118
Université Toulouse 1 Capitole MASTER « SCIENCE POLITIQUE » Mémoire Mémoire présenté par ALDEBERT Camille LA FEMINISATION DE LA POLICE NATIONALE FRANCAISE : TRAJECTOIRES D’ENGAGEMENT ET STRATEGIES DES FEMMES POLICIERS DE NOS JOURS Les femmes policiers constituent-elles un groupe homogène défini par des motivations et des stratégies communes pour pallier au handicap de leur sexe dans un monde masculin ? Directrice de mémoire : Giorgia MACILOTTI 2013/2014

LA FEMINISATION DE LA POLICE NATIONALE FRANCAISE : TRAJECTOIRES D’ENGAGEMENT ET STRATEGIES DES FEMMES POLICIERS DE NOS JOURS

Embed Size (px)

Citation preview

Université Toulouse 1 Capitole

MASTER « SCIENCE POLITIQUE »

Mémoire

Mémoire présenté par ALDEBERT Camille

LA FEMINISATION DE LA POLICE NATIONALE FRANCAISE : TRAJECTOIRES D’ENGAGEMENT ET STRATEGIES DES FEMMES

POLICIERS DE NOS JOURS

Les femmes policiers constituent-elles un groupe homogène défini par des motivations et des stratégies communes pour pallier au handicap de leur sexe dans

un monde masculin ?

Directrice de mémoire : Giorgia MACILOTTI

2013/2014

2

3

LA FEMINISATION DE LA POLICE NATIONALE FRANCAISE :

TRAJECTOIRES D’ENGAGEMENT ET STRATEGIES DES FEMMES

POLICIERS DE NOS JOURS

ALDEBERT CAMILLE

4

REMERCIEMENTS

Je remercie sincèrement Madame Giorgia Macilotti pour son soutien, sa disponibilité et ses

précieux conseils, Monsieur Aurélien Guilmard pour sa disponibilité et les renseignements

qu'il m'a apportés. Je remercie également les personnes ayant accepté de se prêter au jeu de

l'entretien, pour le temps qu’elles m'ont accordé ainsi que pour leur bonne humeur. J’aimerais

remercier Sarah Beladjh, Espérance Keyi, A Mougnol, Emna Sghaier, Nathan Crain et

Romain Chaffard, qui ont partagé mes doutes, mes interrogations et mes découvertes et avec

lesquels j'ai beaucoup travaillé. Pour finir, je remercie mes parents pour m'avoir toujours

soutenue dans mes études et mes projets ainsi que pour l'intérêt qu'ils ont prêté à ce mémoire

de recherche.

5

AVERTISSEMENT

« L’Université Toulouse I Capitole n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans

les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur

auteur(e). »

6

TABLE DES SIGNES ET DES ABREVIATIONS

CRS: Compagnie Républicaine de sécurité

BAC : Brigade Anti Criminalité

ENSOP : Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Police

ENSP : Ecole Nationale Supérieure de la Police

7

SOMMAIRE

Introduction

Chapitre 1 : Les femmes et les prémices de l'engagement dans la police

Section 1 : L'importance de l'enfance dans la construction de l'engagement

I] Le rôle de l'influence et de la socialisation primaire inversée

II] L'idéalisation de la profession

Section 2 : Le moment et la nature du choix

I] La nature du choix liée au pouvoir symbolique de la profession

II] Les stratégies de légitimation liées à la justification du choix

Chapitre 2 :La confrontation au réel et la négociation de la carrière

Section 1 : Les stratégies accompagnant la réalisation du projet professionnel

I] La conversion au métier : l'étape du concours et de la formation

II] Devenir policier, s’intégrer à un monde essentiellement masculin

Section 2 : Être femme policier, un dédoublement d'identité

I] Des chances (in)égales de faire carrière

II] Entre identité de femme et identité de policier

8

INTRODUCTION

I] L'accès des femmes à la violence légitime

« La féminisation d’un métier ou d’une profession désigne généralement la croissance

du nombre de femmes dans une activité identifiée comme masculine, au vu de l’hégémonie

des personnels masculins en son sein et/ou des « qualités » socialement jugées nécessaires

pour l’exercer »1. Pour le définir, il est indispensable de replacer cet objet d'étude dans son

contexte à la fois historique et social. La féminisation de la Police Nationale est un

phénomène relativement récent, le premier événement marquant étant l'introduction des deux

premières femmes agents de police en 1935 dans la Police municipale Parisienne ; dans un

premier temps, le corps de personnels féminins est uniquement chargé des tâches

administratives. En 1968, on ouvre le concours d'officier de police adjoint (équivalent

d'inspecteur) aux femmes, puis on leur ouvre les portes du concours de commissaire en 1974,

celui de gardien de la paix en 1978 et celui d'officier de paix en 1983. En 1992, les quotas

restrictifs fixés au niveau ministériel seront supprimés. Cette ouverture de l'institution

policière aux femmes reste cependant inachevée puisque certains corps leur sont encore

fermés. Toutefois, on peut estimer que l'introduction des femmes dans la police est

significative du changement profond qui s'opère dans la société «post-soixante-huitarde», et

qu'elle est le reflet d'un mouvement global vers plus de parité développé par les combats

féministes de l'époque2.

Jean Claude MONET caractérise la police comme «une institution bloquée»3, qui a

cherché à se moderniser dans les années 1980 et qui a, de fait, ouvert ses portes aux

chercheurs. En 1982, la Direction de la Formation des Personnels de Police décide d'ouvrir les

sites d'enquêtes aux chercheurs, ouvrant ainsi la voie des travaux sur la Police jusqu'alors très

peu nombreux. En 1989, la création de l'Institut des Hautes Études de la Sécurité Intérieure

1 Guillaume MALOCHET « La féminisation des métiers et des professions. Quand la sociologie du travail croise

le genre» Sociologies pratiques, n° 14, 2007, p.91-99. 2 Pour un résumé chronologique de la féminisation de la police Nationale, se rapporter à l'annexe n°1.

3 Jean-Claude MONET «Une administration face à son devenir: police et sciences sociales», Sociologie du Travail, n°XXVII, avril 1985, pp 370-390

9

est significative de l'intérêt nouveau des chercheurs sur les problématiques de la sécurité. Les

recherches sur la Police sont donc impulsées par le Ministère de l'Intérieur dans une volonté

de modernisation de la Police liée aux événements politiques de l'époque et à l'accès au

pouvoir de la Gauche, qui doit nécessairement «démocratiser la police c'est-à-dire lui donner

un sens» et faire face à «l'apparition d'un sentiment d'insécurité» des Français, si on en croit

Jean Jacques GLEIZAL4

La féminisation du métier de policier est un objet assez large, le principal objectif de ce

mémoire sera de se concentrer sur les trajectoires d'engagement des femmes dans la police.

Plusieurs interrogations s'imposent alors: Quelles sont leurs motivations à exercer un métier, a

priori masculin? Qui sont-elles? Comment se perçoivent- elles et comment sont-elles perçues

par leurs pairs? Quelles stratégies mettent elles en place pour s’intégrer dans ce monde

masculin ?

Ces questionnements de nature essentiellement sociologiques ne sont pas, pour autant, sans

lien avec la science politique. Si l’État se caractérise par «le monopole de la violence

légitime» selon Max WEBER, la police est «l'une des principales manifestations

institutionnelles du pouvoir de coercition»5 pour François DIEU. La féminisation de la

profession de policier confie la violence légale aux femmes, ce qui démontre un changement

considérable dans la représentation sociale de la femme et qui constitue un grand pas dans le

combat pour l'égalité et la parité. De plus, comme l'a très justement souligné Dominique

MONJARDET «La sécurité est une affaire de société, elle est donc incontournable pour

chacun»6.

Cet objet d'étude a été traité sous différentes approches et dans différentes disciplines des

sciences sociales notamment en sociologie du travail, en sociologie des professions, et bien

entendu en sociologie de la police, ce qui induit une grande diversité des sources et une

grande variété de données servant la richesse de ce sujet. Les études sur la police sont

réputées pour être complexes car cette institution est marquée par un devoir strict de réserve,

4 Jean-Jacques GLEIZAL, «Recherche et action dans le champ de la police et de la sécurité», Les Cahiers de la Sécurité Intérieure, n°37, 3ème trimestre, 1999, pp 73-86.

5 François DIEU, «Un objet longtemps négligé de la science politique: les institutions de coercition» Revue des Sciences Politiques, n ° 44, 2ème semestre 2002, pp 23-31.

6 Dominique MONJARDET, «Police et sociologie: questions croisées» Sociologie de la police, Groupe de Sociologie du Travail, CNRS, 1987, pp 1-14.

10

et sa pénétration est relativement difficile ce qui constitue à la fois un obstacle mais aussi un

challenge personnel, un intérêt particulier. La sensibilité de femme de l’auteur dans le combat

pour l'égalité, ou plus exactement pour l'équité, l’a certainement influencé dans le choix de ce

sujet.

Cette étude sur la féminisation de la Police Nationale sera donc limitée à cette institution, il

aurait été trop difficile par rapport au temps qui nous est imparti de l'étendre aux autres

institutions détentrices de la violence légitime (gendarmerie, armée, police municipale).

Comme son nom l'indique, ses prérogatives sont nationales, l'étude sera donc limitée à

l'espace national. L'intérêt de ce mémoire est d'analyser l'état de la féminisation de la manière

la plus actuelle possible. Il sera donc basé sur des données actuelles mais supposera

évidemment des retours en arrière pour comprendre l'évolution de ce processus.

La première question qui se pose est donc de savoir quelles sont les motivations des femmes à

s'engager dans un métier a priori réservé aux hommes?

II] Une recherche institutionnalisée

Les premières recherches sur la police en France remontent aux années 1970, mais

elles sont encore très anecdotiques. En 1982, le Ministère de l'Intérieur va ouvrir les portes de

l'institution policière aux chercheurs notamment avec le lancement d'un appel d'offre à

destination de la communauté scientifique. Dominique MONJARDET7 écrit dans un article

de 1987: « le bilan des recherches effectuées sur la police en France est vite fait: une vingtaine

de titres en vingt ans dont les deux tiers sont l’œuvre de juristes et criminologues, la

perspective criminologique orientant d'ailleurs l'essentiel des rares travaux sociologiques». Il

explique ce constat à la fois du côté des chercheurs qui pratiqueraient une autocensure de ce

terrain « supposé impénétrable », « l'orientation supposée majoritairement de gauche des

chercheurs» et le «manque d'intérêt supposé de l'objet» puisque «ce ne serait plus alors

l'impénétrabilité supposée de la police qui serait en cause, mais au contraire, à un autre

niveau, sa transparence». Ce peu d'intérêt des chercheurs pour la police s'explique aussi par le

comportement des policiers à son égard, Dominique MONJARDET évoque une «défiance

spontanée [..] vis-à-vis de la sociologie […] et vis-à-vis des sociologues». L'intérêt des

7 Ibidem p.9.

11

chercheurs sur la police s'explique donc par la volonté d'ouverture et de modernisation de

cette institution mais aussi par le retard pris sur les chercheurs Américains, intéressés par le

sujet depuis les années 1950... Faire l'état des lieux de la littérature sur le sujet, c'est à la fois

rechercher les ouvrages sur la féminisation de la police et leur nature mais aussi les ouvrages

méthodologiques sur la spécificité du travail d'enquête adapté à la police et aux policiers.

Quant à la question de la féminisation de la police, la majeure partie des travaux date

des années 1990-2000, ils sont donc plutôt récents. On trouve des ouvrages historiques qui

mettent en lumière l'évolution de ce processus de féminisation qui a été relativement lent

puisque la première femme policier est entrée dans la Police Municipale de Paris en 1935.

L'ouvrage classique paraît être celui de Geneviève PRUVOST8 qui retrace l'histoire des

changements dans la perception du genre, de l'égalité au travail, et qui propose de décrire une

nouvelle histoire de la violence légitime en incluant les femmes. Les études sur la

féminisation tentent, dans un premier temps, de faire un état des lieux de la féminisation en

ayant recours à des méthodes quantitatives et, dans un second temps, d'analyser comment ces

femmes sont intégrées dans les services de police à la fois dans leurs interactions avec leurs

collègues masculins, mais aussi entre elles, et avec le terrain. Poser la question de la

féminisation c'est aussi se demander si les femmes remplissent les mêmes misions que les

hommes ou si elles ne sont acceptées que dans les limites de certaines tâches et de certains

services. Les différentes études menées décèlent, d'une part, les contraintes souvent inavouées

qui pèsent sur les femmes policiers et, d'autre part, les différentes stratégies mises en place par

ces dernières pour les contourner et s'imposer dans un univers professionnel encore très

largement masculin. Dans ce contexte, la féminisation de la police a aussi été traitée en

observant la gestion de la carrière des femmes: peuvent-elles évoluer autant que les hommes?

Quelques thèses ont été soutenues sur la féminisation de la police. On peut citer celle de

DELHOMEZ Gérard 1982 La police au féminin9, soutenue à l'université de Reims ou encore

deux thèses soutenues à Toulouse, une de V.BOUYGUE sur la féminisation de la

gendarmerie soutenue en Doctorat de Science Politique (même si elle traite de gendarmerie

certains éléments peuvent être repris puisque ce sont deux terrains proches) et celle de Flore

8 Geneviève PRUVOST De la Sergote à la femme flic, une autre histoire de l'institution policière( 1935-2005), Paris, Éditions la découverte, 2008, 309 pages.

9 Gérard DELHOMEZ, La police au féminin, thèse soutenue à l'Université de Reims, 1982.

12

POLI10 en 1993 « La féminisation de l’institution policière en France : origines et évolutions

». Les thèses constituent des sources importantes de données puisque ce sont des travaux très

documentés et elles permettent de balayer tout ce qui entoure l'objet d'étude.

Certaines analyses proviennent directement de recherche institutionnelle et ont une visée

fonctionnaliste. On peut citer le travail de Patrick BRESSE11 de 1986, Les femmes

commissaires: éléments pour un premier bilan qu'il a réalisé pour la Direction Générale de la

Police Nationale. Le travail n'est en effet plus une simple transaction économique, un moyen

de subsistance, il révèle l'individu dans ses valeurs et ses représentations, la profession a un

pouvoir symbolique fort ou encore les travaux de, Geneviève PRUVOST, Philippe

COULANGEON et Ionela ROHARIK en 2003 qui proposent une étude sociodémographique

sur les conditions de vie et d'emploi de 5221 policiers12 développée pour le Ministère de

l'Intérieur. Cette étude fût intéressante à consulter pour sa richesse statistique puisqu'elle

contient des données quantitatives permettant d'étudier statistiquement l'organisation de la

police. De surcroît, elle a été menée sur une période de vingt ans ce qui offre, il va sans dire,

un travail riche et un recul important. Cette enquête lie à la fois une méthode qualitative qui

est celle du récit de vie et une méthode quantitative: le questionnaire, lui-même réalisé à partir

des résultats obtenus par les entretiens. Cette enquête a exclu quelques prénotions quant à

l'engagement des femmes dans la police et à leurs représentations avant d'exercer

concrètement cette profession. De surcroît, cette étude n'est pas exclusivement centrée sur les

femmes ce qui permet d'établir des comparaisons avec les motivations des hommes et ainsi

démontrer en quoi les femmes se démarquent ou non de ces derniers. A la lecture de cette

étude, on distingue clairement une spécificité du groupe des femmes.

On trouve aussi des études comparatives de la femme policier dans différents pays: Jennifer

BROWN13 en 1997, «European policewomen: a comparative research perspective».

Cependant, cette recherche ne fait pas l'objet de comparaison avec d'autres pays puisqu'elle

10 Flore POLI La féminisation de l' institution policière en France : origines et évolutions, mémoire de maîtrise Université Toulouse 2, 1993, 156p

11 Patrick BRESSE Les femmes commissaires : éléments pour un premier bilan, Direction générale de la police Nationale, 1986

12 Geneviève PRUVOST, Philippe COULANGEON, Iolena ROHARIK, 1982-2003 : enquête sociodémographique sur les conditions de vie et d'emploi de 5221 policiers. IHESI-INHES, 2003

13 Jennifer BROWN « European policewomen : a comparative research perspective » International Journal of the Sociologie of Law XXV, n°1, 1997, p 1-19.

13

est ciblée sur la police nationale donc ces ouvrages ne seront pas ou peu utilisés dans le cadre

de ce mémoire.

La féminisation est un objet d'étude développé dans les travaux sur le genre, la sexualité dans

les relations sociales. A cet égard, les travaux de Michel BOZON14 en 1999 «Les significations

sociales des actes sexuels» sont très intéressantes pour comprendre les problématiques posées

par le genre. L'étude de Jacqueline LAUFER15«Sexualité et genre» Masculin-féminin:

questions pour les sciences de l'homme ou encore celle de Marlaine CACOUAULT-

BITAUD 16, «La féminisation d'une profession est-elle le signe d'une baisse de prestige?» qui

seront très intéressant à exploiter puisque le genre est une dynamique centrale des

questionnements qui seront développés ici. La question du sexe et du genre lie des concepts a

priori opposés tels que la féminité et la force, la féminité et l'autorité, la féminité et le

pouvoir, la féminité et la force de caractère ou encore la féminité et l'engagement physique.

Ces travaux sur le genre permettront de mettre en évidence l'omniprésence des symboles de

virilité dans la police et ainsi que d'exposer des notions comme celle de la division sexuelle du

travail. On développera aussi le thème de la «virilisation professionnelle» et du «brouillage de

sexe»17 de la femme policier qui constituent ma première hypothèse.

Pour conclure, il existe une grande variété d'approches qui seront plus ou moins privilégiées

dans le cadre de ce mémoire, les détailler aura permis de rendre compte de la transversalité de

cet objet d'étude qui est traversé par plusieurs disciplines. Il est important de souligner qu'il

n'y pas d'opposition entre les courants. Il y a une diversité des approches en fonction de la

discipline et des intérêts des auteurs mais pas de grandes théories en opposition: Tous

s'accordent à reconnaître aujourd'hui une «sociologie de la police» dont le père fondateur est

Dominique MONJARDET.

14 Michel BOZON « « Les significations sociales des actes sexuels » Actes de la recherche en sciences sociales » Sciences sociales n°128,1999, p 3 à 23

15 Jacqueline LAUFER Sexualité et genre Masculin-féminin : questions pour les sciences de l'homme, Paris, PUFF, coll. « Sciences sociales et sociétés » p 169-186

16 Marlaine CACOUAULT-BITAUD, « La féminisation d'une profession est-elle le signe d'une baisse de prestige ? » Travail, genre et sociétés, n°5, 2001, p93-115

17 Geneviève PRUVOST Profession : policier Sexe : féminin, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2007, 307 pages

14

III] La féminisation de la Police Nationale, un objet scientifique

Afin de construire l'objet d'étude, la première chose à faire est de définir la police, ce

qui n'est pas chose aisée. Spontanément, on peut la définir comme une institution qui remplit

la fonction de limiter la liberté des individus puisque, comme le dit l'adage «la liberté des uns

s'arrête là où commence celle des autres». Beaucoup de définitions de la police sont

descriptives ou énumératives de ses fonctions. C'est par exemple le cas de celle proposée par

le Code de Brumaire de l'An IV: «la police est instituée pour maintenir l'ordre public, la

liberté, la propriété, la sûreté individuelle» mais cela ne la distingue pas d'autres organes

comme la fonction judiciaire par exemple. Jean Louis LOUBET DEL BAYLE18 propose un

essai de définition qui semble très convainquant:

«On peut considérer qu'il y a fonction policière lorsque, dans le cadre d'une collectivité présentant les

caractères d'une société globale, certains des aspects les plus importants de la régulation sociale interne de

celle-ci sont assurés par une ou des institutions investies de cette tâche, agissant au nom du groupe, et ayant la

possibilité pour se faire d'user en ultime recours de la force physique.»

Ainsi définie, la police se distingue de la fonction judiciaire par la possibilité de recourir à la

force physique et à l'armée, par le fait que cette prérogative s'exerce sur l'espace national et

non au-delà, en «interne».

La police se caractérise donc par la possibilité de faire légitimement usage de la force ce qui

nécessite d'expliquer ce qu'on entend par «usage légitime de la force» définie par Max

WEBER dans l'ouvrage «Économie et Société»: «Nous entendons par État une entreprise

politique de caractère institutionnel lorsque et tant que sa direction administrative

revendique avec succès, dans l’application des règlements, le monopole de la contrainte

physique légitime» autrement dit, dans une société organisée en État, ce dernier est le seul à

avoir droit d’user de la violence et nul ne peut faire de même sans y être autorisé par ce

dernier. Ainsi, la violence légitime serait celle qui est utilisée conformément à la loi et au

droit. Cette notion est fondamentale à la fois parce qu'elle distingue l’État des autres

institutions mais surtout, dans le contexte qui nous intéresse, parce que la police est l'une des

institutions à laquelle l’État, entité abstraite, confie ce pouvoir concret de coercition. En

France, la police Nationale est une police d’État rattachée au Ministère de l'intérieur.

18 Jean Louis LOUBET DEL BAYLE, Police et politique Une approche sociologique , L'Harmattan, Paris,

2006, 317 pages

15

Le deuxième concept indispensable est celui de la féminisation. Pour donner une

définition brute, la féminisation serait le phénomène par lequel des femmes exerceraient une

profession qui leur était jusque-là inaccessible. Guillaume MALOCHET propose de dire que

«La féminisation d’un métier ou d’une profession désigne généralement la croissance du

nombre de femmes dans une activité identifiée comme masculine, au vu de l’hégémonie des

personnels masculins en son sein et/ou des «qualités» socialement jugées nécessaires pour

l’exercer.»19 Le cas de la police est donc plutôt parlant si on s'en réfère à cette définition

puisque ce métier a longtemps été réservé aux hommes en vertu de la nécessité de la force,

des compétences physiques et du caractère, des traits socialement plus reconnus aux hommes.

L'intérêt de ce mémoire est de se pencher sur les trajectoires d'engagement des femmes

policiers. La notion de trajectoire est fondamentale dans ce mémoire puisqu'elle permet

d'expliquer les logiques d'engagement dans une profession. Pierre BOURDIEU en 1979, pose

l'existence de «classes de trajectoires» masculines et féminines et postule donc à une division

sexuée du travail qui est aujourd'hui de plus en plus remise en cause20. Pour ce qui nous

intéresse, le monopole de la profession de policier est en lien direct avec l'usage de la force

physique et le postulat de l'infériorité physique de la femme, qui est un argument facilement

critiquable et ce d'autant plus à l'heure des nouvelles technologies et des techniques de

maîtrise des individus par les tasers etc... Cette prénotion n'a donc plus lieu d'être pourtant on

peut se demander comment se perçoivent ces femmes? Pensent-elles être sur un pied d'égalité

avec leurs pairs masculins? Comment vivent-elles leur statut de femme dans ce milieu

d'hommes? Existe-t-il chez ces femmes un sentiment d'infériorité? Ou au contraire la fierté de

faire partie d'un monde auquel peu d'entre elles ont accès? La grande question est de savoir

qui sont ces femmes pour pouvoir dégager une éventuelle spécificité du groupe des femmes

policiers (il se peut que ce groupe soit très hétérogène puisqu'on ne se construit pas

uniquement par rapport à sa profession mais aussi par sa classe sociale etc...). A ce moment

de la réflexion rien n'est sûr mais c'est sur ce postulat que repose cette recherche.

Nous étudierons donc les motivations des femmes à accéder à la violence légitime ainsi que

leurs stratégies pour s'intégrer dans ce monde masculin.

19 Guillaume MALOCHET op cit p9

20 Pierre BOURDIEU La distinction, Critique sociale du jugement, Éditions de Minuit, 1979

16

Pour ce qui est du cadre théorique, la police dépend selon le paradigme Weberien d’un

régime légitime: selon Weber21, «la légitimation est un ensemble de processus qui rend

l’existence d’un pouvoir coercitif spécialisé tolérable sinon désirable, c'est-à-dire qui le

fassent concevoir comme un nécessité sociale, voire comme un bienfait». Elle implique une

croyance en la valeur sociale des institutions. Il convient de préciser, d'une part, que l'étude de

la police est liée à la sociologie du travail et à la sociologie de la profession et, d'autre part,

que la féminisation est liée à la sociologie du genre. La féminisation de la police conduit à

aborder divers thèmes en rapport avec la sexualité et le genre. Il sera donc également question

de la division sexuelle du travail qui est une notion utilisée par les ethnologues pour désigner

une répartition complémentaire des tâches entres les hommes et les femmes. «La division

sexuelle du travail est la forme de division du travail social découlant des rapports sociaux de

sexe; cette forme est modulée historiquement et socialement. […] Cette forme de division

sociale du travail a deux principes organisateurs : le principe de séparation (il y a des travaux

d’hommes et des travaux de femmes) et le principe hiérarchique (un travail d’homme « vaut

» plus qu’un travail de femme)22. Cette notion de division sexuelle du travail est primordiale

puisqu'elle explique le malaise ressentie par le fait qu'une femme occupe une fonction a priori

monopolisée par les hommes. Elle est donc fondamentale pour comprendre la féminisation.

Danièle KERGOAT parle d'une «omniprésence du facteur sexuel dans les relations sociales»

reflétées par «une omniprésence des symboles de virilité». La division sexuelle du travail de

policier s'explique par le fait que la violence, l'autorité, la force, sont des capacités

socialement dévolues aux hommes. On assiste à la persistance d'une conception virile du

métier de policier. On peut donc se demander qui sont ces rares femmes qui exercent ce

«métier d'homme» et pourquoi le font-elles ? Par féminisme, pour montrer qu'elles ont les

mêmes compétences que les hommes? Par reproduction familiale?

IV ] Hypothèses préliminaires et problématique

L'enjeu est donc de comprendre la relation particulière qui unit la femme à sa profession:

policier. La profession a un capital symbolique très important. Elle ne relève pas seulement

21 Max WEBER, Économie et société, Éditions de poche PLON 1971 (paru en 1921 à titre posthume).

22 Danièle KERGOAT, « À propos des rapports sociaux de sexe », in Revue M avril-mai 1992, n°53-54, p.16-20.

17

de la simple subsistance via une transaction économique, elle joue une place centrale dans la

construction de l'identité et fourni à l'individu un prestige symbolique puisque la profession

révèle le rôle joué dans la société. Or la fonction policière du maintien de l'ordre et de la

sécurité est évidemment emprunte de grandes valeurs: le courage, l’héroïsme, la force

physique etc...

Comprendre la relation de la femme à sa profession de policier c'est d'abord remonter à ses

motivations initiales, à son choix de s'engager dans une carrière dans la police, pour mieux

comprendre son quotidien. Pour répondre à cet enjeu, la problématique suivante s'est

imposée:

Les femmes policiers constituent-elles un groupe homogène défini par des motivations et des

stratégies communes pour pallier au handicap de leur sexe dans un monde masculin ?

A ce stade de la réflexion, trois hypothèses émergent:

� Les femmes policiers ont des caractéristiques communes dépassant les frontières du

grade et de l'âge: elles constituent un groupe social propre.

� Les femmes policiers opèrent un «travestissement psychologique» voire physique plus

ou moins conscient pour s'intégrer à leur milieu professionnel.

� La femme policier ne serait-elle pas caractérisée par le conflit identitaire entre son

identité personnelle de femme et sa vie privée, d'une part, et son identité de policier,

d'autre part?23

V] L'élaboration de la démarche de recherche.

La recherche avec les policiers constitue un terrain difficile puisque c'est un milieu

relativement fermé. En effet, en tant que fonctionnaires et a fortiori en tant que fonctionnaires

de police, les policiers ont un devoir de réserve qui les tient au secret professionnel. C'est

23 A cet égard on observe que le terme «policière» n'existe pas. On parle de «femme policier» ou de «policier femme» en fonction de la façon dont on les perçoit et de ce que l'on veut mettre en avant en fonction des circonstances. Ici on parle de la femme plus que de la fonction de policier c'est pourquoi on l’appellera «femme policier».

18

pourquoi il convient d'adapter la méthode à ce milieu particulier. Geneviève PRUVOST24

souligne la difficulté d'établir une relation de confiance avec les policiers notamment à cause

de la contrainte du poids de la hiérarchie: «les fonctionnaires de police étant tenus à ne pas

s'exprimer publiquement sans l'avis de leur hiérarchie, semblent a priori plus contraints,

dans leur parole, que d'autres catégories de fonctionnaires.». Cette dernière explique que

cette contrainte peut être transformée en avantage notamment en passant par la voie

hiérarchique: «comme le respect du devoir de réserve repose sur le caractère discipliné d'un

corps professionnel, organisé de manière quasi-militaire, il suffit de passer par la voie

hiérarchique pour que les portes s'ouvrent»25.

La féminisation du métier de policier a également fait l'objet de développement en sociologie

du travail. A cet égard, les chercheuses Antoinette CHAUVENET et Françoise ORLIC ont

réalisé un article sur la spécificité de la relation d'enquête avec la police, ce qui est un thème

développé par de nombreux auteurs étant donné la particularité du milieu. Par exemple,

Geneviève PRUVOST26 souligne elle aussi cette spécificité où les rôles s'inversent : le

policier est habitué à la relation d'enquête mais il n'est plus en situation d'être enquêteur mais

se retrouve dans la peau de l'enquêté ce qui est très intéressant à analyser. Elle explique aussi

que les policiers constituent un groupe qui a fait du récit «une compétence professionnelle» à

la fois dans le cadre du travail et à l'extérieur puisque leur profession fait souvent l'objet de

remarques et de questionnement27. Ces réflexions liées à la sociologie du travail montrent les

comportements collectifs des policiers et expliquent leurs relations au sociologue de par leur

formation et leur profession.

