un regard approfondi sur le champ

sémantique, la signification, les pratiques rituelles, l’histoire du concept du fihava-

nana et un compte-rendu des recherches accessibles, s’est présentée comme une

tâche attractive et substantielle, compte tenu de l’existence d’un discours souvent

flou ou imprécis, ne permettant pas toujours par exemple de distinguer précisément

de quel fihavanana il était question, ou d’apporter une compréhension simple et

essentialiste. Il est ainsi très tentant, à partir des travaux existants, de supposer qu’il

n’existe qu’une notion identique du fihavanana dans toute l’île, dénommée depuis

toujours par le même mot fihavanana, et formant ainsi une image simplificatrice,

incorporant des biais anachroniques.

Basée sur cette vue synthétique, l’association encore hypothétique proposée ci-

dessus entre le fihavanana et le tournant spectaculaire en faveur de la paix est ana-

lysée plus précisément, pour avancer ensuite une explication. Le cas exceptionnel

malgache ainsi constitué offre la possibilité de stimuler ou même d’avancer la dis-

cussion théorique des problèmes aussi importants que les recherches des conditions

5 Les 1er et 2 février 2013 au Département de l’Anthropologie Sociale (Seminar für Ethnologie), Uni-

versité Martin-Luther de Halle-Wittenberg. Le workshop a été financé par la Fondation Allemande

de la Recherche (Deutsche Forschungsgemeinschaft, DFG).

La paix du fihavanana 19

de la dynamique postcoloniale en Afrique et l’investigation encore nouvelle des

sociétés paisibles. De manière plus générale encore, l’exemple présenté peut être

perçu comme le cas d’une négociation en cours de la partie sociale de la constitu-

tion de l’homme, dans le contexte particulier de ces processus appelés couramment

la modernité et la globalisation.

1. Le champ du fihavanana : une approche systématique

Les réflexions de Bereziky relatives à la politique civile peuvent susciter facilement

– au moins pour les personnes ayant seulement un contact irrégulier avec Mada-

gascar – l’impression que fihavanana est un terme très abstrait d’une solidarité

civile, dans le sens d’un « contrat de citoyenneté à l’échelle de la nation » (Hugon

2005 : 25, note 2), assez comparable aux notions de solidarité, comme elles sont

vécues aujourd’hui dans la plupart des démocraties européennes. La situation est

en réalité beaucoup plus complexe, compte tenu du trajet historique du terme,

d’une logique culturelle spécifique restant toujours en arrière-plan, mais aussi à

cause d’un champ sémantique riche, élaboré à présent dans une approche systéma-

tique.

Le champ sémantique : fihavanana, filongoa, fihavanana chrétien

et fihavanana malagasy

Les idées divergentes du fihavanana sont exprimées par un nombre de termes, dont

les significations se recouvrent au moins partiellement. Cette situation, encore peu

exprimée dans les travaux accessibles, engendre des confusions ou des malenten-

dus. Il s’avère donc dès le début nécessaire de présenter les termes courants comme

fihavanana, filongoa et fihavanana malgasy (ou souvent fihavanana gasy), et de

s’orienter dans le champ sémantique concerné, sur la base des rares indications de

la littérature ou des documents primaires, incluant des contributions pour cette

édition. Ce travail a abouti à l’élaboration des catégories analytiques (rarement

rencontrées dans cette forme pure sur le terrain), permettant une compréhension

rapide des manifestations diverses du fihavanana (Figure 1). Le résultat présenté

permet d’ailleurs déjà de tracer quelques éléments de base d’une histoire des idées

du fihavanana, allant d’un fihavanana local à un fihavanana national, développé

plus tard en détail.

(1) Fihavanana et filongoa, comme expressions de la solidarité de parenté, du

sang et de la fiction (fihavanana du 1er ordre, fihavanana local) : chaque individu

20 Peter Kneitz

est, par sa naissance, membre au moins d’une unité sociale, qui se constitue sur la

base d’une solidarité obligatoire et se présentant toujours comme groupe de paren-

té de sang (« fihavanana par la généalogie », Dubois 2002 : 87ff.). Typiquement,

les membres de ces noyaux de parenté (aux définitions diverses selon le contexte)

se connaissent plus au moins personnellement et vivent plutôt proches les uns des

autres dans un espace donné. Même si l’importance de l’espace s’est estompée der-

nièrement, en raison des migrations et des technologies modernes, il reste pour

autant au moins une référence cruciale dans l’espace : le lieu du tombeau familial

fondateur, localité des rencontres rituelles. Vue la densité des relations vécues et les

émotions qui lient les membres de ces unités sociales de base, il n’est pas surprenant

que le concept de fihavanana se traduise surtout par des notions comme « amour

mutuel » (fifankatiavana), « sympathie » (fifankahazoana), « entraide » (fifanam-

piana) et « union, être-un » (firaisana), comme Raharilalo (1991 : 432) l’a présenté

à la suite d’une enquête sur la « terminologie et constellation sémantique du

fihavanana » (ibid. : 432–437)6.

Ensuite, le fait de vivre ensemble dans un lieu précis ou une région, par l’exis-

tence des contacts réguliers (dans un lieu précis ou non), par exemple dans la néces-

sité d’une entraide ou d’un simple voisinage, ou encore par certaines techniques

sociales de la création d’une parenté fictionnelle (par exemple par la construction

rituelle des « frères de sang », fatidra), est la base pour créer un fihavanana plus

vaste, essentiellement constitué par des personnes non-parentes (« fihavanana par

la résidence », ibid. : 87). Les deux formes sont en réalité regardées comme un

ensemble de cercles d’une intensité différente du fihavanana, allant d’un cercle de

la famille proche et du clan (localisé ou non) d’une haute intensité du fihavanana,

jusqu’au niveau régional voir national, dépendant de la construction des réseaux

et traversant les frontières spatiales, d’une intensité plus basse du fihavanana. Dans

la perspective de Ego, le fihavanana comprend la totalité des relations sociales

acceptées et légitimes, dans lesquelles se construit essentiellement sa vie (voir aussi

la Figure 2 ci-dessous). L’importance cruciale du réseau social, tant pour la

construction de la personnalité de l’individu et de ses émotions que dans une pers-

pective socio-économique, apparaît dans toute sa clarté lors d’un séjour loin de

Madagascar (andafy, c’est-à-dire « outre-mer »7). Rabeherifara (2009 : 156ff.) l’a

montré, en esquissant toutes les préparations entreprises à l’occasion de voyages

6 Raharilalao donne ici une liste très instructive des quelque quatre-vingts termes utilisés par ses

interlocuteurs en milieu betsileo pour expliquer le mot « fihavanana ». Le fifankatiavana (l’amour

mutuel) arrive largement en tête (avec 124 occurences) devant les autres, qui comptent pour la plu-

part moins de 10 références.

7 Andafy est la forme courante d’« andafindranomasina ».

La paix du fihavanana 21

ou au sein même de la diaspora malgache. Il a partagé aussi le témoignage pertinent

de son père qui a très « mal vécu son affectation dans un bureau administratif à

quelques kilomètres de ‘chez lui’ […] : ‘Je passais immanquablement mes soirées

[…] à fixer pendant des heures la direction où était mon village que cachait juste

quelques collines et forêts. J’avais une inconsolable nostalgie des miens. Au bout

de quelques semaines, j’ai démissionné […]’ » (ibid. : 151). En tant que forme ba-

sique du fihavanana (également dans la perspective historique, élaborée plus tard)

et du fait des liens établis avec un espace défini, je la nomme « fihavanana du

1er ordre » ou « fihavanana local ».

Cette variante fondamentale du fihavanana est à présent dénommée par deux

vocables différents selon les régions : fihavanana ou filongoa8. Le terme fihavanana

est préféré dans le centre de l’île, lieu probable de son origine (voir ci-dessous), mais

aussi sur la côte est9. L’expression filongoa domine au sud, dans l’ouest et le nord-

ouest de Madagascar10, mais reste presque invisible dans la littérature concernée,

vu que le mot fihavanana est utilisé aussi comme expression générale de cette forme

de solidarité dans les Hautes-Terres malgaches, englobant toutes les dénominations

possibles. Quelques indications permettent de supposer que l’usage différencié

selon l’espace et la descendance existe depuis longtemps, au moins déjà avant l’ère

coloniale. Le peu de documents historiques évoquant l’usage du mot fihavanana

qui soient actuellement accessibles remontent au début du XIXe siècle et attestent

toujours de son usage préférentiel par les locuteurs des Hautes-Terres centrales

(identité merina)11. L’utilisation de ces deux termes dans des espaces bien distincts,

comme on l’observe jusqu’à maintenant par les préférences locales, n’est plus aussi

8 Raharilalao (1991 : 119) est l’un des premiers à avoir indiqué l’existence des variantes régionales,

sans pour autant approfondir ce sujet : « A Madagascar, le terme Fihavanana court du Nord au

Sud, de l’Est à l’Ouest, gardant selon les différentes régions et ethnies, son cachet propre ». Un peu

plus tard Randriamarolaza (1995 : 378) note la coexistence des termes fihavanana/filongoa, suivi

par Ottino (1998 : 631ff.) qui précise encore leurs significations selon les régions dans un glossaire.

9 Ottino (1998 : 639, glossaire) le classe comme expression unique de la population au centre (eth-

nie Merina). Mais Raharilalao (1991 : 154ff.) analyse son usage extensivement pour la région du

Centre-Sud (région des Betsileo), le territoire de son origine, tandis que Dubois (1978) l’a décrit

pour la région des Antemoro sur la côte sud-est. Voir aussi l’utilisation du mot fihavanana dans

des cas présentés par M. Rosés, G. Rantoandro, M. Späth et F. Sandron dans cet ouvrage.

10 Ottino (1998 : 639, glossaire) considère filongoa comme une expression du Sud et de l’Ouest, mais

vu l’étendue de la terre sakalava jusqu’au nord, il semble utile d’ajouter le Nord-Ouest. Voir aussi

les contributions de P. Kneitz et G. Scheidecker. Dans le dictionnaire de Richardson (1885 : 400),

on trouve la variante filongoana, qui ne semble plus en usage aujourd’hui.

11 Voir par exemple les entrées dans les dictionnaires de Webber (1855 : 599, fihavanana), Richard-

son (1885 : 240, fihavanana, comme expression dans le cadre des sacrifices, et 400, filongoana,

comme variante dialectale), Abinal et Malzac (1899 : 219, fihavanana), et encore les peu d’indica-

tions par Molet (1956 : 23) et Rafolisy (2008 : 77ff.). Voir aussi l’esquisse des sources historiques

plus tard.

22 Peter Kneitz

clair qu’avant, à cause d’une migration intérieure très forte et de l’existence d’un

Etat, exigeant par exemple une rotation continuelle des fonctionnaires.

Souvent, les deux mots sont employés indifférement, comme des synonymes.

Néanmoins, la signification peut être soumise en même temps aux associations

avec la descendance, l’identité et la politique, englobant une perception d’un déca-

lage du pouvoir entre les utilisateurs du fihavanana du Centre, autour de la capitale

et associés à l’Etat national, et les utilisateurs du filongoa, sur les côtes, une oppo-

sition qui remonte loin dans l’Histoire. Lorsque, par exemple, un migrant origi-

naire des Hautes-Terres parle dans des villages sakalava sur la côte ouest du fiha-

vanana, le sens général est parfaitement compris par la population locale. Mais,

selon le contexte, cette dernière s’accroche à la nuance souterraine d’un fihavanana

dont l’ambition est plutôt nationale, au profit de ceux vus comme proches du pou-

voir d’Etat, bien distincts d’un fihavanana local (le filongoa), basé sur la parenté

dans la région. C’est donc important d’avoir une connaissance de ces nuances liées

à l’espace et l’identité. Il reste à ajouter qu’il devrait exister un très grand nombre

de variations du fihavanana de 1er ordre, selon les structures particulières de la

parenté locale12.

(2) Fihavanana gasy comme niveau national de la solidarité (fihavanana du

2e ordre) : Le fihavanana gasy, au contraire du fihavanana local, concerne l’unité

nationale de tous les citoyens malgaches. Cette expression est utilisée couramment,

comme nous l’avons vu ci-dessus, dans le sens d’une norme englobant un sens de

moralité, de solidarité et de consensus, et qui s’approche en cela des idées commu-

nautaires dans des Etats modernes et pluralistes. Mais il faut souligner que le fiha-

vanana gasy est perçu par les individus comme une extension logique du fihava-

nana local, ajoutant donc simplement un autre cercle du fihavanana autour de ceux

déjà existants. La notion du fihavanana gasy est basée, elle aussi, sur la notion

d’une parenté, et est perçue dans cette logique comme l’extension la plus extrême

d’un fihavanana local. Si le fihavanana gasy est nommé ici analytiquement

« fihavanana du 2e ordre », il ne faut pas cependant perdre de vue que les deux

niveaux principaux du fihavanana se confondent selon le point développé ci-des-

sus.

(3) Le fihavanana chrétien – une signification à part : hormis ces deux signifi-

cations principales, il en existe une aussi particulière, un fihavanana chrétien (en

particulier catholique), comme élément clé d’une théologie malgache en train de se

développer autour de la notion de réconciliation chrétienne (traduite par le mot

fihavanana). Comme il sera esquissé plus tard en détail, l’évolution du terme fiha-

12 Voir surtout la contribution de G. Rantoandro.

La paix du fihavanana 23

vanana à partir du XXe siècle et le développement d’un fihavanana à vocation

nationale seront fortement influencés par des prêtres catholiques. Même si le fiha-

vanana chrétien est une expression spécifique de l’Eglise catholique (et dans la

communauté des églises chrétiennes à Madagascar), la compréhension usuelle du

fihavanana national comme mot-clé d’une réconciliation montre que l’influence

chrétienne est importante à ce niveau et qu’une distinction claire n’est pas possible.

(4) Fihavanana comme terme du Haut-Malgache : le mot fihavanana fait aussi

partie, finalement, de la langue du Haut-Malgache. Elle est canonisée à partir du

XIXe siècle sur la base du dialecte malgache des Hautes-Terres, la langue de l’ethnie

Merina (Rajaonarimanana 1995a : 8). Le mot fihavanana est devenu ainsi le terme

de référence pour exprimer l’idée de cette solidarité malgache d’une manière géné-

rale (voir entrées dans Bergenholtz 1991, Rajaonarimanana 1995b ou des diction-

naires en ligne comme Motmalgache), mais aussi, d’une manière abrégée, de toutes

les variantes régionales sur l’île et les significations déjà présentées.

Le mot fihavanana, dans cette acception plus générale, a des significations très

différentes, même contradictoires, comme l’usage suivant le montre : d’une part,

comme il a déjà été noté, le fihavanana est couramment associé de façon étroite à

l’Etat moderne, étant considéré comme base de l’identité malgache nationale.

D’autre part, il est utilisé comme un aspect d’un comportement malgache, opposé

aux structures et formalités d’un Etat moderne. Dans l’exemple donné en l’espèce,

il s’agit de l’insertion du terme fihavanana dans une des chansons populaires très

connues du genre « Kilalaka » sur la côte ouest (vue comme musique des voleurs

de bœufs, dahalo), dans laquelle est évoquée (pendant un « terrain » effectué en

2012) la personne du Foara, originaire du sud-est du district de Besalampy. Lui,

respecté comme une autorité locale de par son charisme personnel et sa distinction

comme médium des « esprits » restant anonymes, a utilisé son pouvoir pour paci-

fier la région autour de Maintirano (la région du Melaky) au profit d’une popula-

tion hantée par les agissements de nombreux bandits, sans avoir recours aux auto-

rités et au pouvoir de l’Etat. Une chanson évoquant la renommée de Foara énonce

que ce dernier « quitte la loi / parce qu’il connaît le fihavanana »13. Dans ce

contexte, l’auteur (ou les auteurs) anonyme(s) a (ont) choisi le terme fihavanana

(et non le terme local filongoa) pour indiquer la construction d’une solidarité

retrouvée de la population du Melaky, en réintégrant les bandits dans la société

locale. Ce fihavanana semble ici se traduire plutôt par l’idée d’une réconciliation

proche de la notion chrétienne, dans une compréhension qui s’est construite réso-

13 « Nengan’i Foara gny lalàgna ô ! / Noho izy mahay gny fihavana ô ! » ; traduction de la chanson

« Tale Foara » par Philémon Andriamampandry.

24 Peter Kneitz

lument sans loi et se situant en dehors de l’Etat moderne. Le même terme fihava-

nana peut donc actuellement prendre sur le terrain la signification d’une réconci-

liation, loin de l’Etat, et d’une solidarité vue comme expression très concrète de

l’Etat et de l’identité nationale.

Le champ sémantique du fihavanana englobe donc quatre significations ana-

lytiques bien distinctes, se divisant encore dans une structure d’une profondeur iné-

gale (Figure 1). Elles se chevauchent dans l’usage pratique des locuteurs, en parti-

culier dans les Hautes-Terres, région d’origine du terme fihavanana. Le fihavanana

est, comme l’écrit Faranirina Rajaonah dans sa contribution au présent ouvrage,

une notion contextuelle, s’adaptant aux circonstances14. Dans la suite du texte, les

nuances du fihavanana élaborées sont dénommées selon les termes donnés : fiha-

vanana local, fihavanana gasy, fihavanana chrétien, fihavanana.

Figure 1 : Champ sémantique actuel du fihavanana

14 Un certain nombre de définitions se trouvent par exemple dans les ouvrages de Raharilalao

(1991 : 126f.), Hugon (2005) et dans la contribution de Frédéric Sandron.

fihavanana

(solidarité, parenté, amitié)

fihavanana local fihavanana (mala)gasy fihavanana chrétien

(variations d’une solidarité (solidarité nationale) (réconciliation)

« locale »)

fihavanana filongoa

(au Centre, sur la côte est) (au Sud, à l’Ouest et au Nord-Ouest)

La paix du fihavanana 25

La logique culturelle du fihavanana : havana et aina

Jusqu’à présent, les différentes idées exprimées par le mot fihavanana ont été uti-

lisées de manière intuitive, en se référant à un comportement général de solidarité,

d’une norme consensuelle, se basant sur le concept de parenté (de sang et fiction-

nelle). Après l’élaboration du champ sémantique, il devient maintenant nécessaire

d’introduire des notions socioculturelles profondes desquelles ce dernier est déduit.

Le terme fihavanana contient plus qu’une idée abstraite de solidarité. Il exprime

aussi une vision précise du groupe, dans laquelle la solidarité est escomptée. Il per-

met ensuite de discerner les limites de ce groupe, l’ampleur de l’assistance parmi

ses membres et sa pratique. Au regard des analyses bien connues de certains auteurs

(surtout Raharilalao 1991 et l’œuvre de Dubois 1978, 2002, 2005), il suffit ici d’en

donner un aperçu et de le lier aux significations esquissées ci-dessus.

Comme il a déjà été remarqué, une distinction entre un fihavanana basé sur la

parenté (fihavanana généalogique) et un fihavanana basé sur un vivre-ensemble sur

un même territoire (fihavanana de résidence) s’impose au regard analytique. Ces

idées, quant à elles, sont déduites d’un constat encore plus profond : chaque indi-

vidu est le produit des unités de la vie supérieure (et en même temps plus ancienne),

appelée aina, dont il descend et dépend, valorisée comme unité sacrale. Deux varia-

tions sont à identifier : 1°) Tous les descendants biologiques se considérant comme

parents (et idéalement vivant ensemble) sont issus des ancêtres communs, d’une

unité de vie, aina. En tant que produit d’une même valeur principale, ils sont égaux

les uns les autres, ayant dès lors la responsabilité de se soutenir. 2°) Le simple fait

d’habiter ensemble sur un même territoire et de se nourrir conjointement de ses

ressources constitue une participation à une même unité de vie, créant l’obligation

morale de se soutenir. Ces deux unités de vie sont encore hiérarchisées : la solidarité

parmi ceux regardés comme vivants dans une unité du fihavanana généalogique est

normalement vue comme étant beaucoup plus forte (parce que définitive) que celle

prévalant dans le fihavanana de la résidence. Partant de ce constat, des cercles

concentriques se constituent, comme déjà noté plus haut, auxquels peuvent encore

s’ajouter d’autres, presque sans limite (Figure 2 ; Raharilalao fait référence aux

« tiges de citrouille » (1991 : 123), utilisé comme image dans un proverbe malga-

che, pour expliquer ce fait).

26 Peter Kneitz

Figure 2 : Ego comme centre des cercles concentriques du fihavanana, sur la base des

schémas de Dubois (2002 : 147–148) et de Raharilalao (1991 : 123)

Dubois (2002 : 146ff.) a examiné en profondeur cet aspect de l’intégration de la

personne aux autres à Madagascar, base de la construction du fihavanana : Tandis

que je « sens qu’elle [ma personne] se distingue » des différentes circonférences de

mon environnement social, « je n’oublie pas que je leur suis inséparable » (ibid. :

147) et « qu’ils sont tous mon moi » (ibid. : 149). De plus, la constitution de la

personne se fait dans le cadre d’un processus de différenciation de Ego (Dubois

parle de la « constitution du moi [malgache] », ibid. : 150) dans le temps via ses

parents, le fokonolona et le terroir, suggérant ainsi l’unité naturelle des cercles

sociaux en même temps que leurs différences apparaissent (ibid. : 149–151). La

terminologie populaire avec sa référence préférentielle à « l’amour mutuel » (fifan-

katiavana) traduit clairement ces rapports abstraits (Raharilalao 1991 : 432).

