Upload
una
View
3
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
1
1. Introduction
Pour mieux comprendre la théorie d’Émile Benveniste, il faut
se remettre à celle de Ferdinand de Saussure (1857 – 1913),
créateur de la science du langage de qui Benveniste a dit
« il n’y a pas de linguiste qui ne lui doive quelque chose ».
Il est important aussi de connaître le contexte historique,
culturel et philosophique qui donne origine à cette nouvelle
science. Les travaux de Benveniste s’encadrent dans la
linguistique structurale de Saussure dont il a continué les
recherches sur les langues indo-européennes, étant un des
promoteurs de la théorie saussurienne en France.
Pour Saussure, le problème principal de la science
linguistique n’est plus celui de l’origine du langage et de
l’évolution des langues, ce qui était la motivation des avant-
coureurs de la philosophie de la langue, mais celui de
« savoir en quoi consiste une langue et comment elle
fonctionne ». Cette affirmation porte sur une autre plus
vaste : la langue, considérée en elle-même et pour elle-même,
forme un système, une totalité de parties solidaires les unes
des autres, un ensemble dont les relations sont premières par
rapport aux termes. « Chacune des unités d’un système se
définit ainsi par l’ensemble des relations qu’elle soutient
2
avec les autres unités, et par les oppositions où elle entre ;
c’est une entité relative et oppositive », disait Saussure.
Les travaux de Saussure, non pas un apport exclusif a la
théorie du langage, ont été la source d’inspiration du
structuralisme sur le plan scientifique. Ce courant
philosophique de la fin du XIX siècle a été la réponse à la
crise de la représentation que traversait le monde des arts ;
cette crise peut être expliquée par la Révolution industrielle,
événement qui a bouleversé complètement le monde connu jusque à
ces jours-là. Les sciences exactes, nécessaires pour la
mécanisation et l’industrialisation, occupent à l’époque un
lieu privilégié parmi les connaissances humaines et les hommes
s’émerveillent en contemplant les prodiges que les machines
leur offrent. Les concepts de fonction et de structures
dérivent directement de cette nouvelle vision du monde dont les
machines sont le modèle matériel le plus diffusé.
La tour Eiffel, inaugurée à l’occasion de l’Exposition
universelle de 1889, est la vitrine du savoir-faire
français. La Galerie des Machines, considéré comme le plus beau
des pavillons, témoigne de l’importance de ces nouvelles
vedettes. Les pavillons de l'art et de l'industrie mettent
également en évidence l'émergence de l'école de Nancy et
l'arrivée de l'Art nouveau en France. C’est l'illustration même
de la révolution industrielle en marche. La représentation de
la vie sociale, expliquée par cette nouvelle conception du
3
monde, n’est pas le produit d’une expérience consciente de la
réalité. Elle est la fabrication de structures grammaticales
qui ont leur propre logique.
Dans ce travail, on donne une information succincte de la vie
personnelle et professionnelle d’Émile Benveniste pour décrire
après les points principaux qui soutiennent sa théorie de
l’énonciation : la nature du signe linguistique, les niveaux de
l’analyse linguistique, les deux modes de signification, la
spécificité du langage et finalement, les antécédents et la
réalisation du discours.
2. Sa vie, son œuvre
Émile Benveniste (1902-1976), un des plus importants linguistes
du XXe siècle a fait des études remarquables dans le champ de
la linguistique historique et comparée, mais son apport à
l’étude des problèmes de la linguistique générale le consacrent
comme un des plus importants théoriciens de la langue : le
signe et la relation de référence, la nature formelle de la
langue, les niveaux de l’analyse linguistique, la
classification des langues, le rapport entre langue et culture
et surtout sa théorie de l’énonciation, qui a donné origine à
une école d’analyse du discours encore très active en France
aujourd’hui.
Benveniste, élève d’Antoine Meillet l’ancien disciple de
Saussure et le linguiste le plus important du début du XXe
4
siècle, a enseigné la grammaire comparée des langues indo-
européennes à l’École pratique des hautes études ; à partir de
1937 il a été professeur de linguistique générale au Collège de
France. Pendant la Seconde guerre mondiale il a été refugié en
Suisse jusqu'à 1945, après s’être évadé de la prison. Depuis
1945, il a été secrétaire de la Société linguistique de Paris.