Certains chercheurs se sont penchés sur la spécificité de la méthode dans la relation d'enquête

avec la police. Pour n'en citer que quelques-uns, puisque ces derniers seront détaillés dans la

méthodologie, les travaux d'Antoinette CHAUVENET et Françoise ORLIC28 ou ceux de

24 PRUVOST Geneviève, « «La production d'un récit maîtrisé: les effets de la prise de note des entretiens et de la socialisation professionnelle» Le cas d'une enquête dans la police », Langage et société, 2008 n°123 p 73-86

25 Ibidem p16. 26 Ibid p16.

27 Geneviève PRUVOST « «Des femmes dans un métier d'hommes» (de la brigade des mineurs à la police nationale, 1935-1983) » Cahiers de la sécurité Intérieure n°45, p89-109

28 Antoinette CHAUVENET et Françoise ORLIC, «Interroger la police» Sociologie du Travail, n°XXVII, avril 1985, pp 453-467.

19

Geneviève PRUVOST29, «La production d'un récit maîtrisé: les effets de la prise de note des

entretiens et de la socialisation professionnelle» et «Enquêter sur les policiers: entre devoir

de réserve, héroïsation et accès au monde privé».

L'aide de contacts privilégiés est d'une aide incontestable pour la réalisation de cette

recherche. Le Directeur de la Police Municipale de Rouen, Monsieur Aurélien GUILMARD,

a accepté de nous accorder du temps et de nous mettre en contact avec des femmes-policiers.

Il a lui-même été étudiant du Master2 Politique et Sécurité. A cet égard, il connaît les

conditions de réalisation de ce travail, les consignes et les méthodes sociologiques. Il sera

d'une grande aide par ses précieuses informations et ses réseaux professionnels. L'avantage

d'une étude sur la féminisation est qu'elle est plutôt valorisante pour l'institution policière et

met en avant sa capacité d'adaptation, de modernisation, son ouverture d'esprit. Il sera donc

plus simple d'entrer en contact avec des policiers que dans le cas d'une étude sur les bavures

policières par exemple.

La relation entre le sociologue et le policier est rendue difficile par le fait que le policier est

habitué à être celui qui pose les questions. Il faut donc veiller à ce que la relation ne s'inverse

pas. De surcroît, le policier est un professionnel du récit, comme l'a démontré Geneviève

PRUVOST30 dans son article, il faut donc veiller à la véracité des propos. Dans le cas de cette

étude la consigne donnée sera celle du récit de vie, nécessaire à la compréhension de

l'engagement. La mise en récit de soi nécessite un «travail démiurgique» selon

SCHWARTZ31, on évitera donc tant que possible les relances dans le but de voir les

connexions entre les idées, la cohérence temporelle des propos tenus. Pour autant, cela

n’exclue pas les relances nécessaires à l'établissement d'une relation de confiance et au

recadrage sur le sujet quand l'entretenu soliloque sur un sujet qui n'a pas d'intérêt pour

l'enquête. Le choix du récit de vie comme méthode s'explique par l'émergence d'une parole

intime qui est facilitée par ce type d'entretien. Il permet de revenir sur des événements passés

mais aussi d'évoquer sa famille, ses amis, sa vie privée, son enfance et les influences de la

sphère privée ce qui est fondamental dans notre démarche axée sur les trajectoires

d'engagement. Geneviève PRUVOST met en avant un point intéressant, elle écrit que:

29 Geneviève PRUVOST, op cit, 2007, p18

30 Geneviève PRUVOST, op cit, 2007, p18

31 Olivier SCHWARTZ, « Le baroque des biographies », Cahiers de philosophie, n° 10, 1990, p73-83

20

«Les policiers veillent à ne pas heurter les codes de l'idéologie virile dominante, qui valorisent la bravoure,

l'endurance au travail. Dans un tel contexte, la démarche du récit de vie a constitué un espace intermédiaire tout

à fait salutaire, qui permet d'aborder des questions intimes, sans être taxés, par les autres policiers de

«femmelettes» puisque le sociologue n'est pas un psychologue»32.

Les entretiens ont été négociés grâce à plusieurs contacts privilégiés qui on rendu

possible l’introduction dans le milieu et qui sont intervenus auprès de femmes policiers pour

leur expliquer ce projet et permettre nos rencontres. Il a fallu demander des autorisations à

l’Etat-major en vertu du devoir de réserve des policiers. Après avoir réalisé une lettre

d’intention expliquant l'objet de ma recherche, les portes de la Police Nationale m'ont été

largement ouvertes. Toutefois, la mise en place de récit de vie initialement prévue, faute de

temps (les personnes ont été interviewé sur leur temps de travail, elles n'avaient pas plus

d'heure chacune à consacrer à l'étude), s'est révélée difficile. Heureusement, nous avions

anticipé cette difficulté et réalisé une grille d'entretien orientée sur l'enfance, le rôle de la

famille, le choix de l'engagement et la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée,

qui fût très utile puisque concrètement les échanges se sont transformés en entretiens-semi

directifs plus qu'en récit de vie.

Dans la demande d'autorisation d'entretenir les policiers, il est explicitement précisé

que «Concrètement l'échange durerait environ une heure et pourrait être enregistré (avec la

permission des interviewées bien entendu) pour les besoins de l'étude. Ce ou ces entretiens

seront ensuite utilisés pour mon mémoire et uniquement à cet usage et de façon anonyme.».

En cas de refus d'être enregistrés, à la manière de Dominique MONJARDET33 (1984) et de

Geneviève PRUVOST, nous opterons pour la technique de la simple prise de note (la

présence du dictaphone pouvant amener soit au refus de l'entretien soit à l'autocensure du

policier par crainte que les bandes d'enregistrements soient écoutées par leurs supérieurs ou

destinés à un usage journalistique). En cas de malaise, il sera donc plus simple de négocier

des entretiens non enregistrés. Certes, on perdra quelques éléments (hésitations, soupirs etc)

mais les mots utilisés n'en ressortiront que mieux et l'étude de ce langage indigène, propre à la

profession, permettra une analyse de contenu très riche.

32 Geneviève PRUVOST, op cit, 2007, p18

33 Dominique MONJARDET, Antoinette CHAUVENET, Daniel CHAVE, Françoise ORLIC, La police quotidienne, éléments de sociologie du travail policier, ronéo, CNRS. 1984

21

Geneviève PRUVOST affirme que cette méthode de prise de note «comporte de fait un

double gain : les policiers ont la preuve immédiate qu'il s'agit bien d'un entretien de

recherche et non d'une procédure pouvant donner lieu à des citations authentifiables, à

charge et à décharge. Second avantage, aucun temps n'est consacré à la retranscription». De

plus le policier interviewé devra réduire son débit de parole et donc mieux formuler sa pensée,

ce qui est bénéfique pour la qualité des données recueillies. De surcroît, la prise de note

implique qu'il y ait peu d'échanges visuels ce qui contraint tout naturellement le policier à une

forme de monologue propre au récit de vie ou à l'entretien semi directif.

Contrairement à toute attente les policiers nous ont autorisés à les enregistrer. Toutefois la

méthode de la prise de note s’avérant elle-même efficace, les entretiens ont été enregistré et

pris en note parallèlement. Ainsi les policiers ont spontanément adapté leurs paroles à la prise

de note et d’avantage réfléchis au contenu de leurs propos. La prise de note a permis de

retenir les idées principales et le vocabulaire spécifique du jargon policier.

Des institutions telles que l'Observatoire National de la Parité (ONP), la Direction des

Concours, le site du Ministère de l'Intérieur, le site de l'INSEE constituent également des

sources de données très riches auxquelles nous confronterons les hypothèses énoncées

précédemment.

22

V] LE PLAN

Chapitre 1: Les femmes et les prémices de l'engagement dans la police

Section 1: L'importance de l'enfance dans la construction de l'engagement

I] Le rôle de l'influence de la socialisation primaire inversée

A] L’influence familiale et le rôle des tiers

B] Le rôle joué par le père et la socialisation primaire inversée

II] La représentation médiatique des femmes policiers ou la diffusion d'un modèle de valeurs

A] Le rôle des fictions dans la construction de la représentation du métier : l'importance

accordée aux femmes.

B] L’importance des valeurs dans la construction d’une image de femmes « héroïques »

Section 2: Le moment et la nature du choix

I] La nature du choix liée au pouvoir symbolique de la profession

A] La place de la vocation chez les femmes

B] Les arguments réalistes et le hasard

II] Les stratégies de légitimation

A] Nier toute influence, insister sur le caractère personnel du choix

B] Nier le rôle de la fiction, insister sur la neutralité de l’engagement

Chapitre 2:La confrontation au réel et la négociation de la carrière

23

Section 1: Les stratégies accompagnant la réalisation du projet professionnel

I] La conversion au métier: l'étape du concours et de la formation en école de police

A] Les stratégies liées au concours

B] La formation en école de police ou l’apprentissage de l’esprit de corps

II] Devenir policier, s’intégrer à un monde essentiellement masculin

A] La stratégie d’intégration avec leurs homologues masculins, l’apprentissage de la virilité

B] Un métier exceptionnel pour des femmes exceptionnelles

Section 2: Être femme policier, une double identité entre la féminité et le rôle social

I] Des chances (in)égales de «Faire carrière»

A] Les critères policiers d’une carrière réussie

B] Un principe d’égalité remis en cause par la persistance de règles sexuées

II] Entre identité de femme et identité de policier

A] La difficile conciliation entre vie familiale et professionnelle

B] « Promotion canapé » et harcèlement sexuel, l’omniprésence du sexe dans les relations

sociales

24

Chapitre 1 : LES FEMMES ET LES PREMICES DE

L'ENGAGEMENT DANS LA POLICE

Section 1 : L'importance de l'enfance dans la construction de l’engagement

Toutes les femmes entendues n'ont pas prononcées le mot «vocation» pourtant pour chacune

d'entre elles le désir est présent dès l'enfance et un imaginaire s'est développé autour de la

profession et de l'image du policier. Dans cette première section , nous tâcherons pour

introduire notre propos de démontrer l'importance des représentations de l'enfance et de

l'adolescence dans la construction de l'engagement de ces femmes (I) puis d'étudier le moment

et la nature du choix (II).

I] Le rôle de l'influence et de la socialisation primaire inversée

Dans cette première partie, nous examinerons le poids de l'influence familiale et le rôle des

tiers (A) et le rôle joué par le père dans la construction de centres d'intérêts et d'une

sociabilisation masculine (B), dans la construction de l'engagement.

A] L'influence familiale et le rôle des tiers

Geneviève PRUVOST dans son étude sur la féminisation, avait commencé ses

entretiens avec la question «Vos parents étaient-ils dans la police?» ce qui posait d'emblée

l'hypothèse de l'influence familiale dans l'engagement des femmes dans la police. L'un des

apports principaux de son enquête a justement été de démontrer que 90 % des femmes

policiers ne sont pas «fille de policier».C'est ce qui ressort de l'enquête sociodémographique

sur les conditions de vie et d'emploi de 5221 policiers, réalisée pour le compte du Ministère

de l'Intérieur34. Toujours selon cette étude, seulement une femme policier sur six a un père

dans le métier des armes, c'est exactement la même proportion chez les hommes. Ceci ne

signifie pas pour autant que l'influence familiale n'ait pas son importance. Deux tendances se

34

Geneviève PRUVOST, Philippe COULANGEON et Iolena ROHARIK, op cit p12

25

révèlent dans les logiques familiales, soit le soutien et l'encouragement soit l'hostilité. Notons

que dans les cinq entretiens que nous avons menés les parents ont tous été apporté leur soutien

à ce projet. Dans le cas inverse, le choix d'une carrière dans la police malgré l'hostilité

parentale devient justement un défi à relever. Dans tous les cas, la profession étant féminisée

depuis peu, cet engagement suscite souvent l'étonnement ou la surprise comme ce fût le cas

pour le gardien de la paix que nous avons interrogé, à la question de savoir quelle a été la

réaction de ses parents à l'égard de ce projet elle répond: «Surpris! J'étais un peu rebelle

quand j'étais ado, j'ai pas fais de bêtises mais j'étais très garçon manquée, très sportive, j'

faisais pas de bêtises graves mais j'étais pas un modèle... et la police c'est quand même

l'ordre et tout donc il étaient surpris.. surpris mais contents ! »35 ou encore d' Oumou, la

jeune femme qui s'engage actuellement qui nous confie: «Ravis! Ouais.. Ravis ravis ravis...

(sourire) ils auraient pas pensé qu'un de leurs enfants entrerait dans un métier où... enfin

quand on vient d'un quartier difficile entre guillemets quoi … Sur les Hauts de Rouen on

pensait pas que quelqu'un de ces quartiers là pourrait rentrer dedans... et surtout être

intéressé.. »36. On peut supposer que ce plébiscite dont les femmes bénéficient s'explique par

le fait que ces femmes soient issues de familles ouvertes sur la question de l'émancipation

féminine.

La transmission de la carrière de policier est réelle mais très minoritaire donc, le cas le plus

fréquent étant celui de la présence d'un tiers, membre de la famille ou non. L'enquête de

PRUVOST montre que 41 % des femmes et 37 % des hommes comptent un policier parmi les

membres de leur famille proche.

B] Le rôle joué par le père, la socialisation primaire inversée

Le rôle du père se manifeste de façon indirecte mais très importante dans l'enfance, en

formant très jeunes leurs filles à des jeux ou à des sports de garçons ce qui introduit une

sociabilité masculine chez ces femmes. Le cas du gardien de la paix que nous avons interrogé

en est un exemple frappant, et peut être même renforcé par le fait qu'elle soit fille unique,

«Dans les centres d'intérêts moi j'aime bien le foot tout ça... il faut être un peu mec... avoir un

35 Voir annexe n°6 Entretien avec une femme Gardien de la paix

36 Voir annexe n°7 Entretien avec une jeune femme qui s'engage dans la police

26

caractère assez dur assez brut.. j'ai du mal à expliquer... enfin pas être une chochotte quoi..

Mon père il était plutôt dur, stricte... j'ai été élevé à la garçonne, j' faisais du hand... Mon

père aurait voulu un garçon ça c'est sûr.. »37. Ces femmes auraient donc comme point

commun d'être liées par des préoccupations masculines, qui expliquent qu'elles fréquentent un

milieu d'hommes depuis l'enfance: la femme retraitée de la police Nationale qui fait de la

compétition en course à pied depuis 30 ans ou encore le cas d' Oumou qui nous confie lors

d'une discussion informelle qu'elle est passionnée de sport automobile, ces indicateurs

semblent confirmer notre première hypothèse selon laquelle malgré des origines sociales

diverses, des âges et des grades distincts, ces femmes ont des points communs notamment

dans leur enfance par la présence d'un père incarnant une autorité forte et à l'émergence

d'intérêts socialement construits comme masculins. A la question de savoir s'il existe selon

elle un trait commun des femmes policiers, le gardien de la paix affirme «Le trait commun

c'est peut être le côté garçon. Et puis le caractère... Beaucoup de caractère c'est des femmes

fortes, on ne se laisse pas faire.» […] «Les ¾ des collègues féminines sont garçons manqués.

On est obligé d'avoir un côté un peu garçon.»38. Ainsi prédisposées à des préoccupations

masculines, leur engagement dans la police n'est pas perçu comme une transgression ou

comme un choix original, mais bien comme un choix qui s'est imposé de façon naturelle.

Découle de ce constat que les femmes policiers ne se représentent pas leur implication dans ce

métier comme un engagement féministe. C'est un choix «naturel» qui ne l'est pas tant que ça.

II] La représentation médiatique des femmes policiers ou la diffusion d'un modèle de

valeurs

Le gardien de la paix interrogé offre un bon exemple de cette idéalisation dans la

représentation que ces femmes se faisaient du métier avant de l'intégrer. Quand nous lui avons

posé la question de savoir quelles étaient ses motivations à entrer dans la police, elle répond:

«le contact avec la population, mais ça c'était avant, ( elle rit ) le fait d'aider. Aujourd'hui... le

fait d'arrêter la population, après c'était l'idée d' «arrêter les voleurs», courir après les

37 Voir annexe n°6 Entretien avec une femme Gardien de la paix

38 Voir annexe n°6 Entretien avec une femme Gardien de la paix

27

méchants vous voyez le genre? Bon... en vrai ce n'est pas ça la réalité mais bon...»39. Dans

ces mots, toute la simplicité de l'enfance ressurgit, il y a le «gentil» et le «méchant», ces

termes manichéens rappellent bien le jeune âge, le moment de la construction, une forme de

fantasme autour de la réalité, puisque le policier parle désormais de «délinquant», de «mise en

cause» et de «suspects» et non plus de «méchants». L'influence peut aussi s'exercer de façon

indirecte, par le biais de romans, de séries, de films, (A) ou encore par les valeurs rattachées à

cette profession (B).

A] Le rôle des fictions dans la construction de la représentation du métier : l'importance

accordée aux femmes.

Le métier de policier est un métier qui fascine. La construction de l'engagement doit se

rapprocher de la représentation collective de l'imaginaire policier. L'influence du petit écran

est aujourd'hui évidente. Comme l'explique B. Cormier Romier, «les médias de masse occupent

une place importante dans le processus social de formation du public. Leur contenu n'est jamais

neutre, parce qu'il véhicule des valeurs, des mythes et des croyances[...] les médias de masse ne sont

pas seulement des «informateurs», mais aussi des «formateurs »40. L'objectif de ce développement

n'est évidemment pas de faire un inventaire des séries télévisées mais on peut noter quelques

observations influentes sur l'engagement des femmes. Il est intéressant de souligner la

longueur de la liste des séries policières Françaises et Américaines mettant en scène des

femmes dans le rôle principal41. Ces séries présentent des femmes fortes, puissantes,

respectées qui occupent souvent le rôle de chef et incarnent le «bien» en triomphant

héroïquement grâce à leur esprit et à leurs valeurs morales du «mal» incarné par les

délinquants. Il est intéressant de constater le décalage entre la sur-représentation numérique

des femmes policiers dans les séries avec l'état actuel de la féminisation. Les femmes

représentent en 2008 17,5% des effectifs des effectifs de la police nationale. Leur importance

symbolique dépasse leur nombre somme toute réduit. Ce séries mettent en scène des femmes

travaillant pour la police ou la gendarmerie comme c'est le cas pour Corrine Touzet dans Une

39 Voir annexe n°6 Entretien avec une femme Gardien de la paix

40 Béatrice CORMIER-RODIER Policiers en série, images de flic Éditions Propagandes, Persuasion, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1994

41 Voir annexe n°2 sur l'importance numérique des séries mettant en scène des femmes.

28

femme d'honneur, ou encore Julie Lescault, elles mènent des enquêtes et commandent des

hommes. Comme le démontre François Dieu, ces séries peuvent faire passer des messages

forts, tant en terme de valeurs que de «publicité» pour l'institution. «Une femme d'honneur

met surtout à l'honneur non la femme, mais la gendarmerie, en lui permettant de montrer ses

différentes formations et moyens spécialisés […] Ce gendarme est ainsi extraordinairement

proche si ce n'est de la population (c'est une enquêtrice) au moins des téléspectateurs, à un

moment justement où la gendarmerie prend la mesure de l'érosion du principe de proximité»42.

Ces personnages ne sont pas des surhommes mais ils sont moralement sublimés par la défense

de la veuve et de l'orphelin, la protection et le respect de la loi et de l'ordre dans une société

éminemment individualiste et violente.

B] L'importance des valeurs dans la construction d'une image de femme «héroïques».

Les séries policières présentent un policier dont les qualités morales et professionnelles sont

indéniables. Béatrice CORMIER-RODIER explique que, s'il fallait dresser un portrait robot

du fonctionnaire de police «On pourrait dire que c'est un homme – de plus en plus souvent

une femme – fort, consciencieux, qui a le sens du devoir et du travail bien fait. Intègre et

efficace, il sait mener ses enquêtes avec rigueur, sans jamais céder aux pressions sociales,

morales ou politiques»43. Les productions font en sorte de rendre ces personnages universels,

pour que chacun puisse s'y reconnaître: «Le policier de fiction est semblable à tous les

citoyens. Père – ou mère aimant et attentif, il veille au bien être des siens pour lesquels il lui

arrive de trembler. Il est animé des même sentiments, en proie aux mêmes angoisses que tout

un chacun. La fiction viendrait ainsi réduire la distance que le statut de policier, l'autorité

qu'il représente et dont il peut parfois profiter, instaure au quotidien entre une institution au

service du public et le citoyen.»44. Ces représentations sont conçues pour que les

téléspectateurs s'identifient au personnage, nul besoin de démontrer l'influence de l'image

d'une femme forte puissante, défendant le bien envers et contre tout sur une enfant ou une

adolescente qui serait fascinée par la représentation fictive du métier. Oumou, une jeune

femme motivée par cette profession, reconnaît l'impact des fictions sur sa motivation et 42 François DIEU, « La féminisation de la gendarmerie française : femme gendarme ou gendarme féminin ? », Revue Internationale de Criminologie et de Police Technique et Scientifique, Avril Juin 2010, 16 pages.

43 Idem

44 Béatrice CORMIER-RODIER, op cit p27

29

souligne l'aspect fascinant des femmes policiers présentées à la télévision: «Bah la plupart de

ces séries les femmes sont plus... Enfin on voit qu'elles ont beaucoup plus d'autorité des fois

que les hommes... au niveau des interrogatoires tout ça on voit qu' les meufs bah... elles sont

mieux! Plus d'autorité sur les hommes du coup ça marche mieux! Elles ont plus de réponses

tout ça... »45. A la force de caractère caractérisant la femme policier (notons ici que nos

interviewées ont toutes répondu à la question «pensez-vous qu'il y ait un trait de caractère

commun chez les femmes policiers» s'ajoutent les valeurs liées à l'exercice de cette profession.

Ces valeurs sont deux ordres, il s'agit soit de valeurs liées au service public et à la protection

du bien commun pour certains (hommes et femmes sont concernés par ce corpus de valeurs),

ou de valeurs chevaleresques pour d'autres.

• L'interconnexion entre fiction et réel renforce l'imaginaire collectif, le documentaire.

Cette interconnexion peut notamment être portée par les documentaires. Nous n'avons pas

encore abordé leur importance dans la construction de la représentation de la police. Il est

intéressant de constater que les émissions comme Zone Interdite ou Envoyé Spécial traitent

souvent d'unités ou de services d'élites. Le documentaire, réputé comme un travail d'enquête

journalistique, est garant d'une retranscription du «réel». Or, les produits finis ressemblent

davantage à des fictions: le rythme soutenu des images, la musique, l'intrigue de la narration,

la valorisation du métier d'action etc... rares sont les émissions qui n'influencent pas le

spectateur. Ainsi, même ce qui est supposé être fidèle à la réalité est bien souvent un

travestissement. Ces représentations façonnent l'imaginaire collectif qui affecte les

spectateurs46. Elles influencent aussi les policiers eux même en ce qu'ils sont présentés

comme des héros, comment dès lors rétablir la réalité en expliquant qu'on ne travaille pas tous

les jours sur des grands trafiquants internationaux mais plus sur des scènes de violence

conjugales ou de violences en sortie de boite de nuit?

• La place de l'imaginaire.

Si on se plonge à présent dans l'imaginaire, il semble tout d'abord primordial de souligner

que:«l'action policière, comme la criminalité,se donne à la perception à travers une mise en

45 Idem

46 2 Français sur 3 ont une bonne image de la police, Sondage France Info et 20 Minutes du 1e Mars 2010

30

scène dramatique qui la travestit plus qu'elle ne la révèle »47 . La représentation du policier

est toujours faussée quelque soit le média utilisé. L'observateur par sa seule présence peut

changer l'ordre des choses. Faussée aussi car celui qui raconte ou filme n'a pas forcement pour

ambition de décrire le réel mais de faire rêver ou de vendre, il a donc tout intérêt à insister sur

l'aspect extraordinaire du métier. Il y a un jugement de valeur positif ou négatif de celui qui va

le mettre en scène. Dominique MONJARDET le vérifie bien.

«Les quatre cinquième des effectifs policiers sont constitués par «la tenue»; au sein de celle-ci seuls les

personnels affectés aux polices urbaines ont des activités de police judiciaire et, si on en croit l'étude déjà

ancienne de D. Linotte (1975), mais que nos observations actuelles confirment, celles ci ne représentent

que 10 à 12% de leur emploi du temps. C'est à dire que le «crime» n'occupe qu'une place très minoritaire

(au moins quantitativement) dans l'action policière»48.

Pour conclure, les fictions nombreuses et variées mettent en scène des femmes incarnant des

valeurs fortes et que chacun aimerait incarner, de surcroît, il y a un réel décalage entre le

métier qui peut être fantasmé en regardant des séries, documentaires ou fictions et la

confrontation aux enjeux et missions réelles. Souvent, il y a identité entre ce qui a séduit les

femmes dans les représentations proposées par la télévision et leurs motivations initiales.

C'est le cas notamment de la femme capitaine, qui répond à la question: «Qu'est ce qui vous

plaisait dans ces représentations?» par «La télévision, le côté diversifié du travail, les

enquêtes, le contact avec le public...»49 puis à celles de ses motivations à exercer ce métier:

«La même chose. Le côté actif, vraiment l'action et le contact.»50. Ce qui permet de valider

l'hypothèse d'une influence forte des représentations et des modèles de valeurs présents dans

la fiction puisque c'est le seul moyen de connaissance que l'on peut avoir de la police avant de

l'intégrer effectivement.

Cependant, il est intéressant de constater que les femmes policiers nient pour la plupart

l'influence de la fiction ou même de l'influence familiale ce qui fait partie intégrante de leurs

stratégies de légitimation.

47 Jean Paul BRODEUR, La police : mythes et réalités. Criminologie, n°17, 1984 ,pp 9-41.

48 Dominique MONJARDET, op cit p 9.

49 Voir annexe n°5, Entretien avec une femme capitaine. 50 Idem.

31

Section 2 : Le moment et la nature du choix

Étudier les trajectoires d'engagement revient à expliquer les formes de déterminismes à

l'entrée et durant le parcours d'étude, qui vont permettre de comprendre l'engagement, les

incidences sur les trajectoires sociales51. Elles expliquent des choix par des déterminismes

sociaux, des intérêts et des rationalités52. Afin de mieux comprendre les facteurs déterminants

de l'engagement, il est utile de s'arrêter sur le pouvoir symbolique de la profession et sur la

nature des arguments expliquant l'engagement (I), ces arguments sont à mettre en corrélation

avec l'identité de femme qui contraint à des stratégies de légitimation (II).

I] La nature du choix liée au pouvoir symbolique de la profession

Même si le mot vocation n'est pas apparu lors de tous les entretiens réalisés, l'idée d'un désir

lointain, remontant à l'enfance ou à l'adolescence est commun à toutes ces femmes pour

justifier leur engagement dans la police (A). Cependant d'autres éléments plus réalistes tels

que le salaire ou la sécurité de l'emploi entrent en compte, de plus notons que certaines

invoquent le hasard pour expliquer ce choix professionnel (B).

A] La place de la vocation chez les femmes

L'influence précise des représentations sur l'engagement est difficile à mesurer cependant c'est

la tâche délicate à laquelle s'est attelée Geneviève PRUVOST qui est parti des observations

spontanées des policiers interrogés dans leurs récits de vie. Elle a ensuite regroupé les images

idéalisées les plus fréquentes afin de les replacer dans le questionnaire et obtenir des données

quantitatives sur ces représentations. Le questionnaire a révélé que le premier groupe, celui de

l'engagement vocationnel pouvait être subdivisé en trois sous groupes: celles qui ont choisi ce

métier «parce qu'on bouge et / ou parce que c'est un métier hors du commun», celles qui l'ont

choisi «pour le contact humain» et pour faire un métier utile» et enfin le groupe qui est entré

51 Pierre BOURDIEU, Jean Claude PASSERON, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, coll. « Le sens commun », 1964. 52 Alexandre POLLIEN, Lorenzo BONOLI « Itinéraires de formation et lignes biographiques ». Revue Suisse de Sociologie n°36, pp 277-297, 08/2010.

32

dans la police pour «le commandement», «parce qu'on est respecté», «pour faire régner l'ordre

et la loi».

• Le choix d'une carrière volontairement masculine, une exception.

Elle observe que les femmes sont plus sensibles que les hommes au fait que la police soit un

métier d'ordre. Rares sont celles qui admettent avoir été attiré par ce métier «parce que c'est

un métier d'hommes» mais Geneviève PRUVOST en recense toutefois quelques unes. Ces

femmes sont à la fois minoritaires mais expliquent cette idée de différentes manières, les

femmes recrutées dans les années 1970, 1980 expliquent qu'elles ont été attiré par l'idée d'être

des «pionnières historiques», sensibles aux causes de la femme qui jouissait d'une grande

mise à l'agenda médiatique dans les années 1970, ou encore à une nouvelle conception de

l'engagement professionnel de l'époque qui consistait à choisir sa profession en fonction de

son caractère et non de son héritage familial comme c'était le cas auparavant: «L'influence

féministe, mais aussi l'idéologie individualiste du libre choix, est ici patente. Certaines

femmes policiers revendiquent clairement l'emprise de ces influences. Elles sont cependant

très rares à entrer dans la profession par militantisme féministe (3/86 selon notre

échantillon)»53.

• Au top des arguments invoqués: l'action, le terrain.

