116
3- Auteurs : Altay Manço, Frédéric Mertz, Laurence Gillen Analyse statistique : Altay Manço Entretiens : Laurence Gillen Management de projet : Frédéric Mertz Avec la collaboration de Sylvain Besch Février 2014 ISBN 978-99959-860-0-1 Remerciements Les auteurs tiennent à remercier l’équipe du Cefis pour les multiples relectures et corrections de cette publication. L’équipe du CEFIS tient à signifier sa gratitude à tous les travailleurs et responsables qui ont bien voulu lui confier leurs témoignages. De nombreuses entreprises nous ont ouvert leurs portes, qu’elles en soient remerciées vivement. Sans ces aides et cette confiance, ce travail n’aurait pas pu être réalisé. © CEFIS - La reproduction des données, graphiques, tableaux issus de cette publication est permise à condition de mentionner la source Fonds européen d’intégration des ressortissants de pays tiers 2007-2013 LE GOUVERNEMENT DU GRANDDUCHÉ DE LUXEMBOURG Ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration Cette- étude- a- été- soutenue- dans- le- cadre- du- Fonds- européen- d’inté- gration- des- ressortissants- de- pays- tiers,- projet- cofinancé- par- l’Union- Européenne-et-l’Office-Luxembourgeois-de-l’Accueil-et-de-l’Intégration- (Ministère-de-la-Famille-et-de-l’Intégration)

\"Travail et intégration des migrants Recrutement, reconnaissance, relations sociales. Parcours des travailleurs issus des pays tiers au Luxembourg\", RED n°18, CEFIS, Luxembourg

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Auteurs : Altay Manço, Frédéric Mertz, Laurence Gillen

Analyse statistique : Altay MançoEntretiens : Laurence GillenManagement de projet : Frédéric Mertz

Avec la collaboration de Sylvain Besch

Février 2014ISBN 978-99959-860-0-1

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier l’équipe du Cefis pour les multiples relectures et corrections de cette publication.L’équipe du CEFIS tient à signifier sa gratitude à tous les travailleurs et responsables qui ont bien voulu lui confier leurs témoignages. De nombreuses entreprises nous ont ouvert leurs portes, qu’elles en soient remerciées vivement. Sans ces aides et cette confiance, ce travail n’aurait pas pu être réalisé.

© CEFIS - La reproduction des données, graphiques, tableaux issus de cette publication

est permise à condition de mentionner la source

Fonds européen d’intégration des ressortissants de pays tiers 2007-2013

L E G O U V E R N E M E N TD U G R A N D � D U C H É D E L U X E M B O U R GMinistère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région

Office luxembourgeois de l’accueilet de l’intégration

Cette­ étude­ a­ été­ soutenue­ dans­ le­ cadre­ du­ Fonds­ européen­ d’inté-gration­ des­ ressortissants­ de­ pays­ tiers,­ projet­ cofinancé­ par­ l’Union­Européenne­et­ l’Office­Luxembourgeois­de­l’Accueil­et­de­l’Intégration­(Ministère­de­la­Famille­et­de­l’Intégration)

Table des matières

5­­

Préface­ 7

1.­Travail­et­immigration­au­Luxembourg­:­

­ problématique,­questions­et­méthodes­ 9

2.­Panorama­du­marché­de­l’emploi­luxembourgeois­:­

­ présence­des­travailleurs­originaires­de­pays­non-UE­ 23

3.­L’ethnostratification­du­marché­de­l’emploi­au­Luxembourg­

­ et­la­place­des­travailleurs­hors­UE­ 29

4.­Approche­qualitative­des­processus­d’intégration­

­ au­et­par­le­travail­ 49

5.­Conclusion­et­recommandations­ 91

Bibliographie­ 105

Annexes­ 109

{­Table­des­matières­}

6­­

Préface

7­­{­Préface­}

C’est­un­honneur­et­un­plaisir­pour­moi­que­de­présenter­la­dernière­étude­du­CEFIS­publiée­dans­la­série­RED.

Pour­la­première­fois,­la­question­de­l’intégration­des­étrangers­a­été­abor-dée­sous­l’angle­de­l’emploi.­De­fait,­le­travail­est­un­domaine­souvent­igno-ré­dans­les­études­portant­sur­l’intégration­des­étrangers­au­Luxembourg­alors­qu’il­constitue­la­raison­principale­de­leur­émigration­et­une­tempo-ralité­essentielle­de­leur­vie.

Cette­étude­a­un­objectif­ambitieux:­celui­de­donner­la­parole­à­des­acteurs­socio-économiques­ainsi­qu’aux­migrants­pour­qu’ils­s’expriment­sur­leur­intégration­vécue­au­quotidien­sur­le­lieu­du­travail­et­par­extension­dans­la­société­luxembourgeoise.­

La­partie­ introductive­et­statistique­de­cette­recherche­illustre­clairement­que­ certaines­ communautés­ étrangères­ se­ regroupent­ progressivement­dans­certains­secteurs.­Ce­constat­est­validé­par­l’analyse­qualitative­me-née­dans­dix­entreprises.­Le­CEFIS­a­observé­la­manière­dont­les­migrants­s’intègrent­«­au­travail­»­(recrutement,­promotion,­formation,­...)­et­«­par­»­le­travail­(intégration­sociale,­réseaux­de­collègues,­apprentissage­des­lan-gues­en­entreprise,­...).

Le­projet­a­été­soutenu­par­le­Fonds­européen­d’intégration­des­ressortis-sants­de­pays­tiers­(FEI)­dont­l’objectif­général­est­d’intégrer­les­ressortis-sants­non-communautaires­dans­les­pays­d’accueil­et­cofinancé­au­niveau­national­ par­ l’Office­ luxembourgeois­ de­ l’accueil­ et­ de­ l’intégration­ en­ sa­qualité­d’autorité­responsable­du­FEI­au­Luxembourg.

Cette­étude­vient­indiquer­des­pistes­aux­acteurs­du­monde­politique,­éco-nomique,­syndical­et­associatif­quant­au­rôle­à­jouer­dans­le­parcours­d’in-tégration­ des­ migrants­ et­ quant­ aux­ stratégies­ nationales­ d’intégration­ à­mettre­en­œuvre.­

Ce­projet­n’aurait­pu­arriver­à­maturation­sans­le­dévouement­personnel­et­l’expertise­de­chacun­des­membres­du­CEFIS­que­je­félicite­vivement.

Le­Ministre­de­la­Famille­et­de­l’IntégrationCorinne­Cahen

1

Travail et immigration au Luxembourg :

problématique, questions et méthodes

10­­

11­­{ Travail et immigration }

La­ migration­ économique­ est­ un­ déplacement­ géographique­ de­ travailleurs­ motivé­ par­l’inégalité­des­conditions­de­vie­entre­le­pays­d’origine­et­le­pays­de­destination.­Selon­l’OIM,­les­migrants­économiques­représentent­plus­de­105­millions­de­personnes­à­l’échelle­mon-diale1.­Le­Luxembourg­bénéficie­grandement­de­ces­mouvements­:­c’est­l’un­des­pays­où­la­proportion­de­migrants­économiques­est­la­plus­élevée­au­sein­de­la­population2.Longtemps­ pensée­ comme­ temporaire,­ la­ migration­ de­ travail­ a­ d’abord­ concerné­ des­hommes­venant­chercher­un­emploi­saisonnier­ou­pour­quelques­années­seulement.­Avec­l’essor­économique­des­années­50­et­les­lois­favorisant­le­regroupement­familial3,­la­mi-gration­s’est­féminisée­et­est­devenue­peu­à­peu­définitive­pour­nombre­de­travailleurs­et­leurs­familles.­Aussi,­ la­question­de­l’intégration­de­ces­populations­s’est­graduellement­imposée­dans­l’agenda­sociopolitique­des­pays­récepteurs.

Que représentent aujourd’hui les migrations de travail ?Les­ raisons­ de­ migrer­ au­ Luxembourg­ peuvent­ être­ approchées­ par­ les­ statistiques­ de­titres­de­séjour.­Toutefois,­ces­données­doivent­être­ interprétées­avec­précaution­ :­seuls­les­ressortissants­de­pays­tiers­(hors­UE)­sont­ici­pris­en­compte.­Par­ailleurs,­il­est­délicat­de­supposer­qu’une­catégorie­de­titre­de­séjour­corresponde­à­une­unique­cause­d’immi-gration.­Ainsi,­les­migrants­peuvent­passer­d’un­statut­de­séjour­à­un­autre4,­certains­titres­–­comme­le­regroupement­familial­–­n’écartent­pas­la­possibilité­d’accéder­au­marché­de­l’emploi5.­Diverses­causes­non­économiques­de­migration­peuvent­in­fine­donner­lieu­à­une­insertion­en­tant­que­travailleur.

Catégories de titres de séjour délivrés en 2012 NMembre­de­famille 3443

Résident­longue­durée 1770

Travailleur­salarié 1590

Étudiant 346

Travailleur­transféré 325

Protection­internationale 246

Élève 239

Carte­bleue­européenne 183

Travailleur­indépendant 106

Chercheur 58

Travailleur­hautement­qualifié 45

Travailleur­détaché 36

Sportif­ou­entraîneur 34

Stagiaire 16

Volontaire 10

Prestataire­de­service­communautaire 1

Total 9702

Source : Direction de l’Immigration, 2013 ; EMN, 2013.

­

1­ www.iom.int/cms/en/sites/iom/home/what-we-do/labour-migration.html.2­ Le­Luxembourg­accueille­également­un­nombre­important­de­travailleurs­frontaliers.3­ En­1957,­une­convention­est­signée­entre­le­Luxembourg­et­l’Italie­pour­faciliter­l’immigration­familiale.4­ En­2012,­la­moitié­des­titres­délivrés­sont­des­premières­délivrances.­L’autre­moitié­correspond­à­des­renouvellements.5­ Les­ détenteurs­ d’un­ titre­ de­ séjour­ en­ tant­ que­ «­ membre­ de­ la­ famille­ »­ d’un­ travailleur­ peuvent­ s’inscrire­ comme­

demandeurs­d’emploi­à­l’ADEM.

12­­

On­constate­que­les­migrations­définies­comme­«­forcées­»­(personnes­ayant­obtenu­le­bé-néfice­d’une­protection­internationale)­représentent­246­personnes,­en­2012,­soit­2,5­%­des­titres­de­séjour­délivrés­aux­ressortissants­de­pays­tiers6.­Le­regroupement­familial­repré-sente­ 35­ %­ des­ titres­ délivrés.­ D’après­ le­ Rapport­ politique­ sur­ les­ migrations­ et­ l’asile­(EMN,­2013),­la­migration­économique­(entendue­comme­l’addition­des­titres­de­séjour­dé-livrés­à­des­travailleurs)­représente­22­%­des­migrants­ressortissants­de­pays­tiers.­Cela­peut­sembler­peu­au­regard­de­la­présence­des­migrants­européens­et­non­européens­sur­le­marché­du­travail­au­Luxembourg,­qui­représentent­près­de­2/3­de­la­population­active,­frontaliers­y­compris.Le­fonctionnement­du­marché­du­travail­luxembourgeois­repose­donc­sur­la­force­de­tra-vail­des­étrangers­ (surtout­européens­et/ou­frontaliers)­puisqu’ils­sont­plus­de­deux­fois­plus­ nombreux­ que­ les­ nationaux­ :­ on­ comptabilise­ 251­ 023­ salariés­ étrangers­ contre­­108­027­Luxembourgeois­(IGSS,­2012).Cette­ situation­ pose­ inévitablement­ la­ question­ de­ l’intégration­ des­ migrants­ sur­ leur­lieu­de­travail,­dans­le­marché­de­l’emploi,­mais­aussi­au­sein­de­l’ensemble­de­la­société­luxembourgeoise.

Travail et intégrationMigrations,­travail­et­intégration­sont­des­champs­sociaux­interconnectés.­D’après­les­ré-sultats­d’une­étude­sur­les­facteurs­d’intégration­sociale­au­Luxembourg­(Jacobs,­Legrand,­Mertz,­2011),­le­travail­est­perçu­comme­un­facteur­essentiel­du­processus­d’insertion­des­migrants­au­sein­de­la­société.

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

Acquérir la nationalité luxembourgeoise

Participer aux associations luxembourgeoises

Réussite des enfants à l'école

Garder coutumes et traditions

Trilinguisme

Mêmes droits et devoirs tout en gardant sa nationalité

Connaissance du luxembourgeois

Partage mutuel des richesses culturelles

Avoir un travail

Efforts et compromis réciproques 67 %

55 %

47 %

46 %

39 %

37 %

36 %

30 %

27 %

16%

Pour vous l’intégration c’est…

Source­:­Jacobs,­Legrand,­Mertz­(2011).

Parmi­les­facteurs­d’intégration­les­plus­cités,­le­travail­arrive­en­seconde­position­avec­55­%­des­répondants­qui­l’estiment­être­l’une­des­dimensions­«­très­importantes­»­de­l’insertion­sociale,­pourcentage­auquel­il­faut­ajouter­34­%­des­personnes­qui­le­considèrent­comme­­«­important­»,­soit­un­total­de­89­%­de­la­population7.Par­ailleurs,­ les­personnes­qui­valorisent­le­plus­le­travail­sont­également­celles­qui­ont­tendance­ à­ indiquer­ comme­ signes­ d’intégration­ d’autres­ éléments­ pragmatiques­ :­ la­

6­ Le­nombre­de­demandeurs­d’asile­est­par­contre­près­de­dix­fois­plus­élevé.7­ Selon­cette­enquête­réalisée­auprès­d’un­échantillon­représentatif­de­la­population­résidente­au­Luxembourg,­l’idée­de­la­

réciprocité­définit­le­mieux­l’intégration­(67­%­de­personnes­«­tout­à­fait­d’accord­»).­À­l’opposé,­l’acquisition­de­la­natio-nalité­luxembourgeoise­par­les­migrants­est­considérée­comme­importante­par­seulement­16­%­des­sondés.

13­­{ Travail et immigration }

connaissance­de­la­langue­luxembourgeoise­ou­des­autres­langues­nationales­ou,­encore,­la­réussite­des­enfants­à­l’école.­Cette­catégorie­qui­valorise­des­éléments­de­type­«­assi-milationniste­»­se­compose­essentiellement­de­personnes­issues­de­catégories­sociopro-fessionnelles­à­faible­niveau­d’éducation­et­de­salaire.

Jacobs­et­Mertz­(2009)­pointent­également­le­travail­parmi­les­dimensions­les­plus­impor-tantes­pour­l’intégration,­à­côté­de­l’école,­de­l’apprentissage­des­langues­ou­du­rôle­joué­par­ les­associations.­Les­ témoignages­recueillis­auprès­de­migrants­originaires­de­pays­hors­UE­et­leur­analyse,­dans­le­cadre­de­cette­étude,­montrent­le­rôle­joué­par­l’occupa-tion­professionnelle­sur­divers­plans­:

•­ le­revenu­ lié­à­ l’emploi­donne­à­ l’individu­une­utilité­sociale­et­permet­ l’achat­d’un­logement,­ainsi­que­l’accès­à­d’autres­biens­et­services­;

•­ il­permet­également­la­création­de­liens­sociaux,­le­développement­de­compétences­(apprentissage­des­langues­nationales­notamment),­la­promotion­sociale,­la­valori-sation­de­l’identité,­l’estime­de­soi­et­la­reconnaissance.

À­l’inverse,­l’étude­montre­que­le­travail­peut­parfois­entraver­l’intégration­s’il­est­vecteur­d’exclusion­ sociale­ par­ la­ non-reconnaissance­ des­ diplômes­ ou­ l’organisation­ segmen-taire­du­marché­du­travail­:­les­Portugais­dans­la­construction,­les­Luxembourgeois­dans­la­fonction­publique,­etc.

Dans­la­littérature­sociologique,­il­est­ainsi­courant­de­distinguer­l’intégration­structurelle­de­l’intégration­socioculturelle­(Heckmann,­2003­;­Schnapper,­2007).

L’intégration­ structurelle­ porte­ sur­ l’acquisition­ de­ droits­ et­ sur­ l’accès­ aux­ institutions­clés­de­la­société­d’accueil­(travail,­logement,­éducation,­droits­civils­et­politiques).

L’intégration­ socioculturelle­ aborde­ les­ changements­ de­ valeurs,­ de­ normes,­ d’attitudes­(acculturation),­les­réseaux­sociaux­ou­les­sentiments­subjectifs­d’appartenance­(à­la­com-munauté­d’origine­ou/et­au­pays­d’accueil).

La­problématique­que­nous­choisissons­de­traiter­dans­la­présente­recherche­embrasse­à­la­fois­ces­deux­aspects­de­l’intégration­et­leurs­relations­:

•­ D’une­part,­ l’intégration­structurelle­«­au­ travail­»­en­considérant­ l’emploi­ comme­un­espace-temps­essentiel­de­cohésion­sociale­et­de­spécialisation­au­sein­de­la­so-ciété­ (Durkheim,­éd.­de­1998).­Cet­espace-temps­dont­ le­ rôle­ intégrateur­est­ véri-fié­à­travers­l’histoire­(Meda,­1995)­est­déterminé,­entre­autres,­par­des­contraintes­contextuelles,­comme­les­politiques­d’emploi­ou­des­phénomènes­de­discrimination,­en­plus,­bien­entendu,­des­caractéristiques­personnelles­des­travailleurs­:­niveau­de­qualification,­durée­de­l’expérience…

•­ D’autre­part,­l’intégration­socioculturelle­«­par­le­travail­»­en­étudiant­les­dynamiques­sociales­ propres­ à­ l’emploi­ qui­ suscitent­ des­ transformations­ de­ valeurs,­ normes,­comportements,­des­apprentissages­utilisables­à­l’extérieur­de­l’entreprise­(comme­des­connaissances­linguistiques)­ou­la­constitution­de­réseaux­sociaux­mobilisables­en­ diverses­ situations.­ Paugam­ (2009)­ montre­ que­ l’insertion­ professionnelle­ favo-rise­l’intégration­dans­les­autres­sphères­de­la­vie­en­société­(famille,­amis,­actions­collectives…),­notamment­grâce­à­ la­ reconnaissance­sociale­apportée­par­ le­statut­professionnel.­Alors­que­la­perspective­structurelle­de­l’intégration­au­travail­a­déjà­fait­l’objet­de­nombreuses­recherches,­l’intégration­par­le­travail­–­et­notamment­ses­conséquences­psychosociales­–­est­un­terrain­d’études­davantage­inexploré.

14­­

Emploi, lien social, identitésLe­travail­apparaît­comme­un­facteur­d’intégration­pour­des­raisons­à­la­fois­pratiques­et­matérielles­ (salaire,­ logement,­apprentissage­des­ langues…),­et­ relevant­de­dynamiques­psychosociales­inhérentes­à­l’exercice­d’un­emploi.

Au­cœur­de­ces­dynamiques­se­trouve­la­socialisation,­comprise­comme­un­processus­d’in-tériorisation­du­social­(Durkheim,­2013),­donc­des­contraintes,­des­normes­et­des­valeurs­qui­imprègnent­la­vie­en­société.­Dans­le­cadre­de­la­vie­professionnelle,­cette­appropria-tion­se­fait­au­sein­du­groupe­de­collègues,­de­clients,­en­somme­dans­un­système­interne­à­l’organisation­où­un­emploi­est­exercé,­au­sein­d’un­organisme­influencé,­lui­aussi,­par­la­société­environnante.

La­socialisation­dans­le­cadre­de­l’emploi­est­dite­«­secondaire­»,­par­opposition­à­la­socia-lisation­«­primaire­»­dans­la­famille­et­à­l’école­(Dubar,­1991).­Elle­participe­de­la­construc-tion­ des­ identités­ sociales­ et­ professionnelles­ (partager­ des­ tâches,­ vivre­ des­ conflits,­créer­des­solidarités,­prendre­part­à­des­rapports­de­force…).

Les­ relations­ socioprofessionnelles­ peuvent­ être­ de­ diverses­ natures.­ Elles­ peuvent­concerner­des­individus­dans­des­rapports­polymorphes­:­des­collègues,­une­équipe,­des­clients,­des­supérieurs,­des­collaborateurs,­des­membres­de­la­concurrence,­la­population­en­général…­Elles­peuvent­s’inscrire­dans­la­durée­ou­non.­Chacune­de­ces­interrelations­permettra­au­travailleur­de­fonder­ses­jugements,­ses­valeurs,­de­favoriser­sa­confiance,­d’élargir­le­cercle­de­ses­liaisons­sociales…

Putnam­(2001)­dans­son­approche­du­capital­social­différencie­deux­types­de­relations­:­le­«­bonding­capital­»­et­le­«­bridging­capital­».­Le­premier­correspond­aux­liens­horizontaux­entre­proches,­par­effet­de­similarité,­que­ce­soit­entre­personnes­du­même­milieu,­de­la­même­origine­ou­culture,­de­la­même­langue,­de­la­même­catégorie­socioprofessionnelle,­etc.­Il­comporte­une­forte­dimension­de­proximité­culturelle,­voire­affective.­À­l’inverse,­le­second­se­compose­de­relations­verticales­entre­individus­qui­peuvent­être­différents­par­leur­origine,­culture,­classe­sociale,­identité­professionnelle…­et­dont­les­liens­sont­parfois­ponctuels,­sans­structure­apparente.

Bien­que­la­théorie­de­Putnam­soit­essentiellement­tirée­des­expériences­relationnelles­au­sein­de­la­société­globale,­la­différenciation­qu’il­propose­entre­bonding­et­bridging­capital­semble­intéressante­à­éprouver­au­sein­des­entreprises­afin­d’observer­l’usage­qu’il­en­est­fait­lors­de­phases­importantes­de­la­vie­professionnelle­comme­le­recrutement,­la­promo-tion,­les­marques­de­reconnaissance­sociale...,­ou­encore­afin­d’en­observer­la­pertinence­à­l’extérieur­de­l’entreprise,­en­matière­de­participation­sociale.

Ainsi,­ Fukuyama­ (1995)­ estime­ que­ le­ bridging­ capital­ et­ l’expérience­ de­ la­ diversité­ qui­en­résulte­favorisent­la­confiance­et­la­coopération­entre­des­groupes­divers­au­sein­des­entreprises­comme­il­favorise­également­la­cohésion­sociale­au­sein­de­la­société.

S’il­apparaît­évident­que­les­interactions­sociales­dans­les­entreprises­conditionnent­l’inté-gration­des­salariés­à­l’intérieur­de­l’organisation­pour­laquelle­ils­travaillent,­la­présente­étude­porte­également­sur­l’intégration­dans­la­société­permise­«­par­le­travail­»,­c’est-à-dire­ les­effets­de­ l’exercice­d’un­emploi­sur­ les­parcours­d’insertion­des­ travailleurs­mi-grants­et­de­leurs­familles,­dans­d’autres­sphères­sociales­que­celle­du­travail.

15­­{ Travail et immigration }

Ces­sphères­peuvent­être­de­natures­très­diverses.­Il­en­va­ainsi­du­réseau­social­interne­à­l’entreprise­potentiellement­mobilisable­à­l’extérieur­de­celle-ci.­En­effet,­les­réseaux­de­collègues,­dont­certains­peuvent­devenir­des­amis,­permettent­de­sortir­ le­migrant­d’un­isolement­ éventuel­ par­ une­ orientation­ ou­ un­ soutien­ à­ la­ participation­ aux­ structures­socioculturelles­du­pays­d’accueil­:­participation­associative,­civique,­syndicale,­politique,­dans­le­domaine­des­loisirs,­scolarisation­des­enfants,­etc.

Dans­ce­cadre,­la­situation­démographique­particulière­du­Luxembourg­(environ­une­moi-tié­de­résidents­étrangers)­et­de­son­marché­de­l’emploi­(environ­70­%­d’actifs­non­luxem-bourgeois,­dont­deux­tiers­de­frontaliers)­sont­à­prendre­en­considération.­Un­des­enjeux­singuliers­du­pays­en­matière­d’intégration­par­le­travail­est,­en­effet,­de­pouvoir­mobiliser­dans­la­société­le­capital­social­développé­sur­le­marché­de­l’emploi,­les­relations­de­proxi-mité­entre­collègues­pouvant­laisser­brusquement­place­à­de­la­distance­sociale­lorsque­l’on­ se­ trouve­ à­ l’extérieur­ de­ l’entreprise.­ Cet­ éloignement­ peut­ être­ à­ la­ fois­ géogra-phique­(on­peut­trouver­au­sein­d’une­même­équipe­des­salariés­résidant­au­Luxembourg­et­d’autres­dans­les­pays­limitrophes)­et­culturel­(en-dehors­du­travail,­la­langue­usuelle­peut­être­différente,­ainsi­que­les­normes,­attitudes,­valeurs...).

Or,­pour­les­migrants­qui­vivent­une­«­double­absence­»­(Sayad,­1999),­peu­à­peu­oubliés­dans­ leur­pays­d’origine­et­ relativement­ invisibles­dans­ leur­pays­d’accueil,­ comprendre­la­culture­de­la­société­d’accueil,­ses­normes­et­valeurs­pour­les­confronter­à­leur­culture­d’origine­est­une­étape­essentielle­de­l’acculturation.­Toutefois,­au­quotidien,­les­moments­ou­les­occasions­qui­permettent­cet­échange­peuvent­être­rares­et­éphémères.Le­travail,­par­contre,­parce­qu’il­est­une­des­formes­importantes­de­vie­en­société,­repré-sente­une­opportunité­majeure­pour­se­resocialiser­;­ il­permet­un­échange­culturel­pro-gressif­et­facilite­l’appropriation­des­normes­de­l’entreprise­et,­par­rayonnement,­celles­de­la­société­d’accueil.

Valeur « travail » et reconnaissance socialeAu-delà­ des­ interactions­ quotidiennes­ et­ du­ lien­ social,­ le­ travail­ représente­ également­une­valeur­dans­la­société.­Les­représentations­sociales­du­travail­au­Luxembourg­ont­été­analysées­dans­le­cadre­de­la­recherche­European­Values­Study­(Fleury,­2010).

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4,0

4,5

2008

1999

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3,8

4,12

3,81

4,05

3,463,61 3,55 3,59

3,03

3,33

Représentations sociales du travail en 1999 et 2008

Source­:­Fleury,­2010.

16­­

Les­ propositions­ testées­ par­ l’auteur­ renferment­ volontairement­ une­ forte­ connotation­morale,­certaines­utilisant­des­termes­comme­«­paresseux­»,­«­humiliant­»,­«­devoir­vis-à-vis­de­la­société­».­Or,­c’est­précisément­sur­ces­trois­éléments­que­le­Luxembourg­se­distingue­de­ses­pays­voisins­(Mertz,­2002)­en­accordant­à­chaque­fois­plus­d’importance­aux­réponses­dont­le­ton­«­moralisateur­»­est­marqué.­Cela­témoigne­de­la­prégnance­de­la­valeur­«­travail­»­comme­une­modalité­du­contrôle­social.

Toutefois,­ il­ existe­ des­ différences­ significatives­ au­ sein­ de­ la­ population­ sur­ le­ rapport­entre­morale­et­travail.

Les­Luxembourgeois­sont­ les­plus­nombreux­à­associer­ le­non-travail­et­ la­«­paresse­»,­contrairement­ aux­ autres­ résidents­ (principalement­ les­ Belges,­ Allemands­ et­ Français­établis­au­Grand-Duché).­Dans­le­même­ordre­d’idées,­un­écart­de­13­%­sépare­les­Luxem-bourgeois­des­autres­nationalités­sur­la­question­du­travail­en­tant­que­«­devoir­vis-à-vis­de­la­société­».­Ces­différences­le­mettent­en­perspective­:­le­travail­est­décidément­un­des­enjeux­centraux­de­l’intégration.

La­ reconnaissance­sociale­ liée­au­ fait­de­disposer­d’un­emploi­ rejaillit­également­sur­ le­quotidien.­En­effet,­se­sentir­reconnu­et­identifié­par­autrui­à­travers­son­statut­profession-nel­et­le­sentiment­d’utilité­sociale­que­cela­génère­permettent­d’être­valorisé,­de­se­faire­confiance­ lors­de­ transactions­sociales,­etc.­Cette­confiance­ favorise­à­son­ tour­ l’estime­de­soi,­en­tant­que­composante­essentielle­de­l’identité­et­facilite­l’ouverture­à­autrui.­Ces­aspects­ ont­ assurément­ une­ influence­ positive­ sur­ les­ compétences­ psychosociales­ des­individus­(Manço,­2002).

Inversement,­la­reconnaissance­sociale­liée­au­travail­peut­diminuer,­voire­disparaître­au­détriment­d’un­sentiment­de­perte­de­sens­du­travail­(Dubet,­2006),­notamment­en­situa-tion­de­chômage­ou­de­sous-emploi.

Au-delà­des­représentations­sociales­du­travail­et­du­contrôle­social­qui­y­est­lié,­la­par-ticipation­au­salariat­et­le­paiement­de­cotisations­sociales­ouvrent­également­des­droits­collectifs­et­intègrent­les­individus­à­la­société­et­à­ses­institutions­de­solidarité­et­de­re-distribution­(prestations­de­l’assurance-maladie,­de­l’assurance­pension,­etc.).

Le travail en crisesToutefois,­depuis­le­début­des­années­80,­les­évolutions­du­marché­du­travail­questionnent­le­rôle­joué­par­le­travail­en­tant­que­vecteur­d’intégration.

Premièrement,­les­différentes­crises­économiques,­la­montée­du­chômage,­la­fragilisation­de­certains­contrats­de­travail,­ la­généralisation­de­ l’usage­d’emplois­ intérimaires­parti-cipent­de­la­précarisation­du­marché­du­travail.­Les­personnes­les­plus­touchées­par­ces­situations­sont­celles­qui­disposent­de­moins­d’atouts­sur­ le­marché­de­ l’emploi­ (faibles­qualifications,­absence­de­réseaux­sociaux…).­La­partie­statistique­de­cette­étude­montre-ra­qu’une­partie­des­immigrés­économiques­au­Luxembourg­se­trouve­dans­ces­conditions­de­précarité.

Robert­Castel­(1995)­parle­de­désaffiliation­sociale­pour­évoquer­le­décrochage­et­l’anomie­progressive­d’une­partie­des­travailleurs­dans­deux­sphères­différentes­:­«­insertion/non-insertion­»­dans­la­sphère­socio-familiale­et­«­intégration/non-intégration­»­au­travail.

17­­{ Travail et immigration }

Concernant­ le­ travail,­ avec­ la­ crise­ économique­ et­ la­ précarité,­ trois­ situations­ se­ re-marquent­de­plus­en­plus­:

•­ soit­on­se­situe­dans­la­zone­d’intégration,­car­on­dispose­d’un­emploi­permanent­et­d’un­réseau­social­durable­et­mobilisable­;

•­ soit,­dans­le­cas­ inverse,­on­se­trouve­dans­une­zone­de­vulnérabilité­et­en­proie­à­des­situations­de­précarité­et­de­fragilité­sur­le­plan­professionnel­;

•­ ce­ qui­ peut­ conduire,­ enfin,­ à­ une­ désaffiliation­ qui­ associe­ absence­ de­ travail­ et­­isolement­social.

Concernant­la­posture­particulière­des­migrants­dans­le­cadre­de­ces­fractures­de­la­so-ciété,­nous­étudierons,­dans­cette­recherche,­ le­rôle­ joué­par­ le­ travail,­en­matière­d’in-tégration­économique­et­d’insertion­sociale,­en­scrutant­ les­trajectoires­et­ les­stratégies­des­travailleurs­étrangers­et­leurs­conséquences­en­termes­d’affiliation­ou­de­désaffilia-tion­ sociales,­ dans­ des­ contextes­ professionnels­ souvent­ marqués­ par­ l’insécurité­ ou­ la­concurrence.

La­notion­de­désaffiliation­permet­aussi­d’aborder­d’autres­spécificités­liées­aux­migrants­:­par­exemple,­la­vulnérabilité­peut­trouver­son­origine­dans­des­discriminations­subies­lors­de­ l’accès­à­ou­de­ l’exercice­d’un­emploi.­Plus­encore,­à­ la­désaffiliation­professionnelle­dans­ le­ pays­ d’accueil­ peut­ s’ajouter­ une­ désaffiliation­ socioculturelle­ par­ rapport­ à­ la­communauté­d’origine,­en­lien­avec­la­situation­de­la­«­double­absence­»­de­Sayad­(1999).

Deuxièmement,­le­travail­traverse­également­une­crise,­plus­immatérielle­celle-là,­qui­af-faiblit­son­rôle­en­tant­que­vecteur­d’intégration­sociale.­Pour­certains­auteurs,­la­place­du­travail­doit­être­repensée,­dans­les­sociétés­occidentales,­comme­seul­lieu­de­création­du­lien­social,­sous­peine­de­voir­l’économie­devenir­l’unique­champ­où­les­individus­peuvent­faire­société­ (Méda,­1995).­Certes,­ le­ travail­a­une­valeur­primordiale,­mais­d’autres­do-maines­comme­le­politique­(au­sens­large),­l’associatif,­le­culturel,­etc.­permettent­égale-ment­de­donner­sens­à­la­vie­en­société­et­de­construire­du­lien,­en­dehors­de­la­contrainte­utilitariste­et­autour­d’autres­valeurs­comme­la­solidarité,­le­plaisir,­etc.

Pour­pallier­cette­situation,­Rifkin­(1996)­propose­une­nouvelle­perspective­ouvrant­sur­un­troisième­secteur,­capable­de­proposer­du­sens­et­des­valeurs­pour­l’humain­autrement­que­par­la­seule­activité­rétribuée,­c’est­ce­que­l’on­appelle­«­l’économie­sociale­ou­solidaire­».

Notons­encore­que­les­métamorphoses­de­l’organisation­du­travail­influencent­également­la­capacité­de­créer­du­lien­en­entreprise.­De­fait,­ les­relations­entre­salariés­ont­évolué­depuis­deux­ou­trois­décennies.­L’individualisation­des­relations­de­travail­ (comme­l’éva-luation­personnalisée­des­compétences­et­des­résultats)­favorise­la­concurrence­entre­tra-vailleurs­ et­ les­ solidarités­ de­ jadis­ s’effritent­ peu­ à­ peu,­ comme­ les­ organismes­ qui­ les­incarnent.­La­création­de­collectifs­et­de­solidarités­est­par­conséquent­mise­à­mal.

Enfin,­en­rupture­avec­les­modèles­de­management­des­années­soixante­(capitalisme­fami-lial­paternaliste),­les­modèles­contemporains­(par­projets,­gestion­horizontale,­organisation­en­réseaux…)­affirment­apporter­liberté­et­droit­à­l’initiative­aux­salariés­(Boltanski,­1999).­Toutefois,­ceux-ci­leur­attribuent­également­des­responsabilités­nouvelles,­et­à­ce­titre­des­contraintes­ nouvelles­ :­ injonction­ d’être­ en­ relation­ sporadique­ avec­ les­ autres­ acteurs,­augmentation­de­la­flexibilité,­du­degré­d’incertitude,­du­stress­et­de­la­productivité,­et­limi-tation­des­liens­sociaux­forts­par­l’individualisation­des­responsabilités­(De­Gaulejac,­1995).

18­­

Avec­ces­nouvelles­normes­de­management,­deviennent­peu­à­peu­«­immobiles­»­les­tra-vailleurs­ faiblement­qualifiés,­dont­une­ large­partie­est­constituée­par­ les­migrants­ (Bol-tanski,­ 1999),­ contraints­ qu’ils­ sont­ de­ garder­ leur­ emploi­ aux­ conditions­ initiales,­ sous­peine­de­tomber­dans­la­précarité­et­la­désaffiliation­sociale.­Cette­situation­profite­alors­à­certaines­catégories­de­cadres,­dont­la­mobilité­sociale­(d’une­responsabilité­à­l’autre),­pro-fessionnelle­(d’un­projet­à­l’autre)­et­géographique­(d’une­filiale­à­l’autre)­se­voit­renforcée.

Questions de la rechercheEn­synthèse,­l’ensemble­de­ces­constats­soutenus­par­la­littérature­pousse­le­CEFIS­à­s’in-terroger­sur­les­liens­sociaux­des­migrants­des­pays­tiers­au­sein­et­autour­du­marché­de­l’emploi­luxembourgeois­:

•­ Comment­et­en­quoi­le­fait­d’avoir­un­travail­participe-t-il­de­l’intégration­profession-nelle­et­sociale­des­migrants­aujourd’hui­?

•­ Quels­sont­les­processus­psychosociaux­à­l’œuvre­lors­de­l’exercice­d’une­profession­et­qui­favorisent­ou­entravent­l’intégration­?

•­ Le­fait­de­travailler­favorise-t-il­pour­les­migrants­la­constitution­de­réseaux­sociaux,­d’un­capital­social­dans­le­pays­d’installation­?

•­ Ce­capital­social­est-il­diversifié­ou­homogène­?­Est-il­mobilisable­à­ l’extérieur­du­monde­du­travail­?

•­ Le­travail­ favorise-t-il­ la­constitution­d’identités­professionnelles­positives­et­d’une­reconnaissance­sociale­pour­les­travailleurs­issus­de­pays­tiers­?…

•­ Favorise-t-il­ la­constitution­de­liens­identitaires­entre­les­migrants­et­le­pays­d’ac-cueil­?

Une méthode d’analyse chronologique : étude des trajectoires migratoires et professionnellesIl­est­difficile­avec­le­seul­outil­statistique­de­comprendre­l’importance­du­travail­comme­facteur­d’intégration,­de­découvrir­les­«­bonnes­raisons­»,­les­valeurs­ou­encore­les­ren-contres­qui­fondent­la­participation­des­individus­dans­la­société.­Une­recherche­qualita-tive­nous­permet­en­revanche­de­mettre­à­jour­les­dynamiques­sociales­qui­s’y­jouent­au­quotidien.

Au­cœur­de­cette­démarche­se­trouve­la­notion­de­«­trajectoire­».­Celle-ci­permet­de­dé-passer­ une­ représentation­ figée­ du­ migrant­ et­ retrace­ les­ moments­ importants­ qui­ ja-lonnent­sa­carrière­professionnelle­ou,­plus­généralement,­sa­biographie.­Chacun­de­ces­évènements­ correspond­ à­ une­ étape­ de­ la­ vie­ des­ migrants­ et­ donc­ à­ des­ positions­ so-ciales­différentes­lors­desquelles­se­déploie­une­recomposition­des­appartenances­et­des­identités,­dans­un­processus­d’intégration­réciproque­avec­la­société­d’accueil­et­ses­insti-tutions,­dont­le­marché­de­l’emploi­est­une­composante­fondamentale.

Au­sein­de­chaque­entreprise­sélectionnée­pour­les­besoins­de­la­présente­recherche,­un­groupe­de­salariés­a­été­désigné­pour­faire­partie­de­l’échantillon.­Ces­travailleurs­devaient,­dans­la­mesure­du­possible,­être­intégrés­dans­la­même­équipe­de­travail­ou­du­moins­avoir­des­relations­professionnelles­avec­des­collègues­durant­l’exécution­de­leurs­tâches8.

8­ L’orientation­du­travail­de­terrain­sur­une­équipe­spécifique­au­sein­d’une­entreprise­donnée­permet­d’assurer­que­les­résultats­des­entretiens­portent­bien­sur­un­métier­identique­et­sur­plus­ou­moins­les­mêmes­situations­ou­contraintes­d’exercice­d’un­emploi.

19­­{ Travail et immigration }

Les­trajectoires­des­migrants­sont­retracées­à­l’aide­d’interviews­semi-directives­cadrées­par­un­guide­d’entretien­:

•­ entrée­ sur­ le­ marché­ du­ travail­ (raisons­ et­ contexte­ de­ la­ migration,­ approche­ du­marché­ du­ travail­ luxembourgeois,­ accès­ aux­ offres­ d’emploi,­ reconnaissance­ des­diplômes,­discriminations­éventuelles…)­;

•­ maintien­ ou­ évolution­ dans­ l’entreprise­ (formation,­ promotion,­ développement­ des­compétences…)­;

•­ «­rayonnement­»­dans­et­au-delà­de­l’entreprise­ :­constitution­d’un­réseau,­recon-naissance­sociale,­confiance­en­soi­et­en­les­autres…

Un­élément­central­de­la­gestion­des­ressources­humaines­est­le­recrutement.­Cette­étape­décisive­ conditionne­ l’accès­ à­ l’emploi­ (et­ donc­ l’intégration­ par­ le­ travail).­ Le­ choix­ des­méthodes­et­processus­de­recrutement­ont­donc­un­impact­majeur,­en­tant­que­«­filtres­»­volontaires­ou­systémiques­à­l’embauche­de­certaines­catégories­de­la­population,­dont­les­migrants.

S’agit-il­ de­ méthodes­ de­ recrutement­ internes­ ou­ «­ réticulaires­ »­ pour­ lesquels­ les­ ré-seaux­ de­ proches­ des­ salariés­ sont­ mobilisés­ ?­ S’agit-il­ de­ la­ mobilisation­ de­ réseaux­propres­à­l’entreprise­(recrutement­de­salariés­travaillant­dans­le­même­secteur­ou­à­l’in-terne,­même­s’il­s’agit­d’une­branche­de­l’entreprise­située­à­l’étranger…)­?­S’agit-il­en-core­d’annonces­ciblées­(écoles­spécialisées,­recrutements­sur­un­territoire­donné,­dans­une­langue­donnée…)­?

Selon­qu’il­ soit­ formel­ou­ informel,­ le­ type­de­management­peut­également­ favoriser­ la­diversité­ou­l’homogénéité­des­équipes­de­travail­en­promouvant­le­turn-over­au­sein­des­unités­de­production,­l’encadrement­des­salariés,­la­communication­interne,­la­gestion­des­compétences,­la­formation­à­la­diversité,­la­promotion­et­la­motivation­ou­encore­l’accom-pagnement­ lors­ de­ l’installation­ d’un­ nouveau­ collaborateur­ (conciergeries­ d’entreprise,­agence­de­relocation,­etc.).­Tous­ces­éléments­ont­une­ influence­notable­sur­ la­création­de­réseaux­sociaux­ internes­aux­organisations­et­ leur­«­ transférabilité­»­à­ l’extérieur­de­l’entreprise9.

Compte­tenu­du­caractère­forcément­subjectif­des­récits­présentés­par­les­salariés­immi-grés­de­pays­non-UE,­ont­été­menés­des­«­entretiens­de­reflet­»­(tout­aussi­subjectifs)­avec­d’autres­acteurs­des­entreprises­de­l’échantillon.­Ces­entretiens­avaient­pour­objectif­de­trianguler­les­propos­recueillis,­de­les­«­intervalider­»,­de­les­mettre­en­perspective­ou,­le­cas­échéant,­de­les­nuancer.­Ces­dernières­interviews­ont,­par­exemple,­été­réalisées­avec­la­direction­des­ressources­humaines,­la­délégation­du­personnel­et­le­supérieur­hiérar-chique­de­l’équipe­de­travail­interrogée.­Dans­ce­cadre,­les­personnes­rencontrées­sont­le­plus­souvent­des­Luxembourgeois­ou­des­travailleurs­communautaires.

Chaque­séance­d’interview­nécessitant­des­visites­dans­les­entreprises,­cela­a­créé­l’occa-sion­d’observer­des­lieux­comme­les­espaces­de­travail,­ les­outils­de­communication­ in-terne,­les­espaces­de­détente,­les­moyens­de­locomotion,­etc.­comme­autant­d’indicateurs­de­management­de­la­diversité­:­un­choix­volontaire­ou­le­résultat­de­la­configuration­des­positions­des­uns­et­des­autres­dans­l’entreprise­?

9­ Il­faut­considérer­la­mise­en­œuvre­de­politiques­de­ressources­humaines­dans­une­visée­dynamique­et­temporelle­:­plus­une­entreprise­grandit­et­voit­son­effectif­augmenter,­plus­il­devient­nécessaire­de­réfléchir­à­une­politique­du­personnel­et­plus­le­potentiel­d’interactions­sociales­devient­important.­Mais­une­fois­cette­politique­installée,­elle­peut­changer­de­nature­selon­les­circonvolutions­de­l’entreprise­sur­le­marché­(changement­de­directeur,­rachat­par­une­multinationale,­etc.).