La référence à la parenté apparaît de manière significative dans le mot lui-

même. La grande majorité des auteurs ont reconnu que le mot fihavanana était

formé sur la racine havana, parenté (par exemple Dez 1981 : 24, Njara 1992 : 152,

Beaujard 1995 : 564, Dubois 2002 : 19, Gannon et Sandron 2003 et 2006 : 52 note

3, Urfer 2012 : 124), et sur des composants auxiliaires, indiquant une intégration

volontaire des personnes dans la parenté. Raharilalao (1991 : 130) a étudié la com-

position du mot en détail : « […] le terme Fihavanana comporte trois éléments :

FI-HAVANA-(A)NA : le mot-racine HAVANA, lexème nominal, le préfixe FI (ou

Le fihavanana intégrant…

mes parents (havako)

mon fokonolona

mon terroir

ma nation

Ego

La paix du fihavanana 27

FA) et le suffixe ANA (ou INA) qui sont des dérivatifs nominaux déterminant en

malgache la manière de faire ou d’agir. »15

Cette compréhension est certainement représentative et convaincante dans la

perspective d’un fihavanana généalogique dominant et d’un fihavanana résidentiel

s’y ajoutant. C’est surtout Ottino (1998) qui, dans son œuvre magistrale, a en

grande partie élaboré « l’ethos malgache de bon vouloir du fihavanana » (ibid. :

11), dans un regard essentiel sur « les principes élémentaires de la parenté » (ibid.)

à Madagascar. Il faut néanmoins noter qu’une analyse linguistique conclusive est

encore à venir. Au moins un auteur (Lahady 1979 : 159, note 53 en bas) a reconnu

« ava » (« sélection, distinction, acception ») comme racine du mot fihavanana, ce

qui semble suggérer qu’il est nécessaire de mettre l’accent sur la démarcation entre

l’unité sociale du fihavanana et le monde extérieur. Considérant que l’unité paren-

té-territoriale est probablement à l’origine de la société malgache, il est permis de

constater que cette lecture du mot fihavanana révèle une signification pourtant très

proche de l’interprétation établie du mot sur la base du havana.

Rabefihavanana, l’homme malgache

Toutes ces idées, il est important de le souligner une nouvelle fois, ne sont pas

vécues d’une manière abstraite. Raharialao (1991 : 139–140) a trouvé l’expression

évocatrice de « Rabefihavanana » pour caractériser l’homme malgache comme

« l’homme du Fihavanana et l’homme en quête de Fihavanana à la fois » (ibid. :

140)16. L’individu est censé, selon cette perspective, se regarder « naturellement »

comme partie d’une unité sociale constituée par des personnes qui sont égales les

unes aux autres, dans le sens où elles partagent le même sentiment du fihavanana.

Le fond de cette attitude est l’expérience des relations sociales vécues comme fiha-

vanana dans le cadre de la socialisation, expérience émotionnelle fondamentale

pour la constitution de la personnalité – ou au moins expérience des images et des

attentes très puissantes concernant l’existence d’une telle solidarité. La vitalité de

cette idée, même dans les circonstances les plus difficiles, devrait être cherchée dans

cette intériorisation.

15 Njara (1992 : 152) a proposé une analyse différente : « Morphologiquement, le mot est composé

de la lettre ‘f’ qui traduit un instrument, des deux morphèmes discontinus ‘i…ana’ et du radical

‘havana’ signifiant ami ou parent. Littéralement, le fihavanana, c’est le lien qui unit deux person-

nes qui, généralement, descendent d’un même ancêtre. »

16 Le préfixe Rabe- (couramment usé dans la construction des noms familiaux dans la région cen-

trale) « se traduit dans la patronymie malgache » par « celui-qui-a-beaucoup-de …, celui-qui-fait-

beaucoup-de … » (Raharilalao 1991 : 139).

28 Peter Kneitz

Beaucoup d’auteurs malgaches, en considérant qu’il n’est pas possible de tra-

duire le mot fihavanana, qui reste au fond incompréhensible pour les étrangers,

créent donc implicitement un mystère du fihavanana (plusieurs citations dans ce

sens en Raharialao 1991 : 126–127, Jaovelo-Dzao 2001 : 98, Ratovonjanahary et

al. 2001 : 101, Alexandre 2003 : 37). En dehors de la spécificité du contexte socio-

culturel et historique de Madagascar, il reste cependant à noter que le concept du

fihavanana n’a jamais été analysé dans une approche comparative interculturelle17.

Les résultats très riches portant sur les systèmes de la parenté et leur importance

pour la construction des unités sociales dans l’anthropologie sociale (mais aussi

dans d’autres disciplines), accessibles par une recherche utilisant des mots-clés

comme « théorie de la parenté » ou « solidarité familiale », révèlent une multitude

de systèmes semblables sur tous les continents, au moins à certaines époques. Sous

réserve d’une investigation en détail qui reste à faire, il est vraisemblable que l’idée

du fihavanana est beaucoup moins singulière que ce qu’elle laisse paraître en pre-

mier lieu.

Malgré la critique ci-dessus relative aux analyses dominantes du type

« réductionniste » du fihavanana, il n’en reste pas moins évident – comme le mon-

trent les contributions de cet ouvrage – que les résultats esquissés des conceptions

de base permettent de saisir rapidement une logique fondamentale, au moins pour

l’actualité concernant le fihavanana à Madagascar. Il serait inopportun de rejeter

l’une ou l’autre approche, même si, dans cette édition, l’accent est mis sur l’inves-

tigation d’une richesse des formations et des pratiques du fihavanana, encore inac-

cessible et oubliée. La théorie sociale des unités de vie (aina) est une logique contex-

tuelle, permettant d’adapter l’insertion essentielle de l’individu dans une unité

sociale selon le contexte donné et dans des variantes très différentes.

La construction rituelle du fihavanana

Jusqu’à ce point, une dimension fondamentale du fihavanana était encore laissée

de côté : l’expérience rituelle. Le savoir du fihavanana s’acquiert moins par l’ins-

truction abstraite ou orale, dans l’espace public, que par une pratique rituelle mul-

tidimensionnelle et quotidienne de sacrifices d’animaux qui permet entre autres de

présenter l’unité sociale du fihavanana d’une manière très concrète. Les sacrifices

17 Urfer (2012 : 21) semble le seul à avoir exprimé une telle possibilité, en notant l’équivalence de

l’idée ujamaa en Tanzanie avec le fihavanana.

La paix du fihavanana 29

de zébus (nommés souvent joro ou sorona) sont la forme la plus importante pour

établir et affirmer l’idéal de cohésion sociale à Madagascar.

La signification communautaire des sacrifices (surtout des animaux) et des

rituels est depuis longtemps l’objet d’investigations approfondies (voir, à titre

d’exemple, Turner 1977, comme auteur classique en anthropologie sociale). Voici

quelques-uns des aspects qui s’imposent de manière particulièrement forte : le

sacrifice en commun d’un être vivant, le découpage du corps, le partage de la viande

et le repas des participants. Ce sont des actes forts dont le but est de créer et conso-

lider des relations entre les participants. Au-delà, s’ajoute une symbolique très éla-

borée. Le sacrifice offre en plus et surtout un espace de communication très com-

plexe, incluant des discours, mais aussi la danse ou la présentation symbolique des

participants et leurs rangs dans l’espace. Ces aspects d’un renforcement rituel de la

communauté sous-entendent un grand nombre de cérémonies ou d’occasions de

rencontres à Madagascar, typiquement accompagnées par des sacrifices d’ani-

maux, de préférence des zébus, comme le fanompoabe à l’Ouest (rituel de l’onction

des reliques royales, Kneitz 2003), le sambatra au Sud-Est (cérémonie de l’incision)

ou le tsaboraha à l’Est (voir la contribution de Gabriel Rantoandro).

Dans le cas des sacrifices de zébus, de renommée particulièrement importante,

l’animal est devenu le symbole du pouvoir et de la société. L’acte de sacrifice du

bovin est supposé rappeler l’unité sociale, en observant maintes prescriptions et

associations, par exemple en choisissant la couleur de la peau selon les circonstan-

ces. La création des analogies entre les parties du corps et la hiérarchie sociale est

une nouvelle fois évoquée dans le partage de la viande. L’usage du zébu comme

symbole pour Madagascar, par exemple dans l’iconographie des stèles de l’indé-

pendance et sur les sceaux officiels, rappelle ce lien entre zébu, sacrifice et fihava-

nana à tous les niveaux de la société jusqu’au niveau national (Cole 2001 : 170ff.).

Les conflits ouverts permettent de découvrir ces aspects communautaires des

sacrifices, qui restent habituellement cachés. Ils sont thématisés par des rituels par-

ticuliers, rarement analysés, ayant explicitement comme but de regagner l’unité

sociale ou le fihavanana. L’un d’eux contient le terme fihavanana dans sa

dénomination : le « nofon-kena mitam-pihavanana », c’est-à-dire, la « viande-qui-

entretient-les relations » (Rasoarifetra 2012) ou plus précisément « morceaux de

la viande qui entretiennent le fihavanana »18. Le rituel particulier de nofon-kena

de l’Etat moderne s’est développé directement sur la base des cérémonies du même

nom dans le royaume merina du XIXe siècle au centre de Madagascar, confirmant

18 Traduction par monsieur Robson, chef du district Besalampy, 2010. Par mutation des consonan-

tes, le mot fihavanana devient ici pihavanana.

30 Peter Kneitz

une continuité entre l’espace politique de ce royaume et la République

d’aujourd’hui. Ce point a fait, jusqu’à présent, l’objet de peu de recherches. Il s’agit

d’abord d’un rituel exécuté couramment dans le cadre de l’Etat moderne lors de

toutes les rencontres officielles, avec une importance particulière lors de la fête

annuelle de l’indépendance, le 26 juin, mais aussi dans le cas des régulations des

conflits dans la société civile, où l’autorité de l’Etat s’impose (voir les contributions

de P. Kneitz et M. Rosés).

Le rituel, en particulier le sacrifice des zébus, accompagne donc presque inévi-

tablement la construction de la norme du consensus du fihavanana, soit implicite-

ment dans des actes sociaux d’une grande diversité, soit explicitement pour surpas-

ser des conflits et regagner le fihavanana en danger, sans que pour autant ce moyen

d’ancrer une discipline de solidarité ait été examiné explicitement en détail.

2. L’histoire du fihavanana : l’histoire d’une extension

Après ce regard synchronique sur la richesse des variations du fihavanana, il

convient d’appliquer également cette méthode phénoménologique sur le plan dia-

chronique. Même s’il s’avère assez délicat d’interpréter le peu d’informations sur

le temps pré-colonial ou encore pré-européen (sans écriture), ce travail est impor-

tant, car il permet d’apercevoir les possibilités d’une adaptation des idées autour

du fihavanana dans le temps et débouche sur une dynamique d’une extension à

plusieurs phases, en fonction du développement sociopolitique. L’analyse com-

mence avec un regard sur la situation des sources concernant les idées du fihava-

nana à des époques différentes, permettant un constat important sur leurs récep-

tions.

Des sources taciturnes du fihavanana

Il est une affirmation courante, tant dans les réflexions populaires que dans les

œuvres scientifiques, que l’existence du fihavanana remonte très loin dans l’his-

toire, voire jusqu’au début du peuplement de l’île (se reporter au paragraphe

concernant la première période du fihavanana plus loin). Ces observations susci-

tent l’attente d’un traitement explicite et courant du terme et des idées du fihava-

La paix du fihavanana 31

nana dans des sources historiques. La recherche dans le corpus des documents

accessibles19 permet-elle de vérifier ce point-ci ?

Jusqu’au début du XVIe siècle, date de la découverte européenne de Madagas-

car20, on est réduit plus au moins, comme nous allons le voir, à des arguments de

plausibilité concernant des conceptions du fihavanana, en s’appuyant sur des

observations supplémentaires en provenance des sources orales ou des pratiques

rituelles, vues comme « textes » ou mémoire culturelle dans un sens général. Mais

bientôt se développe une grande richesse de textes concernant sur Madagascar,

d’abord dans les journaux de bord et les rapports de voyage. Très tôt aussi, des

descriptions très détaillées des observateurs, restant longtemps sur l’île et parlant

parfois très bien la langue locale, sont rédigées (à titre d’exemple : les observations

des jésuites portugais dans les années 1613–1616 dans Leitão 1970, Flacourt 1995

[1661] et Drury 1826 [1729]). L’analyse concernant la question posée ci-dessus

permet de saisir un résultat peu attendu : la lecture conduit à découvrir des faits

sociaux pouvant être regardés comme des indications portant sur les idées ou les

pratiques de solidarité liées à la parenté au sens large, certes, mais sans que jamais

les termes fihavanana ou filongoa ne soient révélés explicitement – même si de

nombreux autres termes malgaches (au sens aussi abstrait que la solidarité) sont

introduits par les auteurs.

A titre d’exemple, un court passage de l’ouvrage de Robert Drury (1826

[1729] : 93) est présenté ici21. Il a inséré dans la description des attaques dont il

faisait partie des observations générales concernant les conflits à Madagascar,

décrits comme un « mal épidémique » (epidemic evil), en ajoutant le constat

suivant : « This [their frequent animosities and open quarrels with one another] is

a dangerous and destructive misfortune to a people, otherwise good-natured and

well disposed ; who have wholesome laws for the determination of all disputes,

and the punishment of all crimes, […] ». Il ne semble pas trop osé de regarder

19 La « Collection des Ouvrages Anciens Concernant Madagascar », neuf volumes (1903–1920), édi-

tée surtout par le père et le fils Grandidier est toujours une base précieuse et facile pour une pre-

mière orientation, même si les traductions des textes originaux sont souvent reconnues comme

problématiques.

20 La découverte de l’île de Madagascar pour l’Europe s’est établie dans le cadre de l’expansion por-

tugaise dans l’océan Indien. Il a été rapporté qu’un bateau sous l’ordre du Diogo Dias (connu aussi

sous d’autres noms comme Pedro Dias) a pris contact pour la première fois avec l’île le 10 août

1500 (Grandidier et Grandidier 1903 : 3–4).

21 Drury a vécu très jeune un naufrage en 1702, au sud de Madagascar. Il est resté en captivité dans le

Sud et sur la côte ouest environ quinze ans avant de retourner en Angleterre. Le récit de son

voyage, très probablement rédigé sur la base d’un manuscrit très important de Daniel Defoe, a été

le sujet d’un long débat concernant sa crédibilité. Il est maintenant reconnu comme un document

de premier rang indubitable pour son époque, encore trop peu utilisé (voir l’ouvrage grand public

de Pearson et Godden 2002).

32 Peter Kneitz

l’existence de ces « lois » (laws) ou plutôt des conventions pour le traitement des

conflits internes dans le contexte amplement décrit par Drury comme équivalent

d’une pratique de cohésion et de solidarité dans les unités sociales données, essen-

tiellement des clans. Ils apparaissent en conséquence comme une périphrase des

idées du fihavanana ou filongoa, sans que pour autant ces termes soient utilisés et

sans que ces observations soient présentées comme étant l’essence de la culture sur

l’île.

En l’absence d’une recherche restant à mener dans les documents malgaches

anciens, il était nécessaire d’avoir recours aux dictionnaires pour relever des réfé-

rences historiques. A titre d’exemple, trois dictionnaires particulièrement connues

ont été choisis : La première référence historique du mot fihavanana est pour l’ins-

tant l’entrée « Parenté » dans le dictionnaire de Webber (1855 : 559), traduite

comme « Fihavánana », et ensuite expliquée en malgache comme « tous les

parents » (ny hávana rehétra). Dans le dictionnaire anglais-malgache de Richard-

son (1885 : 400), on trouve l’expression « Filongoàna », comme mot dialectal

signifiant « amitié » (friendship). Le terme fihavanana n’apparaît ici que comme

faisant partie de la dénomination du rituel « Nòfon-kena mitàm-pihavànana »,

mentionné ci-dessus, et traduit de la manière suivante : « Used of the beef at the

New Year festival given as a mark of respect ; lit. beef maintaining friendship » ;

ibid. : 240). Dans le troisième dictionnaire consulté, l’entrée du mot fihavanana est

accompagnée de la traduction « La parenté, l’amitié, les bonnes relations » (Abinal

et Malzac 1899 : 219). Ces références confirment l’existence historique des termes

fihavanana et filongoa au cours du XIXe siècle, une signification très proche du

fihavanana local d’aujourd’hui, ainsi que la différenciation des deux termes utilisés

dans des espaces distincts et identifiables encore à présent22.

Il est à prévoir qu’une recherche systématique des textes en malgache qui appa-

raissaient à un rythme croissant depuis l’introduction de l’écriture latine et des éco-

les dans le royaume merina durant la première moitié du XIXe siècle, la lecture des

documents de l’oralité (par exemple les textes établis par Callet 1974–1978 [1873–

1902]) et d’anciens documents européens (y compris des dictionnaires) vont per-

mettre d’approfondir encore la connaissance concernant l’usage pré-colonial du

fihavanana. Mais il est difficile de croire qu’une telle étude puisse changer le

constat d’un manque total de considération du fihavanana en tant que terme et

comme sujet important à Madagascar jusqu’au milieu du XXe siècle. Tardivement

et soudainement, après l’indépendance de 1960, commencent une réflexion popu-

22 Une consultation provisoire des autres dictionnaires du XIXe siècle comme ceux de Jospeh Free-

man (1835), Jospeh Stewell (1875) et d’Aristide Marre (1895) a confirmé les résultats.

La paix du fihavanana 33

laire et une recherche scientifique concernant le fihavanana, abordées d’abord par

les auteurs malgaches, comme il sera évoqué ci-dessous.

Vis-à-vis d’un tel constat, il est particulièrement intéressant d’étudier un texte

publié en 1910 par Rasamoely dans le journal d’une mission chrétienne. Il présente

une réflexion sur la manière de gérer les conflits à Madagascar (« Ny rahraraham-

pihavanana », c’est-à-dire « Le traitement des conflits »)23 – le premier article, à

ma connaissance, analysant le fihavanana plus en détail. Ce qui est frappant ici est

le fait que l’auteur regarde le fihvanana comme étant une expression universelle

des relations humaines, comme les conflits, tous deux existant « à Madagascar ou

ailleurs » (manuscrit inédit de Randriamarolaza 2013 : 13). Ce regard, clairement

opposé aux efforts actuels pour présenter le fihavanana comme d’essence malga-

che, n’est-il pas significatif pour le changement important de sa signification ?

Cette esquisse des sources anciennes concernant le fihavanana, évidemment

non exhaustive, permet de faire l’observation suivante : même si la construction

des unités sociales basées sur la solidarité entre les parents est probablement depuis

très longtemps à l’œuvre à Madagascar, le terme et les idées de fihavanana sont

reconnus seulement très tardivement, au milieu du XXe siècle, comme un trait

culturel malgache particulier. Le mot fihavanana (ou filongoa) ne se trouve, d’après

ma connaissance, dans aucun des textes écrits par des Occidentaux, à l’exception

des dictionnaires. L’explication qui s’impose devant ce constat est l’introduction

d’un nouveau registre d’interprétation : au cours du XXe siècle, soudainement, le

fihavanana n’est plus aux yeux des observateurs un comportement naturel et uni-

versel comme auparavant, mais est devenu une particularité de la société malgache.

Deux causes liées semblent expliquer ce changement : la nécessité, aux yeux d’une

grande partie de la population, de se forger une identité nationale dans un Etat

indépendant d’une part, ouvrant la voie à la recherche des « spécificités » malga-

ches (Randrianja 2001), mais aussi, d’autre part, l’expérience d’une nouvelle oppo-

sition entre individualisme moderne et communautarisme de la société malgache.

Le fihavanana revêt ainsi un aspect beaucoup plus « spécifique ». Le paragraphe

suivant va permettre de préciser ce développement historique.

23 Traduction par Louis Randriamarolaza (manuscrit inédit 2013 : 11).

34 Peter Kneitz

Du fihavanana local au fihavanana national : une expansion

en trois étapes

Les quelques indications accessibles concernant l’évolution historique des idées

relatives au fihavanana permettent d’établir un schéma sommaire d’un élargisse-

ment en trois étapes, liant l’espace et l’expansion d’unités politiques, sans pour

autant supposer que ce processus soit dirigé par une dynamique téléologique

(Figure 3).

1re phase : un fihavanana des clans : les clans ou fédérations de clans sont

considérés comme des unités de base à Madagascar depuis son peuplement tardif,

au moins jusqu’au début du deuxième millénaire chrétien24. Randrianja et Ellis ont

ainsi offert la vue suivante de la situation sociopolitique au début de la civilisation

malgache : « Des petites communautés étaient souvent composées de plusieurs

groupes distincts organisés autour de la notion de parenté (fihavanana), affirmant

que leurs connexions sociales étaient soutenues par un ordre naturel » (ibid. :

2009 : 42, traduction par l’auteur). De cette présentation, il est possible de déduire

l’existence d’un nombre considérable d’unités sociales basées sur l’idée du fihava-

nana, mais avec des variations importantes selon l’origine très diversifiée des immi-

grants et un processus d’immigrations hétérogène.

