Upload
univ-paris8
View
0
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
L3 ARTS-PLASTIQUES PARCOURS PHOTOGRAPHIE :
PROJET TUTORÉ
LA PHOTOGRAPHIE EN JEUX. LES FORMES ARTISTIQUES CONTEMPORAINES DU JEU A TRAVERS LA
PHOTOGRAPHIE.
Introduction
Selon Nathalie Heinich, l’art contemporain se base sur la singularité de la
proposition de l’artiste. Alors, est-il possible de développer des propositions basées
purement sur des jeux ou sur la dérision? Quelle est la frontière d’acceptation entre
le sérieux et la dérision ? Et la photographie, peut-elle servir à créer de formes
artistiques ou peut-elle en être une? À partir des concepts théoriques sur la nature
du jeu, ses modes de fonctionnement et ses impacts sur la réalité, ce travail cherche
déceler les formes artistiques à l’oeuvre dans les pratiques des artistes
contemporains, notamment à travers la photographie.
1. Entrer dans le jeu: Qu’est-ce un jeu ?
1.1 – Définitions du jeu La liste de définitions du mot « jeu » dans le dictionnaire est aussi vaste que
ses modalités. Pour cela on gardera seulement celles qui ont de l’intérêt pour le
développement de ce projet. Ce sont les suivants1:
- Activité d'ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin
utilitaire, et à laquelle on s'adonne pour se divertir, en tirer un plaisir. Ex:
Participer à un jeu.
- Ensemble des règles qui régissent un divertissement organisé. Ex: Se
conformer au jeu.
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
- Lieu où se pratiquent certains jeux ; espace délimité où la partie doit avoir lieu.
Ex: Balle qui est sortie du jeu.
- Manière d'agir de quelqu'un, d'un groupe en vue d'obtenir un résultat. Ex: Le
jeu subtil d'un négociateur.
- Action, attitude de quelqu’un qui n’agit pas sérieusement, qui cède au caprice
ou à la fantaisie. Ex: Contredire son interlocuteur par jeu.
Dans ces définitions on peut déjà identifier au moins quatre caractéristiques
attachées au jeu. D’abord l’idée d une activité volontaire à laquelle on s’adonne pour
en tirer un plaisir ; ensuite l’existence de règles qui le régissent ; après, l’idée
curieuse d’un espace actuel et délimité où il se déroule ; et finalement, une manière
d’agir visant un résultat, dont le dictionnaire Larousse nous donne un exemple assez
étonnant : « le jeu d’un négociateur ». Encore une dernière définition, déjà présente
dans l’antérieure, ajoute une action ou attitude pas sérieuse.
Or, on verra que ces caractéristiques ne sont pas aléatoires et on peut en
trouver des échos dans la pensée de philosophes et sociologues. Là où il s’agit d’une
activité volontaire qui vise le plaisir, on peut soupçonner un désir ou instinct. Là où il
y a des règles et un espace limité, on soupçonne une réalité temporaire. Enfin, s’il
suppose une manière d’agir, il nous indique une forme de représentation, un mode
d’être dans un contexte spécifique, et qui se base sur le non-sérieux.
1.2 – Friedrich von Schiller: L’« instinct du jeu » et l’esthétisation de la réalité
Sans se référer directement à l’activité du jeu, Schiller, dans son œuvre
« Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme » parue au XVIIème siècle, forge un
concept qu’il appelle « instinct du jeu »2. Cet instinct est le troisième qu’il définit et qui
sera comme un point d’appui pour les autres deux : l’« instinct sensible » et
l’« instinct formel ». Selon lui l’« instinct sensible » est celui qui définit la tendance de
l’être humain à subir à tout ce qui est changement et sensation, il s’agit d’un éternel
devenir dont la contrainte est de abolir l’unité de l’être, c’est à dire empêcher toute
ontologie personnelle3. De l’autre côte, l’« instinct formel » est une tendance
rationnalisante, qui pousse la personnalité à s’affirmer, c’est à dire la cherche par
exemple son essence et celle des choses pour les définir concrètement et se libérer
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
du temps à travers une vérité constante4. Il est impossible pour Schiller, de vivre
selon l’un ou l’autre instincts, soit même en équilibre entre les deux, sans tomber
dans un néant soit de l’un ou de l’autre, soit dans l’annulation leur réciproque dans le
cas de l’équilibre.
L’« instinct du jeu » viendrait donc comme une tendance conciliatrice d’un
rapport entre les deux derniers. Son objet ultime selon le philosophe serait la
« beauté »5, plus précisément sa production, dont le résultat, Schiller l’appelle
« forme vivante »6, puisqu’il concilie l’objet de l’instinct sensible qui est « la vie au
sens plus large »7 ou « toute présence sensible immédiate »8, avec celui de l’instinct
formel qui est « la forme, au sens figuré comme au sens propre »9. En d’autres
mots : une sensation rationnalisée, mise en forme, donc le réel actualisé. Cela
esthétiquement, c’est à dire, visant le plaisir, la « beauté ». Pour l’instant, il faudra
s’arrêter là, mais toujours gardant en vue ce but esthétisant de l’« l’instinct du jeu »
de Schiller, qui nous servira au long de l’analyse.
1.3 – Johan Huizinga: Les règles du jeu et l’hétérotopie du « playground »
Comme on a vu, un jeu se définit aussi par l’ensemble des règles qui le
régissent. C’est exactement cela que vient nous confirmer Huizinga dans son
classique sur la sociologie du jeu « Homo Ludens ». Selon lui les règles sont un
facteur très important pour le concept de jeu, et le joueur « must stick to the rules of
the game »10, au risque de briser ou même d’annuler le jeu en soi s’il sort des règles.