En 1969 il subit une attaque qui l’a laissé aphasique. Il
meurt en 1976 à l'âge de 74 ans.
Spécialiste de la grammaire des langues indo-européennes,
Benveniste devient ensuite un théoricien qui cherche à
comprendre comment se produit le sens dans le discours
ordinaire. Son approche reste structuraliste, mais il s’agit
pour lui de sortir de l’analyse des règles de la langue pour
prendre en compte les situations, les personnes qui parlent.
Cette analyse des faits contextuels, met en relation Benveniste
avec les anthropologues (il fonde avec Claude Lévi-Strauss
L’Homme, revue française d’anthropologie). « Le discours, écrit-il,
c’est le langage mis en action. ».
Il a reçu des influences de linguistes et philosophes de
nationalités diverses, représentants des courants de son
temps. Tout d’abord, de Ferdinand de Saussure – son « Cours
de Linguistique générale » et sa grammaire comparée sont à la
base de ses études – et aussi du cercle de Prague, en
particulier de Roman Jakobson. D’autre part, il a reçu
5
l’influence du philosophe allemand Edmund Husserl (1859 –
1938) en ce qui concerne la philosophie idéaliste du sujet.
Progressivement, Benveniste a surmonté le cadre
structuraliste de l’analyse de la langue quant’ à son système
formel et il a proposé les problèmes de son fonctionnement en
relation aux interlocuteurs et au contexte en général, ce qui
introduit un nouveau concept dans le champ de cette science.
Dans l’analyse du discours, il a mis en relief le rôle du sujet
parlant, le procès d’énonciation, les deux formes de signification du
langage, etc. Ses articles, écrits entre 1940 et 1965, ont
été réunis en deux volumes intitulés « Problèmes de
linguistique générale ».
3. La nature du signe linguistique
Pour Saussure, la langue est un système formel composé de
signes, c'est-à-dire, d’entités constituées par un signifiant
basé en une image acoustique et un signifié basé en une image
mental, qui tiennent entre eux une relation arbitraire.
Benveniste, d’un point de vue critique sur l’analyse
saussurienne du signe, affirme que le caractère formel de la
langue et l’arbitraire du signe sont incompatibles.
En effet, Saussure démontre le caractère arbitraire de la
relation entre signifiant et signifie en référence implicite
à la réalité, au sens ou à la substance. Mais quand Saussure
6
propose l’analyse formelle de la langue est cette référence
a la substance ce qu’on veut éviter Benveniste déclare :
« Saussure affirme que l’idée de sœur n’est pas liée au
signifiant [sør], mais il ne laisse pas de penser a la réalité
de la notion. Quand il parle de la différence entre [bøf] (en
français) et [oks] (en allemand) il se réfère malgré tout, au
fait que tout les deux termes s’appliquent à la même réalité.
Par conséquence, la chose, exclue antérieurement de la
définition du signe, s’introduit de nouveau dans celle-ci, en
lui donnant une contradiction permanente » (Problèmes de
Linguistique Générale 1 1966, p.50).
Benveniste attribue cette anomalie à l’influence de la pensée
relativiste, qui caractérisait la pensée scientifique de la
fin du XIXe siècle. Il propose une nouvelle analyse du signe,
inspirée en conceptions philosophiques plus classiques
concernant les relations entre langage et pensée. Pour
conserver le statut formel de cette notion, il qualifie en
premier terme le lien entre signifiant et signifié comme
nécessaire. Il dit : « le concept (signifié) bœuf est identique
en ma conscience a l’ensemble phonique (signifiant) [bøf].
Comment pourrait-il être d’une autre manière ? Tout les deux
ont été imprimes dans mon esprit ; tout les deux sont évoqués
en n’importe quelle circonstance » (PLG 1 1966, p. 51).
Benveniste conclut que la langue est fondamentalement
héritée, puisque n’importe a quelle époque on se remonte, la
7
langue apparait toujours comme un héritage des époques
antérieures et on la connait comme un produit hérité des
générations antérieures.