Vu l’existence des projections anachroniques et idéalisées depuis l’indépendan-

ce (voir par exemple Rafolisy 2008 : 73ff.), il est à souligner que l’hypothèse avan-

cée ci-dessus du fihavanana ancien ne réclame pas l’existence d’une île harmo-

nieuse, même si une solidarité à l’intérieur des clans, fortement appréciée et forcée,

est évidente. En dehors de la situation esquissée précédemment, il faut remarquer

que la plupart des questions concernant la situation du fihavanana de cette époque

restent encore ouvertes : quels ont été les termes utilisés durant l’époque lointaine ?

Comment les idées de la solidarité de parenté étaient-elles formulées, et avec quelles

différences régionales ? Comment encore le fihavanana se pratiquait-il sans réfé-

rences aux zébus, aujourd’hui élément essentiel des rituels et des actes symboliques

liés à l’expression de l’unité sociale, mais introduit tardivement au cours de

l’immigration (Randrianja et Ellis 2009 : 32) ?

2e phase : le fihavanana dans le contexte des empires malgaches : après le

début du deuxième millénaire, un développement vers la construction « des Etats

24 Les connaissances des sociétés à Madagascar avant 1500 restent souvent imprécises et difficiles à

établir. Un peuplement très tardif après le début de l’ère chrétienne est reconnu d’après les recher-

ches établies (Randrianja et Ellis 2009 : 17ff.). Ces derniers temps, des résultats des recherches

archéologiques ont été présentées, révélant pourtant un peuplement du type « chasse et cueillette »

remontant jusqu’à 2 000 ans avant l’ère chrétienne (Dewar et al. 2013).

La paix du fihavanana 35

primaires » (early states)25 à Madagascar est clairement visible. Les anciens clans

indépendants, d’origines différentes, sont de plus en plus soumis aux dynasties qui

se proclament supérieures (Kent 1970, Randrianja et Ellis 2009). Le recours aux

concepts de solidarité basée sur la parenté, déjà existante dans le cadre de cette

dynamique envers des sociétés plus complexes, semble très probable, mais il est

difficile de le prouver eu égard au manque de documents explicites. Les traditions

orales collectées dans L’histoire des rois d’Imerina (Callet 1974–1978 [1878–

1902]) incluent pourtant des indications concernant l’existence de relations entre

l’Etat, les sacrifices des zébus et l’établissement d’un consensus social, remontant

au gouvernement du roi Ralambo à la fin du XVe siècle (Delivré 1974 : 147ff.,

19ff.). Avec l’avènement d’un royaume merina vers 1800 sous le règne du roi

Andrianampoinimerinan, il devient encore plus facile de prouver qu’un élargisse-

ment du fihavanana clanique s’est véritablement opéré (voir aussi les indications

dans Rafolisy 2008 : 77ff.). Un argument particulièrement clair est le rituel du

nofon-kena mitam-pihavanana, introduit ci-dessus, utilisé dans le cadre des céré-

monies annuelles du « bain royal » (fandroana) du roi merina pour réaffirmer sa

légitimité et l’ordre social26.

La mise en scène de ce fihavanana royal est accessible grâce à des descriptions

faites dans les documents historiques. Le jour après le bain, comparable au premier

jour du Nouvel An, est sacrifié un zébu au palais royal dont la viande est ensuite

distribuée aux représentants des unités sociales les plus importantes du royaume.

Puis, « [le peuple abat des bœufs] dans les villages de campagne […] à son tour »

(Molet 1956 : 22), suivant l’exemple de la cérémonie royale. Molet (ibid. : 23)

ajoute : « La viande est répartie sur une natte en autant de petits tas qu’il y a de

parents et d’amis. […]. La viande ainsi distribuée s’appelle nofon-kena mitam-

pihavanana, ‘viande qui tient la parenté’, et, il est aussi indispensable de l’envoyer

que de l’accepter. La quantité importe bien moins que l’intention […] ». Selon cette

description, le nom de nofon-kena semble être spécifiquement utilisé pour dénom-

mer les cérémonies secondaires dans la population. L’événement décrit montre clai-

rement qu’en dépit de l’affirmation d’une solidarité clanique ou locale, il s’agit

d’une expression de la solidarité de toute la population aux frontières du royaume.

Le royaume merina devenant plus tard le noyau d’un Etat colonial puis d’un Etat

moderne, le processus esquissé autour du fihavanana au centre de l’île a une impor-

25 Un terme établi par les travaux d’Henri Cleassen.

26 Il s’agit d’un véritable bain du roi mis en scène devant une audience attentive (même si le corps du

roi reste caché derrière un rideau), mais accompli comme un acte officiel et avec une signification

hautement symbolique.

36 Peter Kneitz

tance particulière, comme en témoignent l’usage du mot fihavanana et l’intégration

du rituel nofon-kena dans la pratique de la République.

3e phase : le fihavanana national (fihavanana gasy)27 : les colonisateurs fran-

çais ont établi pour la première fois une unité politique comprenant l’île de Mada-

gascar dans toute son étendue territoriale. Les germes du développement d’une

identité malgache sont introduits par les idées nationalistes, venant aussi d’Europe,

consolidées en même temps par l’expérience d’événements graves laissant des tra-

ces profondes dans les mémoires, comme les insurrections contre le régime colonial

nommé Menalamba et surtout l’insurrection de mars 1947 (Ellis 1998, Randrianja

et Ellis 2009 : 173ff.). Il est à noter que l’opinion des Malgaches concernant le

fihavanana au temps colonial est très peu connue. Une exception remarquable se

trouve chez un jésuite malgache, Rahajarizafy, qui écrivit en 1938 un texte insistant

sur l’indépendance et la particularité d’une identité malgache, incluant aussi des

références sur le fihavanana (publié tardivement en 1950). Lui (idem 1970) et quel-

ques autres intellectuels catholiques (voir discussion des publications catholiques

en Raharilalao 1991 : 125ff.) ont, semble-t-il, constitué un premier cercle d’auteurs

percevant le fihavanana comme un sujet intéressant (tant pour l’Eglise chrétienne

que pour la question de l’identité malgache) dans les années suivant l’indépendance

jusqu’au début des années 1970, période encore fortement influencée par les

anciens colonisateurs. Les chrétiens catholiques sont donc à considérer comme les

précurseurs d’un discours encore timide du fihavanana.

Dans les années suivant la rupture politique de 1972, deux périodes caractéri-

sées par une dynamique envers un fihavanana national sont perceptibles : durant

la première période, distinguée par un repli à l’intérieur, la recherche des valeurs

spécifiquement malgaches et la construction consciente d’une identité nationale

sont au premier plan28. L’importance du fihavanana est popularisée en tant que

particularité malgache (par exemple par Razafimpahanana 1972 ou Ramasin-

draibe 1978). L’intégration visiblement profonde de cette idée par la majorité de la

population a abouti – dans la seconde période – à une formalisation et officialisa-

tion, surtout remarquables dans les constitutions de la jeune démocratie, et à l’inté-

gration du fihavanana dans la rhétorique politique. Dans la troisième constitution

de la République de Madagascar, reformulée après la chute de Didier Ratsiraka,

27 Une analyse très utile d’un processus liant « nation et fihavanana » (avec un regard particulier sur

l’impact du christianisme) a été élaborée par Galibert (2009 : chapitre 3, 97–140).

28 La quête de la Nation Malgache s’est certainement basée – paradoxalement – sur la formule fran-

çaise et son savoir-faire de la Nation, de l’Etat et de l’identité (et en cela sur des idées européens y

afferent), comme le suggère F. Raison-Jourde (cf. Avant-propos) et aussi Maurice Bloch (communi-

cation personnelle, 2014) qui considèrent le fihavananana gasy en parallèle avec la devise

« Liberté, Egalité, Fraternité » Ceci constitue une piste de recherche à suivre.

La paix du fihavanana 37

apparaît pour la première fois le terme fihavanana en tant que base du vivre-ensem-

ble à Madagascar. Le « peuple malgache » reconnaît, selon le préambule, le

« dynamisme des valeurs éthico-spirituelles et socioculturelles, notamment le ‘fiha-

vanana’ et les croyances au Dieu Créateur » (Constitution du 19 août 1992). Dans

les reformulations ultérieures, cette phrase n’est pas seulement conservée, elle est

également de plus en plus élargie, d’une manière particulièrement forte pendant les

négociations préparatrices de la quatrième constitution en 2010 (voir des détails

dans la contribution de M. Rosés)29.

Le poids de la notion du fihavanana dans le cadre de l’Etat actuel s’est encore

alourdi par la création des deux structures prenant appui directement sur les idées

relatives au fihavanana malagasy. D’une part, en 2010, une nouvelle structure

nommée les « Raimandreny Mijoro » (litt. « Les pères et mères responsables de la

prière », avec le sens « Les notables honnêtes, des sages ») est institutionnalisée, en

intégrant des représentants de la société civile au niveau national et dans les 119

districts30. La vocation de cette institution – décrite dans la presse comme une des

« principales entités de la Société civile premièrement concernées par la mise en

place du Conseil pour la réconciliation malgache malgache » (L’Express de Mada-

gascar 12.11.2013) est la réconciliation au niveau politique à toutes les échelles.

Jusqu’alors elle n’était active principalement qu’au niveau national.

Plus important encore, le nouveau « Comité de Réconciliation Malgache »

(CRM) ou « Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy » (FFM), organisé depuis

mars 2013 dans le cadre des préparations aux élections (Madagascar-Tribune

08.03.2013). Le CRM est un conseil composé de 45 membres, mentionné dans la

quatrième constitution comme élément nécessaire de la transition, pour garantir

un bon déroulement des élections (Constitution du 11 décembre 2010, Art. 168).

Son but est de garantir le fihavanana dans la société et surtout de prendre soin

d’une réconciliation des courants divergents politiques (Loi n° 2012-010, titre II).

Il « se définit comme un précepte reposant sur tout mécanisme de solidarité, destiné

à rétablir la paix, la concorde et l’unité nationale, sur la base des réalités histori-

ques, économiques et sociopolitiques malgaches […] » (ibid., titre premier).

Les deux institutions sont explicitement mentionnées dans la « Feuille de

route », le document phare du processus politique en cours depuis 2011, comme

prenant part, à côté d’autres encore, à la réconciliation nationale, au « suivi et au

contrôle national de l’application de cette feuille de route » (Feuille de Route

29 Le statut de cette constitution, acceptée par plébiscite le 17.11.2010, reste encore flou. Il doit être

précisé par le futur gouvernement, car la légitimité des institutions durant cette période est res-

treinte.

30 Selon des informations recueillies pendant mes terrains à Madagascar en 2010.

38 Peter Kneitz

19.09.2011). Pour l’instant, pourtant, c’est surtout le CRM qui s’est fait entendre.

Son Président actuel, le général Sylvain Rabotoarison, a par exemple dernièrement

(fin novembre 2013) invité les deux candidats admis au second tour de la présiden-

tielle, Hery Rajaonarimampianina et Jean Louis Robinson, pour qu’ils partagent

avec le peuple « leur perception et conception de la réconciliation nationale »

(Madagascar-Tribune 26.11.2013). Le poids expressivement donné au fihavanana

semble être plus lourd que jamais.

En même temps et en dépendance avec les courants sociopolitiques décrits ci-

dessus, la rhétorique politique a commencé à percevoir la référence au fihavanana

de plus en plus comme une possibilité intéressante d’établir une communication

avec la population. Cela est particulièrement visible pendant la présidence de Rava-

lomanana (2002–2009), un homme qui s’est appuyé fortement sur le milieu chré-

tien (en particulier protestant) et qui était certainement bien familier avec le terme

fihavanana depuis longtemps (Raison-Jourde et Raison 2002 :10, Galiber 2009 :

126). L’impact de ce terme dans le débat politique a été étudié récemment, plus

précisément par Jackson :

« Quite overtly, fihavanana has been the term used as a rallying cry especially in post-

independence struggles such as the 1972 nationalist project of Malgachization. In cam-

paign speeches the loss of fihavanana has become a catch-all phrase invoked to refer to

the ‘community’ that suffered and needed to be rekindled as one, thus binding the

national political consciousness of all Malagasy. In this framework, political orators

invoke fihavanana either by speaking of it as an objective reality or by deploying an

explicit reference to gasy-ness against something foreign. […] Today, the essentializing

social imaginary found in tropes of fihavanana that politicians and their pundits use is

part of a utopian ideal of democratic and moral community […]. » (Jackson 2013 : 126)

Les trois phases de la dynamique du fihavanana élaborées ainsi montrent la capa-

cité à s’adapter aux importants changements socioculturels au cours du temps.

Cette force est liée à un trait particulier de la notion du fihavanana, déjà indiqué

auparavant : il est possible d’ajouter aux noyaux de la famille proche du sang

(havana) des cercles de « parents » sans limites. Le succès du dernier élargissement

à un niveau national – l’établissement d’une société à vocation paisible – montre

l’impact de cette nouvelle transformation de la société, liée au fihavanana. Avant

de nous tourner plus précisément vers ce point, abordons la question de l’histoire

des recherches autour du fihavanana et de ses résultats jusqu’à présent.

La paix du fihavanana 39

Figure 3 : Histoire schématique du fihavanana en trois phases

3. La découverte du fihavanana

La recherche du fihavanana est pourvue d’une contradiction substantielle : elle ne

commence que très tard, mais réclame pourtant que ce dernier soit une valeur mal-

gache substantielle et ancienne. Cette situation reflète, comme suggéré ci-dessus, le

changement sociopolitique dans un Madagascar en voie de devenir un Etat

indépendant : le souci nouveau de définir une identité malgache, mais aussi le sen-

timent général d’une menace de la cohésion sociale ont vraisemblablement stimulé

la découverte du fihavanana comme base de la vie malgache. Ce mouvement a été

suivi en même temps par la découverte scientifique de la solidarité malgache.

Si l’on procède maintenant par ordre chronologique, il convient tout d’abord

de préciser que le sujet du fihavanana n’est pas abordé dans l’ère pré-coloniale et

coloniale, même dans des publications dont le but est d’élaborer des éléments de

base d’une psychologie malgache (par exemple Mannoni 1948, mais aussi, déjà

pendant l’indépendance, Molet 1967). Le choix d’un tel sujet s’est fait entendre, à

1re

phase : Fihavanana limité aux clans ou aux fédérations de clans

(depuis le peuplement de Madagascar)

clan clan clan

_______________________________________________________________________

2e

phase : Fihavanana limité aux royaumes

par exemple le royaume merina

_________________________________________________________________________

3e

phase : Fihavanana national (depuis ca. 1960)

République de Madagascar

= clan, unité locale

terroir élargi du fihavanana (région, province)

40 Peter Kneitz

l’exception d’un ouvrage pionnier, petit à petit à partir des années 1960, et cela

dans le cadre de trois perspectives.

Les premiers textes étudiant plus précisément le fihavanana sont écrits des plu-

mes des intellectuels catholiques, qui recherchent des possibilités pour développer

une théologie spécifique malgache. Le premier travail accessible de ce genre est,

d’après mes connaissances, celui de Rahajarizafy (1950 ; dont il existe une version

antérieure de 1938), un texte vu par « ses supérieurs » comme « un manifeste

nationaliste » (Rajaonah 2008 : 89). Cette découverte du fihavanana est décrite

comme un amalgame entre le christianisme, surtout de la part des catholiques, et

des idées nouvelles du patriotisme et d’une libération malgache (ibid. : 85ff.). La

discussion particulière d’un fihavanana chrétien devient plus visible durant les pre-

mières années après 1960 (par exemple Rakotozafy 1965 ; cf. la compilation des

références et citations par Raharilalao 1991 : 126ff.) et continue à l’être jusqu’à

aujourd’hui, représentant un corpus à part, dominé par des auteurs malgaches

(quelques exemples récents : Ramaroson 1997, Spindler 2003, Randriamahefa

2009, Randrianary 2010). La dissertation de l’Hilaire Raharilalao (1991), mettant

en avant une herméneutique de la réconciliation chrétienne, est devenue une réfé-

rence majeure dans le cercle catholique et chrétien à Madagascar (Galibert 2009 :

124). L’auteur, qui a développé ses perspectives dans de nombreux textes ou com-

munications (par exemple Raharilalao 1979, 1990), est estimé dans des cercles

politico-chrétiens intellectuels comme voix importante du fihavanana, comme le

montre l’invitation pour une communication récente dans le cadre de la nouvelle

institution politique « Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy » (FFM)31. Cer-

tains des auteurs chrétiens ont considéré l’importance du fihavanana telle qu’ils ont

élaboré des analyses « essentialistes » du fihavanana, mettant de côté le regard

chrétien (Rahajarizafy 1970, une partie de la dissertation du Raharilalao de 1991

et surtout l’œuvre du missionnaire Dubois, notamment ses publications des années

1978, 2002 et 2005). Les dernières analyses poussent très loin la compréhension

de la signification et de la logique culturelle sous-jacente.

Mais, à partir des années 1970 (avec l’exception de Ramasindraibe 1962),

apparaissent pour la première fois aussi des travaux d’auteurs moins liés à une

argumentation chrétienne, examinant le fihavanana comme inhérent à la culture

ou plus précisément à la nation malgache, souvent proches d’une analyse de la

conception « socialiste » de la communauté villageoise, le fokonolona (Razafim-

pahanana 1972 ; l’œuvre de Ramasindraibe, surtout son livre « Ny fihavanana »

du 1971 ou encore son manuel scolaire du 1978). Ces publications sont clairement

31 Hilaire Raharilalao a aimablement placé ce texte à disposition pour ce recueil.

La paix du fihavanana 41

liées à la dynamique sociopolitique de cette période, mettant l’accent sur une mal-

gachisation et une socialisation authentique, pour faire oublier les effets de la colo-

nisation (voir par exemple l’analyse du Raison-Jourde 1991–1992 sur ce point).

Le travail de Ramasindraibe étant analysé plus tard en détail par la contribution

de Faranirina Rajaonah, nous pouvons citer ici plus amplement l’exemple du Raza-

fimpahanana, un sociologue, afin d’avoir une idée sur cette époque.

Ce dernier considère le fihavanana comme « valeur par excellence de cette

société [malgache] » (Razafimpahanana 1972 : 46), comme il l’a souligné plusieurs

fois. Le lien avec l’identité est ensuite clairement expliqué, sur un ton presque

menaçant : « Le fihavanana est une valeur de la société malgache et s’impose à tout

Malgache qui veut se considérer comme tel » (ibid. : 47). Celui qui n’accepte pas

le fihavanana, ressort-il de cette affirmation, n’est pas Malgache. Il est particuliè-

rement intéressant de comparer ces réflexions avec un autre travail du même

auteur, paru quelques années auparavant. Dans sa thèse publiée en 1967 et analy-

sant la perception du monde traditionnel dans la région d’Imerina (la région du

centre de Madagascar), il constate, en utilisant la forme du passé : « On dit que les

Merina étaient solidaires dans la société traditionnelle » (Razafimpahanana 1967 :

155). Et il précise plus loin que certes « la solidarité est de règle entre les divers

membres du groupe [dans des villages reculés] » (ibid.), mais que dans la société

en général « le ‘chacun pour soi’ devient le credo de la vie sociale » (ibid. : 156).

« Pour des Merina cultivés », affirme-t-il, « la solidarité n’est que l’arme des fai-

bles, des médiocres » (ibid.). Ce résultat est confirmé par une analyse statistique

autour des valeurs, qui donne pour le terme « solidarité » une « motivation plutôt

positive » (ibid. : 155). Le revirement soudain de l’opinion de cet auteur exprime

certainement la découverte du fihavanana et l’importance donnée à cette idée pour

l’affirmation de l’unité malgache dans le milieu intellectuel de son temps.

En même temps, enfin, s’ouvre aussi un troisième regard sur le fihavanana : le

constat de son existence et son analyse à travers des travaux ethnologiques et socio-

logiques, pourvus d’un regard plus neutre et d’une approche plus rigide. Il est pos-

sible de distinguer deux perspectives. D’une part, la perception du fihavanana se

fait dans le cadre des analyses d’un milieu local où il apparaît comme un élément

parmi d’autres pour rendre compréhensible le monde rural observé. Une des pre-

mières publications de ce genre a été présentée par Fauroux (1974 ; mais voir aussi

Serre-Ratsimandisa 1978 et Ralambo 1984). L’auteur décrit le fihavanana comme

une « idéologie solidariste » (ibid. : 7). Il observe pour la région au cours de ses

travaux de terrain (le Vakinankaratra au centre de Madagascar) un élargissement

42 Peter Kneitz

du fihavanana du clan (foko) au village (fokonolona), en même temps que « la

hiérarchisation extrême » (ibid.) dans le passé est en train de s’éroder32.

D’autre part, et de manière beaucoup plus accentuée, on trouve des interpré-

tations critiques du fihavanana, dans lesquelles les auteurs s’opposent à la version

populaire d’une société parfaitement harmonieuse, comme Dez (1981), puis Beau-

jard (1995), et plus récemment Galibert (2009 : Chap. 3) ou Rasamoelina (2012),

mais aussi dans d’autres travaux comme ceux de Sandron (2008 : 511), qui à son

tour dénonce les tendances d’une présentation trop idéalisée et favorise une inter-

prétation « utilitariste ». Ils y ajoutent encore des essais critiques de certains mis-

sionaires comme Alexandre (2003, 2007) et Urfer (2012 : 123ff.). Ces travaux de

la déconstruction d’une image d’un fihavanana utopique sont certainement très

importants dans le sens où ils dissuadent d’adhérer naïvement à une vision super-

ficielle de la société malgache excluant une réalité très différente : celle des conflits

profonds, qui, étant très difficiles à évoquer en public, cherchent des voies souter-

raines, comme la jalousie et les intrigues, ou encore incluant une perversion du

fihavanana comme « parasitisme » (Urfer 2012 : 123), et même les violences de

toutes sortes, mettant en œuvre une justice populaire et des éclats épidémiques

contre des immigrants.