S’il le fait, « the game is over », tout le « monde-jeu » entre en collapse et nous
rejette dans la « vie réelle » à nouveau11. Si Huizinga utilise le terme « monde-jeu »
en opposée à la « vie réelle », c’est parce que pour lui, le jeu et ses règles « créent
de l’ordre, il est ordre », dans le sens qu’il ramène à une « perfection temporaire et
limitée la confusion de la vie »12 et ce faisant il met en place un monde temporaire13,
qui s’échappe et fait échapper le joueur au monde réel. Selon le sociologue, il y a un
autre aspect qui rend tel fait possible : « le jeu se distingue de la vie ordinaire en ce
qui concerne la localité et la duration »14, ce qui veut dire que le jeu se déroule de
façon spatio-temporelle. Donc, le jeu a un temps spécifique de duration, mais ce qui
nous intéresse le plus est qu’il a un espace donné « matériellement » que Huizinga
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
appelle « playground »15. Pour mentionner quelques exemples : « l’arène, la table de
jeu de cartes, le plateau, l’écran, le terrain de tennis, etc. »16. Là on voit explicitement
le jeu en tant que lieu. Une carte sort du jeu lorsqu’elle ne peut plus être utilisée
selon les règles ; pareil pour la balle de tennis qui s’égare dans un match de tennis,
ou pour un comédien qui part du plateau.
Dans cet acte du comédien, on commence déjà à entrevoir le caractère de
représentation du jeu, qui devient incontournable. Restons cependant un moment
dans cette idée du « playground » - cet espace idéal du jeu, où tout est contrôlé par
l’ordre des règles. Or, en ce moment on ne se trouve pas loin des « hétérotopies »
de Michel Foucault17, si le « monde-jeu » est l’ordre parfaite par rapport à la
confusion du réel, donc « il y a d’abord l’utopie », ainsi comme s’il a un
« playground » matériel – le type qui nous intérèsse - il est donc localisable18 dans le
réel. Même les exemples qu’utilise Huizinga coïncident avec ceux qu’utilise Foucault
pour les hétérotopies, notamment le théâtre et les lieux sacrés (le temple)19. Ces
hétérotopies fonctionnent naturellement elles aussi selon des règles établies comme
dans le jeu – ainsi le théâtre a ses règles, un lieu sacré a ses règles, etc - dont la
topologie en dépend. Ce qui nous intéresse le plus dans l’hétérotopie, en autre, c’est
son « sixième principe » que nous donne Foucault, où il dit qu’elles ont une fonction
qui consiste soit en dénoncer par contraste des aspects de la vie réelle comme
illusoires (plus illusoires même que les jeux), soit en compenser l’aspect désordonné
de la vie réelle20. Pour tous les effets, cette fonction revient à dénoncer ou
compenser quelque chose un caractère imparfait de la vie réelle, qu’on pourrait
mettre en rapport avec la tendance de l’« instinct du jeu » de Schiller, qu’associe
dans une « forme vivante » le devenir – le monde en désordre qui nous échappe - et
l’essence absolue en tant qu’une vérité illusoire. Dans ce cadre, l’hétérotopie c’est
l’espace idéal où nous amène l’« instinct du jeu » avec le but d’une expérience
esthétique créatrice.
1.4 – Hans-Georg Gadamer : L’art du jeu – le jeu comme représentation
Si l’on reste avec Schiller, pour qui le plaisir que vise l’« instinct du jeu » dans
l’homme est dans une manifestation esthétique, mais si l’on fait le moindre pas plus
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
loin en direction à cette idée de mise-en-forme qui réunit esthétiquement devenir et
l’unité, on se retrouvera immédiatement dans la représentation, à savoir celle de la
beauté de la « forme vivante ». Hans-Georg Gadamer dans son œuvre « Vérité et
Méthode » va plus directement au sujet: « Son mode d’être [celui du jeu] est donc
représentation de soi »21, c’est à dire, le sujet du jeu est la représentation à travers
lui-même. Pour y arriver, ce philosophe part de l’idée que chaque jeu impose une
tâche au joueur, que sa réussite à la performer va la représenter22 et, dans ce cas,
le joueur devient comme une pièce représentative dans le jeu. Donc, à l’image d’un
comédien de théâtre par exemple, le but des joueurs est de bien représenter son rôle
à la fois dans le spectacle et pour que celui-ci soit bien représenté pour le
spectateur23, puisque selon Gadamer c’est dans le spectateur seulement que le jeu
parvient à la plénitude de son « sens »24. Cela même si son « sens » est juste de
faire plaisir, ou même encore s’il n’y en a pas un, puisque le « non-sens » - d’ailleurs
qu’on découvrira plus loin au sein de la pratique des certains artistes être aussi
créateur de sens - ne prend place que devant le spectateur.
Cet achèvement du jeu de la plénitude de son sens à travers sa propre
représentation, Gadamer appelle « transmutation en œuvre », c’est le procès où le
jeu « atteint son véritable accomplissement, qu’est de devenir art »25. Selon lui, à
cette occasion les joueurs, ou bien les artistes, se dissolvent dans la représentation,
et « seul existe désormais ce qu’ils jouent »26, c’est à dire l’œuvre d’art et son
« sens ». Il faut noter aussi que l’œuvre d’art ne se montre au spectateur que dans
un espace et moment donné – il s’agit de l’hétérotopie de l’art à proprement parler,
son « playground », qu’on pourrait donner comme exemple les galeries, les centres
d’art et, de plus en plus dans l’art contemporain, l’espace urbain que l’œuvre d’art
transforme elle-même en hétérotopie. À ce point, si l’on reprend la fonction de
l’hétérotopie de dénoncer/compenser, on trouvera que l’achèvement de cette
plénitude de « sens » du jeu signifie, en effet, la réalisation de la dénonce ou
compensation en question. Le caractère, la tonalité et d’autres qualités associables à
la dénonce/compensation que visent l’œuvre d’art vont dépendre finalement de
celles de sa représentation en soi, puisque celle-ci est enfin le « mode d’être du
jeu ».