20­­

Au­final,­neuf­entreprises­de­toute­taille­et­près­de­50­entretiens­ont­été­menés­avec­des­travailleurs,­durant­le­premier­semestre­2013­par­une­équipe­multilingue­et­pluridiscipli-naire­de­chercheurs.Les­ données­ statistiques­ disponibles­ par­ secteur­ d’activité­ ont­ permis­ de­ connaître­ les­proportions­de­salariés­non­communautaires­et­donc­de­cibler­ceux­qui­semblent­être­une­porte­ d’entrée­ significative­ au­ marché­ de­ l’emploi­ pour­ cette­ population.­ Plusieurs­ sec-teurs­ ont­ ainsi­ été­ considérés­ :­ restauration,­ finance,­ industrie,­ logistique,­ distribution,­nettoyage,­services.

Enfin,­l’analyse­de­la­littérature­et­des­données­statistiques­sur­le­marché­de­l’emploi­au­Luxem-bourg10,­ainsi­que­la­rencontre­d’une­dizaine­de­témoins­privilégiés­de­ce­terrain­(syndicalistes,­chercheurs,­ responsables­ administratifs,­ membres­ d’associations­ locales,­ élus,­ travailleurs­d’entreprises­d’insertion,­travailleurs­sociaux)­ont­permis­de­développer­le­terreau­d’une­lec-ture­globale­des­phénomènes­d’intégration­économique­des­migrants­au­Grand-Duché.

Schéma du travail de terrain et grille d’analyse des entretiensCe­sont­donc­trois­lectures­différentes­qui­structurent­la­recherche­:­les­niveaux­«­micro­»,­«­méso­»­et­«­macro­».

Chacun­ de­ ces­ regards­ analytiques­ est­ alimenté­ par­ des­ entretiens­ réalisés­ auprès­ de­groupes­spécifiques­d’individus.­Les­trois­grilles­d’indicateurs­permettent­de­cibler­et­rete-nir­les­thèmes­clés,­selon­leur­récurrence­dans­les­entretiens,­ainsi­que­leur­agencement­dans­les­discours­afin­de­donner­une­dimension­compréhensive­au­phénomène­de­l’intégra-tion­au­et­par­le­travail.­Ces­trois­regards­ne­sont­pas­à­considérer­comme­séparés,­mais­complémentaires­dans­une­perspective­d’intervalidation­:­ les­données­collectées­dans­un­type­d’entretien­sont­confrontées­et­mises­en­perspective­aux­deux­autres­lectures.­

10­ Elles­comparent­la­situation­des­ressortissants­de­pays­tiers­aux­autres­groupes­de­nationalités­(Luxembourgeois,­res-sortissants­ de­ l’Union­ européenne)­ et­ analysent,­ entre­ autres,­ les­ proportions­ de­ travailleurs­ payés­ au­ salaire­ social­minimum,­les­salaires­horaires,­les­types­de­professions,­les­durées­de­contrat­de­travail­(temps­plein,­temps­partiel),­les­types­de­contrat­(durée­déterminée­ou­indéterminée)

Entretiens salariés

Indicateurs de trajectoire :avant/pendant/autour

du travail

Lecture« Micro » :l’individu

Entretien 1

Entretien 2

Entretien 3

Entretien …

Entretiens DRH,syndicat,

responsable

Indicateursd’organisation du travail :

management, contextede travail, cohésion,

solidarités…

Lecture« Méso » :

l’entreprise

Entretien 1

Entretien 2

Entretien 3

Entretien …

Entretiensinterlocuteurs

privilégiés

Indicateurs sociétaux :politiques, économiques,

sectoriels

Lecture« Macro » :

le contecte social

Entretien 1

Entretien 2

Entretien 3

Entretien …

21­­{ Travail et immigration }

La­lecture­«­micro­»­constitue­la­base­de­l’étude.­Il­s’agit­du­regard­sur­les­pratiques­in-dividuelles­ d’intégration­ au­ travail.­ Les­ entretiens­ avec­ les­ travailleurs­ ressortissants­de­ pays­ tiers­ abordent­ la­ trajectoire­ migratoire,­ les­ raisons­ du­ départ­ et­ de­ l’arrivée­ au­Luxembourg,­le­canal­de­recrutement,­la­reconnaissance­éventuelle­du­diplôme,­le­contrat­de­ travail,­ l’accueil­ dans­ l’entreprise­ (un­ éventuel­ tutorat…)­ et­ l’évolution­ dans­ l’emploi­(comme­ le­ développement­ de­ compétences­ professionnelles­ ou­ sociales),­ ainsi­ que­ les­changements­ survenus­ à­ l’extérieur­ de­ l’entreprise­ comme­ le­ regroupement­ familial,­ le­changement­du­ lieu­d’habitat,­ l’achat­d’un­ logement,­ la­participation­sociale,­associative­ou­politique,­le­sentiment­d’appartenance­au­territoire­ou­de­reconnaissance­sociale…

La­lecture­«­méso­»­prend­en­compte­ l’influence­du­contexte­collectif­et­organisationnel­sur­l’intégration­au­travail.­Il­s’agit­donc­d’une­analyse­par­entreprises­plutôt­que­par­indi-vidus.­ Les­ entretiens­ menés­ avec­ les­ responsables­ hiérarchiques,­ les­ collègues­ directs,­ainsi­qu’avec­les­représentants­du­monde­syndical­et­la­direction­des­ressources­humaines­constituent­ le­terrain­de­cette­dimension.­L’influence­d’une­politique­de­gestion­de­la­di-versité­ (lorsqu’elle­ existe),­ les­ formes­ de­ solidarité­ collective,­ les­ conditions­ pratiques­d’exercice­de­l’emploi­(travail­en­équipe­ou­en­solitaire,­travail­posté,­pénibilité­du­travail…)­représentent­autant­d’éléments­d’analyse.

Enfin,­ certains­ entretiens­ menés­ auprès­ de­ représentants­ des­ employeurs­ (fédérations­d’entreprises,­chambre­de­commerce,­sociétés­de­travail­ intérimaire)­ou­des­travailleurs­(syndicats),­ainsi­que­de­structures­associatives­d’insertion­socioprofessionnelle­apportent­un­ regard­«­méta­»­sur­ le­contexte­sociétal­de­ l’intégration.­Les­ représentations­de­ces­témoins­clés­situent­les­dynamiques­individuelles­ou­organisationnelles­dans­l’environne-ment­économique­et­sociopolitique­spécifique­du­Luxembourg11.

11­ En­sus­de­cette­publication,­la­valorisation­des­résultats­se­fera­également­à­travers­la­création­de­contenus­pour­forma-tions­ou­d’autres­outils­de­sensibilisation­à­destination­de­structures­actives­dans­le­domaine­de­l’emploi­ou­de­l’intégra-tion­:­direction­des­ressources­humaines,­syndicats,­décideurs­politiques,­associations­communautaires…

2

Panorama du marché de l’emploi luxembourgeois :

présence des travailleurs originaires de pays non-UE12

12­ Avec­les­contributions­de­Nénad­Dubajic,­Sylvain­Besch.

25­­{ Panorama du marché }

Selon­les­données­du­Répertoire­général­des­personnes­physiques­RGPP­(2013),­548­000­personnes­vivent­au­Luxembourg­;­175­nationalités­y­sont­représentées,­45­%­de­la­popu-lation­est­étrangère.

Principales nationalités dans la population résidente au LuxembourgNationalités Total­ Nationalités Total Nationalités Total

LUXEMBOURG 295­870 KOSOVO 1622 SLOVÉNIE 491

PORTUGAL 92­451 IRLANDE 1579 ALBANIE 484

FRANCE 36­887 BRÉSIL 1422 CROATIE 479

ITALIE 19­264 HONGRIE 1182 UKRAINE 477

BELGIQUE 18­544 FINLANDE 1146 CANADA 444

ALLEMAGNE 13­422 RUSSIE 1110 THAÏLANDE 370

ROYAUME-UNI 6237 BULGARIE 975 CAMEROUN 354

ESPAGNE 4475 TCHÉQUIE 906 IRAN 354

MONTÉNÉGRO 4344 AUTRICHE 848 TUNISIE 351

PAYS-BAS 4341 INDE 799 ALGÉRIE 318

POLOGNE 3368 SLOVAQUIE 670 PHILIPPINES 313

CAP-VERT 2624 LITUANIE 634 NORVÈGE 308

BOSNIE 2360 SUISSE 600 MALTE 245

SERBIE 2260 MAROC 592 DOMINIQUE 224

ROUMANIE 2226 JAPON 590 IRAQ 216

DANEMARK 2171 TURQUIE 573 NIGERIA 208

EUA 2142 ESTONIE 556 SÉNÉGAL 196

GRÈCE 1995 MACÉDOINE 551 BELARUS 191

CHINE 1961 LETTONIE 521 RSA 190

SUÈDE 1839 ISLANDE 517 RDC 168

Source­:­RGPP,­2012.

12

Salariés et indépendantsPlus­de­360­000­salariés­ travaillent­dans­ le­pays,­qu’ils­y­soient­ résidents­ou­ frontaliers­(IGSS,­2012)­ ;­au­niveau­de­ l’emploi­ intérieur13,­70­%­sont­étrangers.­Dans­ce­groupe,­ la­grande­ majorité­ est­ de­ l’UE­ (97­ %)­ ;­ 3­ %­ des­ salariés­ seulement­ sont­ extra-européens­­(12­300­ travailleurs).­Le­ taux­de­ femmes­parmi­ les­salariés­est­de­39­%.­Ce­ taux­est­de­44­%­chez­les­Luxembourgeois.

Plus­de­neuf­dixièmes­de­tous­les­actifs­sont­salariés.­Les­salariés­représentent­virtuellement­68­%­de­la­population,­mais­un­nombre­important­parmi­eux­est­frontalier­(44­%).­Les­frontaliers­représentent­la­majorité­des­travailleurs­de­l’UE­(64­%).­Seulement­6­%­des­non-UE­sont­fron-taliers,­dont­des­personnes­issues­du­continent­africain­;­3­%­des­salariés­luxembourgeois­sont­également­frontaliers.­Le­groupe­des­salariés­frontaliers­asiatiques­est­le­plus­féminisé­(58­%).­Au­total,­4­frontaliers­non-UE­sur­10­sont­des­frontalières.­L’observation­montre­que­les­travail-leurs­frontaliers­ont­quintuplé­en­20­ans.­L’augmentation­des­salariés­résidents­UE­est­notable­également­(+­100­%).­En­revanche,­les­nationaux­et­les­non-UE­sont­relativement­stables,­si­ces­derniers­augmentent­également,­ils­représentent­un­chiffre­marginal­en­nombre­absolu.

13­ Lexique­:­ Emploi­intérieur­=­travailleurs­résidents­+­travailleurs­frontaliers­ Population­active­=­salariés­+­indépendants­+­chômeurs­ Personnes­occupées­=­salariés­+­indépendants­ Taux­de­chômage­=­chômeurs/actifs

26­­

Près­ de­ 23­ 000­ indépendants­ et­ assimilés­ travaillent­ au­ Luxembourg.­ Ce­ groupe­ repré-sente­à­peine­4­%­de­la­population­globale.­Il­est­partagé­entre­les­Luxembourgeois­et­les­autres­ressortissants­de­ l’UE.­Les­non-UE­sont­quasi­absents­de­cette­catégorie­profes-sionnelle­ :­ 232­ indépendants­ européens­ non-UE,­ 223­ Asiatiques,­ 108­ issus­ du­ continent­américain,­etc.­Environ­37­%­des­indépendants­du­Luxembourg­sont­des­femmes.

Secteurs d’emploiLa­répartition­des­travailleurs­selon­leur­nationalité­à­travers­les­secteurs­d’emploi­n’est­pas­ aléatoire.­ Dans­ les­ secteurs­ NACE­ Administration­ publique­ (O)­ et­ Énergies­ (D),­ les­Luxembourgeois­ont­quasi­le­monopole­de­l’emploi.­Pour­tous­les­autres­secteurs­(IGSS,­2012),­travailleurs­résidents­ou­non,­les­ressortissants­de­l’UE­sont­majoritaires,­avec­des­taux­de­présence­allant­de­50­à­86­%­de­l’emploi.­Leur­taux­de­présence­est­inversement­proportionnel­à­celui­des­Luxembourgeois.­Quant­aux­non-UE,­ils­accusent­une­surrepré-sentation­dans­les­secteurs­Hébergement­et­restauration­(I)­et­Activités­de­soutien­(N).­Les­secteurs­du­commerce­(G)­et­de­la­construction­(F)­sont­également­parmi­les­sphères­éco-nomiques­majeures­marquées­par­la­présence­des­non-UE­(12­à­16­%­de­cette­population).

Taux d’activité et chômageLe­taux­d’activité­de­la­population­immigrée­(73­%)­est­plus­élevé­que­celle­de­la­population­luxembourgeoise­(68­%).­Le­Statec­établit,­en­2010,­à­60­%­le­taux­d’activité­des­femmes­contre­80­%­celui­des­hommes.­Notons­également­que­l’emploi­à­temps­partiel­concerne­17­ %­ des­ Européens­ et­ 18­ %­ des­ Luxembourgeois.­ Seulement­ 6­ %­ des­ hommes­ sont­concernés,­contre­34­%­des­femmes.

Si­ l’on­ compare­ la­ structure­ de­ la­ population­ du­ Luxembourg­ en­ termes­ d’origines­ à­ la­structure­ du­ marché­ de­ l’emploi,­ on­ obtient­ le­ tableau­ suivant­ (données­ de­ l’IGSS­ et­ de­l’ADEM­en­2012)­:

•­ Les­Luxembourgeois­représentent­environ­55­%­de­la­population­totale­et­de­la­popu-lation­active­contre­30­%­des­salariés,­47­%­des­indépendants­et­39­%­des­chômeurs.

•­ Les­Européens­(UE)­représentent­environ­40­%­de­la­population­totale­et­de­la­popu-lation­active­contre­66­%­des­salariés,­49­%­des­indépendants­et­46­%­des­chômeurs.

•­ Les­non-UE­représentent­seulement­5-6­%­de­la­population­totale­et­de­la­population­active­contre­4­%­des­salariés­et­des­indépendants,­et­15­%­des­chômeurs.

27­­{ Panorama du marché }

Les­personnes­originaires­des­pays­hors­Union­européenne­sont­surreprésentées­au­chô-mage­par­rapport­à­leur­présence­au­sein­de­la­population­globale.­Les­salariés­européens­(UE)­le­sont­par­rapport­à­leur­représentation­dans­la­population­active.

D’autres­données­sur­le­chômage­signalent­que­le­taux­de­non-emploi­augmente­graduel-lement­au­Luxembourg­depuis­2005.­Il­est­à­près­de­15­%­de­la­population­active­de­moins­de­ 25­ ans.­ Les­ catégories­ les­ moins­ longtemps­ scolarisées­ sont­ les­ plus­ touchées­ par­l’exclusion­du­marché­du­travail.­Environ­15­%­des­chômeurs­extra­européens­au­Luxem-bourg­sont­diplômés­d’études­supérieures.­Néanmoins,­les­compétences­linguistiques­de­ce­groupe­en­français,­anglais,­allemand­et­luxembourgeois­sont­estimées­moins­amples­que­celles­des­Luxembourgeois­et­des­immigrés­européens­(Hartung,­2010).

Approche du taux de chômage pour les principales nationalitésNationalités %­chômage Nationalités %­chômage

MACÉDOINE 28 POLOGNE 7

MAROC 28 HONGRIE 6

ALGÉRIE 26 BELGIQUE 6

TUNISIE 24 ALLEMAGNE 6

SERBIE 21 INDE 5

ALBANIE 20 PAYS-BAS 5

BRÉSIL 20 IRLANDE 5

CAP-VERT 19 ROYAUME-UNI 5

TURQUIE 16 CHINE 5

RUSSIE 15 AUTRICHE 4

BOSNIE 14 E­U­A 4

UKRAINE 13 DANEMARK 4

BULGARIE 12 FINLANDE 4

PORTUGAL 12 LUXEMBOURG 3

ROUMANIE 11 SLOVAQUIE 3

ESPAGNE 11 TCHÉQUIE 3

CROATIE 10 FRANCE 2

GRÈCE 9 SUISSE 2

ITALIE 9 SUÈDE 1

MONTÉNÉGRO 8 ISLANDE 1

Sources­:­IGSS­(2012),­ADEM­(2012),­calculs­CEFIS,­moyenne­=­7­%.

Flux de travailleurs non-UED’après­les­données­de­l’IGSS­(2012),­le­nombre­des­salariés­originaires­de­l’ancienne­You-goslavie­chute­(de­4000­en­2007­à­3400­en­2012).­Ceci­est­sans­doute­dû­à­l’impact­de­la­naturalisation,­ mais­ également­ de­ la­ crise­ financière.­ En­ revanche,­ entre­ 2007-2012,­ on­assiste­ à­ une­ légère­ augmentation­ du­ nombre­ des­ salariés­ indiens,­ chinois,­ brésiliens,­russes­ et­ capverdiens­ (de­ 100­ à­ 200­ entrées­ supplémentaires­ entre­ 2007­ et­ 2012).­ On­constate­que­ les­ travailleurs­ les­plus­qualifiés­viennent­de­Chine­et­des­pays­de­ l’OCDE.­Les­Brésiliens­et­les­Capverdiens­représentent­les­éléments­les­moins­qualifiés­des­flux.

3

L’ethnostratification du marché de l’emploi au Luxembourg

et la place des travailleurs hors UE

31­­{ L’ethnostratification du marché }

Les­constats­concernant­la­situation­professionnelle­des­immigrés­en­Europe,­notamment­originaires­de­pays­non­membres­de­l’UE,­sont­nombreux­:­manque­de­qualifications­chez­certains­—­nouveaux­arrivants,­entre­autres­—,­non-valorisation­des­compétences­des­per-sonnes­qualifiées,­précarité­de­ l’emploi,­en­particulier­pour­ les­ femmes,­discriminations­multiples,­difficultés­de­maîtrise­des­ langues­officielles,­absence­de­réseaux­pertinents,­etc.­ Ces­ difficultés­ sont­ aggravées­ par­ la­ crise­ économique,­ la­ situation­ des­ personnes­d’origine­étrangère­se­dégradant­plus­rapidement­que­celle­des­nationaux.­Les­secteurs­employant­ les­ migrants­ sont­ particulièrement­ touchés,­ notamment­ avec­ l’augmentation­du­travail­illégal14.

La­Belgique,­par­exemple,­obtient­des­scores­parmi­les­plus­bas­en­ce­qui­concerne­le­taux­d’emploi­des­ travailleurs­ immigrés,­et­un­des­pourcentages­ les­plus­élevés­de­chômage­parmi­les­étrangers.­Si­les­Belges­ont­le­taux­d’emploi­le­plus­élevé,­les­autres­Européens­occupent­une­position­médiane­tandis­que­les­catégories­turque,­marocaine­et­congolaise­ont­les­taux­d’occupation­les­plus­faibles.­Ils­éprouvent­les­conditions­des­plus­défavorables­en­termes­d’accès­à­l’emploi,­de­chômage­et­de­ségrégation.­Dans­les­entreprises­privées,­les­travailleurs­originaires­de­la­Turquie,­du­Maghreb­et­de­l’Afrique­subsaharienne,­même­naturalisés,­occupent­quasi­systématiquement­des­positions­peu­enviables­au­regard­de­variables­telles­que­statuts­(intérim…),­rémunération,­temps­partiels,­horaires­de­nuit,­etc.­Les­secteurs­principaux­concernés­sont­les­soins­de­santé­et­soins­aux­personnes,­l’hôtel-lerie­et­la­restauration,­le­nettoyage­industriel,­la­construction­et­les­transports.­La­situa-tion­de­ces­travailleurs­n’est­guère­meilleure­dans­le­secteur­public.

Une­batterie­de­plus­en­plus­élargie­de­recherches­(entre­autres­:­Feld,­2010­;­Keyser,­Del-hez­et­Zimmer,­2012)­montre­qu’à­chacune­des­étapes­de­la­vie­professionnelle,­une­quan-tité­de­pratiques­discriminatoires­excluent­des­minorités,­souvent­de­manière­discrète.

Ainsi,­ la­ récente­ recherche­ de­ Lamghari­ (2012)­ au­ sein­ de­ l’entreprise­ publique­ bruxel-loise­de­transport­en­commun­(STIB)­montre­que­les­«­autochtones­»15­représentent­62­%­de­ l’ensemble­des­ travailleurs­de­ la­compagnie.­Ce­qui­globalement­correspond­à­ l’inci-dence­de­cette­catégorie­au­sein­de­la­population­générale.­Toutefois,­quand­on­analyse­la­structure­de­ l’emploi­au­sein­de­ l’entreprise,­on­constate­que­ les­catégories­«­membres­de­la­direction­»,­«­cadres­»­et­«­employés­»­concernent­les­«­autochtones­»­à­raison,­res-pectivement,­de­97,­94­et­82­%.­En­revanche,­ la­catégorie­«­conducteurs­»­concerne­ les­«­allochtones­»­à­raison­de­56­%16.­Tout­se­passe­donc­comme­si­divers­types­d’emplois,­diversement­valorisés,­étaient­réservés­à­certaines­catégories­plutôt­qu’à­d’autres.

Les­ discriminations­ se­ combinent­ en­ système­ et­ donnent­ donc­ lieu­ à­ l’émergence­ de­secteurs­ «­ ethnostratifiés­ »­ (Martens,­ 2006).­ Non­ seulement­ des­ secteurs­ peuvent­ être­saturés­par­des­personnes­d’une­origine­donnée,­mais,­comme­le­montre­l’exemple,­à­l’in-térieur­d’un­même­secteur,­la­distribution­des­travailleurs­selon­les­métiers­peut­donner­lieu­à­une­ségrégation­de­type­ethnique.

14­ http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/employment_unemployment_lfs/data/database­;­ www.ilo.org/public/english/protection/migrant/download/global_crisis.pdf.15­ Définis­comme­étant­les­«­Belges,­nés­belges­et­dont­un­des­deux­parents­au­moins­est­né­belge­»,­soit­environ­68­%­de­

la­population­active­de­la­Belgique­(18-60­ans).­Le­reste­de­la­population­(32­%)­est­composé­des­«­allochtones­»­que­l’on­peut­définir­comme­les­«­Belges­et­les­étrangers,­nés­étrangers­et­dont­les­parents­sont­nés­étrangers.­Dans­ce­groupe,­environ­10­%­est­composé­de­personnes­originaires­des­autres­États­de­l’UE,­4­%­de­personnes­originaires­du­Maghreb­et­le­reste­(18­%)­correspond­à­d’autres­combinaisons­possibles­(SPF­Emploi,­2011).­Notons­que­ces­statistiques­géné-rales­ne­reflètent­pas­la­part­des­«­allochtones­»,­beaucoup­plus­importante,­dans­les­grandes­villes­comme­Bruxelles.

16­ Dans­cette­entreprise­publique,­la­catégorie­«­ouvriers­non­roulant­»­–­et­donc­suivant­majoritairement­les­heures­de­travail­en­journée­et­en­semaine­–­est­composée­d’«­allochtones­»­à­raison­34­%­et­d’«­autochtones­»­à­raison­de­66­%.

32­­

Stratifications du marché de l’emploiLeduc­et­Genevois­(2012)­proposent­de­distinguer­les­niveaux­«­salariés­»,­«­entreprises­»­et­«­marchés­»­:

•­ Au­niveau­des­salariés­d’une­entreprise­donnée,­le­marché­serait­scindé­entre­«­insi-ders17­»­et­«­outsiders18­»­(Lindbeck­et­Snower,­1986).

•­ Au­ niveau­ des­ entreprises­ dans­ leur­ ensemble,­ les­ travaux­ de­ Doeringer­ et­ Piore­(1971)­indiquent­une­dualité­entre­le­«­segment­externe­»­et­le­«­segment­interne­».­Ce­dernier,­contrairement­au­premier,­régit,­au­sein­des­compagnies­—­et­selon­leurs­propres­règles­et­procédures­—,­l’organisation­du­travail,­la­rémunération,­etc.­;­ les­travailleurs­du­marché­interne­jouissant­d’avantages­que­les­autres­n’ont­pas.

•­ La­généralisation­de­l’opposition­décrite­aux­niveaux­précédents­donne­sa­substance­à­ la­ théorie­ duale­ du­ marché­ du­ travail19.­ Elle­ stipule­ une­ nette­ segmentation­ des­secteurs­et­des­emplois­sur­la­base­des­caractéristiques­telles­que­le­niveau­de­sa-laire,­de­stabilité,­de­conditions­de­travail,­de­formation,­de­possibilités­de­promotion,­etc.­Le­marché­se­partage­ainsi­entre­des­«­secteurs­primaires­»­(«­good­jobs­»),­des­emplois­stables­et­bien­rémunérés,­et­des­«­secteurs­secondaires­»­(«­bad­jobs­»),­des­emplois­précaires­et­mal­rémunérés,­voire­ardus,­dangereux,­etc.

Ces­ segmentations­ d’emplois­ et­ de­ corps­ professionnels­ occasionnent­ l’émergence­ de­multiples­formes­de­stratifications­du­marché­du­travail­ :­ les­strates­supérieures20­y­do-minent­les­strates­inférieures21.­Chacun­de­ces­segments­principaux­connaît­des­subdivi-sions­en­son­sein,­donnant­lieu­à­un­éventail­de­situations­intermédiaires.

Pour­ Bluestone­ (1970),­ les­ secteurs­ économiques­ ou­ les­ industries­ sont­ eux-mêmes­stratifiés­ opposant,­ d’une­ part,­ l’économie­ du­ centre22,­ et­ d’autre­ part,­ l’économie­ péri-phérique23,­ cette­ dernière­ pouvant­ même­ se­ prolonger­ dans­ une­ économie­ irrégulière,­comprenant­les­activités­informelles­ou­totalement­clandestines.

Qu’en est-il au Luxembourg ?Selon­Leduc­et­Genevois­(2012),­la­majeure­partie­des­emplois­y­sont­des­CDI­:­la­segmen-tation­ du­ marché­ du­ travail­ s’y­ fait­ donc­ essentiellement­ en­ termes­ de­ rémunération­ et­de­qualification.­D’après­cette­récente­étude,­les­données­ne­font­pas­clairement­émerger­deux­ segments­ séparés,­ conformément­ à­ la­ théorie­ duale­ du­ marché­ du­ travail.­ Toute-fois,­ les­caractéristiques­particulières­des­segments­observés­permettent­de­repérer­de­grandes­tendances.

Ainsi,­ un­ certain­ nombre­ de­ segments­ d’emploi­ s’apparenterait­ au­ marché­ dit­ «­ secon-daire­»,­c’est-à-dire­un­marché­où­les­emplois­sont­moins­protégés.­Ainsi,­un­individu­ayant­connu­ de­ nombreux­ changements­ de­ poste­ ou­ des­ épisodes­ de­ chômage,­ par­ exemple,­

17­ Protégés­par­leur­degré­de­qualification­ou­d’expérience,­de­proximité­des­cercles­de­décision­et­de­syndicats,­de­centra-lité­dans­la­production­et­par­des­coûts­de­remplacement­élevés­en­cas­de­turn-over.

18­ Des­travailleurs­de­base­qui­ne­disposent­pas­ou­peu­des­caractéristiques­des­«­insiders­»,­si­bien­que­leurs­postes­sont­souvent­externalisés­et­confiés­à­des­sous-traitants,­des­intérimaires,­etc.

19­ Entre­autres­:­Averitt,­1968­;­Piore,­1972­;­Gadrey,­1992.20­ Exigeant­des­qualifications­élevées,­une­personnalité­autonome,­des­prises­d’initiative,­de­la­créativité…,­proposant­des­

postes­centraux­et­transversaux­(dit­le­«­noyau­vital­»­ou­le­«­cœur­du­métier­»,­le­«­core­business­­»)­et­des­salaires­rela-tivement­hauts,­une­bonne­sécurité­d’emploi,­etc.

21­ Correspondant­à­des­tâches­standardisées,­routinières,­des­règles­et­procédures­relativement­rigides,­ne­nécessitant­pas­de­longues­formations,­etc.,­et­n’offrant,­bien­souvent,­qu’une­faible­sécurité­professionnelle­et­pécuniaire,­puisque­ba-sées­sur­des­activités­périphériques­à­la­production­et­susceptibles­d’être­externalisées­en­fonction­des­coûts­de­revient.

22­ Grandes­entreprises­de­la­finance,­de­l’industrie­automobile,­du­secteur­des­énergies,­des­communications,­etc.23­ Services­aux­entreprises­et­aux­personnes,­agro-alimentaire,­commerces,­construction,­etc.

33­­{ L’ethnostratification du marché }

serait­plus­susceptible­de­faire­partie­de­ce­marché.­D’autres­segments­seraient­alors­da-vantage­associés­au­marché­«­primaire­»­composé­d’emplois­mieux­protégés,­d’une­sta-bilité­et­de­transitions­positives­durant­la­carrière,­etc.­Les­auteurs­observent­également­l’émergence­ d’un­ troisième­ secteur­ qualifié­ de­ «­ marché­ intermédiaire­ ».­ Il­ est­ en­ effet­défini­par­des­emplois­présentant­tant­les­caractéristiques­du­marché­primaire­que­ceux­du­marché­secondaire.

Le­travail­de­Leduc­et­Genevois­(2012)­ne­permet­pas­de­se­prononcer­sur­une­éventuelle­clé­ de­ répartition­ ethnique­ ou­ nationale­ entre­ lesdits­ marchés­ du­ travail,­ le­ focus­ des­chercheurs­ayant­davantage­concerné­ les­degrés­de­qualification­et­ le­genre.­Si­des­ob-servations­sont­proposées­à­propos­des­travailleurs­étrangers­européens,­le­cas­des­res-sortissants­de­pays­tiers­n’est­pas­étudié24.

Par­conséquent,­il­est­utile­de­décrire­la­situation­professionnelle­des­travailleurs­de­na-tionalité­étrangère­et­en­particulier­celle­des­travailleurs­issus­de­pays­hors­Union­euro-péenne,­ d’autant­ plus­ que­ le­ CEFIS­ a­ pu­ bénéficier­ des­ statistiques­ mises­ à­ disposition­par­ l’IGSS25.­On­propose­également­que­cette­observation­concerne­non­pas­un­moment­statique,­mais­plusieurs­et­si­possible­toute­une­période,­de­façon­à­saisir­les­logiques­et­les­dynamiques­de­segmentation­du­marché­de­l’emploi.

Étude quantitative de la stratification du marché luxembourgeois selon les nationalitésL’approche­se­base­sur­le­traitement­des­données­de­l’IGSS­de­2007­et­de­2012­(les­plus­ré-centes­disponibles).­Les­écarts­entre­les­deux­observations­sont­censés­informer­sur­les­dy-namiques­de­l’emploi­dans­une­période­marquée­par­les­effets­de­la­crise­financière­de­2008.

Quarante­nationalités­sont­prises­en­compte­:­elles­sont­les­plus­représentées­sur­le­mar-ché­de­l’emploi­(plus­de­300­travailleurs­chacune).­Ce­sont­les­nationalités­de­l’UE­et­cer-taines­origines­hors­UE.­Aussi,­l’échantillon­représente­100­%­des­travailleurs­présents­sur­le­marché­luxembourgeois­et­issus­d’un­État­membre­de­l’Union.­Pour­les­travailleurs­hors­UE,­le­taux­de­couverture­est­de­85­%,­les­travailleurs­des­très­nombreuses­autres­origines­représentés­parfois­par­quelques­individus­seulement­sur­le­marché­luxembourgeois­n’ont­pas­pu­être­ intégrés­dans­les­analyses.­Parmi­ les­pays­non-UE­pris­en­compte,­on­trouve­des­États­de­l’Espace­Economique­Européen,­des­pays­de­l’OCDE,­certains­pays­émergents,­ainsi­que­les­pays­des­Balkans,­du­Maghreb­et­le­Cap-Vert.­Il­s’agit­de­personnes­de­natio-nalité­étrangère,­les­personnes­naturalisées­sont­considérées­comme­des­Luxembourgeois.

Près­ de­ 160­ observations­ socio-économiques­ ont­ été­ réunies­ pour­ l’ensemble­ de­ ces­groupes­ nationaux.­ Ce­ sont­ dans­ la­ plupart­ des­ cas­ des­ données­ de­ l’IGSS.­ Certaines­sont­ obtenues­ par­ combinaison­ entre­ observations­ disponibles­ (écarts­ 2007-2012,­ par­exemple).­Les­données­couvrent­diverses­dimensions,­elles­sont­listées­en­annexe­:

24­ On­doit­un­précédent­travail­dans­ce­domaine­à­Fehlen­et­Pigeron­(2009)­qui­montrent­que­«­les­nouveaux­venus,­qu’ils­soient­travailleurs­plus­ou­moins­qualifiés­ou­décideurs­économiques,­ont­des­difficultés­à­s’insérer­dans­un­système­d’emploi­régi­par­ le­modèle­consensuel­de­régulation­des­conflits­d’intérêts­qui­prévaut­au­Luxembourg.­ (…)­Pour­ les­salariés,­ il­ s’agit­ de­ trouver­ un­ emploi­ ou­ du­ moins­ percevoir­ une­ rémunération­ supérieure­ à­ celle­ qu’ils­ pourraient­espérer­dans­leur­pays­d’origine.­Pour­les­entreprises,­cela­consiste­à­trouver­des­conditions­plus­avantageuses­au­ni-veau­législatif­et­réglementaire­leur­permettant­de­faire­des­surprofits­».­C’est­ainsi­que,­selon­les­auteurs,­le­«­modèle­luxembourgeois­»­s’accommode­de­l’économie­mondialisée.­L’avenir­montrera­comment­le­système­économique­du­pays­résistera­à­la­crise­et­en­quoi­les­différents­marchés­segmentés­présentés­par­les­auteurs­seront­affectés­par­des­méca-nismes­de­dérégulation­:­la­cohésion­sociale­et­la­redistribution­des­richesses­entre­nationaux,­frontaliers,­immigrés­de­longue­date­et­nouveaux­venus­figurent­parmi­les­principaux­enjeux­politiques­du­Grand-Duché.

25­ Nous­tenons­à­adresser­nos­plus­vifs­remerciements­à­l’IGSS­et­à­M.­Carlo­Haller,­ainsi­qu’à­Mme­Isabelle­Debourges.­Sauf­mention­contraire,­toutes­les­données­sont­de­l’IGSS.

34­­

•­ Données­ démographiques­ :­ population­ totale,­ taux­ de­ femmes,­ taux­ de­ jeunes­ de­moins­de­18­ans…

•­ Données­ économiques­ :­ nombre­ de­ personnes­ occupées,­ de­ salariés,­ de­ fonction-naires,­d’indépendants,­de­frontaliers…,­données­sur­les­revenus­(RMG,­salaire­mé-dian…),­données­sur­le­temps­de­travail­et­les­types­de­contrat,­les­secteurs­d’emploi­(NACE)­et­les­qualifications­(CITP),­etc.

•­ Données­sociologiques­liées­à­l’asile­politique,­à­la­participation­politique­au­Luxem-bourg­:­taux­d’inscription­sur­les­listes­d’électeurs,­etc.

Toutes­ ces­ observations­ portant­ sur­ les­ 40­ nationalités­ de­ l’échantillon­ constituent­ une­matrice­soumise­à­deux­types­de­calculs­:

•­ L’analyse­factorielle­en­composantes­principales­;•­ L’analyse­de­régression­simple26.

Synthèse des résultatsUne­première­ lecture­descriptive­des­données­montre­que­si,­entre­2007­et­2012,­ la­po-pulation­du­Luxembourg­a­augmenté,­la­taille­des­populations­étrangères­originaires­des­Balkans­et­du­Cap-Vert­n’augmente­pas­dans­la­même­mesure,­voire­se­tasse.­Ce­constat­pèse­sur­l’appréciation­des­variables­économiques­:­les­naturalisations­nombreuses­dans­ces­ deux­ groupes­ et­ les­ migrations­ (de­ travailleurs­ plus­ qualifiés)­ venant­ des­ nouveaux­pays­de­ l’UE­et,­dans­une­moindre­mesure,­du­Portugal­expliquent­ce­ fait.­Toutefois,­un­tiers­des­personnes­originaires­des­Balkans­ont­moins­de­18­ans­ :­ceci­place­ce­groupe­parmi­les­plus­jeunes­de­la­population.­Dans­la­population­générale,­ce­taux­est­de­20­%­seulement.

Entre­2007­et­2010,­le­nombre­de­bénéficiaires­du­RMG­de­nationalité­capverdienne­a­aug-menté­de­63­%,­passant­de­91­à­148­personnes.­Cette­augmentation­est­de­25­%­pour­l’en-semble­de­la­population­(de­9084­à­11­248­unités).­

En­ ce­ qui­ concerne­ les­ travailleurs­ résidant­ au­ Luxembourg­ en­ 2012,­ 13­ %­ des­ salariés­luxembourgeois,­18­%­de­l’ensemble­des­résidents,­21­%­des­ressortissants­de­l’UE,­26­%­des­Portugais,­30­%­des­ressortissants­étrangers­issus­des­Balkans,­31­%­des­ressortis-sants­des­pays­non-UE­et,­enfin,­45­%­des­Capverdiens­sont­situés­dans­une­tranche­de­revenu­dans­le­voisinage­du­salaire­social­minimum­(qualifiés­ou­non­qualifiés).

Entre­2007­et­2012,­ce­taux­est­resté­quasi­stable­pour­les­étrangers­non-UE­(il­passe­de­28­à­31­%),­toutefois,­il­est­multiplié­par­1,3­tant­pour­les­Luxembourgeois­(passant­de­10­à­13­%)­que­pour­les­autres­ressortissants­UE­(augmentation­de­16­à­21­%).­Les­travailleurs­qualifiés­(avec­un­salaire­minimum)­sont­davantage­concernés.­On­peut­en­déduire­que­la­crise­a­sur-tout­eu­un­effet­sur­les­salaires­moyens­et­élevés,­mais­que­le­système­de­solidarité­sociale­a­épargné­les­ressortissants­extra-européens­déjà­situés­à­un­niveau­bas­de­revenus.

Variables Cap-Vert Balkans27 Portugal Luxembourg Moyennes

­ Salaire­mensuel­médian­ 1919­ 2075­ 2278­ 3842­ 3263­ Salaire­Horaire­Moyen­ 12,18­ 13,68­ 14,47­ 27,1­ 23,76

Source­:­IGSS­2012­–­Valeurs­en­euros.

26­ Compte­tenu­de­la­taille­de­l’échantillon­(40­groupes­nationaux),­seuls­les­coefficients­de­corrélations­supérieurs­à­0,30­ou­inférieurs­à­—­0,30­sont­considérés­comme­significatifs­pour­p­< 0,05.

27­ Ex-Yougoslavie­et­Albanie.

35­­{ L’ethnostratification du marché }

On­ constate­ que­ le­ salaire­ médian­ mensuel28­ des­ travailleurs­ luxembourgeois­ est­ de­près­ de­ 4000­ euros.­ Celui­ des­ Capverdiens­ et­ des­ résidents­ originaires­ des­ Balkans­ au­Luxembourg­en­représente­seulement­la­moitié.­Avec­un­salaire­médian­de­2300­euros,­les­Portugais­représentent­un­groupe­intermédiaire,­cependant­loin­derrière­les­autres­natio-nalités­de­ l’UE.­Le­ tableau­est­similaire­ lorsque­ l’on­envisage­ le­salaire­horaire­moyen29­dans­chaque­groupe.

Les­ différences­ de­ qualifications­ sont­ les­ premières­ raisons­ qui­ expliquent­ ces­ distinc-tions­:­dans­la­population­générale,­on­compte­un­col­blanc­pour­deux­cols­bleus.­Ce­chiffre­est­de­5­pour­ les­personnes­ issues­des­Balkans,­6­pour­ les­Portugais­et­de­17­pour­ les­Capverdiens­!­Par­ailleurs,­entre­2007­et­2012,­ces­derniers­ont­vu­leur­population­de­tra-vailleurs­intérimaires­multipliée­par­1,62,­ce­qui­est­nettement­plus­que­pour­les­Luxem-bourgeois.

On­ constate­ également­ des­ formes­ de­ concentration­ ethniques­ dans­ les­ deux­ pôles­ de­l’échelle­ des­ qualifications­ (CITP30).­ Cette­ polarisation­ semble­ se­ confirmer­ entre­ 2007­et­2012.­Durant­cette­période,­et­sous­réserve­de­l’absence­du­code­CITP­pour­beaucoup­de­salariés­ résidant­au­Luxembourg,­on­observe­un­flux­de­spécialistes­des­professions­intellectuelles­ et­ scientifiques­ vers­ le­ Luxembourg.­ Ce­ gonflement­ ne­ concerne­ pas­ les­Capverdiens­ et­ relativement­ peu­ les­ personnes­ originaires­ des­ Balkans.­ À­ l’inverse,­ les­conducteurs­de­machines­et­ouvriers­sont­de­2,5­à­3,1­fois­plus­nombreux­chez­les­étran-gers­extra­européens­et­chez­les­Portugais.

Classification par secteurs et qualificationL’analyse­de­la­distribution­en­pourcentage­des­travailleurs,­résidents­et­frontaliers31­selon­les­nationalités­et­les­secteurs­principaux­au­Luxembourg­(codes­NACE­2012)­montre­que­les­40­groupes­considérés­peuvent­être­partagés­en­une­huitaine­de­profils­(cf.­graphiques­plus­loin)­:

•­ Les­ nationalités­ centrées­ sur­ les­ secteurs­ J­ information­ et­ communication­ et­ G­commerce­sont­les­Indiens,­États-Uniens­et­Russes­dont­15­à­35­%­des­effectifs­tra-vaillent­dans­ le­secteur­J­et­35­à­45­%­dans­ le­secteur­G.­Les­Luxembourgeois­se­situent­dans­le­même­profil­nonobstant­leur­présence­dans­le­secteur­H­transports­et­entreposage­et,­bien­sûr,­dans­l’emploi­public­(non­repris­dans­les­tableaux).

•­ Les­ressortissants­des­pays­limitrophes­du­Luxembourg,­ainsi­que­les­Italiens­sont­présents­dans­les­secteurs­F­construction­(20-35­%­des­effectifs),­G­commerce­(25-30­%)­et­K­finance­(20-25­%).

•­ Les­Chinois­et,­dans­une­moindre­mesure,­les­Turcs,­Brésiliens,­Roumains­et­Ukrai-niens­sont­centrés­sur­le­secteur­I­hébergement­et­restauration­(25-55­%).

•­ Les­ressortissants­des­pays­balkaniques,­les­Portugais­et­les­Polonais­sont­présents­dans­les­secteurs­N­activités­de­services­administratifs­et­de­soutien­(25-30­%)­et­F­construction­(25-30­%).

28­ Pour­le­calcul­du­salaire­mensuel­médian­des­résidents­par­nationalité,­les­statistiques­se­rapportent­au­31­mars­2012­et­ne­reprennent­que­les­salariés­dont­le­salaire­est­mentionné,­les­autres­étant­exclus­des­calculs.­Le­nombre­de­salariés­est­donc­inférieur­à­la­statistique­régulière.­Ces­données­ne­tiennent­pas­compte­des­heures­ouvrées­par­mois­(travail­à­temps­partiel…).­Il­faut­donc­les­traiter­avec­prudence,­c’est­pourquoi­une­comparaison­est­proposée­avec­le­salaire­horaire­à­des­fins­de­validation.

29­ Au­31­décembre­2012.30­ La­classification­par­type­de­profession­(CITP­sur­2­positions­—­www.ccss.lu/fileadmin/file/ccss/PDF/SECUline/citp88fr.

pdf)­se­présente­sous­forme­d’un­«­tableau­pivot­».­À­noter­que­le­code­CITP­est­seulement­rempli­pour­les­salariés­affi-liés­à­partir­de­mai­2005­par­leurs­employeurs,­la­démarche­n’est­pas­obligatoire.­La­comparaison­avec­2012­doit­être­faite­avec­prudence.