D’autres femmes revendiquent leur entrée dans la police pour exercer un métier de terrain,

d'action. Il ne s'agit pas tant d'exercer un métier impliquant une socialisation masculine

(certaines femmes invoquent l'argument selon lequel elles voulaient éviter une carrière «entre

femmes») que d'exercer une activité supposée masculine. Ces femmes justifient cette volonté

d'exercer une activité d'homme non par l'usage de la violence ou un goût particulier pour les

armes ou le danger, mais mettent en avant des attributs virils tels que le sport, le port de

l'uniforme ou la moto. A la question «Quel(s) aspect(s) de votre métier vous plaît le plus?» La

femme retraitée de la police nationale répond «Au départ c'était... j'aimais bien l'uniforme,

pouvoir arrêter les gens»54 après lui avoir demandé des précisions sur le sentiment qu'elle

ressentait quand elle portait son uniforme, elle dit: «Le fait que j'ai un uniforme les gens nous

regardaient différemment, on était très appréciés du fait d'être en uniforme... oui on avait une

53 Geneviève PRUVOST op cit, 2007, p13

54 Voir annexe n°9 Entretien avec une femme retraitée de la police nationale

33

certaine importance.. c'est bête hein! Bon après c'est passé mais au début je trouvais ça

bizarre, les gens nous appréciaient parce qu'on était des policiers.»55. Cette même

interviewée a également, comme Oumou ou le gardien de la paix, invoqué l'attribut viril du

sport pour justifier son choix. Il faut également noter que le retour rétrospectif sur ses

motivations ont été modifiées au fur et à mesure de la carrière, d'abord par le passage en école

de police, puis lors de la confrontation à la réalité du métier puisque comme le Brigadier en

Chef a justement rappelé: «Comme on dit dans la police: Y a pas d' femmes y a qu' des

collègues! »56. Dans un tel contexte on peut penser que les femmes ne se sentent pas

autorisées à expliquer leur engagement par des motivations différentes de celles des hommes.

• Faire régner l'ordre social et hiérarchique

Cette motivation concerne de nombreuses femmes, et elle est importante en ce qu'elle diffère

nettement numériquement du groupe des hommes. 14% de femmes contre 9% des hommes

choisissent ce métier pour faire régner la loi et respecter l'ordre, pour le commandement et se

faire respecter:«le goût pour l'ordre et la loi se combine certes, plus fréquemment, en second

choix, avec une aspiration missionnaire pour les femmes. La proportion de femmes

«rigoristes pures et dures» est supérieure à celle des hommes (31 % de femmes contre 26%

d'hommes)57. Ce résultat anéantie définitivement l'hypothèse classique, la prénotion selon

laquelle les femmes entrent dans la police avec des préoccupations d'assistante sociale.

• Le facteur de l’âge

Les femmes policiers sont jeunes, 70% d'entre elles ont moins de 35 ans, ce qui s'explique

simplement par la féminisation tardive de la police et de plus en plus importante, ce qui peut

d'une certaine manière expliquer ce rapport à l'ordre puisqu'elles sortent de l'école de police

ou le leitmotiv pédagogique est «faire respecter l'ordre et la loi». De surcroît, cet

enseignement reste fidèle aux représentations, à l'idéalisation de l'image du policier qui avait

pu se développer chez ces femmes au moment de l'enfance ou de l'adolescence. La vocation

tient une place très importante chez les femmes puisque 63% d'entre elles ont eu le projet de

55 Idem.

56 Voir annexe n°8, Entretien avec un homme Brigadier.

57 Geneviève PRUVOST op cit, 2007, p13

34

devenir policier avant le baccalauréat, une grande partie d'entre ces femmes y pensaient déjà

dès l'enfance.

• Le facteur du grade

Le grade reste très lié au niveau d'étude et à la classe sociale ce qui explique des logiques

d’engagements différents. Le groupe qui explique leur motivation par le goût de l'aventure

possède les mêmes caractéristiques sociales. Les représentations sont liées au prestige social

du grade, par exemple, le futur gardien de la paix se fait moins d'illusion quant au caractère

exceptionnel de son métier que le futur officier, ce qui explique que les motivations

aventureuses soient plus nombreuses dans les corps de commandements que dans les grades

inférieurs. Le fantasme de l'aventure est favorisé par une enfance dans un milieu social aisé.

On observe également que le groupe des aventurières est constitué de femmes qui ont fait des

études avant d'entrer dans la police, contrairement aux autres, qui majoritairement

travaillaient déjà dans un autre domaine. Les femmes dites missionnaires c'est-à-dire qui

exercent ce métier dans un souci d'utilité sociale sont souvent issues de familles de

fonctionnaires (48% d'entre elles), ce qui s'explique par une intégration forte des valeurs du

service public dès l'enfance, construit sur le modèle des parents.

Pour conclure, les hommes expliquent davantage leur engagement pour des raisons

économiques alors que les femmes mettent majoritairement en avant l'argument de la

vocation.

B] Les arguments réalistes et le hasard

Malgré l'importance numérique des femmes qui expliquent leur engagement par la

vocation, 29% des femmes interrogées expliquent leur choix par la simple volonté d'être

fonctionnaire avec des arguments tels que le salaire fixe et la sécurité de l'emploi. Cette

affirmation soulève un paradoxe: pourquoi devenir policier alors que la majorité de la

Fonction Publique est extrêmement féminisée ? Dans ce groupe on distingue ceux qui

affirment être policier pour des raisons économiques et ceux qui expliquent leur trajectoire

professionnelle par le hasard. Les femmes ont plus tendance à utiliser l'argument du hasard

que celui de la pure nécessité économique. Par crainte de donner une image de soi même

négative, dans l'idée que la femme policier peut être une femme obsédée par l'ordre ou la

35

répression, ces femmes vont sous estimer leur part de décision et imputer cette décision à un

événement extérieur ou à une simple opportunité qui s'est présenté à elles et qu'elles ont saisi

«par hasard». Ces femmes cassent ainsi l'idée générale que les femmes qui entrent dans la

police sont extrêmement motivées. La femme retraitée de la police nationale nous a expliqué

ce choix par: «Non non... je ne pense pas... c'était simplement un hasard. J'avais envie de

changer de profession et voilà... Ça s'est fait comme ça... […] Je savais qu'on recherchait des

policiers et ce métier me plaisait.»58.

Cependant, plus le concours est élevé plus l'argument du hasard est contestable car on ne

devient pas Commissaire par hasard, cela nécessite une préparation intense et a fortiori, une

motivation certaine. Cet argument est donc socialement valorisant pour les femmes qui

l'invoquent puisque cela revient à dire qu'elles ont réussi sans effort, comme elles auraient pu

le faire dans n'importe quel autre domaine...

Pour conclure, l'absence de vocation est plus simple à mettre en avant pour les hommes que

pour les femmes qui sont davantage soumises à la pression sociale et aux questionnements du

type: «mais pourquoi es tu devenue policier?» que les hommes.

Les entretiens réalisés dans le cadre de ce mémoire ont majoritairement mené au résultat de la

vocation. Bien que le mot lui même ne soit pas cité dans chaque entretien, l'idée d'une

motivation forte et lointaine a été rencontrée dans chacun des cas. La femme Capitaine

raconte: «J'avais 22 ans, c'était mon idée depuis longtemps. J'ai eu mon bac, j'ai fais un an de

droit et j'ai passé le concours de gardien trois fois… »59, la jeune Oumou explique: «C'est un

métier que j'ai toujours voulu faire depuis plus jeune […] j'étais en troisième […] Quand y a

des heu.. tu sais au niveau des sortes de... d'orientation qu'ils font pour l'année prochaine...

donc t'as plusieurs organismes qui viennent à l'école pour représenter les métiers là... du

coup bah y a des gendarmes et des policiers qui sont venus... ils m'ont expliqué comment ça

se passait»60. L'exemple du gardien de la paix est également intéressant puisqu'il présente un

exemple de la «peur» de passer pour quelqu'un d'obsédé par l'ordre ou la répression, elle

raconte spontanément qu'elle a passé le concours juste après son baccalauréat. Mais face à la

58 Voir annexe n°9 Entretien avec une femme retraitée de la police nationale

59 Voir annexe n° 6, Entretien avec une femme Gardien de la paix

60 Voir annexe n°7, Entretien avec une jeune femme qui s'engage dans la police

36

question de savoir s'il s'agissait ou non d'une vocation, elle précise: «J'ai hésité entre être

policier ou prof d'espagnol mais les études... bof.. la fac... bof...»61.

II] Les stratégies de légitimation.

A] Nier toute influence, insister sur le caractère personnel du choix.

La tendance observée chez ces femmes est de reconnaître qu'elles connaissaient un policier ou

un gendarme, mais que cela ne les a pas influencées dans leur choix. Plus le grade est haut et

plus les femmes ont tendance a nier l'influence de tiers dans la construction de leur

engagement. En effet, 61,3 % des femmes officiers affirment que personne parmi leurs

proches ou leurs connaissances éloignées ne les a motivé à faire carrière dans la police. Ce

chiffre s'explique par le fait que c'est dans ce corps qu'on compte le moins de personne de

l'entourage travaillant dans la police. On observe le phénomène inverse avec les gardiens de la

paix qui connaissent en plus grande proportion des membres de leur famille ou des proches

qui exercent le métier de policier. Pour ces dernières la conversion policière est très liée à

l'expérience familiale.

Nier l'influence des autres permet d'insister sur le caractère personnel de l'engagement.

Pourtant, comme vu précédemment, le rôle du père est prépondérant dans les questions de

trajectoires de vie des femmes (policiers ou non). Dans les entretiens qu'elle a mené,

Geneviève PRUVOST observe que même dans le cas où ces femmes nient l'influence

familiale, le père joue un rôle prépondérant dans le choix du métier, au point de réduire la

mère à un statut inexistant. Anne Marie DAUNE RICHARD et Catherine MARRY62 dans une

étude sur les jeunes femmes inscrites dans des BTS ou DUT industriels, ont expliqué cette

implication du père par le fait que les femmes sont plus studieuses et sérieuses que leurs frères

au moment de l'enfance ou de l'adolescence, ainsi les ambitions familiales se tournent

davantage vers ces dernières. Le cas le plus courant est celui d'un père qui ne travaille pas

dans la police mais qui est largement consulté par sa fille quant à son choix professionnel et sa

61 Voir annexe n° 6, Entretien avec une femme Gardien de la paix.

62 Anne Marie DAUNE-RICHARD, Catherine MARRY, 1990, « Autres histoires de transfuges ? Le cas des jeunes filles inscrites dans des formations « masculines » de BTS et de DUT industriels », Formation-Emploi, n°29, Janvier-mars, pp. 35-50.

37

trajectoire de vie en générale. Même dans les cas où une forme d'influence est reconnue, elle

est minimisée et l'idée d'un choix personnel ressurgit. L'exemple de la femme capitaine

interviewée illustre bien ce propos: A la question :«Pensez vous que quelqu'un de votre

entourage vous ait influencé dans ce choix?», elle répond: «C'est vraiment un choix personnel

mais si on parle de la petite enfance j'avais une grand mère un peu particulière elle aimait

beaucoup la gendarmerie, l'armée elle aurait aimé travailler la dedans.»63. Comme dit

précédemment, les femmes qui s'engagent dans un métier socialement reconnu comme

masculin sont issues de familles qui ne connaissent pas le principe de ségrégation des sexes et

qui connaissent déjà l'émancipation féminine. La femme retraitée de la police nationale, quant

a elle a répondu « Non. J'avais un cousin policier mais c'est pas lui qui m'a influencé. Ça s'est

fait comme ça. »64.

Ces femmes tendent à individualiser leur trajectoire et insistent sur le fait qu'il leur est propre

et personnel, naturel. Si elles reconnaissent que cette vocation est atypique, ce qui n'est pas

toujours le cas, elles l'expliquent par leur personnalité marquée par un caractère fort.

C'est ce que Geneviève Pruvost65 a conceptualisé comme «l'héroïsation». Afin d'anticiper une

réaction négative de la part d'autrui, ces femmes ont l'habitude de se mettre en scène dans le

récit qu'elles ont d'elles mêmes et de se déclarer comme des «femmes fortes», c'est le cas pour

le gardien de la paix qui déclare: « Le trait commun c'est peut être le côté garçon. Et puis le

caractère... Beaucoup de caractère on est des femmes très fortes, on ne se laisse pas faire 66».

Le récit et la mise en scène de soi fait partie intégrante du travail policier qui consiste bien

souvent à « prendre des plaintes et à convertir des histoires, parfois extravagantes, en récit

circonstancié, susceptibles de donner lieu à une procédure »67. Cette stratégie est le résultat

d'un apprentissage et n'est pas naturel, c'est ce qui sera développé plus loin.

Nier l'influence d'autrui revient à insister sur le caractère personnel du choix, donnant ainsi

l'image d'une femme forte, qui maîtrise sa vie, cela permet de renforcer l'argument de la

63 Voir annexe n°5, Entretien avec une femme Capitaine

64 Voir annexe n°9, Entretien avec une femme retraitée de la police Nationale

65 Geneviève PRUVOST, op cit, 2008, p13

66 Voir annexe n°6, Entretien avec une femme Gardien de la paix

67 Geneviève PRUVOST, op cit, 2008, p13

38

vocation et du choix naturel, il s'agit donc bien d'une stratégie de légitimation mise en place

par ces femmes. Toutefois, il convient de préciser que cela peut se faire de manière consciente

ou non, certaines ont à tel point intériorisé cette idée qu'elles se sont d'une certaine manière

« reconstruit » leur propre histoire. Pourtant, on ne peut nier l'importance du regard des autres

et notamment de sa cellule familiale quant au choix de vie professionnel. S' auto-proclamer

« héros », « femme forte » tend à donner une image positive voire glorifiée d'elle même, être

un héros n'est pas uniquement une recherche personnelle, ce phénomène s'inscrit dans une

quête de reconnaissance de l'autre, de légitimation.

B] Nier le rôle de la fiction, insister sur la neutralité de l'engagement .

Comme ce fut démontré précédemment, les médias accordent une place très

importante à ce phénomène, la féminisation fait parler d'elle, les femmes policier ne peuvent

pas ignorer qu'aux yeux de la société elles exercent un métier d'hommes et que cela n'est pas

banal, pourtant elles nient avoir été motivées par ce statut particulier, et expliquent leur choix

comme un «choix naturel» soit parce qu'elles ont une conception asexuée du métier de policer

ou / et parce qu'elles ont connu une enfance marquée par une socialisation primaire inversée.

A l'exception d’Oumou, la plus jeune des femmes interviewées et qui n'est pas encore passé

par la formation en école de police, donc qui n'a pas encore été confronté ni à la réalité de la

profession ni à la situation d'élaborer des stratégies de légitimation, aucune des femmes

interrogées ne reconnaît avoir subit une influence par la fiction de quelque sorte qu'elle soit,

romans, films, séries. L'étude de Geneviève PRUVOST Philippe COULANGEON et Iolena

ROHARIK obtient des résultats similaires puisque seulement 29 personnes sur 5221 placent

cet élément dans l'une de ses deux motivations initiales68. Ce chiffre est à relativiser puisqu'il

ne signifie pas pour autant que les autres nient totalement l'impact de la fiction sur leur

représentation du métier, et donc leur projection, mais ce ne serait pas ce facteur qui serait

déterminant de leur engagement.

Pourtant, le fait qu'elles nient l'influence familiale et l'influence de tiers d'une part et

l'influence de la fiction d'autre part, soulève un paradoxe: comment peut-on avoir envie

d'exercer une profession dont on n’a aucune représentation ?

68 Geneviève PRUVOST, Philippe COULANGEON, Iolena ROHARIK, op cit p 12

39

Nier l'influence de la fiction sert à rationaliser sa démarche. Cela revient à nier la part

fantasmée, idéalisée de la profession, qui est pourtant reconnue dans les réponses apportées à

d'autres questions telle que « Quelles ont été vos motivations à entrer dans la police ? » .

L'exemple du gardien de la paix interrogé reconnaît une vision enfantine du métier de policier

quand elle dit : « le fait d'arrêter la population, après c'était l'idée d' « arrêter les voleurs »,

courir après les méchants vous voyez le genre ? Bon... en vrai ce n'est pas ça la réalité mais

bon... »69 alors qu'elle avait répondu par la négative à la question de l'influence, à la fois

familiale ou des tiers et de la fiction. Nier la part idéalisée de la profession, l'idée qu'on s'était

fait une représentation du rôle de policier avant d'intégrer l'institution revient à affirmer qu'on

s'est converti au métier en toute connaissance de cause, qu'on savait à quoi s'attendre. Or , on

ne peut connaître quelque chose qu'en l'expérimentant empiriquement. Quant bien même leurs

motivations seraient rattachées exclusivement aux valeurs qui émanent de l'institution

policière, à savoir les valeurs républicaines, la solidarité dans le travail, l'image de la fonction

publique, ces valeurs sont connues soit par le biais de la fiction soit par le biais de récit d'une

expérience indirecte : celle d'un proche ou d'un membre de la famille. Cette stratégie permet

d'insister sur la neutralité de l'engagement, ce qui se situe dans la même lignée que la

justification par le hasard, le destin ou la vocation : l'idée que : « ça s'est fait comme ça »70.

Conclusion

Ce premier chapitre sur les prémices de l'engagement des femmes a souligné

l'importance de l'enfance et de l'adolescence dans la construction de l'identité et du désir de

s'engager. Le rôle du père qui initie bien souvent son enfant à des activités et à des centres

d'intérêts masculins a également été démontré. Ce rapport de socialisation primaire inversée

s'explique souvent par une cellule familiale marquée par le concept du «garçon manquant».

Plus largement, ce chapitre a permis d'éclairer l'importance de l'influence familiale ou des

tiers dans la construction de l'engagement, de la trajectoire professionnelle. La sur-

représentation médiatique des femmes policiers a mis en avant un paradoxe: la féminisation

de la police n'est pas un phénomène nouveau, il est même en cours de banalisation. Pourtant,

il fait toujours autant parler de lui: comment expliquer, dès lors, qu'un tel sujet ne se lasse pas

69 Voir annexe n°6, Entretien avec une femme Gardien de la paix.

70 Voir annexe n°9, Entretien avec une femme retraitée de la Police Nationale.

40

de faire l'actualité ? Les médias insistent sur les valeurs de ces femmes fortes, au caractère

affirmé, ce qui participe à la construction d'une image de femmes « héroïques » auxquelles il

est naturel de s'identifier, d'avoir envie de ressembler.

Ce chapitre a permis de montrer que le choix de la trajectoire professionnelle, et a

fortiori lorsqu'il consiste à se convertir à un métier «masculin», ne se fait pas par hasard. Il y a

donc des déterminants de l'engagement qui sont partagés quelques soient le grade et l'âge de

ces femmes. Ces déterminants sont : la relation avec le père, la pratique d'activités masculines

notamment de sport, la fascination avouée ou non pour les fictions et les valeurs du policier

«héros» (l'intelligence, la force physique, la notion du bien, la représentation de la femme

«justicière» etc). A cet égard , il a été observé que les femmes justifiaient largement leur

engagement par la vocation et insistaient particulièrement sur la neutralité de leur projet et sur

le fait que ce soit un choix purement personnel pour se légitimer. Le retour rétrospectif aux

motivations qui ont suscité l'engagement a fait l'objet d'un premier lissage lors de la formation

en école de police puis lors du déroulement de la carrière, c'est ce qui sera développé dans

cette deuxième partie consacrée à la confrontation au réel et à la négociation de la carrière.

41

Chapitre 2: LA CONFRONTATION AU REEL ET LA

NEGOCATION DE LA CARRIERE

Après avoir analysé les différents facteurs favorisant l'engagement et les stratégies de

légitimation développées pour justifier le choix professionnel, il s'agit désormais d'observer

les stratégies accompagnant la réalisation du projet professionnel (Section 1) et enfin,

d’achever ce mémoire de recherche sur une dimension plus psychologique à l'égard des

femmes policiers, l'hypothèse de leur dédoublement d'identité (Section 2).

Section 1: Les stratégies accompagnant la réalisation du projet

professionnel

Cette première section propose d'analyser les stratégies propres aux femmes en ce qui

concerne l'étape du concours, le premier pas dans l'institution policière qui leur ouvre les

portes de l'école de police où elles reçoivent une formation Républicaine marquée par

l'apprentissage de la virilisation (I). La deuxième partie tâchera de montrer quelles sont les

nouvelles stratégies développées au moment de l'engagement c'est-à-dire de la prise de

fonction, lorsqu'elles vivent quotidiennement leur fonction sociale de policier (II).

I] La conversion au métier: l'étape du concours et de la formation en école de police

L'étape du concours et de la formation correspondent à l'initiation à la culture professionnelle,

à la construction de l'identité professionnelle. L'identité culturelle d'un individu repose à la

fois sur son histoire personnelle c'est la dimension psychologique, sur l'appartenance à un

groupe social ayant des caractéristiques communes identifiables ainsi qu'à son appartenance à

une culture d'origine. C'est la dimension ethnologique. L'addition de ces trois dimensions est

nommée « culture idiolectale »71, c'est en quelque sorte ce qui sert de fondation pour greffer

d'autres composantes de la culture comme la culture professionnelle, par exemple. La

socialisation au sens de Durkheim et de Bourdieu est conçue comme un « processus

71 Shaeda ISANI, « Compétences de culture professionnelle : définition, degrés et didactisation », ASP, 43-44, 2004, P5-21.

42

d'intériorisation du social », c'est-à-dire comme un phénomène qui produit des dispositions

durables et contribue à la reproduction de l'ordre social. C'est le processus par lequel

l'individu apprend les règles et les normes de la société. L'optique Bourdieusienne insiste

quant à elle sur le rôle joué par l'habitus c'est-à-dire l'ensemble de dispositions qui orientent

les goûts et les choix des individus. Claude Dubar72 définie l'identité professionnelle à partir

de quatre éléments : d'abord par la notion d'Emploi qui renvoie à l'activité d'un individu, ce à

quoi il est occupé, ensuite à sa fonction qui correspond à ce que l'individu doit accomplir pour

jouer un rôle dans la société, puis par son métier, c'est-à-dire le genre de travail déterminé,

reconnu par la société et dont on peut tirer des moyens d'existence, enfin, par sa profession

définie par le prestige que le métier apporte, par la position sociale induite par l'exercice du

métier. Cette première partie de la réflexion est consacrée à l'étape de l'initiation à la culture

professionnelle, par l'étude des stratégies liées au concours d'une part (A) et par

l'apprentissage de la virilité (B) lors de la formation en école de police d'autre part.

A] Les stratégies liées au concours

• La surqualification et la sur-sélection des femmes au concours

Pour commencer, il convient de s'interroger sur ce qu'est une stratégie. Une stratégie est

définie comme l'art de coordonner des actions, de manœuvrer habilement pour atteindre un

but73. Une stratégie suppose donc qu'il y ait des adversaires, des obstacles, et un but à

atteindre. L'étape du concours suscite une première forme de stratégie. Les femmes

compensent le manque de légitimité induit par leur sexe par la multiplication de diplômes. Par

exemple, 79% des femmes gardiens de la paix sont bachelières contre 56% chez les hommes ;

26,6% d'entre elles ont un DEUG c'est-à-dire le niveau requis pour être lieutenant et 68% des

femmes officiers ont un niveau supérieur à bac +2 contre 27% chez les hommes ce qui les

rapproche davantage du grade de commissaire que des hommes de leur propre grade. Jusqu'en

1992, le Ministère de l'Intérieur imposait des quotas, bien que ces derniers aient été supprimés

officiellement, il est de notoriété publique dans la profession qu'ils sont officieusement

72 Claude DUBAR, La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles, Armand Colin, Paris, 2010, 256 pages

73 Dictionnaire Larousse, Éditions 2008

43

maintenus. Il existe donc une sur-sélection des femmes policiers contraignant ces dernières à

avoir un meilleur niveau général que leurs homologues masculins pour espérer réussir le

concours. Ce constat est à l'origine des stratégies de l'accumulation des diplômes mais aussi

du surentraînement sportif, de la préparation aux oraux. Les concours étant anonymisés ce

n'est en effet qu'à l'étape de l'oral que le sexe entre en jeu, elles ont donc tout intérêt à miser

sur les épreuves écrites. 16 % des femmes gardiens de la paix ont fait des études de droit

contre 8% seulement à ce grade chez les hommes, de même 59% chez les femmes officiers

contre 44% des hommes au même grade. La discrimination est donc plus importante dans les

grades inférieurs. Si les femmes misent sur les études, les hommes, eux, ont en général vécu

des expériences professionnelles diverses avant d'entrer dans la police.

Il est curieux d'observer que les femmes ne vivent pas pour autant ce décalage comme une

discrimination. A la question de savoir si elles ont vécu le passage du concours comme une

étape discriminante, elles répondent toutes par la négative. La femme gardien de la paix

s'exclame : « PAS DU TOUT ! Non pas discriminant... non moi je n’ai pas trouvé ça

compliqué. Il faut un minimum de caractère... On est plutôt encouragées j' pense, mais c'est le

caractère qui compte beaucoup. Pas du tout discriminant non... y a des filles qui ont fini dans

les premières... C'est une question de volonté, de caractère, rien de plus. »74 .La femme

capitaine de son côté est un peu plus mesurée : « Normalement il n'y a pas de différence. Y’a

pas de quotas. Quand on voit qu'il y a de plus en plus de femmes on peut penser qu'il n y en a

pas »75. La surqualification scolaire ne constitue pas une forme de discrimination, elle pallie

au handicap de leur sexe féminin. De la même manière, toutes les personnes interviewées

s'accordent à reconnaître qu'il est normal que le barème des épreuves physiques soit adapté

aux femmes. La femme capitaine explique : « J'estime que les femmes ne peuvent pas avoir

les même capacités et le même physique qu'un homme donc c'est juste enfin c'était quand

même assez difficile il fallait s'accrocher pour avoir la moyenne c'est sûr. Donc c'est normal.

Tout est question de proportion »76, cette idée d'infériorité physique est confirmée par

Oumou : « Les hommes sont beaucoup plus forts physiquement qu'une femme... on n’a pas

tous les mêmes capacités… »77, et encore par la femme retraitée de la police nationale :

« Pour le sport c'est normal que le barème ne soit pas fait de la même façon, nous ne sommes

74 Voir annexe n°6, Entretien avec une femme Gardien de la Paix

75 Voir annexe n°5 Entretien avec une femme Capitaine 76 Idem 77 Voir annexe n°7, Entretien avec une jeune femme qui s'engage dans la police

44

pas fait pareil les hommes sont beaucoup plus musclés donc c'est normal... On a pas les

mêmes capacités physiques que les hommes »78. Le gardien de la paix estime que : « C'est

logique. Les hommes sont quand même plus forts physiquement que les femmes au niveau des

performances... c'est juste. Mais y' avait des femmes plus fortes que certains hommes »79.

Paradoxalement le seul homme interrogé souligne qu'il a rencontré des femmes aussi fortes

voire plus fortes que certains hommes :

« L'important c'est que les épreuves soient les mêmes... On avait des jeunes femmes moins

costauds que nous donc par conséquent peut-être moins résistantes à l'effort. D'autres étaient

plus résistantes. Au parcours police j'étais en binôme avec la fille la plus sportive de la

promo, j'avoue que je n’ai pas vu de différence entre elle et moi, elle était très sportive,

résistante... « Elle en voulait » quoi... Elle a réussit cette épreuve avec brio...80 ».

Les femmes estiment qu'elles ont moins de capacités physiques que les hommes et misent

davantage sur l'intellect pour s'intégrer au métier à la fois pendant le passage du concours et

de la formation mais également une fois dans « en fonction » : « Les femmes sont plus

performantes sur ce qui est intellectuel les procédures tout ça... et les hommes sur les

interventions... mais après y' a de tout. En général les hommes sont plus sur les interventions

et les femmes sur l'intellect... »81. Une fois de plus, la stratégie des femmes est de justifier leur

présence par les compétences individuelles, loin des discours féministes, elles légitiment leur

présence dans ce métier par la force de leur caractère, comme ce fût déjà démontré

précédemment. Bien qu'elles aient pu trouver le concours inique, aucune d'entre elles ne le

reconnaît puisqu'elles ont toutes finalement réussi à passer le concours, ce qui contribue à

entretenir leur image de femme d'exception, ce qui contrebalance le handicap initial d'être une

femme.

78 Voir annexe n°9, Entretien avec une femme retraitée de la police Nationale

79 Voir annexe n°6, Entretien avec une femme Gardien de la paix

80 Voir annexe n° 8, Entretien avec un Brigadier

81 Voir annexe n° 6, Entretien avec une femme Gardien de la paix

45

B] La formation en école de police ou l'apprentissage de l'esprit de corps.

La formation constitue l'étape première de l'affiliation à la profession de policier. Everett

Cherington HUGHES conçoit la formation conçue à la fois comme une initiation, au sens

ethnologique, à la « culture professionnelle » et comme une conversion, au sens religieux, de

l'individu à une nouvelle conception de soi et du monde, bref à une nouvelle identité82. La

formation est constituée de cours théoriques, de cours de sport et de stages sur le terrain (trois

stages pour les gardiens de la paix et les commissaires, deux pour les officiers). A cette

occasion « l'encadrement pédagogique et les élèves des deux sexes collaborent à la mise en

place d'une expérience mixité égalitaire, tout en vantant les normes de la virilité. Ces

ambivalences produisent à la fois du genre (la virilisation des femmes) et du sexe (les femmes

sont réduites à l'identité typique « naturelle » de leur sexe) »83. L'étape de la formation est

largement bien vécue par les femmes qui reconnaissent toute qu'elle est régie par un principe

indéfectible d'égalité des sexes. Seule la femme retraitée de la police nationale tient des

propos plus mesurés et raconte qu'elle a été victime de discrimination, mais cet événement est

relaté comme un incident et non comme un bilan de la manière dont elle a ressenti la

formation. A son époque, elle raconte qu'elle était la seule femme de la formation mais

précise qu'elle « étais bien, à la formation ça se passait bien tout le monde était gentil avec

moi donc c'était plutôt un atout au moment de la formation. » A la question de savoir si son

sexe a pu lui poser des problèmes de discrimination elle répond : « Non non, une seule fois oui

le formateur nous avait dit « c'est un travail d'hommes » il me comptait pas dans le groupe,

du coup j'ai levé le doigt et j'ai dis « excusez moi mais je suis une femme » et il s'est excusé, il

avait juste complètement zappé qu'il y avait une femme dans le groupe ! C'était rare à

l'époque ! »84 .