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
1.5 – Le jeu dans l’art contemporain
L’œuvre d’art est à la base un jeu et tout jeu a ses règles. Or, ces règles ne
sont pas tout à fait inventées, mais établies par rapport aux règles du genre artistique
auquel l’œuvre s’attache, ce que Nathalie Heinich appelle son « paradigme », et qui
définit plutôt un type de pratique et pas du tout sa localisation temporelle par rapport
à l’histoire de l’art. Celui de l’art contemporain selon Heinich consiste en un « régime
de singularité », ce que signifie que les œuvres d’art doivent toujours se singulariser
à travers une pratique innovatrice, c’est à dire « faire quelque chose qu’on n’a pas
encore faite »27. Cela, dans l’art contemporain, toujours de manière transgressive par
rapports aux valeurs de l’œuvre d’art elle-même tels qu’elles étaient définies dans les
paradigmes de l’art classique et moderne28. Par exemple, si dans l’art moderne
l’authenticité de l’objet et son « bon goût » étaient des valeurs de l’œuvre d’art, alors
dans la pratique contemporaine, la dématérialisation de l’objet au profit de la
valorisation de l’intention de l’artiste viendra les transgresser29. C’est le cas de
« Fountain » de Marcel Duchamp, où il met la valeur de l’œuvre dans son geste de
détournement d’un objet ordinaire, non authentique – un urinoir – et qui est aussi
opposé au « bon goût ».
On pourrait dire donc que la règle dans l’art contemporain est exactement
contester les règles. Marcel Duchamp l’a fait à travers ce geste, cette intention qui
représente une dénonce, à l’époque, du paradigme de l’art moderne. Le mode d’être
de son œuvre est la moquerie, la dérision. Selon Heinich la dérision est,
effectivement, une de formes les plus constantes dans les proposition artistiques
contemporaines30. Or, cette approche ludique n’est pas empruntée par pur je, si bien
qu’elle provoque souvent des rires. Comme on a déjà vu, le jeu visant une
représentation peut servir à exprimer une intention, plus précisément faire une
dénonce sur la réalité ou avoir un effet de compensation sur elle, c’est là où il devient
sérieux.
Ce n’est pas par hasard que la photographie est un de matériaux le plus
utilisés dans le cadre de l’art contemporain. Dans un genre d’art où l’intention ou le
geste devient un élément principal du jeu, il faudra des moyens pour permettre ces
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
gestes d’être montrés, ces intentions d’être rendues visibles et diffusées. Il nous
reste voir comment cela prend place, comment va fonctionner ce jeu.
2 – Les formes du jeu
2.1 – Mise-en-scène et jeu photographique
Rien de plus adéquat pour rentrer dans le monde du « jeu photographique »
que le travail de Bernard Faucon. Dans sa série « Les Grandes Vacances », le
photographe crée un « monde-jeu » à travers la photographie en mettant-en-scène
des mannequins taille enfant avec un décor presque entièrement construit par lui.
Dans ce « monde-jeu » prennent place des situations extraordinaires, basées sur
une enfance marquée par une difficile adaptation à la réalité31 face à des désirs
interdits et un développement précoce de la sensibilité32. Ce que Faucon paraît
chercher à travers ses images, c’est à dire « l’instinct du jeu » qui le guide, est une
forme de compensation par rapport à cette « enfance qui est nostalgie d’un Eldorado
jamais atteint, et souvenir d’un futur possible, peut-être à cause de l’intensité du
désir »33.
Dans une de ses images présente dans « Les grandes vacances II » on voit
un groupe formé par un vrai garçon et trois mannequins qui semblent concentrer leur
attention sur le premier, ils tiennent tous des boissons, ce qui nous fait penser à une
fête, et sont en extérieur sur une pelouse. Derrière eux on voit une construction qui
brûle, mais qui soit les personnages ignorent, soit elle fait partie de la fête. Le garçon
vivant règne absolument dans l’image. On pourrait interpréter sa présence comme
celle d’un être singulier par sa beauté et personnalité, mais aussi comme un enfant
déplacé dans un monde d’absurdité et d’une enfance stéréotypé suggérée par les
mannequins.
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
Dans l’image « Le verre cassé », la scène est en intérieur, où deux
mannequins sont dérangés par une extraordinaire tempête qui vient de l’extérieur par
la fenêtre, fait tout basculer et fait tomber les verres de la table à la gauche. Le
mannequin débout en premier plan semble s’étonner en pointant la fenêtre, tandis
que au deuxième plan le mannequin assis se courbe face à l’explosion vers la
derrière avec une magazine qui risque de s’envoler.
Ce que les deux images ont en commun c’est la représentation fantastique de
l’extérieur comme quelque chose d’absurde. Selon le propre Bernard Faucon, le
dehors est le symbole de « l’immensité du cosmos, des lois absurdes, de la vie
sociale… Tout ce dont on doit faire l’apprentissage et qu’on perçoit d’abord comme
une menace »34. Telle est la conception de la réalité pour un enfant singulier comme
a été Faucon. Ce qu’il fait alors dans son travail est de jouer avec cette conception,
avec des éléments qui peuvent être considérés eux mêmes comme jouets – les
mannequins, à travers aussi d’une logique ludique innocente mais révélatrice de
l’imagination d’un enfant, pour créer un monde dont lequel il est le « maître » qui peut
l’organiser de façon à refléter « tout à la fois un point de vue sur le réel et son propre
désir intime »35.
Pour construire ce monde, Bernard Faucon utilise la photographie. Il faut noter
qu’il conçoit toujours ses images mentalement de sorte qu’elles soient très claires
dans sa tête pour qu’il puisse ensuite tout mettre en place pour finalement faire la
2. De la série « Les Grandes Vacances II », Bernard Faucon (1976-1981)
3. « Le verre cassé », Bernard Faucon (1979)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
prise de vue. Immédiatement après la prise, Faucon se débarrasse complètement de
la scène construite, et tout ce qui reste de ce monde est l’image capturée. Cela
révèle combien son jeu dépend et est dirigé par les règles de la photographie. Sans
les propriétés du moyen photographique, tout son monde-jeu serait inconcevable.