31­ Les­statistiques­concernent­les­résidents­et­les­frontaliers­sauf­mention­du­contraire.­Pour­information­:­les­nationalités­comportant­plus­de­ frontaliers­que­ les­autres­semblent­également­plus­souvent­ touchées­par­ le­chômage­ (R­=­0,75),­avoir­plus­de­travailleurs­sous­statut­intérimaire­(0,45),­plus­d’ouvriers­(0,43),­dans­les­secteurs­comme­la­construction­et­l’hôtellerie­(0,42)­et,­enfin,­des­salaires­moyens­plus­bas­que­d’autres­groupes­(-­0,53).

36­­

•­ Les­Maghrébins­et­ les­Capverdiens­sont­présents­dans­ les­secteurs­N­activités­de­services­administratifs­et­de­soutien­(20-25­%)­et­I­hébergement­et­restauration­(20-40­%).

•­ Le­secteur­H­transports­et­entreposage­est­le­lieu­où­travaillent­30­à­70­%­des­tra-vailleurs­originaires­des­pays­ex-communistes­de­l’Europe­centrale­et­du­sud-est.

•­ Le­secteur­H­transports­et­entreposage­est­aussi­attractif­pour­20­à­40­%­des­Autri-chiens,­ Suisses,­ Islandais­ et­ Néerlandais,­ mais­ ces­ derniers­ sont­ aussi­ fortement­présents­dans­le­secteur­K­finance­(25-60­%).

•­ Enfin,­une­large­cohorte­de­ressortissants­de­pays­de­l’UE­(RU,­Irlande,­Suède,­Da-nemark,­etc.)­sont­investis­dans­le­secteur­K­finance­(20­à­60­%­de­leurs­effectifs).

Le­graphique­simplifié­repris­ci-dessous­illustre­quelques­nationalités­massivement­cen-trées­sur­certains­secteurs­:­on­constate,­dans­ces­données­IGSS­2013­(légères­variations­par­rapport­à­2012),­que­les­Portugais,­les­Capverdiens­et­plusieurs­nationalités­des­Bal-kans­se­trouvent­concentrés­dans­des­emplois­de­la­construction­(env.­20­à­30­%­de­leurs­effectifs).­ En­ revanche,­ de­ nombreuses­ nationalités­ de­ l’UE,­ ainsi­ que­ les­ Islandais,­ les­Suisses­et­ les­Américains­sont­très­présents­dans­le­secteur­financier­:­ jusqu’à­60­%­de­leurs­effectifs.­Enfin,­au­milieu­du­graphe,­on­apprécie­la­forte­concentration­des­Chinois­et­de­quelques­autres­origines­non-UE­dans­le­secteur­Horeca.

Nationalités centrées sur certains secteurs­

Source­:­IGSS,­2013,­en­%.

L’exercice­ nous­ apprend­ que­ si­ les­ groupes­ nationaux­ ne­ se­ distribuent­ pas­ de­ manière­équitable­selon­les­secteurs,­un­même­secteur,­comme­la­catégorie­H­transports­et­en-treposage,­par­exemple,­peut­abriter­tant­des­ressortissants­européens­(40­%­des­Néer-landais­ sont­ employés­ dans­ ce­ secteur,­ ainsi­ que­ 30­ à­ 70­ %­ des­ Tchèques,­ Slovaques,­Bulgares­et­Croates)­que­des­travailleurs­venus­de­pays­hors­Union­(20­à­30­%­des­Islan-dais­et­Suisses,­ainsi­qu’environ­10­%­des­Monténégrins­et­des­Bosniaques).­Ont-ils­sans­doute­des­postes­et­des­qualifications­différents­au­sein­de­ce­secteur­?

La­ distribution­ en­ pourcentage­ des­ travailleurs­ résidants­ selon­ leurs­ nationalités­ et­classes­CITP­en­2012­permet­d’observer­les­régularités­à­travers­les­degrés­de­qualifica-tion­et­de­responsabilité,­même­si­ces­données­sont­incomplètes­et­doivent­être­considé-rées­à­titre­indicatif.

37­­{ L’ethnostratification du marché }

Huit­classes­CITP­sont­prises­en­considération­:•­ 15­:­Dirigeants­de­société­;•­ 20­:­Professions­intellectuelles­et­scientifiques­;•­ 31­:­Professions­intermédiaires­techniques­;•­ 40­:­Employés­administratifs­;•­ 50­:­Personnel­des­services­et­vendeurs­;•­ 70­:­Artisans­;•­ 80­:­Conducteurs­de­machines­;•­ 90­:­Ouvriers­non­qualifiés.

La­seconde­série­de­graphiques,­plus­bas,­permet­de­noter­que­:•­ Environ­ 30­ à­ 50­ %­ des­ ressortissants­ des­ pays­ balkaniques,­ du­ Cap-Vert,­ du­ Por-

tugal,­de­la­Tunisie­et­du­Brésil­sont­des­ouvriers­non­qualifiés,­bien­que­ce­groupe­comprenne­également­des­vendeurs­et­des­artisans.

•­ Les­ ressortissants­ de­ l’Europe­ centrale­ sont­ essentiellement­ présents­ dans­ les­classes­ de­ qualification­ intermédiaire­ :­ vendeurs,­ artisans­ et­ conducteurs­ de­ ma-chines.­Certains­sont­également­présents­dans­la­classe­«­31­:­Professions­intermé-diaires­techniques­».

•­ Le­groupe­hétéroclite­composé­par­les­Chinois,­Maghrébins,­Turcs,­Bulgares,­Rou-mains­et­Italiens­occupe­une­position­médiane­dans­l’échantillon­avec­une­concen-tration­ importante­ sur­ la­ classe­ «­ Personnel­ des­ services­ et­ vendeurs­ »­ :­ de­ 25­ à­70­%­des­effectifs.

•­ Les­ groupes­ les­ plus­ qualifiés­ sont­ les­ ressortissants­ des­ pays­ de­ l’UE­ (pays­ nor-diques,­pays­voisins­du­Luxembourg,­etc.),­de­l’EEE,­ainsi­que­de­l’Inde­et­des­EUA.­Dans­ces­groupes,­20-40­%­des­ travailleurs­sont­signalés­dans­ les­professions­ in-tellectuelles­ et­ scientifiques,­ les­ professions­ intermédiaires­ techniques­ et­ parmi­les­employés­administratifs.­Environ­10­à­25­%­dans­ces­catégories­font­partie­de­la­classe­«­15­:­Dirigeants­de­société­».

La­stratification­ethnique­selon­les­qualifications­et­responsabilités­exercées­au­sein­des­entreprises­apparaît­donc­clairement­et­rend­possible­le­croisement­entre­la­classification­des­qualifications­et­celle­des­secteurs­d’activité­(tableau­général­en­fin­de­série)­:

•­ Les­nationalités­hors­UE­(en­orange­:­en­particulier­les­nationalités­des­Balkans­et­le­Cap-Vert)­sont­essentiellement­présentes­dans­la­partie­supérieure­droite­du­ta-bleau,­soit­ les­emplois­non­ou­peu­qualifiés­des­secteurs­«­N­Activités­administra-tives­et­de­soutien­»,­«­I­Hébergement­et­restauration­»­et­«­F­Construction­».­Les­seules­exceptions­sont­les­Américains,­Indiens­et­Russes­qualifiés­qui­apparaissent­dans­les­secteurs­«­J­Information­et­communication­»­et­«­K­Intermédiation­finan-cière­».­Une­des­seules­nationalités­UE­à­être­présente­dans­ le­groupe­ faiblement­qualifié­est­portugaise.

•­ En­revanche,­la­grande­majorité­des­ressortissants­de­l’UE­(en­vert­foncé)­et­pays­assi-milés­(EEE,­en­vert­clair­dans­le­tableau)­sont­présents­dans­la­partie­inférieure­gauche­et­ comprennent­ des­ travailleurs­ qualifiés­ des­ domaines­ comme­ «­ H­ Transports­ »,­­«­J­Information­et­communication­»­et­«­K­Intermédiations­financières­».

On­aperçoit,­malgré­quelques­exceptions,­la­double­stratification­portant­sur­la­qualifica-tion,­ d’une­ part,­ et­ la­ présence­ dans­ les­ secteurs­ forts­ de­ l’économie­ luxembourgeoise,­d’autre­part,­qui­scindent­les­travailleurs­de­l’UE­de­la­plupart­des­actifs­immigrés­venus­de­pays­tiers.

Ces­résultats­confirment­et­précisent­les­observations­de­Leduc­et­Genevois­(2012)­et­pro-posent­une­description­de­l’ethnostratification­des­emplois­au­GDL.

38­­

Il­ semble­ donc­ exister­ un­ marché­ du­ travail­ dual­ au­ Luxembourg­ qui,­ hormis­ quelques­espaces­ intermédiaires32,­réserve­les­emplois­ faiblement­qualifiés­des­secteurs­périphé-riques­ de­ l’économie­ à­ des­ extra­ européens,­ ainsi­ qu’aux­ travailleurs­ portugais.­ En­ re-vanche,­ les­ emplois­ qualifiés­ et­ centraux­ pour­ l’économie­ du­ pays­ sont­ occupés­ par­ les­nationaux,­ les­autres­Européens­et­quelques­groupes­de­petite­ taille­comme­ les­Améri-cains­et­les­Indiens.

Il­reste­à­vérifier­si­cette­segmentation­va­de­pair­avec­les­différentiels­de­niveau­de­sa-laire,­ de­ stabilité­ d’emploi,­ de­ pénibilité­ du­ travail,­ des­ possibilités­ de­ promotion,­ etc.­(«­good­jobs­»/«­bad­jobs­»).

"

DISTRIBUTION EN % DES TRAVAILLEURS SELON NATIONALITÉS ET SECTEURS PRINCIPAUX AU LUXEMBOURG 2012

F ConstructionG Commerce ; réparation d’automobiles et de motocyclesH Transports et entreposageI Hébergement et restaurationJ Information et communicationN Activités de services administratifs et de soutienX Intermédiation Financière

Données IGSS — Calculs CEFIS

40

30

20

10

0

50

60

70

80

J N F I G X H

40

35

30

25

20

15

10

5

0

45

40

35

30

25

20

15

10

5

0

45

40

35

30

25

20

15

10

5

0J N F I G X H

J N F I G X H

J N F I G X H

J N F I G X H

J N F I G X H

J N F I G X H

J N F I G X H

40

35

30

25

20

15

10

5

0

45

50

40

20

0

100

80

60

40

30

20

10

0

50

60

70

80

100

90

40

30

20

10

0

50

60

70

80

90

AUTRICHE

PAYS-BAS

ISLANDE

SUISSE

EUA

INDE

LUXEMBOURG(+ emploi pub.)

RUSSIE

ALBANIE

SERBIE

PORTUGAL

BOSNIE HERZEGOVINE

MACEDOINE

MONTENEGRO

POLOGNE

HONGRIE

SLOVAQUIE

CROATIE

BULGARIE

REPUBLIQUE TCHEQUE

FRANCE

ALLEMAGNE

BELGIQUE

ITALIE

CAP-VERT

TUNISIE

ALGÉRIE

MAROC

ESPAGNE

GRÈCE

ROYAUME-UNI

DANEMARK

IRLANDE

SUEDE

FINLANDE

BRÉSIL

UKRAINE

CHINE

TURQUIE

ROUMANIE

32­ Par­exemple,­la­présence­des­Chinois­et­Turcs­dans­les­activités­commerciales.­Consulter­également­l’étude­du­SESOPI­(2004).

" !

35

30

25

20

15

10

5

0

DISTRIBUTION EN % DES TRAVAILLEURS SELONNATIONALITÉS ET CLASSES PRINCIPALES AU LUXEMBOURG 2012

Classes CITP15 dirigeants de sociétés20 professions intellectuelles et scientifiques31 professions intermédiaires des sciences physiques et

techniques40 employés de type administratif50 personnel des services et vendeurs de magasin et de marché70 artisans et ouvriers des métiers de type artisanal80 conducteurs d’installations et de machines et ouvriers de

l’assemblage90 ouvriers et employés non qualifiés

4035302520

1510

5

0

45

90 80 70 50 40 31 1520

FRANCE

ESPAGNE

ALLEMAGNE

GRÈCE

ROYAUME-UNI

EUA

INDE

90 80 70 50 40 31 1520

LUXEMBOURG

BELGIQUE

40

30

20

10

0

50

60

90 80 70 50 40 31 1520

ALBANIE

BRÉSIL

SERBIE

CAP-VERT

PORTUGAL

BOSNIE HERZEGOVINE

MACEDOINE

MONTENEGRO

TUNISIE

40

35

30

25

20

15

10

5

0

45

90 80 70 50 40 31 1520

HONGRIE

POLOGNE

SLOVAQUIE

40

35

30

25

20

15

10

5

090 80 70 50 40 31 1520

CROATIE

UKRAINEAUTRICHE

40

30

20

10

0

50

60

70

80

90 80 70 50 40 31 1520

CHINE

ALGÉRIE

BULGARIE

MAROC

TURQUIE

ROUMANIE

ITALIE

4035302520

1510

5

0

45

90 80 70 50 40 31 1520

DANEMARK

IRLANDE

SUEDE

FINLANDE

ISLANDE

SUISSE

90 80 70 50 40 31 1520

40

30

20

10

0

50

60

PAYS-BAS

REPUBLIQUE TCHEQUE

RUSSIE

Données IGSS — Calculs CEFIS

39­­{ L’ethnostratification du marché }

Qualifications

Nationalités étrangères avec 25 % ou plus des effectifs dans les caté-gories suivantes (emplois privés)

Données IGSS 2012Tableau CEFIS

Secteurs

Haute

20 professions intellectuelles et scientifiques

31 professions intermédiaires des sciences physiques et techniques

Moyenne

40 employés de type administratif

50 personnels des services et vendeurs de magasin et de marché

70 artisans et ouvriers des mé-tiers de type artisanal

Basse

80 conducteurs d’installations et de machines et ouvriers de l’assemblage

90 ouvriers et employés non qualifiés

N Activités de services administratifs et de soutien

AlbanieAlgérie

AlbanieAlgérie

I Hébergement et restauration IndeTurquie

BrésilChineInde­MarocTunisieTurquieUkraine

BrésilCap-VertMarocTunisie

F Construction BosnieMonténégro

BosnieMacédoineMonténégro

Portugal Portugal

G Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles

Etats-UnisIndeRussie

Etats-UnisIndeUkraine

BelgiqueEspagneFranceItalie

J Information et communication FinlandeGrèceRoyaume-UniSuède

FinlandeGrèceIrlandeRoyaume-Uni

Inde­Etats-Unis

Etats-UnisInde

K Intermédiation financière FinlandeGrèceIslandeRoyaume­UniSuèdeSuisse

BelgiqueDanemarkEspagneFinlandeGrèceIrlandeRoyaume-UniSuède

IslandeSuisse

Etats-UnisIndeRussie

Etats-UnisInde

H Transports et entreposage Pays-BasSuèdeTchéquie

BulgarieDanemarkFranceIrlandeIslandePologneRoumanieSuède

Pays-BasSlovaquieTchéquie

IslandeSuisse

Suisse

Bosnie Bosnie

40­­

Caractéristiques des emplois selon les nationalités

Afin­d’identifier­ les­principales­caractéristiques­des­emplois­occupés­par­des­personnes­de­différentes­nationalités­sur­le­marché­luxembourgeois,­nous­avons­procédé­à­des­ana-lyses­factorielles.­Celles-ci­permettent­d’isoler­des­catégories­de­travailleurs­de­certaines­origines­se­concentrant­dans­des­emplois­aux­caractéristiques­différentes.

Une­ première­ analyse­ classifie­ les­ travailleurs­ résidants­ de­ différentes­ nationalités­ le­long­d’une­échelle­salariale.­Les­groupes­nationaux­avec­les­salaires­mensuels­médians­les­ plus­ élevés,­ ainsi­ que­ ceux­ qui­ recèlent­ en­ leur­ sein­ le­ moins­ de­ personnes­ dont­ le­revenu­est­proche­du­salaire­social­minimum­reçoivent­des­scores­positifs.­À­l’inverse,­les­groupes­nationaux­composés­de­beaucoup­de­travailleurs­proches­du­salaire­social­mini-mum­(SSM)­sont­dotés­de­scores­négatifs.­La­valeur­zéro­est­la­moyenne­de­l’échantillon­des­40­groupes­nationaux.

Cela­donne­la­classification­suivante­:•­ Le­ Danemark,­ la­ Suède,­ l’Islande,­ le­ Royaume-Uni,­ la­ Finlande,­ les­ Etats-Unis,­ la­

Suisse,­l’Irlande­sont­les­pays­dont­les­ressortissants­ont­les­salaires­les­plus­élevés­au­Luxembourg,­leur­score­«­Salaire­»­est­largement­positif,­bien­au-delà­d’un­écart­type­de­la­moyenne­(Italie,­Russie).

•­ En­ revanche,­ les­ ressortissants­de­ la­Pologne,­de­ la­Turquie,­de­ la­Bulgarie,­de­ la­Roumanie,­ du­ Cap-Vert,­ du­ Maroc,­ de­ la­ Chine,­ de­ la­ Slovaquie­ et­ de­ l’Algérie­ ont­plus­ souvent­ des­ salaires­ proches­ du­ SSM.­ Ces­ groupes­ nationaux­ ont­ reçu­ des­scores­négatifs­à­plus­d’un­écart­type.

-1,4

-0,9

-0,4

0,1

0,6

1,1

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Échelle salariale

Une­ deuxième­ analyse­ factorielle­ permet­ de­ mesurer­ la­ stabilité/précarité­ des­ emplois­­des­membres­des­groupes­nationaux.­Les­groupes­avec­le­nombre­d’intérimaires­le­plus­bas,­le­nombre­de­travailleurs­disposant­d’un­CDI­le­plus­haut,­ainsi­que­ceux­dont­la­pro-portion­d’intérimaires­diminue­depuis­2007­au­bénéfice­d’une­augmentation­du­nombre­de­contrats­à­durée­indéterminée­reçoivent­des­scores­positifs.­À­l’inverse,­les­groupes­natio-naux­ qui­ ont­ le­ comportement­ proche­ du­ contraire­ sont­ graduellement­ dotés­ de­ scores­négatifs.

41­­{ L’ethnostratification du marché }

Cela­donne­la­classification­suivante­:•­ L’Islande,­ la­Suède­et­ la­Russie­sont­ les­pays­dont­ les­ressortissants­ont­ le­niveau­

de­stabilité­le­plus­élevé­du­marché,­leur­score­«­Stabilité­»­est­positif,­au-delà­d’un­écart­type­de­la­moyenne­zéro­(Italie,­Macédoine).

•­ À­l’inverse,­les­ressortissants­des­pays­comme­le­Portugal,­le­Cap-Vert,­l’Espagne,­la­Hongrie,­la­Finlande,­la­Slovaquie,­la­Pologne,­l’Algérie­et­le­Maroc­ont­majoritaire-ment­des­contrats­précaires­sur­le­marché­luxembourgeois.­Ces­groupes­reçoivent­des­scores­négatifs.

-2,3

-1,8

-1,3

-0,8

-0,3

0,2

0,7

1,2

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Précarité/Stabilité

La­ troisième­ analyse­ permet­ d’ordonner­ les­ groupes­ observés­ en­ fonction­ du­ secteur­d’activité­dans­lequel­la­plupart­de­leurs­membres­travaillent.­Les­groupes­nationaux­avec­les­salariés­les­plus­nombreux­dans­les­secteurs­comme­la­finance­et­les­technologies­se­placent­ dans­ la­ partie­ positive­ de­ l’axe.­ À­ l’inverse,­ les­ groupes­ nationaux­ composés­ de­beaucoup­ de­ travailleurs­ dans­ des­ secteurs­ comme­ les­ services­ aux­ entreprises­ et­ aux­personnes,­ainsi­que­la­construction,­sont­situés­dans­la­partie­négative­:

•­ L’Irlande,­ le­ Royaume-Uni,­ la­ Suède,­ le­ Danemark,­ l’Inde,­ la­ Finlande,­ la­ Grèce,­ l’Is-lande,­les­Etats-Unis­sont­les­pays­dont­les­ressortissants­sont­massivement­présents­dans­les­secteurs­financiers­et­technologiques,­leur­score­est­positif,­au-delà­d’un­écart­type­de­la­moyenne­(=­les­Belges­qui­se­distribuent­sur­un­grand­nombre­de­secteurs).

•­ A­contrario,­les­nationaux­du­Cap-Vert,­de­la­Serbie,­de­l’Algérie,­du­Monténégro,­du­Portugal,­ de­ la­ Bosnie,­ de­ l’Albanie­ et­ de­ la­ Macédoine­ sont­ majoritairement­ dans­des­ secteurs­ tels­ que­ la­ construction,­ le­ nettoyage,­ les­ services,­ etc.­ Ces­ groupes­obtiennent­des­scores­négatifs.

-1,7

-1,2

-0,7

-0,2

-0,3

0,8

1,3

1,8

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(<<<<Services, Construction) Secteurs d’emploi (Communication, Finance>>>>)

42­­

Les­ croisements­ effectués­ entre­ ce­ classement­ sectoriel­ et­ les­ scores­ factoriels­ pré-cédents­ montrent­ que­ la­ forte­ concentration­ d’une­ nationalité­ dans­ les­ secteurs­ de­ la­construction­et­des­activités­administratives­ou­de­soutien­est­significativement­corrélée­avec­un­niveau­de­salaire­bas­(R­=­-­0,47)­et­une­forte­propension­à­dépendre­d’allocations­sociales­ (RMG)­ (R­=­0,67).­En­revanche,­ la­ forte­concentration­d’une­nationalité­dans­ les­secteurs­«­information,­communication­»­et­«­finance­»­est­significativement­corrélée­avec­un­haut­niveau­de­salaires­(R­=­0,78)­et­une­faible­propension­à­dépendre­d’allocations­de­solidarité­(R­=­-­0,46).

Une globalisationIl­est­possible­à­présent­de­combiner­ces­trois­axes,­salaire,­stabilité­et­secteur.

Le­graphique­suivant­permet­de­visualiser­le­comportement­des­groupes­nationaux­selon­ces­facteurs­et­de­voir­quelles­sont­les­nationalités­qui­convergent­entre­elles­en­fonction­de­leur­posture­sur­le­marché­de­l’emploi­luxembourgeois.

Comme­on­le­constate,­les­groupes­UE,­la­Suisse,­l’Inde­et­les­USA­ont­à­chaque­fois­les­positions­les­plus­favorables­sur­le­marché­de­l’emploi­(les­triangles­les­plus­larges).

En­ revanche,­ les­ Capverdiens­et­ les­ Portugais­ sont­ sis­ au­ centre­du­ graphique,­ proches­pour­ chaque­ axe­ défini­ de­ la­ position­ professionnelle­ la­ moins­ enviable­ (les­ plus­ petits­triangles).

On­identifie­également­à­gauche,­un­groupe­intermédiaire­composé­des­ressortissants­des­groupes­issus­des­Balkans.

Les­ Luxembourgeois,­ les­ plus­ nombreux­ sur­ le­ marché­ du­ travail­ et­ distribués­ dans­ de­nombreux­secteurs,­sont­assimilables­à­ce­groupe­par­leur­posture­intermédiaire­qui­tire­avantage­de­sa­stabilité­professionnelle.

Secteur Stabilité Salaire

Secteur 1 0,187 0,628

Stabilité 1 0,449

Salaire 1

43­­{ L’ethnostratification du marché }

On­notera­que­ces­trois­facteurs­sont­relativement­bien­corrélés­entre­eux.­Aussi,­il­semble­donc­pertinent­d’en­extraire­un­score­synthétique­final­qui­réunit­les­propriétés­de­ces­trois­axes­de­façon­à­construire­virtuellement­la­stratification­du­marché­de­l’emploi,­ainsi­que­la­définit­la­théorie­(Bluestone,­1970­;­Doeringer­et­Piore,­1971)­:

•­ dans­les­strates­supérieures­les­«­good­jobs­»­(sûrs­et­lucratifs)­des­secteurs­cen-traux­(finance­et­technologie)­avec­des­scores­positifs­(marché­primaire)­;

•­ dans­ les­ strates­ inférieures­ les­ «­ bad­ jobs­ »­ (précaires­ et­ mal­ rémunérés,­ durées­de­chômage­élevées)­des­secteurs­périphériques­(services­et­construction)­avec­des­scores­négatifs­(marché­secondaire)­;

•­ et,­ enfin,­ au­ centre,­ des­ strates­ intermédiaires­ avec­ des­ scores­ proches­ de­ zéro­(marché­intermédiaire).

-2,0

-1,5

-1,0

-0,5

0,0

0,5

1,0

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(<<<<< Marché secondaire) Stratification du marché de l’emploi (Marché primaire >>>>>)

Les­résultats­sont­:•­ Les­pays­d’origine­les­plus­présents­dans­le­«­marché­primaire­»­sont­le­Danemark,­

la­Suède,­l’Islande,­le­Royaume-Uni,­l’Irlande,­les­Etats-Unis,­la­Suisse,­l’Autriche,­la­Belgique,­les­Pays-Bas,­l’Inde­et­le­Luxembourg.

•­ Les­groupes­intermédiaires­sont­de­Serbie,­du­Monténégro,­de­République­tchèque,­de­Bosnie­et­d’Ukraine.

•­ Enfin,­ les­travailleurs­du­«­marché­secondaire­»­sont­originaires­de­Macédoine,­du­Portugal,­de­Bulgarie,­du­Cap-Vert,­du­Maroc,­de­Slovaquie,­de­Roumanie,­d’Algérie,­de­Pologne­et­de­Hongrie.

Si­la­position­favorable­des­travailleurs­expatriés­des­pays­de­l’UE­par­rapport­à­ceux­des­pays­ hors­ UE­ est­ vérifiée,­ elle­ doit­ être­ nuancée­ :­ les­ Portugais,­ les­ Bulgares,­ les­ Slo-vaques,­ les­ Roumains,­ les­ Polonais­ et­ les­ Hongrois­ ferment­ la­ marche­ dans­ le­ marché­inférieur,­tributaire­d’emplois­peu­sûrs­et­peu­rémunérateurs.­En­revanche,­la­moitié­des­groupes­balkaniques­se­trouve­dans­la­strate­centrale­du­marché.

Cette­situation­ne­s’explique­pas­uniquement­par­la­récence­de­certains­travailleurs­sur­le­marché­luxembourgeois,­puisque­les­Portugais­sont­parmi­les­nationalités­les­plus­ancien-nement­installées­–­même­si­le­flux­migratoire­de­cette­origine­a­connu­un­accroissement­ces­dernières­années­–­et­les­plus­nombreuses­au­Luxembourg.­Elle­ne­semble­pas­liée­non­plus­au­degré­de­qualification­des­travailleurs,­puisque­des­groupes­très­ faiblement­qualifiés­(Capverdiens)­et­moyennement­qualifiés­(les­conducteurs­slovaques­et­hongrois,­par­exemple)­s’y­côtoient.­En­revanche,­ le­statut­administratif­sur­ le­marché­de­ l’emploi­semble­être­une­des­clés­de­compréhension.

44­­

Par­exemple,­on­observe­que­plus­la­proportion­d’indépendants­augmente­dans­un­groupe­national,­moins­bon­est­son­positionnement­sur­le­marché­du­travail­(R­=­-­0,477).­Or,­les­nouvelles­modalités­d’emploi­de­personnes­peu­qualifiées­proposées­aux­travailleurs­eu-ropéens­ nouvellement­ installés­ au­ Luxembourg­ sont­ souvent­ de­ l’ordre­ de­ la­ sous-trai-tance­ qui­ impose­ un­ statut­ de­ (faux)­ indépendant­ (camionneurs­ slovaques,­ agriculteurs­polonais,­ maçons­ portugais,­ nettoyeurs­ bulgares,­ etc.)­ (Morar-Vulcu,­ 2013).­ Aussi,­ il­ est­important,­comme­le­suggère­Martens­(2006),­de­croiser­selon­les­nationalités,­la­position­des­travailleurs­sur­le­marché­du­travail,­d’une­part,­et­ la­position­des­résidents­dans­le­système­de­sécurité­sociale,­d’autre­part.

Un emploi pour s’intégrer ?À­cette­fin,­nous­construisons­un­dernier­facteur­qui­mesure­le­degré­du­bénéfice­relatif­que­des­groupes­nationaux­divers­retirent­du­système­de­protection­sociale­luxembourgeois.

Cet­axe­place­en­son­extrémité­positive­les­groupes­bénéficiant­couramment­du­système­de­solidarité­sociale­(indemnités­de­chômage­ou­revenu­minimum­garanti).­À­l’inverse,­les­groupes­nationaux­qui­ne­bénéficient­pas­(encore)­de­ce­système­sont­dans­la­partie­néga-tive­de­l’axe.­Ce­score­factoriel­qui­mesure­la­place­des­groupes­nationaux­dans­le­système­de­la­sécurité­et­de­la­solidarité­sociale­(principalement­donateurs­ou­principalement­bé-néficiaires)­est­indépendant­(corrélation­nulle)­de­l’axe­précédent­censé­identifier­la­posi-tion­des­mêmes­groupes­au­sein­du­marché­de­l’emploi.

On­ apprend­ que­ certains­ indépendants­ (—­ 0,42)­ et­ les­ nouveaux­ arrivants­ (—­ 0,47)­semblent­être­(provisoirement­?)­exclus­du­système.

Le­résultat­est­:•­ Les­ressortissants­de­certains­pays­ex-yougoslaves,­du­Cap-Vert­et­du­Brésil­appa-

raissent­comme­bénéficiaires­du­système­de­solidarité,­à­plus­d’un­écart­type­de­la­norme­de­l’échantillon­(Luxembourg,­Pays-Bas).

•­ À­l’opposé,­les­Indiens,­les­Hongrois,­les­Roumains­et­les­Bulgares­sont­les­groupes­les­moins­souvent­bénéficiaires­de­ la­sécurité­sociale.­Des­raisons­administratives­l’expliquent­notamment­dans­le­cas­des­deux­derniers­pays­ayant­adhéré­à­l’UE.

-1,4

-0,9

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0,1

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Bénéfice de la solidarité sociale

45­­{ L’ethnostratification du marché }

L’ethnostratification et sa pondération par la sécurité socialeLe­ croisement­ des­ deux­ axes­ (stratification­ du­ marché­ et­ participation­ à­ la­ sécurité/so-lidarité­ sociale)­ permet­ une­ ultime­ représentation­ de­ l’ethnostratification­ du­ marché­ de­l’emploi­au­Luxembourg.

Dans­ le­graphique­suivant,­ l’axe­vertical­ représente­ le­positionnement­sur­ le­marché­de­l’emploi.­L’autre­schématise­la­place­dans­le­système­de­sécurité­sociale.

On­voit­apparaître­quatre­groupes­de­nationalités­:•­ Les­groupes­nationaux­en­orange,­au­centre,­sont­dans­la­position­la­plus­favorable­:­

bonne­ insertion­ professionnelle­ et­ sociale­ de­ leurs­ travailleurs.­ Ce­ sont­ les­ natio-naux­et­les­ressortissants­des­pays­limitrophes.

•­ Le­groupe­en­bleu,­principalement­les­autres­groupes­de­l’UE,­bénéficie­certes­d’une­excellente­ assise­ professionnelle,­ mais­ ne­ bénéficie­ guère­ du­ système­ social­ du­pays.­Les­membres­de­ce­groupe­n’y­ont,­par­définition,­pas­recours,­disposant­sans­doute­également­d’assurances­privées­et­d’autres­mécanismes­de­protection.

•­ Les­ étrangers­ les­ plus­ nombreux­ et­ ancrés­ au­ Luxembourg,­ les­ personnes­ issues­des­Balkans­et­du­Cap-Vert­(en­rouge)­ont­une­place­moins­favorable­que­les­précé-dents­sur­le­marché­de­l’emploi.­En­revanche,­participant­au­système­social­du­pays,­résidents,­ils­sont­soutenus­par­la­solidarité­sociale,­ce­qui­compense­sans­doute­en­partie­les­difficultés­sur­le­marché­de­l’emploi.­Le­groupe­étranger­européen­le­plus­nombreux,­les­Portugais,­partage­le­même­destin.­En­effet,­en­annulant­théorique-ment­l’effet­correctif­de­la­sécurité­sociale,­on­constate­que­des­groupes­comme­les­Bosniaques­et­les­Capverdiens,­notamment,­risqueraient­de­connaître­une­situation­économique­ deux­ fois­ plus­ défavorable­ qu’à­ présent.­ En­ revanche,­ la­ position­ des­Luxembourgeois,­par­exemple,­ne­changerait­pas­beaucoup,­étant­située­au­centre­du­graphique.­Ces­trois­premiers­groupes­réunis­par­la­flèche­au­centre­du­tableau­représentent­ la­stratification­du­marché­principal­d’emploi­dont­ les­effets­excluant­sont­donc­en­partie­corrigés­par­le­système­de­bien-être­social­(Priore,­1971).

•­ Enfin,­en­grisé­sur­le­tableau,­le­dernier­groupe,­hétéroclite,­récent,­est­composé­tant­d’Européens­(du­centre­et­de­l’est­du­continent)­que­de­travailleurs­ressortissants­de­pays­tiers­(Maghreb,­Asie).­Certains­sont­dans­une­position­peu­favorable­sur­le­mar-ché­du­travail,­ils­ne­sont­pas­non­plus­–­dans­l’état­actuel­des­choses­–­bénéficiaires­du­système­de­solidarité­sociale­(Martens,­2006)33.

33­ On­peut­faire­l’hypothèse­qu’une­partie­des­activités­professionnelles­de­ce­groupe­d’exclus­soient­exécutées­dans­des­situations­d’infra­droit­(les­«­working­poors­»­de­Bluestone,­1970).­Ainsi,­pourrait­exister­un­marché­d’emploi­parallèle­(petits­ commerces,­ faux­ indépendants,­ travailleurs­ itinérants­ ou­ saisonniers,­ travailleurs­ irréguliers,­ etc.)­ à­ la­ strati-fication­ décrite.­ Les­ directives­ européennes­ relatives­ aux­ migrations­ économiques­ (directive­ permis­ unique,­ directive­sanction…)­créent­des­inégalités­de­traitement­entre­travailleurs­des­pays­tiers­et­les­Européens,­comme­entre­les­res-sortissants­de­pays­de­l’Union­frappés­de­restrictions­à­la­mobilité­(Bulgarie,­Roumanie)­et­les­autres­citoyens­de­l’UE­(jusqu’en­janvier­2014,­en­principe).­La­directive­européenne­concernant­les­travailleurs­détachés­crée­également­une­inégalité­de­traitement­entre­travailleurs­nationaux­–­protégés­par­toutes­les­conventions­collectives­–­et­les­travailleurs­détachés,­protégés­uniquement­par­les­conventions­d’application­générale.­En­contrepartie,­la­libre­circulation­des­biens­et­des­services­que­servent­ces­différentes­législations­est­défendue­par­la­Cour­européenne­de­Justice­de­Luxembourg.­Un­de­ses­arrêts­récents­juge­que­la­protection­des­droits­des­travailleurs­n’est­pas­une­raison­d’intérêt­général­à­même­de­justifier­une­restriction­de­la­libre­circulation­des­services­(Franssens,­2011,­24).

46­­

TransitionSi­l’emploi­est­un­des­espaces­principaux­d’insertion­et­de­cohésion­sociale,­reste-t-il­un­lieu­de­vivre­ensemble,­de­solidarité,­d’intégration­et­de­justice­sociale­?­(Sesopi,­2004).

Dans­cette­partie,­nous­nous­sommes­penchés­sur­une­série­de­questions­liées­à­la­stratifi-cation­du­marché­de­l’emploi­luxembourgeois.­Leduc­et­Genevois­(2012)­montrent­qu’il­s’agit­appréhender­cette­question­avec­un­grand­angle,­englobant­les­dimensions­de­genre­et­de­statut­administratif­des­travailleurs.­Ces­questions­n’ont­donc­pas­de­liens­consubstantiels­à­ la­présence­massive­de­ travailleurs­étrangers­sur­ le­marché­du­ travail­grand-ducal.­En­revanche,­ la­ présence­ de­ ces­ étrangers­ de­ toutes­ origines­ et­ les­ positions­ inégales­ selon­les­secteurs­et­catégories­qu’ils­occupent­montre­une­ethnicisation­certes­secondaire,­mais­profonde­des­processus­de­ségrégation­sur­le­marché­du­travail­(Fehlen­et­Pigeron,­2009).

Notre­observation­décrit­une­situation­où­la­grande­majorité­des­travailleurs­issus­des­pays­anciens­membres­de­l’UE­et­de­grandes­puissances­économiques­mondiales­occupent­des­situations­professionnelles­notablement­favorables.

Ils­font­face­à­des­travailleurs­occupant­des­positions­peu­qualifiées,­peu­sûres­et­nette-ment­moins­rémunératrices.­Ces­derniers­sont­de­l’UE,­issus­des­pays­du­sud­du­continent­(Portugal,­ principalement),­ mais­ aussi­ de­ la­ péninsule­ balkanique­ et,­ enfin­ de­ certains­pays­africains­comme­le­Cap-Vert.

Au­centre­de­cette­stratification,­ la­couche­centrale­est­ investie­par­un­groupe­«­pivot­»,­composé­des­Luxembourgeois­et­des­ressortissants­des­trois­pays­limitrophes­du­GD,­lar-gement­présents­sur­le­marché­du­travail.

Si­les­effets­socialement­et­économiquement­discriminants­de­cette­ségrégation­semblent­en­partie­compensés­par­le­système­de­sécurité­sociale­lié­à­l’emploi,­on­constate­égale-ment­qu’un­quatrième­groupe­de­travailleurs­est­exclu­de­cette­protection.

47­­{ L’ethnostratification du marché }

La­complexité­du­ tableau­vient­du­ fait­que­ce­groupe­n’est­pas­uniquement­composé­de­migrants­extra­UE,­non­scolarisés,­mais­également­de­travailleurs­issus­de­pays­nouvel-lement­membres­de­l’Union,­et­même­moyennement­qualifiés­pour­certains.­La­clé­de­la­ségrégation­semble­être­ici­le­statut­administratif,­organisé­dans­une­certaine­mesure­par­la­réglementation­européenne­et­sa­transposition­en­droit­national.

Autre­figure­de­complexité­:­l’unité­d’analyse­étant­les­valeurs­moyennes­observées­au­sein­de­ chaque­ groupe­ national,­ on­ notera­ l’existence­ de­ groupes­ intermédiaires­ comme­ les­Tchèques,­ les­Ukrainiens­et­ les­Chinois,­par­exemple,­situés­à­ la­ limite­entre­ le­marché­«­primaire­»­et­le­marché­«­secondaire­».­À­droite­du­graphique,­les­Monténégrins­et­les­Serbes­ sont­ dans­ une­ situation­ similaire,­ montrant­ qu’une­ partie­ de­ leurs­ effectifs­ jouit­d’une­position­professionnelle­«­favorable­»,­tandis­que­l’autre­est­nettement­moins­bien­insérée­dans­le­marché.

Les­travailleurs­slovaques,­marocains,­espagnols­et­albanais­sont­dans­une­même­situa-tion­intermédiaire,­entre­la­partie­bénéficiant­de­la­sécurité/protection­sociale­et­la­partie­n’en­bénéficiant­pas.

Ces­constats­permettent­d’insister­sur­l’étude­ultérieure­individuelle­et­qualitative­des­tra-jectoires­et­stratégies­personnelles­ou­groupales­des­travailleurs­en­complément­à­la­pré-sente­analyse­quantitative,­mais­ponctuelle.­Les­trajectoires­personnelles,­à­l’intérieur­des­groupes­ethniques,­peuvent­grandement­aider­à­voir­les­différences­de­positionnement­et­de­nuancer­la­compréhension­des­différences­entre­groupes­de­travailleurs,­ainsi­que­des­passages­entre­catégories.

Ainsi,­selon­Lindbeck­et­Snower­(1986),­il­existe­parmi­les­salariés­d’une­même­entreprise­un­marché­interne­qui­scinde­les­employés­entre­«­insiders­»­et­«­outsiders­».­Le­segment­externe,­ contrairement­ au­ segment­ interne,­ subit­ l’organisation­ du­ travail,­ les­ règles­ de­rémunération,­etc.,­les­travailleurs­du­marché­interne­jouissant,­quant­à­eux,­d’avantages­qui­leur­permettent­de­négocier­mieux­leurs­positions­et­prétentions.

Aussi,­dans­la­suite­de­ce­rapport,­nous­nous­interrogerons­sur­les­pratiques­d’embauche­et­ de­ rémunération,­ les­ modalités­ de­ contrôle­ et­ d’organisation­ du­ travail,­ ainsi­ que­ de­formation­et­de­socialisation,­avec­des­outils­qualitatifs­et­observant­des­trajectoires­indi-viduelles,­pour­savoir­si­elles­sont­égalitaires,­quelles­que­soient­les­caractéristiques­so-cioculturelles­des­travailleurs­et­ les­spécificités­des­entreprises­qui­ les­emploient.­Nous­nous­demanderons­également­si­les­entreprises­laissent­une­place­équitable­aux­particu-larités­individuelles­et­groupales­des­travailleurs.

4

Approche qualitative des processus d’intégration

au et par le travail34

34­ Avec­les­contributions­de­Sylvain­Besch.

50­­

51­­{ Approche qualitative } 51­­

34«­L’emploi­est­une­des­principales­motivations­qui­pousse­une­grande­partie­des­migrants­à­venir­s’installer­dans­un­pays­étranger­:­ils­espèrent­y­trouver­

de­meilleures­conditions­de­vie­qui­passent­par­un­emploi­et­un­salaire­décents­(…)­Les­revenus­permettent­d’éviter­la­marginalisation,­offrent­une­indépendance­

économique,­une­certaine­sécurité,­le­moyen­de­tisser­des­liens­sociaux,­une­participation­au­sein­de­la­société,­un­moyen­de­répondre­aux­besoins­sanitaires­et­de­logement­»35.

«­L’emploi­est­un­élément­clé­du­processus­d’intégration.­»36­

Cherchant­à­interroger­les­processus­d’intégration­sociale­au­et­par­le­travail,­l’approche­qualitative­ de­ l’insertion­ au­ Luxembourg­ des­ travailleurs­ originaires­ de­ pays­ tiers­ s’est­effectuée­au­moyen­d’interviews­approfondies,­menées­auprès­d’un­échantillon­d’acteurs­diversifiés,­dans­de­multiples­sphères­du­marché­de­l’emploi­(Manço­et­Barras,­2013).Un­total­de­57­témoins­ont­été­rencontrés­dans­16­entreprises­différentes­durant­2013­:

•­ Neuf­de­ces­entreprises­se­situent­dans­des­secteurs­tels­que­la­sidérurgie,­la­col-lecte­ de­ déchets,­ les­ transports,­ le­ nettoyage,­ la­ finance,­ les­ services­ aux­ entre-prises,­ainsi­que­la­restauration­et­la­distribution­de­produits­ethniques.­Il­s’agit­de­grandes,­moyennes­et­petites­entreprises.­Un­total­de­48­sujets,­hommes­et­femmes,­ont­été­ interrogés­dans­ces­sociétés.­En­ tout,­41­ travailleurs­ont­été­rencontrés­et­­7­ interviews­ont­été­menées­avec­des­responsables­d’entreprise­ :­directeurs,­ges-tionnaires­des­ressources­humaines,­chefs­de­service.­Soit­en­moyenne­cinq­entre-tiens­ par­ entreprise,­ quatre­ avec­ des­ travailleurs­ et­ un­ avec­ un­ responsable.­ Une­moitié­de­ l’échantillon­concerne­des­travailleurs­hautement­qualifiés­et­ l’autre­des­personnes­peu­ou­pas­formées.

•­ Les­huit­autres­structures­contactées­sont­des­membres­de­la­société­civile­:­deux­syndicats,­ cinq­ associations­ de­ solidarité­ dédiées­ à­ l’insertion­ des­ migrants­ ou­ au­développement­de­la­responsabilité­sociale­des­entreprises,­une­entreprise­de­tra-vail­intérimaire,­soit­des­organismes­qui­ont­un­regard­à­angle­large­sur­le­marché­du­ travail.­Les­neuf­ témoins­qui­y­ont­été­ interrogés­ont­permis­à­ la­recherche­de­tendre­vers­une­lecture­«­méta­»­dans­ses­conclusions­et­recommandations.