La notion d’imposition du signe linguistique est commune a
Benveniste et à Saussure, dans le sens où le signifiant
maintient sa relation avec le signifié de telle manière, que
le parlant n’est pas libre de choisir pour se faire
comprendre par la communauté linguistique. La relation
nécessaire entre signifiant et signifié n’est pas
contradictoire avec la notion d’arbitraire. Ce qui est
arbitraire chez Saussure, c’est la définition que produisent
les signes en relation aux images mentales du sujet. Cette
notion s’origine dans la conception de la langue comme
phénomène social, articulé en représentations psychologiques
individuelles : les images.
Après avoir fait la caractérisation du signe, Benveniste
délimite le champ de l’arbitraire aux relations qui existent
entre le signe, unité formelle de la langue, et le
référent ou chose désignée. « Ce qui est arbitraire c’est
que ce signe et pas cet autre, soit appliqué a cet élément de
la réalité et pas a cet autre » (PLG 1 1966, p. 52). De
cette façon, la relation arbitraire reste exclue du champ de
la linguistique, pouvant être considérée au champ de la
morphologie de la langue ou de la métaphysique.
8
Benveniste a saisi ces idées qui l’ont conduit à considérer
des différents niveaux dans le fonctionnement du langage dont
l’analyse constitue son apport le plus originel a la
linguistique.
4. Les niveaux de l’analyse linguistique
4.1. Le problème des unités
L’unité est définie en relation à l’unité de plus haut niveau
qui la contient. Quand on analyse un trait distinctif on le
fait par le phonème qui contribue à la définition ; quand on
décrit un phonème on le fait en relation au mot où il
s’insère ; finalement, quand on définit ce mot on le fait en
relation à une unité supérieure qui est la phrase. La phrase
est constituée de mots, « mais les mots n’en sont pas
simplement les segments. Une phrase constitue un tout qui ne
se réduit pas à la somme de ses parties ; le sens inhérent
à ce tout est reparti dans l’ensemble des constituants. Le
mot est un constituant de la phrase ; il en effectue la
signification, mais il n’apparait pas nécessairement dans la
phrase avec le sens qu’il a comme unité autonome » (PLG 1 p.
123 – 124). D’après Benveniste, le statut particulier du mot
se doit au double système de référence du langage : d’une
part, ceci se compose de signes qui se référent a des objets
généraux ou particuliers qui forment partie de l’expérience
personnelle du sujet ; d’autre part, il se réalise en phrases
9
qui se réfèrent a des situations ou des événements concrets.
La phrase n’est pas une classe formelle intégrée par des
unités ; il n’existe pas de « phrasèmes ». Il y a un seul
type de phrase : la proposition prédicative, hors laquelle
il n’y a pas de phrase.
Benveniste arrive à la conclusion que le mot constitue une
espèce de gond entre deux champs de la langue : celui du
système formel dont l’unité est le signe et celui du système
de communication ou de discours dont l’unité est la phrase.
Il n’y a pas de continuité entre l’unité-signe et l’unité-
phrase ; tout au contraire il y a une lacune. Selon
Benveniste, ces deux champs seraient organisés en deux
systèmes de signification : les deux modes de signification de la
langue.
5. Les deux modes de signification
Benveniste dénomme ces deux modes, sémiotique et sémantique.
Le premier est le mode de signifiance propre du signe
linguistique, unité de la langue considérée comme une
structure formelle. Le deuxième est produit par le discours
dont l’unité est le mot, porteur de message. Les signes ayant
une valeur essentiellement oppositive, l’étude sémiotique
consistera à les identifier, c'est-à-dire, les reconnaitre
et en décrire les signaux distinctifs.
10
Quant à l’identification, le seul problème que pose le signe
est celui de son existence, laquelle peut être décidée en
premier terme, par un locuteur d’une langue donnée.
Un francophone pourra identifier arbre, maison, regarder, avec,
comme signes du français ; tandis que orbre, moison, regurder, ovec
ne seront pas reconnus comme signes de sa langue maternelle.
Les signes identifiés, on continue l’étude sémiotique avec
la localisation des unités de niveau inferieur et la
découverte des critères de distinctivité plus élaborées.