L’apparence matérielle des mannequins, des décors et de tous les autres éléments
présents dans ses images sont organisés pour être photographiés et pour n’exister
dans l’image. Dans ce cas, on pourrait dire que son « playground » devient l’espace
de représentation de la photo, une hétérotopie qui vise une compenser la réalité de
son enfance difficile.
Malgré toute la fantaisie et absurdité, le mode d’être du travail de Faucon
reste dans une tonalité sérieuse, énigmatique, poétique, plutôt que dérisoire, ce qui
n’est pas le cas dans l’œuvre des allemands Anna et Bernhard Blume. Lorsqu’on
parle de dérision dans la photographie, le travail de ce couple est un des modèles les
plus exemplaires. Nommés par la presse française « les fous du logis »36 qui font des
« autoportraits chavirés »37, les Blume utilisent l’appareil photo « comme des jouets
qui leur permettent de raconter des petites histoires »38. Rien de plus naturel si on
évoque l’idée de Villém Flusser, pour qui « l’appareil photo libère l’homme pour le
jeu »39 ; selon lui l’appareil photo est une machine qui a un « texte »40, c’est à dire un
outil qui est construit pour fonctionner toujours selon le même programme, les
mêmes règles, dans le cas celles liées à la perspective, les réglages possibles et la
caractéristique de la formation instantanée de l’image. C’est à son utilisateur de tout
simplement jouer avec elles, au contraire du peintre qui doit créer sa propre forme de
représentation. Or, les Blumes jouent très bien ce jeu, on dirait même qu’ils sont
ceux qui s’amusent les plus en le faisant. Le flou de l’objectif et de mouvement, le
cadrage tort qui découpe des parties du corps : ce qui pourrait être considéré comme
erreur technique du photographes signifie chez eux la réussie de l’image.
Dans leur série « Kitchen Frenzy », une femme (Anna Blume) se trouve au
milieu d’une routine petite-bourgeoise allemande qui paraît échapper à son contrôle
et se révolter contre elle. Des pommes de terres gagnent vie propre, elles flottent,
volent partout, s’organisent en groupes pour attaquer la personnage terrifiée. Tout
cela grâce à la propriété de la vitesse de l’obturateur qui fixe un instant d’une action,
enregistrant des objets qui ont l’air de défier la gravité, le cadrage qui déstabilise la
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
perception. Encore une fois on trouve un monde-jeu qui n’existe qu’en fonction de la
photographie.
Ainsi comme Bernard Faucon, les Blumes construisent ses propres images
mais, tandis que Faucon procède par un agencement très rigoureux des objets du
décor, les Blumes procèdent par la performance, en se mettant en scène eux mêmes
dans leur monde fermé. L’autre différence c’est que leur hétérotopie vise non une
compensation, mais une dénonciation. Ils veulent dénoncer à travers le burlesque la
médiocrité du monde petit-bourgeois allemand. En y ajoutant des phénomènes
extraordinaires, ils veulent faire voir l’autre absurdité qu’est celle d’une routine
domestique programmée, censée d’être la norme pour une vie idéale de bonheur,
représenté par l’image stéréotype de la femme au foyer qui cuisine tranquillement
pour son mari qui arrivera affamé du travail.
Mi-chemin entre la performance et l’agencement, entre la poésie et la dérision,
entre la compensation et la dénonciation, on peut retrouver l’américain Duane
4-11. « Kitchen Frenzy », Anna et Bernhard Blume (1986)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
Michals. Dans son jeu la règle est la séquence photographique, c’est à dire qu’on voit
le dérouler de ses jeux par fragments, et chaque fragment nous dévoile le
mécanisme du jeu, sa tonalité. Lorsqu’il ne se met soi-même en scène, il oriente ses
modèles pour représenter devant l’appareil dans une espace choisi et décoré
spécialement pour le jeu. La narrative créée par l’ensemble nous fait accéder à son
sujet, souvent de l’ordre de l’invisible : la sexualité, la religion, la mort, l’identité, etc.
On peut trouver dans la séquence « Paradise Regained » par exemple, en
même temps le thème de la sexualité et de la religion. Le jeu commence avec une
image simple qu’établit le contexte initial : un homme et une femme sont dans un
bureau avec son décor typique, ils sont habillés selon les règles d’un lieu de travail. À
la mesure que le jeu se déroule les objets du bureau commencent à être transfigurés
en éléments de la nature, et les personnages perdent ses vêtements, jusqu’à ce que
dans la dernière image on les retrouve nus comme Adam et Ève dans le paradis,
entourés par la nature, libérés de la corruption de la civilisation, des tissus et des
outils qui condamnaient leur sexualité.
Dans une autre séquence appelée « I Build a Pyramid », faite en Egypte,
Michals se met en scène devant les pyramides de Giza. La première photo montre
les vrais monuments au fond et le propre photographe qui tient un grand caillou. Le
jeu commence et à chaque image de la séquence on voit plus de cailloux empilés et
12. « Paradise Regained », Duane Michals (année inconnue)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
le photographe qui les apportent. L’avant-dernière image montre la pyramide
construite par Michals qui part de la scène, suivi de la dernière image qui montre la
pyramide « fausse » de façon qu’elle semble être plus grande que les vraies. Il s’agit
de parler de la mort et du désir d’être immortel. « Au départ, la séquence de Michals
paraît une blague de touriste », écrit Max Kozloff, mais plus que critiquer le
stéréotype du touriste photographe, et « pour plus ridicule qu’elle sonne »41, son
action a l’intention de manifester ironiquement cette volonté de perpétuité qui est de
l’ordre de l’invisible – comment faire voir la mort ou la volonté d’être immortel ?