• La clôture des lieux de formation favorise la socialisation professionnelle

La scolarité se déroule dans un lieu clos, les centres de formations sont fermés et surveillés

par des gardes qui vérifient les entrées et les sorties des élèves policiers et des visiteurs. Cette

clôture du lieu de formation permet de renforcer les liens sociaux unissant les élèves et crée

82 Everett Cherrington HUGUES, Men at their Work. Glenoce, The Free Press. 1958

83 Genviève PRUVOST op cit, 2007, p13

84 Voir annexe n°9 Entretien avec une femme retraitée de la Police Nationale

46

ainsi naturellement le sentiment d'appartenir à un groupe. Ce contrôle permet d'insister sur la

soumission et le dévouement des élèves à leur formation. Contrairement à un enseignement

classique reçu à la faculté où chacun est libre de ses allers et venues, la formation en école de

police tend à « enfermer » le futur policier dans son environnement professionnel, d'une

manière quasi-militaire.

• L'uniformisation des vêtements entretient l'esprit de corps

Au même titre, le port de l'uniforme permet de s'intégrer physiquement au métier. L'uniforme

est un outil d’assexuation du corps ce qui explique qu'il est en général vécu de façon positive

par les femmes. De plus, il correspond à l'image que les aspirants policiers ont pu se

représenter de leur futur métier. L'autorité du policier passe par cet attribut qui met en scène

l'autorité du policier. Les femmes étant davantage en quête de la reconnaissance de leur

autorité que les hommes, l'uniforme est vécu comme un allié utile (le rôle de l'uniforme fera

l'objet d'un développement plus loin).

• La ritualisation militaire

La formation est organisée de façon militaire, par le port de l'uniforme, qui au delà de

l'apparence physique qu'il confère, est vécu comme une sorte de discipline et permet une

uniformisation d'un corps policier indifférencié. Chaque matin, les élèves se mettent en rang

dans la cour par ordre de taille et présentent le garde à vous. Ce rituel permet d'intérioriser le

sens de la hiérarchie. Les élèves gardiens de la paix accomplissent des travaux d'intérêt

général (effacer le tableau, nettoyer les locaux, garder la barrière de l'école). Ces tâches sont

opérées tour à tour par chacun d'entre eux et ce roulement permet de rompre avec la division

sexuelle du travail domestique classique de la famille du type : l'homme descend les poubelles

et la femme fait le ménage. Ce roulement favorise donc une égalité et une équité de

traitement. Ce protocole militaire participe d'une expérience républicaine mais aussi d'une

expérience de corporation, l'idée de faire partie d'une grande famille. La formation par ces

deux aspects encourage la croyance en l'égalité de la formation qui est un moment

généralement bien vécu par les policiers.

Toutefois, on peut relativiser cette apparente égalité par la présence de lieux de formation

réservés aux hommes puisque sur 26 lieux de formation de gardien de la paix pas moins de 12

47

centres excluent les femmes. Cette situation est pénalisante pour les femmes puisqu'elle les

contraint davantage à suivre leur formation loin de leur famille et de leur région d'origine.

II] Devenir policier, s'intégrer à un monde essentiellement masculin.

Il est désormais temps d'aborder l'étape de l'engagement c'est-à-dire de la découverte

de la réalité concrète, de sa prise de fonction. La prise de fonction est la dernière étape de

l'immersion du policier dans son milieu professionnel. Préparées par le concours et la

formation, les femmes entrent dans leur milieu professionnel en connaissance de cause :

toutes s'accordent à le reconnaître, elles doivent faire deux fois plus d'efforts pour être

reconnues que les hommes. S'intégrer dans la police passe par l'obligation tacite d'apprendre

les codes de la virilité (A) cette stratégie va de pair avec celle de miser sur leur personnalité

exceptionnelle (B).

A] La stratégie d'intégration avec leurs homologues masculins, l'apprentissage de la virilité

• La virilisation physique

Dès la formation en école de police, les femmes sont soumises à des règles strictes relatives à

leur apparence physique. Le port de l'uniforme d'abord mais aussi l'obligation de maintenir

ses cheveux attachés. Pour des raisons pratiques ou par goût, beaucoup d'entre elles se

coupent les cheveux. Le corps se masculinise et devient plus anonyme, il se fond davantage

dans la masse des autres policiers. Le principe du régime compensatoire, censé avantager les

femmes, perpétue le stéréotype de la fragilité féminine contre lequel ces dernières doivent

lutter85. Évidemment, toutes les femmes n'intègrent pas les normes physiques avec la même

intensité, certaines revendiquent même leur féminité comme c'est le cas de la femme capitaine

qui se défend d'avoir une apparence masculine : elle répond spontanément à la question

« Est-ce qu'il y a des situations où vous vous sentez tiraillée entre votre rôle de policier et

votre identité de femme ? » par : « Non. Non. Non. Je n’ai jamais eu de problème sur ma

85 Voir annexe n°9 Entretien avec une femme retraitée de la Police Nationale

48

féminité, je n’ai jamais cherché à devenir un homme. (Rires). »86. Cette question avait été

conçue volontairement assez large pour pouvoir obtenir plusieurs types de réponses, les

entretiens rendent d'ailleurs compte de diverses interprétations de cette question. La femme

retraitée répond à cette même question par : « Non... il est vrai que quand je mettais un

uniforme je n'étais pas la même que quand j'étais en civil, j'étais une autre femme. C'est-à-

dire que j'étais plus … enfin j'étais moi même mais tout en ayant une carapace... un peu plus

masculine... « On est obligé sinon on ne peut pas faire ce métier »87.

• La virilisation comportementale.

Les femmes ne contestent absolument pas ces règles viriles au contraire, elles vantent leur

force et leur courage et ne sont pas les dernières à stigmatiser leurs homologues trop faibles

trop rondes ou trop émotives. Les femmes n'ont pas intérêt à jouer la carte d'une solidarité

entre elles, loin de là, mieux vaut opter pour une démarche individualiste et faire remarquer

qu'à la différence des autres on est « pas une chochotte »88. Au cours de deux entretiens, la

question du harcèlement sexuel dans la police a été évoquée bien qu'aucune question

n'engageait les policiers à aborder ce thème. A la question de savoir si elle se sent bien

intégrée à son équipe, la femme gardien de la paix aborde la question du harcèlement sexuel

et dit : « Moi j'ai jamais eu de problème de harcèlement sexuel ou quoi.. » […] Après d'autres

oui... Mais y en a qui cherchaient aussi... ce n’est pas bien ce que je dis mais bon j' suis

honnête quoi... »89. Cette réponse est doublement surprenante parce que ce n'était pas une

réponse envisagée à cette question d'une part et parce qu'on s'attendrait naturellement à ce

qu'une femme dont le métier est de faire respecter l'ordre et la loi soit outrée par ce type de

comportement, d’autre part. Elle ajoute : « Deux ou trois boutons d'ouverts sur la chemise par

exemple... Ou dans l' comportement... un peu allumeuses... Mais ça ce n’est pas l' monde de la

police c'est partout... Les hommes qui sont avec des femmes comme ça ils en profitent... »90.

Expliquer les comportements déplacés des hommes par les vertus légères des femmes qui

« cherchent » est un exemple frappant de l'intégration de normes et de comportements virils.

86 Voir annexe n°5, Entretien avec une femme Capitaine

87 Voir annexe n°9, Entretien avec une femme retraitée de la Police Nationale

88 Voir annexe n°6, Entretien avec une femme Gardien de la paix 89 Idem

90 Id

49

De même, il faut apprendre à contrôler ses émotions « on n’a pas le droit de pleurer »91

confie la femme retraitée. Il existe ici un décalage entre les hommes qui sont socialement

habitués dès l'enfance à contrôler leurs peurs et leurs sentiments contrairement aux femmes

sur lesquelles il pèse moins de pression quand à l'expression des sentiments. C'est donc une

faculté supplémentaire qu'il convient d'apprendre : « Y a pas de place pour les sentiments la

peur tout ça... Moi je n’ai jamais eu peur... »92. L'entretien de la femme gardien de la paix est

un autre exemple intéressant puisqu'elle répond à la question « Pour vous qu'est ce qu'une

carrière réussie ?» par « Honnêtement ? D’être toujours vivant ! »93, ce qui met l'interviewer

en position de relancer : « Donc vous avez déjà eu peur ? » Et de répondre après une longue

hésitation « Vraiment peur non... C'est plus l'adrénaline oui de la peur... non j' sais pas si

c'est de la peur... J'ai plus peur pour mon compagnon qui est à la BAC... Si on a peur vaut

mieux arrêter. C'est mon point de vue. »94.

• La virilisation idéologique

Dominique MONJARDET et Catherine GORGEON, dans une étude réalisée pour le

Ministère de l'Intérieur95 qui s'attache à décrire une promotion d'élèves gardien de la paix, ont

montré que les femmes sont caractérisées par les plus grands changements d'opinion entre

leur entrée à l'école de police et leur sortie. Ils observent qu'elles sont plus susceptibles de

changer d'opinion concernant le légalisme que les hommes. En sortie d'école, trois filles se

« délégalisent » pour une qui se « légalise ». La formation est donc une étape très importante

où les valeurs féminines sont brouillées. Cette même étude a observé que les femmes gardiens

de la paix sont celles qui se métamorphosent le plus, aussi bien sur le plan physique

comportemental et idéologique. Elles reconnaissent sans peine que leur sexe féminin est un

handicap mais refusent de se plaindre ou d'exprimer des revendications particulières

puisqu'elles sont entrées dans la police en connaissance de cause. Elles doivent s'adapter, une

fois de plus, cette logique montre l'appropriation par les femmes de représentations

masculines.

91 Voir annexe n°9, Entretien avec une femme retraitée de la police 92 Idem

93 Voir annexe n°6, Entretien avec une femme Gardien de la paix 94 Idem

95 Dominique MONJARDET et Catherine GORGEON. 1992-2003 : 1167 recrues, description de la 121e promotion des élèves gardiens de la paix de la police Nationale, ministère de l'Intérieur, IHESI, 1992, 15p

50

B] Un métier exceptionnel pour des femmes exceptionnelles.

• Des femmes au caractère exceptionnel

Une autre stratégie mise en place par les femmes policier est de se considérer comme des

femmes ayant des capacités « exceptionnelles ». L'argument du caractère fort revient à

maintes reprises dans les entretiens. Ces femmes ont une image positive d'elles même, avant

d'entrer dans la police elles se considèrent déjà comme des femmes fortes, capables

« d'encaisser ». Oumou, la jeune femme qui est en passe de devenir policier affirme que :

« tout le monde sait que j'ai un caractère assez fort et que si elle veut quelque chose elle fait

tout pour l'avoir »96.

Faire face aux machismes ou aux discriminations fait partie de leur lot quotidien. Elles

doivent produire des efforts physiques plus intenses que les hommes puisqu'elles n'ont pas les

mêmes aptitudes physiologiques, mais aussi parce qu'elles sont généralement moins sportives

que ces derniers c'est comme l'ont montré Annick DAVISSE et de Catherine LOUVEAU97

dans une étude réalisée sur le sexe et le sport. A la fin du lycée une femme sur trois pratique

une activité sportive contre 60% des hommes. Au delà de ces efforts physiques elles doivent

travailler leur résistance mentale face aux remarques plus ou moins explicites de leurs

collègues quant à leur féminité. La femme retraitée de la police raconte :

« Je me rappelle tout à fait au début on était allé courir ensemble et il croyait que comme je suis une

femme que … enfin il me sous estimait quoi... je lui avais dis « je cours à ton rythme » et il m'avait dit

« mais tu plaisante **** ? J'ai dis « moi il n'y a pas de soucis » il avait 20 ans moi j'en avais 45 au bout

de 10 minutes je lui dis « tes pulsations sont à combien ? » Il me dit « 190 et les tiennes ? » je lui répond

« 145 » il me dit « on peut marcher ? » je lui dis « pas de soucis » et donc il aurait mieux valu qu'il court

doucement... après il a voulu que je l’entraîne... il était impressionné... La compétition la course à pied ça

m'a aidé à m'imposer à me faire respecter et puis surtout à me sentir bien... »98

Ce type d’anecdotes rejoint l'insistance sur le rôle du caractère décrit par tous comme une

caractéristique indispensable pour survivre dans ce métier d'hommes. La femme Capitaine

explique: « Il faut vraiment en vouloir, il ne faut pas laisser penser qu'on a une faiblesse »

puis « Je pense que souvent les femmes ont du caractère chez nous, ça fait partie du métier »

96 Voir annexe n°7, Entretien avec une jeune femme qui s'engage dans la police

97 Annick DAVISSE et Catherine LOUVEAU, Sport École et société. La différence des sexes : féminin, masculin et activités sportives, Paris / Montréal, Éditions l'Harmattan, 1998.

98 Voir annexe n°9, Entretien avec une femme retraitée de la police Nationale

51

« Ce n’est pas évident de s'affirmer il faut faire ses preuves ! Il fallait être encore plus forte,

encore plus compétente, pas montrer de faiblesse »99 selon elle « c'est comme tout. Ça

s'apprend « renforce le caractère »100. La femme Gardien de la paix se décrit et décrit ses

collègues féminines comme des femmes ayant « Beaucoup de caractère on est des femmes

très fortes, on ne se laisse pas faire. »101. Leur caractère est d'ailleurs reconnu par les

hommes : « il n'y a pas de différences, c'est une question de personnalité, de caractère plus

que de sexe. »102. La femme retraitée livre spontanément une histoire plutôt intime et

reconnaît qu'insciemment elle a pu jouer dans le fait qu'elle entre dans la police :

« Oui oui mais je n'ai jamais eu vraiment peur je n'ai jamais perdu mes moyens dans mon travail.. c'est

très important parce que sinon on peut mettre en danger notre collègue aussi … dans la vie de tous les

jours c'est pareil je n'ai pas peur ;.. je fais attention mais je n'ai pas peur... souvent des copines me disent

« ah bon tu vas courir à tel endroit le soir etc t'as pas peur ?! » je dis « beh non j'ai pas peur je fais

attention quand je vois quelque chose de suspect j'accélère » j'ai déjà été agressée mais je me suis

défendue.. j'ai appris à me défendre. Quand j'étais plus jeune j'ai failli être violée par un fou... c'était un

fou.. et j'ai eu une réaction incroyable c'est- à-dire que j'étais avec une copine, c'était à la campagne, il

pose sa mobylette un peu devant nous, ma copine il lui fait rien moi il me jette par terre il se met sur

moi ! Moi j'ai eu une réaction ! Je l'ai repoussé avec mes pieds et j'ai couru couru couru super vite, je

criai en même temps, et à la première maison j'ai ouvert il y avait quelqu’un.. j'ai eu de la chance.. c'était

un fou je l'avais vu dans ses yeux... j'ai couru très vite en criant en même temps.. Parce que le gars avait

repris sa mobylette alors heureusement que j'ai trouvé une maison... ; ça m'a marqué, j'étais fière de la

manière dont j'avais réagi... »103.

• La présence de femmes doit rester exceptionnelle.

Les femmes policiers ont du caractère et apprennent à le forger, à s'endurcir, que ce soit au

moment de la formation ou sur la réalité concrète du terrain. A cet égard, elles estiment

qu'elles sont différentes que les autres femmes et ainsi que leur présence doit rester

exceptionnelle, le prestigieux statut de policier ne doit être confié qu'à des femmes capables

d'endosser ce rôle. Elles veulent rester des exceptions. La femme capitaine exprime cette idée

et argumente que :

99 Voir annexe n°5, entretien avec une femme Capitaine. 100 Idem.

101 Voir annexe n°6, Entretien avec une femme Gardien de la paix.

102 Voir annexe n°8, Entretien avec un homme Brigadier.

103 Voir annexe n°9, Entretien avec une femme Retraitée.

52

« Les hommes et les femmes sont complémentaires un vision un petit peu différente qui permet de bien

travailler. Mais de la à dire qu'il faut une parité non. je ne suis pas favorable au 50 / 50. Au niveau du

commandement c'est pas un problème. Mais je pense qu'au niveau des effectifs sur le terrain pour moi si

on mettait 2/3 d'hommes et 1/3 de femmes sur le terrain c'est parfait. S'ils sont 3 deux hommes un femme

c'est parfait. Mettre trois femmes dans un équipage pourquoi pas mais y a toujours un problème avec la

personne qui est en face de nous... si la personne est violente...si elle aime les femmes si elle les aime

pas... y a une question de culture aussi... tout un tas de choses... ça peut être problématique... deux

hommes il se dit « ils sont plus forts que moi à deux », une femme ça adoucie souvent la situation, puis la

complémentarité des uns des autres... je trouve que c'est pas mal ! Le terrain c'est particulier mais Au

niveau du commandement un homme ou une femme c'est la même chose, comme pour les enquêtes homme

ou femme c'est pareil... »104

La femme gardien de la paix partage cette opinion :

« C'est bien qu'il y ait des femmes mais faudrait pas qu'il y en ait trop... Non.. trop d' femmes c'est pas

bien! Les femmes entre elles sont trop... Sur les interventions par exemple il faut une part de

masculinité... Il arrive qu'on soit trois filles sur une patrouille je trouve pas ça.... heu... On représente

quand même l'ordre... les hommes par rapport à la population ils représentent plus l'ordre ils arrivent

plus à s'imposer.. Après il en faut oui... pour les palpations tout ça.. on a aussi plus de douceur.. par

rapport aux femmes victimes ou aux enfants qui se présentent... mais pas trop ! » […] Moi j' dis un tiers

c'est bien »105

Il existe donc chez ces femmes un bénéfice à être peu nombreuses. Dans cette logique, le fait

qu'elles soient relativement peu nombreuses leur permet de s'intégrer au groupe des hommes.

Il existe donc une crainte à voir entrer trop de femmes dans la police et perdre ainsi leur

position «d'exceptionnalité» qui les relèguerait au statut de «bonnes femmes». Rares sont les

femmes qui admettent exercer ce métier parce que c'est un métier d'hommes, il semble donc

qu'elles tirent toutes un prestige, une fierté à cette caractéristique et ne sont pas prêtes à trop la

partager. La stratégie privilégiée est donc celle de l'individualisme, la rentabilité de la

solidarité féminine étant limitée.

104 Voir annexe n°5, entretien avec une femme Capitaine

105 Voir annexe n°6, Entretien avec une femme Gardien de la paix

53

Section 2: Être femme policier, une double identité entre la féminité et le

rôle social

La première partie de ce chapitre a mis en lumière les stratégies accompagnant la réalisation

du projet professionnel. Cette seconde section aborde le quotidien de ces femmes et la

négociation de leur carrière au long terme. Ont-elles des chances égales aux les hommes de

«faire carrière» dans la police? (I). Comment gèrent-elles leur double identité de femme et de

policier ? (II).

I] Des chances (in)égales de faire carrière

L'égalité des chances est un principe garanti par la République Française. Elle concerne autant

le sexe que les discriminations raciales ou sociales. Elle exprime la volonté de la société de

donner la même chance à chacun. Pourtant malgré les efforts, le fait d'être une femme est

toujours perçu comme un handicap dans le milieu professionnel, notamment parce qu'il pèse

toujours sur ces dernières le soupçon d'être moins disponibles que les hommes car davantage

investies dans leur fonction familiale. A cet égard , il est pertinent de s'interroger sur la

définition que les policiers font d'une carrière réussie (A) puis d'étudier les possibilités

concrètes pour les femmes de s'élever dans la hiérarchie. (B).

A] Les critères policiers d'une carrière réussie

La carrière se définit comme la vie professionnelle considérée comme un ensemble d'étapes à

parcourir. Faire carrière suppose une ascension professionnelle qui se manifeste par le passage

à un grade supérieur. Le grade place l'individu dans un statut auquel sont rattachés des

responsabilités et un salaire qui peut évoluer en fonction de l'ancienneté. Chez les policiers, il

semble qu'il y ait trois définitions d'une carrière réussie.

• L'ascension hiérarchique

Premièrement, réussir sa carrière peut correspondre chez certains à l'ascension de grade en

grade (Devenir Brigadier quand on est Gardien de la paix ou devenir Capitaine quand on est

lieutenant). Ensuite, l'aptitude à évoluer dans la hiérarchie des corps. Depuis 1995, il existe

54

trois corps dans la police : Le corps des gradés et des gardiens de la paix, qui est un corps de

maîtrise et d'encadrement, (ce sont les policiers qui ont un contact quotidien avec le terrain) .

Dans ce corps, on peut être Gardien de la paix puis / ou Brigadier. Le deuxième corps est

celui des officiers, c'est un corps de commandement subdivisé en trois grades : Lieutenant,

Capitaine et Commandant. Enfin, le troisième corps au sommet de la hiérarchie est celui des

Commissaires. C’est un corps de conception et de direction, ce corps est lui même subdivisé

en trois grades : Commissaire, Commissaire principal et Commissaire divisionnaire. Le

passage d'un corps à un autre peut se faire par concours interne ou externe. En revanche, on

peut passer au grade supérieur par ancienneté ou au mérite. Au delà de cette évolution

hiérarchique, de grade en grade ou de corps en corps qui représente un changement à la fois

statutaire, financier et bien entendu quant aux responsabilités qui leur sont confiées, les

policiers accordent également beaucoup d'importance à la Direction pour laquelle ils

travaillent.

• Le prestige de la Direction

Certaines Directions sont plus prestigieuses que d'autres. Par exemple, le Service des

Renseignements Généraux est considéré comme une Direction en retrait du terrain à l'inverse

de la Police judiciaire surnommée dans le métier « la reine des polices ». Enfin, un troisième

critère joue dans le prestige du policier, c’est celui de son poste. L'homme Brigadier définit

une carrière réussie comme : « J' dirai avoir un beau déroulement de carrière c'est d'abord

travailler dans des services qui nous ont intéressé, dans lesquels on s'est éclaté... et aussi

l'évolution du grade... J' dirai que j'ai fais une belle carrière si je suis au maximum de mon

grade que je peux obtenir... Évoluer jusqu'au bout tout en continuant à se faire plaisir »106. Si

on travaille pour un service prestigieux seulement en tant que responsable du matériel par

exemple, cela peut être considéré comme moins prestigieux que simple Gardien de la paix

dans un service « qui bouge ». La femme Capitaine affirme accorder plus d'importance au

Service dans lequel elle travaille qu'à l'avancement : « Faire ce qu'on a envie de faire. Monter

en grade c'est bien aussi mais ce n'est pas le premier objectif. Mais ça en fait partie, c'est

financier et puis on a plus de responsabilités, et puis travailler pour un service plutôt qu'un

autre.[...] Pour moi, c'est le service mais c'est pour moi d'autres, vous dirons le

106

Voir annexe n°8, Entretien avec un homme Brigadier

55

contraire ! »107 De ces constats, il ressort que le prestige est lié au degré d'exposition du

policier au danger et à la violence.

Enfin pour d'autres, réussir sa carrière, c'est simplement « Faire son travail de policier

correctement, être juste, ne pas faire le « cowboy » comme certains... parce que y en a qui se

permettent tout avec un uniforme... il faut rester juste.. pas se laisser influencer... Une

carrière réussie c'est une carrière où tout se passe bien où il n'y a pas de bavure... Voilà

… ».108 D'autres proposent des réponses plus étonnantes, c'est le cas de la femme gardien de la

paix qui répond : « Honnêtement ? D’être toujours vivant ! […] Donc ouais une carrière

réussie c'est de pas être morte. Actuellement je n’ai pas envie d'évoluer... salaire... faut pas se

mentir c'est surtout pour le salaire... après vraiment si je finis en vie... c'est une carrière

réussie. »109 . Cette dernière réponse peut également s'expliquer par le concept d'héroïsation

déjà abordé précédemment. Définir sa conception d'une carrière réussie, c'est à la fois mener

une réflexion personnelle, intime, qui est propre à chacune mais en observant les réponses

aux entretiens on se rend compte qu'il existe tout de même des critères « universels » pour le

policier et que la question du sexe n'intervient pas dans la définition d'une carrière réussie.

B] Un principe d'égalité remis en cause par la persistance de règles sexuées.

La féminisation des professions reconnues comme «masculines» remet en question la division

sexuelle classique du travail. La particularité de la fonction policière réside notamment dans

le fait qu'elle mène a utiliser la force physique et parfois même à manier des armes. L'idée

qu'une femme puisse porter la vie et aussi la reprendre semble antinomique. Malgré ce

phénomène de féminisation qui est en cours de banalisation comme le prouve l'augmentation

constante de femmes à se présenter au concours et à y être admises, ce phénomène est-il

uniforme dans tous les services de police ? Les missions confiées aux femmes sont-elles les

mêmes que celles des hommes ? .Ainsi l'évolution de la carrière est-elle la même ?

• La répartition des effectifs féminins

107

Voir annexe n°5 Entretien avec une femme Capitaine 108

Voir annexe n°9 Entretien avec une femme retraitée de la police 109

Voir annexe n° 6 Entretien avec une femme Gardien de la paix

56

La première observation qui peut être faite quant à la répartition des effectifs féminins est

qu'il y a proportionnellement plus de femmes au sommet qu'au bas de la hiérarchie policière.

En 2007, on compte 18% de femmes dans le corps des commissaires, 17% dans le corps des

officiers et 14% dans le corps des gradés et des gardiens de la paix110. Cette observation est

étonnante étant donné le fait que la féminisation de la profession est relativement récente. On

s'attendrait à ce qu'elle se réalise « par le bas ». L'inversion du modèle classique de la

féminisation s'explique par le fait qu'il est plus acceptable de féminiser les postes au sommet

de la hiérarchie policière qui sont les plus éloignés de la réalité et de la violence du terrain.

Comme l'affirme la femme Capitaine :

« De la à dire qu'il faut une parité non. Je ne suis pas favorable au 50 / 50. Au niveau du commandement

c'est pas un problème. Mais je pense qu'au niveau des effectifs sur le terrain pour moi si on mettait 2/3

d'hommes et 1/3 de femmes sur le terrain c'est parfait. […] Le terrain c'est particulier mais au niveau du

commandement un homme ou une femme c'est la même chose, comme pour les enquêtes homme ou femme

c'est pareil... »111

Comme vu précédemment les postes les plus exposés sont les plus valorisés, les plus

prestigieux. Toutefois, il faut relativiser puisque le critère du grade et du corps reste

prépondérant.

• La promotion par le concours interne.

A cet égard, il n'est pas étonnant que les concours internes jouent plutôt en faveur des

femmes, ce qui permet de les placer à des postes haut gradés. De surcroît, comme la première

partie de ce mémoire de recherche l'a montré, les femmes ont généralement un plus haut

niveau scolaire que les hommes ce qui explique également un taux de réussite élevé aux

grades situés au sommet de la hiérarchie. Entre 1987 et 2003, une femme sur huit et un

homme sur six sont admis au concours interne de commissaire contre une femme sur quarante

cinq et un homme sur vingt-cinq au concours externe. Il en est de même pour le grade

d'officier où une femme sur six et un homme sur quatre sont admis au concours interne contre

une femme sur quarante et un homme sur vingt trois au concours externe.112 Il est donc

stratégiquement plus rentable pour une femme d'entrer dans la police à un grade inférieur et

de tenter d'évoluer via les concours internes où on observe un écart de réussite moins

110

Geneviève PRUVOST, op cit p13 111

Voir annexe n°5 Entretien avec une femme Capitaine 112

Geneviève PRUVOST, op cit p13

57

important entre les hommes et les femmes bien que ce dernier subsiste. Le concours interne

semble plus accessible quelque soit le sexe mais il est a fortiori plus rentable lorsqu'on est une

femme. Malgré ce constat, les chiffres montrent que les femmes sont proportionnellement

moins nombreuses à se présenter aux concours internes. Par exemple, entre 1987 et 2003, on

trouve en moyenne trente huit fois moins de femmes candidates au concours interne de

commissaire qu'au concours externe (contre seulement cinq fois moins pour les hommes)113.

Ces disproportions s'expliquent par le fait que les officiers sont formés à l'ENSOP en Seine et

Marne et les commissaires à l'ENSP à Lyon. Il faut donc pouvoir déménager, être loin de sa

famille etc... De surcroît, les grades sont soumis à mobilité, c'est-à-dire que pour occuper

effectivement un poste, le policier peut être en situation de devoir quitter son commissariat

pour un autre situé à l'autre bout de la France. Il semble que l'institution policière offre des

chances identiques de progresser quelque soit le sexe comme l'affirme le Brigadier : « Bien

sûr, « l'évolution de la carrière est la même. Les concours, les examens sont les mêmes

quoi... »114. Mais que ce sont davantage des facteurs extérieurs à la profession qui entrent en

compte. Le constat frappant est donc que la vie familiale est davantage un frein à la carrière

professionnelle des femmes qu'à celle des hommes.

• Le principe de l'indifférenciation des missions.

L'avancement par le concours est donc relatif à la vie familiale de la femme policier comme

ce sera expliqué plus loin, seules les femmes prêtes à faire des sacrifices ou célibataires et

sans enfants se lancent dans l'aventure des concours ce qui limite leur ascension hiérarchique.