Secteurs d’activité des entreprises

Nombre d’entreprises visitées

Nombre de travailleurs entendus Taille des entreprises

Sidérurgie 1 10 4810

Collecte­de­déchets 1 9 390

Transports 1 7 1260

Nettoyage­industriel 1 7 2910

Finance 1 6 100

Service­aux­entreprises 1 6 1670

Restauration­et­distribu-tion­de­produits­ethniques 3 3 4­pour­chacune

Total 9 48

Structures « méta » Nombre de structures sollicitées

Nombre de témoins entendus

Syndicats 2 2

Associations 5 6

Agence­intérim 1 1

Total 8 9

35­ Avis­du­Comité­économique­et­social­européen­sur­«­L’intégration­et­l’agenda­social­»­–­SOC/362,­Bruxelles,­février­2010,­10.36­ http://ec.europa.eu/ewsi/fr/EU_actions_integration.cfm.

52­­

L’échantillon­ de­ 57­ travailleurs­ comprend­ des­ individus­ de­ 18­ nationalités­ différentes­ :­30­personnes­issues­d’un­des­pays­membres­de­l’UE­(7­nationalités­différentes)­et­27­per-sonnes­ issues­ d’un­ pays­ tiers­ (11­ nationalités­ différentes).­ Toutefois,­ les­ actes­ de­ natu-ralisation­ n’étant­ pas­ rares37,­ il­ faut­ également­ tenir­ compte­ de­ l’origine­ des­ sujets.­ On­constate­alors­que­35­individus­au­sein­de­l’échantillon­sont­originaires­d’un­pays­hors­UE­(14­origines­différentes)­et­22­sont­originaires­d’un­État­membre­de­l’Union­(8­origines­dif-férentes).­Au­ total,­ la­recherche­a­donc­permis­de­rencontrer­des­ travailleurs­de­22­ori-gines­différentes­dont­une­majorité­ (35/57)­est­ issue­d’un­pays­non­membre­de­ l’UE.­La­partie­de­l’échantillon­composée­de­travailleurs­et­de­responsables­issus­de­pays­membres­de­l’UE­nous­offre­la­possibilité­d’une­comparaison­des­points­de­vue­avec­des­acteurs­ori-ginaires­de­pays­tiers.

Les­ principales­ origines­ UE­ sont­ :­ française­ (10­ personnes),­ luxembourgeoise­ (5­ per-sonnes),­portugaise­(2­personnes)…­Les­principales­origines­non­UE­sont­:­capverdienne­(12­personnes),­chinoise­(9­personnes),­bosniaque­(2­personnes),­indienne­(2­personnes),­etc.

L’échantillon­ est­ ainsi­ d’une­ grande­ diversité­ tant­ au­ niveau­ des­ secteurs­ d’emploi­ ou­des­entreprises­qu’au­niveau­de­l’origine­des­travailleurs,­un­échantillon­capable­donc­de­rendre­compte­de­situations­très­différentes­et­significatives­rencontrées­par­ les­ travail-leurs­migrants­sur­le­marché­de­l’emploi­au­Luxembourg.

Citoyenneté d’origine N

Française 10

Luxembourgeoise­ 5

Portugaise 2

Allemande 1

Anglaise 1

Espagnole 1

Roumaine 1

Croate 1

Capverdienne 12

Chinoise 9

Bosniaque 2

Indienne 2

Algérienne 1

Brésilienne 1

Kosovare 1

Népalaise 1

Russe 1

Sud-africaine 1

Turque 1

Albanaise 1

Ghanéenne 1

Ukrainienne 1

TOTAL 57

37­ Huit­cas­rencontrés­dans­l’échantillon,­ainsi­qu’une­naturalisation­en­cours,­pour­un­sujet­bosniaque.

53­­{ Approche qualitative }

Si­le­hasard­de­l’échantillonnage­fait­que­la­plupart­des­35­travailleurs­originaires­de­pays­hors­UE­sont­rencontrés­dans­la­catégorie­des­«­travailleurs­au­sein­d’une­entreprise­du­secteur­marchand­»,­quelques­responsables­d’entreprise­(dans­la­finance­ou­la­restaura-tion)­ont­aussi­des­origines­hors­UE38.

Ce­fait­renforce­sans­doute­la­validité­de­l’échantillon­qualitatif,­sensible­à­la­segmentation­du­marché­de­ l’emploi­ luxembourgeois,­comme­la­partie­quantitative­précédente­a­pu­ le­montrer39.

Les­entreprises­ont­été­sélectionnées­en­raison­de­ la­présence­en­ leurs­ rangs­de­nom-breux­travailleurs­extra-communautaires.­Nous­nous­sommes­rendus­à­de­multiples­re-prises­ dans­ les­ compagnies­ volontaires.­ Les­ interviews­ semi-directives­ individuelles­ ont­été­réalisées­dans­des­espaces­isolés­;­elles­ont­duré­en­moyenne­30­à­60­minutes.­Elles­ont­été­menées,­au­moyen­d’une­grille­d’entrevue­présentée­en­annexe,­dans­différentes­langues­telles­que­le­français,­l’anglais,­le­luxembourgeois,­l’allemand­ou­le­turc.­Elles­ont­été­enregistrées­avec­l’accord­des­témoins.

L’investigation­ et­ l’analyse­ des­ résultats­ se­ sont­ articulées­ autour­ de­ trois­ axes­ théma-tiques­:

•­ Un­premier­concerne­l’arrivée­sur­ le­marché­du­travail­des­travailleurs­ immigrés­:­parcours­migratoire,­processus­d’embauche,­types­de­contrat­signés,­langues­utili-sées,­réseaux,­facilités­d’accès­au­travail,­etc.

•­ La­deuxième­thématique­se­focalise­sur­le­maintien­et­l’épanouissement­du­travail-leur­sur­le­marché­de­l’emploi­:­évolution­au­travail,­formations­suivies,­vie­sociale­au­sein­de­l’entreprise,­relations­avec­les­collègues,­attentes­pour­l’avenir…

•­ En­dernier­lieu,­enfin,­les­observations­concernent­la­question­du­«­rayonnement­»­possible­ de­ l’intégration­ au­ travail­ sur­ la­ vie­ du­ travailleur,­ en­ dehors­ du­ contexte­d’emploi­:­changement­éventuel­de­nationalité,­participation­à­des­cours­de­langues,­engagement­dans­une­association,­vie­sociale,­vie­de­famille­au­Luxembourg,­vision­de­l’intégration…

Ce­sont,­pourrait-on­dire,­autant­de­«­moments­»­de­l’expérience­professionnelle­des­tra-vailleurs­rencontrés.­Le­tableau­suivant­illustre­les­principaux­indicateurs­liés­à­l’intégra-tion­au­et­par­le­travail­qui­ont­été­considérés­lors­des­entrevues.­Il­est­évident­qu’un­tel­partage­de­la­vie­professionnelle­n’est­que­théorique­;­la­réalité­des­témoins­interrogés­constitue­un­continuum,­perçu­comme­un­tout.­Aussi,­les­intersections­entre­ces­subdivisions­sont­ larges.­Dans­ tous­ les­cas,­ l’appréciation­des­répondants­a­été­sollicitée­afin­d’identifier­si,­à­leurs­yeux,­les­faits­évoqués­facilitaient­ou­freinaient­le­pro-cessus­d’intégration.­Les­observations­les­plus­fréquentes­et­significatives,­celles­qui­se­ren-forcent­lorsqu’elles­sont­croisées­à­d’autres­témoignages­ont­été­inclues­dans­les­analyses.

38­ Selon­ le­STATEC­ (2102),­«­Les­ressortissants­des­pays­ tiers­affichent­un­profil­ ‘bipolaire’.­D’un­côté,­parmi­ toutes­ les­nationalités,­ils­ont­le­taux­de­directeurs,­cadres­de­direction­et­gérants­le­plus­élevé,­à­savoir­10­%.­D’un­autre­côté,­24­%­de­ces­travailleurs­se­retrouvent­dans­la­catégorie­des­employés­non­qualifiés.­»­(www.statistiques.public.lu/catalogue-publications/bulletin-Statec/2012/PDF-Bulletin2-2012.pdf).

39­ Le­secteur­de­la­construction­n’a­pas­pu­être­intégré­à­l’étude,­malgré­de­nombreuses­démarches.­Les­hypothèses­expliquant­ces­refus­de­participation­peuvent­être­diverses­:­faible­disponibilité­des­salariés­dûe­notamment­à­leur­éclatement­géogra-phique,­faible­sensibilité­des­employeurs­à­la­diversité­(qui­peut­être­considérée­comme­‘banale’­dans­le­secteur),­existence­possible­du­travail­non­déclaré,­conflits­ou­problèmes­éventuels­que­les­employeurs­souhaitent­ne­pas­attiser­ou­étaler…

54­­

« Moments » de la vie professionnelle Exemples de facteurs d’intégration Exemples de freins à l’intégration

Entrée dans le marché de l’emploiou intégration au travail

Reconnaissance­des­compétences­et­diplômesOrganisation­de­l’accueilTutorat/mentorat…

Sous-emploiPas­de­formations­aux­tâches­et­contenus…

Maintien dans l’entreprise/évolution de la carrièreou intégration à l’entreprise

Sentiment­d’appartenance­et­de­recon-naissance­socialeSentiment­d’avancerExistence­d’une­gestion­des­diversités…

Sentiment­d’exploitationAbsence­de­promotionPas­de­plan­des­diversités­dans­l’en-treprise…

Rayonnement au-delà de l’emploiou intégration par le travail

Apprentissage­d’une­langueNaturalisationVie­sociale­active­avec­des­collèges…

Pas­de­possibilité­ni­d’utilité­à­ap-prendre­une­langueCloisonnement­vie­professionnelle/vie­sociale…

Nous­nous­inspirons­également­de­ce­schéma­pour­présenter­les­résultats­de­l’enquête.

Premier « moment » : l’intégration au travail

Parcours migratoire

Il­semble­pertinent­d’analyser­les­raisons­de­migrer­au­Luxembourg­des­témoins­rencon-trés­ avant­ de­ retracer­ leur­ arrivée­ sur­ le­ marché­ de­ l’emploi.­ Certaines­ trajectoires­ re-lèvent­d’une­migration­volontaire,­d’autres­reflètent­des­parcours­forcés­de­personnes­en­quête­de­protection.

La­migration­volontaire­peut­être­une­démarche­d’immigration­économique.­La­trajectoire­s’inscrit­ alors­ dans­ un­ modèle­ d’ascension­ sociale­ espéré,­ ascension­ que­ les­ migrants­pensent­ne­pas­pouvoir­atteindre­dans­leur­pays­d’origine.

Les­migrations­forcées­font­suite­à­des­persécutions­subies,­notamment,­pour­des­raisons­politiques­ou­religieuses40.

Qu’il­s’agisse­de­migration­volontaire­ou­forcée,­pour­Sayad­(1999),­«­Immigrer,­c’est­immi-grer­ avec­ son­ histoire­ ».­ On­ peut­ ainsi­ supposer­ que­ les­ migrants­ volontaires­ ont­ eu­ le­temps­de­mûrir­leur­projet­d’immigration­en­mesurant­le­pour­et­le­contre­de­leur­mouve-ment.­Cela­n’est­probablement­pas­le­cas­des­émigrés­forcés­de­quitter­leur­territoire,­et­pour­lesquels­il­n’y­a­pas­de­maturation­du­projet­d’immigration­tel­qu’on­peut­l’imaginer­pour­la­migration­volontaire­:­il­se­fait­dans­la­fuite­et­pour­sauver­sa­vie.

Il­est­donc­essentiel­de­tenir­compte­des­types­de­parcours­migratoire­dans­l’analyse­et­la­compréhension­ des­ stratégies­ d’intégration­ mises­ en­ œuvre­ par­ les­ migrants­ dans­ leur­pays­ d’accueil.­ La­ recherche­ a­ permis­ de­ mettre­ en­ lumière­ différents­ parcours­ migra-toires­parmi­les­témoins­composant­l’échantillon.­Ils­peuvent­être­présentés­en­se­référant­à­la­théorie­des­push­et­pull­factors­de­Lee­(1966).­

40­ La­migration­forcée­est­un­«­mouvement­migratoire­dans­lequel­un­élément­de­coercition­existe,­y­compris­sous­forme­de­ menaces­ de­ mort­ et­ de­ privation­ des­ moyens­ de­ subsistance,­ qu’il­ résulte­ de­ causes­ naturelles­ ou­ soit­ créé­ par­l’homme.­»­(OIM,­2005,­459).

55­­{ Approche qualitative }

Selon­l’auteur,­des­«­push­factors­»­sont­à­l’origine­de­l’émigration.­Ils­se­caractérisent­par­un­manque­d’opportunités­économiques,­une­persécution­politique­ou­ethnique,­de­mau-vaises­conditions­environnementales…­À­l’inverse,­les­«­pull­factors­»­correspondent­à­la­force­d’attraction­d’un­pays­d’immigration­:­l’emploi,­la­liberté­religieuse­ou­politique,­de­bonnes­ conditions­ environnementales.­ Il­ existe­ cependant­ des­ barrières­ à­ l’immigration­­(«­intervening­obstacles­»)­comme­les­lois­qui­règlementent­l’accès­au­pays­d’accueil.

La­migration­résulte­de­la­perception­qu’ont­les­migrants­des­avantages­comparatifs­d’un­pays­de­destination,­en­tenant­compte­des­obstacles­qui­limitent­la­mobilité.

Il­ faut­ toutefois­ nuancer­ cette­ théorie­ en­ avançant­ que­ le­ caractère­ attractif­ ou­ répulsif­d’un­pays­peut­être­lié­à­des­représentations­forcément­subjectives.­Par­ailleurs,­il­est­pos-sible­que­les­parcours­subis­ou­choisis­puissent­se­croiser­et­se­mélanger.

Les­ témoignages­ recueillis­ au­ sein­ de­ l’échantillon­ permettent­ d’identifier­ une­ série­ de­raisons­qui­ont­poussé­les­personnes­rencontrées­à­quitter­leur­pays­d’origine­et­chercher­à­s’installer­au­Luxembourg.

PUSH FACTORS PULL FACTORS

Guerre Paix­sociale

Mariage­avec­un­ressortissant­luxembourgeois

Contrat­de­travail­d’expatrié

«­Kinship­link­»­ou­la­réussite­professionnelle­de­membres­de­la­famille­ou­de­la­communauté

Contexte­économique­défavorable Contexte­économique­favorable

Le­parcours­migratoire­des­individus­décrit­à­travers­les­push­et­pull­factors­montre­qu’il­existe­ différents­ types­ de­ causes­ qui­ déterminent­ la­ migration.­ La­ guerre,­ un­ mariage,­un­contrat­d’expatrié,­un­contexte­économique­favorable…­sont­autant­de­facteurs­qui­in-fluencent­ l’arrivée­des­ témoins­sur­ le­ territoire­ luxembourgeois.­Les­personnes­concer-nées­par­la­migration­forcée­recherchent­la­stabilité­sociale,­d’autres­suivent­leur­conjoint.­Les­expatriés­se­retrouvent­à­Luxembourg­pour­honorer­un­contrat­de­travail­et­finalement­certains­migrants­ont­pour­but­de­trouver­un­emploi­à­l’instar­de­membres­de­leur­famille­déjà­installés­dans­le­pays.

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Quelques­témoins­font­état­d’une­migration­forcée.­Certains­ont­fui­la­guerre,­d’autres­des­persécutions.­Ils­ont­demandé­l’asile­au­gouvernement­luxembourgeois.

«­On­vivait­bien­à­l’époque,­jusqu’à­la­période­de­la­guerre­au­Kosovo,­mon­frère­a­été­tué,­ il­ fallait­partir,­peu­ importe­où.­On­s’est­renseigné­sur­un­pays­démocratique­qui­traitait­bien­les­étrangers­et­qui­donnait­des­autorisations­de­séjour­plus­aisément­et­on­nous­a­dit­le­Luxembourg.­»­—­Homme,­Kosovar,­ouvrier,­quarantaine.«­ Je­ me­ suis­ enfui,­ car­ j’étais­ pourchassé­ par­ la­ police,­ j’ai­ traversé­ de­ nombreuses­frontières­au­péril­de­ma­vie.­J’avais­prévu­d’aller­au­Royaume-Uni,­mais­suis­arrivé­à­Luxembourg.­»­—­Homme,­membre­d’une­minorité­ethnique­en­Chine,­commis­de­cui-sine,­trentaine.

Si­le­statut­de­réfugié­au­Luxembourg­donne­droit­à­un­permis­de­séjour­renouvelable­d’au­moins­cinq­ans­et­que­le­réfugié­a­la­possibilité­d’exercer­une­activité­salariée,­la­procé-dure­de­reconnaissance­peut­s’avérer­longue­et­conduire,­dans­certains­cas,­vers­un­travail­illégal.­ Une­ autorisation­ d’occupation­ temporaire­ peut­ certes­ être­ délivrée­ aux­ deman-deurs­d’asile,­mais­cette­dernière­ne­peut­être­demandée­que­neuf­mois­après­le­dépôt­de­la­demande­de­protection­internationale41.­Au­sein­de­l’échantillon,­19­personnes­sont­venues­s’installer­au­Luxembourg­dans­le­but­d’y­trouver­un­emploi,­en­bénéficiant­des­facilités­offertes­par­la­présence­des­membres­de­leur­famille­dans­ce­pays.­Le­lien­familial­(kinship­link)­est,­dans­ce­contexte,­le­facteur­qui­favorise­l’immigration,­d’autant­plus­qu’il­est­lié­à­l’insertion­économique­de­la­famille­dans­ le­ pays­ d’immigration.­ Ceci­ constitue­ la­ cause­ d’immigration­ la­ plus­ fréquente­ au­sein­de­l’échantillon.­On­constatera,­avec­le­témoignage­suivant,­qu’elle­est­parfois­enclen-chée­à­la­faveur­de­changements­politiques­dans­la­région­d’origine­:

«­Je­suis­arrivé­de­Yougoslavie­en­1990­au­moment­où­ils­passaient­du­socialisme­au­capitalisme.­Je­travaillais­dans­une­entreprise­qui­avait­licencié­des­personnes.­Je­n’ai­pas­été­licencié,­mais­j’ai­demandé­à­l’entreprise­un­congé­de­quatre­mois­pendant­le-quel­je­suis­venu­à­Luxembourg.­Mon­frère­travaille­à­la­commune­et­a­la­double­natio-nalité­;­il­y­est­depuis­1985.­»­—­Homme,­Yougoslave,­ouvrier,­quarantaine.

Le­ mariage­ d’un­ étranger­ à­ une­ personne­ luxembourgeoise­ ou­ née­ au­ Luxembourg­ est­aussi­un­facteur­important­favorisant­l’immigration.

«­Ma­femme­est­bosniaque,­mais­elle­est­née­à­Luxembourg.­Je­l’ai­rencontrée­quand­elle­ était­ en­ vacances­ en­ Bosnie,­ on­ s’est­ marié­ et­ on­ y­ est­ restés­ quelques­ années.­Finalement,­ on­ a­ décidé­ de­ venir­ au­ Luxembourg.­ Ma­ femme­ y­ avait­ travaillé­ avant­qu’on­se­marie­et­mes­beaux-parents­y­avaient­trouvé­un­bon­travail­et­ça­faisait­30­ans­qu’ils­y­habitaient.­En­Bosnie,­je­ne­trouvais­pas­de­travail,­il­y­a­trop­de­corruption.­»­—­Homme,­Bosniaque,­ouvrier,­quarantaine.«­ J’ai­ rencontré­ ma­ femme­ à­ Luxembourg.­ Il­ a­ été­ question­ qu’elle­ me­ rejoigne­ à­Londres,­mais­au­fil­de­ses­visites­le­week-end,­elle­s’est­rendue­compte­qu’elle­n’ai-mait­pas­Londres­parce­que­la­ville­est­trop­grande­et­trop­polluée.­J’ai­alors­décidé­de­tout­abandonner­et­d’aller­m’installer­à­Luxembourg­avec­elle.­Ma­femme­est­d’origine­portugaise­ et­ a­ pris­ la­ nationalité­ luxembourgeoise­ à­ l’âge­ de­ 18­ ans.­ »­ ­ —­ Homme,­Anglais,­commerçant,­cinquantaine42.

41­ Une­autorisation­d’occupation­temporaire­peut­être­accordée­aux­demandeurs­de­protection­ internationale,­neuf­mois­après­le­dépôt­de­leur­demande­lorsque­le­ministre­n’a­pas­encore­statué­sur­celle-ci.­Cette­autorisation­sera­valable­pour­six­mois­renouvelables­pour­un­seul­employeur­et­une­seule­profession.­Pour­obtenir­ l’autorisation­d’occupation­temporaire,­la­personne­doit­s’inscrire­auprès­de­l’Administration­de­l’Emploi­(ADEM).­L’employeur­doit­introduire­la­de-mande­d’autorisation­d’occupation­temporaire­auprès­de­l’ADEM.­

42­ Notre­traduction.

57­­{ Approche qualitative }

«­Je­suis­venu­à­Luxembourg­avec­un­visa­touristique.­Je­suis­tombé­amoureux­d’une­Luxembourgeoise.­J’étais­très­jeune­et­ai­décidé­de­retourner­au­Népal,­mais­elle­m’a­demandé­de­revenir­au­Luxembourg­parce­qu’elle­ne­voulait­pas­vivre­au­Népal.­»­—­Homme,­Népalais,­commerçant,­trentaine.«­J’ai­rencontré­ma­femme­au­Cap-Vert­pendant­qu’elle­était­en­vacances.­Elle­est­arri-vée­à­Luxembourg­à­l’âge­de­quatre­ans­avec­ses­parents.­Aujourd’hui,­elle­est­Luxem-bourgeoise.­Elle­m’a­dit­de­venir­au­Luxembourg,­on­s’y­est­mariés­et­elle­a­voulu­qu’on­vive­ici.­»­—­Homme,­Capverdien,­technicien­de­surface,­trentaine.

Quand­ se­ construit­ une­ union­ entre­ une­ personne­ du­ Luxembourg­ et­ une­ personne­ de­l’étranger,­la­localisation­du­couple­au­Grand-Duché­peut­relever­de­différentes­considé-rations­:­l’attachement­affectif­du­membre­luxembourgeois­à­son­pays,­des­raisons­prag-matiques­(possibilités­de­logement,­de­travail…),­etc.­En­revanche,­l’installation­du­conjoint­non­ luxembourgeois­ pose­ souvent­ la­ question­ de­ son­ adaptation­ au­ marché­ de­ l’emploi­local.­Le­réseau­social­et­familial­du­membre­luxembourgeois­du­couple­peut­alors­devenir­un­élément­facilitant­l’accès­au­travail.

Pourtant,­plusieurs­ témoins­disent­avoir­ trouvé­un­travail­sans­ l’aide­de­ leur­conjoint­ou­que­ce­dernier­n’a­pas­pu­les­aider­pour­trouver­un­emploi.­Notons­que­parmi­ces­témoins,­certains­ont­débuté­leur­carrière­par­un­travail­sur­le­marché­informel­ou­en­tant­qu’intéri-maires,­d’autres­ont­créé­leur­propre­emploi­dans­le­domaine­commercial.

L’expatrié­est­un­salarié­dont­le­contrat­est­suspendu,­pour­la­durée­d’une­mission,­en­de-hors­de­son­pays­d’emploi­habituel.­Les­expatriés­peuvent­avoir­des­contrats­de­durées­et­de­types­différents­(voir­plus­bas).­Selon­les­entreprises,­l’expatriation­est­compensée­avec­plus­ou­moins­d’avantages­financiers­ou­en­nature.­Pour­certains,­ il­s’agit­d’un­choix­de­carrière,­d’autres­sont­plus­ou­moins­poussés­à­accepter­une­destination­donnée­ou­une­durée­d’installation.­Au­sein­de­l’échantillon,­les­expatriés­sont­au­nombre­de­neuf.

«­J’ai­eu­mon­premier­travail­dans­la­branche­chinoise­de­la­compagnie­et­j’ai­simple-ment­posé­ma­candidature­pour­aller­travailler­à­l’étranger.­(…)­La­compagnie­en­Chine­a­ fait­part­à­300­000­personnes­des­postes­à­pourvoir­à­ l’étranger.­ Il­ y­a­une­ liste­de­qualifications­et­si­vous­les­avez,­vous­envoyez­votre­candidature,­ ils­sélectionnent­les­meilleurs­ profils,­ puis­ vous­ passez­ des­ examens.­ »­ —­ Homme,­ Chinois,­ directeur­ de­département,­37­ans.«­Non,­ je­n’ai­pas­demandé­à­venir­à­Luxembourg.­J’étais­ invitée,­gentiment­ invitée­à­venir…­En­fait,­depuis­que­j’ai­rejoint­le­groupe,­je­n’ai­jamais­demandé­à­changer­quoi­que­ce­soit.­C’était­ toujours­des­offres,­des­opportunités…­Quand­ je­ regarde­mon­CV,­c’est­vrai­que­tous­les­ans­j’ai­changé.­Il­paraît­que­c’est­bon,­mais­je­n’ai­jamais­fait­une­demande,­“je­veux­changer,­je­veux­aller­ici…”,­j’étais­toujours­invitée­à­prendre­plus­de­responsabilités,­un­périmètre­plus­étendu.­(…)­Vous­êtes­complètement­libre­de­refuser­l’invitation.­Après,­ça­dépend­si­vous­voulez­ faire­carrière­ou­pas.­»­—­Femme,­Espa-gnole,­manager,­trentaine.«­Il­y­a­des­cadres­qu’on­appelle­“mobiles”,­ce­qui­est­mon­cas,­j’ai­fait­plusieurs­usines,­à­peu­près­tous­les­trois,­quatre­ans,­je­peux­changer­en­faisant­suivre­ma­famille.­»­—­Femme,­Française,­directrice,­trentaine.

Différents­ types­de­contrats­sont­donc­proposés­ :­une­expatriation­de­ longue­durée,­des­changements­plus­rapides­en­fonction­des­aspirations­de­l’employé,­un­déplacement­trien-nal…­Dans­tous­les­cas,­l’expatriation­est­plus­ou­moins­consentie­par­le­travailleur,­dans­le­cadre­d’un­plan­de­carrière­qu’il­doit­négocier­avec­sa­famille.

58­­

Intégration au marché de l’emploi

Avant­de­recruter­un­travailleur­de­pays­tiers­établi­au­Luxembourg­ou­non,­un­employeur­doit­ faire­ une­ déclaration­ de­ poste­ vacant­ à­ l’ADEM43.­ Si­ le­ ressortissant­ de­ pays­ tiers­correspondant­ au­ profil­ recherché­ réside­ régulièrement­ au­ Luxembourg­ et­ est­ autorisé­à­ travailler­ dans­ le­ secteur­ et­ la­ profession­ proposés,­ l’employeur­ peut­ l’embaucher.­ Le­candidat­doit­toujours,­au­préalable,­disposer­d’une­autorisation­de­travail44.­Si­le­ressor-tissant­de­pays­tiers­n’est­pas­établi­au­Luxembourg,­il­doit­introduire­à­partir­de­l’étran-ger­une­demande­d’autorisation­de­séjour­pour­travailleur­salarié.­En­vertu­de­la­priorité­d’embauche­communautaire,­l’Agence­pour­le­Développement­de­l’Emploi­(ADEM)­vérifie­si­des­demandeurs­d’emploi,­ressortissants­luxembourgeois­ou­communautaires­sont­dispo-nibles­sur­le­marché­de­l’emploi­pour­occuper­le­poste­à­pourvoir45.

Si­tel­n’est­pas­le­cas,­l’employeur­peut­recruter­la­personne.­Il­signera­un­contrat­avec­le­ressortissant­de­pays­tiers.­L’embauche­ne­sera­effective­qu’une­fois­que­le­migrant­aura­obtenu­une­autorisation­de­séjour­pour­travailleur­salarié­et­une­autorisation­de­travail.

Une­fois­l’autorisation­de­séjour­accordée,­le­candidat­à­l’émigration­doit­faire­la­demande­d’un­visa­(si­celui-ci­est­requis)­pour­accéder­au­territoire­du­Grand-Duché.­Lors­de­l’en-trée­sur­le­territoire,­il­doit­effectuer­une­déclaration­auprès­de­sa­commune,­se­soumettre­à­un­contrôle­médical­et­ introduire­une­demande­de­titre­de­séjour­au­Ministère­des­Af-faires­Etrangères.

Le­premier­titre­de­séjour­pour­travailleur­salarié­est­valable­un­an,­pour­une­seule­pro-fession­et­dans­un­seul­secteur,­auprès­de­tout­employeur.­Le­premier­renouvellement­de­titre­de­séjour­de­travail­est­à­introduire­auprès­de­la­Direction­de­l’Immigration­avant­la­date­d’expiration­;­il­sera­valable­pour­une­durée­maximale­de­trois­ans46.­Si­le­salarié­res-sortissant­de­pays­tiers­veut­changer­de­secteur­d’activité­avant­la­demande­du­deuxième­renouvellement­du­titre­de­séjour,­il­doit­recommencer­la­procédure­(notamment­la­vérifi-cation­de­la­priorité­d’embauche­communautaire)­et­demander­une­nouvelle­autorisation­de­séjour­et­de­travail.

D’autres­règles,­plus­souples,­régissent­l’accès­au­travail­du­travailleur­hautement­qualifié­qui­doit­solliciter­le­titre­de­séjour­«carte­bleue­européenne­»47.

Après­ cinq­ ans­ de­ séjour­ régulier­ et­ ininterrompu­ sur­ le­ territoire­ luxembourgeois,­ le­ressortissant­de­pays­tiers­peut­demander­le­statut­de­résident­de­longue­durée.­Pour­ce­faire,­il­doit­être­en­possession­d’un­passeport­en­cours­de­validité,­disposer­de­ressources­

43­ L’ADEM­a­pour­mission­de­rapprocher­au­mieux­les­offres­et­les­demandes­d’emploi.­Dans­l’intérêt­du­maintien­du­plein­emploi­et­de­l’analyse­du­marché,­tout­poste­de­travail­doit­donc­obligatoirement­y­être­déclaré.

44­ www.adem.public.lu/demandeur/permis­(Art.­35,­§­1­de­la­loi­modifiée­du­29­août­2008­sur­la­libre­circulation­des­per-sonnes­et­l’immigration).

45­ C’est­le­«­test­du­marché­de­l’emploi­».­Si­l’employeur­ne­se­voit­pas­proposer­dans­un­délai­de­3­semaines­un­candi-dat­qui­convienne­sur­le­marché­du­travail­local­ou­européen,­il­peut­demander­au­Directeur­de­l’ADEM­un­certificat­lui­permettant­de­conclure­un­contrat­de­ travail­avec­un­ressortissant­d’un­pays­ tiers­ (www.guichet.public.lu/citoyens/fr/citoyennete/immigration-visa/index.html).

46­ Contre­une­durée­maximale­de­deux­ans­auparavant.47­ L’octroi­ d’une­ autorisation­ de­ séjour­ aux­ fins­ d’exercer­ un­ emploi­ hautement­ qualifié­ est­ soumis­ aux­ conditions­ sui-

vantes­:­disposer­d’un­contrat­de­travail­valide­pour­un­emploi­hautement­qualifié,­présenter­un­document­attestant­les­qualifications­professionnelles­élevées­pertinentes­et­toucher­une­rémunération­au­moins­égale­à­un­seuil­salarial­d’une­fois­et­demie­le­salaire­annuel­brut­moyen­ayant­cours­au­Grand-Duché­pour­les­travailleurs­hautement­qualifiés.­Pour­les­emplois­appartenant­aux­groupes­de­professions­1­et­2­de­la­CITP,­pour­lesquelles­un­besoin­particulier­de­travail-leurs­ressortissants­de­pays­ tiers­est­constaté­par­ le­Gouvernement,­ le­seuil­du­niveau­de­rémunération­minimal­est­fixé­à­1,2­fois­le­salaire­annuel­brut­moyen.­Au­cours­des­deux­premières­années­de­l’exercice­d’un­emploi­hautement­qualifié,­les­autorités­ne­vérifient­pas­si­le­poste­peut­être­occupé­par­de­la­main-d’œuvre­nationale­ou­communautaire.­Notons­encore­que­les­membres­de­famille­d’un­ressortissant­tiers­détenteur­d’un­titre­de­séjour­«­carte­bleue­euro-péenne­»­peuvent­l’accompagner­dès­son­entrée­sur­le­territoire,­ce­qui­n’est­pas­le­cas­du­ressortissant­de­pays­tiers­détenteur­d’un­titre­de­séjour­«­travailleur­salarié­».

59­­{ Approche qualitative }

stables,­ régulières­ et­ suffisantes­ pour­ subvenir­ à­ ses­ propres­ besoins­ et­ à­ ceux­ des­membres­de­famille­qui­sont­à­sa­charge,­sans­recourir­au­système­d’assistance­sociale,­disposer­ d’un­ logement­ approprié,­ disposer­ d’une­ assurance­ maladie­ pour­ lui-même­ et­les­membres­de­sa­famille,­ne­pas­représenter­un­danger­pour­l’ordre­et­la­sécurité­pu-blique.­Le­résident­de­longue­durée­a­libre­accès­au­marché­de­l’emploi48.

On­le­constate,­les­démarches­administratives­qui­réglementent­l’arrivée­d’un­travailleur­issu­d’un­pays­hors­UE­restent­ardues,­même­si­les­restrictions­d’accès­au­marché­de­l’emploi­ont­été­assouplies­au­cours­du­temps.­Les­entreprises­qui­souhaitent­employer­un­tel­candidat­ne­peuvent­passer­outre­une­procédure­qui­prône­la­préférence­communautaire­sur­le­marché­du­travail.­Lorsqu’il­s’agit­d’un­travailleur­peu­qualifié,­les­entreprises­hésitent­souvent­à­entre-prendre­ces­démarches­fastidieuses,­sans­garantie­de­résultat.­S’agissant­de­personnes­quali-fiées,­la­procédure­reste­la­même,­même­si­la­probabilité­de­trouver­sur­le­marché­de­l’emploi­national­ une­ personne­ avec­ les­ qualifications­ recherchées­ est­ plus­ mince.­ Les­ attentes­ de­l’entreprise­étant­également­plus­importantes,­il­est­sans­doute­plus­aisé,­pour­un­employeur,­d’envisager­favorablement­les­démarches­administratives­dans­le­cas­d’un­travailleur­haute-ment­qualifié,­qui,­comme­on­l’a­vu,­bénéficie­d’un­accès­plus­facile­au­marché­de­l’emploi.

Recherche d’emploi

Sur­les­41­témoins,­travailleurs­de­base,­dont­ le­parcours­a­été­étudié,­20­ont­procédé­à­des­envois­de­CV­afin­de­décrocher­un­premier­emploi­au­Luxembourg.­Les­personnes­qui­ont­décroché­un­travail­grâce­à­ l’aide­d’un­ami,­des­membres­de­leur­famille­ou­de­ser-vices­administratifs­(ADEM)­sont­également­nombreuses­(16­personnes).­Enfin,­le­passage­par­un­travail­ intérimaire­semble­également­courant­dans­l’accès­à­certains­secteurs­du­marché­du­travail­grand-ducal­(5­cas),­d’autres­démarches­sont­plus­résiduelles­(3­cas­de­création­de­commerce…).

Le­travail­ intérimaire,­ l’envoi­de­CV,­ la­sollicitation­de­l’ADEM­et­des­réseaux­de­proches­sont­des­parcours­habituels­qui­peuvent­aller­de­concert.­En­particulier,­les­réseaux­per-sonnels­fonctionnent­comme­une­agence­de­recrutement­officieuse­quel­que­soit­le­sec-teur­d’activité,­le­pays­ou­la­qualification­des­salariés.

«­Dans­mon­pays,­j’avais­ma­propre­entreprise­pendant­10­ans­et­après­j’ai­fait­faillite.­J’ai­alors­travaillé­pour­une­autre­boîte­au­Brésil­où­j’ai­connu­une­personne.­Mon­ami­a­eu­une­proposition­de­travail­de­la­part­d’une­société­au­Luxembourg.­Il­l’a­acceptée­et­comme­ça­m’intéressait­aussi,­il­a­poussé­ma­candidature­auprès­d’un­de­ses­supé-rieurs.­»­—­Homme,­Brésilien,­quarantaine,­architecte.«­C’est­une­amie­que­ je­connaissais­du­Cap-Vert­qui­m’a­ introduite­dans­cette­entre-prise,­alors­que­je­cherchais­un­travail.­J’ai­d’abord­commencé­en­intérim,­je­l’ai­rem-placée­pendant­son­congé­maladie­et­maintenant­j’ai­un­contrat­fixe.­Et­moi,­j’ai­aidé­ma­belle-sœur­à­y­entrer­à­son­tour.­»­—­Femme,­Capverdienne,­53­ans,­agent­de­nettoyage.«­C’est­le­parrain­de­ma­femme­qui­m’a­fait­entrer­dans­l’entreprise.­Il­est­à­la­retraite­maintenant.­ (…)­Ce­sont­généralement­ les­personnes­qui­partent­en­pension­qui­pro-posent­quelqu’un­pour­les­remplacer.­»­—­Homme,­Luxembourgeois­d’origine­capver-dienne,­34­ans,­ouvrier.

Facilitant­le­recrutement­grâce­au­capital­de­confiance­qu’elles­représentent,­les­relations­personnelles­à­ l’intérieur­d’une­entreprise­renforcent­également­ les­chances­d’inclusion­rapide­des­nouvelles­recrues.

48­ Sous­réserve­des­emplois­qui­participent­à­l’exercice­de­l’autorité­publique­et­aux­fonctions­qui­ont­pour­objet­la­sauve-garde­de­l’intérêt­général­de­l’Etat.

60­­

La­plupart­(31)­des­personnes­interviewées­disposent­d’un­CDI.­Bien­que­certaines­soient­passées­par­une­période­de­travail­intérimaire­dans­l’entreprise­qui­les­emploie­actuelle-ment,­ le­contrat­à­durée­ indéterminée­est­bien­entendu­ la­ formule­qui­protège­ le­mieux­les­droits­des­travailleurs­et­leur­permet­de­se­projeter­dans­l’avenir­dans­leur­pays­d’ins-tallation­:­c’est­une­des­conditions­importantes­de­l’intégration­sociale­pour­les­migrants.­Si­ les­expatriés­ (8)­disposent­également­de­contrats­à­durée­ indéterminée,­ les­perspec-tives­d’avenir­sont­tout­autres­dans­leur­cas­:­plus­tard,­ils­seront­probablement­affectés­à­d’autres­pays.­Les­expatriés­peuvent­être­soumis­au­droit­local­ou­bien­leur­contrat­peut­consister­en­un­avenant­au­contrat­ initial,­conclu­avec­ l’entreprise­mère,­située­dans­un­autre­pays,­l’avenant­définissant­les­conditions­de­l’expatriation.

Le­ contrat­ de­ droit­ local­ est­ un­ contrat­ de­ travail­ soumis­ au­ droit­ luxembourgeois.­ La­grande­majorité­des­expatriés­rencontrés­disposent­d’un­pareil­arrangement.­Le­contrat­de­travail­ initial­de­l’expatrié­est­suspendu­le­temps­de­sa­mission­au­Luxembourg.­Il­en­signe­donc­un­autre­dépendant­généralement­du­droit­national.­Le­contrat­initial­reprend­son­cours­à­la­fin­du­contrat­le­liant­à­son­poste­au­Luxembourg.­S’il­s’agit­d’un­personnel­détaché,­l’employeur­basé­à­l’étranger­propose­temporairement­un­avenant­au­contrat­de­travail,­couvrant­l’engagement­sur­le­territoire­luxembourgeois49.

En­tout,­trois­témoins­sont­des­indépendants­ayant­créé­leur­propre­emploi­:«­Quand­je­suis­arrivé­à­Luxembourg,­c’est­au­moment­où­Starbucks­a­fait­ses­débuts­à­Londres,­ je­me­suis­dit­que­ce­serait­ intéressant­de­monter­quelque­chose­dans­ le­même­genre­à­Luxembourg.­J’ai­eu­de­la­chance­et­trouvé­ce­local­commercial­et­c’est­comme­ça­que­ tout­a­commencé.­Par­contre,­à­ la­ retraite­ je­me­ tournerai­à­nouveau­vers­la­recherche,­mon­premier­emploi.­»­—­Homme,­Anglais­d’origine­indienne,­com-merçant,­cinquantaine.«­ J’ai­ d’abord­ commencé­ comme­ serveuse­ dans­ plusieurs­ restaurants­ et­ on­ s’est­ dit­avec­ mon­ mari­ qu’on­ pourrait­ aussi­ ouvrir­ notre­ propre­ restaurant.­ On­ a­ pu­ le­ faire­grâce­au­soutien­financier­de­notre­famille­restée­en­Chine.­»­—­Femme,­Luxembour-geoise­d’origine­chinoise,­restauratrice,­34­ans.

Plusieurs­témoins­(4)­non­communautaires­expliquent­qu’ils­ont­travaillé­en­situation­illé-gale­à­un­moment­de­leur­carrière,­car­il­était­alors­difficile­pour­eux­d’obtenir­un­permis­de­travail.­

«­J’ai­travaillé­au­noir­dans­les­vignes,­j’ai­donné­des­CV,­mais­ce­n’était­pas­facile,­ça­je­peux­dire,­ce­n’était­pas­facile­pour­les­gens­de­Yougoslavie.­Il­faut­d’abord­faire­une­de-mande­au­ministère,­c’est­la­loi…­Les­papiers,­mais­ce­n’était­pas­les­papiers­comme­un­Portugais­ou­bien­quelqu’un­de­la­Communauté­européenne,­c’est­encore­différent.­ Il­faut­chercher­un­travail­et­le­travail,­dans­le­secteur­de­la­sécurité,­par­exemple,­n’était­pas­facile,­parce­que­mon­permis­était­un­permis­A50­:­il­fallait­travailler­dans­une­pro-

49­ À­titre­d’exemple,­il­existe­différents­contrats­d’expatriation­au­sein­de­l’entreprise­du­secteur­sidérurgique­:-­ Le­contrat­«­globally­mobile­»­:­les­salariés­changent­de­pays­tous­les­trois­ans,­trois­ans­dans­un­pays­du­Nord,­trois­

ans­dans­un­pays­du­Sud.­Le­contrat­et­le­salaire­sont­locaux­et­les­frais­de­scolarité­des­enfants­sont­pris­en­charge­par­l’entreprise.

-­ Le­contrat­«­expatrié­»­qui­englobe­le­déplacement­de­la­famille­nucléaire,­un­voyage­d’orientation,­le­logement­(pen-dant­une­période­donnée),­une­prime­d’installation,­la­prise­en­charge­des­frais­de­scolarité,­une­indemnité­de­vie­chère­(+­10­%­du­salaire­si­l’on­se­déplace­d’un­pays­du­Sud­vers­un­pays­du­Nord)­et­une­«­hardship­allocation­»­qui­«­compense­différentes­contraintes­telles­que­les­différences­géographiques,­culturelles­et­linguistiques­ainsi­que­le­climat­politique,­social,­économique­et­de­santé­publique­dans­le­pays­hôte.­»

-­ Les­ «­ eurocommuters­ »­ travaillent­ au­ Grand-Duché­ en­ semaine­ et­ bénéficient­ d’un­ logement­ individuel­ et­ d’une­prime­de­mobilité.

-­ Le­«­contrat­local­»­:­salaire­local­de­base,­rémunérations­variables­pour­les­cadres,­bonus­pour­les­employés.50­ Avant­la­loi­du­29­août­2008­sur­la­libre­circulation­des­personnes­et­l’immigration­existait­le­système­des­trois­permis­

de­travail­A,­B,­C.­Le­permis­A­était­valable­pour­une­durée­maximale­d’un­an,­auprès­d’un­seul­employeur­et­une­seule­profession.­Le­permis­B,­d’une­durée­maximale­de­quatre­ans,­pouvait­être­attribué­au­bout­d’un­an­de­résidence­et­était­valable­pour­une­seule­profession­auprès­de­ tout­employeur.­Le­permis­C,­d’une­durée­ illimitée­et­valable­pour­ toute­

61­­{ Approche qualitative }

fession­et­chez­un­même­employeur,­il­fallait­rester­chez­lui,­minimum­deux­ans,­pour­avoir­le­permis­B.­Puis,­toujours­au­noir,­j’ai­travaillé­dans­un­hôtel,­je­gagnais­2000­LUF­par­mois…­»­—­Homme,­Kosovar,­ouvrier,­quarantaine.