À la fois recherche de compensation d’une réalité contraignante et
dénonciation de la vraie nature humaine, mixte entre burlesque et poésie, le travail
de Michals reste un jeu photographique. Non seulement parce qu’il ne se montre que
par la photo, mais parce que sans la photographie et ses propriétés il n’existerait
pas. Telle est aussi la caractéristique qui unit l’œuvre de ces trois photographes. Si
chez un d’eux il s’agit de compensation et chez l’autre de dénonciation, si là il y a de
la poésie pure et ici de la plaisanterie, dans tous les trois les règles du jeu marchent
basées sur les règles de l’appareil photo. Ce qu’ils font avec le « texte » de la
photographie est le détourner de sa fonction d’origine, celle des modernes, de
reproduire ou documenter une réalité objective ou donner à voir la réalité à travers un
« regard » absolu42.
13. « I Build a Pyramid », Duane Michals (1978)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
Dans ce trois cas l’appareil n’est pas seulement un instrument pour
enregistrer, mais il joue un rôle décisif dans le jeu/représentation, et sans lui la
représentation ne pourrait pas exister. Pour cela on pourrait l’appeler « jeu
photographique ». Un autre détail important c’est que ces « jeux photographiques »
sont contrôlés et nettement séparés de la vie réelle, en aucun moment est acceptée
l’interférence de la réalité extérieure dans la réalité photographique, puisque cela
signifierait une césure dans les règles de ce type de jeu.
2.2 – Récit et jeu documentaire
Entre les jeux utilisés par les artistes contemporains, il y en a un autre type
qu’utilise la photographie. Si dans le « jeu photographique » les artistes détournent
les fonctions d’origine de l’appareil photo pour créer des nouveaux « mondes-jeu »
de nature fictive, dans cet autre type de jeu ils feront le contraire : c’est la fonction
d’enregistrement documentaire en elle même qu’ils utiliseront, sans la détourner,
pour pouvoir garder des traces représentatives de ses jeux, puisqu’ils consistent
souvent à des performances, des interventions ou des événements éphémères qui
ont besoin d’une documentation pour être diffusés.
Un peu comme Duane Michals, Tibor Gyenis, dans son travail « Ten
Superfluous Gestures », conçoit des scènes pour être photographiées. Pourtant dans
son cas les scènes ne se passent pas dans un monde de fantaisie mais dans le
monde réel, et ont une relation de dépendance avec lui. Le jeu de Gyenis consiste à
mettre en scène et documenter des gestes inutiles dans le monde réel pour faire voir
quelque chose d’invisible, en termes foucaldiens, des « rapport de forces »43 qui
passent à travers ces images de gestes.
Par exemple dans une des images un homme polit les rails d’un chemin de fer
abandonné. Son geste en soi ne mène à rien nécessairement, mais nous fait penser
aux renouvellement de patrimoines historiques, ou l’abandon de ce qu’était avant un
symbole du l’époque moderne. Ce chemin de fer est abandonné par une raison : il
est devenu obsolète face aux avances technologiques et des nouveaux paradigmes
de transport et communication. Faire une telle image est un geste qui nous possibilite
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
plusieurs interprétations, dès la dénonciation d’un passé abandonné, jusqu’à la
moquerie d’une époque moderne, et par là même d’une moquerie de l’art moderne.
Dans une autre image on voit un homme assis qui s’éclate à fumer un cigare,
tandis qu’un autre, en tenue de servant, paraît lui servir le feu. L’image n’a pas de
décor, le fond est noir et la seule lumière est concentrée sur l’homme qui fume. Cela
nous aide à nous concentrer dans le geste. Encore une fois l’action – fumer - ne
mène à rien sauf au plaisir ou à la distraction, et cela nous fait questionner à la fois
tous les actes inutiles performés par les humains, qui représentent un certain luxe,
mais qui ne contribuent qu’à la propre annihilation de l’être humain : la maladie, la
soumission d’un être à l’autre basée sur un position social ou racial.
On voit que les gestes représentés sont superflus et ne visent rien dans le
monde réel. Cette stratégie de « partir de rien », ou de presque rien, est partagée par
Boris Achour dans son œuvre « Actions-peu » où il sort et transforme la ville en
terrain de jeu. Les règles ici ne sont pas définies par l’appareil photo, mais par
l’artiste uniquement. Il s’agit de faire des interventions minimales et éphémères dans
le milieu urbain, d’organiser ou désorganiser des choses dans l’espace44. Peindre
des objets trouvés dans la rue, poser d’autres dans des endroits inespérés,
assembler encore d’autres pour en faire une sculpture burlesque.
14 et 15. « Ten Superfluous Gestures », Tibor Gyenis (1999)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
Ce type de jeu peut-être vu, par une durée déterminée, par tous ceux qui
passent par ces espaces publiques. Il n’a pas besoin de la photographie pour
prendre place et, au lieu de se créer un « monde-jeu » séparé du réel, Achour sort
jouer dans le réel. Frustré dans son atelier, il a voulu sortir et faire ces interventions
dans le lieu public pour que les gens voient son travail, c’est ce qu’importe pour lui45.
Ce faisant, il « se passe sa propre commande de sculpture publique »46. Dans ce
cas, il cherchait à la fois compensation et dénonciation de la réalité du monde
artistique à travers la mise-en-question de son mode de fonctionnement et de l’objet
artistique. Ses actions sont minimales, presque invisibles pour une personne qui
marche pressée dans la rue, mais pour « peu » que soient ces actions, elles ne
tendent pas vers le rien47, c’est à dire ce n’est pas par pur jeu d’amusement. Elles
partent de rien, ou de presque rien, mais pour provoquer un effet. Bien sur, à cause
de l’aspect de jeu e de son mode burlesque d’être, un passant qui remarque l’action
peut tout simplement penser que c’est du nonsense, fait pour quelqu’un qui voulait
16-19. « Actions-peu », Boris Achour (1993-1997)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
juste s’amuser, mais il peut aussi être amené à réfléchir sur les vraies questions que
l’action pose.