Mais l'avancement peut aussi se faire au mérite ou à l'ancienneté ce qui introduit la question

de savoir si les femmes sont autant en situation que les hommes de faire leurs preuves : est ce

qu'on leur confie les mêmes missions qu'aux hommes ? Globalement, les femmes

reconnaissent qu'on leur confie les mêmes missions qu'aux hommes. Au niveau des grades

confrontés au terrain, la femme gardien de la paix affirme que : « Oui c'est les mêmes

missions. »115, à cette réponse attendue, la grille d'entretien avait anticipé la relance du cas du

viol ou des violences conjugales : » Est ce qu'on ne va pas prioritairement confier la mission à

une femme pour faciliter le récit de la victime ? » A cette question, la réponse est unanime et

rejoignent toutes la réponse de la femme Capitaine : «On essaie que le travail soit le mieux

fait possible. On distribue en fonctions des capacités à mieux gérer certaines missions que

113

Geneviève PRUVOST, op cit p13 114

Voir annexe n°8, Entretien avec un homme Brigadier 115

Voir annexe n° 6 Entretien avec une femme Gardien de la paix

58

d'autres et non du sexe. »116. Toutefois, elle reconnaît que cela puisse être différent à des

grades inférieurs : « Oui ce sont les mêmes missions du moins à mon niveau. En tant que

gardien de la paix c'est les même missions heu... mais ça dépend du chef, qui connaît son

équipe et il va peut être orienté les choses selon que ce soit un homme ou une femme mais

c'est plus selon les choix, les préférences de chacun. C'est comme ça que l'équipe marche

bien... on essaye que le travail soit le mieux fait possible. »117. Elle reconnaît également qu'il

peut y avoir des freins à la carrière quand on lui pose la question :« Pensez vous que les

femmes aient les mêmes chances que les hommes de faire carrière ? » , elle

répond : «(hésitation) Elle en a de plus en plus en tout cas... (Soupir) (Hésitation)...

maintenant la vision de la femme, le congé maternité des choses comme ça va toujours gêner

un petit peu... Il peut y avoir des freins... je pense que ça se fera toujours plus ou moins mais

ce n’est pas seulement lié à la police... »118

La femme retraitée de la police quant à elle, a vécu les débuts de la féminisation et explique

que : « Voilà … faut dire qu'on m'a mis des bâtons dans les roues parce que j'étais une

femme. À une époque on était commandé par un commandant de brigade qui venait de la

gendarmerie, il était très macho et ne voulait pas de femme au commandement, il m'a

beaucoup gênée. Le grade de chef de police, qui a été supprimé d'ailleurs, j'aurai du l'avoir

mais je ne l'ai pas eu parce qu'il ne voulait pas... »119. Bien que les choses aient certainement

évoluées depuis, au vu des témoignages des autres femmes, l'avancement au mérite dépend

aussi beaucoup de la bonne entente avec son supérieur...

Pour finir, certains services ne sont presque pas féminisés, c'est le cas des CRS puisque les

femmes représentent 0,3% des effectifs.120

II] Entre identité de femme et identité de policier

Les femmes policier, à l'exception de quelques services, se voient ouvrir les portes de tous les

grades et de toutes les missions, pourtant le facteur de la vie familiale pèse sur la négociation

de leur carrière (A), malgré une égalité de principe et une intégration majoritairement bien

116

Voir annexe n°5 Entretien avec une femme Capitaine 117

idem 118

id 119

Voir annexe n°9 Entretien avec une femme retraitée de la police 120

Geneviève PRUVOST, op cit p13

59

vécue de ces femmes, le cas du harcèlement sexuel ou de la » promotion canapé », abordé

spontanément par plusieurs des femmes interviewées, montre l'omniprésence du sexe dans les

relations sociales (B).

A] La difficile conciliation entre vie familiale et professionnelle

• Le choix du conjoint

Les femmes qui ont des ambitions « carriéristes » importantes font deux types de choix : soit

elles privilégient des conjoints qui ont initialement moins d'ambition qu'elles ou, en tout cas

,qui sont plus disponibles; soit elles mettent à contribution l'ensemble de leur famille pour

s'occuper des enfants. Les femmes policiers mettent en place des stratégies familiales pour

optimiser leur carrière : homogamie (de nombreuses femmes policiers ont un conjoint

policier), célibat et faible taux de fécondité121.

Deux types de conjoints doivent être distingués : les conjoints policiers et les non policiers.

Sur les femmes qui ont un conjoint, la majorité sont fonctionnaires de police. Les femmes qui

vivent avec un policier sont majoritairement plus gradées que leurs conjoints. Sur l'échantillon

de Geneviève PRUVOST dix femmes sur soixante vivant en couple de policier ont un

conjoint d'un rang supérieur, trente huit femmes ont un conjoint du même corps et onze

femmes ont un conjoint d'un rang inférieur. Le point commun de ces femmes qui ont un

caractère fort et qui s'engagent souvent par vocation est de choisir des conjoints investis et qui

ne se posent pas comme des obstacles. Comme vu précédemment, sans pour autant avoir des

revendications féministes, ces femmes ne se sentent pas concernées par la division sexuelle

classique du travail. Il n'est pas évident que la carrière de leur conjoint soit prioritaire sur la

leur ou le contraire, cela résulte d'un arrangement dans le couple. La femme Gardien de la

paix a un conjoint qui est également policier elle explique : « Moi mon mari il est en horaires

cycliques deux nuits deux aprèm et deux repos … et moi hebdomadaires donc des horaires

normales... c'est plus lui qui s'en occupe. (des enfants), elle explique qu'elle connaît beaucoup

de couples de policiers et « En général ils ont plus la même organisation que nous... c'est vrai

que pour les modes de garde et tout c'est plus pratique... et qu'on privilégie un peu une

carrière par rapport à une autre...plus la sienne... moi ce qui m'importe c'est ma fille ». La

femme capitaine raconte : « Je n’étais pas encore policier quand on s'est rencontré... mais 121

Geneviève PRUVOST, op cit p13

60

c'était mon objectif depuis que j'étais ado donc... y a pas grand monde qui aurait pu me faire

changer d'avis. »122.

• Les enfants

Au moment de la conversion au métier, les femmes doivent évidemment éviter d'être

enceintes. Les femmes qui ont des enfants les ont eus soit avant d'entrer dans la police soit

après quelques années d’exercice du métier. La maternité constitue en soi un événement

perturbateur, au bout de trois mois de grossesse elles sont autorisées à travailler dans les

bureaux. Ce changement de poste est une prise de risque dans la carrière puisqu'elles ne sont

pas assurées de retrouver leur poste opérationnel à la fin de leur congé maternité123. Les

femmes qui ont plus de deux enfants sont très rares contrairement aux hommes. 25% des

femmes officiers ont plus de deux enfants contre 56% des hommes au même grade, 31%

femmes officiers ont plus de deux enfants contre 45% des gardiens de la paix masculins.60%

des femmes officiers n'ont pas d’enfants, 40% des femmes gardiens de la paix n'ont pas

d'enfants.124

• Le choix du service

Les femmes sont porteuses de la vie et, à cet égard, la société leur confie la tâche de s'occuper

des enfants. Bien que ces femmes mènent une carrière professionnelle intense, elles ne sont

pas moins responsables de leur famille que lorsqu'elles étaient inactives. Comment dès lors

concilier la vie familiale avec la vie professionnelle lorsqu'on exerce un métier qui contient

des risques, d'une part, et des horaires peu classiques, d'autre part ?. En observant la

répartition des femmes dans la police, il est aisé de constater que le désir de vivre une vie

familiale épanouie influe sur le choix du service. C'est ce qu'explique la femme

capitaine lorsqu'elle répond à la question « Est ce qu'elles sont réparties un peu justement en

fonction du fait que ce soit des femmes ? » elle répond : « c'est plus le choix des femmes qui

fait qu'il y en a plus. Ici peut être que dans les divisions y aurait un peu plus de femmes parce

qu'on a des horaires hebdomadaires. On travaille la semaine on a nos week-end en règle

général ça permet d'avoir une vie familiale. C'est une des raisons qui peut expliquer qu'il y ait

plus de femmes... Et puis dans certains secteurs.. Moi j'ai travaillé à la Brigade des mineurs y

avait plus de femmes également. Bon je pense qu'au départ on a poussé les femmes à y aller

122

Voir annexe n° 6 Entretien avec une femme Gardien de la paix 123

Geneviève PRUVOST, op cit p13 124

Idem

61

mais je pense aussi que plus de femmes on se sentiment de pouvoir travailler avec des enfants,

s'occuper des enfants. »125

Il semble donc que la dissémination des femmes dans la police soit liée à leur choix

personnels leur permettant d'avoir une vie familiale classique, notamment par rapport aux

horaires mais aussi par rapport à l'exposition au risque : « Je réfléchis peut être plus avant de

faire quelque chose... vous voyez ce que je veux dire... On voit les choses différemment quand

on est maman. Ça m'est déjà arrivé de ne pas faire certaines choses alors que j’les aurai

faites avant. J'aurai peut être pris plus de risques avant... »126.

B] Promotion canapé et harcèlement sexuel, l'omniprésence du sexe dans les relations sociales

• L'omniprésence du sexe lors de la formation en école de police

Concernant ce développement, il est important de préciser qu'il n'était pas initialement prévu.

Aucune question de la grille d'entretien n'engageait particulièrement à aborder le thème des

relations sexuelles entre collègues ou le cas du harcèlement sexuel, pourtant ce thème s'est

glissé naturellement dans les entretiens et s'est révélé intéressant à exploiter.

Dès le moment de la formation, tout est fait pour introduire le sentiment de faire parti d'une

grande famille: les repas sont partagés, la vie en internat, loin de sa famille, sont propices au

développement de rapprochements amicaux, bien entendu, et de relations sexuelles plus ou

moins durables. La vie en communauté facilite les rencontres sexuelles à la fois libres sous la

forme de flirt ou plus contraintes comme le cas du harcèlement sexuel. Comme les filles sont

peu nombreuses, elles suscitent l'attention de leurs collègues masculins qui opèrent un

classement en fonction de leur physique et de leur disponibilité. Face à ces sollicitations, les

femmes réagissent de diverses manières, soit elles s'imposent et calment fermement leurs

collègues masculins, soit elles rivalisent de vulgarité avec eux en adoptant les mêmes

comportements qu'eux à l'égard des hommes. Certaines femmes choisissent également la

troisième voie et profitent de cet environnement sexualisé pour vivre des histoires

successives, estimant ainsi que c'est elles qui sont en position de force, ce qui exerce une

forme de contrepoids avec la position inférieure qu'elles ont intériorisées.

125

Voir annexe n°5 Entretien avec une femme Capitaine 126

Voir annexe n° 6 Entretien avec une femme Gardien de la paix

62

Les femmes doivent adapter leurs relations sociales à l'image qu'elles veulent donner d'elles

même. Fréquenter trop d'hommes et être proches d'eux peut être perçu par certains comme un

encouragement. Elles prennent le risque d'être perçues comme des « filles faciles », une

sociabilisation excessive de l'entre femmes les relèguent au clan des « bonnes femmes » ou

jette le soupçon d'une possible homosexualité.127

Si on en croit l'étude de Geneviève PRUVOST, la participation des enseignants aux jeux

d'échanges sexuels est également courante. Les hommes ont tendance à nommer ce

phénomène « promotion canapé », certaines femmes parlent de harcèlement sexuel. « Les

enseignants qui abusent de leur position d'autorité pour obtenir des faveurs sexuelles ne sont

pas dénoncés et ils font encore moins l'objet d'un traitement disciplinaire »128.Il peut parfois

être rentable de jouer de sa féminité. A la question de savoir si « la promotion canapé » existe

dans la police , la femme retraitée raconte : « Ça arrive quelques fois oui... au début on

m'avait proposé un nouveau poste parce que comme je fais de la compétition tout ça... du

coup, un gars que je connaissais m'avait dit « je te préviens si tu viens viens dans mon équipe

parce que sinon c'est pourri »... du coup j'avais pas envie de me compliquer la vie je n'ai pas

changé... »129

• L'omniprésence du sexe

La femme gardien de la paix répond spontanément à la question « Comment vous sentez vous

perçue par vos collègues masculins » par : «Baaaaah.... Y a des hommes qui bah... quand ils

voient des femmes bah... Bah ça reste des hommes... des petites phrases gentilles mais... bah

par rapport au physique... la poitrine par exemple. Après bon... Faut savoir répondre. C'est

pas méchant. Un homme reste un homme. Flic ou pas flic. Savoir répondre et leur montrer

que nous sommes des femmes nous sommes des collègues... Moi j'ai jamais eu de problème de

harcèlement sexuel ou quoi.. »130. Plusieurs observations sur cette réponse : d'abord la

question a été posée de manière large et pour voir comment elles vivaient leur intégration

dans le groupe des hommes, il n'y a aucune référence à la sexualité dans la question, ensuite la

femme gardien de la paix évoque le harcèlement sexuel, ce qui est encore moins induit dans la

question. On peut donc en déduire que contrairement à ce qu'elle affirme, c'est un phénomène

127

Geneviève PRUVOST, op cit p13 128

Idem 129

Voir annexe n°9 Entretien avec une femme retraitée de la police 130

Voir annexe n° 6 Entretien avec une femme Gardien de la paix

63

auquel elle a été confrontée. A cet égard l'interviewer relance « Vous avez déjà entendu ce

genre d'histoire par contre ? »

« Après d'autres oui... Mais y en a qui cherchaient aussi... ce n’est pas bien ce que je dis mais

bon j' suis honnête quoi... ».Il est intéressant de constater que, pour sa part, elle n'a jamais

été victime et ne s'est pas sentie concernée par le cas d'une collègue mais quand la question

est plus vague et concerne les femmes en général, elle répond « y en avait qui cherchaient

aussi […] Deux ou trois boutons d'ouverts sur la chemise par exemple.. Ou dans l'

comportement... un peu allumeuses... Mais ça ce n’est pas l' monde de la police c'est

partout... Les hommes qui sont avec des femmes comme ça ils en profitent... après, pour

certaines ça peut être un atout de montrer ses atouts... y' en a qui savent en jouer... mais pour

ma part non.... ».131

Il semblerait que certaines femmes utilisent leur féminité à leur avantage en usant de leur

charme auprès de leur collègue, ce qui peut être une stratégie rentable comme le précise la

femme retraitée de la police Nationale :

« Oui j'ai eu des collègues femmes ! Ça se passait bien... après y a un peu de tout.. j'en ai eu

une... c'était un cas elle (rires) elle, elle couchait avec le responsable pour pouvoir faire ce

qu'elle voulait elle voulait pas être sur le terrain elle voulait être dans les bureaux et elle

essayait de commander quoi.... Après elle m'avait demandé si je voulais travailler avec elle

mais moi je n’avais pas voulu... je ne supporte pas les hypocrites... »132

De la même façon cette réponse est obtenue alors que la question initiale était simplement

« Avez vous déjà travaillé avec des femmes ? ». Les femmes policiers ont envie d'aborder ce

sujet qui arrive spontanément. Leur sexe est un handicap qui peut parfois aussi être utilisé

comme un atout, comme une arme qui peut se retourner contre les hommes. Est ce parce

qu'elles n'arrivent pas à gérer le handicap d'être une femme ? Ou parce qu'elles sont entrées

dans le métier dans le but d'exercer un métier d'homme ? Les femmes qui ont été rencontrées

dans ces entretiens correspondent parfaitement au profil de femmes fortes qui ne se laissent

pas faire, qui s'imposent face aux hommes, qui, sans oublier que ce sont des femmes, ne les

considèrent pas comme des « cibles » potentielles.

131

Voir annexe n° 6 Entretien avec une femme Gardien de la paix 132

Voir annexe n°9 Entretien avec une femme retraitée de la police

64

CONCLUSION

Ce mémoire de recherche a étudié les prémices de l'engagement des femmes dans la

police. L'importance de l'enfance dans la construction de l'engagement est apparue comme

une étape cruciale. L'influence de personnes de l'entourage et l'influence familiale jouent un

rôle dans la construction de la représentation du métier de policier, ainsi que la représentation

médiatique qui est porteuse d'un certain nombre de valeurs. L'importance numérique des

fictions et la place accordée aux femmes dans ces dernières peut expliquer l'augmentation

constante de femmes à entrer dans la police. De surcroît la féminisation est en cours de

banalisation ce qui rend de moins en moins difficile l'intégration des femmes à ce métier

d'hommes. Les quotas de femmes ont été supprimés et la quasi totalité des concours et des

services sont ouverts aux femmes (exception de la BAC et des CRS). Les femmes sont de plus

en plus nombreuses à s'identifier à ces femmes « héroïques » montrées par la fiction, elles ont

d'ailleurs tendance à se présenter comme tel c'est ce qu'on a appelé les processus de

féminisation.

Le choix de la profession a une importance symbolique dans la construction de l'identité

personnelle. Comme l'a expliqué le sociologue Claude DUBAR on peut distinguer « l’identité

pour autrui », c’est-à-dire attribuée par les membres de la société, et « l’identité pour soi »,

incorporée au terme d’une socialisation « biographique » constituée d’actes d’appartenance.

Les individus mettent au point des « stratégies identitaires » pour réduire les possibles

désaccords entre ces deux identités133. C'est ainsi que les femmes insistent généralement sur

l'aspect vocationnel de leur trajectoire professionnelle pour se légitimer vis-à-vis de leurs

collègues. A l'inverse, elles expliquent parfois leur choix par le hasard pour éviter d'être

perçues comme des femmes strictes et accros à la répression. Il a été montré que les policiers

et a fortiori les femmes policiers sont souvent en situation de devoir s'expliquer sur leur

engagement dans la police en effet, c'est un métier qui fascine. Elles ont donc développé une

compétence professionnelle au récit de soi et à la mise en scène de leur vécu professionnel.

Interroger les femmes sur les origines de leur engagement implique aussi de relativiser leurs

réponses puisque c'est un récit rétrospectif qui est livré.

133 Claude DUBAR, La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles, Armand Colin,

Paris, 2010, 256 pages

65

La première hypothèse de départ est validée : les femmes policiers, de part leurs motivations

et leurs stratégies, forment un groupe social homogène en se distinguant du groupe des

hommes qu'elles cherchent pourtant à intégrer. Ces stratégies sont indépendantes de l'âge, du

grade ou du sexe bien qu'on observe des variations (une femme à un garde hiérarchiquement

haut impose directement plus le respect et s'encombrera moins de stratégies).

La formation en école de police et la première confrontation à la socialisation professionnelle

de ces femmes les a conduites à adopter des stratégies pour justifier leur engagement et se

faire respecter, ainsi il est difficile d'être affirmatif quant à l'essence même de l'origine de leur

engagement. Par exemple il a été montré qu'elles nient pour la plupart l'influence des fictions

sur leur désir d'être femme policier, elles sont dans une double démarche de neutralisation du

choix (elles défendent l'idée que c'est un métier comme un autre, normal, banal) et de

personnalisation du choix (rien ni personne ne les a influencé). Ces stratégies contribuent à les

rendre « exceptionnelles » par rapport aux autres femmes, elles insistent sur leur force de

caractère, leur courage et leur capacité d'adaptation. Fidèles à cette logique, les femmes

policiers ne voient pas d'un bon œil une féminisation trop importante. Elles estiment avoir les

mêmes missions que les hommes et être aussi compétentes mais ne veulent pas que la police

soit « envahie» par les femmes. C'est un métier exceptionnel pour des femmes

exceptionnelles, ce qui explique qu'on observe des logiques individualistes plus qu'une

solidarité féminine étonnement peu rentable.

De nouvelles stratégies apparaissent au moment de réalisation du projet professionnel c'est-à-

dire au stade du concours où on observe que les femmes misent sur une grande préparation

aux épreuves écrites anonymes et sur la sur-qualification scolaire, elles sont plus diplômées

que les hommes qui prétendent aux mêmes grades qu'elles. Au moment de la formation en

école de police, elles doivent apprendre ou confirmer leur expérience de socialisation

masculine, elles opèrent même une virilisation à la fois physique, idéologique et

comportementale à des degrés divers selon les femmes mais il semble que ce soit un passage

obligé de la formation.

L'hypothèse de la virilisation nécessaire a été confirmée mais reste toutefois à relativiser

puisque certaines femmes insistent sur l'importance de leur féminité d'une part et qu'elles

vivent généralement bien leur double identité de femme et de policier contrairement à ce que

supposait la troisième hypothèse. Les femmes policiers ont un caractère fort et une capacité de

distance avec leur profession qui apparaît comme essentielle, ainsi elles distinguent la femme

66

qu'elles sont en uniforme et dans leur vie professionnelle. La femme retraitée de la police pose

des termes très clairs à ce sujet qui résume bien la dynamique des femmes policiers : à la

question : « Est-ce qu'il y a des situations où vous vous sentez tiraillée entre votre rôle de

policier et votre identité de femme ? » elle répond : « Non... il est vrai que quand je mettais

un uniforme je n'étais pas la même que quand j'étais en civil, j'étais une autre femme […]

C'est-à-dire que j'étais plus … enfin j'étais moi même mais tout en ayant une carapace... un

peu plus masculine... on est obligé sinon on ne peut pas faire ce métier y a pas de place pour

les sentiments la peur tout ça.. moi j'ai jamais eu peur... ».134

Cette logique de double identité explique que la conciliation de la vie professionnelle et de la

vie familiale soit ressentie de façon plutôt sereine par ces femmes. Elles opèrent des choix en

fonction de leurs ambitions de carrière et / ou du degré de passion que leur inspire leur métier

d'une part, et du degré d'implication dans leur vie familiale d'autre part. Elles ont relativement

peu d'enfant en comparaison des hommes qui sont le plus souvent en couple avec une femme

extérieure à la police. Les femmes policiers sont majoritairement en couple avec des policiers

ce qui les conduit suivant à favoriser une carrière au détriment de l'autre, mais pas forcément

dans un sens qui leur serait défavorable.

Les consignes imposées dans le cadre de ce mémoire et les contraintes matérielles et

temporelles n'ont toutefois pas permis d'étudier tous les aspects de la question des stratégies

des femmes policiers et ont ciblés la recherche sur quelques thèmes principaux. La mise en

place des récits de vie initialement prévue, qui aurait permis d'élargir les thèmes abordés s'est

révélée impossible. En effet cette méthode nécessitait un long travail de mise en confiance et

une crédibilité à laquelle un élève de master ne pouvait pas prétendre. Le thème de la

discrimination au travail et du rapport des femmes policiers à leur propre corps auraient pu

être développé dans le cadre de ce mémoire ce qui aurait permis d'analyser plus en détail la

dynamique et l'état d'esprit de ce groupe social. De façon plus large la conclusion tirée de ce

travail de recherche pourrait se résumer au constat de l'omniprésence des rapports de sexe

dans les relations sociales.

134

Voir annexe n°9 Entretien avec une femme retraitée de la police

67

BIBLIOGRAPHIE

I] OUVRAGES METHODOLOGIQUES

Articles :

Geneviève PRUVOST, «La production d'un récit maîtrisé: les effets de la prise de note des

entretiens et de la socialisation professionnelle, Le cas d'une enquête dans la police »,

Langage et société, n °123, 2008, p 73-86.

Geneviève PRUVOST «Police et sociologie: questions croisées» Sociologie de la police,

Groupe de Sociologie du Travail, CNRS, 1987, pp 1-14

Antoinette CHAUVENET et Françoise ORLIC, «Interroger la police» Sociologie du Travail,

n°XXVII, avril 1985, pp 453-467

Olivier SCHWARTZ (1990), « Le baroque des biographies », Cahiers de philosophie, n° 10,

1990, p73-83

II] OUVRAGES GENERAUX SUR LA POLICE

Articles :

François DIEU, «Un objet longtemps négligé de la science politique: les institutions de

coercition» Revue des Sciences Politiques n ° 44, 2ème semestre 2002, pp 23-31

Jean-Jacques GLEIZAL, «Recherche et action dans le champ de la police et de la sécurité»

Les Cahiers de la Sécurité Intérieure n°37, 3ème trimestre 1999, pp 73-86

Jean-Claude MONET «Une administration face à son devenir: police et sciences sociales»,

Sociologie du Travail, n°XXVII, avril 1985, pp 370-390

Dominique MONJARDET, «Police et sociologie: questions croisées» Sociologie de la police,

Groupe de Sociologie du Travail, CNRS, 1987, pp 1-14

68

Jean Paul BRODEUR, La police : mythes et réalités. Criminologie, n°17, 1984 pp 9-41

Ouvrages :

Jean Louis LOUBET DEL BAYLE, Police et politique Une approche sociologique ,

L'Harmattan, Paris, 2006, 317 pages

Dominique MONJARDET, Antoinette CHAUVENET, Daniel CHAVE, Françoise ORLIC,

La police quotidienne, éléments de sociologie du travail policier, ronéo, CNRS. 1984

Rapports Interne :

Geneviève PRUVOST, Philippe COULANGEON, Iolena ROHARIK, 1982-2003 : enquête

sociodémographique sur les conditions de vie et d'emploi de 5221 policiers. IHESI-INHES,

2003

Dominique MONJARDET et Catherine GORGEON. 1992-2003 : 1167 recrues, description

de la 121e promotion des élèves gardiens de la paix de la police Nationale, ministère de

l'Intérieur, IHESI, 1992, 15p

III] OUVRAGES SUR LA FEMINISATION

Articles :

Jennifer BROWN « European policewomen : a comparative research perspective »

International Journal of the Sociologie of Law XXV, n°1, 1997, p 1-19.

Guillaume MALOCHET « La féminisation des métiers et des professions. Quand la

sociologie du travail croise le genre» Sociologies pratiques 1/ 2007 (n° 14) , p.91-99 .

Geneviève PRUVOST « «Des femmes dans un métier d'hommes» (de la brigade des mineurs

à la police nationale, 1935-1983) » Cahiers de la sécurité Intérieure n°45, p89-109

François DIEU « La féminisation de la gendarmerie Française: femme gendarme ou

gendarme féminin ? » Revue internationale de criminologie et de police technique et

scientifique, Avril Juin 2010, 16 pages

69

Marlaine CACOUAULT-BITAUD , « La féminisation d'une profession est-elle le signe d'une

baisse de prestige ? » Travail, genre et sociétés, n°5, 2001, p93-115

Anne Marie DAUNE-RICHARD, Catherine MARRY, 1990, « Autres histoires de transfuges

? Le cas des jeunes filles inscrites dans des formations « masculines » de BTS et de DUT

industriels », Formation-Emploi, n°29, Janvier-mars, pp. 35-50.

Ouvrages :

Geneviève PRUVOST Profession : policier Sexe : féminin, Paris, Éditions de la Maison des

sciences de l'homme, 2007, 307 pages

Geneviève PRUVOST De la Sergote à la femme flic, une autre histoire de l'institution

policière( 1935-2005), Paris, Éditions la découverte, 2008, 309 pages

Travaux universitaires :

Gérard DELHOMEZ, La police au féminin, thèse soutenue à l'Université de Reims, 1982

Flore POLI La féminisation de l' institution policière en France : origines et évolutions,

mémoire de maîtrise Université Toulouse 2, 1993, 156pages

Rapport interne :

Patrick BRESSE Les femmes commissaires : éléments pour un premier bilan, Direction

générale de la police Nationale, 1986

IV] TRAVAUX SUR LE SEXE ET LE GENRE

Articles :

Michel BOZON « « Les significations sociales des actes sexuels » Actes de la recherche en

sciences sociales » Sciences sociales n°128,1999, p 3 à 23

Danièle KERGOAT, « À propos des rapports sociaux de sexe », in Revue M avril-mai 1992,

n°53-54, p.16-20.

70

Ouvrages :

Jacqueline LAUFER Sexualité et genre Masculin-féminin : questions pour les sciences de

l'homme, Paris, PUFF, coll. « Sciences sociales et sociétés » p 169-186

Frédéric BAILLETTE, Éloge de la masculinité, Sport et virilisme, Éditions Quasimodo,

Montpellier, p23-44, 1999

Annick DAVISSE et Catherine LOUVEAU, Sport École et société. La différence des sexes :

féminin, masculin et activités sportives, Paris / Montréal, Éditions l'Harmattan 1998

V] OUVRAGES CLASSIQUES ET SOCIALISATION

PROFESSIONNELLE

Articles :

Alexandre POLLIEN, Lorenzo BONOLI « Itinéraires de formation et lignes biographiques ».

Revue Suisse de Sociologie n°36, pp 277-297, 08/2010

Shaeda ISANI, « Compétences de culture professionnelle : définition, degrés et

didactisation », ASP, 43-44, 2004, pages 5-21

Ouvrages :

Pierre BOURDIEU, La distinction, Critique sociale du jugement, Éditions de Minuit, 1979

Max WEBER, Économie et société, Éditions de poche PLON 1971 (paru en 1921 à titre

posthume).

Pierre BOURDIEU, Le sens de la Pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1980

Pierre BOURDIEU, Jean Claude PASSERON, Les Héritiers. Les étudiants et la culture,

Paris, Minuit, coll. « Le sens commun » 1964

Béatrice CORMIER-RODIER Policiers en série, images de flic Éditions Propagandes,

Persuasion, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1994

71

Jacques ION, Le travail social à l'épreuve du territoire , Paris, Dunod, 1996

Everett Cherrington HUGUES, Men at their Work. Glenoce, The Free Press. 1958

Claude DUBAR, La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles,

Armand Colin, Paris, 2010, 256 pages

72

SOMMAIRE DES ANNEXES :

Annexe 1 : La chronologie de la féminisation de la police nationale

Annexe 2 : La sur-représentation numérique des femmes policiers dans les séries

Annexe 3 : Tableau des motivations initiales par grade et par sexe

Annexe 4 : Présentation des profils des interviewés et de la grille d'entretien

Annexe 5 : Entretien Capitaine

Annexe 6 : Entretien Gardien de la Paix

Annexe 7 : Entretien Oumou

Annexe 8 : Entretien Brigadier Chef

Annexe 9 : Entretien retraitée

73

ANNEXE n°1 : CHRONOLOGIE DE LA FEMINISATION DE LA POLICE NATIONALE.