La­question­de­la­reconnaissance­des­compétences­et­diplômes­a­été­posée.­Un­diplôme­porte­en­lui­de­nombreuses­valeurs­:­sa­valeur­sur­le­marché­du­travail,­sa­valeur­d’usage­en­adéquation­ou­non­avec­le­poste­occupé­ou­visé,­sa­valeur­symbolique­en­tant­que­signe­de­statut­professionnel­et­de­reconnaissance­sociale,­et­sa­valeur­affective­correspondant­aux­temps,­efforts­et­espoirs­investis.

Plusieurs­cas­de­figure­sont­notés­durant­l’étude­:­ les­diplômes­ou­les­compétences­des­travailleurs­migrants­peuvent­ou­non­être­formellement­reconnus­par­le­ministère­compé-tent­;­ils­peuvent­ou­non­être,­partiellement­ou­totalement,­reconnus­par­les­entreprises.

Si,­ pour­ quelques-uns,­ l’expérience­ professionnelle­ précédente­ est­ reconnue­ en­ entre-prise,­bien­d’autres­travailleurs­occupent­des­fonctions­en­deçà­de­leurs­compétences­et­diplômes.­On­constate­dans­l’échantillon­que­la­rétrogradation­professionnelle­est­mal­vé-cue,­même­si­travailler­au­Luxembourg­représente­un­net­avantage­financier.

«­J’ai­fait­des­études­en­droit.­Mon­diplôme­n’a­pas­été­reconnu.­J’ai­d’abord­travaillé­dans­une­entreprise­d’entretien­informatique,­j’ai­nettoyé­des­PC,­fax­et­tout­ça,­et­puis­mon­deuxième­travail,­c’était­conducteur­de­camionnette.­Aujourd’hui,­je­travaille­dans­le­département­des­ressources­humaines­de­l’entreprise.­»­—­Homme­luxembourgeois­d’origine­albanaise,­responsable­fiches­de­salaire,­38­ans.«­J’ai­fait­mes­études,­après­j’ai­travaillé­comme­professeur­des­écoles.­Ici­je­fais­le­mé-nage­et­la­plonge,­malheureusement…­»­—­Femme,­Capverdienne,­agent­de­nettoyage,­37­ans.«­J’ai­fait­des­études­en­Ukraine,­Bac+5,­je­suis­ingénieur­mécanicien.­Mon­diplôme­a­été­ vite­ reconnu­ au­ Luxembourg,­ ça­ n’a­ pris­ que­ deux­ mois­ !­ Avant,­ j’étais­ chauffeur­dans­ l’entreprise,­puis­ j’ai­eu­un­accident­de­ travail­et­maintenant­ je­ travaille­dans­ le­service­administratif.­»­—­Homme,­Portugais­d’origine­ukrainienne,­agent­administratif,­trentaine.«­J’ai­suivi­mon­mari­à­Luxembourg.­J’ai­postulé­dans­ la­même­entreprise­que­ lui­et­on­m’a­engagée.­Avant­(au­pays),­ j’avais­un­poste­assez­haut­placé­pour­lequel­ j’ai­dû­donner­ma­démission.­Aujourd’hui­(au­Luxembourg),­j’ai­dû­accepter­un­emploi­bien­en­dessous­de­ma­position­précédente.­J’ai­fait­beaucoup­de­sacrifices.­»­—­Femme,­Sud-africaine,­cadre­moyen,­cinquantaine.

Parmi­ les­ 41­ travailleurs­ interviewés,­ onze­ se­ disent­ surqualifiés­ pour­ les­ tâches­ qu’ils­exécutent.­En­revanche,­21­personnes­disent­avoir­un­emploi­correspondant­à­leurs­études,­leur­diplôme­ayant­été­reconnu­par­leur­entreprise.­Toutefois,­la­plupart­n’ont­pas­introduit­de­demande­de­reconnaissance­de­leur­diplôme­auprès­du­ministère­compétent.

profession­et­tout­employeur­pouvait­être­accordé­au­bout­de­cinq­ans­de­résidence.­Par­ailleurs,­prévalait­le­système­des­doubles­autorisations­de­séjour­et­de­travail­:­d’une­part,­l’autorisation­de­séjour­à­demander­auprès­du­Ministère­de­la­Justice,­et­d’autre­part,­le­permis­de­travail­à­demander­auprès­du­Ministère­du­Travail.­Il­n’y­avait­donc­pas­de­procédure­unique­de­demande­aboutissant­à­un­titre­de­séjour/permis­de­travail­combiné.

62­­

Deuxième « moment » : l’intégration à l’entreprise

L’accueil des nouveaux

Pour­ accueillir­ les­ nouveaux­ arrivants­ dans­ l’entreprise,­ certaines­ sociétés­ visitées­mettent­en­place­un­système­de­parrainage.­Les­parrains­sont­des­salariés­expérimentés­désignés­par­les­responsables­de­l’entreprise.­Leur­rôle­est­de­guider­le­nouveau­salarié­dans­sa­fonction­pendant­la­durée­nécessaire­à­sa­formation.

D’autres­entreprises­externalisent­l’accueil­de­certains­nouveaux­salariés­en­recourant­aux­services­d’agences­de­relocalisation.­Dans­certains­cas,­ces­services­sont­inclus­dans­les­avantages­proposés­par­les­contrats.­ Ils­sont­destinés­à­faciliter­l’installation­au­Luxem-bourg­des­familles­d’expatriés.

D’autres­entreprises­encore­procurent­une­habitation­dans­un­logement­collectif­aux­nou-veaux­salariés­expatriés.

Secteurs d’activité pour lesquels un processus d’accueil est signalé Types de contrat Type d’accueil Qualification des salariés

Sidérurgie CDI­expatriés Agence­de­relocalisation Qualifiés

CDI­de­droit­local Non­spécifié Qualifiés

Finance CDI­expatriés Logement­collectif Qualifiés

CDI­de­droit­local Non­spécifié Qualifiés

Collecte­de­déchets CDI­de­droit­local Tutorat­provisoire Non­qualifiés­(et­qualifiés)

Service­aux­entreprises CDI­de­droit­local Système­de­parrainage Non­qualifiés

Comme­le­montre­le­tableau,­toutes­les­entreprises­rencontrées­ne­prévoient­pas­un­sys-tème­ d’accueil­ des­ nouveaux­ collègues.­ Dans­ l’échantillon,­ elles­ sont­ quatre­ sur­ neuf.­Dans­le­cas­où­un­tel­processus­existe,­il­concerne­plutôt­des­personnels­qualifiés,­et­plu-tôt­des­expatriés.­Par­ailleurs,­la­nature­de­l’offre­concerne­l’installation­de­la­famille­au­Luxembourg­plutôt­que­le­contenu­du­travail­lui-même.­Toutefois,­dans­deux­entreprises­de­services,­un­parrainage­quant­aux­ tâches­professionnelles­à­exécuter­est­prévu­pour­des­travailleurs­locaux,­faiblement­qualifiés.

Dans­une­de­ces­entreprises,­ les­travailleurs­nouvellement­recrutés­et­ne­parlant­pas­la­langue­de­l’entreprise­sont­provisoirement­invités­à­faire­équipe­avec­un­collègue­parlant­leur­langue,­afin­de­leur­expliquer­les­procédures­de­travail.­Une­fois­les­rudiments­acquis,­les­personnes­changent­d’équipe.

«­C’est­plus­comme­avant,­avant­vous­arriviez­dans­la­société,­vous­étiez­lâché­dans­la­nature,­là­vous­avez­un­parrain­qui­doit­vous­expliquer,­vous­avez­un­suivi,­en­tout­cas,­on­met­en­place­un­document­qui­nous­permet­de­suivre­ les­différentes­étapes­de­ la­formation,­on­coache­avec­le­parrain,­chaque­personne­a­un­parrain­et­est­intégrée­pro-gressivement.­Le­parrain­doit­lui­montrer­le­planning,­les­règles­d’hygiène,­les­règles­de­sécurité,­c’est­quelque­chose­qu’on­doit­remettre­en­temps­et­en­heure­au­bureau­des­ressources­ humaines.­ (…)­ Je­ pense­ qu’il­ y­ a­ quand­ même­ des­ relations­ particulières­entre­eux,­le­parrain­et­son­filleul.­(…)­On­essaie­de­le­former­avant­la­fin­de­sa­période­d’essai­;­tous­les­mois,­quand­nous­avons­une­personne­en­période­d’essai,­on­discute,­on­parle­de­ses­points­faibles,­on­n’attend­pas­la­dernière­minute­pour­lui­dire­Madame­ou­Monsieur,­on­se­sépare­de­vous,­on­n’est­pas­content.­Il­faut­lui­expliquer­progres-sivement­au­bout­de­chaque­mois,­quelles­sont­les­étapes­où­elle­doit­s’améliorer,­on­arrive­à­de­bons­résultats.­(…)­Le­parrainage­peut­cesser­au­bout­de­15­jours,­si­au­bout­de­15­jours,­la­personne­est­intégrée,­on­ne­va­pas­la­chapeauter­pendant­six­mois­non­

63­­{ Approche qualitative }

plus,­c’est­du­travail,­c’est­des­heures­de­plus­pour­le­parrain.­Il­y­a­des­personnes­qui­ont­besoin­de­trois­mois,­il­y­a­des­personnes­qui­ont­besoin­de­15­jours,­pas­de­règle­là-dessus.­»­—­Homme,­responsable­GRH.«­Chaque­personne­chez­nous­a­un­tuteur­pour­l’aider­à­faire­les­démarches…­En­réalité,­on­n’en­a­presque­pas­besoin­parce­qu’on­peut­demander­à­n’importe­quel­collègue,­le­matin­:­“Je­ne­connais­pas”,­“Ah­oui,­moi­je­sais­te­dire,­c’est­comme-ci”­ou­“Va­appeler­un­tel,­parce­que­lui,­ il­ l’a­déjà­fait…”.­ Il­y­a­toujours­de­l’entraide­entre­collègues­(…)­C’est­logique­parce­que­chacun­sait­que­c’est­très­compliqué.­»­—­Homme,­syndicaliste.

Comme­ le­ relate­ ce­ dernier­ témoignage,­ dans­ certains­ cas,­ l’accueil­ des­ nouveaux­ peut­être­une­compétence­collective­et­informelle,­développée­par­l’ensemble­des­travailleurs.­Elle­ peut­ même­ concerner­ les­ conseils­ prodigués­ dans­ le­ cadre­ des­ besoins­ privés­ des­travailleurs­(recherche­d’un­logement,­choix­d’une­école,­…).

Faciliter­l’arrivée­au­Luxembourg­d’un­travailleur­expatrié­revient­aussi­à­lui­proposer­des­avantages­ en­ nature.­ Ils­ ont­ pour­ objectif­ de­ renforcer­ la­ concertation­ du­ nouveau­ venu­sur­ses­tâches­et­le­libérant­des­contingences,­notamment­familiales,­de­sa­relocalisation­dans­un­nouveau­pays.

Ainsi,­ certains­ expatriés­ bénéficient­ d’un­ logement­ de­ fonction.­ Il­ s’agit,­ dans­ quelques­cas,­d’un­building­à­appartements­où­sont­également­installés­d’autres­travailleurs­expa-triés­de­la­même­entreprise­et­leur­famille.­Ces­derniers­disposent­même­d’un­système­de­navette­domicile/emploi.­D’autres­services­sont­signalés­:­inscription­des­enfants­dans­des­écoles­privées,­systèmes­de­mutuelles,­visite­guidée­de­Luxembourg-ville,­accompagne-ment­administratif­(permis­de­travail­et­de­résidence),­aide­à­la­recherche­d’emploi­pour­le­conjoint,­une­assurance­maladie­complémentaire,­une­indemnité­de­réinstallation,­etc.

«­ Je­ suis­ un­ intermédiaire.­ Mon­ travail,­ c’est­ :­ comment­ arriver­ ?­ À­ quoi­ faire­ atten-tion­?­Le­permis­de­séjour…­Mais­pour­moi,­ la­difficulté­est­de­bien­connaître­la­poli-tique­d’immigration­ou­ce­genre­de­choses­–­et­cela­change­souvent­–,­parce­que­je­fais­des­extensions­de­visas­pour­ les­staffs.­ Je­m’occupe­aussi­de­ tout­ce­qui­est­ travaux­dans­la­résidence­de­nos­salariés­et­de­ce­qui­est­vie­quotidienne.­»­—­Homme,­Chinois,­quarantaine,­directeur­des­ressources­humaines.

Les langues de travail

«­Si­l’emploi­est­un­facteur­d’intégration,­il­en­est­d’autres­qui­le­complètent­(…).Ainsi,­le­rôle­de­la­maîtrise­de­la­langue­du­pays­d’accueil­est­souvent­pointé­(…),

même­si­elle­n’est­pas­toujours­indispensable.­(…)Le­fait­de­travailler­dans­une­autre­langue­permet­de­plus­vite­l’apprivoiser.­»

(Stokkink,­2012,­34-35).

Selon­un­sondage­sur­échantillonnage­représentatif­mené­par­TNS-ILRES­(2007)­à­propos­de­l’usage­et­l’enseignement­des­langues­au­Luxembourg51,­la­langue­qui­s’impose­dans­le­monde­du­travail­est­tout­d’abord­le­français,­suivi­du­luxembourgeois,­de­l’allemand­et­de­l’anglais.

Selon­nos­observations­portant­sur­des­contextes­impliquant­les­travailleurs­de­pays­tiers,­les­langues­qui­importent­dans­les­entreprises­divergent­toutefois­légèrement­de­ces­ré-sultats­généraux.

51­ www.tns-ilres.com/cms/Home/News/Publications/Archive/Usage-et-enseignement-des-langues-au-Luxembourg.

64­­

Si­ le­ français,­ langue­ ayant­ facilité­ l’accès­ à­ une­ entreprise­ pour­ 26­ personnes­ sur­ 41,­semble­arriver,­ici­également,­en­première­position52,­onze­autres­langues­sont­mention-nées­comme­importantes­durant­les­entrevues,­dont­par­ordre­décroissant­:

•­ l’anglais­:­14­personnes•­ le­créole­capverdien­:­9­personnes•­ le­chinois­mandarin­:­8­personnes•­ le­portugais­:­6­personnes•­ le­hindi­:­3­personnes•­ l’allemand­:­2­personnes•­ le­luxembourgeois­:­2­personnes,­etc.

Au­moins­trois­ou­quatre­langues­semblent­d’usage­dans­les­entreprises­sélectionnées.

Secteurs d’activitéOrigine de

l’entreprise ou de l’entrepreneur

Langue principale utilisée dans l’entreprise

Langue ayant facilité l’entrée

dans l’entreprise

Autres langues utiles au tra-vail par ordre décroissant

d’importance

Nombre de langues citées

Collecte­de­déchets Luxembourg,­puis­France

Français Français LuxembourgeoisPortugaisAllemand

4

Nettoyage Luxembourg Français Français CréolePortugais

3

Services­aux­entreprises France Français Français CréolePortugais

3

Transports Luxembourg Anglais Anglais CréolePortugaisFrançais

4

Sidérurgie Luxembourg,­puis­Inde

Anglais Anglais­ HindiFrançaisRusseEspagnolRoumainChinois

7

Finance Chine Chinois Chinois AnglaisFrançais

3

Restauration­et­dis-tribution­de­produits­ethniques

Chine/Inde/Népal Chinois/Hindi/Népali

Chinois/Hindi/Népali

AnglaisFrançaisLuxembourgeoisAllemand

5-6

Les­ constats­ synthétisés­ dans­ le­ tableau­ laissent­ apparaître­ qu’il­ n’existe­ pas­ nécessai-rement­de­liens­entre­l’origine­et­la­principale­langue­de­l’entreprise.­Toutefois,­il­est­pro-bable­que­la­maîtrise­de­cette­langue­conditionne­dans­une­certaine­mesure­l’embauche.­La­langue­de­l’entreprise­(principalement­le­français­ou­l’anglais,­dans­nos­observations)­est­notamment­prépondérante­dans­l’administration­de­la­société­;­elle­est­aussi­utilisée­dans­la­plupart­des­tâches­de­gestion­des­ressources­humaines53.

Pour­ trois­des­neuf­sociétés­visitées,­ la­ langue­ (officielle)­de­ l’entreprise­est­ le­ français.­Ces­sociétés­se­situent­dans­les­secteurs­de­la­collecte­de­déchets,­du­nettoyage­et­de­la­restauration­d’entreprise.­L’anglais­est­la­langue­de­deux­entreprises­de­l’échantillon­pré-sentes­dans­la­sidérurgie­et­ les­transports­aériens.­Le­chinois­est­ lui­aussi­ la­ langue­de­deux­entreprises­du­secteur­bancaire,­mais­aussi­du­commerce­ethnique­(restaurant).­Le­hindi­et­le­népali­sont­également­parlés­dans­deux­commerces­du­même­type.

52­ Dans­plus­de­ la­moitié­des­entreprises­étudiées­ (6),­ le­ français­semble­être­ la­principale­ langue­de­travail,­quels­que­soient­l’origine,­le­secteur­d’activité­ou­le­niveau­de­qualification­des­travailleurs­considérés.

53­ Sur­le­régime­des­langues­:­Code­admin.­–­2012/A­–­v.­7,­Loi­du­24­février­1984­(Mém.­A-16­du­27­février­1984,­p.­196­;­doc.­parl.­2535).

65­­{ Approche qualitative }

La­ maîtrise­ ou­ une­ bonne­ notion­ de­ langues­ autres­ que­ celle­ de­ l’entreprise­ peut,­ bien­entendu,­faciliter­l’accès­au­travail.­Cette­compétence­s’avère­utile­pour­diverses­raisons­:

•­ Communiquer­avec­ la­clientèle­ :­ l’allemand,­ le­ luxembourgeois­ou­encore­l’anglais­dans­le­secteur­du­ramassage­des­déchets­et­les­cafés/restaurants.­L’usage­de­l’une­ou­de­l’autre­de­ces­langues­dépend­de­la­localisation­de­l’activité­(français­et­anglais­dans­la­capitale,­l’allemand­à­la­frontière­allemande…)­et­de­la­clientèle­(immigrés,­population­locale,­touristes…).

•­ Communiquer­au­sein­de­l’équipe.­La­langue­utilisée­dépend­de­l’origine­de­la­plu-part­ des­ collègues­ directs.­ On­ note­ l’usage­ du­ portugais­ ou­ du­ créole­ capverdien­pour­ des­ emplois­ faiblement­ qualifiés,­ de­ certaines­ langues­ asiatiques­ dans­ cer-tains­commerces.­Dans­les­entreprises­multinationales,­l’anglais­l’emporte­comme­langue­de­communication­même­si­cette­langue­est­la­langue­maternelle­de­peu­de­personnes.

Dans­le­premier­cas,­l’abord­des­langues­de­travail­est­essentiellement­pragmatique­:­le­client­impose­sa­langue.­Dans­le­second­cas,­on­subodore­davantage­de­logiques­relation-nelles­:­une­langue­commune­peut­être­choisie­parce­que,­précisément,­elle­n’est,­en­réa-lité,­la­langue­de­personne.­Cela­est­essentiellement­le­cas­de­l’anglais­ou­du­français­:

«­ Les­ nouveaux­ s’intègrent­ vite­ parce­ qu’on­ travaille­ ensemble,­ on­ parle­ seulement­français,­on­ne­parle­pas­portugais,­on­ne­parle­pas­croate­ou­serbe,­égal,­on­parle­la­langue­française­parce­que­c’est­seulement­français…­»­—­Homme­ouvrier.

Ce­type­de­situations­permet­à­nombre­de­travailleurs­d’améliorer­leurs­compétences­en­langues­étrangères­:

«­ I­ think­ that­ my­ English­ improved­ since­ I­ started­ working.­ »­ —­ Femme­ chinoise,­­employée­de­banque.

Dans­certaines­entreprises­visitées,­si­une­personne­qui­vient­d’être­engagée­ne­parle­pas­la­langue­communément­utilisée­au­travail,­elle­est­accompagnée­par­un­travailleur­expé-rimenté­qui­parle­sa­langue.­Il­est­chargé­de­lui­expliquer­la­marche­à­suivre­dans­l’élabo-ration­de­sa­tâche­et­de­faciliter­la­transition­vers­le­français.­Plus­tard,­le­nouveau­venu­sera­ graduellement­ affecté­ à­ des­ équipes­ de­ travail,­ non­ selon­ ses­ préférences­ linguis-tiques,­ mais­ selon­ les­ tâches­ à­ effectuer.­ La­ langue­ commune­ devient­ alors­ le­ français.­Une­des­ouvrières­rencontrées­a­vécu­l’expérience­:

«­On­est­tout­mélangé­ici.­En­arrivant,­on­fait­des­signes…­surtout­moi­!­J’ai­appris­peu­à­peu­avec­mes­collègues,­dans­la­vie­de­tous­les­jours…­»­—­Femme,­Luxembourgeoise­d’origine­ghanéenne,­39­ans,­agent­de­nettoyage.

Enfin,­peu­à­peu­s’installent­la­compréhension­et­l’expression­dans­cette­langue­permet-tant­l’exercice­de­la­profession.­Ainsi,­l’entretien­avec­cette­personne­d’origine­ghanéenne­a­été­mené­en­français.

Le­cas­n’est­pas­isolé,­d’autres­témoignages­font­référence­à­l’apprentissage­«­sur­le­tas­»­­«­J’ai­commencé­à­travailler,­discuter­avec­les­gens,­regarder­télé,­et­chaque­fois­de-mander­ ce­ que­ je­ ne­ comprenais­ pas…­ Je­ demandais­ à­ mon­ frère­ “qu’est-ce­ que­ ça­veut­dire­?”­et­retenir…­»­—­Homme,­Turc,­quarantaine,­ouvrier.«­Pour­moi,­avant­c’était­un­peu­compliqué,­quand­j’étais­ici­pour­la­première­fois,­c’était­un­petit­peu­difficile­d’aller­toute­seule­à­la­banque,­par­exemple.­Pour­faire­ces­trucs,­j’avais­quelqu’un,­je­devais­toujours­demander.­Maintenant­ça­va,­je­comprends­le­fran-çais,­j’écoute­la­langue­pour­apprendre,­je­me­débrouille.­»­—­Femme,­Capverdienne,­35­ans,­agent­de­nettoyage.

66­­

On­note­l’importance­d’une­personne­de­confiance­pour­aider­l’apprenant­dans­son­chemin­vers­de­la­langue­cible.­L’apprentissage­informel­d’une­langue­en­entreprise­participe­de­l’autonomisation­du­travailleur­immigré­;­elle­aide­également­son­intégration­au­quotidien­dans­ le­pays­d’accueil.­Par­ailleurs,­plus­ le­groupe­de­collègues­est­hétérogène,­plus­ la­nécessité­de­se­choisir­une­langue­commune­s’impose,­semble-t-il.

Dans­le­cas­inverse,­où­un­grand­nombre­de­travailleurs­d’une­même­origine­sont­concen-trés­au­sein­d’une­équipe,­on­est­amené­à­parler­des­phénomènes­d’enclavement.

Une­ personne­ d’origine­ capverdienne,­ ouvrière­ dans­ le­ secteur­ du­ nettoyage,­ déclare­qu’elle­ne­s’exprime­qu’en­portugais­dans­son­équipe,­bien­que­la­langue­de­l’entreprise­soit­ le­ français.­Elle­ juge­ :­«­cela­n’aide­pas­ l’intégration­»,­car­de­retour­chez­elle,­elle­s’exprime­en­créole­capverdien­au­sein­de­sa­famille,­elle­n’a­d’amis­que­lusophones…­Elle­se­sent­«­cantonnée­»­dans­une­culture­minoritaire­et­une­ambiance­quasi­monolingue.

Les­personnes­ayant­bénéficié­de­ l’asile­politique­ou­arrivées­par­mariage­au­sein­d’une­famille­de­groupes­immigrés­installés­au­Luxembourg­et­les­travailleurs­faiblement­quali-fiés­sont­souvent­sujets­à­ce­type­d’enclavements­culturels­qui­ne­permettent­pas­toujours­d’évoluer­en­langues­étrangères.

A­ contrario,­ certaines­ entreprises­ valorisent­ les­ multiples­ compétences­ linguistiques­ de­leurs­travailleurs,­afin­de­construire­des­liens­sociaux­:­

«­J’ai­travaillé­comme­chauffeur­pendant­deux­ans,­puis­j’ai­eu­un­accident­de­travail.­J’ai­dû­rester­à­la­maison­quelques­mois­et­à­mon­retour,­on­m’a­proposé­une­place­à­la­réception.­J’ai­accepté,­j’ai­ensuite­fait­du­dispatching­et­aujourd’hui­je­m’occupe­de­l’administratif­avec­mes­collègues,­je­m’occupe­de­la­facturation.­Comme­je­parle­plu-sieurs­langues,­je­les­utilise­pour­parler­avec­les­chauffeurs,­avec­certains­clients…,­je­suis­un­relais,­ça­facilite­les­choses­et­évite­les­incompréhensions.­»­—­Homme,­Portu-gais­d’origine­ukrainienne,­trentaine,­agent­administratif.

D’après­le­sondage­mené­par­TNS-ILRES­(2007),­l’apprentissage­de­la­langue­luxembour-geoise­ par­ les­ migrants­ est­ considéré­ comme­ une­ priorité­ uniquement­ par­ les­ Luxem-bourgeois­ :­ cette­ langue­ n’est­ donc­ pas­ désignée­ comme­ la­ «­ langue­ de­ l’intégration­ ».­Selon­les­résultats­de­ce­sondage,­c’est­le­français­qui­est­indiqué­comme­telle.­Toujours­selon­l’enquête,­le­français­s’impose­également­comme­la­principale­langue­utilisée­dans­la­«­vie­sociale­».­C’est­également­la­principale­langue­de­contact­entre­Luxembourgeois­et­étrangers,­devant­l’allemand­et­l’anglais.

Au­ sein­ de­ notre­ panel­ de­ 41­ travailleurs­ de­ base,­ 27­ suivent­ ou­ ont­ suivi­ des­ cours­ de­langue,­dont­19,­afin­d’obtenir­ la­nationalité­ luxembourgeoise.­Neuf­personnes­ont­suivi­des­cours­de­ français­dans­ le­cadre­de­ leur­emploi.­Le­nombre­de­sujets­ayant­pris­des­cours­ de­ luxembourgeois­ est­ de­ cinq.­ Peu­ de­ personnes­ ont­ participé­ à­ des­ cours­ dans­d’autres­ langues­ (allemand,­anglais…).­Les­cours­de­ langue­concernent­essentiellement­des­personnes­moyennement­qualifiées.

Formations et promotions

Certains­ des­ témoins­ ont­ suivi­ des­ formations­ au­ sein­ de­ leur­ entreprise­ qu’il­ s’agisse­d’offres­ facultatives­ (langues,­ informatique)­ ou­ d’une­ instruction­ obligatoire­ en­ relation­directe­avec­le­métier­(maniement­de­machine,­précautions­dans­l’utilisation­de­produits,­consignes­de­sécurité…).

67­­{ Approche qualitative }

Les­ formations­obligatoires­sont­ inhérentes­à­ la­ fonction­occupée,­elles­ont­ lieu­dans­ la­firme­même,­au­début­de­l’engagement­et­ne­débouchent­pas­sur­un­titre­reconnu­en­de-hors­de­ l’entreprise.­Par­définition,­elles­concernent­ tout­ le­personnel.­C’est­sans­doute­pour­cela­que­peu­de­travailleurs­les­rappellent­spontanément­dans­leur­témoignage.

D’autres­personnes­de­l’échantillon­ont­également­suivi­des­formations­en­dehors­de­l’en-treprise.­Ces­dernières­ leur­ont­permis­de­décrocher­des­ titres­et­brevets­ :­en­ langues,­MBA…­et­leur­ont­offert­la­possibilité­d’évoluer­professionnellement,­voire­de­faciliter­leur­accès­à­la­nationalité­luxembourgeoise.

À­côté­des­apprentissages­ formels,­comme­les­ formations,­ il­existe,­dans­ les­milieux­de­travail,­ des­ apprentissages­ informels­ basés­ sur­ l’observation­ ou­ des­ échanges­ avec­ les­collègues.­L’initiation­à­une­langue­en­est­un­exemple.

Les­ compétences­ professionnelles­ acquises­ à­ travers­ l’apprentissage­ informel­ ont­ pour­effet­ d’adapter­ le­ travailleur­ immigré­ non­ seulement­ à­ une­ situation­ liée­ à­ son­ emploi,­mais­plus­largement­de­l’aider­dans­le­cadre­de­sa­vie­personnelle.­Il­s’agit­d’une­chaine­de­transformations­qui­permet­à­ l’acteur­d’engranger­un­capital­de­confiance­grâce­à­ la­maîtrise­–­aussi­minime­que­cela­puisse­paraître­–­de­contextes­nouveaux.­Et,­en­général,­l’accroissement­de­maîtrise­déclenche­des­formes­de­reconnaissance­sociale.

«­Quand­ je­suis­arrivé,­ je­ faisais­ la­plonge,­maintenant­ je­m’occupe­des­sandwichs­et­je­ vais­ parfois­ les­ disposer­ au­ rez-de-chaussée,­ chez­ les­ collègues­ de­ la­ cafétéria.­ »­Homme,­issu­d’une­minorité­ethnique­en­Chine,­agent­de­restauration,­trentaine.«­Oui,­maintenant­ j’ai­ changé­de­poste.­Avant­ je­ travaillais­dans­ le­ recyclage­à­ l’inté-rieur,­ maintenant­ je­ travaille­ dans­ l’équipe­ de­ l’extérieur,­ derrière­ les­ camions.­ »­ —­Homme,­Turc,­quarantaine,­ouvrier.

Qu’ils­soient­qualifiés­ou­non,­près­de­la­moitié­des­salariés­interrogés­ont­eu­une­promo-tion­au­sein­de­leur­entreprise­ou­en­changeant­de­compagnie.

La­promotion­peut­notamment­être­liée­:•­ à­une­opportunité­saisie…­ «­ J’avais­ travaillé­ deux­ ans­ pour­ une­ entreprise­ et­ un­ des­ responsables­ a­ créé­ sa­

propre­boîte.­ Il­a­demandé­à­ma­sœur­d’y­occuper­un­poste­de­responsabilité.­Elle­n’en­a­pas­voulu­et­c’est­moi­qui­ai­eu­le­travail.­»­—­Femme,­Capverdienne,­Agent­de­nettoyage,­quarantaine.

•­ à­l’investissement­personnel­:­ «­Je­suis­arrivée­après­mon­mari­en­1992.­Lui­avait­été­engagé­comme­cuisinier­et­

moi­en­tant­que­serveuse.­Aujourd’hui,­j’occupe­toujours­cette­fonction,­mais­je­suis­propriétaire­de­mon­restaurant­avec­mon­mari.­»­—­Femme,­Luxembourgeoise­d’ori-gine­chinoise,­restauratrice,­34­ans.

•­ à­l’expérience­:­ «­J’ai­ commencé­à­ la­plonge,­après­ je­suis­passée­par­ la­cuisine­et­après­encore,­

je­ me­ suis­ occupée­ des­ menus.­ Ensuite,­ j’ai­ travaillé­ au­ kiosque­ et­ aujourd’hui­ je­suis­responsable­de­la­cafétéria.­J’ai­tout­fait­pour­en­arriver­là,­les­chefs­ont­remar-qué­que­je­faisais­des­efforts­pour­faire­toujours­mieux­et­j’ai­eu­ce­poste­par­l’expé-rience,­ par­ mon­ travail.­ »­ —­ Femme,­ Capverdienne,­ cinquantaine,­ responsable­ de­cafétéria.

­ «­Au­début,­j’étais­à­l’arrière­du­camion­et­ramassais­les­poubelles.­Je­me­suis­en-suite­occupé­de­tout­ce­qui­était­canalisations­et­aujourd’hui,­après­avoir­passé­mon­permis,­ je­ suis­ chauffeur.­ J’ai­ beaucoup­ plus­ de­ responsabilités­ et­ plus­ d’impor-tance­ :­ je­suis­ responsable­de­ l’intégrité­physique­des­gens­qui­ sont­à­ l’arrière­du­camion.­»­—­Homme,­Bosniaque,­cinquantaine,­chauffeur­de­camion.

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­•­ à­l’ancienneté­:­ «­Je­suis­le­plus­ancien­de­notre­équipe­et­notre­chef­est­parti­en­pension,­alors­c’est­

moi­le­chef­d’équipe­maintenant.­»­—­Homme,­Capverdien,­47­ans,­chef­d’équipe.•­ aux­formations­suivies­:­ «­J’ai­d’abord­fait­du­classement,­puis­ j’ai­débuté­dans­le­recrutement,­auprès­des­

ressources­humaines­et­actuellement­j’ai­passé­le­stade­et­maintenant­je­m’occupe­que­des­préparations­des­salaires.­J’ai­progressé­par­étapes,­j’ai­suivi­des­cours,­j’ai­fait­du­droit­du­travail,­c’est­ l’entreprise­qui­a­proposé­des­ formations­que­ j’ai­sui-vies­:­50­%­comptait­comme­temps­de­travail­et­on­m’a­payé­les­cours.­Ça­m’a­per-mis­d’avancer­dans­l’entreprise,­mais­aussi­dans­mon­intégration­parce­que­c’est­un­nouveau­pays­et­ça­m’a­permis­de­comprendre­un­peu­mieux­ses­fonctionnements­au­niveau­de­la­loi.­»­—­Homme,­Luxembourgeois­d’origine­albanaise,­responsable­fiches­de­salaires,­38­ans.

Comme­ces­témoignages­le­laissent­entendre,­la­rencontre­de­plusieurs­facteurs­permet­la­concrétisation­de­promotions.­Tout­d’abord,­ les­besoins­des­entreprises­en­termes­de­main-d’œuvre­expérimentée,­ensuite,­des­opportunités­à­saisir­comme­une­place­vacante,­des­formations­proposées,­de­nouveaux­défis,­et­enfin,­la­volonté­de­certains­travailleurs­d’aller­de­l’avant­et­qui­obtiennent­de­la­part­de­leurs­responsables­la­reconnaissance­de­leurs­compétences,­expériences­et­efforts.

De­plus,­il­faut­lire­dans­la­promotion­professionnelle­des­travailleurs­immigrés­une­réa-lité­plus­large­qu’uniquement­l’avancement­dans­une­carrière­et­une­simple­augmentation­salariale­:­la­promotion­professionnelle­renforce,­en­effet,­le­développement­personnel­des­témoins­issus­de­pays­tiers,­en­ce­sens­qu’elle­incarne­la­reconnaissance­tant­attendue­des­compétences­non­valorisées­par­le­pays­d’accueil­et­la­prise­en­compte­d’efforts­unique-ment­demandés­à­des­étrangers,­comme­la­maîtrise­de­langues­et­de­contenus­propres­au­pays­d’accueil.­L’avancement­professionnel­est­une­promotion­sociale­pour­les­travailleurs­immigrés­;­il­joue­une­fonction­intégratrice­directe­auprès­de­la­personne­concernée,­tant­au­sein­de­son­entreprise­que,­plus­globalement­au­sein­de­la­société­en­général.­Indirec-tement,­la­promotion­a­aussi­un­effet­motivant­sur­les­proches­du­travailleur.

Vie sociale au sein de l’entreprise

Si­une­certaine­sociabilité­est­nécessaire­sur­le­lieu­de­travail,­pour­la­plupart­des­travail-leurs­rencontrés,­l’espace­professionnel­ne­semble­pas­être­un­lieu­de­prédilection­pour­se­socialiser.­Construire­une­cohésion­sociale­dans­un­groupe­aussi­diversifié­et­hiérarchisé­qu’une­entreprise­semble­effectivement­difficile.

Seulement­13­personnes­interviewées­sur­48­déclarent­partager­leur­vie­sociale­avec­des­collègues.­Dans­de­nombreux­cas,­il­s’agit­de­partager­une­activité­sportive.­Nous­parlons­de­football­et­cela­concerne­exclusivement­les­hommes.

Dans­d’autres­situations,­ce­sont­des­collègues,­souvent­d’une­même­origine,­qui­se­lient­d’amitié­:­elles­partagent­ensemble­des­sorties­ou­des­évènements­familiaux.

«­Manchmal­gehen­nur­wir­zwei­essen.­Ich­war­auch­mit­meiner­Familie­zur­Kommu-nion­ seiner­ Tochter­ eingeladen…­ Wir­ sind­ richtig­ gute­ Freunde­ !­ Wir­ gehen­ auch­ zu-sammen­in­ein­Café­in­Bettembourg­wo­immer­einer­von­der­Firma­ist…­»­—­Homme,­Bosniaque,­conducteur­de­poids­lourds,­quarantaine.

Toutefois,­certaines­entreprises­encouragent­l’organisation­de­réunions­entre­travailleurs­afin­de­renforcer­la­cohésion­des­équipes­:­un­groupe­de­collègues­a­ainsi­créé­une­association­afin­de­valoriser­la­diversité­culturelle­au­sein­de­leur­firme.­Elle­organise­quelques­fêtes­par­an­:

69­­{ Approche qualitative }

«­On­organise­des­fêtes­culturelles,­par­exemple,­en­fin­d’année,­on­propose­une­fête­familiale­:­on­est­chez­nous,­nous­avons­toutes­les­cultures,­des­Luxembourgeois,­des­Allemands,­des­Français,­des­Marocains,­tous.­On­est­comme­ça…­»«­L’année­dernière­–­il­faut­bien­commencer­par­quelque­chose­–,­on­a­fait­un­pot­dans­une­salle­et,­en­fin­de­compte,­le­directeur­a­vu­que­c’était­sympa.­Il­a­dit­:­“l’année­pro-chaine­on­va­le­refaire”.­(…)­On­a­même­pris­la­décision­de­faire­monter­un­chapiteau­chauffé­et­d’offrir­le­matin­un­café­et­des­croissants­pour­les­gens­qui­partent­de­bonne­heure,­et­l’après-midi­un­buffet­froid.­Voilà,­c’est­la­nouvelle­fête.­Maintenant­je­pense­que­ça­va­se­faire­tous­les­ans.­»­—­Français,­syndicaliste,­entreprise­de­traitement­de­déchets.

Ce­ ne­ sont­ pas­ les­ seuls­ exemples­ de­ groupements­ qui­ prévoient­ des­ activités.­ Parfois,­celles-ci­ne­touchent­qu’une­partie­des­travailleurs­seulement,­souvent­les­plus­qualifiés.

«­Once­we­organised­a­team­for­a­marathon­with­the­colleagues­in­this­company,­from­UK,­Italy,­China…­and­we­trained­together­and­had­place­number­around­40­on­300.­It’s­the­top­10­%.­»­—­Homme,­Chinois,­directeur­de­département,­37­ans.

Si­ les­sujets­qui­préfèrent­ne­pas­mélanger­vie­sociale­et­professionnelle­ laissent­appa-raître­ des­ raisons­ telles­ que­ réserver­ leur­ intimité­ à­ des­ personnes­ de­ leur­ langue­ ou­origine,­on­remarque­que­les­travailleurs­qui­ne­partagent­pas­leurs­loisirs­avec­leurs­col-lègues­sont­aussi,­souvent,­des­témoins­qui­avouent­simplement­ne­pas­avoir­de­«­vie­so-ciale­du­tout­»,­par­manque­de­temps.­Il­s’agit­en­général­de­témoins­qui­ont­une­famille­nombreuse­ou­qui­sont­pris­par­leur­travail,­comme­c’est­le­cas­de­beaucoup­d’expatriés.

Une­autre­dimension­a­été­plusieurs­fois­soulignée­durant­la­recherche.­Pour­certains­té-moins,­l’entreprise­semble­être­de­moins­en­moins­un­lieu­que­les­travailleurs­investissent­volontiers­:

«­Je­suis­président­de­la­délégation­syndicale.­Aujourd’hui,­les­salariés­ne­s’engagent­plus,­ le­ collectif­ ça­se­perd.­Pour­ recruter­des­gens,­à­se­mettre­dans­ le­syndicat,­ je­peux­vous­dire­que­c’est­difficile.­C’est­chacun­pour­soi.­Ça­fait­plus­de­vingt­ans­que­je­suis­délégué…­et­je­le­vois­maintenant­»­—­Homme,­Français,­conducteur­de­camions,­délégué­syndical,­cinquantaine.«­Je­suis­syndicaliste­et­ça­se­passe­bien­avec­la­direction.­Dès­qu’il­y­a­un­problème,­j’ai­ la­ possibilité­ de­ les­ voir­ presque­ tout­ de­ suite­ !­ Aujourd’hui,­ pour­ la­ relève,­ c’est­différent,­ils­savent­qu’ils­doivent­faire­le­boulot,­ils­travaillent­huit­heures…­mais­ils­ne­s’y­intéressent­pas­beaucoup,­ils­sont­moins­impliqués­et­cherchent­moins­à­apprendre­une­fois­qu’ils­ont­leur­CDI­en­main,­alors­ils­s’en­foutent­et­le­disent,­même­si­ce­n’est­pas­le­cas­de­tous.­J’ai­l’impression­que­c’est­une­question­de­génération…­»­—­Homme,­Luxembourgeois­d’origine­ukrainienne,­chauffeur­mécanicien,­délégué­syndical,­55­ans.

Et­de­faire­le­lien,­pour­ces­syndicalistes­expérimentés,­avec­«­la­crise­de­l’emploi­»,­voire­«­ une­ crise­ de­ société­ »­ (Paugam,­ 2009)­ :­ l’essentiel­ serait­ actuellement­ d’occuper­ un­poste­et­non­de­s’engager­dans­un­collectif.­Ces­témoins­avouent­constater­plus­de­diffé-rences­entre­leur­génération­et­la­suivante­qu’entre­nationalités­différentes,­au­sein­d’une­même­génération.

«­Moi­je­pense­que­ce­sont­les­jeunes­(…),­ils­ne­veulent­pas­prendre­la­relève,­“ah­non,­ça­ne­nous­intéresse­pas­!”­Plus­les­anciens­partent,­plus­les­nouveaux­les­remplacent,­tout­doucement­on­perd­les­choses­qu’on­avait­dans­le­temps.­Moi­je­pense­que­ce­sont­les­générations­et­pas­l’origine…­»­—­Homme,­Français,­conducteur­de­camions,­délé-gué­syndical,­cinquantaine.

70­­

Si­ cela­ peut­ participer­ d’un­ certain­ individualisme­ ambiant,­ voire­ d’un­ repli,­ ou­ encore­d’autres­formes­de­socialisation­de­la­part­de­certaines­communautés­ou­groupes­sociaux­en­ difficulté­ sociale­ (Gerstnerova,­ 2014),­ les­ témoins­ relèvent­ également­ une­ dimension­paradoxale­ dans­ les­ attitudes­ décrites­ :­ l’intégration,­ la­ transmission­ et­ la­ solidarité­ ne­sont-elles­justement­pas­les­meilleures­réponses­possibles­à­l’exclusion­sociale­?

Gestion de la diversité dans les entreprises : point de vue des décideurs

Cette­partie­s’intéresse­à­ la­gestion­des­ressources­humaines­dans­ les­entreprises­visi-tées.­ Il­s’agit­d’approcher­ les­pratiques­d’administration­ (contrat­de­ travail,­droit­du­ tra-vail…)­et­de­gestion­du­personnel­ (communication,­recrutement,­ formations,­gestion­des­compétences…)­mises­en­œuvre­par­les­responsables­et­les­départements­des­ressources­humaines.­ Le­ propos­ sera­ essentiellement­ basé­ sur­ les­ informations­ recueillies­ auprès­des­dirigeants­et­cadres­des­entreprises­observées,­à­mettre­en­lien­avec­les­témoignages­précédents,­dus­aux­travailleurs­de­base.­Une­attention­particulière­sera­portée­à­l’identi-fication­des­pratiques­visant­à­gérer­et­valoriser­les­diversités­socioculturelles­au­sein­du­personnel.