Un autre artiste qu’utilise le nonsense et qui joue dans le monde réel c’est
Francis Alÿs. Il le fait à travers des actes beaucoup plus absurdes, et les résultats
sont souvent ambigus et polémiques, puisqu’ils visent normalement toucher des
grandes questions politiques. Sa stratégie est de créer des jeux tellement délirants
que, après leur diffusion, ils deviennent presque des légendes urbaines, des fables.
Dans son travail « When Faith Moves Mountains », Alÿs mobilise un groupe
de 500 bénévoles avec une pelle chacun pour déplacer une montagne de sable dans
le désert du Pérou. Il s’agit de la réalisation du fameux proverbe et titre de l’œuvre
« la foi déplace les montagnes ». L’artiste a eu l’idée lors d’une visite au Pérou en
2000, pendant que le pays passait par une crise politique. Il nous dit que c’était une
« situation désesperé, qui appellait une ‘réponse épique’, en même temps futile et
héroique, absurde et urgente »48.
Ici, Alÿs a crée le jeu et a convaincu plus de 500 personnes à jouer, malgré
l’absurdité de la proposition. Ce faisant, il a crée un événement qui a eu beaucoup
d’impact sur les médias et dans la communauté locale, qui a son tour a fait le
« bouche à oreille ». Pour enregistrer l’événement, il utilise non seulement la
photographie, mais aussi la vidéo. Cette documentation permet de valider
l’événement à travers un récit. Alÿs voulait que l’histoire raconté et diffusé « survive à
20 et 21. « When faith Moves Mountain », Francis Alÿs (vidéo) (2002)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
l’événement »49, c’est à dire, qu’elle gagne une place dans la mémoire des locaux et
comme une fable, « qu’il intervienne dans l’imaginaire de cet endroit », que la
communauté « lui attribue du sens et de la valeur sociale »50. C’est l’artiste qui
organise le jeu, mais c’est comme si le peuple en jouant, construisait sa propre
légende et source d’inspiration pour prendre conscience politique. Techniquement, ils
n’ont pas déplacé toute la montagne, mais en l’essayant, ils auront crée cette
véritable fable, et avec elle, une voie pour la réflexion critique de leur situation
sociale.
Ce type de jeu dans le réel, avec l’aide des images qui le documente (soit
photographie, soit vidéo) a comme but la dénonciation qui est faite tout de suite et la
compensation qu’elle inspirera à chaque fois que l’histoire crée sera racontée ou
remémorée. Elle mélange réalité et fiction et brise la distinction entre les deux en
visant un effet pratique dans le réel, c’est à dire elle crée une nouvelle matière
première culturelle (la fable) au sein d’une communauté.
Or, si on parle en création d’histoires vraies, on est déjà dans l’œuvre de
Sophie Calle. Le mélange entre les règles du jeu et celles de la réalité, aussi bien
que la création de récits réels configure la stratégie principale dans toutes ses
œuvres. Comme Alÿs, Calle procède par la création de situations absurdes, toujours
soumises à des règles qu’elle invente ou qu’on lui impose, ensuite elle introduit soit
son propre être et histoire intimes, soit ceux d’autres personnes, soit les deux en
même temps.
22 et 23. « When Faith Moves Mountains », Francis Alÿs (2002)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
« Le rituel d’anniversaire » est l’exemple le plus symbolique de sa stratégie.
Le propre livre qu’est une des formes de la publication de ce travail, commence par
un table où est écrite « La règle du jeu »a. Dans cette table elle explique que Paul
Auster, dans son livre « Léviathan », s’est « servi de certains épisodes de [sa] vie
pour créer […] un personnage de fiction prénommé Maria »51. Cela veut dire que son
jeu avait commencé déjà dans une autre œuvre et déjà en mélangeant la vraie vie
(les épisodes de la vie de l’artiste) et la fiction (le livre de Paul Auster). Ensuite Calle
nous informe qu’il fait partie de la règle du jeu maintenant d’inverser la situation : elle
s’imposera rigoureusement les rituels qu’Auster a crée pour le personnage Maria,
pour « tenter de devenir un personnage de roman »52.
Dans ce cas il s’agit de s’imposer « Le rituel d’anniversaire » tel qu’il est décrit
dans le livre : à chaque jour de l’anniversaire de Sophie, elle doit inviter le nombre de
personnes correspondant à son âge, plus un inconnu amené par un des invités ; les
cadeaux apportés par chacun d’eux ne devra pas être utilisé, mais conservés comme
des preuves d’affection, ce que l’artiste va faire et documenter à travers la
photographie des objets rangés dans des placards en verre et des textes
minutieusement documentaires. Dans son livre, elle pose côte à côte les
photographies et les textes pour chaque année. Ce faisant elle crée un nouveau
récit, avec un ton documentaire, presque un reportage sur un rituel insolite.
Le détail ici est que, pour plus documentaire qu’il se veuille, de son intégralité
on ne connaît que ce qui est montré et écrit, ce qu’est présenté comme preuve. Ces
preuves sont très minutieuses, pourtant on ne voit pas des images avec tous les
24 et 25. Reproductions du livre « Rituel d’anniversaire », Sophie Calle (1998)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
invités, ni d’autres types d’images de « making-off ». On a les causes et les effets
présentés en fragments, mais on n’a pas la vision du dedans. Ces trous, on pourrait
dire laissés expressément par Sophie Calle, sont alors, comme dans les récits,
remplis par l’imaginaire du spectateur, qu’en ce moment entre aussi dans le jeu en
se demandant par exemple « comment serait vivre ce rituel ? ». L’ « histoire vraie » -
déjà assez absurde – devient donc dans l’imaginaire de ceux qui la lisent, encore
plus extraordinaires.
3. Conclusion
On a vu que les jeux peuvent définitivement être des stratégies pour
composer des propositions artistiques, et même qu’aujourd’hui l’idée du jeu est une
des stratégies les plus constantes de l’art contemporain. Les formes finales des jeux
qu’utilise la photographie vont dépendre du rôle de l’objet technique dans l’œuvre,
ainsi comme le rôle de l’appareil photo va dépendre de la forme finale souhaitée. Ce
qui n’empêche que les modes d’être de ces jeux et les effets produits ou visés
puissent être les plus variés possibles, indépendamment du rôle de la photographie
dans l’œuvre.