20 Pluviôse de l'An VIII – Création de la Préfecture de Police de Paris par Napoléon Bonaparte

1866 – Naissance du mouvement abolitionniste en Angleterre

1876-1883/84 – Première campagne Française contre la réglementation de la prostitution menée par Yves Guyot.

1898-1908 – seconde campagne contre la police des mœurs

1902 - Conférence de Paris, première conférence officielle contre la traite des blanches

18 Juillet 1903- Création de la commission extra-parlementaire du régime des mœurs, participation d'Avril de Sainte-Croix

1907 – Les premières femmes policiers en Finlande, puis en Norvège, au Danemark et en Suède

1914 – Les premières femmes policiers en Grande-Bretagne

1922 – Première résolution de la SDN en faveur des femmes policiers.

1927 - Avril de Sainte Croix demande au conseil Municipal de Paris de créer un corps de femmes auxiliaires ou d'agentes de police ; Emile Massard, conseiller municipal de Paris, chargé de la Police des mœurs, expose cette proposition au sein du service municipal

1929 – Les États Généraux du féminisme prennent une résolution sur les femmes dans la police.

8 Juillet 1930 – Une femme est engagée comme agente de police municipale dans la ville du Touquet.

1932 – Armand Massard reprend la lutte de son père en faveur de la police féminine.

1932 – Avril de Sainte-Croix laisse la direction du conseil National des femmes Française CNFF à Pichon-Landry

1932– Georgette Barbizet, reprend la revendication de la police féminine, en lui donnant un autre but : la protection de l'enfance malheureuse.

Décembre 1934 – Délibération du Conseil Municipal de la Ville de Paris pour l'emploi d'assistantes de police à la Préfecture de police de Paris

8 Avril 1935 - Les deux premières assistantes de police entrent à la Préfecture de Police.

74

30/31 Décembre 1935 – Vote d'une résolution par le Conseil Municipal portant création d'une brigade de vingt assistantes de police.

Mars 1935 – Mesures contre l'emploi des femmes mariées dans la Fonction Publique

1936 – Les assistantes de police sont astreintes au port de l'uniforme.

1936-1937 – Malgré de nombreux rappels dans la presse parisienne de la nécessité d'appliquer la résolution du 30 décembre 1935, le nombre des assistantes de police n'a pas augmenté.

1938 – Un cadre permanent des assistantes de police est crée. Les assistantes de police sont rattachées à la Direction de l'Hygiène, de la Protection de l'Enfance et du Travail de la Préfecture de Police, leur nombre est porté à quatre.

31 Mars 1942 – La brigade des assistantes de police est véritablement crée. Elle est placée sous l'autorité du Directeur de la Police Judiciaire de la Préfecture de Police, leur nombre est porté à vingt.

1943 – Le nombre des assistantes de police est porté à quarante.

1952 – Modification du recrutement des assistantes de police, le recrutement au choix succède au recrutement au concours, le diplôme d'assistante sociale n'est plus exigé.

1952 – Madame Alexandre Debray remet en cause ce changement dans la nature du recrutement au Conseil Municipal de Paris.

1953 – Les assistantes de police ont le même statut que les officiers de police.

1955 – Le service compte 55 assistantes de police.

1955 – Mme Alexandre Debray défend la police féminine.

1960 – Les assistantes de police sont soumises au statut particulier du corps des officiers de police adjoints (OPA). Elles constituent désormais la section féminine d'officiers de police.

1964 – L'effectif du service est de 61 unités.

1968 – Fusion de la Sûreté Nationale et de la préfecture de Police de Paris et création de la Police Nationale. Officiers de police féminins de la Préfecture de police font partie de la Police Nationale.

1972 – Ouverture de la police Nationale aux femmes, elles peuvent devenir inspecteur de police.

1978 – Ouverture du corps des gardiens de la paix aux femmes.

1983 – Les femmes ont désormais accès au concours des commandants et officiers de police.

1992 – Suppression du système des quotas qui réservait un nombre de postes limités aux femmes dans la police Nationale.

75

ANNEXE n°2 : LA SUR- REPRESENTATION NUMERIQUE DES FEMMES DANS LES SERIES

Quelques séries Françaises mettant en scène des femmes policiers :

� Profilage (TF1), 2009, Avec Odile Vuillemin, Guillaume Cramoisan

Chloé Saint Laurent est une psychologue clinicienne déroutante qui travaille pour la police en qualité de criminologue

� Engrenages (Canal +), 2005, Avec Caroline Proust, Grégory Fitoussi

La mécanique implacable de la justice à travers les enquêtes croisées d'un procureur, une capitaine de police, un juge et une avocate

� Flics (TF1), 2008, Avec Fréderic Diefenthal, Yann Sundberg

Yach et Constantine sont commandants au sein des brigades actives du sanctuaire de la pj parisienne sous la direction de Léa Legrand

� Les Bleus, premiers pas dans la police (M6 puis TF1), 2005, Avec Clémentine Célarié, Elodie Yung

Les Bleus, un groupe de jeunes adultes tout juste diplômés de l'école de police, font leurs premiers pas dans le monde du travail.

� Diane, femme flic (TF1), 2003, Avec Isabelle Otéro, Hassan Koubba

Diane est commissaire de police et gère sa petite brigade d'une main douce et ferme

� Femmes de Loi (TF1), 2000, Avec Natacha Amal, Noémie Elbaz-Kapler

Deux femmes, l'une lieutenant de police, l'autre procureur de la république, doivent faire équipe afin de résoudre des enquêtes criminelles.

� Alice Nevers, le juge est une femme (TF1), 2002, Avec Marine Delterme, Jean Michel Tivinelli

Les forces de police font ici équipe avec la juge d'instruction Alice Nevers pour résoudre leurs enquêtes...

Quelques séries Américaines mettant en scène des femmes policiers :

76

� Castle (France 2), 2009, Avec Nathan Fillion, Stana Katic

Richard Castle est un écrivain à succès spécialisé dans les thrillers. La police s'intéresse de près à lui lorsqu'un tueur copie les meurtres mis en scène dans ses romans.

� Bones (M6), 2005, Avec Emily Deschanel, David Boreanaz

Temperance Brennan est une anthropologue hautement qualifiée qui travaille à l'institut Jeffersonian. En examinant les squelettes de personnes décédées, elle est capable de reconstituer la vie et les circonstances de la mort.

� Cold Case, affaires classées (France 2), 2003, Avec Kathryn Morris, Danny Pino

Détective de la police de Philadelphie, Lilly Rush enquête sur des affaires non résolues en faisant appel à son instinct, ainsi qu'a la science moderne.

� The Closer, Enquêtes prioritaires (France 2), 2005, Kyra Sedgwick, JK Simmons

Formée au sein de la CIA, la détective Brenda Leigh Johnson quitte Atlanta pour prendre la tête d'une unité spéciale de la police de Los Angeles, spécialisée dans les affaires criminelles jugées prioritaires.

� U.S Marshals, Protection de témoins (France 4), 2007, Avec Mary McCormack, Frederick Weller

L'agent Mary Shannon travaille dans le très secret programme de protection des témoins. Avec son équipe, elle se charge de protéger et de déplacer les témoins fédéraux, qu'ils soient victimes de ce qu'ils ont vu ou qu'ils aient derrière eux une carrière de criminels.

Cette liste et les synopsis sont extraits du site www.allocine.com

77

ANNEXE N°3 : TABLEAU DES MOTIVATIONS INITIALES DES POLICIERS PAR GRADE ET PAR SEXE

Source : Geneviève PRUVOST, Philippe COULANGEON, Ionela ROHARIK, 1982-2003 : Enquête sociodémographique sur les conditions de vie et d'emploi de 5221 policiers, IHESI-INHES, 2004.

Commissaires Officiers GPX Tous gardes

Ce qui vous a incité à être policier

H F Tot H F Tot H F Tot H F Tot

Le salaire - - - 7 1 7 13 7 12 12 7 11

La sécurité de l'emploi 6 - 5 13 7 12 32 26 31 29 23 28

Sous-total des arguments réalistes

6 - 5 20 8 19 45 33 43 41 30 39

Faire un métier où l'on bouge

34 30 33 27 31 28 20 25 21 21 25 22

Faire un métier hors du commun

28 40 30 19 16 18 8 8 8 9 9 9

Les romans, les séries, les films policiers

- - - 1 1 1 0 0 0 0 0 0

Sous-total des arguments aventuriers

62 70 63 47 48 47 28 32 29 31 35 31

Faire un métier de contact 12 10 12 9 12 10 8 11 8 8 11 8

Faire un métier utile 18 10 17 12 21 13 11 10 11 11 11 11

Sous-total des arguments missionnaires

30 20 28 22 33 23 18 21 19 19 22 19

Le commandement 2 - 2 2 - 2 0 1 2 0 0 0

Parce qu'on est respecté - - - - - - 0 1 0 0 0 0

Faire respecter l'ordre et la loi

- 10 2 9 11 9 9 13 9 9 13 9

Sous-total des arguments rigoristes

2 10 3 11 11 11 9 14 10 9 14 10

Ensemble 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100

Total 62 12 74 593 93 686 3844 617 4461 4499 722 5221

78

ANNEXE n°4 ENTRETIENS : PRESENTATION DES DIFFERENTS PROFILS D'INTERVIEWES ET GRILLE D'ENTRETIEN

I] PRESENTATION DES DIFFERENTS PROFILS D'INTERVIEWES

5 policiers ont été interviewés :

� 4 femmes, � 1 homme, � Ils sont âgés de 22 à 64 ans, � Ils ont entre 0 et 30 ans d'expérience professionnelle dans la police. � Ils sont : Capitaine, Gardien de la paix, en attente d'un premier poste, Brigadier et

Brigadier Chef principal. � Ils travaillent en uniforme et en civil. � Ils ont été rencontrés sur leur lieu de travail, chez eux ou dans un bar.

II ] PRESENTATION DE LA GRILLE D'ENTRETIEN

A] PRESENTATION

1. Age, Grade, État Matrimonial, Enfants 2. Depuis combien de temps travaillez-vous dans la police ? 3. Avez-vous des frères et sœurs ? 4. Quelle était la profession de votre mère ? De votre père ? 5. Parcours antérieur : qu'avez vous fait avant d'entrer dans la police ? Travail ? Études ? 6. Pensez vous que quelqu'un de votre entourage vous ait influencé dans ce choix ? 7. Est ce que d'autres événements ou facteurs ont pu vous influencer ? 8. Quelles ont été vos motivations à entrer dans la police ? 9. Quelle a été la réaction de vos parents ? De vos proches ?

79

B] LA CONVERSION AU METIER : CONCOURS ET FORMATION

1. Le concours : Y avait-il beaucoup de femmes qui passaient le concours en même temps que vous ? Combien ? Pensez vous qu'il est discriminant pour une femme ?

2. La formation : Avez-vous été confrontée, directement ou indirectement à des formes de discrimination ?

3. Y-avait-il d'autres femmes que vous lors de la formation à l'école de police ? Combien ?

4. Que pensez-vous du régime compensatoire (barème différent pour les femmes et pour les hommes) ?

5. Pensez-vous qu'une femme policier ait autant de chances que ses collègues masculins d'évoluer dans sa carrière ?

6. Pensez-vous que les femmes doivent davantage faire leurs preuves que les hommes dans ce métier ?

7. Pour vous, qu'est ce qu'une carrière réussie ?

C] ETRE UNE FEMME-POLICIER

1. Comment vous sentez vous-perçue par vos collègues masculins ? 2. Que pensez-vous de vos collègues femmes ? Est ce qu'elles se distinguent des

hommes ? En quoi ? Ont-elles des caractéristiques communes ? 3. Sont-elles selon vous aussi compétentes que leurs collègues masculins ? 4. Est ce qu'on leur confie les mêmes missions qu'aux hommes ? 5. Avez-vous parfois le sentiment d'être victime de machisme ? 6. Pensez-vous que le fait d'être une femme dans ce métier puisse être un atout ? Un

handicap ? Dans quelles circonstances ? 7. Pensez-vous que les femmes sont mieux intégrées dans la police qu'avant ? 8. Est-ce qu'il y a des situations où vous vous sentez tiraillée entre votre rôle de policier

et votre identité de femme ? 9. Comment votre conjoint perçoit-il votre métier ? 10. Quel(s) aspect(s) de votre métier vous plaît le plus ? Comment alliez vous votre vie de

famille et votre métier ?

80

Les entretiens sont présentés dans l'ordre dans lesquels ils ont été fait, le premier est celui d'une femme capitaine de 47 ans, interrogée dans son bureau au Commissariat.

A] PRESENTATION

1) Âge, Grade, État Matrimonial, Enfants

47 ans, Capitaine, Mariée, trois enfants de 6, 9 et 14 ans.

Depuis combien de temps travaillez-vous dans la police ?

Je suis rentrée en octobre 1988, à 26 ans, j'étais gardien de la paix jusqu'en 1994 et ensuite je suis allée à l'école d'inspecteur.

2) Avez-vous des frères et sœurs ?

J'ai une sœur qui a 8 ans de moins que moi

3) Quelle était la profession de votre mère ? De votre père ?

Ma mère était femme au foyer, elle ne travaillait pas et mon père travaillait sur les chantiers

4) Parcours antérieur : qu'avez vous fait avant d'entrer dans la police ? Travail ? Études ?

Directement. J'avais 22 ans, c'était mon idée depuis longtemps. J'ai eu mon bac, j'ai fais un an de droit et j'ai passé le concours de gardien trois fois...

5) Pensez vous que quelqu'un de votre entourage vous ait influencé dans ce choix ?

C'est vraiment un choix personnel mais si on parle de la petite enfance j'avais une grand mère un peu particulière elle aimait beaucoup la gendarmerie, l'armée elle aurait aimé travailler la dedans.

6) Est ce que d'autres événements ou facteurs ont pu vous influencer ?

Oui oui bien sûr !

Qu'est ce qui vous plaisait dans ces représentations ?

81

La télévision, le côté diversifié du travail, les enquêtes, le contact avec le public...

7) Quelles ont été vos motivations à entrer dans la police ?

La même chose. Le côté actif, vraiment l'action et le contact.

8) Quelle a été la réaction de vos parents ? De vos proches ?

Ils m'ont laissé faire. Ils étaient plutôt contents...j'ai pas eu d'obstacle...

B] LA CONVERSION AU METIER : CONCOURS ET FORMATION

1. Le concours : Y avait-il beaucoup de femmes qui passaient le concours en même temps que vous ? Combien ? Pensez vous qu'il est discriminant pour une femme ?

Oh oui oui déjà à mon époque il commençait à y avoir des femmes... quelques femmes je pourrai pas donner de chiffre... je ne me sentais pas seule.

Vous pensez qu'il y a plus de femmes maintenant que quand vous avez débuté?

Bien sûr ! Il y en a de plus en plus et à tous les niveaux ! A un moment ici on était 50 % dans le commissariat... Maintenant dans certains services il y a très peu de femmes hein...

Est ce qu'elles sont réparties un peu justement en fonction du fait que ce soit des femmes ?

C'est plus le choix des femmes qui fait qu'il y en a plus. Ici peut être que dans les divisions y aurait un peu plus de femmes parce qu'on a des horaires hebdomadaires. On travaille la semaine on a nos week-end en règle général ça permet d'avoir une vie familiale. C'est une des raisons qui peut expliquer qu'il y ait plus de femmes... Et puis dans certains secteurs.. Moi j'ai travaillé à la Brigade des mineurs y avait plus de femmes également. Bon je pense qu'au départ on a poussé les femmes à y aller mais je pense aussi que plus de femmes on se sentiment de pouvoir travailler avec des enfants, s'occuper des enfants. Maintenant y avait des hommes aussi !

2. Le concours : pensez-vous que le concours puisse être discriminant sous certains aspects ?

Normalement il n'y a pas de différence. Y a pas de quotas. Quand on voit qu'il y a de plus en plus de femmes on peut penser qu’il n’y a pas.

Sur la formation : avez vous été confrontée directement ou indirectement à des formes de discrimination ?

Moi personnellement j'ai jamais ressenti ça.

82

3. Y-avait-il d'autres femmes que vous lors de la formation à l'école de police ? Combien ?

Oui...6 sur 25 environ donc ça fait 1/5e.

Vous estimez que c'est beaucoup ?

Non !

4. Que pensez-vous du régime compensatoire (barème différent pour les femmes et pour les hommes) ?

J'estime que les femmes ne peuvent pas avoir les même capacités et le même physique qu'un homme donc c'est juste enfin c'était quand même assez difficile il fallait s'accrocher pour avoir la moyenne c'est sûr. Donc c'est normal. Tout est question de proportion.

5. Pensez-vous qu'une femme policier ait autant de chances que ses collègues masculins d'évoluer dans sa carrière ?

(Hésitation) Elle en a de plus en plus en tout cas... (Soupir) (Hésitation)... maintenant la vision de la femme, le congé maternité des choses comme ça va toujours gêner un petit peu... Il peut y avoir des freins... je pense que ça se fera toujours plus ou moins mais ce n’est pas seulement lié à la police... tout ça... mais « qui veut peut » hein....

6. Pensez-vous que les femmes doivent davantage faire leurs preuves que les hommes dans ce métier ?

Quelque part oui, c'est pour ça que je disais « qui veut peut » il faut vraiment en vouloir, il ne faut pas laisser penser qu'on a une faiblesse. Mais c'est pareil partout... ce n’est pas lié spécialement à la police.

7. Pour vous, qu'est ce qu'une carrière réussie ?

Faire ce qu'on a envie de faire. Monter en grade c'est bien aussi mais ce n'est pas le premier objectif. Mais ça en fait partie, c'est financier et puis on a plus de responsabilités, et puis travailler pour un service plutôt qu'un autre.

Qu'est ce qui est plus important pour vous le grade ou le service ?

Pour moi c'est le service mais c'est pour moi d'autres vous dirons le contraire !

C] ETRE UNE FEMME-POLICIER

1. Comment vous sentez vous-perçue par vos collègues masculins ?

83

Je me sens pas mal perçue, je me sens intégrée à l'équipe même si... je me sens respectée, j'ai pas de problème à mon niveau.

Vous pensez qu'à des grades inférieurs c'est plus difficile ?

C'est peut être plus difficile à des grades inférieurs effectivement oui.. mais c'est une question de personnalité, de sérieux et de respect des uns des autres...

2. Que pensez-vous de vos collègues femmes ? Est ce qu'elles se distinguent des hommes ? En quoi ? Ont-elles des caractéristiques communes ?

J'aime travailler avec des femmes. Ça ne m'a jamais posé de problème. J'en pense du bien. Les hommes et les femmes sont complémentaires un vision un petit peu différente qui permet de bien travailler. Mais de la à dire qu'il faut une parité non. je ne suis pas favorable au 50 / 50. Au niveau du commandement c'est pas un problème. Mais je pense qu'au niveau des effectifs sur le terrain pour moi si on mettait 2/3 d'hommes et 1/3 de femmes sur le terrain c'est parfait. S'ils sont 3 deux hommes un femme c'est parfait. Mettre trois femmes dans un équipage pourquoi pas mais y a toujours un problème avec la personne qui est en face de nous... si la personne est violente...si elle aime les femmes si elle les aime pas... y a une question de culture aussi... tout un tas de choses... ça peut être problématique... deux hommes il se dit « ils sont plus forts que moi à deux », une femme ça adoucie souvent la situation, puis la complémentarité des uns des autres... je trouve que c'est pas mal !

Le terrain c'est particulier mais au niveau du commandement un homme ou une femme c'est la même chose, comme pour les enquêtes homme ou femme c'est pareil...

Est ce qu'elles se distinguent des hommes ?En quoi ?

Ça dépend mais il y a des femmes qui veulent ressembler à des hommes. Moi j'ai toujours gardé ma féminité. Si c'est ça que vous voulez dire.. j'ai toujours eu les cheveux longs, je porte des bijoux, je suis toujours habillée de manière féminine... donc se distinguer physiquement oui mais pas pour se distinguer, pour être soi même tout simplement. Maintenant il y a des femmes qui sont plus masculine, mais y a des femmes qui essayent de se distinguer... qui sont toujours ne pantalon... ça se dit d'ailleurs : « toi t'es pas une femme t'es un collègue ! » moi je pense que c'est pas vrai y a toujours une différence.

Vous pensez que c'est lié à la profession ou c'est des femmes qui même à l'extérieur sont masculines ?

Oui oui je crois ! De base ! Enfin y en a certaines qui vont l'accentuer un peu plus !

Ont-elles des caractéristiques communes ? Un trait commun des femmes policier ?

Je pense que souvent les femmes ont du caractère chez nous, ça fait partie du métier. A part ça pas forcement...

3. Sont-elles selon vous aussi compétentes que leurs collègues masculins ?

84

J'espère bien ! Y a une complémentarité, mais la compétence est la même !

4. Est ce qu'on leur confie les mêmes missions qu'aux hommes ?

Oui ce sont les mêmes missions du moins à mon niveau. En tant que gardien de la paix c'est les même missions heu... mais ça dépend du chef, qui connaît son équipe et il va peut être orienté les choses selon que ce soit un homme ou une femme mais c'est plus selon les choix, les préférences de chacun. C'est comme ça que l'équipe marche bien... on essaye que le travail soit le mieux fait possible. On distribue en fonctions des capacités à mieux gérer certaines missions que d'autres et non du sexe. Après si on parle des CRS y a pas de femmes... c'est un cas particulier. Y a des femmes pour qui ça va bien, celles qui y sont c'est vraiment par choix, il faut vraiment le demander quoi...

Si par exemple une femme vient porter plainte pour viol ou pour violence conjugale on mettra plus une femme non ?

Ici c'est à la permanence donc c'est celui qui est à la permanence plainte qui va prendre. On prend ce qui arrive en fonction des disponibilités sauf si la personne explicite son vœux de parler avec une femme là on lui laisse cette possibilité. Comme je disais c'est en fonction des capacités de chacun à aborder une personne plus qu'une autre mais c'est pas une obligation.

5. Avez-vous parfois le sentiment d'être victime de machisme ?

Je n’ai pas vraiment vécu... si peut être quand j'étais gardien, imaginez j'étais une femme, très jeune, sans expérience, donc oui je l'ai ressentie peut être quelques fois mais ça s'est très vite atténué. Moi j'ai choisi ce métier donc... ça joue aussi …

Est ce que vous avez une anecdote particulière ?

Sur ça ? Non.

6. Pensez-vous que le fait d'être une femme dans ce métier puisse être un atout ? Un handicap ? Dans quelles circonstances ?

Comme dans tous les métiers parfois oui. Mais bon... ça a bien ses limites. Faut être compétent...L'atout c'est la présentation qu'on peut avoir peut être mais c'est la compétence qui joue au bout du bout... J'ai bien ressenti des fois que c'était un atout pour se présenter à un service.

Et un handicap ?

Le handicap bah si par exemple on veut rentrer à la BAC ou chez les CRS... là on veut des gens qui sont prêts à interpeller des gens violents donc c'est pas un atout il faut trouver autre chose, montrer d'autres compétences... c'est vraiment la compétence qui joue ça dépend du poste aussi mais à mon poste c'est égal. Pour la Brigade des Mineurs par exemple c'est un atout le côté féminin pouvait intéresser même s'il en fallait pas trop non plus... et même sur le terrain la femme est vraiment nécessaire puisqu'un homme ne peut pas palper une femme.

85

7. Pensez-vous que les femmes sont mieux intégrées dans la police qu'avant ?

Oui je pense. Interroger des femmes à la retraite le côté « on était toute seule pas facile etc » ; mais moi perso j'ai jamais eu de problème, j'étais sur Paris, y avait beaucoup de jeunes et beaucoup de femmes. Même si y a eu quelques épisodes plus difficiles... On peut être une conquête, bah non ça marche pas comme ça ! Enfin ça c'est encore une question de personnalité ! enfin tous les problèmes que les femmes peuvent rencontrer elles les rencontrent également dans la police...

Vous avez des collègues femmes qui le perçoivent autrement ?

Oui mais elles sont plus la celles qui ont eu du mal... c'est pas évident de s'affirmer il faut faire ses preuves ! Il fallait être encore plus forte, encore plus compétente, pas montrer de faiblesse.

C'est quelque chose qui s'apprend ?

Oui c'est comme tout. Ça s'apprend « renforce le caractère ». Moi j'ai pas vécue des choses difficiles mais après il faudrait interroger des femmes à la retraite...

8. Est-ce qu'il y a des situations où vous vous sentez tiraillée entre votre rôle de policier et votre identité de femme ?

Non. Non. Non. Je n’ai jamais eu de problème sur ma féminité, je n’ai jamais cherché à devenir un homme. (rires).

9. Comment votre conjoint perçoit-il votre métier ?

Il me laisse faire. Je n’étais pas encore policier quand on s'est rencontré... mais c'était mon objectif depuis que j'étais ado donc... y a pas grand monde qui aurait pu me faire changer d'avis.

Donc c'est une vocation ?

Oui oui tout à fait.

10. Quel(s) aspect(s) de votre métier vous plaît le plus ?

Ça a évolué avec ma fonction. Quand j'ai commencé j'étais inspecteur de police et c'est l'aspect qui me plaît le plus. Je travaillais à la Brigade des mineurs pendant 12 ans, j'ai fais tout un tas d'enquêtes etc c'est ça qui m'a plu. C'était pour moi passionnant donc c'est l'aspect qui me plaît le plus ! Aujourd'hui, c'est un poste de chef de secteur, c'est plus du tout le même métier... c'est du contrôle de procédure, gestion des effectifs, gestion du matériel, je réponds aux questions qu'on peut me poser... aujourd'hui je dirige, je commande, je contrôle. Ça me passionne nettement moins. Mais bon ça c'est personnel aussi... L'évolution de nos carrières a complètement changé. C'est plus le métier que j'avais choisi au départ. De moins en moins d'officiers font de la procédure c'est devenu un corps de commandement...après ce qui me plaît c'est quand je travaille peu avec le public je fais un peu de terrain, j'assure les

86

permanences judiciaires mais bon c'est rare. Mais j'aime bien travailler avec du monde autour de moi. C'est un travail d'équipe. A chacun de trouver un nouvel élan. Mais plus on monte dans la hiérarchie plus les postes sont rares. Mais ça c'est hommes et femmes.

Le deuxième entretien est celui d'une femme de 30 ans Gardien de la Paix, interrogées au commissariat.

A ] Présentation

1. Âge Grade État matrimonial enfants

30 ans Gardien de la paix Concubinage, une fille de 5 ans.

2. Depuis combien de temps travaillez-vous dans la police ?

Depuis 7ans

3. Avez vous des frères et sœurs ?

Non

3. Quelle était la profession de votre mère ?

Vendeuse en charcuterie et après ouvrière en usine,

De votre père ?

Boulanger puis ouvrier en usine.

3. Qu'avez vous fait avant de rentrer dans la police ?

Bac L , passe le concours directement après et je l'ai eu du premier coup, j'ai travaillé deux ans en usine avant l'entrée en école. Parce qu' il faut attendre...C'est une question de place par rapport aux promotions de gardiens de la paix...

3. Pensez vous que quelqu'un de votre entourage vous ait influencé dans ce choix ?

Non.

Vous ne fréquentiez pas de policier dans votre famille ou votre entourage ?

87

Non du tout.

3. Est ce que d'autres événements ou facteurs ont pu vous influencer ?

Pas du tout. Non... Je ne crois pas...

3. Quelles ont été vos motivations à entrer dans la police ?

Bah... Contact avec la population (« mais ça c'était avant ») rires. Le fait d'aider. Aujourd'hui... le fait d'arrêter la population, après c'était l'idée d' « arrêter les voleurs », courir après les méchants vous voyez le genre ? Bon... en vrai ce n'est pas ça la réalité mais bon...

Du coup si vous avez fait ça directement après votre bac c'est une vocation ? Comment vous avez pris la décision de faire ça ?

J'ai hésité entre être policier ou prof d'espagnol mais les études... bof... la fac... bof...

3. Quelle a été la réaction de vos parents ? De vos proches ?

Surpris ! J'étais un peu rebelle quand j'étais ado, j'ai pas fais de bêtises mais j'étais très garçon manquée, très sportive, j' faisais pas de bêtises graves mais j'étais pas un modèle... et la police c'est quand même l'ordre et tout donc il étaient surpris... Surpris mais contents ! Et pour l'entourage bah... Rien de particulier.

B] LA CONVERSION AU METIER: CONCOURS ET FORMATION

1. Y avait-il beaucoup de femmes qui passaient le concours en même temps que vous ?

Oui y'en avait pas mal de mes souvenirs...

Vous l'avez passé quand le concours ?

(2003).

C'est quoi beaucoup pour vous ?

Bah j'étais surprise du nombre de femmes... j' dirai 30% environ et j' m'attendais à moins, à l'époque on en voyait peu...

2. Avez-vous été confrontée, directement ou indirectement à des formes de discriminations ?

PAS DU TOUT ! Non pas discriminant... non moi je n’ai pas trouvé ça compliqué. Il faut un minimum de caractère... On est plutôt encouragées j' pense, mais c'est le caractère qui compte beaucoup. Pas du tout discriminant non... y a des filles qui ont fini dans les premières... C'est une question de volonté, de caractère, rien de plus.

88

Vous connaissez des femmes qui ont eu des problèmes ?

Non... Les ¾ des collègues féminines sont garçons manqués. On est obligé d'avoir un côté un peu garçon.

C'est-à-dire ?