Si l’on regarde les publications à vocation anthropologique de la période

1970–2000, dominées d’ailleurs par les étrangers, il devient pourtant clair que le

fihavanana n’est pas encore considéré comme étant une pratique particulièrement

importante, mais qu’il reste un fait parmi d’autres, subordonné, dans des études

spécialisées. Dans la monographie devenue classique de Maurice Bloch publiée en

1971 (Placing the Dead), l’auteur explique par exemple les idées du havana (paren-

té) et du fianakaviana (famille) dans les villages observés (ibid. : 58–68) – mais le

terme fihavanana n’est pas même mentionné33. Il en est de même dans les publica-

tions postérieures de Bloch, mais aussi par exemple dans la monographie de Feeley-

Harnik (1991), présentant les résultats de recherches menées au début des années

1970. Cette absence de l’évocation du fihavanana dans les monographies détaillées

en anthropologie sociale continue jusqu’à maintenant (quelques exemples : Sharp

1993, Goedefroit 1998, Lambek 2002, Emoff 2002, Graeber 2007, Cole 2010).

Cette situation semble indiquer que l’existence de l’idée de solidarité s’impose

beaucoup moins dans le quotidien que la dénomination redondante dans la litté-

32 Des analyses semblables sont certainement encore à trouver dans les recherches effectuées par

l’Orstom (aujourd’hui IRD), l’institution française de la recherche très importante à Madagascar.

Voir la contribution de F. Sandron pour des informations supplémentaires.

33 Plus tard il introduit l’expression havana mpifankatia, les « parents artificiels » (artificial kinsmen

ou cooperative havana ; Bloch 1971 : 100–101).

La paix du fihavanana 43

rature présente le laisse entendre : la référence au fihavanana se fait souvent indi-

rectement, dans le cadre de rituels. Elle est aussi l’expression du choix d’une pers-

pective plutôt locale, usuelle en anthropologie sociale, moins concernée par le

fihavanana gasy. En somme, dans cette rétrospective il semble que le fihavanana

comme valeur consubstantielle à Madagascar ait été reconnu par les auteurs occi-

dentaux plutôt par le détour d’une position critique et presque à « contrecœur »,

s’expliquant peut-être par leur méfiance à l’égard des utopies de paix, censées

n’avoir aucun fondement dans un monde dominé par la violence.

Jusqu’à la fin du millénaire, des publications qui prennent au moins note du

concept de fihavanana sont encore très rares, même si par exemple Françoise Rai-

son-Jourde (1991–1992 : 686–690) fait allusion à son rôle dans l’imaginaire de la

jeune république dans un article paru au début des années 1990 et, un peu plus

tard, Randriamarolaza (1995 : 378) présente dans un article à ses lecteurs en quel-

ques remarques la contribution du fihavanana à la démocratie malgache. Particu-

lièrement intéressante pour l’ouvrage présenté ici est l’interprétation par cet auteur

du « fihavanana (ou filongoa dans certaines régions) » comme « processsus paci-

ficateur de relations humaines appuyé sur un dosage idéologique subtil d’égalita-

risme et d’inégalités […] » (ibid.). Une autre exception est le travail remarquable

d’Ottino (1998), vraisemblablement la première analyse en anthropologie sociale

situant la notion du fihavanana (parmi d’autres concepts de parenté) dans l’hori-

zon élargi de la construction malgache de la parenté, affirmeant ainsi son impor-

tance pour la compréhension de la société concernée. Mais les résultats de ces quel-

ques travaux singuliers, d’ailleurs centrés sur d’autres perspectives, restaient à cette

époque un champ de recherche exploré uniquement par les spécialistes, encore loin

des références quotidiennes au fihavanana apparues ensuite.

Depuis quelques années, pourtant, cette situation a sensiblement évolué : le

recours au terme fihavanana est soudainement devenue presque un standard pour

caractériser la société malgache et sa particularité. La référence au fihavanana

apparaît dans le cadre des recherches aussi différentes que – pour énumérer quel-

ques exemples – le gender (Nordman et Vaillant 2013), l’analyse du sport (Claverie

2011) et de la psycho-médecine (Bryden 2007), la « gestion durable de

l’environnement » (Méral et Requier-Desjardins 2006), l’économie (Hugon 2005),

la protection de l’environnement et le développement (Keller 2009, Fritz-Vietta et

al. 2011), l’anthropologie juridique (Rosés Tubau 2006), l’identité nationale

44 Peter Kneitz

(Späth 2013) et les analyses politiques (Roubaud et Wachsberger 2006) ou encore

la rhétorique démocratique à Madagascar (Jackson 2013)34.

Mais, hormis ces publications « référentielles », sont menées aussi, pour la pre-

mière fois, des investigations en dehors du champ « essentialiste » du fihavanana

noté ci-dessus. Particulièrement instructif est le regard sur le fihavanana comme

mode d’organisation socio-économique à l’échelle locale et sa dynamique dans plu-

sieurs publications par les économistes Frédéric Sandron et Frédéric Gannon (par

exemple Gannon et Sandron 2003 et 2006, Sandron 2007 et 2008), qui précisent

ici l’idée d’une analyse de l’entraide, importante dans des villages, et remontant

déjà à plusieurs décennies (Condominas 1991 [1961] : 149ff.). Ces travaux per-

mettent, pour la première fois, de préciser l’aspect économique du fihavanana, « les

rapports coûts-bénéfices » (Sandron 2008 : 511), confirmés par des données empi-

riques, jusqu’alors inaccessibles. Une deuxième approche importante est l’applica-

tion de la théorie socio-économique du « capital social » au fihavanana (Sirven

2003 et 2005, Andriananja 2005)35. Ces travaux, quant à eux, permettent d’avoir

un regard plus général, ne se contentant plus d’une classification dominante du

fihavanana comme trait spécifiquement malgache.

A la fin de ce parcours diachronique, il reste à reconnaître – dans le cadre d’un

ouvrage centré sur l’aspect consensuel – l’existence de publications récentes met-

tant de plus en plus en valeur un fihavanana vu comme référence pour la solution

des conflits à tous les niveaux de la société malgache (Travis 2006, Andriamalala

et Gardner 2010, Gastineau et al. 2010, Mücke 2010, Radanielina-Hita 2010,

Fritz-Viette et al. 2011, Seagle 2012). Les analyses politiques du Hauge (2010,

2011) sont particulièrement intéressantes, car elles tentent de mettre en avant

l’importance du fihavanana pour une gestion constructive des conflits au niveau

de l’Etat (« constructive conflict management », Hauge 2011 : 515, 526) à Mada-

gascar. L’auteur parvient, dans ses travaux basés sur des observations générales de

la politique postcoloniale, au même constat soutenu ici, à savoir que le fihavanana

est prépondérant pour empêcher un glissement vers la violence ouverte. Le même

constat apparaît également comme un fait évident dans une analyse politique

récente de la crise malgache pour le congrès américain (Ploch et Cook 2012). Mais

tous ces travaux jettent jusqu’à présent seulement un regard très superficiel sur

l’impact du fihavanana dans la résolution des conflits à Madagascar.

34 Dans des contributions du journal scientifique malgache Taloha, il est possible de localiser un

nombre important de références additionnelles (www.taloha.info).

35 F. Gannon fait plus tard le point concernant cette approche.

La paix du fihavanana 45

D’une approche essentialiste à une approche plus large

Quel est le fruit de ces travaux, constituant depuis quelques années un corpus

important ? Il faut constater une situation ambivalente. Il est nécessaire de recon-

naître la valeur d’une analyse profonde du genre « essentialiste » du fihavanana

(d’une manière particulièrement marquée par Raharilalao 1991 et Dubois 2002)

qui a permis un accès à sa signification. Sont également primordiales l’approche

critique et de déconstruction face aux exagérations d’un fihavanana idéalisé (Dez

1981, Galibert 2009), mais aussi les recherches mettant en valeur l’importance

socio-économique au niveau local (les travaux de Gannon et Sandron). L’interpré-

tation en tant que capital social, mais aussi, récemment, comme aspect important

d’une rhétorique nationale et politique (Raison-Jourde et Raison 2002, Jackson

2013), ont ajouté encore des horizons d’analyses nouvelles et prometteuses.

En revanche, un nombre de lacunes et même de tendances problématiques est

à constater : tout d’abord, il manquait jusqu’ici, en dehors de quelques allusions

dispersées, un regard systématique sur le phénomène fihavanana, mais aussi sur sa

dynamique historique en prenant en compte des variations. Etant donné que cette

présentation du fihavanana suggère au moins indirectement l’existence d’un fiha-

vanana uniforme et stable, elle se prête à une compréhension anachronique et nos-

talgique, ouvrant aussi la porte à une confusion possible entre les diverses signifi-

cations du fihavanana.

L’attitude « déconstructiviste » et critique du fihavanana, quant à elle, est une

vue incomplète : l’accent sur la mise en scène d’une société paisible qui cache la

vérité des conflits et même des violences donne l’impression au lecteur que le fiha-

vanana est essentiellement un théâtre. Mais cette approche, aussi précieuse soit-elle

avec son accent mis sur la violence structurelle et invisible, ne prend pas en compte

la dimension ouvertement émotionnelle du fihavanana, qui est loin d’être un calcul

purement utilitaire. Et elle omet surtout que le discours du fihavanana populaire à

Madagascar n’est finalement que l’expression d’une norme, d’une moralité, qui

doit nécessairement aspirer à un comportement idéal, sans qu’elle prétende pour

autant y parvenir dans la réalité de la pratique sociale (mais noté pourtant par

Alexandre 2003 : 47 qui préfère le terme « utopie »). La part réelle du fihavanana

dans la construction d’une société paisible, mais aussi dans le tournant historique

d’une île belliqueuse vers la paix a ensuite échappé à l’attention des chercheurs.

Le présent recueil envisage vis-à-vis d’un tel constat de suggérer des perspecti-

ves plus complètes, comme il a été noté auparavant. En dehors des analyses élabo-

rées dans les contributions à venir et l’approche systématique de l’introduction éla-

46 Peter Kneitz

borée jusqu’ici, il s’avère important d’approfondir par la suite le tournant en faveur

de la paix à Madagascar et ses liens avec la notion du fihavanana.

4. De la guerre à la paix : Fihavanana et la naissance d’une société

paisible à Madagascar

Dans la rétrospective, la transformation de l’île de Madagascar guerrière en une

société dominée par la moralité du consensus est tellement frappante que l’on

devrait se demander pourquoi elle n’a jamais été mise en avant. De même, on pour-

rait s’interroger sur la raison pour laquelle, dans l’imagination populaire (c’est-à-

dire dans l’espace public et dans certains milieux sociaux) et quelquefois même

dans des travaux de la vocation scientifique (voir la dissertation de Rafolisy 2008 :

73ff.) depuis l’indépendance, le passé est présenté comme une époque paisible sur

toute l’île – en contradiction ouverte avec les conflits violents qui s’y sont succédés,

toujours présents dans la mémoire orale. La tâche de l’analyse suivante consiste en

premier lieu à suivre ce tournant à travers le temps et à l’aide d’une sélection

d’exemples, pour ensuite le rendre compréhensible en le mettant en relation avec

la notion de fihavanana et sa dynamique. Arrivé à ce point, sera-t-il possible

d’avancer des réponses aux problèmes exposés ci-dessus ?

« Le temple du Janus n’est jamais clos »

L’observation des guerres quotidiennes à Madagascar dans l’époque pré-coloniale

va finalement de soi : il suffit de regarder presque n’importe quelle publication tou-

chant cette période pour y trouver des indications suffisamment claires confirmant

que la vie était vue comme « un combat d’hommes (au sens d’affrontement

acharné) » (ady lahy ny fiainana, Ottino 1998 : 12), une sentence s’opposant clai-

rement à celle qui proclame « douce est la vie » (mamy ny aina ou mamy ny miains,

voir Dez 1981 : 22), tant proférée aujourd’hui. Pour permettre de mieux situer la

rupture intervenue dans cette longue tradition, mais aussi pour exposer un phéno-

mène qui n’a jamais été analysé explicitement, il est souhaitable de présenter

d’abord quelques détails sélectionnés dans le cadre limité de cette contribution.

Une méthode possible de collecte d’informations sur la situation des guerres

pré-coloniales consiste simplement à se rendre sur le terrain. Dans l’Ouest, la

région qui m’est la plus familière, il est possible d’y trouver partout, encore

aujourd’hui, des indications ouvertes ou cachées concernant les multiples guerres

La paix du fihavanana 47

menées pendant plus d’un demi-siècle entre le royaume merina et la chaîne des

royaumes sakalava à l’Ouest, au XIXe siècle, mais aussi des éléments d’une mémoi-

re (au sens large) des guerres d’expansion des dynasties sakalava. Mis à part des

souvenirs oraux, thématisant directement certains événements, on trouve des inter-

dits sacralisés (fady), par exemple l’interdiction pour les membres de l’ethnie

merina d’avoir accès à certains endroits, surtout les résidences et les reliquaires

(doany) des rois sakalava, ou des lieux de combat. On trouve aussi exprimé dans

des rituels, par exemple la danse rituelle rebika dans le cadre du « bain des

reliques » (fanomoabe, fitampoha), des royaumes sakalava du Nord-Ouest, une

sorte de simulacre de combat, ou même simplement via les armes royales gardées

comme des objets sacrés dans les résidences (Kneitz 2003 : 250).

Plus facile et plus proche des époques historiques est la lecture du corpus

impressionnant des textes, écrits après l’arrivée des Européens au XVIe siècle : les

nombreuses observations sont très claires à ce sujet, même si l’on tient compte des

nombreux problèmes d’une interprétation des documents historiques et des faits

signalés. Dans l’ensemble, ils décrivent une île où de nombreux souverains, souvent

parents, se sont enfoncés dans une lutte incessante les uns contre les autres, dans

des alliances toujours changeantes, pour gagner la suprématie locale ou régionale,

conduisant à une spirale de la violence et de la contre-violence (parmi les premiers

témoins se trouve Da Souza en 1557 et Lopez en 1583, cf. Grandidier et Grandidier

1903 : 99 et 147 ; l’Allemand Megiser 1609 : 23–25 ; Louis Mariano en 1616, cf.

Grandidier et Grandidier 1904 : 9, Hamilton en 1640, cf. Grandidier et Grandidier

1905 : 6, Yves en 1754, cf. Grandidier et Grandidier 1907 : 254).

Loin de pouvoir présenter les nombreux passages significatifs qu’énumère un

examen superficiel des documents accessibles, il suffit ici de regarder à titre d’exem-

ple une brève sélection de témoignages particulièrement intéressants, enrichis par

quelques observations de recherche. D’abord, il sera question de l’importante des-

cription de Madagascar laissée par Etienne Flacourt, le gouverneur français d’une

première tentative colonisatrice au milieu du XVIIe siècle dans le sud-est de Mada-

gascar. Les Français s’étaient impliqués pendant des années dans de nombreuses

guerres locales. Dans Histoire de la Grande Ile de Madagascar, Flacourt (1995

[1661]) évoque, parmi beaucoup d’autres sujets, la guerre et ses particularités,

visant à la destruction complète de l’adversaire, en se prononçant comme suit :

« En guerre, cette nation ne sait ce que c’est que se battre en champ de bataille, […] ils

attaquent le village de leur ennemi en l’environnant de tous côtés, en faisant tous des

cris horribles et effroyables, et entrent ainsi dans le village, en tuant grands, petits,

femmes, filles et vieillards, sans épargner les enfants qui sont à la mamelle qu’ils déchi-

rent en pièces comme bêtes enragées, puis quand la grande fureur est passée, ils em-

48 Peter Kneitz

mènent esclaves tout ce qu’ils trouvent et peuvent prendre ; mais les enfants du Grand

sont tous tués […] de peur que les descendants ne se puissent quelque jour venger sur

les leurs […]. » (Flacourt 1995 [1661] : 178)

Plus tard, il explique les causes des guerres en recourant à une psychologie de la

jalousie et parvient à une prédiction prophétique :

« Il y a beaucoup de Grands en cette terre qui ne font point la guerre à leurs voisins pour

avoir été par eux offensés, mais seulement à cause qu’ils ont bien des bœufs et qu’ils sont

riches, disant hautement que ceux là sont leurs ennemis qui ont beaucoup de bœufs. […]

Ainsi, c’est par ce moyen, que cette terre est si dépeuplée ; car, si le pays était gouverné

par police et lois […] cette isle, en peu de temps, deviendrait la plus peuplée du monde,

étant aussi fertile qu’il y en ait sur terre. » (ibid. : 179)

Au moins un rapport se prononce d’une manière aussi dramatique. Un Anglais

restant anonyme s’exprime d’abord d’une manière usuelle quand il écrit : « […]

elle [l’île de Madagascar] est gouvernée par une foule de petits chefs qui sont sur-

tout adonnés à la guerre et au pillage […] » (rapport concernant le naufrage du

Winterton en 1792, par Grandidier et Grandidier 1907 : 363). Mais plus tard, il

devient plus précis, en ajoutant : « Pour eux [les Malgaches], la grande affaire est

le pillage, et, d’après tout ce qu’on en dit, ils se livrent à de terribles carnages et

dévastations, saccageant les villages et les champs, massacrant ou réduisant à

l’esclavage les habitants, […]. Naturellement, ce genre de guerre amène des repré-

sailles, qui en provoquent de nouvelles, de telle sorte que le temple du Janus de

Madagascar n’est jamais clos » (ibid. : 385). Même si ce témoignage semble se fon-

der sur les sources auxiliaires (comme l’insertion d’un « d’après tout ce qu’on en

dit » permet de supposer), les observations des nombreuses sources historiques (cf.

encore la citation auparavant de Drury) confirment sa teneur : l’existence quoti-

dienne de la guerre et de la violence à Madagascar et le regard instrumental apporté

à ces actes dans la sphère politique.

Ces guerres, la plupart du temps menées localement ou dans une région, abou-

tissent au XIXe siècle à une tentative de conquête de toute l’île par le royaume

merina au centre. Des campagnes aux quatre points cardinaux de Madagascar

aboutissent à la soumission des régions les plus importantes économiquement,

même si des territoires stratégiques restent libres. La cruauté de ces guerres, dont

une analyse systématique fait encore défaut à ce jour, devient manifeste dans des

remarques, comme celle de Randrianja et Ellis (2009 : 125, traduction par

l’auteur) affirmant que les « armées de Radama [roi entre 1810–1828] tuaient la

population adulte masculine dans certaines régions, épargnant seulement des

femmes et des enfants pour l’usage comme esclaves », ou encore celle de Campbell

La paix du fihavanana 49

(2005 : 154, traduction par l’auteur) disant qu’entre 1816 et 1853 « possiblement

60 000 non-Merina (en moyenne 1 622 per annum) étaient mis à mort par des

unités Merina. »36

De la pacification coloniale à une société paisible

En 1896, avec l’occupation de Madagascar par la France, cette « tradition » belli-

queuse s’éteint plus ou moins abruptement, mises à part des années difficiles au

début de la colonisation dans certaines régions, et l’insurrection de 1947, supportée

surtout par la population à l’Est. Evidemment, il s’impose l’argument que la paix

sous le régime français est une paix forcée. Vu les développements postcoloniaux,

cet argument s’avère pourtant bien insuffisant : le fait qu’après l’indépendance les

conflits anciens opprimés, mais encore bien gravés dans la mémoire populaire,

n’aient plus repris comme dans tant d’autres pays postcoloniaux, suggère un chan-

gement fondamental à Madagascar, ayant certainement déjà débuté durant l’épo-

que coloniale. En 1960, la plupart des habitants ne sont pas prêts à revivre les

anciennes animosités, mais souhaitent plutôt s’unir dans une société qui a commen-

cé à se définir essentiellement comme « pacifique », basée sur les idées du fihava-

nana.

Durant plus de cinq décennies, la situation reste aussi calme que sous la

colonisation : l’abolition des guerres interethniques ou interrégionales est totale,

tandis que des conflits et crises politiques sont heureusement réglés sans retour à

une violence ouverte voire physique. Cette esquisse ne vise aucunement à nier

l’existence des conflits nettement visibles à tous les niveaux de la société, incluant

la politique nationale. Il ne sera pas question ici d’exclure non plus la possibilité

toujours ouverte d’un retour aux armes – mais la différence avec les règlements de

comptes pré-coloniaux violents est tout à fait évidente.

Comment, la question se pose maintenant, cette nouvelle et surprenante abs-

tention devant la guerre est-elle liée à l’idée ou à la moralité du fihavanana ? Une

telle problématique est plus difficile à analyser que pour les actes belliqueux bien

visibles. Une possibilité aurait été de revoir l’affirmation des normes consensualis-

tes nationales dans l’arène publique, comme il a été élaboré déjà partiellement dans

la présentation des publications. Une autre possibilité, plus concrète et suivie ici,

est l’analyse des quelques rares situations dramatiques où des conflits ont débouché

36 La population à Madagascar, durant cette période, oscillait entre 2 et presque 5 millions d’habi-

tants (Campbell 2005 : 137).