« Le signe existe – dit Benveniste – quand il est reconnu
comme signifiant par l’ensemble de membres de la communauté
linguistique et qu’il évoque pour chacun, grosso modo, les
mêmes associations et les mêmes oppositions. Ceci est le
champ et le critère du sémiotique ». (PLG 2, p.64)
De leur côté, les mots acquièrent leur statut par moyen de
leur caractère de référence ; ils nous remettent à une
réalité déterminée qu’on cherche à comprendre. De cette
manière, l’analyse sémantique aura comme objet
l’interprétation globale, en relation à un contexte
situationnel concret, des mots qui forment un message. En
conséquent, le champ de la sémantique est identifié avec
l’univers du discours en situation, c'est-à-dire, avec
l’énonciation. Au niveau du discours, « ce n’est pas une
somme de signes produisant le sens, mais au contraire, c’est
le sens (celui intenté) conçu globalement, qui se réalise et
11
se divise en signes particuliers qui sont les mots. » (PLG 2,
p. 64)
De manière générale, on peut affirmer que le sémantique prend
en charge nécessairement l’ensemble de la situation de
référence, tandis que le sémiotique est, en principe,
éloignée de tout problème de référence. « Le sémiotique (le
signe) doit être reconnu ; le sémantique (le discours) doit
être compris… Dans les formes pathologiques du langage, ces
deux facultés sont souvent dissociées. » (PLG 2, p.65)
6. La spécificité du langage
L’observation des conduites humaines nous révèlent
l’existence de nombreux systèmes de signaux ou codes,
utilises simultanément en des relations sociales. Tous ces
systèmes ont en commun une propriété fonctionnelle : ils
servent à signifier et se différencient entre eux par leur
modèle opératoire, c'est-à-dire, par la manière de
réalisation du système (la vue, l’ouïe, etc.) ; par leur
champ d’application (p.ex., les signaux appliqués à la
circulation des routes) ; par la nature et le nombre de leurs
unités et finalement, par leur type de fonctionnement, le
type de relation entre les signes et leur valeur distinctif.
Selon la nature des unités, on peut constater que les
systèmes qui ne forment pas un langage sont, ou sémiotiques,
constitués par des unités distinctes et significatives
12
élémentaires, comme les gestes d’urbanité, ou bien
sémantiques, constituées par des relations diverses entre
entités non signifiantes, comme la peinture, la musique et
les activités artistiques en général.
D’après Benveniste, seul le langage humain comporte tous les
deux systèmes de signifiance. C’est cette double dimension
qui explique la faculté métalinguistique, qui consiste à
prononcer des phrases signifiantes sur la signification, et
la relation d’interprétation par laquelle la langue peut
interpréter tous les signes des autres systèmes sociaux. « La
langue est l’interprète de tous les systèmes sémiotiques.
Aucun d’autre système possède une langue dans laquelle elle
puisse se catégoriser et s’interpréter selon ses distinctions
sémiotiques, tandis que la langue peut, en principe, tout
catégoriser et interpréter, voire elle-même ». (PLG 2, p.
61-62)
7. L’appareil formel de l’énonciation
7.1. Les trois dimensions du langage.
Des considérations précédentes on déduit que l’étude
linguistique ne peut pas se limiter exclusivement au mode
sémiotique. Hors ce premier champ, qui a comme base la
théorie saussurienne du signe, il faut aborder aussi le
fonctionnement discursif, le mode sémantique et pour cela, se
13
procurer un nouvel appareil de concepts et de
définitions.
Finalement, il semble nécessaire d’aborder la troisième
dimension, celle de la méta-sémantique qui sera construite
sur la sémantique de l’énonciation ayant pour objet la
double signifiance de la langue. Benveniste va se centrer
presque exclusivement sur la deuxième dimension dont
l’analyse sera présentée en des articles divers et surtout en
l’appareil formel de l’énonciation.
7.2. L’énonciation en sens vaste.
L’objet de l’analyse du fonctionnement discursif consiste à
préciser les conditions d’emploi de la langue, non pas à
distinguer les conditions d’emploi de formes ou de signes,
qui peuvent produire « un grand nombre de modèles si divers,
comme les types linguistiques desquels ils procèdent. »
(PLG2, p.79). Quant à l’emploi des langues, au contraire,
aucun modèle n’a été proposé. Pourtant, il s’agit d’un
mécanisme total et constant qui concerne toute la langue.
« La difficulté consiste à saisir ce grand phénomène, si
trivial qu’il semble se confondre avec la langue elle-même ;
si nécessaire que l’on n’aperçoit pas. » (PLG2, p.80).