Difficile à expliquer... Dans les centres d'intérêts moi j'aime bien le foot tout ça... il faut être un peu mec... avoir un caractère assez dur assez brut... J’ai du mal à expliquer... enfin pas être une chochotte quoi... Mon père il était plutôt dur, stricte... j'ai été élevé à la garçonne, jfaisais du hand... Mon père aurait voulu un garçon ça c'est sûr...

3. Y avait-il d'autres femmes que vous lors de la formation à l’École de police ?

Oh bah oui ! On était nombreuses quand même.

Combien ?

Environ 30% jdirai... A Oissel on était 1300 y'avait 300 élèves gardiens..

Comment ça se passe c'est des bâtiments séparés ?

A l'internat bâtiments filles et bâtiments garçons séparés...

4. Que pensez-vous du régime compensatoire ?

C'est logique. Les hommes sont quand même plus forts physiquement que les femmes au niveau des performances... c'est juste. Mais y' avait des femmes plus fortes que certains hommes.

5. Pensez vous qu'une femme policier ait autant de chances que ses collègues masculins d'évoluer dans sa carrière ?

Oui. Tout est dans le travail, perso j'ai jamais vu de différence... après y a certains services qui ne sont pas trop féminisés genre les CRS en général ils ne prennent pas de femmes...

6. Pensez vous que les femmes doivent davantage faire leurs preuves que les hommes dans ce métier ?

Non, non moi j'ai jamais eu ce ressenti. Enfin vous parlez par rapport aux collègues ou à la population ? Par rapport à la population si, il faut beaucoup plus s'imposer, on a plus de mal à être autoritaire. Interne. On a encore quelques collègues un peu macho surtout dans les anciens mais bon... c'est plutôt de l'humour et les mentalités sont différentes... avec les collègues masculins de nos âges on est bien intégrées. C'est totalement différent..

Vous avez l'impression que c'est bien intégré ?

Ah oui oui oui totalement ! J'ai jamais eu la sensation de différence homme / femme

89

7. Pour vous qu'est ce qu'une carrière réussie ?

Honnêtement ? D’être toujours vivant !

Donc vous avez déjà eu peur ?

(Longue hésitation)Vraiment peur non... C'est plus l'adrénaline oui de la peur... non j'sais pas si c'est de la peur... J'ai plus peur pour mon compagnon qui est à la BAC... Si on a peur vaut mieux arrêter. C'est mon point de vue.

Vous avez déjà sorti votre arme ?

Oui j'ai déjà sorti mon arme sur un cambriolage en cours... Mais c'est très rare... se battre, faire usage de la force, ça c'est ...Pour vous donner une fréquence... Quand j'étais en police secours ça arrivait une fois par semaine environ, souvent le week-end les sorties de boîte, les gens alcoolisés, les bagarres...

C'est quoi utiliser la force ?

Taser j'ai jamais utilisé, lacrymos et puis surtout nos deux mains TONFA mais ça faut une habilitation. Donc ouais une carrière réussie c'est de pas être morte. Actuellement j'ai pas envie d'évoluer... salaire.. faut pas se mentir c'est surtout pour le salaire... après vraiment si je finis en vie... c'est une carrière réussie.

C] ÊTRE UNE FEMME POLICIER

1. Comment vous sentez vous perçue par vos collègues masculins ?

Baaaaah.... Y a des hommes qui bah... quand ils voient des femmes bah... Bah ça reste des hommes... des petites phrases gentilles mais...

Du genre ?

euh du genre... bah par rapport au physique... la poitrine par exemple. Après bon... Faut savoir répondre. C'est pas méchant. Un homme reste un homme. Flic ou pas flic. Savoir répondre et leur montrer que nous sommes des femmes nous sommes des collègues... Moi j'ai jamais eu de problème de harcèlement sexuel ou quoi..

Vous avez déjà entendu ce genre d'histoire par contre ?

Après d'autres oui... Mais y en a qui qui cherchaient aussi... c'est pas bien ce que je dis mais bon j' suis honnête quoi...

Vous pouvez expliquer ?

90

Deux ou trois boutons d'ouverts sur la chemise par exemple.. Ou dans l' comportement... un peu allumeuses... Mais ça ce n’est pas l' monde de la police c'est partout... Les hommes qui sont avec des femmes comme ça ils en profitent...

2. Que pensez-vous de vos collègues femmes ? Est ce qu'elles ont des traits communs ? Est ce qu'elles se distinguent des hommes et si oui en quoi ?

Le trait commun c'est peut être le côté garçon. Et puis le caractère... Beaucoup de caractère on est des femmes très fortes, on ne se laisse pas faire. On a des petites jeunes de 19/20 ans, les filles sont un peu moins garçons manqués que notre génération à nous...

Est ce qu'elles se distinguent des hommes ?

Peut être un peu plus grandes gueules que les hommes...

Vous avez les mêmes rapports ?

Oui les mêmes rapports... moi j'ai toujours été plus avec des garçons qu'avec des femmes... Donc je parle autant avec les hommes qu'avec les femmes.

3. Sont-elles aussi compétentes que leurs collègues masculins ?

Oui tout à fait...

Sur les mêmes choses ? Est ce qu'il y a des domaines où elles sont plus performantes ?

Les femmes sont plus performantes sur ce qui est intellectuel les procédures tout ça... et les hommes sur les interventions... mais après y' a de tout. En général les hommes sont plus sur les interventions et les femmes sur l'intellect...

4. Est ce qu'on leur confie les mêmes missions qu'aux hommes ?

Oui c'est les mêmes missions. (relance du viol) on met plus une femme si on peut c'est logique. Et vice versa d'ailleurs... On a déjà eu des hommes qui sont venus pour des choses assez particulières et qui préféraient voir des hommes...

5. Avez-vous parfois le sentiment d'être victime de machisme ?

Moi pour ma part non... J suis désolée j' vais pas vous donner d’anecdote

6. Pensez vous que le fait 'être une femme puisse être un atout ? Un handicap ?

Un atout pour ? Non pas spécialement.. je réfléchis... hum... non... moi jvois pas de différence entre les hommes et les femmes. Un handicap non plus... après pour certaines ça peut être un atout de montrer ses atouts... y'en a qui savent en jouer... mais pour ma part non....

Ça existe la promotion canapé dans la police ?

Oui je pense que ça existe. (Rires) j'vais me faire virer moi !

91

Vous trouvez ça bien qu'il y ait des femmes dans la police nationale ?

C'est bien qu'il y ait des femmes mais faudrait pas qu'il y en ait trop... Non.. trop d' femmes c'est pas bien ! Les femmes entre elles sont trop... Sur les interventions par exemple il faut une part de masculinité... IL arrive qu'on soit trois filles sur une patrouille je trouve pas ça.... heu... On représente quand même l'ordre... les hommes par rapport à la population ils représentent plus l'ordre ils arrivent plus à s'imposer.. Après il en faut oui... pour les palpations tout ça.. on a aussi plus de douceur.. par rapport aux femmes victimes ou aux enfants qui se présentent... mais pas trop !

La proportion idéale pour vous se serait ?

Moi j' dis 1/3 c'est bien

7. Pensez vous que les femmes sont mieux intégrées dans la police qu'avant ?

Oui l'ancienne mentalité, les anciennes générations, ça devrait être beaucoup plus difficile. Aujourd'hui c'est rentré dans les mœurs, ça choque plus.. ça fait partie de la vie de tous les jours alors que pour les anciennes générations c'était les femmes à la maison et les hommes au boulot alors imaginez ! Avant ça devait être beaucoup plus compliqué.

8. Est ce qu'il y a des situations où vous vous sentez tiraillée entre votre identité de femme et votre identité de policier ?

Pas mon côté femme mais plus mon côté mère. Je réfléchis peut être plus avant de faire quelque chose... vous voyez ce que je veux dire... On voit les choses différemment quand on est maman. Ça m'est déjà arrivé de pas faire certaines choses alors que j' les aurai fait avant. J'aurai peut être pris plus de risques avant...

9. Comment votre conjoint perçoit-il votre métier ?

Il est également policier. On s'est rencontré dans le cadre du travail.

Ça arrive souvent non ?

Ça arrive souvent. Les policiers sont souvent avec des policiers. Je sais pas si c'est une bonne chose. Il faut pas travailler dans le même service à mon avis... Savoir faire la part des choses entre privé et professionnel... j'ai déjà vu des couples même sur le terrain qui avaient du mal à le gérer... Nous on a toujours su faire la part des choses et on parle très rarement du boulot à la maison.

Et par rapport aux enfants ça se passe comment ?

Moi mon mari il est en horaires cycliques deux nuits deux aprem et deux repos … et moi hebdomadaires donc des horaires normales... c'est plus lui qui s'en occupe.

Vous avez d'autres collègues qui sont des couples de policier ?

Oui oui beaucoup.... En général ils ont plus la même organisation que nous.. c'est vrai que pour les modes de garde et tout c'est plus pratique...

92

Du coup ça privilégie un peu une carrière par rapport à une autre ?

On privilégie un peu une carrière par rapport à une autre...

Laquelle ?

plus la sienne. moi ce qui m'importe c'est ma fille. Lui au moins il aime ce qu'il fait... Moi je ne vais pas dire que j'aime mon boulot... y' a rien d'exceptionnel...

Y' a rien d'exceptionnel ça veut dire que vous considérez que votre métier est normal ?

Non c'est ingrat ;.. on est en premier contact avec la misère... On est pas très bien vus, pour la population on est « les méchants », les gens ne se rendent pas compte... quand on est pas à l'intérieur on se rend pas compte... métier exceptionnel non... c'est un métier qui demande beaucoup de sacrifices pour peu de reconnaissances... c'est de pire en pire... en 10 ans ça a beaucoup changé... la parole du flic a moins de valeur qu'avant... On a pas le droit à l'erreur. Après je peux pas non plus rentrer dans tous les détails... Y a une pression. Si on devait montrer à la population tout ce qui s'passe.. on s'ferait virer hein... c'est pour ça que la motivation... en tout cas la mienne.. n'est plus là...

10. Quels aspects de votre métier vous plaisent le plus ?

Honnêtement ? Au jour d'aujourd'hui aucun... (Rires!) Ou si mon salaire quoi...

Et avant ?

Avant y avait la reconnaissance des gens. Aujourd'hui tout est normal. Si on intervient c'est normal et si on ne fait pas bah c'est pas bien... Juste avoir un « merci » quoi.

93

Le troisième entretien est celui d'une jeune femme de 22 ans qui voudrait entrer dans la gendarmerie en tant que secrétaire ( nous n'avons pas pu rencontrer le même type de profil dans la police mais il nous a semblé qu'il était intéressant de la questionner), elle a déjà passé les tests et attend qu'une place se libère. La rencontre se fait dans un bar et la discussion est plus informelle, nous avons préféré le retranscrire comme tel dans un soucis d'authenticité et d'honnêteté, néanmoins cette discussion est basée sur la grille d'entretien.

- Quel âge as tu ?

22 ans

- Du coup grade... non , t'es pas mariée, t'as un copain ?

J'ai un copain.

- Ok donc je mets quoi heu... concubinage....

Sans problème (rires)

- T'as pas d'enfants ?

Non

-Du coup ça fait combien de temps que tu fais des démarches pour entrer dans la police ?

Ca va faire 3 ans.

-Alors t'as fais quoi ?

La première fois j'ai été sur place

-C'est ou « sur place » ?

Place Saint Marc directement au niveau du recrutement, pour prendre des informations, savoir comment ça se passe.. heu.. au niveau des diplômes déjà.. parce qu'à chaque diplôme tu peux rentrer à un grade différent, tu peux rentrer sans diplôme comme tu peux rentrer avec des diplômes... et au niveau des grades tu peux être heu.. comment dire ça... tu peux être officier quand t'as ton bac directement et si t'as pas l'bac tu peux rentrer directement en tant qu'adjoint et après au niveau du temps du grade et bah tu montes.. Après avec le bac pro secrétariat adjoint volontaire... en emploi particulier et moi le mien c'est secrétaire...

-Est ce que t'as des frères et sœurs ?

Deux frères ! (grand sourire)

-Deux grands frères ? Deux ptits frères ?

94

Un grand frère de 35 ans et un ptit frère de 20 ans

-Ok... quelle est la profession de ta mère ?

Ma mère est agent d'entretien

-Et ton père ?

Retraité

-Il faisait quoi avant ?

Il travaillait dans un restaurant, un peu de cuisine, un peu de plonge

- Ok... Donc qu'est ce que t'as fais avant d'entrer dans la police ? Bac ? T'as eu un bac quoi ?

BAC pro secrétariat

- Du coup t'as travaillé ? T'as fais des ptits boulots ?

Oui jcontinue à travailler oui.. depuis 18 ans j'suis serveuse dans un restaurant à Bois Guillaume à - la Sangria.. ça va faire 6 ans...

- Qu'est ce qui t'as poussé à passer le concours du coup ?

C'est ce que j'ai toujours voulu faire depuis plus jeune

- tu te souviens un peu de quand tu as eu cette idée ?

Oui.. j'étais en troisième...

- Comment elle t'es venue ?

Quand y a des heu.. t'sais au niveau des sortes de... d'orientation qu'ils font pour l'année prochaine... donc t'as plusieurs organismes qui viennent à l'école pour représenter les métiers là.. du coup bah y a des gendarmes et des policiers qui sont venus.. ils m'ont expliqué comment ça se passait donc c'est là que .. j'ai voulu y accéder quoi...

- Qu'est ce qui t'as plu dans ce qu'ils présentaient ?

Bah le sport ! Y avait tous mes hobbies en fait... le sport... entre guillemets le danger... voilà quoi.. pas trop loin du délire armée aussi... et puis aider les gens (que j'aime beaucoup)

-Est ce que tu penses que quelqu'un de ton entourage t'as influencé dans ce choix ?

Non !!! Du tout

- Est-ce que d'autres événements ou facteurs ont pu t'influencer ?

95

(Hésitation)

Je sais pas des romans ?des séries ?des films ?

Ah ouais romans policiers ouais !! TOUJOURS (grand sourire)

-Comme quoi ?

Toujours Agatha Christie, tous ses livres... j'adore.. j'ai commencé à l'école par le Crime de l'Orient Express

-Qu'est ce qui t'as plu la dedans ?

Les énigmes, on s'prend toujours la tête à savoir qui est le meurtrier on s'dit toujours c'est celui qu'a la tête du méchant mais.. au contraire quoi.. faut s'méfier de tout... Puis après bah les séries télé c'est sur.

-Comme quoi ?

Les Experts, NCIS, Castle que j'aime bien aussi

J'adore ! C'est con mais j'adore (rires)

C'est clair ! Dommage la série elle est fini la.

-Est ce qu'il y a notamment des personnages de femmes qui t'ont marqué ?

Bah la plupart de ces séries les femmes sont plus... Enfin on voit qu'elles ont beaucoup plus d'autorité des fois que les hommes... au niveau des interrogatoires tout ça on voit qu'les meufs bah... elles sont mieux ! Plus d'autorité sur les hommes du coup ça marche mieux ! Elles ont plus de réponses tout ça...

-Ok... Super... Alors : quelles ont été tes motivations à entrer dans la police ?

Plus bah comme j' disais tout à l'heure le sport et toujours être là pour les personnes, pour les aider...

-Quelle a été la réaction de tes parents ?

Ravis ! Ouais.. Ravis ravis ravis... (sourire) ils auraient pas pensé qu'un de leurs enfants entrerait dans un métier où... enfin quand on vient d'un quartier difficile entre guillemets quoi … Sur les Hauts de Rouen on pensait pas que quelqu'un de ces quartiers là pourrait rentrer dedans... et surtout être intéressé

Et aucun souci au niveau de mes amis... tout le monde était content tout le monde sait que j'ai un caractère assez fort et que si elle veut quelque chose elle fait tout pour l'avoir.. donc ils savaient très bien que c'était un métier qui était fait pour moi...

96

D'accord...

-T'as d'autres amis qui étaient intéressés ?

Oui j'ai une amie qui avait passé le concours avec moi oui

-Et justement est ce que le fait d'avoir grandi dans un quartier ça a pu te motiver ? Est ce que tu penses que t'aurais eu envie de faire ça si t'avais grandi ailleurs ?

Non jpense pas.. jsuis plus motivée parce que je vois que bah.. au niveau du quartier les gens ils ont pas tous envie de parler avec la police, ne serait ce que discuter ou ne serait ce qu'un regard.. personne veut se parler.. c'est froid... donc le fait d'avoir au moins un dialogue entre la police et les habitants du quartiers bah je pense que c'est un plus pour eux...

-Ok... du coup le concours.. Est qu'il y avait d'autres femmes qui l'ont passé en même temps que toi ?

Oui ; en tant que secrétaires on était deux, mais les autres en tant que volontaires elles étaient une quinzaine sur cinquante à peu près quoi...

Une 15ene / 50

-T'en as pensé quoi ?

J'ai été trop surprise ! Moi au début je pensai qu'il y allait y avoir plus d'hommes que d'femmes ! Mais y avait pas mal de femmes en fait.. donc du coup on voit qu'elles sont courageuses quand même parce que la plupart des femmes... j pensai pas qu'elles étaient dans ces ambitions la... qu'elles voudraient faire ça...

-t'as pu discuter avec certaines d'entre elles ou juste comme ça ?

Non du tout comme c'était le concours c'était les tests donc.. non c'était les tests etc

-c'était quoi les tests ?

Alors y'avait un test psychologique et un entretien

-test psychologique c'est quoi par exemple ?

Bah c'est pleins de questions sur la personnalité en fait...

-ça dure combien de temps ?

Ça a duré une heure... Une heure une heure quinze à peu près, le temps qu'ils nous expliquent le texte tout ça.. comment ça se déroule.. ce qu'on a droit ce qu'on a pas droit...

-C'est écrit

97

Oui c'est à l'écrit oui, avec un carnet à remplir.. y avait à peu près une centaine de questions à peu près

-Ok... est ce que tu penses que ça peut être discriminant pour une femme les tests pour entrer dans la police ?

Nan ! Du tout... Au contraire

-Au contraire ?

Jpense que ce serait un plus... y a des moments même s'ils vont faire des perquisitions ou quoi ou heu... enfin pour fouiller une femme... ils savent très bien que les femmes vont pas être fouillées par un homme mais plus par une femme donc le fait qu'il y en ait dans l'équipe je pense que c'est un plus pour eux quoi.. même des fois au niveau des discussions avec les gens, les citoyens tout ça quoi... La plupart des gens préfèrent parler avec une femme qu'un homme... ils vont plus s'ouvrir parler discuter...

-Tu penses que c'est moins mal vu par les gens d'être une femme policier qu'un homme ?

Ouais pour moi oui...

-Comment tu l'expliques ?

Leur caractère est beaucoup moins fort que chez un homme ça c'est sûr mais des fois elles ont heu.. ça dépend.. ; des fois elles ont plus de caractère envers les personnes qu'elles vont interroger ou les personnes de l’accueil... elles vont être plus claires qu'un homme quoi.. au niveau des explications tout ça...

-La formation … donc du coup toi t'as pas encore fais a formation toi..

Non du tout

-T'attends quoi entre guillemets ?

Là je vais repasser mes tests..

Parce qu'il y avait pas eu de places vacantes

-Il faut que tu m'expliques du coup comment ça fonctionne

En fait secrétaire y a pas beaucoup de places... donc du coup quand j'ai passé les tests ils ont regardé si y avait de la place ou pas.. mais y avait pas de place

-D'accord y avait pas besoin quoi... c'est sur toute la France ou sur la région ?

Sur toute la France

-Ok

98

Du coup là je repasse mes tests là...

-Tu les repasses quand ?

Je ne sais pas encore j ai pas encore eu la date

-jusqu'à ce qu'il y ait de la place quoi... ?

Voila... Parce que c'est toujours un an après... Enfin 6 mois plus tard quoi...

-Est ce que tu trouves normal que ce soient pas les même barèmes par exemple au niveau du sport etc.. Y a des barèmes différents pour les femmes et pour les hommes ?

Oui non pour moi c'est normal... c'est normal qu'il y ait une différence entre les deux...

-Pourquoi ?

Bah les hommes sont beaucoup plus forts physiquement qu'une femme... on a pas tous les mêmes capacités...

-Tu continues à te préparer du coup physiquement ?

Toujours oui

-Tu fais quoi à quelle fréquence ?

Ça change à chaque fois ça varie... je vais courir une heure à peu près une à deux fois par semaine... Quand je ne travaille pas c'est au moins trois fois par semaine... le matin très tot ou en début de soirée... salle de muscu aussi.

-A quelle fréquence ?

Une a deux fois par semaine pas plus c'est juste derrière chez moi c'est une nouvelle salle de sport qui vient d'ouvrir par des jeunes du quartier...

-Cool

ouais c'est l' ASPTT Rouen

Beh eux ils ont fait 82e l'année en plus , c'est des jeunes du quartiers et tout.. avant eux ils traînaient dehors en fait.. donc la plupart ils avaient arrêté l'école très tôt donc ils sont là a traîner dehors et puis la du jour au lendemain on les voyait plus.. ils ont ouvert leur propre entreprise et voilà ! Sans problème

-La classe

La preuve que dans un quartier aussi ils peuvent s'en tirer quand même quoi

-c'est clair, Euh.. Alors, est ce que tu penses qu'une femme policier a autant de chances que ses collègues masculins d'évoluer dans sa carrière ?

99

Par contre là non .. non .. J'ai l'impression qu'ils donnent plus d'avantages aux hommes qu'aux femmes... au niveau du travail tout ça déjà c'est toujours les hommes qui sont en priorité par rapport aux femmes... ça c'est un peu de la discrimination de ce coté là.. parce que des fois elles peuvent avoir le même diplôme, la même ambition mais y a toujours une différence au niveau des hommes et des femmes pour eux...

-Tu penses qu'il faut être encore plus déterminé quand on est une femme

Oui ça c'est sûr faut le montrer.. toujours.. leur montrer qu'en tant que femme on peut … voilà quoi.. qu'on peut avoir le même caractère qu'un homme qu'on peut... être plus forte qu'un homme et qu'il y a pas de soucis pour ça quoi... si on a le même diplôme on peut tout faire quoi...

-Du coup est ce que les femmes doivent davantage faire leurs preuves que les hommes dans ce métier ?

Oui.

-Pour toi qu'est ce qu'une carrière réussie ?

C'est déjà de pas avoir de soucis pour rentrer dans la police et bien passer ses tests, être toujours là quand on a besoin de nous au niveau du patron, du chef, au niveau de la caserne tout ça et qu'il y ait pas de soucis enfin qu'on peut partir à la retraite tranquillement sans soucis derrière...

-Oui c'est quand même super humm comment dire... ? Super encadré quoi enfin il faut toujours être présent

Si on rentre dedans on sait qu'on va être appelé souvent et qu'il y a des moments bah on a pas entre guillemets de vie privée, tout ça voilà bah faut bien l'enregistrer en tête avant de... d'accéder quoi...Du moment qu'on est dedans on peut pas faire demi-tour comme ça quoi... Parce que tout ça on nous l'explique avant...

-T'as pas envie d'avoir des enfants ?

Si oui...

-Et du coup tu penses faire comment ?

Comme c'est un poste de secrétaire du coup moi j'ai des horaires normales donc de ce côté là ça va je n’ai pas de soucis à me faire.

-Et après pourquoi être secrétaire dans la police et pas dans autre chose c'est une question de salaire , de... ?

Non plus physique comme je disais au début.. Je sais que ça va plus bouger, aller dans des endroits chauds tout ça. Moi je sais que j'aime beaucoup le danger mais après c'est vrai que physiquement je sais que je peux pas physiquement...

100

-Ah oui et sur la retraite tu m'avais dis « arriver à la retraite sans problème ».

Oui c'est ça ! Se dire qu'on a fait un bon taf et sans aucun soucis, qu'on peut partir tranquille.. un repos bien mérité comme on dit quoi...

-Ok super... est ce que tu penses que les femmes qui entrent dans les métiers de la sécurité etc est ce que tu penses qu'elles ont des caractéristiques communes ? Un point commun ? Quelque chose qui les caractériserait ?

Leur motivation je pense.. ouais motivation

-Qui serait encore plus forte que celle des hommes du coup tu penses ?

C'est sûr... pour les hommes c'est juste un métier qu'ils veulent .. stable quoi enfin j'pense pour la plupart.. alors que les femmes qui rentrent la dedans c'est pas pour rien c'est qu'elles ont toujours une motivation....

-T'as déjà eu à faire à la police ?

Non du tout... Ah si si si une fois mais ça fait un petit moment je devais être en terminale je crois... en terminale... et y a une fille qui m'avait agressé en cours dans les escaliers et du coup j'avais porté plainte parce qu'elle m'avait rasé tous les cheveux... Obligée d'aller à l’hôpital avec du sang partout du coup j'ai posé une main courante...

-T'avais eu à faire à une femme ? À un homme ?

Heu.. une femme … la plupart des femmes à chaque fois qu'il y a une bagarre c'est toujours les cheveux quoi...

-Tu t'en souviens de cette femme ? Elle t'as marqué ?

Non pas spécialement

-C'est pas ça qui t'as donné plus envie quoi ?

Non du tout

-Est ce que tu penses que les femmes sont aussi compétentes que leurs collègues masculins ?

Ça dépend dans quel domaine...

-Ah bon ? Alors dis moi : Pourquoi ?

Niveau intellectuel pour moi toujours les femmes c'est plus intellectuel que les hommes, après au niveau du sport ça ça dépend, des fois les femmes elles ont plus d'endurance qu'un homme... (silence) elle peut avoir plus de force physique qu'un homme quoi....

-Plus de force physiquement qu'un homme ?

101

Oui... (silence)

-Au niveau du mental ?

Les femmes sont plus sensibles aussi ça c'est sûr, mais elles tiennent plus le coup qu'un homme pour moi ….

-Ok... Est ce que tu penses qu'on leur confie les mêmes missions qu'aux hommes ?

Non... ça du tout... Au niveau des missions les moins dangereuses y a pas de soucis pour les femmes ils vont les mettre mais si y a plus de danger bah... c'est plus chaud quoi. Après y en a on leur demande pour les disputes conjugales ou quoi que ce soit, ils vont plus mettre une femme ou pareil pour une interpellation pour euh.. tout ce qui est euh.. illicite quoi.. ils vont plus mettre des hommes parce qu'on sait pas physiquement ce que les gens sont capables de faire …

-Est ce que tu penses qu'il y a du machisme ?

Non .. pas vraiment...

-Pas pire qu'ailleurs ?

Exactement

-Est ce que tu penses que le fait d'être une femme dans ce métier puisse être un atout ?

Ça dépend

-Ou un handicap ?

Ça dépend j'ai l'impression envers les hommes c'est un handicap pour eux...

-Envers leurs collègues ou au niveau de la population ?

De la population jpense... dans le métier ça va mais j'ai l'impression que sur le terrain... enfin ça dépend ça peut être un atout comme un handicap... la plupart j'pense c'est un handicap niveau crédibilité et tout... enfin une femme moralement ça devrait pas tenir au niveau des insultes qu'elles peuvent avoir pendant les missions etc...

-Toi c'est pas un truc qui te fais peur ?

Du tout !

-Comment tu l'expliques ?

Moi jai un fort caractère donc je sais que je peux me retenir toujours... On peut aller très loin tu vois genre traiter les parents tout ça.. mais je sais que j'ai des limites et que je peux toujours me retenir.. y a pas d'soucis de ce coté la...

-Est ce que tu penses que les femmes sont mieux intégrées dans la police qu'avant ?

102

Oui c'est sur en plus avant y avait de la taille... pas moins d'un mètre 60 ou 65 je sais plus.. maintenant y a plus de restriction de taille.. donc de ce coté là ça va...

-Est ce que tu penses que c'est simple de concilier le rôle de policier et ton identité de femme ?

Non pas vraiment... enfin pour moi quand on rentre dans la police c'est un métier et qu'on soit un homme ou une femme c'est la même, y'a pas de différence à faire.. c'est le même métier tout simplement...pas de différence à faire de ce côté là. Un policier c'est un policier.

-Qu'est ce qu'il en pense ton copain de ce choix de métier ?

Au niveau du physique il pense que je pourrai pas trop tenir physiquement.. avec la fatigue, accumuler les heures puis au niveau de la distance et tout... mais moi je pense que ça va... y a pas d'soucis...

-Tu te vois vivre avec lui plus tard ?

Je sais pas...

-c'est un avis qui compte beaucoup.. ?

Oui... bien sûr

-Mais ça te démotive pas ?

Noooon du tout... Y'a pas d'soucis pour ça.. Moi je sais que si j'veux aller quelque part j'y vais y a pas d'soucis.

-Quels aspects de ce métier te plaît le plus bon ça tu l'as dis hein... sport terrain et contact avec les gens c'est ça ?

Voila..

-Tu te serai pas vu faire assistante sociale?

On me l'a proposé. On m'a proposé aussi éducateur spécialisé... Au niveau de... parce qu'en fait avant je travaillai avec des enfants avec le BAFA donc en fait je travaillai avec des enfants de foyer donc des enfants difficiles... c'est ce que je fais tous les étés, à chaque fois je pars et tout.. au niveau de Nantes.. Poitiers exactement... donc là bah je suis animatrice et c'est que des garçons.. Du coup j'fais du sport mécanique .. la plupart ils ont pas de parents ou d'autres qui les voient mais que le week-end ou quoi enfin tout ça quoi...

-ça t'intéresse ?

Ah oui !

-T' arrives à te faire respecter avec eux ?

103

Au début c'est toujours dur mais à la fin ça va y a pas d'soucis à se faire... franchement on est vraiment proches d'eux même à la fin ils se mettent à pleurer on voit que … Même s'ils montrent leurs gros caractères on sait qu'au fond ils sont vraiment sensibles quoi... ils restent toujours enfermé ils laissent pas les gens leur parler...