50 Peter Kneitz

sur des actes, d’une violence publique et flagrante, contre toutes les supplications

du fihavanana et d’un contrat de consensus lié à celui-ci. Comment un tel dévelop-

pement s’accorde-t-il avec l’idéal de solidarité ? Un regard détaillé va permettre de

constater que ces situations affirment, contre toute apparence, la force des normes

exprimées par le terme fihavanana.

Pour ce propos, trois des cas les plus évidents ont été choisis37. Il s’agit des trois

« jours sanglants » qui sont chacun à resituer dans un contexte particulièrement

dramatique, où la question du pouvoir s’est imposée d’une manière substantielle

et concrète : le Président de la République en fonction peut-il encore triompher

contre une érosion évidente de son pouvoir, contre le mécontentement visible d’une

partie de la population ? Sans entrer dans le détail, ces trois cas de conflits, trouvant

leur apogée dramatique durant les jours des violences ouvertes, révèlent des aspects

étonnamment semblables et suivent le même déroulement.

(1) Le 13 mai 1972 : Philibert Tsiranana, surnommé souvent « Père de

l’Indépendance » et Président depuis 1960, est derrière la liquidation brutale en

1971 d’un mouvement revendicatif au sud-ouest du pays, lors duquel entre 800 et

1 000 morts sont à déplorer (Raison-Jourde et Roy 2010 : 240)38. Tandis que ces

actions se sont déroulées loin de la capitale, qu’elles sont peu médiatisées et diffi-

ciles à vérifier pour la grande majorité de la population, l’année suivante aboutit à

des affrontements en public dans les grandes villes de Madagascar. En mai 1972,

de grandes manifestations contre Tsiranana ont lieu, événement nommé rétrospec-

tivement « Mai malgache ». Les soldats d’une unité spéciale (les FRS – Forces

Républicaines de Sécurité) sont finalement « débordés » (ibid. : 292, note 3 en bas

de la page) le 13 mai par le soulèvement, en particulier par « des troupes de choc,

improvisées mais très soudées, les Zwam39 » (ibid. : 292), et tirent sur la foule : « la

mort d’une vingtaine de jeunes » (ibid. : 291) est à déplorer40. La grève générale,

proclamée quelques jours plus tard, mène à la démission de Tsiranana41.

37 Voir Urfer (2012 : 98) qui note encore certains autres événements (l’assassinat du Président Ratsi-

mandrava en 1975, la liquidation des groupes Kung-Fu révolutionnaires en 1985), entraînant

pourtant une violence beaucoup moins publique.

38 Confirmé aussi par Rajoelina (1988 : 37). On dénombre encore des centaines des blessés et des

arrestations. Les actions des forces de sécurité ont inclus des pratiques de torture et « de vieilles

vengeances locales » (Raison-Jourde et Roy 2010 : 242). La mort de 45 « rebelles » a été constatée

officiellement (ibid. : 239). Dans le dernier ouvrage se trouve une analyse détaillée et précieuse de

ces évènements peu connus.

39 « Zatovo Western Andevo [ou Amical] Malagasy », un mouvement des jeunes de l’époque, essen-

tiellement formé par des descendants des anciens esclaves.

40 Galibert (2009 : 547) note cependant 40 morts officiels (avec « sous-évaluation probable ») et

encore 12 morts dans la ville de Mahajanga dans le Nord-Ouest.

41 D’après Raison-Jourde et Roy (2010 : 292, note 3 en bas de la page) sept de ces 30 à 40 membres

de l’unité responsable de cette action ont été lynchés par la foule au cours de ce jour. Il y avait,

La paix du fihavanana 51

(2) 10 août 1991 : Après 1990 se forme une opposition publique contre le gou-

vernement du Président Ratsiraka et son Etat unitaire à vocation socialiste, régnant

depuis 1975. Une fois la grève générale proclamée, le conflit politique s’aggrave

très rapidement. Les manifestations, très importantes, suivies pendant des semaines

par des centaines de milliers des personnes, aboutissent, le 10 août 1991, à un cor-

tège nommé « Marche de la Liberté », ciblant la résidence du Président située à

quelques kilomètres de la capitale. L’événement provoque une intervention drama-

tique lui valant depuis ce jour la dénomination de « samedi noir » : « La garde

présidentielle a ouvert le feu contre la foule des manifestants, provoquant quelques

morts [causing several deaths], bien que le numéro exact n’ait jamais été établi »

(Randrianja et Ellis 2009 : 202, traduction par l’auteur)42. En octobre 1991, Rat-

siraka donne finalement son accord pour des élections libres et l’établissement d’un

gouvernement de transition.

(3) 7 février 2009 : Suite à la réélection du Président Ravalomanana en 2008,

un mouvement d’opposition se forme, dans lequel Andry Rajoelina, maire de la

capitale, occupe finalement un rôle central. Après la fermeture de sa station de

télévision fin 2008 s’ouvre une lutte ouverte contre le pouvoir, menant, fin janvier

2009, à des pillages et des actes de violence populaire (essentiellement non-politi-

ques) dans des villes importantes, où plusieurs dizaines de personnes trouvent la

mort. Le 7 février, le cortège d’une manifestation de l’opposition se dirige vers le

palais présidentiel au centre d’Antananarivo. Quand les manifestants franchissent

la « zone rouge » de sécurité et s’approchent du bâtiment, un feu se déclare : « Près

de 30 personnes perdent la vie et plus de 200 sont blessées » (Randrianja

2012 : 17). Ce fut le résultat d’un deuxième « samedi noir »43.

42 semble-t-il, des essais pour pousser le Président à une intervention militaire, mais sans que des

commandes respectives aient été données (ibid. : 292). Dans la littérature plus populaire, on ren-

contre la tendance d’accuser le gouvernement pour la violence de ce jour : « [….] le gouvernement

donne ordre de tirer sur la foule. […] les Forces Républicaines de Sécurité […] exécutent la sale

besogne, faisant une quarantaine de tués. » (Rajoelina 1988 : 38).

42 Spindler (1996 : 45) précise 15 morts et 213 blessés, tandis que Galibert (2009 : 550) note « une

centaine de morts ». Vivier (2010 : 13), de son côté, dénombre 138 morts et parle plus tard de

« l’hécatombe qu’avait décidée Ratsiraka » (ibid. : 77). Le déroulement exacte de cette action,

semble-t-il unilatéral de la part des forces de sécurité, reste non élucidé, car des présentations dra-

matisantes (incluant de faux clips vidéos) ont eu une grande influence sur la formation de l’opinion

et de la mémoire (selon Randrianja et Ellis 2009 : 202).

43 Encore une fois, les données sont différentes d’un auteur à l’autre. Vivier (2010 : 76) note 36 morts

et confirme qu’il y avait parmi les forces de sécurité sur place des Européens, mercenaires d’une

entreprise de sécurité sud-africaine. Randrianaja (2012 : 17), de son côté, dénonce la responsabilité

de la garde présidentielle. L’ensemble des faits sugère que les exigences de la situation ont provoqué

l’action des forces de sécurité, mal préparées à réagir à une confrontation avec une foule impor-

tante et en somme débordées comme en 1972.

52 Peter Kneitz

Les limites d’une moralité de consensus

Si l’on regarde à présent le déroulement de ces trois excès les plus distincts et les

plus visibles durant la période postcoloniale, il est possible d’en discerner des traits

semblables : l’irruption de la violence est à chaque fois précédée d’une longue

confrontation obstinée, mais finalement pacifique, entre le pouvoir et l’opposition

dans la capitale, comme arène centrale du discours politique à Madagascar. Si le

mouvement oppositionnel peut mobiliser ses adhérents pour une période étendue,

elle réussira à pousser le gouvernement peu à peu dans la défensive. C’est toujours

dans cette phase décisive, particulièrement tendue, qu’on a ouvert le feu sur des

manifestants – en raison probablement du débordement des forces de sécurité,

confrontés à un mouvement d’une ampleur sous-estimée.

Particulièrement important est le constat que les actions répressives de l’Etat,

ouvertement violentes, n’ont jamais eu comme réponse une contre-violence de la

part de l’opposition. Au contraire, tous les responsables des principaux partis poli-

tiques et de la société civile ont condamné très clairement ces événements et les ont

désignés comme un délit flagrant contre le contrat civil à Madagascar. Dès lors, il

est clairement apparu que les « lignes rouges » circonscrites par la norme du fiha-

vanana avaient été franchies. Le calme s’imposait pour tous les acteurs, vu l’una-

nimité publique à l’égard de ces actes de violence. Il est aussi à souligner que dans

les trois cas, le Président controversé a perdu son pouvoir. Considéré comme le

responsable politique de cette violence, son intégrité morale a été endommagée de

manière irréversible, ne lui laissant d’autre choix que de démissionner.

Cette analyse suggère que ces cas d’une violence flagrante ne sont pas à regar-

der comme un argument contre la vision d’une société paisible moderne,

s’appuyant sur la norme du fihavanana. L’existence d’une norme (toujours) idéale,

il convient de le répéter, ne parvient certainement pas à surpasser une réalité pro-

blématique – mais établit un certain comportement comme acceptable et des sanc-

tions pour ceux qui osent franchir les limites. Les trois jours « sanglants » de l’his-

toire moderne à Madagascar sont donc, contrairement aux apparences, plutôt à

regarder comme des épreuves particulièrement explicites du fonctionnement d’une

norme profondément internalisée, et comme la capacité à résister à la dérive vers

la violence, même dans les moments extrêmes. La transgression frappante de la

norme fihavanana, justement, n’est pas comprise comme un signal permettant de

frapper finalement sans aucun égard l’ennemi, à ouvrir le champ de la violence et

de la contre-violence. Au contraire, il est évident pour tous les acteurs (au moins

dans leur position officielle) que ces actes ne sont pas acceptables (même si l’on

trouve presque toujours certains individus prêts à s’engager dans le cycle de la vio-

La paix du fihavanana 53

lence). Les acteurs politiques eux-mêmes sont d’ailleurs certainement au courant

de ces rapports en essayant, mûs par une stratégie politique, à pousser l’adversaire

à commettre des actes considérés comme immoraux44. Cela ne change pas la fonc-

tion précieuse du fihavanana gasy, « frein » aux règlements de comptes violents.

Expliquer le tournant de la guerre à la paix sur l’île de Madagascar

L’importance de la norme fihavanana pour la construction d’une société paisible,

établie par les arguments ci-dessus, n’offre pas encore, par sa nature descriptive,

une explication de fond des causes de la rupture d’un passé violent. Elle pourrait

cependant servir de base pour préciser la question d’une recherche de base : si le

développement du fihavanana national est vraisemblablement le fondement d’une

société paisible, il convient de se demander pourquoi la population a été attirée par

une telle notion, devant un passé et une habitude sociale caractérisés distinctement

par les guerres, et malgré l’association étroite du terme fihavanana avec le royaume

merina et le christianisme. L’explication de ce problème est primordiale pour com-

prendre le tournant en question.

Il n’est pas possible de donner ici une réponse finale, qui devrait se fonder entre

autres sur une recherche des sources des temps coloniaux jusqu’à la naissance de

la République de Madagascar. Mais les arguments suivants s’imposent de facto :

d’une part, l’idée de la solidarité du type fihavanana englobe, comme nous l’avons

vu, la possibilité d’un élargissement interminable, permettant d’intégrer toujours

et de nouveau « les autres qui comptent » (Galibert 2009 : 122)45. Selon ce prin-

cipe, appliqué maintes fois dans l’histoire, la formation d’une unité politique aux

frontières géographiques de l’île et l’introduction des idées nationalistes venant de

l’Europe ont offert la possibilité d’une nouvelle extension du fihavanana, en cohé-

rence avec le passé de l’île.

Mais un second élément est à signaler : l’expérience nouvelle d’une différence

accentuée entre « le » Malgache et le monde extérieur, l’Occident surtout, devant

laquelle les différences inter-malgaches se sont affaiblies. Cette expérience s’est réa-

lisée par l’acte de la colonisation, la domination d’une force de l’extérieur au-des-

sus de toutes les particularités régionales, encore aggravée par des conflits violents,

44 Les adhérents du mouvement de Ravalomanana ont accusé par exemple les responsables de

l’opposition, lors de la marche contre le palais présidentielle en 2009, d’être à l’origine des morts et

« d’une révolution en quête de martyrs » (Randrianja et Ellis 2009 : 17).

45 Citation d’une formule notée par Louis Randriamarolaza (« Madagascar au XXIe siècle » – Le défi

de l’avenir. Le lien social en milieu malgache actuel. L’Express de Madagascar, 3 avril 1999).

54 Peter Kneitz

qui ont laissé des traces dans presque chaque région : on pourrait citer ici la sup-

pression de la royauté merina, la liquidation brutale du dernier roi du Menabe

libre, Toera, avec presque la totalité de ses rangs supérieurs dans une attaque-sur-

prise, menée hâtivement sous l’ordre d’un officier (Schlemmer 1983 : 51ff.), les

émeutes dites de Menalamba dans l’Ouest et le Sud (Ellis 1998) et l’insurrection

de 1947 (Raison-Jourde 1999, Cole 2001 : 223ff., Randrianja et Ellis 2009 : 173–

177).

Mais à l’opposition ainsi vécue entre « nous » et « eux » sous la pression des

conflits militaires, s’est ajoutée encore l’expérience des contradictions fondamen-

tales entre les systèmes socioculturels, incluant l’installation d’un Etat moderne et

sécularisé, la négation du fond de la légitimité des royaumes ou l’individualisme,

amenant à une opposition entre l’étranger (européen, vazaha) et le Malgache – le

couple vazaha-malagasy – plus forte que jamais. Tout cela a probablement contri-

bué à créer le besoin nouveau d’une identité malgache et à définir des éléments

cruciaux, dont l’expérience du fihavanana.

Il ne faut pas oublier, finalement, l’impact possible d’un autre aspect culturel

pour imposer une rupture avec le passé : dans le monde relationnel particulière-

ment dominant à Madagascar, chaque unité – soit un Ego, soit une unité sociale –

est toujours insérée dans un monde complexe, hiérarchisée selon des critères mul-

tiples et dynamiques. Dans cette logique, l’installation de l’Etat moderne et de son

pouvoir suprême est très difficile à nier pour la population : le cosmos malgache

établi favorise l’intégration et un maniement subtil, conduisant alors à une nouvelle

extension du fihavanana.

L’explication avancée de la rupture avec le passé guerrier par un élargissement

du fihavanana permet finalement de répondre à la question posée dans l’introduc-

tion de cette partie : l’observation d’un oubli soudain du passé violent, difficile-

ment compréhensible. La paix établie à Madagascar, a-t-il été prouvé, n’est pas le

résultat d’une négociation entre des entités perçues comme différentes (des identi-

tés, des unités politiques), mais comme un élargissement subtil permettant l’inté-

gration des hommes considérés comme égaux (comme des parents). A partir de

cela, il s’impose certainement aux acteurs malgaches l’expérience d’une simple

continuité d’un fihavanana local. La particularité de cette paix est le fait qu’elle

n’est pas vécue comme telle, mais comme un élargissement de l’unité de solidarité

toujours vécue, depuis un passé lointain. La paix d’antan (du fihavanana local)

prolonge ainsi jusqu’à aujourd’hui – une expérience expliquant l’affirmation d’une

île heureuse, mais aussi d’un passé paisible, contre toute évidence.

La paix du fihavanana 55

Un regard sur la théorie : Madagascar comme exemple d’une

société paisible

L’introduction de la norme nationale du fihavanana à Madagascar et l’établisse-

ment par conséquent d’une société paisible sont, comme il a été dit, les résultats de

facteurs très spécifiques. L’île apparaît comme un cas à part, loin du développement

difficile de la plupart des Etats postcoloniaux en Afrique, dominés par l’analyse

des conflits qui, trop souvent, ont abouti à une violence extrême (voir dans la lit-

térature extensive sur ce sujet, par exemple Reno 1998, Chabal et al. 2005, Prunier

2009, Williams 2011). Il serait dommage d’en rester là et de ne pas se laisser sti-

muler par les résultats présentés : si l’on accepte les observations esquissées concer-

nant Madagascar depuis le temps colonial en les mettant en relation avec la discus-

sion en cours concernant les causes de la guerre et de la paix en Afrique, mais aussi

dans un horizon plus large, on trouvera un nombre de contradictions important –

la base conventionnelle pour développer des questions de recherche prometteuses.

Trois possibilités sont évoquées par la suite :

L’analyse de l’Etat postcolonial en Afrique a toujours été dominée par un

agenda problématique, avec un regard tout particulier sur les conflits, la guerre et

la violence. Même si cette approche s’est imposée par les faits eux-mêmes, il est

pourtant évident que l’analyse est loin d’une position systématique, demandant

une investigation et une comparaison de tous les cas, en particulier ceux n’obéis-

sant pas aux « normes » des autres cas « typiques ». Si, par exemple, on a expliqué

la violence en Afrique surtout en référence au contexte spécifique de l’époque, donc

surtout comme effet néfaste du colonialisme, ou encore des tensions ethniques, des

frontières artificielles ou des déséquilibres économiques et politiques, le cas de

Madagascar est évocateur : pourquoi la violence dans certains pays semble-t-elle

presque inévitable, si à Madagascar, dominée par les mêmes circonstances perçues

comme problématiques, s’établit en même temps et justement avec la colonisation

une culture de consensus ?

Le « cas malgache » montre en particulier le potentiel extraordinaire des nor-

mes de la moralité et du consensus. L’analyse du fihavanana à Madagascar

confirme ce que la voie de recherche encore relativement nouvelle des « sociétés

paisibles » (Sponsel et Gregor 1994, un synopsis dans Fry 2006 : 61) a déjà élaboré

pour un nombre important de sociétés dans le passé comme pour le présent (ibid. :

63ff., 92ff.)46 : la normativité d’un comportement réduisant une confrontation est

46 Dans la liste présentée comme incomplète de plus de 80 sociétés pacifiques et plus de 80 sociétés

non-guerrières, l’île de Madagascar (ou une de ses ethnies) n’est pas nommée.

56 Peter Kneitz

la base pour garantir un Etat ou une société paisible, sans éclatement d’une spirale

de violence et contre-violence (mais sans pourtant arriver à une paix absolue, sans

conflits). Une investigation des normes et de la cognition ne pouvait-elle pas ouvrir

de nouveaux horizons pour une compréhension des pays postcoloniaux ?

Une telle réévaluation des causes de la guerre et de la paix pouvait aussi per-

mettre de revoir de nouveau la perception dominante d’une normalité de la guerre

ou de la violence, guidant depuis longtemps le discours en Occident. Le cas de

Madagascar et les particularités du fihavanana gasy, qui ont réussi subtilement à

introduire une rupture avec un passé ouvertement violent, suggèrent l’intérêt d’une

piste de recherche analysant « le potentiel humain pour la paix » (voir le titre de

Fry 2006).

5. Les contributions

L’appel pour cette édition (et le workshop initial) a prévu une double direction : il

semblait important, d’une part, de faire avancer le sondage systématique concer-

nant le fihavanana, en ce qui concerne par exemple la dynamique historique, les

variations régionales et le champ sémantique, et d’autre part, d’approfondir la

connaissance de la norme du consensus et sa pratique à partir des cas exemplaires,

en particulier liés aux solutions des conflits. Partant de ces prémisses, il était néces-

saire de chercher une diversité des perspectives, dans une démarche interdiscipli-

naire, une approche qui s’est développée quasi naturellement avec la tentative

d’intégrer des recherches récentes concernant le fihavanana dans des domaines dif-

férents. Les contributions des spécialistes (Figure 4) travaillant dans des domaines

aussi différents que l’anthropologie sociale (P. Kneitz, M. Rosés, G. Scheidecker,

M. Späth), l’économie et la socio-économie (F. Gannon, F. Sandron) ou encore

l’histore (F. Rajaonah, G. Rantoandro) vont permettre de faire découvrir aux lec-

teurs – et pour la première fois dans le cadre d’un recueil – la richesse de la norme

fihavanana à Madagascar, même si l’on est loin d’avoir répertorié le phénomène

dans sa totalité47.

47 L’ouvrage a largement profité de l’appui de Frédéric Gannon, Frédéric Sandron et Faranirina

Rajaonah pour la mise au point des contributions françaises au niveau stylistique et linguistique.

La paix du fihavanana 57

Figure 4 : Carte de Madagascar – le cadre régional des contributions

58 Peter Kneitz

La notion du fihavanana gasy, comme mentionné ci-dessus, a commencé à être

formulée en dehors du milieu chrétien au début des années 1970. L’édition s’ouvre

avec une contribution d’orientation historique de Faranrina Rajaonah, qui permet

pour la première fois de saisir des acteurs clés dans la naissance de cette norme qui

aujourd’hui est devenue centrale. Au centre de son analyse : l’œuvre de Paul Rama-

sindraibe, qualifié par l’auteur « l’érudit nationaliste malagasy » mais presque

inconnu hors de Madagascar (bien qu’introduit brièvement par Raison-Jourde

1991–1992 : 686ff.). Le sujet principal de Ramasindraibe est l’identité malgache

en danger dans la période de la jeune République de Madagascar. L’une des images

programmatiques qu’il utilise pour faire comprendre à ses lecteurs la valeur du

fihavanana (et finalement aussi l’importance de la « malgachitude ») est tsileon-

driaka, c’est-à-dire « ce qui résiste à l’eau courante, à l’exemple d’un objet de

grande valeur que l’on dégage de la boue (…) », traduction par Rajaonah de

l’explication donnée par Ramasindraibe. Il est un des représentants éloquents et

didactiques – y compris en tant qu’auteur des manuels scolaires (Ramasindraibe

1978) – d’un repli volontairement accepté sur « les » racines malgaches, surtout

dans le milieu urbain d’Antananarivo. Cette communication fait donc découvrir la

voie conceptuelle menant au fihavanana gasy, comme il est connu aujourd’hui.