26 et 27. Vues de l’exposition « Relatos » à la Fundació La Caixa, Barcelone (1997)
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
On a pu identifier deux stratégies différentes, c’est à dire deux rôles différents
que la photographie joue dans ces jeux. Nous les avons appelés « jeu
photographique » - celui qui dépend de l’appareil et des ses règles pour fonctionner
et le « jeu documentaire » celui où il participe dans la documentation du jeu.
Le fait d’avoir une image photographique idéale comme but, c’est à dire de
concevoir le jeu où la photographie joue un rôle axial et déterminant, configurerait le
« jeu photographique ». Telle utilisation de l’appareil photo définit le fonctionnement,
les actions et les gestes possibles dans le jeu, ce sont les cas où sans la
photographie le jeu en question ne serait pas réalisable.
De l’autre côté, il y a des jeux qui configurent des œuvres qui ne dépendent
pas de l’appareil photo pour prendre place, mais l’utilisent – seul ou conjugué avec
d’autres pratiques – de façon documentaire pour donner une existence postérieure et
être diffusées en tant que formes finales qui fonctionnent comme des récits.
Ce deuxième type - à cause de sa fragmentation ou de l’insuffisance
caractéristique des moyen dits documentaires de restitution totale d’une action
performée dans le réel - a la tendance à développer d’autres caractéristiques avec le
temps, souvent de l’ordre de l’absurdité, renforcées par l’imaginaire des spectateurs
qui passent à faire partie du jeu en venant combler les espaces vides de la
représentation et augmenter la fiction des récits crées.
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
Notes : 1 Dictionnaire Larousse web : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/jeu/44887
2 SCHILLER Friedrich von, « Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme », trad.
Robert Leroux, Paris 1996. Pg 136
3 ibid. pg 125
4 ibid. pg 126
5, 6, 7, 8, 9 ibid. pg 139
10 « despite his ardent desire to win, he must still stick to the rules of the game ».
HUIZINGA Johan, in Homo Ludens, Temple Smith London, 1970 pg. 29
11 « Indeed, as soon as the rules are transgressed the whole play world collapses.
The game is over. The umpire’s whistle breaks the spell and sets real life going
again ». ibid. pg 30
12 « Inside the playground an absolute and peculiar order reigns. Here we come
across another, very positive feature of play : it creates order, is order. Into an
imperfect world and into the confusion of life it brings a temporary, a limited
perfection. » ibid. pg 29
13 « All are temporary worlds within the ordanary world, dedicated to the performance
of an act apart » ibid. pg 29
14 « Play distinct from ordinary life both as to locality and duration. […] It is played out
within certain limits of time and place. » ibid. pg 28
15 « All play moves and has its being within a playground marked off beforehand
either materially or ideally, deliberately or as a matter of course. » ibid. pg 28
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
16 « The arena, the card-table, the magic circle, the temple, the stage, the screen, the
tennis court, the court of justice, etc., are all in form and function play-grounds » ibid.
pg 29
17 FOUCAULT, Michel, in « Le corps utopique, suivi de Hétérotopies », éd Lignes,
2009
18 « des lieux réels, des lieux effectifs […] qui sont des sortes de contre-
emplacements, sortes d'utopies effectivement réalisées dans lesquelles les
emplacements réels […] sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes
de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement
localisables ». ibid.
19 « le théâtre fait succéder sur le rectangle de la scène toute une série de lieux qui
sont étrangers les uns aux autres » ibid.
20 ibid.
21 « Le jeu se borne effectivement à se donner en représentation. Son mode d’être
est donc représentation de soi ». GADAMER Hans-Georg, in Vérité et Méthode,
Éditions du Seuil, 1996 pg 126
22 « Ce qui précise en quel sens jouer c’est jouer à quelque chose. Chaque jeu
impose une tâche à l’homme qui y joue. […] On peut dire que la réussite d’une tâche
met celle-ci sous les yeux, la représente. » ibid. pg 125
23 « Or représenter c’est toujours virtuellement représenter pour quelqu’un » ibid. pg
126
24 « C’est dans le spectateur seulement qu’il parvient à la plénitude de son sens. Les
joueurs jouent leur rôle comme dans n’importe quel jeu ; c’est l’ensemble composé
des joueurs et des spectateurs. En fait, c’est celui qui ne participe pas au jeu et se
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
contente de regarder qui fait du jeu l’expérience la plus authentique : c’est à lui que le
jeu se représente tel qu’on l’entend. » ibid. pg 127
25 « La transformation par laquelle le jeu humain atteint son véritable
accomplissement, qui est de devenir art, je l’appelle la transmutation en œuvre. »
ibid. pg 128
26 « Les joueurs ou l’écrivain n’existent plus, seul existe désormais ce qu’ils jouent »
ibid. pg 130
« À ce moment seulement il se montre en quelque sorte détaché de l’action
représentative des joueurs pour ne plus consister que dans la seule manifestation de
ce à quoi ils jouent. »
27 15"30’. HEINICH Nathalie, « L’art contemporain n’est-il qu’un discours ? » in « La
grande table », émission radiophonique sur France Culture, disponible sur
http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4812916
28 HEINICH Nathalie, in « Le Paradigme de l’art contemporain », éd. Gallimard, 2014
29 ibid. pg 128
30 HEINICH Nathalie, in « Art contemporain, dérision et sociologie », revue Hermès no
29, 2001
31, 32 Au long de son oeuvre, Pierre Borhan nous offre plusieurs passages où il met en
avant, souvent à travers les mots du propre Bernard Faucon, les difficultés
d’adaptation de cet enfant confondu par son désir pour d’autres garçons et ses
tendances précoces à la poésie et l’art. BORHAN Pierre, « Bernard Faucon », Col.