Le recrutementIl­existe­deux­principaux­processus­de­recrutement­:­externe­et­interne.

La­première­méthode­compte­sur­un­large­réseau­de­candidats­diversifiés,­mais­leur­inté-gration­au­sein­de­l’entreprise­relève­d’un­pari.­La­seconde­méthode­table­sur­un­nombre­limité­de­candidats­connus,­puisque­faisant­déjà­partie­de­l’entreprise.

On­ constate,­ à­ l’instar­ de­ diverses­ recherches­ récentes­ (par­ exemple­ Manço­ et­ Barras,­2013),­que­la­plupart­des­départements­des­ressources­humaines­sollicités­lors­de­l’étude­recourent­ à­ des­ procédures­ mixtes­ et­ informelles­ comme­ le­ «­ bouche­ à­ oreille­ »­ ou­ le­­«­recrutement­familial­ou­communautaire­»,­visant­à­mobiliser­les­réseaux­de­proches­des­travailleurs­de­l’établissement.

Au­moins­six­entreprises­sur­les­neuf­consultées­recourent­à­ce­type­de­moyens,­dont­les­trois­commerces­ethniques.

«­C’est­une­politique­générale­:­on­soutient­les­candidatures­des­membres­de­la­famille­de­nos­employés­(…).­C’est­inscrit­dans­notre­politique­de­recrutement,­contrairement­à­d’autres­entreprises­où,­par­exemple,­ça­peut­aller­ jusqu’à­être­ interdit.­On­a­énor-mément­de­couples­qui­se­forment­dans­notre­entreprise­et­dont­les­enfants­viennent­ensuite­travailler­chez­nous­aussi.­Cet­aspect­familial,­on­le­soutient.­»­—­Femme,­Fran-çaise,­gestionnaire­des­ressources­humaines,­quarantaine.

Ce­procédé­pragmatique­réduit­ les­ tâches­du­département­des­ressources­humaines­et,­dans­ une­ certaine­ mesure,­ les­ risques­ liés­ à­ l’embauche­ de­ personnes­ inconnues.­ En­effet,­ les­salariés­sont­garants­des­personnes­recommandées,­à­ leur­arrivée,­ ils­ les­en-cadrent­sur­le­terrain­et­en­sont­«­moralement­»­responsables.­La­cohésion­des­membres­de­l’équipe­peut­aussi­être­préservée­de­la­sorte.­Mais­tant­que­la­source­familiale­n’est­pas­tarie,­il­semble­difficile­à­des­personnes­non­apparentées­(comme­les­primo-arrivants)­d’intégrer­l’entreprise,­l’homogénéité­culturelle­de­l’entreprise­est­renforcée,­ce­qui­peut­contrevenir­à­la­«­fonction­intégrative­générale­»­de­l’emploi.

71­­{ Approche qualitative }

La politique salarialeLe­but­d’une­politique­salariale­est­l’instauration­d’un­équilibre­entre­les­bénéfices­de­l’en-treprise­et­un­niveau­de­rémunération­qui­satisfasse­les­employés,­attire­et­conserve­les­meilleurs­d’entre­eux.­Ses­instruments­sont­les­salaires­et­autres­avantages­accordés­aux­travailleurs.

Le­niveau­des­salaires­au­Luxembourg­étant­avantageux­par­rapport­aux­pays­voisins­et­très­avantageux­par­rapport­à­la­plupart­des­pays­tiers,­ la­concurrence­joue­essentielle-ment­entre­les­entreprises­installées­au­Grand-Duché.­Une­autre­dimension­soulevée­lors­des­entrevues­concerne­les­avantages­en­nature­proposés­aux­expatriés.­Elle­a­été­abor-dée­dans­une­précédente­partie­de­ce­chapitre.­Deux­entreprises­luxembourgeoises­visi-tées­offrent­des­avantages­à­tous­leurs­employés,­comme­des­réductions­dans­différentes­enseignes­du­pays.

Pour­ un­ niveau­ de­ qualification­ et­ une­ taille­ d’entreprise­ donnés,­ les­ différences­ de­ ni-veaux­ salariaux­ et­ autres­ avantages­ les­ plus­ marquants­ distinguent,­ d’une­ part,­ les­ so-ciétés­recourant­à­des­cadres­expatriés­et,­d’autre­part,­les­établissements­tablant­sur­le­marché­local­ou­frontalier.­Les­premiers­offrant­une­valorisation­nettement­supérieure­aux­seconds.­ De­ même,­ au­ sein­ des­ mêmes­ entreprises,­ pour­ une­ qualification­ donnée,­ les­expatriés­reçoivent­plus­d’avantages­que­les­travailleurs­dits­locaux.­La­fracture­expatriés/locaux­est­une­des­plus­larges­du­marché­de­l’emploi­luxembourgeois.

Plus­globalement,­le­séjour­au­Grand-Duché­des­expatriés­étant­par­définition­éphémère,­en­termes­d’intégration­générale­(apprendre­les­langues­locales,­etc.),­plus­d’attentes­so-ciales­pèsent­sur­les­épaules­des­travailleurs­ immigrés­(souvent­moins­qualifiés­que­les­premiers)­dont­la­présence­au­Luxembourg­est­estimée­être­durable.

Il­est­certain­que­ces­différences­de­ traitement­visent­ la­fidélisation­des­cadres­ interna-tionaux­les­plus­qualifiés­et­les­plus­expérimentés,­en­même­temps­qu’elle­les­libère­des­contingences­de­la­vie­quotidienne­que­le­commun­des­citoyens­doit­envisager­lui-même­(choix­d’une­école­pour­la­progéniture,­passage­à­l’administration­communale,­etc.).

Dans­une­lecture­en­termes­de­participation­sociale­des­travailleurs­immigrés,­on­remar-quera,­toutefois,­l’effet­contre-productif­de­ces­mesures­facilitatrices­pour­l’intégration­de­la­famille­expatriée­dans­la­vie­locale.­Les­autres­travailleurs­étrangers­apprennent­à­vivre­au­Luxembourg­en­se­confrontant­aux­vicissitudes­de­la­vie­quotidienne.

L’organisation du travailPar­ organisation­ du­ travail,­ nous­ entendons­ la­ programmation­ et­ répartition­ des­ tâches­des­travailleurs,­la­mise­en­œuvre­d’un­travail­en­équipe­ou­non,­etc.

Selon­les­interlocuteurs,­le­travail­en­équipe,­largement­valorisé­comme­modalité­organi-sationnelle,­présente­différents­avantages­en­ce­qui­concerne­l’intégration­des­travailleurs­étrangers­et/ou­nouveaux­venus­à­l’entreprise,­voire­au-delà.

L’espace­de­la­collaboration­est­en­effet­un­puissant­vecteur­d’apprentissage,­de­partage­de­connaissances,­d’échange­d’informations,­mais­aussi,­dans­le­meilleur­des­cas,­de­convi-vialité.­Le­team­working­est­estimé­être­motivant­pour­les­travailleurs­:­les­membres­d’une­équipe­ ont­ un­ objectif­ en­ commun,­ expérimentent­ la­ solidarité…­ En­ particulier­ pour­ les­travailleurs­dont­les­niveaux­de­maîtrise­(notamment­en­langue)­sont­variables,­ la­colla-boration­peut­permettre­de­valoriser­les­compétences­de­chacun,­exhumer­des­ressources­cachées­ chez­ plusieurs.­ De­ plus,­ l’interaction­ peut­ permettre­ aux­ salariés­ d’accentuer­leurs­compétences­sociales­:­prendre­des­responsabilités,­gérer­des­conflits,­reconnaître­

72­­

ses­ limites,­ s’ouvrir­ aux­ autres,­ apprécier­ les­ apports­ des­ autres…­ Dans­ une­ entreprise­dont­le­personnel­est­originaire­du­monde­entier,­la­gestion­par­équipe­et­la­communica-tion­interculturelle­semblent­essentielles.

«­ Le­ travail­ d’équipe,­ on­ le­ met­ dans­ chaque­ annonce.­ C’est­ l’un­ des­ critères­ de­base­(…)­On­ne­peut­pas­remplacer­une­personne­par­une­autre­personne­parce­qu’elles­n’ont­ pas­ exactement­ les­ mêmes­ types­ de­ compétences.­ Le­ groupe­ aide­ à­ gérer­ ces­manques.­Les­mécaniciens­travaillent­en­shift.­Les­shifts­tournent­et­chaque­shift­a­la­même­somme­de­compétences­que­les­autres.­Donc­si­un­mécanicien­dans­un­groupe­tombe­malade,­on­appelle­un­mécanicien­d’un­autre­sans­problème.­ (…)­Vous­n’aurez­donc­ jamais­un­mécanicien­qui­ travaille­ tout­seul­sur­ l’avion.­C’est­une­équipe,­ il­doit­y­avoir­beaucoup­de­communication­entre­eux.­»­—­Chef­du­personnel,­entreprise­de­transport­aérien.

Dans­le­secteur­de­la­sidérurgie,­le­travail­en­équipe­peut­déborder­du­personnel­de­l’en-treprise­et­concerner­des­partenaires­économiques­à­travers­le­monde.

«­Les­objectifs­à­remplir­ne­peuvent­pas­se­faire­sans­le­reste­de­l’équipe,­voire­l’exté-rieur­de­l’équipe.­Si­on­prend­nos­acheteurs,­c’est­clair.­Il­faut­leur­collaboration­pour­recevoir­ les­bonnes­spécifications…­ Il­ faut­une­bonne­coopération­même­au-delà­des­frontières­du­département.­»­—­Responsable­du­personnel,­entreprise­sidérurgique.

Le­témoignage­suivant­met­l’accent­sur­la­cohésion­des­équipes­de­travail­comme­source­de­bien-être­pour­les­employés­et­les­usagers.

«­ On­ a­ trois­ règles­ :­ l’esprit­ de­ service,­ l’esprit­ d’équipe,­ l’esprit­ de­ progrès.­ La­ pre-mière­:­on­travaille­avec­des­clients,­la­première­chose­c’est­le­client­;­ici,­le­patient,­en­contexte­hospitalier,­l’attention­est­décuplée.­Ces­gens­ne­sont­pas­ici­parce­qu’ils­sont­heureux.­ (…)­Après,­ l’esprit­d’équipe­ :­ je­vais­plutôt­privilégier­quelqu’un­qui­s’intègre­facilement­ à­ une­ équipe,­ mais­ qui­ est­ moins­ doué,­ que­ quelqu’un­ de­ surdoué­ qui­ ne­pense­qu’à­soi.­Et­ le­progrès­ :­on­peut­ toujours­améliorer­pour­ le­bien­commun.­»­—­Responsable­du­personnel,­restauration­de­collectivité.

À­regarder­de­plus­près,­l’esprit­d’équipe­est­de­fait­un­bon­indicateur­des­capacités­d’inté-gration­d’un­travailleur,­non­seulement­dans­son­emploi,­mais­également­plus­largement­dans­la­société.­La­comparaison­est­d’autant­plus­intéressante­qu’en­général,­les­travail-leurs­ne­choisissent­pas­les­membres­de­leurs­équipes,­ils­sont­d’origines­multiples,­tout­comme­le­sont­les­voisins­d’un­quartier­ou­les­citoyens­d’une­ville.­Alors,­la­diversité­peut­aider­à­apprendre­les­uns­des­autres.

Toutefois,­la­limite­évidente­est­qu’il­faut­effectivement­que­les­équipes­soient­réellement­hétérogènes,­comportant­des­personnes­d’origine,­d’expression­linguistique­et­de­niveau­de­compétence­professionnelle­diversifiés.­Dans­le­cas­inverse,­nous­sommes­face­à­des­phénomènes­d’enclavement­déjà­décrits­par­plusieurs­témoins­dans­la­première­partie­de­ce­chapitre­et­dont­ne­parlent­guère­les­responsables­GRH­consultés.

Pourtant­d’autres­observations,­par­exemple­menées­en­Belgique­(Manço­et­Barras,­2013),­le­montrent­également­:­dans­des­créneaux­professionnels­faiblement­qualifiés­(nettoyage­industriel,­manutention…),­des­groupes­peuvent­se­former­de­manière­«­mono-ethnique­»,­à­ la­discrétion­de­certains­chefs­d’équipes,­parfois­en­excluant­des­ travailleurs­d’autres­origines.­Si­ les­responsables­du­personnel­ laissent­la­pratique­s’installer­en­escomptant­plus­de­«­tranquillité­»,­ils­se­rendent­complices­de­formes­d’ethnostratification­du­mar-ché­ de­ l’emploi­ qui­ ne­ sont­ ni­ favorables­ à­ l’évolution­ des­ compétences­ sociales­ et­ lin-guistiques­des­ travailleurs­ immigrés,­ni­ favorables­à­ la­cohésion­générale­d’une­société­multiculturelle.

73­­{ Approche qualitative }

La formationL’étude­permet­de­constater­que­les­seules­entreprises­qui­proposent­des­formations­for-malisées­sont­de­grande­taille­;­au­sein­des­plus­petites,­une­formation­existe­sans­doute­sous­forme­d’un­écolage­informel.

Au­sein­des­grands­établissements,­certaines­formations­sont­obligatoires­et­d’autres­fa-cultatives.­Les­premières­concernent­en­règle­générale­les­compagnies­qui­emploient­un­grand­nombre­de­ travailleurs­ faiblement­qualifiés,­ cela­consiste­en­des­ initiations­à­des­techniques­ de­ maniement­ de­ produits­ et­ machines.­ Elles­ sont­ données­ sur­ les­ lieux­ de­travail,­une­partie­seulement­compte­dans­les­heures­de­prestation.

Les­sociétés­employant­une­majorité­de­salariés­qualifiés­proposent­en­général­des­formations­non­obligatoires­;­elles­concernent­des­savoir-être­sociaux­:­cours­de­langue,­travailler­dans­un­milieu­multiculturel,­égalité­des­sexes…­Si­ces­animations,­souvent­de­courte­durée,­peuvent­se­dérouler­en­dehors­du­lieu­d’affectation,­elles­sont­comptées­dans­les­heures­de­travail.

«­Il­y­a­une­formation­de­base­et­puis­des­modules,­parce­qu’on­a­un­certain­degré­de­difficulté­ dans­ les­ tâches­ qui­ va­ en­ grandissant­ :­ cristallisation,­ décapage,­ comment­utiliser­les­produits,­comment­soulever…­Il­y­a­des­personnes­qui­ne­reçoivent­qu’une­formation,­d’autres­beaucoup­plus.­­On­a­une­cellule­de­formateurs­et­tout­le­monde­a­accès­à­ces­ formations,­en­ fait,­elles­sont­obligatoires­dans­ le­domaine­de­ la­spécia-lisation,­mais­aussi­pour­ la­sécurité.­Si­des­personnes­demandent­des­ formations­en­langues,­on­est­d’accord­pour­les­soutenir.­Je­suis­favorable­aussi­à­toute­demande­de­formation­facultative,­mais­en­dehors­des­heures­de­travail.­»­—­Responsable­«­Gestion­des­Ressources­Humaines­»­(GRH),­entreprise­de­nettoyage­industriel.«­On­forme­énormément­en­interne,­on­a­une­grande­équipe­de­formateurs.­L’appren-tissage­des­ langues­est­entièrement­soutenu­par­ l’entreprise,­cela­ fait­partie­du­pro-gramme­de­formation.­On­est­accrédité­aussi­pour­former­non­seulement­nos­employés,­mais­également­les­employés­d’autres­sociétés.­Toutefois,­pour­ce­qui­est­du­dévelop-pement­personnel­(communication,­assertivité,­gestion­des­conflits,­gestion­du­temps,­gestion­des­réunions…),­on­forme­à­l’extérieur.­Ces­formations­ont­toutes­une­durée­de­validité­d’un­à­trois­ans.­Elles­sont­ouvertes­à­tous.­Seules,­les­formations­techniques­sont­obligatoires­:­si­vous­ne­revenez­pas­avec­le­brevet­réussi,­vous­ne­pouvez­pas­tra-vailler.­»­—­Responsable­GRH,­entreprise­de­transport­aérien.«­Nous­avons­des­formations­sur­beaucoup­de­compétences,­certaines­sont­obligatoires­lorsqu’elles­sont­inhérentes­au­métier­comme­l’hygiène­alimentaire­par­exemple.­Nous­avons­une­responsable­qui­a­des­plannings­et­qui­se­doit,­sur­une­année,­de­faire­passer­toutes­les­personnes­en­formation.­Il­y­a­des­formations­de­base­et­des­formations­fa-cultatives­que­le­gérant­choisit­selon­son­analyse­des­besoins­(…).­Les­formations,­c’est­sans­ arrêt.­ Concernant­ les­ formations­ en­ langues­ non­ nécessaires­ pour­ le­ travail,­ on­court­un­risque­:­la­personne­va­apprendre­le­luxembourgeois­pendant­trois­mois­et­puis­va­nous­quitter…­alors­c’est­non.­»­—­Responsable­GRH,­restauration­de­collectivité.«­Il­y­a­des­chefs­d’équipe­qui­font­les­formations­et­des­salariés­qui­forment­les­nou-veaux.­Les­autres­formations­officielles,­pour­l’obtention­de­brevets­(transport­de­ma-tières­dangereuses,­sécurité),­elles­sont­faites­en­externe­et­payées­par­la­société.­On­a­tout­un­plan­annuel.­Les­formations­se­font­en­français­et­si­quelqu’un­ne­parle­pas­bien­cette­ langue,­ le­ formateur­prendra­plus­de­ temps­avec­cette­personne.­La­ législation­change­souvent­dans­notre­métier,­alors­il­est­obligatoire­de­faire­ces­formations.­»­—­Responsable­GRH,­entreprise­de­ramassage­de­déchets.«­Nous­proposons­différentes­formations­:­apprentissage­d’un­métier,­amélioration­des­compétences,­formation­des­groupes­de­travail­sur­la­diversité­et­l’inclusion…­Elles­sont­ouvertes­à­tous.­Elles­deviennent­obligatoires­lorsqu’on­veut­évoluer­dans­sa­carrière­»­—­Responsable­GRH,­entreprise­sidérurgique.

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Pour­ assurer­ l’écolage­ des­ nouveaux­ collègues,­ deux­ grandes­ entreprises­ de­ services­ont­aussi­mis­en­place­un­système­de­tutorat­en­sus­des­formations­obligatoires,­comme­les­ interviews­avec­des­ travailleurs­de­ces­sociétés­ l’avait­également­montré.­Le­ tutorat­s’adresse­davantage­à­des­travailleurs­faiblement­qualifiés­ou­ne­maîtrisant­pas­les­lan-gues­de­travail.

En­ tout,­quatre­entreprises­sur­neuf­proposent­à­ leurs­employés­de­suivre­des­cours­de­langue.­Cet­enseignement­est­parfois­conditionné­par­sa­nécessité­pour­exécuter­un­tra-vail­ou­selon­le­«­statut­»­de­l’apprenant.

«­ Les­ “expats”­ ont­ la­ possibilité­ de­ suivre­ des­ cours­ de­ langues,­ ainsi­ que­ leur­ par-tenaire.­Pour­les­autres,­on­a­un­système­d’“e-learning”­où­le­coût­est­très­faible­par­individu.­Les­cours­de­langues­en­classe­avec­des­organismes­extérieurs,­ça­devenait­cher.­On­réserve­cela,­sous­approbation­de­la­hiérarchie,­aux­gens­qui­en­ont­vraiment­un­besoin­professionnellement.­»­—­Responsable­GRH,­entreprise­sidérurgique.«­Les­“expats”­peuvent­suivre­des­cours­de­ langues­dans­un­organisme­extérieur.­ Ils­peuvent­choisir­entre­les­trois­langues­officielles­du­pays.­S’ils­ont­leur­diplôme,­l’entre-prise­leur­rembourse­les­cours,­sinon­non.­»­—­Responsable­GRH,­banque.

­On­remarque­donc­que­les­formations­proposées­aux­personnels­qualifiés­et­non­qualifiés­sont­non­seulement­différentes­en­contenu,­mais­aussi­en­conditions­d’accès.­Obligatoires­pour­ les­ faiblement­ qualifiés,­ elles­ sont­ souvent­ facultatives­ pour­ les­ personnes­ haute-ment­qualifiées.­Les­entreprises­semblent­également­calculer­les­coûts­des­formations­au­plus­près­pour­les­employés­subalternes,­là­où­d’autres­(notamment­les­expatriés­et­leur­famille)­semblent­bénéficier­de­plus­de­facilités.

Les­grandes­entreprises­ont­intégré­depuis­longtemps­l’intérêt­des­formations­pour­assu-rer­ une­ meilleure­ qualité­ à­ leurs­ clients,­ mais­ aussi­ de­ meilleures­ conditions­ de­ travail­à­ leurs­ collaborateurs.­ On­ constate­ également­ de­ plus­ en­ plus­ que­ la­ formation­ en­ en-treprise­ est­ également­ bénéfique­ pour­ les­ travailleurs­ étrangers­ qui­ évoluent­ dans­ leur­maîtrise­ des­ réalités­ du­ marché­ de­ l’emploi­ luxembourgeois,­ ainsi­ que­ dans­ la­ maîtrise­des­ langues­officielles­du­pays­ :­ces­compétences­sont­également­utiles­à­ l’extérieur­de­l’entreprise.

Toutefois,­les­petites­et­moyennes­entreprises­qui­constituent­une­importante­part­du­mar-ché­du­travail­et­un­débouché­important­pour­les­travailleurs­immigrés­de­pays­tiers­sont­fort­peu­actives­dans­le­champ­des­formations­continues.­Une­formalisation­et­une­mutua-lisation­des­efforts­des­entreprises­dans­ce­champ­seraient­un­enjeu­d’insertion­profes-sionnelle­et­d’intégration­sociale­pour­les­travailleurs­migrants,­et­un­enjeu­de­valorisation­des­compétences­pour­l’économie­luxembourgeoise.

«­Vous­pouvez­faire­carrière­ici,­même­en­rentrant­comme­femme­de­ménage,­on­a­des­superviseurs,­des­gens­qui­ont­grimpé.­ Il­ne­ faut­pas­oublier­que­parmi­ les­gens­non­communautaires,­il­y­a­beaucoup­de­gars­motivés,­cultivés­et­formés.­»­—­Responsable­GRH,­entreprise­de­nettoyage­industriel.

L’évaluationL’évaluation­des­salariés­est­une­tâche­de­GRH­encore­moins­formalisée­dans­l’échantillon­d’entreprises­que­la­formation­continue.

Elle­se­fait­de­façon­systématique­dans­deux­entreprises­seulement­sur­les­neuf­visitées.­En­revanche,­les­évaluations­informelles­sont­inhérentes­à­toute­relation­supérieur/subal-terne.­Très­souvent,­un­supérieur­hiérarchique­est­amené­à­produire­un­jugement­sur­l’un­ou­l’autre­aspect­du­travail­de­ses­subordonnés.

75­­{ Approche qualitative }

La­formalisation­et­la­professionnalisation­de­l’évaluation­nécessitent­l’identification­et­la­standardisation­des­objectifs,­des­unités­de­compétences­et­des­critères­d’observation,­sur­un­laps­de­temps­donné,­ainsi­qu’un­appareillage­de­mesures­objectives,­communicables­:­grilles,­check-lists,­rapports­d’évaluation,­protocoles­d’interview,­etc.­L’utilité­de­ces­éva-luations­qui­nécessitent­un­personnel­qualifié­et­ l’investissement­d’un­certain­ temps­est­multiple­ :­ clarification­ de­ la­ communication­ sur­ les­ attentes­ de­ rendement,­ possibilité­d’observer­la­progression­des­travailleurs,­comparaisons­possibles,­identification­des­be-soins­des­travailleurs,­définition­de­bases­objectives­pour­des­promotions,­amélioration­de­la­qualité­des­productions,­mais­aussi­plus­de­paix,­d’équité­pour­tous­et­plus­de­motiva-tion­de­la­part­des­travailleurs…,­ainsi­que­des­choix­plus­faciles­à­gérer­pour­les­respon-sables­GRH.

Les­deux­entreprises­observées­proposent­des­stratégies­différentes.

Dans­l’entreprise­sidérurgique­de­l’échantillon,­les­évaluations­sont­réalisées­par­des­col-lègues­directs­et­le­supérieur­hiérarchique­du­salarié.­Elles­sont­périodiques­et­systéma-tiques,­se­focalisent­sur­les­compétences­transversales­et­sociales­de­l’employé.

«­ Nous­ avons­ une­ évaluation­ personnelle­ à­ laquelle­ répondent­ collègues­ et­ chefs­ de­façon­anonyme­:­ils­vous­évaluent­le­travailleur­en­tant­que­personne,­en­tant­que­col-lègue­et­en­tant­que­salarié.­»­—­Femme,­Russe,­acheteur­principal,­trentaine.«­ “Évaluation­personnelle”,­ je­n’aime­pas­ trop­ le­ terme­ :­ c’est­quand­même­ toujours­avec­ une­ orientation­ professionnelle­ même­ si­ on­ évalue­ des­ compétences­ de­ la­ per-sonne.­Après,­il­se­peut­qu’on­travaille­peut-être­un­petit­peu­son­comportement­avec­les­gens.­»­—­Femme,­Française,­département­des­ressources­humaines,­quarantaine.«­Les­managers­évaluent­les­salariés­au­travers­d’une­échelle­classique­d’attentes­et­de­réalisations­et­ils­sont­chargés­de­redéfinir­des­objectifs­pour­l’année­suivante.­Cela­se­passe­idéalement­avec­le­salarié­concerné.­Le­chef­peut­proposer­des­objectifs,­mais­ça­peut­être­aussi­l’employé­qui­dit­:­“tiens,­j’ai­une­nouvelle­idée,­est-ce­que­ça­serait­bien­que­je­me­donne­comme­objectif­l’année­prochaine­de­faire­ceci­ou­cela…­?”­C’est­un­plan­de­développement­en­fait.­»­—­Responsable­du­personnel.

Dans­un­restaurant­d’entreprise,­la­formation­va­de­pair­avec­la­procédure­de­l’accueil­du­nouveau­collègue­et­le­système­de­parrainage­:

«­Un­parrain­accompagne­le­travailleur­dans­son­travail­et­ses­formations­:­le­planning,­les­règles­d’hygiène,­les­règles­de­sécurité…­Nous­proposons­un­document­qui­permet­de­suivre­les­différentes­étapes.­Le­nouveau­collègue­coche­avec­son­parrain­les­étapes­réussies.­Chacun­est­ainsi­intégré­progressivement.­La­liste­est­remise­en­temps­et­en­heure­au­bureau­des­ressources­humaines.­C’est­déjà­très­lourd­pour­eux,­c’est­de­la­formation­en­doublure,­c’est­motiver­le­parrain,­c’est­des­documents,­c’est­encore­des­procédures…­»­—­Homme,­Français,­administrateur,­quarantaine.

­Il­est­important­de­noter­que­les­grandes­entreprises­de­l’échantillon­qui­ont­profession-nalisé­la­tâche­d’évaluation­permettent­à­cette­dernière­d’échapper­de­l’entretien­singulier­entre­un­décideur­et­un­exécutant,­avec­tous­les­biais­subjectifs­que­la­situation­peut­ame-ner.­Nous­entendons­que­des­équipes­spécialisées,­voire­des­collègues­et­des­tuteurs­par-ticipent­à­l’évaluation­des­travailleurs,­en­augmentant­et­triangulant­les­points­de­vue.­Ce­faisant,­l’évaluation­devient­plus­démocratique,­plus­transparente,­soit­un­nouvel­espace­et­un­nouvel­enjeu­de­socialisation­et­d’intégration­au­sein­de­l’entreprise.­Du­reste,­chacun­est­responsabilisé­du­devenir­de­l’entreprise­et­des­rapports­qui­s’y­nouent.­Si­du­temps­est­investi­dans­ces­procédures,­les­responsables­rencontrés­en­apprécient­le­rendement.

76­­

La gestion de la diversitéIl­s’agit­à­présent­d’examiner­les­outils­de­gestion­des­diversités­à­proprement­parler­que­les­entreprises­témoin­mettent­en­œuvre.­Nous­identifions­des­chartes­de­responsabilité­sociale,­des­partenariats­avec­des­associations,­des­clubs­et­des­ONG.

«­La­responsabilité­sociétale­des­entreprises­(RSE)­est­un­concept­qui­désigne­l’intégra-tion­volontaire­des­préoccupations­sociales­et­écologiques­des­entreprises­à­leurs­acti-vités­économiques­et­à­leurs­relations­avec­les­parties­prenantes­que­sont­les­salariés,­les­actionnaires,­les­fournisseurs,­les­sous-traitants,­les­consommateurs…­»54

Quatre­des­grandes­entreprises­étudiées­adhèrent­à­une­charte­RSE­et­s’engagent­à­suivre­et­à­promouvoir­un­code­de­conduite­d’entreprise­responsable.­Les­principes­en­sont­for-mels­et­portent­sur­des­thématiques­telles­que­l’égalité­des­genres,­l’égalité­des­chances,­la­diversité­comme­valeurs­de­l’entreprise…

«­Nous­avons­reçu­le­label­“Entreprise­Socialement­Responsable­(ESR)”­par­l’INDR­(Ins-titut­National­pour­le­Développement­durable­et­la­Responsabilité­sociétale­des­entre-prises).­Nous­avons­signé­une­charte­spécifique­pour­des­achats­responsables­et­tout­notre­personnel­a­signé­un­code­éthique.­»­—­Entreprise­du­secteur­de­la­sidérurgie.

«­ Nous­ avons­ une­ charte­ concernant­ la­ responsabilité­ sociale­ des­ entreprises.­ Elle­est­ disponible­ à­ l’accueil­ de­ même­ que­ des­ documents­ pratiques­ pour­ nos­ salariés­ :­livret­ sur­ l’intégration,­ informations­ financières­ et­ fiscales,­ assurances­ sociales,­ mu-tuelles…­»­—­Entreprise­du­secteur­de­collecte­de­déchets.«­Nous­avons­signé­une­charte­de­responsabilité­sociale­interne­à­notre­entreprise­qui­a,­entre­autres,­trait­aux­questions­de­diversité­et­d’environnement,­et­nous­avons­aussi­signé­le­“UN­global­compact”­(Pacte­mondial­des­Nations­unies)­qui­répertorie­dix­prin-cipes­qui­ s’apparentent­à­ la­ responsabilité­sociale­ :­ le­ respect­de­ l’environnement,­ le­droit­à­la­représentation­des­travailleurs,­le­respect­du­droit­du­travail,­la­prohibition­du­travail­des­enfants…­»­—­Entreprise­de­transport­aérien.«­Nous­avons­notre­propre­charte­où­l’on­explique­que­l’on­fait­abstraction­de­l’ethnie,­des­religions…­et­nous­avons­aussi­signé­ la­charte­de­ l’INDR­et­reçu­ leur­ label.­Pour­finir,­nous­avons­signé­une­charte­avec­le­Ministère­de­l’Égalité­afin­de­confirmer­que­nous­ne­faisons­pas­de­différence­entre­hommes­et­femmes.­»­—­Entreprise­du­secteur­du­nettoyage­industriel.

L’adoption­de­chartes­est­une­démarche­en­faveur­des­employés,­de­l’entreprise­et­de­la­société­en­général.­Elle­profite­aux­employés­dans­ la­mesure­où­ les­chartes­définissent­des­ indicateurs­ à­ respecter­ où­ à­ atteindre­ et­ oblige­ les­ entreprises­ à­ en­ rendre­ compte­dans­un­rapport­annuel­à­ remettre­aux­promoteurs­de­ la­charte.­L’adoption­profite­aus-si­ aux­ entreprises­ qui­ peuvent­ y­ trouver­ la­ possibilité­ d’améliorer­ leur­ fonctionnement,­l’ambiance­au­travail,­mais­aussi­leur­image­de­marque,­auprès­d’éventuels­clients,­parte-naires­ou­fournisseurs.

Toutefois,­ la­ signature­ de­ la­ charte­ n’est­ que­ le­ début­ d’un­ long­ processus­ d’inscription­de­ces­valeurs­au­plus­profond­du­fonctionnement­de­l’entreprise.­Ce­degré­d’achèvement­n’est­ni­simple­à­atteindre­ni,­dès­lors,­garanti.­Une­fois­de­plus,­ce­sont­de­grandes­entre-prises­ qui­ sont­ concernées­ par­ les­ chartes,­ laissant­ dans­ l’ombre­ une­ grande­ partie­ du­marché­de­l’emploi­:­les­PME.

54­ Ministère­français­du­Travail,­de­l’Emploi,­de­la­Formation­professionnelle­et­du­Dialogue­social­:­http://travail-emploi.gouv.fr.

77­­{ Approche qualitative }

Selon­Poussing­(2008),­l’auteur­de­l’État­des­lieux­de­l’adoption­de­la­Responsabilité­Socié-tale­des­Entreprises­au­Luxembourg,­79­%­des­entreprises­interrogées­ne­connaissent­pas­le­concept­de­«­RSE­».

Théoriquement,­les­bonnes­pratiques­mises­en­avant­par­de­telles­chartes­sont­un­pas­im-portant­ favorisant­ l’intégration­ à­ l’emploi­ des­ travailleurs­ immigrés­ extra-européens,­ car­elles­prônent­ la­non-discrimination­et­ la­ valorisation­de­ la­diversité­culturelle,­ l’égalité­en­matière­ de­ promotions,­ formations,­ rémunération…­ et­ une­ meilleure­ conciliation­ entre­ vie­privée­et­professionnelle…­La­mise­en­œuvre­des­chartes­sociales­est­ainsi­un­processus­qui­doit­être­régulièrement­évalué­afin­d’aider­les­entreprises­qui­s’y­engagent­à­réussir­leur­pari.

Quelques­ entreprises­ de­ l’échantillon­ soutiennent,­ par­ ailleurs,­ une­ ou­ plusieurs­ associa-tions­ou­organisations.­Certaines­ont­créé­leur­propre­association.­Les­objectifs­sont­à­la­fois­de­renforcer­ la­cohésion­sociale­entre­ travailleurs­et­d’intervenir­pour­une­cause­humani-taire.­Certaines­entreprises­multinationales­aident­des­structures­de­coopération­au­déve-loppement­dans­les­pays­où­elles­sont­présentes.­Cette­implication­est­aussi­une­invitation­à­leurs­salariés­à­participer­à­des­processus­de­solidarité.­Les­actions­se­présentent­sous­la­forme­d’un­large­éventail­d’initiatives­allant­du­tronc­ou­du­container­posés­à­l’entrée­du­bâ-timent­pour­recueillir­les­dons­des­travailleurs,­à­des­interventions­locales­plus­structurées.

«­Nous­avons­notre­propre­fondation­liée­aux­pays­en­voie­de­développement­avec­les-quels­nous­faisons­des­affaires,­nous­soutenons­des­projets­humanitaires.­Nous­soute-nons­aussi­la­Croix-Rouge­du­Luxembourg­:­à­Noël­nous­mettons­en­évidence­un­tronc­et­un­endroit­où­l’on­peut­déposer­des­cadeaux.­»­—­Entreprise­du­secteur­de­la­sidérurgie.«­La­société,­à­la­fin­de­l’année,­à­la­place­de­donner­des­cadeaux­aux­clients,­octroie­ces­fonds­à­une­ONG.­»­—­Entreprise­de­collecte­de­déchets.

«­Nous­soutenons­différentes­ONG­en­transportant­gratuitement­ce­dont­ils­ont­besoin­sur­ place­ :­ catastrophes­ humanitaires,­ fret­ pour­ des­ jouets­ collectés­ à­ la­ période­ de­Noël…­Nous­courons­aussi­pour­le­Kribslaaf­(…),­on­a­une­équipe­“Télévie”­où­chacun­cuisine­de­temps­en­temps,­puis­on­va­vendre.­On­vend­une­part­de­gâteau­à­un­euro.­Cela­permet­aussi­un­contact­très­sympathique­avec­les­collègues.­»­—­Entreprise­de­transport­aérien.«­ Nous­ soutenons­ financièrement­ des­ clubs­ de­ sport­ :­ foot,­ basket,­ handball…­ parce­que­beaucoup­de­nos­salariés­et­leurs­enfants­sont­membres­de­ces­clubs.­Mais­depuis­toujours­ ç’a­ été­ fait,­ ça­ participe­ de­ notre­ philosophie.­ »­ —­ Entreprise­ du­ secteur­ du­nettoyage.

On­remarque­que­les­choix­d’investissement­solidaire­sont­souvent­opérés­par­les­entre-prises­et­l’implication­des­travailleurs­est­faible.­Pourtant­si­cette­implication­pouvait­être­augmentée,­ les­effets­en­ termes­de­cohésion­sociale­et­d’image­de­ l’entreprise­seraient­accrus­au­sein­de­son­propre­staff.

Les­deux­derniers­exemples­ font­preuve­de­plus­de­subtilité­dans­ce­sens.­Le­rapport­à­l’intégration­des­travailleurs­immigrés­et­de­leur­famille­y­est­également­plus­évident­:­des­activités­extraprofessionnelles­menées­en­groupes­hétérogènes­sont­favorisées.­Le­choix­par­les­travailleurs­des­projets­à­soutenir­pourrait­renforcer­la­tendance.­Ainsi,­choisir­des­initiatives­ dans­ les­ pays­ d’origine­ de­ certains­ travailleurs­ étrangers­ est­ également­ une­manière­de­les­motiver,­de­les­valoriser,­mais­aussi­de­bénéficier­de­leurs­connaissances­de­leur­pays­d’origine.

«­Nous­avons­créé­une­association­qui­travaille­au­niveau­de­la­coopération­syndicale.­Les­derniers­projets­en­cours­étaient­la­Roumanie,­les­pays­francophones­de­l’Afrique­de­l’Ouest­et­d’autres.­Nous­nous­rendons­sur­place­pour­former­des­équipes­de­travail-leurs­sur­leurs­droits,­la­façon­d’utiliser­internet…­»­—­Responsable­syndical.

78­­

Exception­d’une­petite­entreprise­dans­la­cour­des­grandes,­un­gestionnaire­de­commerce­eth-nique­s’est­lancé­seul­dans­un­processus­d’entraide.­Il­a­la­volonté­de­créer,­d’une­part,­un­lien­entre­ la­petite­communauté­népalaise­de­Luxembourg­et­ la­population­ luxembourgeoise­en­général,­et,­d’autre­part,­des­échanges­entre­son­pays­d’origine­et­son­pays­d’adoption.­Il­orga-nise,­par­exemple,­des­collectes­pour­venir­en­aide­à­des­personnes­nécessiteuses­du­Népal.

«­Généralement­les­Népalais­du­Luxembourg­travaillent­dans­des­restaurants­et­leurs­femmes­restent­à­ la­maison.­Les­hommes­n’ont­pas­l’occasion­de­se­socialiser­et­ les­femmes­non­plus.­J’ai­créé­une­association­(qui­n’est­pas­reconnue)­qui­quelques­fois­par­an­organise­des­événements­pour­qu’on­puisse­tous­se­retrouver.­Je­suis­aussi­pré-sident­de­la­NRN­(Non­Resident­Nepali­Association)­au­niveau­luxembourgeois­et­j’or-ganise­quelques­collectes­pour­aider­les­enfants­des­rues­au­Népal.­Dernièrement­on­est­venu­en­aide­à­une­mère­aveugle­dont­le­mari­est­décédé.­»­—­Homme,­Népalais,­commerçant,­quarantaine.

Troisième « moment » : le rayonnement social par le travail

De l’intégration

La­ question­ posée­ dans­ cette­ partie­ finale­ du­ chapitre­ est­ :­ «­ l’insertion­ professionnelle­des­ travailleurs­ immigrés­ issus­d’États­hors­UE­contribue-t-elle,­plus­ largement,­à­ leur­intégration­sociale­au­Luxembourg­?­»

Pour­répondre­à­cette­question,­il­faut­au­préalable­définir­ce­qui­est­entendu­par­«­inté-gration­sociale­».

Si­les­institutions­internationales,­comme­la­Commission­européenne,­s’entendent­autour­d’une­définition­ telle­que­«­L’intégration­est­un­processus­dynamique,­à­double­sens,­de­compromis­réciproques­entre­tous,­immigrants­et­résidents­»­(Martiniello,­2007),­il­n’existe­pas­de­modèle­consensuel­d’intégration­au­sein­des­États­membres­de­l’UE.­Par­exemple,­la­vision­de­l’immigration­comme­positive­ou­négative­peut­considérablement­varier­d’une­région­à­l’autre,­en­fonction­de­la­situation­économique­de­la­localité­et­de­la­perception­des­ migrants.­ Cela­ influence­ évidemment­ les­ politiques­ d’accueil­ et­ d’intégration­ qui­peuvent­plus­ou­moins­faciliter­ou­compliquer­le­processus­d’intégration­des­populations.

On­ remarque­ que­ le­ Luxembourg­ fait­ globalement­ partie­ des­ pays­ où­«­ the­ presence­ of­foreigners­is­generally­viewed­as­positive.­In­the­cities­surveyed,­a­majority­of­respondents­agree­that­the­presence­of­foreigners­is­good­for­the­city.­The­highest­levels­of­agreement­are­in­Cluj-Napoca­(91­%),­Luxembourg,­Krakow­and­Copenhague­(all­89­%)­»55.

Par­ailleurs,­ les­parcours­d’intégration­sont­différents­d’un­ individu­à­ l’autre,­d’un­groupe­à­l’autre.­Les­attitudes­des­migrants­se­construisent­en­interaction­avec­la­qualité­de­l’accueil­ou­du­contexte­qu’ils­rencontrent,­les­facilités­ou­difficultés­qu’ils­découvrent­sur­leur­parcours.

Berry­ (1987)­ est­ parmi­ les­ auteurs­ à­ avoir­ «­ typologisé­ »­ ces­ attitudes,­ autour­ de­ deux­questions­ simples.­ Ces­ dernières­ sont­ déclinées­ à­ la­ troisième­ personne­ du­ singulier,­mais­on­pourrait­tout­aussi­bien­les­appliquer,­de­manière­systémique,­à­des­acteurs­plu-riels,­comme­les­familles­ou­les­communautés­:

•­ L’immigré­souhaite-t-il­maintenir­sa­culture­d’origine­?•­ L’immigré­est-il­ouvert­aux­apports­des­cultures­du­pays­d’accueil­?

55­ Flash­Eurobarometer­(2010),­n°­366,­«­Quality­of­life­in­European­cities­».

79­­{ Approche qualitative }

Maintenir sa culture d’origine Ne pas maintenir sa culture d’origine

S’ouvrir à la culture locale Acculturation Assimilation

Ne pas s’ouvrir à la culture locale Séparation Marginalisation

•­ Si­ le­sujet­ (individuel­ou­collectif)­cherche­à­conserver­sa­culture­d’origine­ tout­en­s’ouvrant­à­celle­de­la­société­d’accueil.­ Il­tentera­de­lier­au­mieux­sa­vie­privée­et­professionnelle­ et­ disposera­ ainsi­ d’une­ «­ double­ culture­ »­ ou,­ mieux,­ d’identités­plurielles.­Il­optera­donc­pour­l’acculturation.

•­ Par­contre,­ si­ le­ sujet­ renonce­à­sa­culture­d’origine­afin­de­privilégier­celle­de­ la­société­d’accueil,­il­entrera­dans­un­processus­d’assimilation.

•­ Quant­à­la­séparation,­elle­a­lieu­lorsque­le­sujet­tente­de­garder­sa­culture­d’origine­à­tout­prix­et­refuse­toute­forme­d’interaction­avec­la­culture­de­la­société­d’accueil.­Sa­culture­de­départ­dominera­tout­le­reste.

•­ Enfin,­la­posture­de­la­marginalisation­est­celle­où­le­sujet­rejette­(ou­est­contraint­de­renoncer­à)­autant­sa­culture­d’origine­que­celle­de­la­société­d’accueil.