Ce « grand phénomène » dont Benveniste parle, c’est
l’énonciation qu’il définie comme la mise en fonction de la langue par
un acte individuel d’utilisation. En conséquence, l’énonciation est
14
contemplée comme un acte, un ensemble d’opérations du
locuteur qui devient l’instrument de la langue.
« L’énonciation suppose la conversion individuelle de la
langue en discours », affirme-t-il (PLG 2 p. 81)
La relation du locuteur avec sa langue peut être envisagée
sous trois aspects : Le premier, la réalisation vocale de la
langue, ce que Saussure appelle le parler et surtout,
l’influence des actes individuels sur l’utilisation
phonétique. Le deuxième aspect est celui de la transformation
du sens des mots. C’est le problème de la sémantisation de
la langue, qui suppose une théorie du signe et de la
signification, comme l’élaboration d’une grammaire de
transformation et d’une théorie de la syntaxe universelle. Le
troisième aspect est celui de l’énonciation même, de
l’appareil formel de l’énonciation, cadre dans lequel se réalisent
les opérations individuelles du locuteur, un système qui
adapte la langue au discours. C’est l’appareil producteur des
formes linguistiques dont l’individu peut disposer pour
réaliser la langue par la parole.
7.3. L’énonciation proprement dite.
C’est ce troisième aspect des relations entre le
locuteur, la langue et le contexte que Benveniste dénomme
« énonciation ». Il affirme : « Avant l’énonciation, la
langue n’est qu’une possibilité de la langue. Après
15
l’énonciation, la langue est réalisée en une instance de
discours qui provient d’un locuteur, forme sonore qui arrive
à un auditeur et qui suscite une autre énonciation de
retour » (PLG 2, p.82).
Les éléments de l’énonciation sont le locuteur, les
interlocuteurs et le contexte ou le message se déroule. Le
locuteur énonce sa condition – identité, situation d’espace
et temps, sentiments - en relation aux interlocuteurs et le
contexte, par des indices spécifiques et des procédés
accessoires. Ce système d’indices constitue l’appareil formel
de l’énonciation. L’énonciation ainsi définie, constitue un
véritable « procès d’appropriation de la langue » par le
sujet ; c’est une acceptation, une assertion.
Les unités linguistiques principales qui constituent
l’appareil formel de l’énonciation sont, le système des
indices de personne, le système temporel et l’ostension (des
termes qui servent à designer un objet, une situation ou un
être présent dans le contexte d’énonciation).
Le système des indices de personne ne peut être analysé qu’en
termes d’énonciation, par référence au locuteur et à ses
interlocuteurs. La personne présente dans le contexte
d’énonciation, je / tu, s’oppose a la non personne, le lui
anaphorique, qui est défini par son absence en situation
d’énonciation. Le système des temps est organisé complètement
16
en relation avec le présent, avec le moment où le locuteur
produit son discours.
« Ce présent qui se déplace avec le progrès du discours,
constitue la ligne de division entre d’autres deux moments
qu’il produit et qui sont, eux aussi, inhérents a l’exercice
du parler :le moment où l’événement n’est plus contemporain
au discours ; il est sorti du présent et doit être
évoqué par la mémoire et le moment ou l’événement n’est pas
encore présent, il est sur le point de l’être et il se dresse
en prospection » dit Benveniste (PLG, 2 p.74).
Finalement, l’ostension se reporte a des termes comme celui-ci,
ici, maintenant et d’autres, qui accompagnent la désignation d’un
objet, d’une situation ou d’un être présent dans le contexte
d’énonciation. A ces trois types de formes énonciatives on
doit ajouter les structures interrogatives et impératives,
tel comme les formes diverses des modalités.
8. L'homme dans la langue
Comme théoricien de l’énonciation, Benveniste a attiré
l’attention sur les instances en présence de la situation
d’énonciation. Il distingue deux types d'usage de la langue :
cognitif (comme en logique, la langue est utilisée pour
émettre des jugements indépendants du locuteur) et
énonciatif. Alors que la proposition « René Descartes est un
philosophe français» a une valeur universelle, la valeur de
17
vérité de la proposition « Je suis une mère de famille », à
cause du « je » qu'elle contient, dépend de la personne qui
la profère.