Avec l’article de Mareike Späth s’ouvre une série de contributions ethnogra-

phiques, invitant les lecteurs à découvrir la richesse du fihavanana dans différentes

régions. La position de cette contribution succédant à l’analyse de l’œuvre du

Ramasindraibe n’est pas due au hasard : en élaborant les perceptions populaires

du fihavanana dans le contexte des événements autour du cinquantième anniver-

saire de l’indépendance en 2010, la recherche de l’auteur permet en même temps

de comparer la perception actuelle d’un fihavanana malagasy à Antananarivo avec

les visions des intellectuels malgaches plusieurs décades auparavant, présentées par

l’auteur précédent. L’investigation des actes de solidarité par des individus ou des

associations dans ce contexte hautement national, conçus comme actes du fihava-

nana, montre clairement comment les idées du fihavanana local et national se croi-

sent d’une manière indissoluble aujourd’hui – en même temps qu’une continuité

avec le royaume merina du XIXe siècle devient évidente, à travers la réalisation des

sacrifices de zébus comme rituel nofon-kena mitam-pihavanana.

Le texte de Gabriel Scheidecker offre en revanche un contraste pointu vis-à-

vis de la pratique urbaine du fihavanana dans la capitale. Son analyse est centrée

sur une localité du sud de Madagascar, dans une région où une population à l’iden-

tité bara domine. C’est une des régions malgaches où le mot filongoa est préféré

pour désigner l’unité de solidarité. L’article permet de constater que l’utilisation

d’un terme local entraîne une perception très différente (voire même en opposition

La paix du fihavanana 59

au fihavanana « officiel ») : l’unité du filongoa est un cercle très limité de person-

nes, essentiellement les parents du clan, tandis que la notion du fihavanana gasy

n’existe pas. L’Etat et ses représentants (associés au terme fihavanana) sont vus

couramment comme des entités potentiellement dangereuses, perception qui s’ali-

mente des actions des policiers souvent considérées comme problématiques, et d’un

Etat éloigné en général. Les vols réguliers de zébus et un climat délétère de dénon-

ciation sont des éléments de base pour une dynamique dans laquelle alternent le

succès économique provisoire et la distribution de la richesse par des séries de

conflits. Cette situation évoque l’idée d’un fihavanana de base, historique, restreint

au clan, considéré comme vraisemblable par Randrianja et Ellis (2009) ci-dessus –

une comparaison avancée avec prudence, tenant compte des contextes historiques

très différents.

La contribution de Peter Kneitz, située à Besalampy, chef-lieu d’un district sur

la côte ouest, occupe une place intermédiaire face aux précédentes. Les manœuvres

diverses des responsables locaux pour trouver une solution à une crise sociale,

résultant des interprétations contradictoires d’une épidémie hystérique parmi des

élèves (une épidémie de possession des esprits anonymes, selon la conception de la

population locale), ont finalement abouti à une action rituelle pour renforcer le

fihavanana en danger, sous le guide du chef de district. Il est possible d’observer,

entre autres éléments, que la norme du fihavanana ne sert pas ici à trouver une

solution de fond aux multiples conflits souterrains, mais plutôt à forcer des indivi-

dus à utiliser une rhétorique du consensus qui, visiblement, empêche le glissement

vers une violence difficile à contrôler. A travers cette investigation, il devient évi-

dent que les termes fihavanana (préféré dans ce chef-lieu de district, un avant-poste

de l’Etat moderne, par les responsables majoritairement issus des Hautes-Terres)

et filongoa (préféré par la population locale sakalava) sont tous deux perçus

comme identiques, interchangeables et synonymes, dont l’utilisation signale un

« chargement » avec des associations identitaires, historiques et politiques.

Gabriel Rantoandro, sur la côte est, expose dans une analyse très riche et éla-

borée le déroulement d’un rituel familial du type tsaboraha (sacrifice de zébus)

dans la région du Nord-Betsimisaraka. Il montre, d’une manière tout à fait exem-

plaire, comment les idées locales concernant le groupe de solidarité (ici exprimées

par le terme fihavanana) sont organisées dans trois cercles de proximité et d’impor-

tance différentes, assignés chacun à un niveau (ou « étage », expression privilégiée

par l’auteur) spatial du fihavanana. Inséré dans le contexte d’une région présentée

ici avec beaucoup de nuances, l’auteur permet aux lecteurs de suivre explicitement

– et peut-être pour la première fois avec autant de détails – comment le fihavanana

local se construit, comment il est entretenu et internalisé à travers des réunions

60 Peter Kneitz

dites « familiales », mais en réalité comprenant tout un réseau social, d’ailleurs

clairement mis à l’écart du christianisme.

Avec l’auteur suivant, Mariona Rosés48, l’ouvrage avance progressivement vers

des communications moins centrées sur une localité spécifique, mais préférant une

analyse guidée par des idées plus larges. Rosés se réfère d’abord aux résultats d’un

terrain anthropologique au centre-sud de l’île, proche de la ville de Fianarantsoa,

une région connue sous le nom de Betsileo, mais en insérant l’application de l’idée

du fihavanana dans deux cas de conflits dans une perspective plus large : celle de

l’anthropologie du droit. Dans une analyse convaincante qui lie l’expression d’un

fihavanana local et d’un fihavanana à l’échelle nationale, elle montre une dynami-

que temporelle, allant d’une « coutume juridique » locale à la constitution d’une

morale nationale. Un aspect important de son travail est la mise au point détaillée

de l’utilisation du terme fihavanana dans les constitutions et projets de constitu-

tions depuis 1992.

Presque tous les travaux concernant le fihavanana en plus de cinq décennies

de l’histoire de la recherche retracée plus haut se concentrent sur des aspects idéo-

logiques ou cognitifs de cette convention de solidarité. Frédéric Gannon et Frédéric

Sandron, collaborant à plusieurs reprises en duo, ont le mérite d’avoir, dans plu-

sieurs articles (comme auteurs individuels et ensemble), mis la dimension économi-

que du fihavanana très précisément au point. En tant qu’auteurs de cet ouvrage, ils

ont eu recours à leur riche expérience d’une manière bien différente : Frédéric San-

dron a décidé, dans son texte, de rédiger un résumé de l’état des recherches socio-

économiques concernant le fihavanana, encadré par une activité de recherche très

importante de l’IRD (Institut de la Recherche pour le Développement) depuis des

décennies. Permettant la compréhension d’un fihavanana trop souvent réduit au

seul aspect d’une normativité abstraite, il montre que celui-ci est à l’échelle micro-

locale une simple nécessité économique, pour « ne pas mettre en péril l’organisa-

tion de la production », comme l’auteur le résume dans sa conclusion.

Frédéric Gannon, quant à lui, invite, dans sa contribution, à réfléchir sur les

possibilités d’application générale du concept socio-économique de « capital

social », largement utilisée durant les dernières années, sur le fihavanana. Ce tra-

vail permet, d’une part, de faire le point sur plusieurs interventions durant ces der-

nières années qui ont présenté le fihavanana comme « capital social », sans pour

autant qu’une réflexion plus profonde soit mise à la disposition des lecteurs.

L’importance de cette contribution, en dehors des particularités de la théorie du

capital social, tient au fait que l’inscription du fihavanana dans une théorie géné-

48 L’auteur signe dans les références des contributions aussi sous le nom M. Rosés Tubau.

La paix du fihavanana 61

rale permet sensiblement d’élargir les possibilités de sa compréhension et de sa

comparaison en dehors de son contexte spécifique malgache, loin d’une réduction

à une conception culturelle incommensurable et unique préférée aujourd’hui.

L’auteur parvient, par exemple, dans l’application de cette perspective

« universelle », à préciser certains traits du fihavanana, souvent restés inaperçus :

dépendant de la constellation précise, l’application du fihavanana permet certaine-

ment de régler des conflits, mais peut aussi contribuer au développement des ten-

sions sociales et fixer des limites aux unités sociales du fihavanana. Cette approche

permet d’envisager de renouer avec la perception du fihavanana comme trait

humain universel, encore usuelle au début du XXe siècle, mais largement abandon-

née depuis.

Ces contributions à vocation scientifique sont suivies d’un document particu-

lier, un témoignage, qui permet de rattraper l’actualité du discours du fihavanana,

issu d’une voix particulièrement importante. Il s’agit d’une communication

d’Hilaire Raharilalao, déjà amplement cité comme auteur d’une œuvre capitale

d’un fihavanana chrétien (Raharilalao 1991), se basant sur un discours prononcé

au sein de la récente institution du FFM (« Filankevitry ny Fampihavanana

Malagasy ») ou en français CRM (« Comité de Réconciliation Malgache »). Son

intervention, dans le contexte d’une crise politique grave, et en particulier dans une

phase particulièrement décisive et dramatique de l’été 201349, présente l’idée du

fihavanana comme la clé inévitable pour parvenir à une « réconciliation nationale

authentique », point de départ essentiel pour le développement d’une démocratie

spécifiquement malgache, selon l’auteur. Ce témoignage met l’accent, entre autres,

sur la compréhension d’un fihavanana chrétien, très important dans le discours

public, mais en général sous-représenté dans les contributions le concernant. L’inté-

rêt de ce document vient également du fait qu’il permet d’avoir accès à l’un des

acteurs principaux du fihavanana dans le discours national, en même temps qu’il

donne aux lecteurs la possibilité de comparer les apports des contributions avec

une articulation originale et d’une actualité pertinente. Nous remercions l’auteur

pour la transmission de ce document qui permet, à la fin de cet ouvrage, de se

retrouver à la fois au cœur du consensus et de la construction du fihavanana mala-

gasy.

49 Les opposants politiques majeurs de la crise se sont enregistrés comme candidats aux présidentiel-

les (dans le cas de Marc Ravalomanana, la candidature de sa femme, Lalao Ravalomanana, était

perçue comme étant la sienne), en dépit des déclarations contraires initiales de s’abstenir pour

ouvrir la voie aux élections.

62 Peter Kneitz

Conclusion : La paix du fihavanana

Après ces randonnées dans le monde du fihavanana, ayant permis de saisir une

partie de sa richesse, de sa spécificité et de son évolution, il convient d’en rassem-

bler les différents fils pour préciser le résultat de cette entreprise. S’impose surtout

la nécessité de revoir la capacité de cette notion à instaurer une paix sociale à

Madagascar encore peu connue : la paix du fihavanana.

Les contributions présentées ici permettent, tout d’abord, de mettre de côté la

présentation bien établie d’un fihavanana essentiel, plus au moins identique sur

toute l’étendue de l’île, l’image d’un fihavanana varié, disparate, où les deux termes

utilisés, fihavanana et filongoa, sont régulièrement et profondément associés à des

idées qui sont liées à l’origine des parleurs respectifs, l’histoire politique ou les

aspects religieux, exprimant un décalage du pouvoir. L’expérience du fihavanana

varie considérablement, selon ce résultat, d’un individu à un autre selon le

contexte, allant d’un fihavanana très restreint au niveau d’un réseau social limité

et peu étendu dans l’espace (le cas de la région bara de Gabriel Scheidecker) à l’idée

d’un fihavanana sur la base de l’unité nationale (suivi surtout dans la région de la

capitale et comme idée normative de l’élite). En dehors ces extrêmes, il est possible

de discerner une multitude de formes intermédiaires, permettant de construire des

unités du fihavanana à des degrés divers et hiérarchisés.

Malgré ces observations, il n’est pas pour autant question ici de nier le fait qu’il

y a, derrière tous ces phénomènes et applications contextuelles, des idées commu-

nes, surtout celle selon laquelle il est nécessaire et inévitable d’insérer l’individu

dans une unité sociale primaire, pour le mettre dans un contexte de relations légi-

times et assurées. Il ne s’agit donc pas de remplacer l’affirmation d’un fihavanana

« tout pareil » par un fihavanana « tout différent », mais de valoriser la richesse et

les particularités importantes, ouvrant une compréhension sur le fait que l’idée du

fihavanana elle-même fait partie d’un enjeu important dans le processus sociopo-

litique.

La construction d’une paix entre tous ceux qui comptent

La dynamique tout à fait impressionnante d’un passé guerrier vers la construction

d’une société paisible est certainement liée à la notion du fihavanana, comme il a

été suggéré ci-dessus. Ce tournant s’inscrit dans une logique déjà ancienne à baser

les unités sociopolitiques, assumant au cours du temps des niveaux de plus en plus

inclusifs, toujours sur la notion du fihavanana, et aboutissant à l’élargissement et

La paix du fihavanana 63

l’adaptation du dernier selon le contexte donné. L’idée du fihavanana étant forte-

ment contextuelle et ouverte, permettant d’ajouter au noyau des parents (havana)

des degrés principalement illimités du parent fictionnel, une inclusion des person-

nes même à un niveau déjà fortement anonyme comme au niveau de la « Grande

Ile » ne posait pas de problèmes. Une fois l’élargissement de la parenté à un niveau

national apparu comme une nécessité « naturelle » dans le contexte colonial et

postcolonial, mettant l’opposition accrue malagasy-vazaha (Malgache-Européen)

en avant, l’extension du fihavanana à une normativité d’un consensus malgacho-

malgache s’est installée sans difficulté.

La société paisible qui s’est ainsi établie n’est pas une île heureuse dans le sens

d’une utopie, comme l’ont maintes fois montré les références aux conflits existants

à tous les niveaux à Madagascar, mais elle est prête, sur la base d’une normativité

bien établie, à prévenir un éclatement ouvert des conflits, glissant vers une confron-

tation ouvertement violente, une méthode caractéristique de toutes les sociétés pai-

sibles. Cette solution est loin d’être idéale, laissant par exemple des conflits non

résolus derrière la façade du consensus ou menant à une confrontation souterraine

à long terme, très difficile à contrôler. Le bénéfice est pourtant loin d’être

négligeable : la formation des forces destructives de l’ordre social est effectivement

empêchée. Il est visiblement très difficile de franchir l’obstacle d’une normativité

vécue comme essentielle, comme l’analyse des trois « jours sanglants » a permis de

le montrer.

La paix du fihavanana à Madagascar se caractérise par un certain nombre de

particularités : c’est un contrat de citoyenneté reconnaissable en tant que notion

abstraite, comme la référence au fihavanana dans les constitutions le montre, mais

il ne faut jamais perdre de vue qu’il est basé sur une expérience profondément indi-

viduelle du fihavanana. Ensuite, il faut préciser que la notion du fihavanana est liée

à l’attente d’un comportement consensuel au sein de l’unité du fihavanana, mais

pas dans le sens d’une position de moralité universelle. Le fihavanana entraîne une

distinction entre « les autres qui comptent » (Galibert 2009 : 122, citant Randria-

marolaza 199950), auxquels seulement une attitude défensive est appliquée, se défi-

nissant « par rapport à ceux qui ne comptent pas » (ibid.). Un comportement

agressif envers ce dernier n’est pas (forcément) soumis à une pénalité sociale et est

même soutenu, car ceux en dehors de l’unité sociale du fihavanana ne sont pas

considérés comme faisant partie du monde social légitime, et cela aussi longtemps

qu’ils n’y sont pas intégrés. De plus, la paix du fihavanana crée l’impression parti-

50 Louis Randriamarolaza 1999 : Madagascar au XXIe siècle – Le défi de l’avenir. Le lien social en

milieu malgache actuel. L’express de Madagascar, 3 avril 1999.

64 Peter Kneitz

culière d’une continuité dans la perspective des individus, même si l’unité du fiha-

vanana national élargi intègre des groupes identitaires auparavant engagés dans

une longue histoire d’hostilité. La stabilité du fihavanana clanique à travers le

temps se fond ainsi sans difficultés avec l’idée anachronique d’une société toujours

paisible.

Entre émotions et obsessions

La traduction du terme fihavanana oblige nécessairement à mettre en avant sa

signification en tant qu’idée particulière de solidarité. Une telle analyse est soumise

au danger imminent qu’il soit regardé comme hautement abstrait, même si les idées

populaires évoquent tout à fait le contraire en mettant largement sur la valeur du

fihavanana comme « amour mutuel » (fifankatiavana ; Raharilalao 1991 : 432). Il

convient alors d’accentuer à la fin de cette étude l’aspect important de l’émotivité

du fihavanana, même si elle a déjà été évoquée plusieurs fois.

Le fihavanana est visiblement intériorisé profondément au cours de la sociali-

sation. Sa base est l’expérience très concrète, quotidienne, des relations sociales et

de leurs significations dès la naissance, incluant maintes occasions de vivre « le »

fihavanana dans le cadre des événements rituels, permettant de présenter les cercles

ou les « étages du fihavanana » (voir la contribution de Gabriel Rantoandro) du

clan respectif. Au cours de ce processus, il s’est créé inévitablement les traits d’une

personnalité particulière, liée à un cosmos social précis, un « Rabefihavanana »

(Raharilalao 1991 : 139ff.). La force, la vitalité et la stabilité du fihavanana – et de

la société paisible d’ailleurs – sont les effets de cette situation émotive, créant chez

l’individu la certitude que le fihavanana est la base même de son existence.

Certes, il est vrai que cette expérience du fihavanana est vue dans un contexte

urbain (et bien au-delà) de plus en plus d’un œil nostalgique, comme une expérien-

ce du temps passé (voir des témoignages dans la contribution de Mareike Späth).

Il est même nettement nié par certains intellectuels51. Ces faits laissent apparaître

des perspectives loin de l’enthousiasme usuel entourant le discours usuel du

fihavanana : le fihavanana n’existe pas comme il est supposé, il n’existe plus, ou

même pire, il n’existe pas. L’anonymat des grandes villes, la paupérisation de la

population et la grande tendance à économiser les relations sociales ou simplement

les tentatives pour profiter du fihavanana par un comportement parasitaire sont

des observations qui se prêtent à une telle perspective.

51 Communication personnelle du Gabriel Rantoandro en 2013, saisissant ses discussions avec des

collègues à l’Université d’Antananarivo concernant le sujet du fihavanana.

La paix du fihavanana 65

Mais il faut être prudent : ne s’est-il pas créé des imaginaires et même des

obsessions autour d’un fihavanana d’antan, exagérant sa pratique de même que ses

limites ? L’approche « utilitariste » concernant la fonction d’entraide du fihava-

nana dans le monde rural (voir contribution de Sandron) semble indiquer des élé-

ments permettant cette voie d’interprétation. Vis-à-vis d’un constat d’un déclin du

fihavanana, il s’ajoute donc le soupçon des emergences des attentes nostalgiques,

en somme difficiles à remplir, accentuées encore par l’expérience des ruptures

sociales, conduisant inévitablement à la déception. Mais même en enregistrant ces

voies d’un déclin présumé du fihananana, la nostalgie et la négation renvoient

immuablement à la recherche du fihavanana, au moins censé être toujours la base

de la vie.

Le fihavanana comme champ des négociations

La fonction du fihavanana comme base de la société paisible à Madagascar, d’une

part, et l’accrochement profond par l’expérience et l’émotivité (soit au moins

l’attente d’un tel accrochement), d’autre part, font que le discours du fihavanana

revêt une importance particulière à Madagascar. Touchant en même temps au fon-

dement de l’Etat (selon la constitution), de la société (selon la normativité) et de la

personnalité individuelle même (selon la socialisation), la négociation du fihava-

nana toujours en cours est une affaire délicate, rendant l’occupation profonde de

la population malgache avec ce sujet compréhensible.

Ce champ du fihavanana est très large et seulement partiellement influencé en

direct par les acteurs politiques ou la société civile. La hausse rapide de la popula-

tion, qui se prolongera encore très probablement durant des décennies, les problè-

mes économiques graves et les effets d’une modernisation à tous les niveaux de la

vie sont quelques aspects à interpréter comme une immense épreuve en cours pour

la vitalité du fihavanana. Les ruptures sociales vécues à tous les niveaux de la socié-

té et de la vie individuelle et depuis longtemps sont des points d’attaque pour un

affaiblissement du fihavanana, mettant sa vitalité en question. Le sort de ce pro-

cessus – finalement à situer dans une négociation du champ social de l’homme dans

le cadre de la modernisation progressive – reste décidément ouvert.

En face des incertitudes, un regard rétrospectif s’avère comme instructif : pour-

quoi ne pas prendre l’héritage méconnu de la société paisible à Madagascar,

construite avec succès dans un contexte postcolonial extrêmement difficile, comme

base encourageante pour le futur ?

66 Peter Kneitz

Bibliographie

Abinal, Antoine et Victorin Malzac 1899 : Dictionnaire malgache-français. Tananarive :

Imprimerie de la Mission Catholique.

Alexandre, Christian 2003 : Le Malgache n’est pas une île. Antananarivo : Foi et Justice.

– 2007 : Violences Malgaches. Antananarivo : Foi et Justice.

Andriamalala, Gildas et Charlie Gardner 2010 : L’utilisation du dina comme outil de gou-

vernance des ressources naturelles. Leçons tirés de Velondriake, sud-ouest de Madagas-car. Tropical Conservation Science 3 (4), 447–472.

Andriananja, Heriniaina 2005 : Institutions locales et gouvernance des ressources naturel-

les. Le cas de la gestion contractualisée de la station forestière de Manjakatompo

(Madagascar). In Jérôme Ballet et al. (dir.), Le capital social en action, 113–130.