Bien­entendu,­ces­«­types­»­d’attitudes­sont­théoriques­et­les­réalités­que­l’observateur­est­censé­ identifier­sont­bien­souvent­ intermédiaires­–­ les­cultures­dont­nous­sommes­por-teurs­ne­sont­jamais­exemptes­de­mélanges­et­d’emprunts­–­et,­du­reste,­susceptibles­de­changer­dans­le­temps.

Nous­avons­demandé­aux­participants­à­l’étude­:­«­que­signifie­pour­vous­l’intégration­?­»­Les­réponses­obtenues­permettent­de­reconstruire­les­quartiers­de­Berry.

Plus­de­la­moitié­des­personnes­rencontrées­se­reconnaissent­dans­l’attitude­«­accultura-tion­»,­comme­l’on­montré­précédemment­les­travaux­de­Jacobs,­Legrand,­Mertz­(2011).Pour­plusieurs,­l’option­acculturation­semble­«­naturelle­»­dans­la­mesure­où­la­multicul-turalité­est­un­fait­inhérent­à­la­société­grand-ducale­depuis­longtemps.­Les­interactions­qui­en­découlent­permettent­de­réguler­les­coutumes­et­les­valeurs­des­groupes­en­pré-sence.­Les­groupes­s’intègrent­les­uns­avec­les­autres­pour­diffuser­mutuellement­leurs­expressions­culturelles.­C’est­un­bénéfice­pour­le­pays­d’accueil,­mais­cela­profite­égale-ment­au­groupe­d’origine.

«­Certains­disent­que­les­Luxembourgeois­ne­sont­pas­très­ouverts­aux­étrangers,­moi­je­trouve­que­c’est­exactement­le­contraire,­la­configuration­du­pays­en­est­la­preuve.­Il­y­a­beaucoup­de­gens­de­l’extérieur…­Pour­moi,­c’est­un­environnement­multiculturel­très­ intéressant­ et­ un­ bon­ environnement­ pour­ mes­ enfants.­ »­ —­ Homme,­ Brésilien,­architecte,­quarantaine.«­En­ fait,­ je­ne­me­sens­pas­étrangère­au­Luxembourg­du­ fait­qu’il­ y­a­plus­de­50­%­d’étrangers­dans­ la­population­du­Luxembourg.­Et­aussi­des­ frontalièrs,­des­gens­de­différentes­nationalités.­ (…)­Je­me­sens­accueillie­et­ je­n’ai­ jamais­eu­des­problèmes­avec­ qui­ que­ ce­ soit…­ Dans­ le­ quartier,­ on­ nous­ invite­ à­ des­ fêtes­ de­ Saint­ Nicolas,­d’Halloween.­Parler­luxembourgeois­ou­parler­français,­c’est­pareil.­»­—­Femme,­Espa-gnole,­manager,­trentaine.«­C’est­plus­facile­de­s’intégrer­au­Luxembourg,­car­par­comparaison,­en­France,­si­on­ne­parle­pas­ français,­c’est­quasiment­ impossible­de­s’intégrer.­De­ce­ fait,­ je­n’ai­pas­eu­de­problèmes.­Je­me­sens­acceptée­par­la­société.­La­vie­professionnelle­et­sociale­au­Luxembourg­est­internationalisée­et­ça­facilite­l’intégration.­»­—­Femme,­Chinoise,­assistante­de­manager,­27­ans.«­Ça­fait­une­trentaine­d’années­que­je­suis­au­Grand-Duché­et­j’ai­toujours­travaillé­dans­cette­entreprise.­C’est­mon­père­qui­m’y­a­introduit,­il­y­a­travaillé­33­ans,­maintenant,­il­est­pensionné.­»­—­Homme,­Luxembourgeois­d’origine­capverdienne,­47­ans,­ouvrier.

80­­

«­Moi­je­n’ai­pas­eu­de­problèmes­d’intégration.­Je­viens­du­Cap-Vert­et­le­Luxembourg­fait­ beaucoup­ pour­ aider­ les­ gens­ du­ Cap-Vert­ et­ leur­ pays.­ Le­ Luxembourg­ fait­ tout­pour­moi­:­la­santé,­la­culture,­l’école…­»­—­Homme,­Capverdien,­ouvrier,­trentaine.«­Bon,­l’intégration­c’est­essayer­de­comprendre­et­de­connaître­la­culture­de­l’autre­et­essayer­de­s’y­insérer.­Je­prends­l’image­d’un­verre­de­lait.­Le­pays­vous­offre­un­verre­de­lait­et­vous­mettez­du­sucre­dedans,­c’est­ça­l’intégration­pour­moi.­Si­vous­y­mettez­autre­chose,­le­lait­sera­mauvais.­»­—­Homme,­Indien,­directeur­financier,­quarantaine.

Selon­cette­acception,­l’intégration­se­base­sur­l’acceptation­de­l’altérité,­sur­l’accommo-dation­mutuelle­des­cultures.­Elle­se­ fonde,­somme­ toute,­sur­une­«­gestion­ intime­des­diversités­».

Certains­témoins­y­ajoutent­une­«­dimension­économique­»­(Paugam,­2009)­:­ils­sont­inté-grés­au­Luxembourg­dans­la­mesure­où­leurs­apports­de­travailleurs­sont­reconnus.­Aussi,­l’intégration­passe­par­l’adaptation­économique­au­Grand-Duché­et­la­reconnaissance­so-ciale­(par­un­statut­professionnel,­un­pouvoir­d’achat,­etc.).­Ils­sont­intégrés­dans­la­me-sure­où­ ils­contribuent­à­l’économie­du­pays­d’accueil,­voire­du­pays­d’origine­:­en­ayant­un­travail­stable,­en­étant­financièrement­indépendants,­en­ne­dépendant­pas­du­système­de­ solidarité­ sociale,­ en­ payant­ des­ impôts,­ en­ étant­ propriétaires,­ en­ participant­ à­ des­initiatives­d’entraide…­Pour­eux,­l’intégration­et­la­reconnaissance­sont­évidentes­et­mesu-rables­à­travers­sa­dimension­économique.

«­Je­sens­que­je­fais­partie­de­la­société­parce­que­j’y­contribue­:­mon­département­fait­de­gros­profits,­nous­ouvrons­des­marchés­pour­le­Luxembourg­et­promouvons­le­pays­à­l’extérieur.­Nous­avons­aussi­parrainé­un­évènement­culturel­à­Shanghai.­»­—­Homme,­Chinois,­directeur­de­département,­37­ans.«­ Il­ faut­avoir­un­point­d’appui­financier.­Je­suis­venue­ ici­pour­travailler.­Je­ne­pense­pas­que­je­profite­de­la­société.­»­—­Femme,­Chinoise,­manager,­trentaine.«­Je­suis­indépendant­financièrement,­je­contribue­à­la­société.­Je­travaille­dur­pour­y­arriver,­ je­ne­veux­pas­que­les­gens­me­méprisent.­Je­pense­que­les­locaux­préfèrent­accueillir­des­gens­qui­travaillent.­Ce­n’est­pas­parce­que­le­Luxembourg­a­une­bonne­sécurité­sociale­qu’il­faut­en­profiter.­J’ai­dit­à­mon­mari­que­si­je­n’avais­plus­de­travail,­j’irais­travailler­en­supermarché.­»­—­Femme,­Chinoise,­manager,­trentaine.«­Avoir­un­travail,­c’est­une­intégration­à­100­%,­c’est­se­sentir­égal­aux­autres.­Le­bon­système­socio-éducatif,­le­système­de­santé,­les­enfants­qui­apprennent­les­langues­du­pays.­Le­travail,­la­langue,­c’est­aussi­montrer­du­respect­au­pays­dans­lequel­on­vit.­»­—­Homme,­Luxembourgeois­d’origine­albanaise,­responsable­payroll,­38­ans.

L’intégration­apparaît­comme­la­conséquence­d’une­contribution­–­le­plus­souvent­profes-sionnelle­ –­ en­ échange­ de­ quoi­ une­ reconnaissance­ sociale­ est­ reçue­ :­ l’individu­ se­ voit­appartenir­au­système.­Il­est­intégré.­Il­peut­s’y­identifier.­Dans­ce­cas,­le­sentiment­d’inté-gration­culturelle­ (partage­de­valeurs)­est­ la­conséquence­de­l’élaboration­d’une­ identité­professionnelle­positive,­dans­le­contexte­économique­luxembourgeois.

«­Le­sentiment­d’appartenance,­c’est­ce­que­ressent­un­ individu­concernant­sa­parti-cipation­à­un­groupe,­à­une­organisation­ou­à­une­institution.­Le­fait­de­se­sentir­bien­ou­à­sa­place­à­ l’école,­au­ travail,­ le­ fait­de­se­sentir­utile­au­groupe­et­solidaire­des­autres­constituent­des­indicateurs­du­sentiment­d’appartenance.­Plus­un­individu­a­un­sentiment­fort­d’appartenance­à­un­groupe,­plus­il­a­tendance­à­adopter­les­valeurs,­les­normes­et­les­règles­de­conduite­de­ce­groupe­»­(Boucher,­1990).

Une­ deuxième­ attitude­ souvent­ rencontrée­ (une­ vingtaine­ de­ témoins)­ est­ l’assimilation.­Pour­certains,­l’intégration,­c’est­s’adapter­à­la­culture­locale,­respecter­les­locaux,­s’ar-ranger,­par­exemple,­avec­ses­voisins,­ne­pas­«­trop­faire­la­fête­et­du­bruit­»,­«­s’habiller­

81­­{ Approche qualitative }

comme­il­faut­»,­s’adapter­aux­mœurs,­changer­culturellement,­apprendre­le­luxembour-geois,­«­se­fondre­dans­la­population­locale­»…

«­Ce­n’est­pas­aux­Luxembourgeois­de­s’adapter,­mais­l’inverse­».«­C’est­à­moi­de­m’intégrer­pour­me­sentir­chez­moi­».

Ces­brèves­injonctions­enjoignent­à­l’individu­la­tâche­d’abandonner­une­posture­culturelle­pour­une­autre.­Leur­côté­paradoxal­est­qu’elles­peuvent­apparaître­en­même­temps­qu’un­discours­ davantage­ axé­ sur­ l’acculturation,­ comme­ présenté­ précédemment.­ Elles­ res-semblent­plus­à­une­liste­de­comportements­estimés­comme­désirables­par­les­«­locaux­»­qu’à­une­série­de­faits­attestés­(comme­c’est­le­cas­des­témoins­qui­parlent­avec­précision­de­leur­insertion­professionnelle).­Il­n’est­pas­toujours­possible­de­vérifier­si­elles­restent­à­l’état­de­vœux­ou­s’inscrivent­dans­la­réalité­d’un­parcours,­et­avec­quelle­récurrence­?

Pour­ quelques­ personnes­ rencontrées,­ l’intégration­ n’existe­ pas­ :­ le­ processus­ de­ co-appartenance,­ c’est-à-dire­ les­ interactions­ et­ échanges,­ sont­ rares­ entre­ immigrés­ et­Luxembourgeois­et­ne­peuvent­amener­à­une­identification,­car­tout­semble­les­séparer,­les­langues,­les­habitudes,­les­attachements,­les­modes­de­vie,­la­conception­de­la­famille,­de­l’amitié,­etc.­Ce­groupe­estime­que­«­les­Luxembourgeois­devraient­être­plus­ouverts­aux­autres­cultures­».­Aussi,­l’attitude­adoptée­par­ces­témoins­semble­être­la­séparation,­elle­l’est­parfois­par­dépit­:

«­Un­étranger­restera­toujours­un­étranger,­vous­voyez­?­Oui,­parler­la­langue­peut­être,­être­propriétaire­de­quelque­chose,­avoir­un­bien,­je­suppose­que­ça­c’est­très­impor-tant­pour­ les­Luxembourgeois…­»­—­Femme,­Capverdienne,­agent­de­nettoyage,­qua-rantaine.«­Je­peux­dire­que­pour­nous­les­staffs­chinois,­on­ne­s’intègre­pas.­La­plupart­d’entre­nous­ ne­ parlent­ qu’anglais­ et­ on­ habite­ dans­ un­ immeuble­ ensemble,­ et­ puis­ on­ fait­seulement­des­achats­au­supermarché.­Et­après­au­travail,­on­est­pressé.­Il­nous­reste­du­ temps­ libre­ seulement­ le­ soir­ où­ on­ fait­ une­ promenade,­ on­ voit­ quelques­ voisins­et­puis­c’est­tout.­De­plus,­ce­qu’il­y­a­de­différent­ici,­c’est­qu’il­n’y­a­que­des­clubs­et­des­bars­après­le­travail.­Mais­les­Chinois­n’aiment­pas­ça­et­même­si­on­sortait­après­le­ travail,­ on­ ne­ ferait­ rien­ avec­ la­ barrière­ de­ la­ langue.­ L’autre­ problème,­ c’est­ les­longues­distances,­pas­de­famille­à­Luxembourg­à­part­femme,­mari­et­enfant(s),­alors­c’est­dur.­Dès­qu’on­rentre,­on­fait­des­e-mails,­on­fait­des­vidéos,­on­téléphone.­»­—­Homme,­Chinois,­DRH,­quarantaine.«­Beaucoup­de­Portugais­ne­font­pas­l’effort­de­parler­le­français­ou­le­luxembourgeois,­car­ils­se­disent­qu’ils­rentreront­dans­leur­pays,­contrairement­aux­Capverdiens…­»

Le­repli­culturel­par­dépit­ne­conduit­pas­toujours­à­l’enfermement­dans­sa­culture­d’ori-gine,­tel­le­cas­du­travailleur­d’origine­ukrainienne­et­de­nationalité­portugaise,­déçu­par­ses­relations­luxembourgeoises,­qui­préfère­«­ne­s’entourer­que­d’amis­originaires­du­Por-tugal­ ».­ Mais­ en­ définitive,­ ce­ type­ de­ circonstances­ d’enclavement­ privé­ ou­ profession-nel­(équipes­de­travail­monolingues,­par­exemple)­occasionnent­une­séparation­culturelle­entre­différents­groupes,­avec­des­frustrations­et­des­appréhensions­pour­chacun­:­deux­employés­chinois­propriétaires­de­ leur­appartement­disent­ redouter­ les­ réunions­de­co-propriété­pour­des­questions­de­différence­de­point­de­vue­et­de­langues.

Les­difficultés­ne­sont­pas­toujours­entre­locaux­et­immigrés,­les­groupes­d’étrangers­de­diverses­origines­peuvent­également­se­rejeter­mutuellement.

«­Parce­que­quand­ils­sont­arrivés­un­matin,­ ils­ne­se­sont­pas­expliqués,­ ils­ l’ont­vu,­elle­ (nouvelle­ collègue­ ghanéenne),­ comme­ si­ c’était­ un­ monstre,­ ou­ quelque­ chose­comme­ça.­Ils­sont­racistes­ou­quoi­?!­Un­jour,­j’ai­dit,­même­si­nous­ne­sommes­pas­de­

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la­même­couleur,­nous­sommes­de­même­sang,­c’est­ma­cousine­!­Et­nous­sommes­en­train­de­travailler­pour­la­même­entreprise­»­—­Ouvrière­capverdienne­cherchant­à­pro-téger­une­nouvelle­collègue­subsaharienne­de­la­moquerie­des­travailleurs­portugais.

Si­l’attitude­«­marginalisation­»,­enfin,­se­rencontre­de­manière­résiduelle­dans­le­panel­de­témoins,­ il­s’agit­d’une­marginalisation­culturelle,­voire­ontologique,­et­non­socio-écono-mique.­La­chose­est­logique­dans­la­mesure­où­l’ensemble­des­travailleurs­rencontrés­est,­par­définition,­inséré­professionnellement.­En­revanche,­cela­ne­veut­pas­dire­qu’aucun­ne­souffre­des­barrières­réelles­ou­imaginaires­qui­les­empêchent­de­«­se­sentir­du­Luxem-bourg­».­

Selon­ ces­ personnes,­ lesdites­ barrières­ sont­ multiples­ :­ des­ formes­ de­ fermeture­ com-munautaire­de­la­part­des­Luxembourgeois­(ou­des­autres­populations),­la­multiplicité­des­langues­qu’il­faut­maîtriser,­les­lois­sur­la­citoyenneté­:­que­l’on­puisse­naître­étranger­et­le­rester­sa­vie­durant…

«­Je­peux­parler­ le­ luxembourgeois,­ je­ne­suis­pas­ luxembourgeois,­ je­ne­ le­serai­ ja-mais,­pourtant,­c’est­au­Luxembourg­que­j’ai­réussi­ma­vie­»­—­Homme­capverdien.«­ Il­ne­peut­pas­y­avoir­de­réelle­ intégration­parce­qu’on­est­ tous­d’une­culture­diffé-rente­et­essaye­de­la­préserver.­Par­exemple,­mon­fils,­s’il­grandit­ici,­culturellement,­il­peut­être­Européen­ou­Luxembourgeois.­En­Corée­ou­en­Chine­on­appelle­ça­“banane”­:­jaune­à­l’extérieur­et­blanc­à­l’intérieur.­»­—­Homme,­Chinois,­acheteur,­trentaine.

Selon­ Vasquez­ et­ Apfelbaum­ (1985),­ ces­ anecdotes­ sont­ exemplaires­ de­ toute­ personne­déplacée,­elles­évoquent­ l’ambiguïté­de­ leur­ inscription­sociale­ tant­dans­ le­monde­dont­elles­sont­issues­que­dans­celui­où­ils­vivent.­L’image­de­la­banane­rappelle­le­fait­que­si­l’on­provient­d’une­origine­ethnique­visible,­on­restera­un­étranger­dans­le­pays­d’accueil,­même­si­l’on­en­a­adopté­le­mode­de­vie,­et­que­malgré­son­apparence­physique,­on­sera­aussi­un­étranger­dans­son­pays­d’origine,­puisqu’on­n’en­a­plus­les­coutumes.

Aussi,­une­forme­de­culpabilité­semble­tirailler­ce­petit­groupe­de­participants­(5)­:­la­dis-persion­de­leur­famille­à­travers­le­monde­leur­pose­question­:­où­est­leur­«­chez­moi­»­?­Au­Luxembourg­où­ils­habitent,­mais­où­ils­ne­se­sentent­pas­à­leur­place,­ou­dans­un­ail-leurs­dont­ils­sont­les­absents­?­(Sayad,­1999).

«­On­peut­oublier­sa­culture,­mais­pas­ses­racines­».«­J’ai­passé­plus­de­temps­ici­que­“chez­moi”­au­pays,­je­suis­intégré­au­Luxembourg­plus­qu’à­“chez­moi”,­je­ne­connais­pas­bien­le­Cap-Vert,­hélas­».

Il­n’est­pas­possible­d’attribuer­l’un­ou­l’autre­de­ces­types­d’attitudes­à­propos­de­l’inté-gration­à­un­groupe­professionnel,­un­niveau­de­qualification­ou­même­à­une­origine­eth-nique­ spécifique,­ tant­ les­ témoins­ se­ distribuent­ largement­ à­ travers­ la­ grille­ de­ Berry.­Toutefois,­ l’analyse­ fait­ apparaître­ les­ indicateurs­ d’intégration­ auxquels­ ont­ communé-ment­ recours­ les­sujets­de­ la­ recherche­ :­ l’accès­à­ la­propriété,­ la­scolarisation­ réussie­des­enfants­dans­le­système­du­pays­d’accueil,­l’accès­à­la­nationalité­luxembourgeoise,­la­maîtrise­des­langues,­la­participation­à­des­activités­socioculturelles…

Dans­la­suite­de­cette­partie,­nous­allons­maintenant,­à­travers­les­témoignages­recueillis,­dresser­ le­ tableau­de­ l’intégration­sociale­des­ travailleurs­professionnellement­ insérés­au­Grand-Duché.

83­­{ Approche qualitative }

Accès au logement et à la propriété

La­description­des­parcours­des­témoins­issus­de­pays­tiers­l’a­montré,­nombre­d’entre­eux,­surtout­ceux­faiblement­qualifiés,­font­partie­de­«­chaines­migratoires­familiales­».­Le­cas­est­notamment­courant­parmi­les­ressortissants­capverdiens­interrogés­lors­de­l’étude.

Leurs­familles­sont­arrivées­au­Luxembourg­attirées­par­la­communauté­de­la­même­ori-gine,­installée­dans­ce­pays­depuis­les­années­70,­beaucoup­de­personnes­membres­de­ce­groupe­ayant­un­passeport­portugais.

Cette­ concentration­ représente­ une­ ressource­ importante­ pour­ les­ primo-arrivants­ :­ la­communauté­du­pays­d’origine­s’avère­souvent­être­d’une­aide­appréciable­dans­ le­che-minement­au­pays­d’accueil.­Compte­tenu­des­moyens­économiques­limités­de­cette­po-pulation­et­de­l’effet­ségrégatif­du­marché­du­logement­(Lord­et­Gerber,­2009),­certaines­personnes­interrogées­de­nationalité­capverdienne­sont­ installées­dans­des­quartiers­où­­«­il­y­a­beaucoup­de­Capverdiens,­(…)­un­café­capverdien­et­des­commerces­et­voisins­por-tugais.­»­Quelques-uns­sont­devenus­propriétaires.

Ce­contexte­d’habitat­ne­favorise­sans­doute­pas­un­large­brassage­avec­les­autres­commu-nautés­installées­au­Luxembourg,­d’autant­plus­que­plusieurs­de­ces­travailleurs­partagent­aussi­leur­vie­professionnelle­avec­des­ouvriers­lusophones.

Toutefois,­posséder­une­propriété­dans­le­pays­d’accueil­reflète­la­volonté­de­s’y­établir­dura-blement.­La­possibilité­d’accès­à­la­propriété­renvoie­à­son­tour­à­une­situation­économique­stable­ :­ disposer­ d’un­ emploi­ durable.­ Cela­ suppose­ que­ le­ travailleur­ accède­ à­ un­ crédit­hypothécaire­et­donc­qu’il­soit­considéré­comme­solvable­par­une­institution­financière.

Aussi,­une­partie­importante­des­personnes­qualifiées­interrogées,­dont­les­indépendants,­mais­mis­à­part­ les­expatriés,­a­acheté­un­ logement­au­Luxembourg.­On­constate­aussi­que­ ces­ mêmes­ personnes­ mettent­ leurs­ enfants­ dans­ le­ système­ scolaire­ luxembour-geois,­parlent­plusieurs­des­ langues­officielles­du­pays,­sont,­pour­une­partie,­devenues­luxembourgeoises,­se­voient­travailler­dans­la­même­entreprise­jusqu’à­leur­retraite,­ont­de­la­famille­dans­ce­pays­et­y­passent­des­moments­de­loisir.­Elles­pensent­donc­qu’être­propriétaire­de­leur­maison­procède­de­l’intégration­pour­une­famille­immigrée.

Vie associative et sociale

L’étude­permet­de­montrer­qu’une­petite­minorité­de­ travailleurs­du­panel­réalisent­des­activités­de­loisirs­avec­leurs­collègues­de­travail,­une­partie­de­ces­personnes­préférant­la­compagnie­de­collaborateurs­de­la­même­origine­qu’elles.

«­Oui,­j’ai­deux­trois­des­amies­capverdiennes­que­je­connais­depuis­longtemps­dont­deux­col-lègues­avec­lesquelles­je­sors­parfois­ou­on­va­l’une­chez­l’autre.­»­—­Femme­capverdienne.

Dans­ une­ des­ entreprises­ visitées,­ employant­ une­ majorité­ d’ouvriers­ capverdiens,­ ces­derniers­ont­créé­une­association­communautaire.

«­ Il­ y­ a­ 10­ ans,­ nous­ avons­ fondé­ une­ association­ de­ culture­ capverdienne­ et­ organi-sons­des­soirées,­des­sorties.­Au­départ,­c’était­plutôt­pour­rassembler­la­famille,­parce­qu’on­a­beaucoup­de­parents­qui­veulent­faire­la­fête,­mais­ne­peuvent­pas,­parce­qu’il­y­a­les­enfants56.­On­fait­des­jeux­pour­les­enfants,­ils­étaient­contents…­Maintenant,­tout­le­monde­est­le­bienvenu­»­—­Homme­capverdien.

56­ Une­ quinzaine­ de­ travailleurs­ rencontrés­ disent­ ne­ pas­ avoir­ du­ tout­ de­ relations­ sociales­ par­ manque­ de­ temps.­ Ils­vivent­au­sein­de­grandes­familles,­parfois­élargies­à­des­proches.

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D’autres­exemples­sont­possibles,­avec­un­point­commun­:­l’initiative­associative­monocul-turelle,­structurée­et­pérenne,­finit­par­attirer­des­personnes­d’autres­origines­et­rend­pos-sible­un­brassage­ethnique.­Le­«­bonding­capital­»­de­Putnam­(2001)­destiné­à­répondre­à­des­ besoins­ spécifiques­ (fêtes­ culturelles,­ garde­ d’enfants…)­ peut­ se­ transformer­ donc,­avec­le­temps­et­l’élargissement­des­groupes­concernés,­en­«­bridging­capital­».

«­Nous­avons­créé­en­1992­avec­plusieurs­Bosniaques­un­club­de­foot­‘Bosnia­1992’­et­on­se­retrouve­de­temps­en­temps­pour­jouer.­Plus­tard,­d’autres­nationalités­nous­ont­rejoints­:­belges,­allemands…­»­—­Homme­bosniaque.«­ Avant­ on­ faisait­ du­ football­ entre­ collègues­ chinois­ et­ quelques­ voisins­ sont­ venus­nous­rejoindre.­Au­début,­on­était­cinq­ou­six­et­peu­à­peu­le­groupe­s’est­étoffé.­On­joue­tous­les­dimanches.­D’autres­font­du­vélo.­»­—­Homme,­Chinois,­DRH,­quarantaine.«­Avec­mon­collègue,­on­a­créé­une­association­culturelle­du­Cap-Vert­inscrite­à­la­com-mune­de­Belvaux.­On­a­notre­stand­lors­de­certaines­fêtes­luxembourgeoises­et­au­Fes-tival­des­cultures,­par­exemple.­On­organise­aussi­des­soirées­culturelles,­notamment­en­fin­d’année.­Nos­fêtes­familiales­accueillent­toutes­les­cultures,­on­peut­y­avoir­des­Luxembourgeois,­des­Allemands,­des­Français,­des­Marocains…­ils­reviennent­chaque­année.­»­—­Homme,­Capverdien,­47­ans,­chef­d’équipe.

Toutefois,­une­quinzaine­de­travailleurs­rencontrés­disent­préférer­ne­pas­effectuer­de­sor-ties­avec­ leurs­collègues.­ Ils­apprécient­davantage­d’autres­personnes­de­ leur­entourage.­Dans­la­moitié­de­ces­cas,­c’est­encore­avec­des­personnes­de­la­même­origine­que­l’on­pré-fère­passer­son­temps­libre.­À­la­différence­des­initiatives­collectives­présentées­plus­haut,­ces­relations­privées­ne­parviennent­pas­à­percer­le­cercle­de­la­communauté­ethnique.

«­Au­travail,­il­faut­que­je­communique­avec­d’autres­départements­et­personnes,­on­ne­peut­pas­travailler­seul.­(…)­Mais­mes­collègues­sont­plus­des­“relations­professionnelles”,­cela­n’a­rien­à­voir­avec­les­amis­qu’on­se­fait­enfant­ou­lorsqu’on­est­étudiant.­On­se­voit­avec­les­amis­que­je­me­suis­fait­pendant­mes­études­au­moins­une­fois­par­semaine­pour­déjeuner,­dîner­ou­boire­un­verre.­»­—­Femme,­Russe,­acheteur­principal,­trentaine.«­Je­n’ai­pas­d’amis­hors­de­ma­communauté.­Je­n’ai­d’amis­que­dans­la­communauté­indienne.­»­—­Homme,­Indien,­directeur­financier,­quarantaine.«­Au­début­on­allait­dîner­entre­amis,­puis­des­amis­d’amis­qui­sont­tous­Chinois,­finale-ment­on­est­un­grand­groupe­de­Chinois­qui­font­tout­ce­qu’aiment­faire­les­Chinois­:­aller­au­restaurant­et­manger­de­la­nourriture­chinoise.­On­a­créé­une­liste­e-mail­qui­grossit­de­plus­en­plus,­on­est­à­43­pour­l’instant.­»­—­Homme,­Chinois,­ingénieur,­35­ans.«­Nous­sommes­un­groupe­de­cinq­à­six­familles,­toutes­de­la­même­nationalité.­Quand­il­s’agit­de­se­faire­des­amis,­il­est­naturel­de­se­sentir­attiré­par­sa­propre­langue­ou­religion.­C’est­bien­plus­facile­et­confortable.­»­—­Femme,­Sud-africaine,­cadre­moyen,­cinquantaine.­(Notre­traduction).«­Laissez-moi­parler­par­stéréotypes­ce­qui­exprimera­mon­sentiment­sur­cette­ques-tion­de­façon­générale­par­rapport­à­l’Europe.­Généralement,­les­gens­ne­sont­pas­très­causants­sur­leur­vie­personnelle,­nous,­les­Brésiliens,­quand­on­se­rencontre­au­coin­d’une­rue,­nous­parlons­de­notre­vie­sexuelle­au­bout­de­deux­minutes­de­conversation.­Cela­n’est­pas­le­cas­en­Europe.­Nous­sommes­une­communauté.­»­—­Homme,­Brési-lien,­quarantaine,­architecte.«­Quand­j’ai­un­peu­de­temps,­je­vais­dans­un­bar­et­je­préfère­un­bar­capverdien,­pas­un­bar­luxembourgeois,­ou,­s’il­y­a­un­match­de­football,­je­préfère­aussi­aller­à­un­tournoi­que­ les­ Capverdiens­ sont­ en­ train­ de­ préparer.­ »­ —­ Femme,­ Capverdienne,­ agent­ de­nettoyage,­quarantaine.

Il­apparaît­que­travailler­dans­une­même­entreprise­dont­le­personnel­est­ethniquement­di-versifié­ne­favorise­pas­nécessairement­le­brassage­culturel­en­dehors­du­contexte­de­tra-

85­­{ Approche qualitative }

vail.­En­revanche,­une­initiative­associative,­même­mono-ethnique,­au­départ,­peut­à­terme­donner­lieu­à­des­mélanges­de­populations,­essentiels­à­la­cohésion­sociale.­Ce­type­d’asso-ciations­ou­clubs­d’immigrants­(Gerstnerova,­2014)­jouent­un­important­rôle­d’intermédiaire­entre­des­personnes­(faiblement­qualifiées)­vivant­d’ordinaire­au­sein­de­leur­communauté­culturelle­(«­endogroupe­»)­et­la­société­luxembourgeoise­en­général­(«­exogroupe­»).­Ces­structures57­constituent­une­ressource­avec­ lesquelles­devraient­collaborer­davantage­les­entreprises­et­les­autorités­soucieuses­de­contribuer­à­la­cohésion­sociale.

Scolarité des enfants et regroupement familial

Nombreux­sont­les­témoins­affirmant­que­le­fait­d’avoir­immigré­au­Luxembourg­et­d’y­oc-cuper­un­emploi­stable­ont­permis­à­leurs­enfants­de­faire­de­bonnes­études­et­d’embras-ser­la­possibilité­d’occuper­des­emplois­plus­valorisants­que­les­leurs­:

«­J’ai­deux­filles.­J’en­ai­une­de­vingt-trois­ans,­elle­est­à­l’école­pour­devenir­institutrice­et­ l’autre­elle­est­fonctionnaire,­elle­a­vingt-sept­ans.­Moi­ je­n’ai­qu’un­CAP­de­méca-nicien.­»­—­Homme,­Luxembourgeois­d’origine­croate,­chauffeur­mécanicien,­syndica-liste,­55­ans.

La­«­seconde­génération­»­bénéficie­assurément­du­rôle­ intégrateur­de­l’emploi­des­pa-rents­immigrés.­Ainsi,­certains­soulignent­que­leurs­enfants­fréquentent­le­lycée­classique­et­non­technique,­sachant­que,­selon­les­statistiques58,­ il­y­a­moins­d’un­tiers­des­élèves­étrangers­dans­l’enseignement­secondaire­classique.

«­Quand­on­est­arrivés­à­Luxembourg,­ma­fille­avait­10­ans­et­mon­fils­9­ans.­L’adapta-tion­s’est­bien­passée,­même­si­ma­fille­qui­était­première­de­sa­classe­au­Cap-Vert­a­beaucoup­pleuré­parce­qu’elle­ne­l’était­plus­à­Luxembourg,­mais­elle­a­fini­par­rattra-per­son­retard­et­est­de­nouveau­la­première.­Mes­enfants­sont­tous­les­deux­au­lycée­classique.­ Moi­ ici,­ malheureusement,­ je­ fais­ le­ ménage.­ »­ —­ Femme,­ Capverdienne,­Agent­de­nettoyage,­37­ans.

On­constate­que­la­grande­majorité­des­parents­rencontrés­confient­leurs­enfants­au­sys-tème­scolaire­luxembourgeois.­L’école­est­un­lien­important­entre­les­familles­immigrées­et­les­institutions­luxembourgeoises.­Les­enfants­la­fréquentent­obligatoirement­amenant­dans­leurs­sillages­leurs­parents­à­rencontrer­des­Luxembourgeois,­enseignants,­respon-sables­éducatifs­ou­d’autres­parents.

Outre­ des­ chances­ de­ réussite­ sociale­ donnée­ aux­ enfants,­ l’installation­ durable­ d’une­­famille­immigrée­au­Luxembourg­ouvre­vers­la­possibilité­d’y­regrouper­d’autres­membres­de­la­famille­proche.

Ainsi,­certains­travailleurs­accueillent­chez­eux­leurs­parents,­d’autres­personnes­interro-gées­témoignent­de­leur­volonté­de­faire­venir­les­leurs­au­Luxembourg.

«­Nous­avons­ fait­venir­ les­parents­de­mon­mari­à­Luxembourg.­ Ils­ne­parlent­que­ le­chinois­ même­ si­ ma­ belle-mère­ fait­ des­ efforts­ en­ écoutant­ des­ cassettes­ de­ cours­de­ langues.­Le­soir­mes­enfants­mangent­avec­eux,­mais­ il­ y­a­une­ incompréhension­entre­ générations­ et­ cultures.­ Mes­ enfants­ sont­ nés­ à­ Luxembourg,­ vont­ à­ l’école­ à­Luxembourg.­ Ils­sont­plus­les­produits­de­leur­environnement­que­chinois.­ Ils­parlent­luxembourgeois­entre­eux­et­ne­parlent­pas­vraiment­le­chinois.­»­—­Femme,­Luxem-bourgeoise­d’origine­chinoise,­propriétaire­de­restaurant,­trentaine.

57­ Les­commerces­créés­par­ les­migrants­peuvent­également­être­des­espaces­où­des­ immigrés,­notamment­primo-ar-rivants­ de­ différentes­ origines,­ trouvent­ conseils­ et­ informations­ pour­ mieux­ s’orienter­ au­ Luxembourg.­ Au­ moins­ un­exemple­de­ce­type,­d’origine­asiatique,­a­été­observé­lors­de­l’étude.

58­ www.statistiques.public.lu/fr/publications/thematique/conditions-sociales/chiffres-cles-education/chiffres-cles.pdf.

86­­

Le­fait­d’installer­une­partie­de­ la­ famille­proche­dans­ le­pays­d’accueil­relève­d’une­vo-lonté­d’y­demeurer­et­d’y­recréer­un­contexte­familial.­Dans­l’exemple,­on­comprend­éga-lement­ la­dimension­fonctionnelle­de­cette­réunification­pour­des­patrons­de­restaurant,­occupés­quand­les­enfants­sont­à­la­maison.­La­famille­est­réunie­grâce­au­travail,­cette­réunification­renforce­la­possibilité­de­continuer­une­activité­professionnelle.

Par­ailleurs,­à­l’instar­de­jeunes­enfants,­accueillir­des­personnes­âgées­pousse­la­famille­immigrée­à­plus­de­liens­avec­les­institutions­du­pays­d’accueil­(administrations,­services­sociaux,­services­de­santé…),­oblige­à­utiliser­leurs­langues.­Ainsi,­le­regroupement­fami-lial­renforce­l’intégration­des­migrants.

La naturalisation

L’accès­à­la­nationalité­luxembourgeoise­a­été­simplifié­par­la­loi­du­23­octobre­2008­sur­la­nationalité­qui­a­pour­objectif­«­d’adapter­le­droit­de­la­nationalité­aux­changements­inter-venus­dans­la­société­luxembourgeoise­au­cours­des­dernières­décennies­et­de­contribuer­à­consolider­l’intégration­des­étrangers­résidant­au­Luxembourg.­»59

La­nationalité­est­une­des­caractéristiques­de­ l’identité­sociale.­Elle­conditionne­ le­sen-timent­d’appartenance­à­une­nation,­comme­la­participation­à­ la­vie­politique­d’un­pays.­Dans­l’échantillon,­près­d’un­quart­des­répondants­extra-européens­ont­accédé­à­la­natio-nalité­ luxembourgeoise­ ou­ sont­ en­ phase­ d’y­ accéder,­ leur­ insertion­ professionnelle­ est­évidemment­un­élément­important­de­leur­argumentaire.

«­Au­début,­on­dit­:­“on­va­rester­quatre,­cinq­ans,­après,­on­va­rentrer”.­Mais­dès­qu’on­a­les­enfants,­c’est­autre­chose,­parce­que,­par­exemple,­mon­aîné­a­4­ans­;­l’année­pro-chaine,­il­sera­à­l’école­et­dès­qu’il­entre­dans­le­cursus,­on­en­a­parlé­avec­ma­femme,­ça­sera­difficile­de­le­retirer,­de­le­mettre­ailleurs.­Pour­le­travail,­pas­de­problème,­on­n’a­pas­de­problème­d’intégration.­(…)­Rentrer,­maintenant­on­n’y­pense­plus.­Mainte-nant­on­est­Luxembourgeois.­(…)­On­est­dans­le­système,­maintenant­tout­ce­qui­parle­de­Luxembourg,­ça­nous­touche.­»«­Je­suis­Luxembourgeoise­parce­que­je­suis­bien­ici,­la­vie­est­tranquille.­Les­enfants­vont­tous­les­jours­à­l’école.­C’est­pour­faciliter­la­vie­aux­enfants.­»­—­Femme,­Luxem-bourgeoise­d’origine­chinoise,­restauratrice,­34­ans.

L’accès­à­la­nationalité­du­pays­d’accueil­comporte­également­une­dimension­de­commodité­non­négligeable­pour­les­immigrants­des­pays­tiers­(mobilité,­accès­à­certains­emplois,­etc.).

«­Quand­ je­suis­arrivé,­ j’avais­13­ans.­Dans­ la­ famille­ tous­étaient­Luxembourgeois,­sauf­moi.­Chaque­fois­qu’on­allait­dans­un­autre­pays,­ j’étais­toujours­le­dernier­à­sortir­de­la­douane.­J’ai­dit­“ça­ne­va­pas,­tout­le­monde­est­intégré­et­moi­aussi­je­commence­à­l’être,­je­dois­l’être­complètement”­et­j’ai­fait­la­demande­de­naturalisation.­»­—­Homme­capverdien.«­Ça­fait­20­ans­que­j’ai­la­nationalité­luxembourgeoise.­J’ai­décidé­de­la­prendre­pour­être­tranquille­:­pour­voyager­sans­devoir­demander­de­visa­et­pour­les­enfants­aussi.­»­—­Homme,­Luxembourgeois­d’origine­capverdienne,­agent­de­nettoyage,­47­ans.

59­ www.mj.public.lu/nationalite/index.html.­ Cette­ loi­ est­ l’aboutissement­ du­ programme­ gouvernemental­ d’août­ 2004­ :­­«­ Intégration­ et­ cohésion­ :­ cette­ double­ exigence­ est­ surtout­ évidente­ dans­ notre­ vie­ partagée­ avec­ ceux­ qui­ ne­ sont­pas­des­Luxembourgeois.­ Il­ne­doit­pas­y­avoir­de­ fossé­entre­eux­et­nous.­L’intégration­des­non-Luxembourgeois­est­une­offre­que­les­Luxembourgeois­doivent­faire.­Les­non-Luxembourgeois­doivent­accepter­cette­offre.­ (…)­Ainsi,­nous­voulons­instaurer­la­‘double­nationalité’.­Elle­nous­rapproche­davantage,­encourage­la­vie­commune,­sans­que­celui­qui­obtient­un­passeport­luxembourgeois­doive­renoncer­à­la­partie­non­luxembourgeoise­de­sa­vie.­Ainsi,­nous­allons­pro-poser­plus­de­cours­de­luxembourgeois.­De­nombreux­non-Luxembourgeois­voudraient­bien­apprendre­notre­langue­(…)­pour­mieux­s’intégrer­ :­ l’offre­de­ l’intégration­va­de­pair­avec­ l’offre­de­ la­ langue­ luxembourgeoise.­»­ (Déclaration­du­premier­ministre,­2004).­

87­­{ Approche qualitative }

Enfin,­l’accès­à­la­nationalité­luxembourgeoise­semble­également­une­source­de­confiance­pour­les­migrants­qui­souhaitent­se­projeter­à­long­terme­dans­ce­pays­:

«­Je­veux­prendre­la­double­nationalité.­Mon­fils­est­né­ici,­il­a­la­double­nationalité.­Ma­femme­et­moi­voulons­la­prendre­parce­qu’on­ne­sait­pas­comment­ça­se­passera­ici,­si­un­jour­on­ne­va­pas­nous­demander­de­partir.­»­—­Homme,­Bosniaque,­ouvrier,­quarantaine.

L’avenir ?

Mis­à­part­les­expatriés60,­pratiquement­l’ensemble­des­travailleurs­immigrés­hors­UE­ren-contrés­durant­cette­étude­voit­leur­avenir­au­Grand-Duché.­Même­parmi­les­cadres­expa-triés,­plusieurs­s’interrogent­à­ce­sujet,­leur­décision­dépendant­souvent­des­possibilités­professionnelles­de­leur­couple.

Le­retour­au­pays­d’origine­n’est­pour­autant­pas­oublié.­C’est­soit­une­obligation­profes-sionnelle­ou­familiale­(présence­de­personnes­âgées­au­pays),­soit­un­projet­laissé­pour­la­retraite,­à­moins­que­le­contexte­géographique­rende­possible­une­vie­«­à­cheval­»­entre­deux­pays…

«­Mon­cœur­est­plus­en­Bosnie,­j’y­retournerai­à­la­retraite­si­mes­enfants­y­retournent­aussi.­Toute­ma­famille­est­là-bas,­ça,­c’est­dur­!­Dans­un­avenir­proche,­je­veux­essayer­de­faire­quelque­chose­de­bien­pour­moi,­pour­les­enfants­:­je­vais­passer­mon­permis­poids­ lourd­ et­ je­ vais­ tout­ faire­ pour­ avoir­ la­ double­ nationalité,­ comme­ mes­ enfants­pour­qu’on­puisse­rester­à­Luxembourg­quoi­qu’il­arrive­parce­que­je­suis­bien­à­Luxem-bourg­et­dans­la­société­pour­laquelle­je­travaille.­En­fait,­je­veux­rester.­»­—­Homme,­Bosniaque,­ouvrier,­trentaine.«­À­la­retraite,­j’aimerais­bien­rentrer­dans­mon­pays.­Il­y­a­ma­famille­là-bas,­mon­père­qui­est­là,­ma­tante,­il­y­a­ma­grand-mère…­Ma­mère­travaille­ici­aussi­et­dans­deux­ans,­à­la­retraite,­elle­retournera­au­Ghana.­Rien­ne­me­manque­ici­au­Luxembourg,­je­me­sens­bien,­j’ai­mes­enfants­ici,­ma­mère­est­à­côté.­Mais,­c’est­mon­pays­quand­même­le­Ghana,­ je­suis­née­là.­»­—­Femme,­Luxembourgeoise­d’origine­ghanéenne,­39­ans,­agent­de­nettoyage.«­ Je­ vais­ travailler­ encore­ quelques­ années­ pour­ la­ société­ et­ à­ la­ retraite,­ je­ ferais­comme­ certains­ le­ font­ :­ je­ vivrai­ entre­ le­ Cap-Vert­ et­ le­ Luxembourg.­ »­ —­ Homme,­Capverdien,­agent­de­nettoyage,­quarantaine.