Il met en cause le système je/tu/il de la grammaire
traditionnelle pour démontrer qu’en restant dans la logique
sémantique du mot « personnel », retrouvé dans la
dénomination de pronom personnel, on recourt a une
catégorisation fonctionnelle de ceux-ci en deux ensembles
distincts ou ils jouent pleinement leur rôle. En situation
d’énonciation, je et tu correspondent à la notion de personne
dès lors qu’ils sont mis en contexte : ils référent à
eux-mêmes. Le je, d’après Benveniste, est exclusivement pour
le locuteur qui l’utilise de manière personnelle et
subjective en situation de discours et il ne peut exister
qu’en relation a lui-même. Le tu représente celui qui est
présent et qui est mentionné par ce pronom. Je et tu sont donc
intersubjectifs, puisqu’ils donnent une dimension pleine aux
signes vides, lorsqu’ils s’insèrent dans la situation
d’énonciation. Ceci renforce le concept qu’il n’existe pas
de discours vers le vide : il y aura toujours une altérité
explicite ou implicite et ils ne renvoient qu’à eux-mêmes.
Quant’ à la « non-personne », Benveniste soutient qu’elle ne
renvoie pas au contexte de je ou tu, mais a une chose, une
personne ou a une entité distincte et objective. « Ainsi
l'énonciation est directement responsable de certaines
18
classes de signes qu'elle promeut littéralement à
l'existence. Car ils ne pourraient prendre naissance ni
trouver emploi dans l'usage cognitif de la langue. Il faut
donc distinguer les entités qui ont dans la langue leur
statut plein et permanent et celles qui, émanant de
l’énonciation, n’existent que dans le réseau d’individus que
l’énonciation crée et par rapport a l’ « ici maintenant » du
locuteur. Par exemple, le « je », le « cela », le
« maintenant » de la description grammaticale ne sont que les
« noms » métalinguistiques de je, cela, demain, produits dans
l’énonciation » (PLG 2)
9. Conclusion
En relation avec l’œuvre de Saussure et les structuralistes
en leur ensemble, les travaux de Benveniste sont d’une
originalité incontestable. En effet, ils ont mis en évidence
l’existence d’un autre niveau de l’analyse linguistique,
celui de la fonction discursive du sujet et ils ont démontré
que cette fonction ne peut pas être décrite en termes
classiques de l’analyse sémiologique, c'est-à-dire, il a
dégagé la perspective d’une double linguistique : la
sémiologie d’une part et la sémantique d’autre part. La
relation entre l’homme et la société s’avère essentielle dans
la langue.
19
Selon les propres mots de Benveniste, ses études constituent
une contribution à la grande problématique du langage dont
les thèmes principaux sont les relations entre le biologique
et le culturel ; entre la subjectivité et la socialité ;
entre le signe et l’objet, entre le symbole et la pensée et
aussi les problèmes de l’analyse intralinguistique. Il
cherche à répondre comment s’articulent langue et parole ;
comment se réalise la structure signifiante par la parole et
quel est le rôle de la langue dans le processus de culture et
socialisation.
Comme dans toutes les manifestations de la pensée humaine,
les travaux des premiers et plus anciens chercheurs
continuent, s’élargissent et se perfectionnent avec ceux des
scientifiques qui les suivent. Les générations postérieures
trouvent leur source d’inspiration dans les apports de celles
qui les précèdent et reprennent le chemin tracé. Dans la
réponse à ses inquiétudes à l’égard de la langue, Benveniste
fait un pas en avant par rapport au legs de Saussure.
21
3. La nature du signe linguistique
p. 4
4. Les niveaux de l’analyse linguistique
p. 54.1. Le problème des unités
5. Les deux modes de signification p. 6
6. La spécificité du langage p. 7
7. L’appareil formel de l’énonciation p. 87.1. Les trois dimensions du langage.
7.2. L’énonciation en sens vaste. p. 97.3. L’énonciation proprement dite.
p. 10
8. L'homme dans la langue p. 11
9. Conclusion p. 12
22
Bibliographie.
Benveniste, Émile « Problèmes de Linguistique générale » 1
et 2, Gallimard, 1966 et 1974.
Bronckart, J.P. « Théories du langage »; versión castellana
« Teorías del Lenguaje », Herder, 1980.
Saussure, F de « Cours de Linguistique Générale »; versión
castellana « Curso de Lingüística General », Losada, 2002.