ça c'est une bonne formation déjà j'imagine ?

-Exactement oui.

Comment est ce que tu penses allier vie de famille et ton métier ?

-Je n'y pense pas encore (rires)

OK bah c'est bon ! Super !

104

Le quatrième entretien est celui d'un homme de 40 ans, Brigadier chef, nous l'avons rencontré dans son bureau au Commissariat. Il nous a semblé intéressant d'avoir le point de vu d'un homme, certaines questions ont du être supprimées ou reformulées.

Brigadier chef de police / Officier de police judiciaire,

40 ans, Marié. Une fille de 12 ans. Une sœur.

3. Depuis combien de temps travaillez-vous dans la police ?

Une quinzaine d'années.

4. Qu'elle était la profession de vos parents ?

Mère retoucheuse et père dans le bâtiment

4. Qu'avez vous fait avant de rentrer dans la police ? Avez vous fait des études et si oui lesquelles ?

Vente commerce , bac pro commerce représentant.

4. Pensez vous que quelqu'un de votre entourage vous ait influencé dans ce choix ?

Pas du tout.

Quelqu'un de votre famille ou … ?

Mon beau frère est gendarme mais je pense pas qu'il y ait de rapport

4. Est ce que d'autres événements ou facteurs ont pu vous influencé ? Des romans des séries des films ?

Non...Pas spécialement...

4. Quelles ont été vos motivations à entrer dans la police ?

(hésitation) Je faisais mon service militaire, j'ai passé le concours au même moment, j'ai fais deux ans d'armée donc environnement très hiérarchique, autorité c'était assez cadré etc.. je me suis senti bien... donc je me suis dis pourquoi pas la police ? Ça se rapprochait bien du côté discipline etc... Dans l'armée j'étais sous officier donc j'avais des responsabilités et j' voulais en avoir encore ...Ce qui me plaisait c'était le sens de la hiérarchie , discipline, environnement cadré, j'étais sous-officier.

4. Quelle a été la réaction de vos parents ? De vos proches ?

Satisfaits de ma réussite

105

B ] LA CONVERSION AU METIER : LE CONCOURS, LA FORMATION

1. Y avait-il beaucoup de femmes qui passaient le concours en même temps que vous ?

Il y en avait quelques unes.

Vous pourriez me donner un chiffre ?

Non, mais vraiment une minorité.

Pensez-vous que le concours puisse être discriminant pour les femmes ?

Non ce n'est pas discriminant.

2. Question 2 pas adapté car l’interviewé est un homme.

3. Y avait-il des femmes avec bous lors de la formation à l'école de police ?

On était une promo où il y en avait un certain nombre.

Comment elles étaient intégrées à l'ensemble ?

Elles étaient parfaitement intégrées, y avait pas de différences au niveau de la formation...

4. Que pensez-vous du régime compensatoire ?

Ça me choque pas... ça me paraît normal.

Comment vous l'expliqué ?

L'important c'est que les épreuves soient les mêmes... On avait des jeunes femmes moins costauds que nous donc par conséquent peut-être moins résistantes à l'effort. D'autres étaient plus résistantes. Au parcours police j'étais en binôme avec la fille la plus sportive de la promo, j'avoue que j'ai pas vu de différence entre elle et moi, elle était très sportive, résistante... « elle en voulait » quoi.. elle a réussit cette épreuve avec brio...

4. Pensez-vous qu'une femme policier ait autant de chances que ses collègues masculins d'évoluer dans sa carrière ?

Bien sûr, l'évolution de la carrière est la même. Les concours, les examens sont les mêmes quoi...

J'ai vu qu'il y avait moins de femmes qui passaient les concours internes que d'hommes... ? Comment vous l'expliqué ?

106

Je sais pas... moi avec le grade que j'ai j'ai passé plusieurs examens au cours de ma carrière et il y avait pas mal de femmes qui les suivaient avec moi. On ne peut pas parler de parité non plus on est largement en supériorité numérique mais l'accès est le même.

4. Pensez vous que les femmes doivent davantage faire leurs preuves que les hommes dans ce métier ?

Bah effectivement... elles ont forcément intérêt à s'affirmer à faire des efforts, à s'affirmer beaucoup plus. Dans la tête de tous c'est un métier d'hommes. C'est exclusivement masculin dans les esprits. Il y a un réel besoin et une nécessité de s'affirmer davantage. (hésitation).On a des collègues féminines qui ont besoin de s'affirmer davantage pour justement éviter de marquer cette différence... Comme on dit dans la police « y'a pas d'femme dans la police y'a qu'des collègues ».

Donc ça c'est par rapport à comment elles s'intègrent dans l'équipe mais par rapport à la population ?

Chaque femme est différente, elles ont pas les même missions favorites ou façons de travailler d'un service à l'autre. Leurs attitudes sont différentes et elles travailleront différemment... une femme sur le terrain devra avoir un attitude différente de celles qui travaillent dans un service d'investigation comme le notre. Les missions restent les mêmes, à nous de nous adapter... Par exemple la BAC c'est un service assez difficile, j'ai travaillé avec une collègue féminine et cette collègue assurait aussi bien que nous. Bon... Elle avait un côté masculin. Elle avait pas de soucis pour se faire respecter face à des individus ou à des interventions chaudes.

Qu'est ce que vous voulez dire quand vous dites qu'elle avait un côté masculin ?

Bah... Quand on se voyait en dehors du boulot c'était pas le genre de nana qui arrivait en jupe talons aiguilles quoi... le côté garçon manqué.

Y en a beaucoup ? Des femmes un peu garçons manqués comme ça ?

Quelques unes...

Vous diriez que c'est un trait commun des femmes policiers ou pas forcement.. ?

Plus maintenant j'dirai... Ce n'est plus forcément la norme. Y a de tout. Ça a bien évolué quand même par rapport à la police d'il y a quelques années...

Comment vous l'expliqué ?

L'évolution de la société, la nouvelle génération ce n'est pas du tout la même chose... Les nouvelles mentalités ne sont plus les mêmes. Le travail non plus...

C'est-à dire ?

C'est beaucoup plus difficile que ce qu'ont connus nos anciens... On est on est …. On est assujettis, on nous presse... on est tenu à être irréprochable. On est souvent dénigrés... « on est pas aimés » à la base donc bon faut composer avec ça quoi...

107

4. Pour vous qu'est ce qu'une carrière réussie ?

(hésitation)... J'dirai avoir un beau déroulement de carrière c'est d'abord travailler dans des des services qui nous ont intéressé, dans lesquels on s'est éclaté... et aussi l'évolution du grade... J'dirai que j'ai fais une belle carrière si je suis au maximum de mon grade que je peux obtenir.. évoluer jusqu'au bout tout en continuant à se faire plaisir. Et puis bon bah... Finir en un seul morceau.

Qu'est ce que vous mettez en premier ?

En 1) l'avancement parce que c'est important d'évoluer dans la hiérarchie, plus de responsabilités, le challenge et le salaire bien sûr! et en 2) le service. Les grades sont soumis à mobilité donc faut être capable de bouger. L'augmentation est appréciable... après on prend des échelons tous les deux ans...

On gagne combien en tant que gardien de la paix par exemple ?

Après ça dépend aussi de l'ancienneté mais par exemple un gardien de la paix avec dix ans de boîte gagne environ 2000 e pour vous donner une idée.

C] TRAVAILLER AVEC DES FEMMES POLICIERS

1. Comment vous percevez vos collègues féminines ?

J'ai été amené à travailler avec des femmes... de mon expérience y avait des femmes aussi compétentes que moi même voire plus compétentes. Moi j'ai appris le boulot d'investigation avec une femme.

2. Que pensez vous de vos collègues femmes ? Est ce qu'elles se distinguent des hommes ?

Oui oui bah y a des différences par exemple pour les affaires sensibles ou ciblées on va plus demander à une femme, tout ce qui est affaire de mœurs l'approche est plus facile pour la collègue et pour la victime. Elles ont plus de facilités à l'écoute et surtout au niveau de la mise en confiance de la victime.

Sur ces affaires là mais sur le reste comment ça se passe ?

Après sur les affaires de tous les jours, pas de différences, c'est une question de personnalité, de caractère plus que de sexe.

5. Avez vous le sentiment qu'elles puissent être victimes de machisme ?

Non franchement je le ressens pas... même au niveau des anciens je dirai qu'au contraire c'est plus le côté protecteur...

5. Pensez vous que le fait d'être une femme dans ce métier puisse être un atout ?

Heu ...Non...

108

Un handicap ?

Non plus... ça change rien...

5. Pensez vous que les femmes soient mieux intégrées à la police qu'avant ?

Je ne sais pas trop.... Je sais pas comment c'était avant.... Y en a plus qu'avant donc oui je pense que oui... Encore une fois les mentalités ont changé... évidemment j'imagine que oui...

5. Comment votre femme perçoit votre métier ?

Je lui en parle pas trop. Je lui raconte les situations cocasses, les trucs marrants. Elle me dit souvent que j'ai beaucoup de courage et beaucoup de patience. Elle a été et est très inquiète.

Quand vous vous êtes rencontré vous étiez déjà policier ?

On s'est rencontré j'étais en école de police... on se connaissait déjà avant...

5. Quels aspects de votre métier vous plaît le plus ?

Oula ! (il tousse, gêné) C'est compliqué comme question.. Parce que bon... j peux pas tout vous dire non plus... Bon la principale mission c'est l'aide et l'assistance aux personnes et aux biens donc j' vais dire ça... Quand j'ai vraiment le sentiment d'avoir aidé quelqu'un et d l'avoir vraiment sorti de la mouise ... Face à certaines situations où on arrive à une issue favorable pour la victime. Ouais voilà c'est ça... Le sentiment du devoir accompli.

Vous l'éprouvez souvent ce sentiment ?

Sinon c'est toujours un peu le même type de situations... J' dirai pas qu'on devient insensible mais bon... que bah... c'est notre boulot quoi.... On est pas affectés. Sauf des cas très particuliers. Avec l'âge, les années ; on s' endurcit, c'est notre quotidien... On fait le boulot correctement et jusqu'au bout. Après le résultat est ce qu'il est puisqu'il appartient aux magistrats...

5. Comment alliez vous votre vie de famille et votre métier ?

Simplement... dès que je sors d'ici je suis plus au boulot... Bon on a quand même une déformation professionnelle... y a des choses qui 'm'interpellent plus que d'autres sûrement par rapport à un citoyen lambda... On est policier 24h/24 selon le code de déontologie.

Quand vous dites qu'il y a des choses qui vous interpellent c'est quoi par exemple ? Quand je croise des individus, des attitudes, mon regard est tout de suite attiré par des trucs qui vont pour nous nous paraître un peu bizarre, on arrive tout de suite à sentir que lui il est peut être susceptibles de faire une connerie enfin on sent quoi....

109

Enfin le dernier entretien est celui d'une femme de 64 ans retraitée de la police depuis 3 ans, elle était Brigadier chef principal.

A] PRESENTATION

1. Age, Grade, Etat Matrimonial, Enfants

64 ans, Brigadier Chef Principal, Divorcée, un fils de 42 ans.

2. Depuis combien de temps travaillez-vous dans la police ?

Ça fait trois ans que je suis à la retraite.

3. Avez-vous des frères et sœurs ?

J'ai cinq frères et cinq sœurs.

4. Quelle était la profession de votre mère ? De votre père ?

Ma mère était femme au foyer et mon père menuisier modeleur

5. Parcours antérieur : qu'avez vous fait avant d'entrer dans la police ? Travail ? Études ?

Je travaillais dans un laboratoire pharmaceutique pendant quatre ans. J'ai passé un concours et voilà.

6. Pensez vous que quelqu'un de votre entourage vous ait influencé dans ce choix ?

Non. J'avais un cousin policier mais c'est pas lui qui m'a influencé. Ça s'est fait comme ça.

7. Est ce que d'autres événements ou facteurs ont pu vous influencer ?

Non non... je pense pas... c'était simplement un hasard. J'avais envie de changer de profession et voilà.. ça s'est fait comme ça...

8. Quelles ont été vos motivations à entrer dans la police ?

Je savais qu'on recherchait des policiers et ce métier me plaisait.

9. Quelle a été la réaction de vos parents ? De vos proches ?

Ils étaient étonnées et contents.

110

B] LA CONVERSION AU METIER : CONCOURS ET FORMATION

1. Le concours : Y avait-il beaucoup de femmes qui passaient le concours en même temps que vous ? Combien ? Pensez vous qu'il est discriminant pour une femme ?

Non. J'étais la seule femme. J'ai passé le concours en 1986 c'était les débuts...

Non je ne pense pas qu'il soit discriminant.

2. La formation : Avez vous été confrontée, directement ou indirectement à des formes de discrimination ?

Non non, une seule fois oui le formateur nous avait dit « c'est un travail d'hommes » il me comptait pas dans le groupe, du coup j'ai levé le doigt et j'ai dis « excusez moi mais je suis une femme » et il s'est excusé, il avait juste complètement zappé qu'il y avait une femme dans le groupe ! C'était rare à l'époque !

3. Y-avait-il d'autres femmes que vous lors de la formation à l'école de police ? Combien ?

Non.

Alors ça se passait comment si vous étiez la seule ?

Non j'étais bien, à la formation ça se passait bien tout le monde était gentil avec moi donc c'était plutôt un atout au moment de la formation.

4. Que pensez-vous du régime compensatoire (barème différent pour les femmes et pour les hommes) ?

Pour le sport c'est normal que le barème ne soit pas fait de la même façon, nous ne sommes pas fait pareil les hommes sont beaucoup plus musclés donc c'est normal... On a pas les mêmes capacités physiques que les hommes.

5. Pensez-vous qu'une femme policier ait autant de chances que ses collègues masculins d'évoluer dans sa carrière ?

Oui mais il faut qu'elle prouve deux fois plus que les hommes.

6. Pensez-vous que les femmes doivent davantage faire leurs preuves que les hommes dans ce métier ?

Oui

Par rapport à quoi ?

Il faut s'investir beaucoup plus ! Disons que les hommes sont très jaloux des femmes dans le travail, ils sont très machos... il faut toujours s'imposer sinon ils essayent toujours de nous écraser, ils estiment que ce n'est pas un métier de femmes etc... enfin c'est pas tous qui

111

pensent de cette façon, y en a qui pensent que les femmes sont plus réfléchies, j'ai eu des collègues qui m'ont dit « tu sais la nuit quelque fois je préfère travailler avec toi plutôt qu'avec un homme parce que je me sens moins en danger » ça ça m'a fait plaisir... (sourire)

Du coup vous aviez une posture un peu particulière j'imagine?

Oui oui toujours plus dans le contrôle et je limitai beaucoup les relations d'amitié ou d'intimité avec les collègues.

7. Pour vous, qu'est ce qu'une carrière réussie ?

Faire son travail de policier correctement, être juste, ne pas faire le « cowboy » comme certains... parce que y en a il se permettent tout avec un uniforme... il faut rester juste.. pas se laisser influencer... Une carrière réussie c'est une carrière où tout se passe bien où il n'y a pas de bavure... Voilà … faut dire qu'on m'a mis des bâtons dans les roues parce que j'étais une femme. À une époque on était commandés par un commandant de brigade qui venait de la gendarmerie, il était très macho et ne voulait pas de femme au commandement, il m'a beaucoup gênée. Le grade de chef de police, qui a été supprimé d'ailleurs, j'aurai du l'avoir mais je ne l'ai pas eu parce qu'il ne voulait pas...

Par rapport au fait que vous étiez une femme ?

Oui oui ! J'aurai du porter plainte !

C] ETRE UNE FEMME-POLICIER

1. Comment vous sentez vous-perçue par vos collègues masculins ?

Ça dépend lesquels, y en a qui m'appréciaient et qui aimaient mon travail et d'autres qui étaient jaloux, qui n'aimaient pas être commandés par moi...

ça vous est déjà arrivé de devoir remettre les pendules à l'heure avec certains ?

Oui oui ! Mais toujours surtout sans agressivité ! Les hommes il faut leur parle comme à des enfants quelques fois...

2. Que pensez-vous de vos collègues femmes ? Est ce qu'elles se distinguent des hommes ? En quoi ? Ont-elles des caractéristiques communes ?

Oui j'ai eu des collègues femmes ! Ça se passait bien... après y a un peu de tout.. j'en ai eu une... c'était un cas elle (rires) elle elle couchait avec le responsable pour pouvoir faire ce qu'elle voulait elle voulait pas être sur le terrain elle voulait être dans les bureaux et elle essayait de commander quoi.... Après elle m'avait demandé si je voulais travailler avec elle mais moi j'avais pas voulu... je ne supporte pas les hypocrites...

ça arrive souvent vous pensez les arrangements comme ça ?

Ça arrive quelques fois oui... au début on m'avait proposé un nouveau poste parce que comme je fais de la compétition tout ça... du coup un gars que je connaissais m'avait dit « je te

112

préviens si tu viens viens dans mon équipe parce que sinon c'est pourri »... du coup j'avais pas envie de me compliquer la vie je n'ai pas changé...

Est ce qu'elles se distinguent des hommes ?

Chez les femmes... elles essayent de s'imposer...

Par quels moyens ?

Dans leur comportement elles sont beaucoup plus fermes que les hommes, sur le terrain surtout.

Elles s'entendent bien entre elles ? Est ce qu'il y a une solidarité particulière ?

Bah oui.. ça va... y a une solidarité... il faut parce que les hommes on tendance à nous manipuler ! À nous faire du charme par exemple... quand le charme ne marche pas ils sont agressifs.

3. Sont-elles selon vous aussi compétentes que leurs collègues masculins ?

Oui.

Sur les mêmes choses ?

Moi je dis que les hommes et les femmes sur le terrain sont complémentaires donc c'est quand même nécessaire qu'il y ait des femmes.

Complémentaires c'est-à-dire ? Qu'est ce que les femmes peuvent apporter ?

Elles réfléchissent davantage et calment plus facilement que les hommes.

4. Est ce qu'on leur confie les mêmes missions qu'aux hommes ?

Quelques fois la nuit il y a des préférences pour les hommes.. mais bon on s'est battues pour faire le même travail.. mais je pense que plus ça avance plus c'est égal je pense...

Si quelqu'un vient pour porter plainte pour viol ou violence conjugales on aura pas tendance à mettre une femme ?

Oui oui c'est mieux c'est sûr.. on est vraiment complémentaire ! C'est bien qu'il y ait des femmes.

5. Avez vous parfois le sentiment d'être victime de machisme ?

Oui oui !!!

Vous avez une anecdote ? Plusieurs ?

Ça me vient pas... oui moi j'ai eu des problèmes avec un collègues pour qui tout lui était dû, on lui avait supprimé... je devais faire une manifestation et il voulait la faire lui.. du coup il m'

113

a agressé et il m' a insulté... y avait des collègues qui étaient là et ils n'ont pas témoigné... c'était violent... j'aurai dû faire un rapport mais je ne l'ai pas fais.

Du coup je ne lui ai pas parlé pendant deux ans... je l'ai ignoré... au bout de deux ans il s'est excusé...

Pourquoi vous n'aviez pas fait le rapport sur le coup ?

Parce que c'était un pourri et qu'il se serait vengé.. c'était vraiment un pourri... c'est quelqu'un qui fait de la boxe il est champion de France de boxe et tout le monde en avait peur au travail... et je sais pas … je me suis dis il va être encore plus horrible si je fais le rapport... donc j'avoue j'ai eu un peu peur mais je me suis dis je vais lui faire autre chose, quelque chose qui lui fasse encore plus mal. Donc je l'ai ignoré complètement, même pas « bonjour », je passais devant lui il n'existait pas... moi je le vivais bien... Je me rappelle tout à fait au début on était allé courir ensemble et il croyait que comme je suis une femme que … enfin il me sous estimait quoi... je lui avais dis « je cours à ton rythme » et il m'avait dit « mais tu plaisante Tina ? J'ai dis « moi il n'y a pas de soucis » il avait 20 ans moi j'en avais 45 au bout de 10 minutes je lui dis « tes pulsations sont à combien ? » Il me dit « 190 et les tiennes ? » je lui répond « 145 » il me dit « on peut marcher » je lui dis « pas de soucis » et donc il aurait mieux valu qu'il court doucement... après il a voulu que je l’entraîne... il était impressionné... La compétition la course à pied ça m'a aidé à m'imposer à me faire respecter et puis surtout à me sentir bien...

6. Pensez-vous que le fait d'être une femme dans ce métier puisse être un atout ? Un handicap ? Dans quelles circonstances ?

Oui c'est un atout et un inconvénient en même temps je pense. C'est bien d'avoir des femmes dans ce milieu là... si j'avais été un homme j'aurai été responsable de la brigade j'en suis sûre...

7. Pensez-vous que les femmes sont mieux intégrées dans la police qu'avant ?

Oui avec le temps oui.

Comment vous l'expliquez ?

Étant donné qu'il y a davantage de femmes ça fait que ça devient un travail comme un autre... c'est banalisé quoi.

8. Est-ce qu'il y a des situations où vous vous sentez tiraillée entre votre rôle de policier et votre identité de femme ?

Non... il est vrai que quand je mettais un uniforme je n'étais pas la même que quand j'étais en civil, j'étais une autre femme.

C'est-à-dire ?

114

C'est-à-dire que j'étais plus … enfin j'étais moi même mais tout en ayant une carapace... un peu plus masculine... on est obligé sinon on ne peut pas faire ce métier y a pas de place pour les sentiments la peur tout ça.. moi j'ai jamais eu peur...

Vous avez déjà utilisé votre arme ?

Non.

Vous aviez le goût du risque alors ?

Oui oui mais je n'ai jamais eu vraiment peur je n'ai jamais perdu mes moyens dans mon travail.. c'est très important parce que sinon on peut mettre en danger notre collègue aussi … dans la vie de tous les jours c'est pareil je n'ai pas peur ;.. je fais attention mais je n'ai pas peur... souvent des copines me disent « ah bon tu vas courir à tel endroit le soir etc t'as pas peur ?! » je dis « beh non j'ai pas peur je fais attention quand je vois quelque chose de suspect j'accélère » j'ai déjà été agressée mais je me suis défendue.. j'ai appris à me défendre. Quand j'étais plus jeune j'ai failli être violée par un fou... c'était un fou.. et j'ai eu une réaction incroyable c'est- à-dire que j'étais avec une copine, c'était à la campagne, il pose sa mobylette un peu devant nous, ma copine il lui fait rien moi il me jette par terre il se met sur moi ! Moi j'ai eu une réaction ! Je l'ai repoussé avec mes pieds et j'ai couru couru couru super vite, je criai en même temps, et à la première maison j'ai ouvert il y avait quelqu'un .. j'ai eu de la chance.. c'était un fou je l'avais vu dans ses yeux... j'ai couru très vite en criant en même temps.. parce que le gars avait repris sa mobylette alors heureusement que j'ai trouvé une maison... ; ça m'a marqué, j'étais fière de la manière dont j'avais réagi...

ça vous a donné une force ?

Oui oui tout à fait, une confiance en moi... après j'ai appris à me défendre avec le Tonfa, l’aïkido, des prises tout ça... je sais une chose c'est que le hommes sont plus forts que les femmes donc on peut faire une prise et surprendre mais après il faut partir quoi... le mec sinon te massacre... c'est juste gagner du temps.

Vous pensez que cette anecdote a pu vous donner envie d'être policier ?

Inconsciemment peut être oui... le fait que je sache que je n'ai pas peur.. j'ai eu des collègues qui sont parties parce qu'elles avaient peur... elles avaient peur d'aller sur le terrain... dans ces cas là il vaut mieux arrêter... c'est vrai qu'il y a beaucoup et de plus en plus de gens très agressifs.. d'ailleurs on est beaucoup plus nombreux on est à 2 ou à 3 alors qu'au début moi des fois j'étais toute seule.

9. Comment votre conjoint perçoit-il votre métier ?

Quelques fois il avait un peu peur mais il s'est habitué en fin de compte... je l'ai rencontré j'étais déjà policier. Mais après avoir divorcé j'étais avec un gendarme, bon c'est vrai qu'on a des affinités, dans le sport notamment, y en a beaucoup qui sont sportifs...

115

10. Quel(s) aspect(s) de votre métier vous plaît le plus ?

Au départ c'était... j'aimais bien l'uniforme, pouvoir arrêter les gens (rires) ça me plaisait, mais pas spécialement pour les verbaliser non... souvent je demandai les papiers je leur posait des questions qu'est ce qu'ils faisaient dans la vie, quel travail ils faisaient donc je discutai moi j'avais de bon rapports avec les gens... j'arrêtai en principe quelqu'un qui n'avait pas mis sa ceinture et je verbalisai pas systématiquement je faisais de la prévention j'aimais bien faire de la prévention... Donner des renseignements tout ça.. j'aimais bien ce côté là...

Et sur ce que vous disiez sur l'uniforme c'est quoi la sensation que vous ressentiez ?

Le fait que j'ai un uniforme les gens nous regardaient différemment, on était très apprécié le fait d'être en uniforme... oui on avait une certaine importance.. c'est bête hein ! Bon après c'est passé mais au début je trouvais ça bizarre, les gens nous appréciaient parce qu'on était des policiers.

Vous avez vu ça changer non ?

Oui (rires) oui oui ça a bien changé ! Mais bon heu... après il reste des gens qui sont restés identiques...

Et ce qui vous a le moins plu ?

Tout ce qui était... voir la mort... c'est jamais très marrant...

On s'habitue ?

Oui... sauf pour les enfants et les accidents mais pour les personnes âgées par exemple on s'habitue oui... on mettait les scellés pour les cercueils tout ça... mais les jeunes et les enfants on ne s'habitue jamais c'est très traumatisant ! Je me rappelle un bébé... trois mois... (encore beaucoup d'émotions)... ça m'a hanté ça... on a pas le droit de pleurer... mais on est des êtres humains...

116

Table des matières

INTRODUCTION ................................................................................................................................... 8

I] L'accès des femmes à la violence légitime ...................................................................................... 8

II] Une recherche institutionnalisée ................................................................................................... 10

III] La féminisation de la Police Nationale, un objet scientifique ..................................................... 14

IV ] Hypothèses préliminaires et problématique ............................................................................... 16

V] L'élaboration de la démarche de recherche. ................................................................................. 17

V] LE PLAN ..................................................................................................................................... 22

Chapitre 1 : LES FEMMES ET LES PREMICES DE L'ENGAGEMENT DANS LA POLICE ......... 24

Section 1 : L'importance de l'enfance dans la construction de l’engagement ................................... 24

I] Le rôle de l'influence et de la socialisation primaire inversée ................................................... 24

II] La représentation médiatique des femmes policiers ou la diffusion d'un modèle de valeurs ... 26

Section 2 : Le moment et la nature du choix ..................................................................................... 31

I] La nature du choix liée au pouvoir symbolique de la profession............................................... 31

II] Les stratégies de légitimation. .................................................................................................. 36

Chapitre 2: LA CONFRONTATION AU REEL ET LA NEGOCATION DE LA CARRIERE .......... 41

Section 1: Les stratégies accompagnant la réalisation du projet professionnel ................................. 41

I] La conversion au métier: l'étape du concours et de la formation en école de police ................. 41

II] Devenir policier, s'intégrer à un monde essentiellement masculin. .......................................... 47

Section 2: Être femme policier, une double identité entre la féminité et le rôle social ..................... 53

I] Des chances (in)égales de faire carrière..................................................................................... 53

117

II] Entre identité de femme et identité de policier ......................................................................... 58

CONCLUSION ..................................................................................................................................... 64

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................ 67

I] OUVRAGES METHODOLOGIQUES ......................................................................................... 67

II] OUVRAGES GENERAUX SUR LA POLICE ........................................................................... 67

III] OUVRAGES SUR LA FEMINISATION .................................................................................. 68

IV] TRAVAUX SUR LE SEXE ET LE GENRE ............................................................................. 69

V] OUVRAGES CLASSIQUES ET SOCIALISATION PROFESSIONNELLE ............................ 70

118

Ce mémoire de recherche s'est intéressé aux trajectoires d'engagement des femmes

dans la police. La féminisation de la police est un phénomène qui n'est pas nouveau mais qui

fait toujours parler de lui parce qu'il remet fondamentalement en question la division sexuelle

classique du travail et surtout le rapport à l'usage de la force. Les femmes sont désormais

détentrices de la violence physique légitime. De ce sujet découlent de nombreuses questions :

quelles sont les facteurs qui peuvent expliquer que ces femmes s'investissent dans une carrière

socialement reconnue comme masculine ? Quelles sont les stratégies de ces femmes pour

s'intégrer dans un monde masculin ? Comment parviennent-elles à se légitimer ? La

virilisation est il un passage obligé ? Les femmes policiers ont-elles des chances égales que

les hommes de faire carrière ? Quelles stratégies sont mise en place pour parvenir à concilier

leur vie familiale et professionnelle ? Les femmes policiers sont elles caractérisées par un

dédoublement d'identité entre leur identité de femme et leur rôle social de policier ?

This research paper pointed it's interest in involvment trajectories of womens in the

police. The feminization of the police is a phenomenon that is not new but that has always

raised the attention because it fundamentally questions the traditionnal sexual division of

labor in the comparaison of the use of the force. Womens now hold a legitimate use of

physical violence. This issues arise many questions : what are the factors that may explain

why these womens are investing themselves in carreers that are recongnised as masculin

ones? What are their strategies to fit in a man's world ? How are they managing to legitimize

themselves ? Is virilization a must do ? Do Police womens have equal chances to career

opportunities ? What strategies are implemented to achieve a balance between work and

family life ? Are they characterized by an identity split between their female identity and their

social rôle as a policeman ?