« les grands photographes » Belfond 1988
33 « enfance qui est nostalgie d’un Eldorado jamais atteint, et souvenir d’un futur
possible, peut-être à cause de l’intensité du désir » ibid. pg 64
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
34 ibid. pg 69
35 CAUJOLLE Christian, « À quoi jouent-ils ? », Actes Sud / Rencontres d’Arles, 1995
36 « Les fous du logis » Télérama 3156, Mercredi 7 Juillet 2010
37 « Les autoportraits chavirés des allemands Anna et Bernhard Blume », Le Monde,
25 décembre 1997
38 ECOTAIS Emmanuelle de l’, «Anna & Bernhard Blume SX-70 / Polaroïds, 1975-
2000», Editions Walther König, 2010
39 FLUSSER Vilém, « Pour une philosophie de la photographie », Circé, 2004. Pg 35
40 « Ce qui m’intéressait relevait de l’invisible, du métaphysique : la vie après la mort,
l’aura de la sexualité – l’atmosphère qui l’entoure plutôt que sa pratique. Ce sont des
choses que l’on ne voit jamais dans la rue. Il a donc fallu que j’invente pour créer des
situations que puissent exprimer et explorer cela » LIVINGSTONE Marco, in « Duane
Michals – Photographe de l’invisible », éd de la Martinière, 1998 pg 7-8
41 KOZLOFF Max, « I – I Remember Pittsburg », in « Now Becoming Then », Twin
Palms Publishers, Altadena, California, EUA, 1990
42 « Saisir le réel, prendre sur le vif, capter le mouvement, donner à voir, […]être un
oeil, un oeil impeccable et impérieux qui prescrit aux autres ce qu'ils auraient dû
voir » FOUCAULT Michel, « La pensée, l'émotion », in « Michals (D.), Photographier
de 1958 d 1982 », Paris, musée d'Art moderne de la ville de Paris, 1982, pp. III-VII.
Dits Ecrits tome IV texte n°307
43 « La force n’a pas d’autre objet ni sujet que d’autres forces, pas d’autre être que le
rapport : c’est une action sur les autres actions, sur des actions éventuelles, sur des
actions futures ou presents […] on peut concevoir une liste de variables ouvertes,
exprimant le rapport de force ou de pouvoir constituant des actions sur des actions :
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
inciter, induire, détourner, rendre facile ou difficile, élargir ou limiter, rendre plus ou
moins probable » DELEUZE Gilles, “Foucault”, éd. de Minuit, Paris, 1986, p.77
44 « Donc je sors de l’atelier, je vais dans la rue, et de manière extrêmement intuitive
et simple, je me mets à organiser et à désorganiser de choses dans le espace »
PIRON François, DESANGES Gillaume, GUILBERT Chris, ACHOUR Boris,
« Welcome/Fuck off » in « Unité », pg 7
45 «BA : Comme je n’ai pas accès aux endroits où l’on montre de l’art, je vais là où il y
a des gens, tout simplement. Je disais que les Actions-peu étaient réactives à ma
pratique d’atelier, mais elles le sont également par rapport à une réflexion sur ce que
sont l’espace et la sculpture publics : qui les organise, qui les ordonne, qui les prend
en charge, que a le droit ou pas d’y intervenir et comment. Personne ne me
demande rien et je me passe ma propre commande de sculpture publique, que je
réalise avec mes propres moyens, financièrement nuls » ibid. pg 7-8
46 « FP : Les Actions-peu ne sont pas une disparition, mais une apparition : elles ne
tendent pas vers le rien, elles partent de rien, c’est tout à fait différent » ibid. pg 9
47 « the poetic qualities of alys projects reside in their fantastical absurdity, their
reansience or incompletion, their imaginative imagery, and most of all in their
enigmatic openness to interpretation. The most significant question he poses – to
himself as well as to his viewers – is whether such poetiic acts, while underlining the
‘senselessness’of particular real situation[…] for if hist strategy o creating imaginative
action to addres real-world subjects invites us to assess the relationship between
poetics and politics » Francis Alys – a history of deception pg 9
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
48 « The work was conceived during a visit to Peru by the artist in 200, shortlu before
the collapse of the fujimori governement, ‘a desperate situation…they called for an
‘epic response’ , at once futile and heroic, absurd and urgent’ » ibid. pg 19
49 « Alys described this process most powerfully in the course of making When Faith
Moves mountains, when he wrote that the action could ‘become a story that survives
the event itself » ibid. pg 15
50 « Whereas the highly rational societies of the Renaissance felt the need to create
utopias, we of our times must create fables. When Faith Moves Mountains attempts
to translate social tensions into narratives that in turn intervene in the imaginal
landscape of a place… active interpretive practice performed by the audience, who
must give the work its meaning and its social value » ibid. pg 36
51 CALLE Sophie, in « Rituel d’anniversaire (Livre II) », éd. Actes Sud Beaux Arts,
1998
52 ibid.
Julio Perestrelo Vicente -‐ 14506545
Table d’illustrations
1. « Actions-peu », Boris Achour (1993-1997)
2. De la série « Les Grandes Vacances II », Bernard Faucon (1976-1981)
3. « Le verre cassé », Bernard Faucon (1979)
4-11. « Kitchen Frenzy », Anna et Bernhard Blume (1986)
12. « Paradise Regained », Duane Michals (année inconnue)
13. « I Build a Pyramid », Duane Michals (1978)
14 et 15. « Ten Superfluous Gestures », Tibor Gyenis (1999)
16 et 17. « Actions-peu », Boris Achour (1993-1997)
20 et 21. « When faith Moves Mountain », Tibor Gyenis (vidéo) (2002)
22 et 23. « When Faith Moves Mountains », Tibor Gyenis (2002)
24 et 25. Reproductions du livre « Rituel d’anniversaire », Sophie Calle (1998)
26 et 27. Vues de l’exposition « Relatos » à la Fundació La Caixa, Barcelone (1997)