Ballet, Jérôme et Katia Radja (dir.) 2005 : Le capital social en action. Territoires et trans-

ferts. Paris : L’Harmattan.Beaujard, Philippe 1995 : La violence dans les sociétés du sud-est de Madagascar. Cahiers

d’Etudes Africaines 35 (138–139), 563–598.

Bergenholtz, Henning (dir.) 1991 : Rakibolana Malagasy-Alema/Madagassisch-Deutsches

Wörterbuch. (En collaboration avec Suzy Rajaonarivo, Rolande Ramasomanana, Bao-

vola Radanielina et al.). Antananarivo : Leximal.

Bloch, Maurice 1971 : Placing the dead. Tombs, ancestral villages, and kinship organizationin Madagascar. London : Seminar Press.

Bryden, Benjamin 2007 : Stigmatisation en pays betsimisaraka. S’éloigner pour mieux

s’apercevoir. L’information psychiatrique 83 (10), 815–820.

Callet, R. P. 1974–1978 [1873–1902] : Histoire des rois. Tantaran’ny Andriana. (4 vol.).

Tananarive : Librairie de Madagascar.

Campbell, Gwyn 2005 : An economic history of imperial Madagascar, 1750–1895.Cambridge : University Press.

Chabal, Patrick, Ulf Engel et Anna-Maria Gentili (dir.) 2005 : Is violence inevitable in

Africa ? Theories of conflict and approaches to conflict prevention. Leiden : Brill.

Claverie, Eric 2011 : Trente-cinq ans de rencontres nationales sportives. Unité et identité

malgaches le temps d’un week-end. Hommes & Migrations 2011/1 (1289), 70–79.

Cole, Jennifer 2001 : Forget colonialism ? Sacrifice and the art of memory in Madagascar.Berkeley : University of California Press.

– 2010 : Sex and salvation. Imagining the future in Madagascar. Chicago : University of

Chicago Press.

Condominas, Georges 1991 [1961] : Fokon’olona et collectivités rurales en Imerina. (Ré-

édition corrigiée). Paris : Orstom.

Constitutions de la République de Madagascar

– Constitution du 19 août 1992. [en ligne] http:/mjp.univ-perp.fr/constit/mg1992.htm[05.12.2013].

– Constitution du 11 décembre 2010. [en ligne] http:/mjp.univ-perp.fr/constit/mg2010.htm

[05.12.2013].

Delivré, Alain 1974 : L’histoire des rois d’Imerina. Paris : Klincksieck.

Dewar, Robert, Chantal Radimilahy, Henry Wright, Zenobia Jacobs, Gwendolyn Kelly et

Francesco Berna 2013 : Stone tools and foraging in northern Madagascar challengeHolocene extinction models. Proceedings of the National Academy of Sciences of the

United States of America 110 (31), 12583–12588.

La paix du fihavanana 67

Dez, Jacques 1981 : L’illusion de la non-violence dans la société traditionnelle malgache.

Droit et Culture 2, 24–44.

Drury, Robert 1826 [1729] : The pleasant and surprising adventures of Robert Drury dur-

ing his fifteen years’ captivity on the island of Madagascar. [Réprimé 2010]. London :Hunt.

Dubois, Robert 1978 : Olombelona. Essai sur l’existence personnelle et collective à Mada-

gascar. Paris : L’Harmattan.

– 2002 : L’identité malgache. La tradition des ancêtres. Paris : Karthala.

– 2005 : Fihavanana malagasy sy ny heriny. Antananarivo : Ambozontany.

Ellis, Stephen 1998 : L’insurrection des menalamba. Une révolte à Madagascar (1895–1898). Paris : Karthala.

Emoff, Ron 2002 : Recollecting from the past. Musical practice and spirit possession on the

east coast of Madagascar. Middletown : Wesleyan University Press.

Fauroux, Emmanuel 1974 : Dynamismes pré-coloniaux et transformations actuelles d’une

communauté villageoise du Vakinankaratra. Cahiers du Centre d’Etudes des Coutumes

(Université de Madagascar) 10, 61–91.Feeley-Harnik, Gillian 1991 : A green estate. Restoring Independence in Madagascar.

Washington : Smithsonian.

Feuille de Route 19.09.2011 : Feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar. Enga-gements des acteurs politiques malgaches. [en ligne] www.mira.gov.mg/texte/Feuille_

de_ %20Route.pdf [05.12.2013].

Flacourt, Etienne 1995 [1661] : Histoire de la Grande Isle Madagascar. [Edition présentéeet annotée par Claude Allibert]. Paris : Inalco-Karthala.

Freeman, Joseph 1835 : A dictionary of the Malagasy language in two parts.

Antananarivo : London Missionary Society.

Fritz-Vietta, Nadine, H. Barry Ferguson, Susanne Stoll-Kleemann et Jörg Ganzhorn 2011 :

Conservation in a biodiversity hotspot. Insights from cultural and community perspec-

tives in Madagascar. In Frank Zachos et Jan Habel (dir.), Biodiversity Hotspots.Springer : Berlin, 209–233.

Fry, Douglas 2006 : The human potential for peace. An anthropological challenge to

assumptions about war and violence. New York : Oxford University Press.

Galibert, Didier 2009 : Les gens du pouvoir à Madagascar. Etat postcolonial, légitimités et

territoire (1956–2002). Paris : Karthala.

Galtung, Johan 1969 : Violence, peace, and peace research. Journal of peace research 6 (3),167–191.

Gannon, Frédéric et Frédéric Sandron 2003 : Convention de solidarité et intérêt collectif

dans une communauté rurale malgache. [Colloque ‘Conventions et institutions.

Approfondissements théoriques et contributions au débat politique.’ La Défense, 11 et

12 décembre 2003]. Paris : IRD.

– 2006 : Echange, réciprocité et innovation dans une communauté paysanne. Une lecture

conventionnaliste. Economie rurale 292, 50–67.Gastineau, Bénédicte, Lucy Gathier et Iarizo Rakotovao 2010 : Relations de genre et vio-

lence conjugale à Antananarivo (Madagascar). [Série Population-Santé 17. Laboratoire

Population-Environnement-Développement]. Marseille : Université de Provence.

Goedefroit, Sophie 1998 : A l’Ouest de Madagascar. Les Sakalave du Menabe. Paris : Kart-

hala.

Graeber, David 2007 : Lost people. Magic and the legacy of slavery in Madagascar.Bloomington : Indiana University Press.

68 Peter Kneitz

Grandidier, Alfred, Charles-Roux, Cl. Délhorbe, H. Froidevaux et Guillaume Grandidier

(dir.) 1903–1920 : Collections des ouvrages anciens concernant Madagascar. Paris :

Comité de Madagascar.

Grandidier, Alfred et Guillaume Grandidier 1903 : Ouvrages ou extraits d’ouvrages portu-gais, hollandais, anglais, français, allemands, italiens, espagnols et latins relatifs à

Madagascar (1500 à 1613). (Vol. 1 de Grandidier et al. (dir.) 1903–1920).

– 1904 : Ouvrages ou extraits d’ouvrages français (jusqu’à 1630), portugais, hollandais,

anglais, allemands, italiens, espagnols et latins relatifs à Madagascar (1613 à 1640).

(Vol. 2 de Grandidier et al. (dir.) 1903–1920).

– 1905 : Ouvrages ou extraits d’ouvrages anglais, hollandais, portugais, espagnols et alle-mands, relatifs à Madagascar (1640 à 1716). (Vol. 3 de Grandidier et al. (dir.) 1903–

1920).

– 1907 : Ouvrages ou extraits d’ouvrages anglais, hollandais, portugais, espagnols, suédois

et russes (1718–1800). (Vol. 5 de Grandidier et al. (dir.) 1903–1920).

Hauge, Wenche 2010 : When peace prevails. The management of political crisis in Ecuador,

Madagascar, Tunisia, and Venezuela. Alternatives : Global, Local, Political 35, 469–493.

– 2011 : Madagascar between peace and conflict – domestic capabilities for peaceful con-

flict management. Conflict, Security & Development 11 (5), 509–531.

Hugon, Philippe 2005 : La stagnation de l’économie Malgache. Le rôle des crises et des fac-

teurs sociopolitiques en longue période. Armand Colin. Revue international et straté-

gique 4 (60), 19–32.Jackson, Jennifer 2013 : Political oratory and cartooning. An ethnography of democratic

processes in Madagascar. Oxford : Wiley-Blackwell.

Jahn, Egbert 2012 : Frieden und Konflikte. Wiesbaden : VS (Verlag für Sozialwissenschaf-

ten).

Jaovelo-Dzao, Robert 2001 : Aspects de l’hospitalité dans les contes sakalava. In Alain

Montadon (dir.), L’hospitalité, 93–100.Keller, Eva 2009 : The danger of misunderstanding « culture ». Madagascar Conversation

& Development 4 (2), 82–85.

Kent, Raymond 1970 : Early kingdoms in Madagascar, 1500–1700. New York : Holt.

Kneitz, Peter 2003 : Die « Kirche der Sakalava » und die vier heiligen Brüder Andriamisara.

Ein dynastischer Kult und seine gesellschaftspolitische Bedeutung auf Madagaskar.

Stuttgart : WiKu.Lahady, Pascal 1979 : Le culte betsimisaraka et son système symbolique. Fianarantsoa :

Ambozontany.

Lambek, Michael 2002 : The weight of the past. Living with history in Mahajanga, Mada-

gascar. New York : Palgrave.

Leitão, Humberto 1970 : Os dois descombrimentos da ilha de São Lourenço […]. Lisboa :

Centro de estudos históricos ultramarinos.

Loi n° 2012-010 : Portant Création, mission, attributions, composition, et modalités defonctionnement du Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM) ou Conseil dela Réconciliation Malagasy (CRM). [en ligne] http://www.mira.gov.mg/texte/Loi_201

2010_creation_FFM_CRM.pdf [05.12.2013].

Mannoni, Octave 1948 : La personnalité malgache. Revue de Psychologie des Peuples 3 (3),

263–281.

Marre, Aristide 1895 : Vocabulaire français-malgache. Paris : Vosgienne.Megiser, Hieronymus 1609 : Wahrhafftige […] Beschreibung der […] Insul Madagascar,

[…]. Altenburg : Gross.

La paix du fihavanana 69

Méral, Philippe et Denis Requier-Desjardins 2006 : La gestion durable de l’environnement

à Madagascar. Enjeux, opportunités et contraintes. Economie rurale. Agricultures, ali-

mentations, territoires 294-295, 4–8.

Molet, Louis 1956 : Le bain royal à Madagascar. Tananarive : Imprimerie Luthérienne.– 1967 : Cadres pour une ethnopsychiatrie de Madagascar. L’Homme 7 (2), 5–29.

Montadon, Alain (dir.) 2001 : L’hospitalité dans les contes. Clermont-Ferrand : Presses Uni-

versitaires Blaise Pascal.

Mücke, Stephen 2010 : Action in Madagascar. The World Bank, Ravalomanana and leader-

ship. Inter-Asia Cultural Studies 11 (2), 248–254.

Njara, Ernest 1992 : Le fihavanana. Droit et Cultures 24, 152–159.Nordman, Christophe et Julia Vaillant 2013 : Inputs, gender roles or sharing norms ?

Assessing the gender performance gap among informal entrepreneurs in Madagascar.

[10th Midwest International Economic Development Conference]. [en ligne] http://

dial2013.dauphine.fr/fileadmin/mediatheque/dial2013/documents/Papers/196_France_

Vaillant_Nordman.pdf [05.12.2013].

Ottino, Paul 1998 : Les champs de l’ancestralité à Madagascar. Parenté, alliance et patri-moine. Paris : Karthala.

Pearson, Mike et Karen Godden 2002 : In search of the red slave. Shipwreck and captivity

in Madagascar. Phoenix : Sutton.

Ploch, Lauren et Nicolas Cook 2012 : Madagascar’s Political Crisis. [Congressional

Research Service (CRS) 7-5700]. [en ligne] http://www.fredsakademiet.dk/ordbog/

mord/madagascar_policy.pdf [05.12.2013].Prunier, Gerard 2009 : From genocide to continental war. The ‘Congolese’ conflict and the

crisis of contemporary Africa. London : Hurst.

Rabeherifara, Jean-Claude 2009: Malagasin’Andafy-France. Identités, réseaux et pratiques.

In Didier Nativel et Faranirina Rajaonah (dir.), Madagascar revisitée. En voyage avec

Françoise Raison-Jourde. Paris : Karthala, 151–178.

Radanielina-Hita, Marie 2010 : Let’s make peace ! A cross-cultural analysis of the effects ofserial arguing behaviors in romantic relationships. The case of Malagasy romantic

part-ners. Journal of Intercultural Communication Research 39 (2), 81–103.

Rafolisy, Patrick 2008 : Protection juridique et l’integrité morale et developpementdurable : Le cas de Madagascar. [Thèse de l’Université de Limoges]. [en ligne] http://

epublications.unilim.fr/theses/2008/rafolisy-patrick-yves-noel/rafolisy-patrick-yves-noel.pdf [05.12.2013].

Rahajarizafy, Antoine de Padoue 1950 : Hanitra nentin-drazana. Fianarantsoa : Ambozon-

tany.

– 1970 : Filozofia Malagasy. Fianarantsoa : Ambozontany.

Raharilalao, Hilaire 1979 : Mystique communautaire de la vie relationnelle à Madagascar.

Essai d’une théologie de fihavanana. Abidjan : ICAO.

– 1990 : Langage et expression du fihavanana. Cahiers Manantenasoa 1, 28–37.

– 1991 : Eglise et fihavanana à Madagascar. Une herméneutique malgache de la réconcilia-tion chrétienne selon Saint Paul 2 Co 5, 17–21. Fianarantsoa : Ambozontany.

Raison-Jourde, Françoise 1991–1992 : La constitution d’une utopie du fokonolona comme

mode de gouvernement par le peuple dans les années 1960–1973 à Madagascar.

Omaly sy anio 33–36, 675–712.

– 1999, Le soulèvement de 1947. Bref état des lieux. In Françis Arzalier et Jean Suret-

Canale (dir.), Madagascar 1947 : la tragédie oubliée. [Colloque de l’AFASPS en 1997 àUniversité Paris VII-Saint-Denis]. Paris : Le temps des cerises.

70 Peter Kneitz

Raison-Jourde, Françoise et Jean-Pierre Raison 2002 : Ravalomanana et la troisième

indépendance ? Politique africaine 2 (86), 5–17.

Raison-Jourde, Françoise et Gérard Roy 2010 : Paysans, intellectuels et populisme à Mada-

gascar. De Monja Jaona à Ratsimandrava (1960–1975). Paris : Karthala.Rajaonah, Faranirina 2008 : Christianisme et construction de l’identité malgache. In Giulio

Cipollone (dir.), Christianisme et droits de l’homme à Madagascar. Un siècle d’évangé-

lisation dans la région Alaotra-Mangoro. Paris : Karthala, 79–89.

Rajaonarimanana, Narivelo 1995a : Grammaire moderne de la langue malgache. Paris :

L’Asiathèque.

– 1995b : Dictionnaire du malgache contemporain. Paris : Karthala. Rajoelina, Patrick 1988 : Quarante années de la vie politique de Madagascar 1947–1987.

Paris : L’Harmattan.

Rakotozafy, Alfred-Emile 1965 : Le fihavanana. Préalables à l’anthropologie pastorale à

Madagascar. Mémoire de catéchèse. Paris : ISPC (Institut catholique de Paris).

Ralambo, Cécile 1984 : Quel fihavanana pour quel développement malgache ? Solidarités

et service social. [Thèse IIIe cycle sociologie, 2 vol.]. Paris : EHESS.Ramaroson, Benjamin 1997 : The inculturation of the consecrated life in the Madagascar

context. Vincentiana 41 (6), 488–501.

Ramasindraibe, Paul 1962 : Fokonolona. Ny « Fihavana » no mandamina ny fivelomany.

Ny « Fanahy » no mifehy ny firaisany monina. Antananarivo: Imprimerie Catholique.

– 1971 : Ny fihavanana. Fomba fifandraisan’ny samy Malagasy. Antananarivo : Imprime-

rie Catholique.– 1978 : Ny fihavanana eo amin’ny firaisamonina sy ny tany ary ny fanjakana. Haifomba

ho an’ny kilasy faha-6 sy faha-5. Antananarivo : Fofipa (Foibe filan-kevitry ny mpam-

pianatra).

Randriamahefa, François de Paul 2009 : L’ « un » de la Bible compris à traver l’iray

(« un ») de la pensée malgache : théologie de la « vie » et du « sang ». [Thèse de docto-

rat]. Université de Fribourg.Randriamarolaza, Louis 1995 : Respecter le droit sans oublier la justice. Les fourches cau-

dines de la transition démocratique à Madagascar. In Manassé Esoavelomandroso et

Gaëtan Feltz (dir.), Démocratie et développement. Mirage ou espoir raisonnable ?

Paris : Karthala, 369–382.

Randrianary, Jacques 2010 : Reconstructing Fihavanana as a pardigm for a « culture of

Aina ». [Thèse de doctorat]. Jesuit School of Theology of Santa Clara University.Randrianja, Solofo 2001 : Société et luttes anticoloniales à Madagascar (1896 à 1946).

Paris : Karthala.

– 2012 : Le coup d’Etat de mars 2009, chronologie et causes. In Solofo Randrianja (dir.),

Madagascar, le coup d’Etat de mars 2009. Paris : Karthala, 13–42.

Randrianja, Solofo et Stephen Ellis 2009 : Madagascar. A short history. London : Hurst &

Company.

Rasamoelina, Harisoa 2012 : Croyances et instrumentalisation à Madagascar. Antana--narivo : Friedrich-Ebert-Stiftung.

Rasoarifetra, Bako 2012 : La viande de zébu ou hena omby dans les traditions malagasy.

Taloha 20. [en ligne] http://www.taloha.info/document.php?id=1228 [05.12.2013].

Ratovonjanahary, Robert, Clarisse Rasoamampionona et Claire Rasoamalalavao 2001 :

« Aleo vary tsikalakalam-bola toy izay very tsikalakalam-pihavanana. » Etude de com-

portements hospitaliers à travers les contes. In Alain Montadon (dir.), L’hospitalité,101–107.

La paix du fihavanana 71

Razafimpahanana, Bertin 1967 : Attitudes des Merina vis-à-vis de leur tradition ancestrale.

[Thèse de doctorat de Troisième Cycle]. Faculté des Lettres, Département des Sciences

Humaines : Tananarive.

– 1972 : Le paysan Malagasy. Collection Points de vue sur la société Malagasy.Tananarive : T.P.L.

Reno, William 1998 : Warlord politics and African states. Boulder : Rienner.

Richardson, James 1885 : A new Malagasy-English Dictionary London : The London Mis-

sionary Society.

Rosés Tubau, Mariona 2006 : La dualidad jurisdiccional en Madagascar. El caso de losdinas. Gazeta de Antropología 22. [en ligne] http://hdl.handle.net/10481/7094[05.12.2013].

Roubaud, François et Jean-Michel Wachsberger 2006 : Les quartiers pauvres contre la

démocratie ? Le cas d’Antananarivo, Madagascar. Afrique contemporaine 220 (4), 65–

96.

Sandron, Frédéric 2007 : Stratégies anti-risques et filets de sécurité dans une commune

rurale malgache. Autrepart 44, 141–156.– 2008 : Le fihavanana à Madagascar. Lien social et économique des communautés rurales.

Revue Tiers Monde 195 (3), 502–522.

Schlemmer, Bernard 1983 : Le Menabe. Histoire d’une colonisation. Paris : Orstom.

Seagle, Caroline 2012 : Inverting the impacts. Mining, conservation and sustainability

claims near the Rio Tinto/QMM ilmenite mine in Southeast Madagascar. Journal of

Peasant Studies 39 (2), 447–477.Serre-Ratsimandisa, Georges 1978 : Théorie et pratique du « Fokonolona » modern à

Madagascar. Canadian Journal of African Studies 12 (1), 37–58.

Sharp, Lesley 1993 : The possessed and the dispossessed. Spirits, identity, and power in a

Madagascar migrant town. Berkeley : University of California Press.

Sirven, Nicolas 2003 : Endogenous social capital and self-rated health. Cross-sectional data

from rural areas of Madagascar. Social Science & Medicine 63, 1489–1502.– 2005 : Les déterminants des flux de capital social à Madagascar. In Jérôme Ballet et al.

(dir.), Le capital social en action, 133–158.

Späth, Mareike 2013 : Madagascar’s Independence jubilee. A national holiday in times of

crisis. Nations and Nationalism 19 (2), 257–275.

Spindler, Marc 1996 : Les embarras d’Antananarivo ou l’économie politique des trottoirs.

Politique africaine 62, 39–50.– 2003 : The sweetness of life in Madagascar. A theological debate. In Inus Daneel, Charles

Van Engen et Hendrik Vroom (dir.), Fullness of life for all. Challenges for mission in

early 21st century. Amsterdam : Rodopi, 105–119.

Sponsel, Leslie et Thomas Gregor (dir.) 1994 : The anthropology of peace and non-violence.

Boulder : Rienner.

Stewell, Joseph 1875 : Diksionary englisy sy Malagasy ho any izay mianatra teny englisy.

Antananarivo : Ny Friends’ foreign mission association.Travis, Jesse 2006 : A seperate world. Conflicts between Malagasy society and the men-

tally handicapped. [Independent Study Project (ISP) Collection Paper 257, School forInternational Training, Antananarivo]. [en ligne] http://digitalcollections.sit.edu/

isp_colle ction/257 [8.11.2013].

Turner, Victor 1977 : Sacrifice as quintessential process prophylaxis or abandonment ?

History of Religions 16 (3), 189–215.Urfer, Sylvain 2012 : Madagascar. Une culture en péril ? Antananarivo : no comment.

72 Peter Kneitz

Vivier, Jean-Loup 2010 : Madagascar, une île à la dérive. Les années 2007–2010. De Reva-

lomanana à Rajoelina. Paris : L’Harmattan.

Webber, R. P. Joseph 1855 : Dictionnaire français-malgache redigé par les missionaires

catholiques de Madagacar et adaptés aux dialects de toutes les provinces. Ile Bourbon :Etablissement malgache de Notre-Dame de la Ressource.

Williams, Paul 2011 : War and conflict in Africa. Cambridge : Polity.

Document non-publié

Randriamarolaza, Louis 2013 : De Pierre, de feu, de sang. Relations humaines et fihava-

nana dans la culture malgache, 18 p.

Pages Web

(dernière consultation 05.12.2013)

L’Express de Madagascar

– 11.12.2011 : Réconciliation. La société civile défie le gouvernement. [Auteur : Misaina

Rakotondratsima]. http://www.lexpressmada.com/5372/print-article-38434.html

Madagascar-Tribune– 22.12.2012 : Message du Premier ministre. Des défis. http:/www.madagascar-tribune.com

/Des-defis,18289.html

– 08.03.2013 : Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy. Les 44 membres ont prêté ser-

ment [Auteur : Valis]. http://www.madagascar-tribune.com/Les-44-membres-ont-prete-

serment,18530.html

– 26.11.2013 : Le FFM invite les finalistes de la présidentielle. http://www.madagascar-tri-bune.com/Le-FFM-invite-les-finalises-de-la,19378.html

Motmalgache (Encyclopédie de Madagascar et dictionnaire malgache)

http://www.motmalgache.org

Glossaire 315

Glossaire

ady : guerre, conflit de tout genre

aina : vie, l’unité de la vie

ampehy, ampehikely : quartier d’un village occupé par un groupe de co-héritiers

(fehitry)

ampijoro : prêtre traditionnel, habilité à prendre la parole dans les rituels

angira : canne dont se servent les prêtres tangalamena

arahamba : personnes non liées par parenté

dahalo : voleurs de zébus, bandits

dina : justice locale ; pacte entre les membres d’une ou de plusieurs communautés,

approuvé comme instrument de la justice par l’Etat

falambagnambato : autel ; dalle de pierre destinée à recevoir la part des ancêtres,

provenant d’un sacrifice

famadihana : cérémonie de retournement des dépouilles des ancêtres, pratiqué sur-

tout aux Hautes-Terres

fanjakana : l’Etat

fatidra : alliance par le sang

fehitry : groupe d’ancestralité localisé, occupant un quartier d’un village

fianakaviana : famille

fifanajana : respect mutuel

fifankatiavana : amour mutel, aspect central du fihavanana

fihavanana : solidarité, entente, consensus ; ethos très varié de la parenté et de

l’amitié à tous niveaux des unités sociales à Madagascar jusqu’à l’échelle

nationale ; variante dialectale du Centre et de l’Est pour exprimer la notion de

la solidarité au niveau local

fihavanana (mala)gasy : solidarité nationale ; contrat de citoyenneté lié à la

République de Madagascar

filongoa : variante dialectale des côtes (du Sud, de l’Ouest, du Nord) du fihavanana

firenena : nation

fisokina : poteau en bois destiné à porter les cornes de zébu après un sacrifice, syn.

jiro

foko : famille étendue ; unité sociale d’une descendance et ancestralité partagée,

dont la signification va du clan au groupe ethnique et à la nation

316 Glossaire

fokonolona : communauté villageoise (connoté à l’idée de descendance commune)

fokontany : unité d’administration locale

fototra : fondement, origine, pilier

havana : parent

jiro : cf. fisokina

joro : sacrifice ; rituel traditionnel voué aux ancêtres (en opposition aux rituels

chrétiens), dirigé par un prêtre habilité (ampijoro ou tangalamena), syn. soro

lambagnana : feuilles servant dans les repas cérémoniels

longo : ami, parent ; cf. filongoa

maimay : envie, jalousie

mpimasy, moasy : magicien

mpiraimonina : co-résidents

namana : amis

nofon-kena mitam-pihavanana : litt. « les morceaux de viande qui entretiennent la

solidarité (c’est-à-dire le fihavanana) » ; rituel du partage de la viande (surtout

des zébus) pour entretenir la solidarité et la cohésion sociale, surtout dans le

cadre de l’Etat moderne ; historiquement établi dans le royaume merina au

centre de Madagascar

ohabolana : proverbe

rai(a)mandreny, ray aman-dreny : les parents, les aîné, les notables du village (et

de toute unité sociale)

rasa hariagna : partage de l’héritage d’une personne défunte, précédé d’un tsabo-

raha qui en porte le nom

raza : parenté

razana : ancêtres

soro : cf. joro

soron’afo, ou solon-tsoronafo : cuisson des repas cérémoniels ; symboliquement,

la corvée de la cuisson qu’on peut remplacer par une somme d’argent

tangalamena : litt. « canne rouge », prêtre traditionnel habilité à parler au nom des

groupes lignagers dans les cérémonies

tanindrazana : litt. « terre des ancêtres » ; village ou terroir ancestral ; la patrie

tapaka : frères et sœurs (unis par le sang)

tariky : clan patrilinéal

toby, tobiraza : litt. « camp des ancêtres », lieu de sacrifice

tolaka : présence d’esprits malveillants qui agissent suite aux actions des magiciens

locaux dans le corps des personnes, souvent à la demande des amants déçus

trano magnara : litt. « maison froide », ici, sépulture généralement en pierre

Glossaire 317

tsaboraha : tout cérémonie de sacrifice d’un zébu, « de tsabo, action de soigner et

raha quelque chose » (Lahady 1979 : 267, cf. bibliographie de Gabriel Ranto-

andro), par exemple à la suite d’un décès, ou dans des circonstances collectives

particulières (malaise, crise, maladie etc.), tenue dans un lieu convenu (tobi-

raza)

tsileondrika : litt. « ce qui résiste à l’eau courante », utilisé comme métaphore par

Ramasindraibé pour exprimer l’idée du « patrimoine, identité malgache » et

comme titre d’un journal

vahiny : étranger

vazaha : en général les hommes de la peau blanche ; les Européens, en particulier

les Français ; forces de sécurité d’Etat (surtout à l’Ouest)

318 Glossaire

Table des illustrations et des annexes 319

Table des illustrations et des annexes

« Introduction » de Peter Kneitz

Figure 1 : Champ sémantique actuel du fihavanana . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

Figure 2 : Ego comme centre des cercles concentriques du fihavanana . . . . 26

Figure 3 : Histoire schématique du fihavanana en trois phases . . . . . . . . . . 39

Figure 4 : Carte de Madagascar – le cadre régional des contributions

(par Monika Feinen, Cologne). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

« Indépendances et identité » par Faranirina Rajaonah

Figure : Le plat de devant du manuel « Ny fihavanana » par

Paul Ramasindraibe (1978) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

« Fihavanana 2010 » par Mareike Späth

Plate 1 : People queuing for the eye screening. Antsonjombe and

Analamahitsy (Antananarivo), 2010 (par Baholy Ravonison) . . . . . 126

Plate 2 : Distributing gifts to neighbors in Andraisoro (Antananarivo),

2010 (par Céline Molter). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126

Plate 3 : Group picture of schoolchildren after having received donations

of aliment, sweets and a toy from women of the International

Parish FJKM Andohalo (Antananarivo), 2010 (par l’auteur) . . . . . . . 127

Plate 4 : Children queuing at the fokontany’s door for sweets and paper

lanterns, Andavamamba (Antananarivo), 2010

(par Bakomalala Andriamihaja Rakotondrabe) . . . . . . . . . . . . . . . . . 127

Plate 5 : Preparing the ritual sharing of zebu meat (nofon-kena mitam-

pihavanana). Each bag contains pieces of pork and they will be given

to members of the local community, Tamatave, 2010

(par Ravelonjanahary) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

« Une ‘maladie malgache’ » de Peter Kneitz

(Les Figures 2–11 par l’auteur et avec l’accord des informateurs)

Figure 1 : Carte du district Besalampy, près du Cap St. André

(par Monika Feinen, Cologne). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158

320 Table des illustrations et des annexes

Figure 2 : Plan de la ville de Besalampy, chef-lieu de district, au bord de

la rivière Maningoza (par Monika Feinen, Cologne) . . . . . . . . . . . . . 162

Figure 3 : Les représentants de l’Etat à Besalampy avec le prince « Sely »,

vêtu en salampy (tissu) traditionnel à l’occasion de la fête de

l’indépendance en 2012. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

Figure 4 : La stèle de l’indépendance à Besalampy : en bas, la tête d’un

zébu comme symbole de l’unité malgache (2010) . . . . . . . . . . . . . . . 193

Figure 5 : Une jeune fille paralysée au collège de Besalampy (2013) . . . . . . 194

Figure 6 : Transfert d’une fille possédée par le tolaka chez ses

parents (2013) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194

Figure 7 : La préparation du zébu pour le sacrifice (joro) (18.06.2010) . . . 195

Figure 8 : Le discours lors du rituel nofon-kena par l’imam (fondi)

Mohammed, entouré par des élèves du collège (18.06.2010). . . . . . . 195

Figure 9 : Le sacrifice du zébu (joro) accompli par les équipes de foot

(18.06.2010) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196

Figure 10 : Le sacrifice d’un zébu pour apaiser les esprits des

tamariniers (23.06.2010). Velondrazana en tant que chef-Cisco

et responsable du terrain tient la queue du zébu . . . . . . . . . . . . . . . . 197

Figure 11 : L’autel offert aux filles touchées par des crises de tolaka au

collège St. Emile, avec la directrice Sœur Florentine (2010) . . . . . . . . 198

« Les usages du tsaboraha » de Gabriel Rantoandro

(Les Figures 2–16 par l’auteur en 2012 et avec l’accord des informateurs)

Figure 1 : L’arrière-pays de Fénérive-Est et la plaine de l’Iazafo

(Carte par Monika Feinen, Cologne) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208

Figure 2 : Vue des rizières depuis la bordure du site . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226

Figure 3 : Le poteau des cornes de zébu (fisokina) et la dalle de pierre

du sacrifice (falambagnambato) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

Figure 4 : La maison longue (trano lava) et l’autel de sacrifice vus de loin . 228

Figure 5 : L’autel (falambagnambato), les « stèles commémoratives » et,

au pied des arbres, les poteaux des cornes de zébu (fisokina). . . . . . . 228

Figure 6 : Les parents (havana) au sens restreint. L’intimité de la situation

se manifeste par l’opposition des plantes des pieds, perçue comme

une offense entre des non-parents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229

Figure 7 : Prêtre traditionnel, ceint à titre honorifique par un pagne neuf

(manasigny tangalamena) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230

Figure 8 : Les membres au groupement (fehitry ; occupant un quartier du

village) dans la cour de l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231

Table des illustrations et des annexes 321

Figure 9 : Dans une salle de l’école, les voisins et co-résidents au village

témoignant de leur solidarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231

Figure 10 : Explication du déroulement de la cérémonie (toro-jery) . . . . . . 232

Figure 11 : Abattage du zébu (famonoana aomby) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232

Figure 12 : Constitution des parts de viande. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233

Figure 13 : Repas avec les ancêtres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233

Figure 14 : Sur les versants, des rizières sur brûlis (terres à tavy),

aujourd’hui abandonnées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234

Figure 15 : Les terres basses, conquises sur les marécages et les fonds de

vallées, transformées en rizières inondées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234

Figure 16 : Une vue de la plaine de l’Iazafo, symbole de la maîtrise

d’un espace autrefois marécageux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

« Fihavanana local, fihavanana national » par Mariona Rosés

Figure 1 : La région Haute Matsiatra, avec le district Vohibato

(Carte par Monika Feinen, Cologne) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245

Figure 2 : Vue sur le fokontany rural Iharagnany-Est (par l’auteur) . . . . . . 245

« Le fihavanana au quotidien » par Frédéric Gannon

Figure : Evolution de la proportion de parcelles de riz cultivées en ligne

entre 1970 et 2005 dans le fokontany de Mananetivohitra,

commune d’Ampitatafika . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297

Annexe 1 : Dons et contre-dons lors des famadihana (cérémonie de

retournement des dépouilles des ancêtres) à Ampitatafika . . . . . . . . . 302

Annexe 2 : Localisation de la fratrie du chef de famille (Ampitatafika,

2003). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303

Annexe 3 : Cérémonies auxquelles le chef de ménage a été invité au

cours de l’année précédant l’enquête . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304

322 Table des illustrations et des annexes

Les Auteurs 323

Les Auteurs

Frederic Gannon

Doctorat en sciences économiques obtenu à l’Université Paris-X Nanterre. Maître

de Conférences à l’Université du Havre. Ses premiers travaux portent sur l’écono-

mie urbaine, l’analyse des localisations optimales des ménages et des biens publics

et sur le lien entre discrimination sur le marché du travail et ségrégation résiden-

tielle, en collaboration avec Y. Zénou (Annales d’Economie et de Statistiques

1997). Il a ensuite travaillé sur le concept de convention en économie, participant

à un ouvrage collectif dirigé par Ph. Batifoulier (Théorie des conventions 2001) et

en appliquant en collaboration avec F. Sandron ce concept à l’analyse de l’innova-

tion en milieu rural à Madagascar (Economie rurale 2006). Ses autres activités de

recherche ont porté sur la formation des liens coopératifs en R&D (Research &

Development) au sein d’oligopoles, en collaboration avec F. Deroïan (International

Journal of Industrial Organization 2006). Ses travaux actuels, en collaboration

avec V. Touzé, portent sur les régimes de retraite en France et aux Etats-Unis (Revue

de l’Ofce 2012).

Peter Kneitz

Etudes en anthropologie sociale et philosophie à l’Université de Cologne et à

l’EHESS. Doctorat en anthropologie sociale à l’Université de Cologne (2003) cen-

tré sur le royaume néo-traditionnel Boeny à Mahajanga, Madagascar (Die ‘Kirche

der Sakalava’). Il a effectué des terrains de longue durée sur la côte ouest de Mada-

gascar et à Mayotte dans le cadre de recherches ethno-historiques sur les royaumes

sakalava, incluant une documentation des doany (reliquaires, résidences royales).

Travaillant comme chercheur au Département d’Anthropologie Sociale à l’Univer-

sité Halle-Wittenberg, il dirige un projet sur « L’Etat postcolonial ‘paisible’ à

Madagascar ». Il est associé au programme de recherche du Burkhard Schnepel

« Connectivity in motion : Port cities of the Indian Ocean » au Max-Planck-Insti-

tut für ethnologische Forschung, Halle (Saale).

324 Les Auteurs

Hilaire Raharilalao

Etudes à la Faculté de Théologie de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest,

Abidjan, Côte d’Ivoire. Habilitation en 1983. Doctorat en Théologie Biblique en

1986. Publication d’Eglise et Fihavanana à Madagascar. Recherche en Incultura-

tion (1991). Fondateur et premier directeur de l’Institut Supérieur de Sciences

Pédagogiques et Religieuses d’Abidjan (1992–1997). Diplôme en Human Develop-

ment, College of Santa Fe, USA (2006). Chargé du « Séminaire de Recherche en

Ethique des Affaires et Développement Humain » à Antananarivo. Membre du

« Comité Malgache d’Ethique pour les Sciences et la Technologie » et Membre de

l’Académie Malgache (2012).

Faranirina V. Rajaonah

Historienne, professeur à l’Université Paris Diderot (Paris 7) et membre du Labo-

ratoire SEDET (Sociétés en développement. Etudes transdisciplinaires). Elle a

enseigné à l’Université d’Antananarivo de 1972 à 1999. Ses recherches portent sur

Madagascar et particulièrement les villes au XXe siècle, avec comme centres d’inté-

rêt, les sociétés, les cultures, la construction nationale. Elle a dirigé récemment les

ouvrages Madagascar et l’Afrique. Entre identité insulaire et appartenances histo-

riques (2007, codirection avec Didier Nativel), Madagascar revisitée. En voyage

avec Françoise Raison-Jourde (2009, codirection avec Didier Nativel) et Cultures

citadines dans l’océan Indien occidental (XVIIIe–XXe siècles). Pluralisme,

échanges, inventivité (2011).

Gabriel A. Rantoandro

Professeur au Département d’Histoire à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines

de l’Université d’Antananarivo. Il a soutenu une thèse de Doctorat d’Etat en His-

toire de l’archipel indonésien (XVIe–XVIIe siècles) à l’Université de Paris X

(Nanterre). Ses travaux récents d’histoire sociale et culturelle de Madagascar

(XVIIIe–XIXe siècles) incluent « Makoa et Masombika à Madagascar au XIXe siè-

cle. Introduction à leur histoire » (in D. Nativel et F. Rajaonah (dir.) 2007, Mada-

gascar et l’Afrique. Entre identité insulaire et appartenances historiques) et

« Christia-nisme et société dans l’est d’Antananarivo au XIXe siècle ; les baptêmes

Les Auteurs 325

à la paroisse d’Ambohipo (1865–1876) » (in D. Nativel et F. Rajaonah (dir.) 2009,

Madagascar revisitée. En voyage avec Françoise Raison-Jourde).

Mariona Roses

Doctorante en anthropologie et chercheuse dans le Groupe d’Etudes sur la

Réciprocité (GER) du Département d’Anthropologie Sociale de l’Université de Bar-

celona. Elle a mené des recherches ethnographiques à Madagascar sur les cultures

et les pratiques juridiques dans la Région de la Haute Matsiatra (2007, 2009).

Parmi ses sujets de recherche figurent l’anthropologie juridique, la coutume et le

pluralisme juridique. Les publications récentes incluent « Les pratiques traditi-

onnelles au service des paysans pour la prévention des vols de zébus. L’exemple du

tatao et du tsitsika dans le district de l’Isandra, Haute Matsiatra » (Taloha 20,

2011) et « Invertir en los cebúes de Madagascar. Un ejemplo de economía local en

el mundo global » (Icaria 2012).

Frederic Sandron

Titulaires de deux Masters en économie appliquée (Sciences Po) et en méthodes

scientifiques de gestion (Université Paris Dauphine), docteur en sciences écono-

miques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, habilité à diriger les recherches à

l’Université Paris Descartes, il est Directeur de Recherche à l’Institut de Recherche

pour le Développement (IRD). Il s’intéresse aux relations entre population, envi-

ronnement et développement, dans les pays du Sud et à l’île de La Réunion. Après

avoir travaillé cinq années en Tunisie de 1995 à 1999, il a vécu entre 2003 et 2006

à Madagascar où il a dirigé le programme 4D « Dynamique démographique et

développement durable ». Il est co-directeur depuis 2004 du Master « Population

et développement » à l’Université Catholique de Madagascar. Ses thèmes de recher-

che à Madagascar ont concerné les relations population-environnement, les aspects

microéconomiques des relations sociales, les stratégies productives des ménages

ruraux et la manière dont ceux-ci se prémunissent contre les risques. Il a coordonné

les trois ouvrages suivants sur Madagascar : Population et développement dans les

Hautes Terres de Madagascar (2007) ; Population rurale et enjeux fonciers à

Madagascar (2008) ; Parcours de recherches à Madagascar. L’Ostom-IRD et ses

partenaires (2010, avec C. Feller).

326 Les Auteurs

Gabriel Scheidecker

Il a suivi ses études en anthropologie d’histoire et philosophie à l’Université Fri-

bourg-en-Brisgau, Allemagne (2003–2008). Actuellement doctorant en anthropo-

logie culturelle et collaborateur scientifique dans le projet « Socialization and

Ontogeny of Emotions in Cross-Cultural Comparison », cluster d’excellence

« Languages of Emotion », Université libre de Berlin, il a publié « Socializing emo-

tions in childhood » (Mind, Culture and Activity, 2013) dans le cadre de ses tra-

vaux en anthropologie sur les émotions et sur l’enfance. Il a effectué plusieurs

recherches dans le sud de Madagascar depuis 2009.

Mareike Späth

Etudes en anthropologie sociale, philologie africaine et droit (2002–2008) et main-

tenant doctorante et enseignante-chercheuse à l’Institut d’Anthropologie et Lan-

gues Africaines à l’Université Johannes Gutenberg, Mayence, Allemagne. Membre

du projet de recherche « The poetics and politics of national commemoration in

Africa ». Ses recherches actuelles portent sur les célébrations du cinquantenaire de

l’indépendance à Madagascar et concernent la diversité des initiatives pendant les

fêtes nationales, reconnues comme espace de négociation, d’expression et de créa-

tion des identités nationales. Deux articles sont issus de ces travaux : « Madagas-

car’s Independence jubilee. A nation’s holiday in times of crisis » (Nations and

Nationalism, 2013) et « National Days between commemoration and celebration.

Remembering 1947 and 1960 in Madagascar » (avec Helihanta Rajaonarison,

Anthropology Southern Africa, 2013).