Les­ témoignages­ permettent­ de­ sentir­ le­ tiraillement­ affectif­ entre­ ici­ et­ là-bas­ qui­ est­souvent­au­menu­quotidien­de­l’immigré.­Toutefois,­l’expérience­migratoire­change­les­ac-teurs­et,­dans­la­majorité­des­cas,­l’option­finale­est­le­Luxembourg,­notamment­pour­des­questions­économiques.

«­Je­me­sens­un­peu­comme­une­étrangère­en­Chine,­la­communication­avec­les­amis­est­difficile.­On­change,­mais­pas­de­la­même­façon­puisque­nous­n’évoluons­pas­dans­les­mêmes­contextes.­À­Luxembourg,­il­y­a­une­façon­différente­de­communiquer.­»­—­Femme,­Luxembourgeoise­d’origine­chinoise,­propriétaire­de­restaurant,­34­ans.

60­ «­Peut-être­que­l’entreprise­m’expatriera­ailleurs.­De­toute­façon,­pour­moi­mon­travail,­c’est­ce­qu’il­y­a­de­plus­impor-tant,­donc­si­la­compagnie­décide­qu’il­faut­que­j’aille­ailleurs,­c’est­ce­que­je­ferai,­je­ne­vais­pas­laisser­tomber­mon­tra-vail,­même­si­je­n’aime­pas­l’endroit­dans­lequel­ils­m’enverront.­»­—­Homme,­Chinois,­directeur­de­département,­37­ans.

88­­

Renforcer l’intégration ? Les recommandations des interviewés

Durant­les­entrevues,­les­témoins­ont­énoncé­plusieurs­recommandations­afin­de­renfor-cer­l’intégration­des­travailleurs­issus­de­pays­tiers.

Elles­concernent­essentiellement­la­question­de­l’apprentissage­des­langues­nationales­et­la­facilitation­des­démarches­administratives.

Ainsi,­les­personnes­rencontrées­souhaiteraient­une­plus­grande­offre­de­cours­du­soir­en­langues­luxembourgeoise,­française­et­allemande.­Elles­évoquent­les­difficultés­de­trouver­une­place.­Elles­recommandent­surtout­:

•­ de­diversifier­et­d’innover­l’offre­de­cours­(animations­en­langues,­tables­de­conver-sations­orientées­emploi,­etc.),

•­ de­mieux­organiser­les­horaires­et­les­lieux­de­cours,­en­lien­avec­les­horaires­et­les­lieux­de­travail­(par­exemple,­certaines­communes­seraient­mal­desservies),

•­ de­sensibiliser­les­employeurs­à­l’utilité­des­congés­linguistiques,­prévus­par­la­loi,­voire­ de­ rendre­ obligatoires­ de­ tels­ cours­ pour­ certains­ employés,­ les­ primo-arri-vants,­etc.­(certains­témoins­citent­en­exemple­les­modèles­néerlandais,­suisses­ou­scandinaves).

•­ de­coopérer­avec­les­associations­de­migrants­afin­de­mieux­relayer­l’offre­de­cours­de­langue,­etc.­vers­les­populations­immigrées.

Par­rapport­aux­démarches­administratives,­les­recommandations­du­public­sont­:•­ Simplifier­encore­la­législation­liée­au­permis­de­travail­en­donnant­d’office­l’accès­

au­ marché­ de­ l’emploi­ au­ conjoint­ non­ communautaire­ d’un­ travailleur­ immigré,­dans­le­cas­contraire,­on­estime­l’intégration­de­la­famille­impossible.

•­ Clarifier­ et­ mieux­ diffuser­ les­ informations­ administratives­ vers­ les­ ressortissants­de­pays­tiers,­notamment­à­propos­de­la­législation­d’accès­au­territoire,­de­regrou-pement­ familial­ou­matrimonial,­des­obligations­et­droits­des­primo-arrivants,­des­services­qui­leur­sont­dédiés,­du­système­médical,­de­la­sécurité­sociale…

•­ Accélérer­et­simplifier­les­procédures­qui­concernent­les­demandeurs­d’asile­et­de­régularisation­pour­éviter­des­situations­de­misère­et­de­travail­illégal.

•­ Valoriser­les­rôles­des­associations­de­migrants­en­tant­que­relais­dans­la­tâche­de­vulgarisation­ et­ de­ dissémination­ des­ politiques­ proposées­ et­ des­ législations,­ en­particulier­lorsque­ces­législations­changent­souvent.

Enfin,­plus­globalement,­à­travers­leurs­réponses­tout­au­long­de­l’étude,­les­témoins­nous­montrent­l’importance­du­travail­pour­leur­intégration­au­Luxembourg.

En­ particulier,­ ils­ pointent,­ au­ travers­ de­ l’abondance­ et­ de­ la­ diversité­ de­ leurs­ témoi-gnages­à­ce­niveau,­la­question­de­leur­intégration­au­sein­de­l’entreprise­elle-même,­soit­exactement­cette­dimension­que­nous­avons,­d’entrée­de­jeu,­appelée­«­méso­»,­une­zone­intermédiaire­entre­l’intégration­générale­au­marché­de­l’emploi­(la­dimension­«­macro­»)­et­l’intégration­au­quotidien,­en­privé­(la­dimension­«­micro­»).­C’est­donc­là,­au­cœur­du­lieu­de­travail,­que­l’intégration­sociale­semble­essentiellement­se­construire­pour­les­tra-vailleurs.­C’est­pour­nous­un­des­constats­principaux­de­cette­recherche­qui­doit­inspirer­les­autorités­économiques­et­sociales­du­pays.

89­­{ Approche qualitative }

Or,­ nous­ avons­ constaté­ également­ à­ travers­ nos­ entretiens­ avec­ des­ responsables­ des­ressources­humaines­des­entreprises­observées­que­ les­ thèmes­de­ la­valorisation­de­ la­diversité­culturelle­et­de­ la­ lutte­contre­ les­discriminations­au­sein­des­entreprises­n’en­sont­qu’à­leurs­balbutiements.­Si­une­conscience­générale­existe­et­s’inscrit­désormais­en­chartes­de­responsabilité­sociétale,­les­pratiques­spécifiques­et­les­processus­de­forma-tion­y­restent­dans­une­large­mesure­à­inventer,­notamment­dans­les­PME­qui­constituent­une­grande­part­du­marché­de­l’emploi.­Le­temps­est-il­venu­d’y­réfléchir­en­compagnie­des­travailleurs­de­toutes­origines,­de­leurs­représentants­syndicaux,­des­patrons­et­des­gestionnaires­de­ressources­humaines­?

conclusions et recommandations

93­­{ Conclusion et recommandations }

La­ double­ approche­ de­ l’intégration­ «­ à­ et­ par­ l’emploi­ »­ des­ travailleurs­ issus­ de­ pays­hors­ UE,­ présentée­ dans­ ce­ volume,­ permet,­ d’une­ part,­ d’analyser­ les­ statistiques­ dis-ponibles­à­propos­de­la­présence­et­de­la­place­de­ces­migrants­sur­le­marché­du­travail­luxembourgeois.­D’autre­part,­la­recherche­expose­les­expériences­de­témoins­en­particu-lier­lors­de­processus­de­recrutement,­leurs­sentiments­en­termes­de­reconnaissance­ou­de­non-reconnaissance­au­sein­des­entreprises­qui­les­emploient­et,­également,­un­bilan­de­leurs­relations­sociales­dans­et­au-delà­de­leur­travail.

En­guise­de­conclusion,­il­s’agit­de­mettre­en­lumière­les­transversalités­qui­apparaissent­à­travers­ces­deux­approches­méthodologiques­et­de­les­mettre­en­discussion­sous­le­regard­à­grand­angle­de­quelques­spécialistes­du­marché­de­l’emploi­luxembourgeois.­Ces­«­té-moins­privilégiés­»­viennent­de­structures­dont­la­position­permet­d’avoir­une­analyse­ap-profondie­de­la­problématique­:­syndicats,­fédérations­d’entreprises,­sociétés­d’intérims,­représentants­associatifs…­C’est­par­cette­discussion­que­nous­synthétisons,­validons­et­clôturons­notre­apport,­non­sans­en­extraire,­in­fine,­une­série­de­recommandations­poli-tiques­et­pratiques.

Une intégration progressive sur plusieurs générationsL’intégration­au­et­par­le­travail­des­migrants­n’est­ni­automatique­ni­soudaine.­Elle­n’est­pas­ effective­ dès­ l’arrivée­ du­ travailleur­ étranger­ sur­ le­ territoire­ du­ pays­ d’emploi.­ Au­contraire,­évolutive,­elle­serpente­un­parcours­sinueux,­progressif,­et­traverse­des­étapes­successives,­sans­garantie­de­succès.­Elle­est­ tributaire­des­circonstances­qui­président­l’émigration­des­travailleurs,­comme­elle­est­largement­influencée­par­les­contextes­d’ar-rivée­(demandes­du­marché­de­l’emploi,­conditions­légales­d’accès­au­travail,­etc.).

Dans­ces­contextes,­l’importance­de­la­présence­d’une­famille­ou­d’une­communauté­d’ori-gine­qui­accueille­et­oriente­le­travailleur­dès­son­installation­au­Luxembourg­est­apparue­avec­force61.

Pour­plus­de­la­moitié­des­personnes­rencontrées,­l’accès­au­marché­du­travail,­voire­l’ac-cès­au­territoire­luxembourgeois,­est­facilité­par­un­réseau­communautaire,­la­famille,­les­amis­proches­ou­des­connaissances­plus­éloignées­(frais­de­déplacement,­accès­au­loge-ment,­accès­à­des­circuits­d’information,­soutien­financer,­«­ tontines­»,­ investissements­dans­des­projets­d’entreprenariat,­etc.)62.

Référence­à­la­famille­encore,­quand­les­travailleurs­rencontrés­évoquent­les­sacrifices­qu’ils­ont­ dû­ endurer­ durant­ leur­ processus­ d’installation­ et­ d’insertion­ dans­ le­ pays­ d’accueil­ :­éloignement­et­sentiment­d’abandon­des­proches­au­pays­d’origine,­(pour­certains)­non-re-connaissance­de­titres­et­d’expériences­obtenues­au­pays­d’origine,­un­certain­isolement­dû­au­fait­de­vivre­en­immigration,­etc.­À­leur­tour,­les­témoins­justifient­ces­sacrifices­par­le­bien-être­qu’ils­assurent­à­leurs­enfants­(niveau­de­vie,­sécurité,­une­éducation­de­qualité,­apprentissages­de­langues­étrangères…)­et­par­le­legs­qu’ils­leur­font­d’un­avenir­meilleur…

61­ Parmi­ces­travailleurs­immigrés,­le­cas­des­expatriés­est­spécifique.­Dans­leur­cas,­ce­n’est­pas­une­famille,­mais­une­entreprise­qui­souvent­sert­de­«­réceptacle­d’origine­»,­qui­ les­ installe­véritablement­dans­ leur­vie­professionnelle­et­sociale­au­Grand-Duché­:­informations­utiles,­facilité­de­logement,­aides­pour­l’éducation­des­enfants,­aide­à­l’insertion­du­partenaire,­accès­à­des­loisirs…­Du­reste,­cette­insertion­est­estimée­être­provisoire­par­les­intéressés­et­ne­s’appro-fondit­donc­pas.

62­ Les­associations­de­migrants­et­les­associations­d’insertion­socioprofessionnelle­sont­également­mobilisées­dans­cette­chaine­de­solidarité­ :­«­J’essaie­d’utiliser­ les­relations.­Dernièrement,­ j’ai­placé­une­ jeune­fille.­Elle­a­pu­obtenir­une­place­de­stage.­»­–­Représentante­associative­immigrée.­«­Les­relations­sociales,­c’est­le­plus­important.­Si­je­connais­quelqu’un­qui­connaît­quelqu’un­qui­embauche­alors­ça­facilite­la­vie­et­c’est­pour­ça­aussi­qu’on­dit­aux­gens­d’infor-mer­leur­entourage­quant­à­leur­recherche­d’emploi.­ (…)­Je­leur­dis­de­s’engager­dans­le­bénévolat­pour­commencer­à­connaître­de­nouvelles­personnes,­ l’ambiance­de­travail…­pour­ne­pas­rester­enfermé­toute­ la­ journée­entre­quatre­murs.­»­–­Responsable,­association­d’insertion.

94­­

Des inégalités de droit sur le marché du travail à la ségrégation sectorielle

«­Sur­le­marché­du­travail,­il­y­a­ce­qu’on­appelle­la­préférence­européenne­qui­est­tou-jours­là­et­quand­bien­même­vous­avez­les­diplômes,­vous­avez­la­qualification,­on­vous­

l’enlève­ce­travail,­pour­donner­à­un­communautaire­(…)­c’est­vraiment­un­combat,­c’est­de­la­discrimination.­»­–­Représentant­associatif.

L’intégration­professionnelle,­sa­qualité­et­sa­rapidité­sont­directement­tributaires­des­droits­dont­disposent­les­travailleurs­étrangers­sur­le­marché­luxembourgeois.­Or,­la­distinction­des­situations­entre­ travailleurs­communautaires­et­non­communautaires­est­ importante­du­fait­des­traitements­différenciés­auxquels­ils­sont­soumis­de­jure­dans­l’accès­à­l’emploi.­Cette­différenciation­oriente­les­travailleurs­vers­des­secteurs­et­des­statuts­professionnels­eux­aussi­différenciés,­elle­renforce­des­formes­d’exploitation­de­travailleurs,­de­même­que­des­formes­d’ethnicisation­de­segments­entiers­du­marché­de­l’emploi.

Ainsi,­le­cadre­légal­plus­contraignant­pour­les­non­communautaires­(préférence­commu-nautaire,­ permis­ unique­ de­ séjour­ et­ de­ travail,­ …)­ représente­ un­ obstacle­ majeur­ dans­l’accès­à­l’emploi­et­l’évolution­des­carrières63.­Certains­témoins­considèrent­cette­situa-tion­comme­discriminatoire.

Les­différences­de­ traitement­ touchent­également­certains­ travailleurs­de­pays­devenus­récemment­membres­de­l’UE.­Elles­accentuent­les­inégalités­sociales­entre­un­public­en­capacité­d’intégrer­directement­ le­marché­de­ l’emploi­et­un­autre­qui­en­est­ légalement­exclu,­malgré­la­présence­des­institutions­d’aide64­et­de­filets­de­solidarité­sociale.

La­situation­est­donc­délicate­pour­nombre­de­non­communautaires­et­certains­commu-nautaires,­isolés­et­arrivés­récemment­au­Luxembourg,­avec­de­faibles­connaissances­sur­le­ marché­ du­ travail,­ les­ conditions­ et­ les­ règlements­ de­ travail.­ Cette­ méconnaissance­du­cadre­administratif­ fragilise­davantage­ le­ travailleur­migrant­et,­associée­à­ l’absence­d’alternatives­pour­avoir­des­revenus,­peut­le­mener,­dans­certains­cas,­à­des­statuts­limi-naires65,­sinon­des­emplois­infra­légaux.

La­partie­quantitative­de­l’analyse­montre­ainsi­que­le­marché­de­l’emploi­au­Luxembourg­peut­se­subdiviser­entre­un­segment­«­primaire­»­composé­d’emplois­mieux­protégés­et­rémunérés,­et­un­segment­«­secondaire­»­avec­des­passages­réguliers­par­le­travail­inté-rimaire,­des­périodes­de­chômage,­des­emplois­à­durée­déterminée,­etc.­Ces­marchés­ne­concernent­pas­les­mêmes­travailleurs­en­termes­de­qualification­et­d’origine.

À­ titre­ d’illustration,­ on­ apprend­ que­ près­ de­ la­ moitié­ des­ Capverdiens­ du­ Luxembourg­sont­dans­une­tranche­de­revenu­proche­du­salaire­minimum­(c’est­le­cas­pour­seulement­

63­ À­nouveau,­une­exception­doit­être­signalée­dans­le­cas­des­travailleurs­expatriés­de­pays­tiers,­qualifiés,­encadrés­par­des­entreprises­internationales,­leur­insertion,­par­ailleurs­provisoire,­apparaît­comme­étant­nettement­moins­problé-matique.

64­ «­L’aide­qu’on­peut­leur­proposer­n’est­que­restreinte,­parce­qu’on­travaille­avec­des­gens­qui­sont­prêts­pour­le­marché­du­travail,­qui­ont­le­droit­de­travailler,­mais­les­personnes­qui­n’ont­pas­d’autorisation,­on­ne­peut­faire­que­le­début­de­la­formation­jusqu’au­dossier­de­candidature,­mais­par­après,­on­n’a­plus­de­marge­de­manœuvre…­»­–­Responsable,­association­d’insertion.

65­ Des­observations­statistiques­et­des­témoignages­pointent­notamment­la­situation­des­«­faux­indépendants­»­(ou­encore­celle­de­certains­intérimaires)­dont­le­statut­sur­le­marché­est­précaire,­mais­semble­de­plus­en­plus­devenir­un­accès­obligé­vers­d’autres­types­d’emploi­plus­sécurisants­:­«­On­retrouve­ce­qu’on­avait­dans­le­passé­:­ les­ journaliers,­qui­étaient­ces­gens­qui­migraient­d’un­endroit­à­ l’autre,­qui­allaient­au­gré­des­demandes,­mettre­ leur­ force­de­travail­à­disposition.­C’est­une­façon­de­protéger­l’entrée­sur­le­marché­du­travail­luxembourgeois.­Ils­n’ont­pas­le­droit­de­rentrer­par­un­contrat­de­travail­traditionnel­?­(…)­alors,­ils­rentrent­en­tant­qu’indépendants.­En­termes­de­durée­de­travail,­ils­peuvent­travailler­15­heures­par­jour…­»­–­Responsable,­agence­intérim.

95­­{ Conclusion et recommandations }

un­résident­sur­cinq).­En­effet,­le­salaire­horaire­moyen­est­de­12­euros­pour­les­Capver-diens,­il­est­de­24­euros­pour­la­moyenne­de­la­population­du­Grand-Duché.­Aussi,­entre­2007­ et­ 2012,­ période­ de­ crise­ économique,­ le­ nombre­ de­ Capverdiens­ bénéficiaires­ du­RMG­ a­ augmenté­ de­ 63­ %.­ Par­ ailleurs,­ alors­ que­ les­ travailleurs­ non-UE­ représentent­seulement­4­%­des­travailleurs­(salariés­et­indépendants),­ils­constituent­15­%­des­travail-leurs­au­chômage.

Si­des­différences­de­qualifications­expliquent­ces­situations­(entre­30­à­50­%­des­travail-leurs­ressortissants­de­pays­hors­UE­sont­des­ouvriers­non­qualifiés),­les­phénomènes­de­discrimination­ indirecte­et­systémique­ne­sont­pas­à­ ignorer.­L’indicateur­synthétique­de­précarité­sur­le­marché­du­travail­proposé­par­le­CEFIS­qui­inclut­le­secteur­de­travail,­le­salaire­et­la­stabilité­de­la­situation­professionnelle­indique­que­la­distribution­des­travail-leurs­sur­le­marché­selon­leurs­origines­n’est­pas­aléatoire­:

•­ Les­ pays­ d’origine­ les­ plus­ présents­ dans­ le­ «­ marché­ primaire­ »­ sont­ majoritai-rement­ :­ Danemark,­ Suède,­ Islande­ Royaume-Uni,­ Irlande,­ États-Unis,­ Suisse,­­Autriche,­Belgique,­Pays-Bas,­Inde­et­Luxembourg.

•­ Les­ groupes­ intermédiaires­ sont­ surtout­ de­ Serbie,­ Monténégro,­ République­tchèque,­Bosnie­et­Ukraine.

•­ Enfin,­ les­ travailleurs­ du­ «­ marché­ secondaire­ »­ sont­ essentiellement­ originaires­de­ Macédoine,­ Portugal,­ Bulgarie,­ Cap-Vert,­ Maroc,­ Slovaquie,­ Roumanie,­ Algérie,­­Pologne,­Hongrie.

­Les­différences­de­statut­professionnel­sont­donc­importantes­parmi­les­groupes­de­tra-vailleurs­issus­de­pays­tiers,­entre,­d’un­côté,­les­migrants­provenant­de­pays­de­l’OCDE­et,­d’un­autre­côté,­ceux­de­la­péninsule­balkanique­ou­d’Afrique,­notamment.

On­ note­ également­ une­ distinction­ de­ statut­ professionnel­ entre­ groupes­ de­ travailleurs­issus­de­pays­membres­de­l’Union.­Ainsi,­la­place­sur­le­marché­des­travailleurs­ressortis-sants­de­pays­limitrophes­du­Luxembourg­et­anciens­membres­de­l’UE­est­très­différente­de­celle­des­travailleurs­issus­de­l’est­de­l’Europe66.

Toutefois,­ l’étude­permet­d’identifier­l’effet­du­système­de­redistribution­par­la­solidarité­sociale­qui­atténue­en­partie­ces­différences­pour­autant­que­ les­communautés­concer-nées­ soient­ établies­ de­ longue­ date­ sur­ le­ marché­ luxembourgeois.­ L’accès­ condition-nel­à­la­solidarité­sociale­crée­à­son­tour­des­différences­de­traitement­qui­renforcent­la­présence­des­groupes­de­travailleurs­issus­de­pays­nouvellement­membres­de­l’UE­dans­certains­circuits­de­travail­:­faux­indépendants­et­travailleurs­détachés­dans­la­logistique,­intérimaires­de­la­construction­ou­de­la­restauration,­etc.

De­fait,­les­ressortissants­de­pays­tiers­sont­surreprésentés­dans­les­secteurs­de­l’héber-gement­et­de­la­restauration,­du­commerce­et­de­la­construction­(12­à­16­%­des­effectifs)­:­la­ moitié­ des­ Chinois­ sont­ dans­ la­ restauration,­ près­ d’un­ tiers­ des­ Monténégrins­ dans­la­construction…­Par­contre,­on­relève­que­plus­de­60­%­des­Suisses­et­des­Américains­sont­ dans­ le­ secteur­ financier.­ Plus­ globalement,­ enfin,­ à­ l’exception­ de­ l’administration­publique­et­du­secteur­de­l’énergie,­dont­les­Luxembourgeois­représentent­la­quasi-tota-lité­des­travailleurs,­dans­tous­les­autres­secteurs,­les­travailleurs­européens­sont­majori-taires­(en­y­incluant­les­frontaliers).

66­ L’exception­du­Portugal­est­à­noter.­Les­ressortissants­portugais­du­Luxembourg­partagent­les­conditions­d’emploi­rela-tivement­précaires­des­travailleurs­originaires­de­pays­non­membres­de­l’UE.

96­­

L’intégration au quotidien dans les entreprisesÀ­l’instar­d’autres­étapes­de­la­vie­professionnelle­observées­au­sein­des­entreprises­du­Luxembourg,­la­phase­du­recrutement­oscille­entre­une­formalisation­importante­(procé-dures,­normes…)­et­des­habitudes­d’embauche­laissant­une­marge­de­liberté­et­d’initiative­importante­aux­acteurs­de­terrain­:­salariés,­chefs­d’équipe…­Cela­influence­diversement­l’intégration­des­travailleurs­immigrés­dans­leur­entreprise.

Si­certaines­entreprises­ont­développé­une­politique­de­gestion­des­ressources­humaines­avec­un­cadre­ formel­et­opérationnel­ (recrutement,­gestion­des­compétences,­mentorat,­formations,­encadrement­des­nouveaux­arrivants…),­d’autres­situations,­y­compris­dans­de­grandes­entreprises,­montrent­de­nombreux­cas­gérés­selon­un­mode­de­fonctionnement­plus­informel.

Des­ travailleurs­ sont­ ainsi­ recrutés­ grâce­ à­ leurs­ contacts­ au­ sein­ des­ entreprises.­ Le­procédé­renforce­la­présence­au­sein­d’une­compagnie­des­personnes­issues­des­mêmes­familles,­des­mêmes­communautés.­Si­cela­représente­des­avantages,­une­forme­de­sé-curité,­un­partage­de­pouvoir­et­un­contexte­de­confiance­–­rendant,­par­exemple,­ l’inté-gration­ des­ nouvelles­ recrues­ plus­ rapide­ et­ aisée­ –,­ le­ procédé­ conduit­ également­ à­ la­création­d’équipes­homogènes­sur­ le­plan­ethnique.­La­situation­peut­devenir­excluante­pour­des­personnes­d’autres­communautés­et­donc­ne­va­pas­sans­poser­questions,­no-tamment­sur­le­manque­de­transparence­de­la­politique­du­recrutement­et­les­inégalités­des­chances­suscitées­envers­les­travailleurs­ne­disposant­pas­d’un­capital­social­mobili-sable­pour­accéder­au­marché­du­travail67.

L’observation­montre,­par­ailleurs,­qu’a­posteriori,­cet­enclavement­peut­être­nuisible­au­groupe­qui­pourtant­en­bénéficie­ initialement­:­ limitation­des­compétences­linguistiques,­appauvrissement­et­homogénéisation­des­réseaux­sociaux,­fragilisation­de­la­position­des­travailleurs­enclavés­au­sein­de­leur­entreprise,­de­leur­secteur,­etc.

Si­l’entreprise­met­en­place­une­politique­et­des­mesures­pour­accueillir­des­travailleurs­expatriés,­pour­de­nombreux­autres­travailleurs­(moins­qualifiés),­par­contre,­l’intégration­au­poste­d’emploi­se­fait­souvent­de­manière­informelle­:­un­tuteur­leur­explique­le­métier­et­les­contraintes­organisationnelles­sur­le­terrain.

Même­ si­ la­ presque­ totalité­ des­ salariés­ ne­ fait­ pas­ de­ démarche­ auprès­ des­ pouvoirs­publics­pour­faire­reconnaître­son­diplôme­et­ses­qualifications,­on­peut­toutefois­distin-guer­ deux­ situations­ en­ matière­ de­ reconnaissance:­ d’une­ part,­ certaines­ catégories­ de­migrants­dont­ les­études­ne­sont­pas­ reconnues­se­disent­aussi­ surqualifiées­pour­ leur­emploi.­D’autre­part,­une­autre­catégorie­de­travailleurs,­souvent­qualifiés­ou­expatriés,­se­voient­reconnaître­de­facto­leurs­diplômes­et­expériences­professionnelles­par­leur­entre-prise­et­affirment­avoir­un­emploi­correspondant­à­leurs­études.

C’est­le­paradoxe­de­certaines­catégories­faiblement­qualifiées­de­la­population­active­:­en­tant­ qu’émigrés,­ ils­ se­ sont­ déplacés­ géographiquement­ au­ Luxembourg.­ Mais­ progres-sivement,­ parce­ que­ leur­ diplôme­ n’est­ pas­ reconnu­ ou­ qu’ils­ ont­ peu­ d’accès­ à­ la­ for-mation­ou­aux­promotions,­ils­deviennent­peu­à­peu­«immobiles»­professionnellement­et­contraints­de­conserver­leur­situation­et­leur­emploi­(Boltanski­,­1999).

67­ «­Il­y­a­ce­qu’on­appelle­du­“recrutement­ethnique”,­c’est­compliqué.­Les­entreprises­n’ont­pas­fait­attention­à­ça.­Si­vous­n’êtes­pas­dans­la­bonne­communauté,­vous­ne­rentrez­pas­dans­l’entreprise.­(…)­C’est­le­cas­dans­des­grandes­entre-prises­où­ils­ont­perdu­la­maîtrise­de­leur­propre­personnel,­c’est­leur­chef­d’équipe­et­autres.­Alors­il­fait­rentrer­qui­il­veut.­Il­va­dire,­j’ai­un­cousin,­j’ai­un­copain…­on­s’arrange­hors­entreprise­:­“je­fais­rentrer­ta­fille­et­même­si­elle­n’a­pas­la­qualification,­on­va­s’arranger,­on­va­la­former,­on­va­la­garder”­».­–­Responsable,­agence­intérim.

97­­{ Conclusion et recommandations }

Ainsi,­bien­que­la­plupart­des­salariés­suivent­une­formation­à­leur­arrivée­dans­l’entre-prise,­ les­ formations­ les­ plus­ longues­ concernent­ les­ personnes­ davantage­ qualifiées.­De­ fait,­ l’essentiel­ de­ l’apprentissage­ au­ travail,­ notamment­ dans­ les­ PME,­ semble­ pas-ser­par­des­processus­informels­quotidiens­:­contacts­sociaux,­échanges­avec­collègues,­observation…­Cela­permet­aux­travailleurs­immigrés­de­développer­tant­des­compétences­techniques­ou­professionnelles­que­des­compétences­sociales,­ainsi­que­de­la­pratique­en­langues­étrangères.­La­reconnaissance­sociale­et­la­promotion­professionnelle­qui­peuvent­en­découler­sont­autant­de­signes­des­apports­des­migrants­à­l’entreprise­et­à­la­société­d’accueil.

L’enquête­permet­de­montrer­que­le­français­est­la­première­langue­parlée­au­sein­des­en-treprises­employant­des­travailleurs­issus­de­pays­tiers.­Les­situations­diffèrent­également­selon­ les­qualifications­des­salariés.­Les­salariés­ les­moins­qualifiés­parlent­en­général­leur­langue­maternelle,­ainsi­que­le­français­comme­seconde­langue.­Pour­les­plus­quali-fiés­ou­les­expatriés,­l’anglais­va­être­la­langue­de­travail­et­de­communication.­Les­choix­linguistiques­diffèrent­selon­les­situations­:

•­ La­langue­«­usuelle­»­de­l’entreprise,­c’est-à-dire­la­langue­de­communication­géné-rique­interne­à­l’entreprise.

•­ La­ langue­ «­ nécessaire­ »­ à­ la­ pratique­ professionnelle­ qui­ peut­ être­ un­ langage­technique­(souvent­l’anglais)­ou­une­langue­indispensable­pour­les­contacts­avec­la­clientèle.­Ces­deux­premiers­types­de­langue­sont­formels,­souvent­inscrits­dans­les­offres­d’emploi.

•­ Enfin,­la­langue­«­informelle­»­est­celle­qui­s’impose­comme­langue­de­communica-tion­au­sein­de­certains­groupes­de­travailleurs.

Cette­dernière­peut­progressivement­s’implanter­comme­langue­usuelle­si­une­présence­importante­de­locuteurs­d’une­langue­donnée­le­permet,­dans­toute­l’entreprise­ou­dans­certaines­de­ses­parties.

À­nouveau,­on­constate­qu’un­tel­processus­peut­conduire­ les­travailleurs­à­des­situations­d’enclavement.­Les­entretiens­menés­sur­les­lieux­de­travail­montrent­que­des­situations­de­séparation­linguistique­sont­courantes­au­Luxembourg.­Même­les­structures­d’insertion­ou­de­placement­professionnels­semblent­avoir­intégré­cette­dimension­:­dans­leur­offre­de­ser-vice,­elles­proposent­du­personnel­maîtrisant­les­langues­les­plus­parlées­au­Luxembourg,­dont­le­portugais68.­Cette­flexibilité­de­l’offre­profite­surtout­aux­travailleurs­extra­européens­faiblement­scolarisés,­mais­également­à­des­cadres­internationaux­anglophones.

En­revanche,­certaines­personnes,­surtout­parmi­les­salariés­qualifiés,­suivent­des­cours­de­langue,­de­leur­propre­initiative,­ou,­plus­rarement,­dans­le­cadre­de­leur­emploi.­Plu-sieurs­personnes­rencontrées­regrettent­le­manque­d’offre­de­cours­de­langue­pendant­les­horaires­de­ travail­à­ l’image­de­certaines­ initiatives­allemandes­comme­ le­«­Lernstatt­»­(«­Lernen­in­der­Werkstatt­»),­une­animation­en­langue­afin­de­favoriser­l’intégration­pro-fessionnelle­ et­ sociale­ des­ travailleurs­ immigrés.­ Les­ thématiques­ qui­ y­ sont­ traitées­concernent­la­qualité­du­travail,­ la­productivité,­le­climat­en­entreprise…­L’apprentissage­en­groupe­inclut­également­les­locuteurs­natifs­de­la­langue­cible­(ici­l’allemand)­et­favo-rise­donc­les­contacts­entre­groupes­immigrés­et­autochtones.

68­ «­La­plupart­des­entreprises­ou­des­sociétés­de­service,­ comme­nous,­ont­des­salariés­ lusophones.­Ce­qui­ veut­dire­qu’ils­n’ont­plus­besoin­de­faire­cet­effort-là­et­si­vous­ne­parlez­pas­portugais­ils­vous­tournent­le­dos.­»­–­Responsable,­agence­intérim.

98­­

Certaines­ entreprises­ visitées­ ont­ signé­ des­ accords­ de­ responsabilité­ sociale­ des­ en-treprises­ (chartes,­ labels,­ codes­ éthiques­ internes,­ promotions­ des­ valeurs­ de­ l’entre-prise,­…).­La­valorisation­de­la­diversité,­la­lutte­contre­les­discriminations,­l’égalité­dans­l’accès­aux­promotions­peuvent­être­parmi­les­engagements­de­telles­chartes­et­favoriser­l’intégration­au­travail­des­migrants­et­leur­plus­ample­reconnaissance­sociale.­Toutefois,­ces­engagements­restent­pour­l’heure­rares­et­attendent­leur­mise­en­pratique­effective.­Parallèlement,­la­diversité­peut­aussi­faire­l’objet­de­pratiques­indirectes.­Il­en­va­ainsi­du­soutien­des­entreprises­au­secteur­associatif­ou­à­la­coopération­au­développement.

L’intégration sociale des travailleurs et de leur familleL’analyse­des­entretiens­réalisés­montre­qu’une­ large­majorité­des­personnes­rencontrées­ne­se­socialise­pas­sur­son­lieu­de­travail.­Certes,­quelques­personnes­déclarent­garder­des­liens­extra-professionnels­avec­certains­de­leurs­collègues,­mais­cela­reste­souvent­limité­et­ponctuel.­Les­collectifs­et­les­formes­de­solidarité­semblent­s’éroder­au­profit­d’un­individua-lisme­croissant­dans­l’espace­de­travail­(Paugam,­1999).­Cette­dynamique­semble­être­accen-tuée­par­des­politiques­de­gestion­des­ressources­humaines,­favorisant­l’effort­et­la­promotion­individuelle.­Même­si­une­entreprise­possède­un­personnel­diversifié­quant­aux­origines,­cela­n’aide­donc­pas­nécessairement­le­brassage­multiculturel,­en­dehors­du­contexte­de­travail.

Si­des­réseaux­sociaux,­voire­des­associations­se­créent­parfois­à­partir­des­lieux­de­travail,­il­ s’agit­d’abord­de­contacts­au­sein­d’une­communauté­donnée­qui­peuvent,­peu­à­peu,­s’élargir­et­s’ouvrir­à­d’autres­groupes.­Or,­cette­socialisation­à­partir­du­travail­est­impor-tante­pour­les­travailleurs­immigrés,­car­elle­peut­participer­à­la­construction­d’identités­collectives­et­permettre,­in­fine,­de­se­sentir­appartenir­à­l’entreprise­et,­par­extension,­à­la­société­d’installation.­En­effet,­le­travail­n’est­pas­que­l’exercice­pragmatique­d’un­mé-tier.­Il­représente­également­une­valeur­dans­la­société.­C’est­par­son­travail­que­l’individu­est­reconnu­comme­membre­à­part­entière­d’un­groupe­social­(Dubar,­1991).

La­ situation­ des­ expatriés­ représente­ un­ cas­ particulier­ lors­ de­ chacune­ des­ étapes­ de­la­vie­professionnelle:­ leur­entrée­sur­ le­marché­du­travail­au­Luxembourg­se­fait­direc-tement­par­ le­biais­de­ leur­entreprise,­ localisée­dans­une­autre­ région­du­monde.­Dans­leur­multinationale,­ils­évoluent­«à­l’international».­Le­Luxembourg­constitue­en­quelque­sorte­un­tremplin­provisoire,­avant­de­regagner­leur­pays­d’origine­ou­d’être­relocalisé­ail-leurs.­Enfin,­leur­vie­sociale­est­prise­en­charge­par­leur­employeur:­le­logement,­les­for-malités­administratives,­l’aide­à­l’installation­et­à­la­compréhension­du­Luxembourg,­voire­les­loisirs...­Ces­soucis­du­quotidien­écartés,­ils­sont­beaucoup­plus­disponibles­pour­leur­vie­professionnelle.­Par­ailleurs,­peu­d’expatriés­se­projettent­à­court­ou­moyen­terme­au­Luxembourg,­ils­sont­présents­ici­pour­une­mission­précise­et­délimitée.­De­ce­fait,­ils­sont­moins­enclins­ou­­intéressés­à­participer­à­la­vie­sociale­du­pays,­acheter­un­logement,­en­apprendre­une­des­langues,­participer­aux­associations,­...­

Si­ les­travailleurs­expatriés­ investissent­moins­leur­présence­au­Luxembourg,­ les­autres­travailleurs­ immigrés,­ en­ général­ moins­ qualifiés,­ envisagent­ le­ plus­ souvent­ de­ passer­leur­vie­au­Grand-Duché.­Par­ailleurs,­les­attentes­de­la­population­autochtone­en­matière­d’intégration­sont­également­plus­marquées­envers­ce­groupe­de­migrants.­Leurs­inves-tissements­dans­le­pays­d’accueil­se­déclinent­en­:­achat­d’un­logement,­scolarisation­des­enfants­dans­l’enseignement­public,­participation­aux­associations,­aux­clubs­sportifs,­ap-prentissage­des­langues­officielles,­naturalisation69…,­mais­aussi,­appel­de­leurs­parents­vers­leur­nouveau­pays.

69­ «­Quand­on­a­la­nationalité,­c’est­qu’on­est­intégré­dans­le­pays­(…).­Donc­nous­luttons­dans­notre­association­(…)­pour­qu’ils­apprennent­vite­les­langues­pour­avoir­la­nationalité,­pour­qu’ils­puissent­vite­et­mieux­s’intégrer.­»­–­Représentant­associatif.

99­­{ Conclusion et recommandations }

Certes,­les­représentations­de­l’intégration­parmi­les­migrants­ne­sont­pas­uniformes­et­se­divisent­schématiquement­entre,­d’un­côté,­une­assimilation­complète­à­la­culture­locale,­et­ de­ l’autre,­ une­ acculturation­ progressive­ de­ chacun­ dans­ une­ société­ multiculturelle.­Ces­différences­de­représentations­s’observent­également­au­sein­des­entreprises.

Un­groupe­de­travailleurs­reconnaît­et­apprécie­le­côté­multiculturel­de­leur­entreprise,­à­l’image­de­la­société­luxembourgeoise.­D’autres­ont­une­opinion­«­assimilationniste­»­en­prétendant­que­le­travail­doit­être­le­lieu­d’acquisition­de­la­culture­et­de­la­langue­luxem-bourgeoises.­Enfin,­une­minorité­se­représente­la­société­et­le­lieu­de­travail­de­manière­­«­séparationniste­»­:­chacun­se­repliant­sur­sa­culture,­sans­échanges.

Cette­diversité­d’opinions­sur­ le­ travail­ comme­vecteur­d’intégration­est­ révélatrice­de­ la­diversité­des­groupes­de­migrants­et­du­vécu­de­leur­situation­professionnelle.­Elle­indique­aussi­ la­direction­du­travail­politique­et­social­à­effectuer­pour­renforcer­ l’intégration­des­travailleurs­immigrés,­en­particulier­issus­de­pays­tiers,­non­seulement­dans­l’économie­du­pays,­mais­également­dans­l’ensemble­de­la­société­luxembourgeoise.­Puissent­les­20­re-commandations­suivantes,­issues­de­nos­travaux,­servir­d’inspiration­à­de­futures­réflexions­et­actions­en­ces­matières.­Elles­concernent­les­décideurs,­les­responsables­d’entreprises,­de­syndicats­et­d’associations,­ainsi­que­les­travailleurs­de­toute­origine,­bien­sûr.

100­­

Vingt recommandations afin de renforcer l’intégration par et au travail des immigrés au Luxembourg

1.­ Simplifier­les­démarches­administratives­en­matière­d’accès­au­territoire­et­au­travail.2.­ Clarifier­ les­ informations­administratives­utiles­en­matière­d’accès­au­territoire­et­au­

travail.3.­ Proposer­les­informations­utiles­en­matière­d’accès­au­territoire­et­au­travail­dans­une­

diversité­de­langues.4.­ Accélérer­et­simplifier­ les­procédures­de­demande­d’asile,­dans­ les­ limites­d’une­ap-

proche­juridique­de­qualité,­afin­d’éviter­le­recours­au­travail­illégal­des­demandeurs.5.­ Accorder­d’office­l’accès­au­marché­du­travail­au­conjoint­d’un­travailleur­régulier­non­

communautaire.6.­ Renforcer­ les­ interventions­ des­ associations­ d’insertion­ socioprofessionnelle­ auprès­

des­ressortissants­de­pays­tiers.7.­ Valoriser­ le­ rôle­ des­ associations,­ et­ en­ particulier­ des­ associations­ de­ migrants,­ en­

tant­que­relais­des­politiques­auprès­des­communautés­immigrées­et­notamment­des­groupes­de­primo-arrivants.

8.­ Sensibiliser,­ former­ et­ responsabiliser­ les­ professionnels­ des­ administrations,­ des­associations­et­de­la­gestion­des­ressources­humaines­pour­ identifier­et­ lutter­contre­les­discriminations­visibles­ou­systémiques­à­l’encontre­des­catégories­de­travailleurs­:­connaissance­du­cadre­légal­et­des­moyens­d’action,­responsabilité­des­entreprises…

9.­ Sensibiliser,­former­et­responsabiliser­les­professionnels­des­administrations,­des­as-sociations­et­de­la­gestion­des­ressources­humaines­pour­qu’ils­valorisent­les­diversités­socioculturelles­au­sein­des­entreprises­au­profit­du­bien­commun.

10.­ Rendre­ le­marché­du­travail­plus­transparent,­éviter­que­ le­recrutement­de­proximité­ou­ l’homogénéité­ du­ personnel­ ne­ deviennent­ une­ source­ d’exclusion.­ Par­ exemple­ :­sensibiliser­les­entreprises,­avertir­et­sanctionner­celles­qui­ne­publient­pas­les­offres­d’emploi,­informer­les­travailleurs­sur­les­tenants­et­aboutissants­de­ces­stratégies­via­les­syndicats,­etc.­

101­­{ Conclusion et recommandations }

11.­ Favoriser­et­gérer­la­diversité­par­des­outils­et­formations­internes­aux­administrations,­associations,­entreprises­et­syndicats,­afin­d’éviter­des­phénomènes­d’enclavement­des­équipes,­mais­aussi­les­discriminations.

12.­ Faciliter­et­accélérer­ les­procédures­de­ reconnaissance­des­diplômes­acquis­hors­de­l’Union­européenne.

13.­ Reconnaître­ l’expérience­ professionnelle­ des­ migrants­ par­ la­ validation­ des­ acquis­afin­d’obtenir­une­certification­professionnelle,­voire­d’accéder­à­des­formations­diplo-mantes.

14.­ Mutualiser­et­faciliter­l’accès­aux­formations­pour­les­petites­et­moyennes­entreprises,­notamment­dans­le­cas­de­travailleurs­migrants­faiblement­qualifiés.

15.­ Promouvoir­l’apprentissage­des­langues­en­entreprise­sous­différentes­formes­:­congé­linguistique,­animations­en­langue­(peer­teaching,­cercles­de­discussion­sur­des­situa-tions­professionnelles,­«­Lernstatt­»…),­etc.

16.­ Améliorer­ et­ diversifier­ (méthodes,­ contenus,­ horaires)­ l’offre­ de­ cours­ pour­ adultes­dans­les­trois­langues­officielles,­voire­d’autres­langues.

17.­ Proposer­ davantage­ de­ moments­ collectifs­ en­ entreprise­ :­ journées­ familiales,­ acti-vités­ sportives,­ événements­ festifs,­ actions­ de­ solidarité­ avec­ les­ pays­ d’origine­ des­migrants…­et­ impliquer­les­travailleurs­(et­leurs­associations),­ainsi­que­les­syndicats­dans­leur­mise­en­œuvre.

18.­ Impliquer­davantage­les­salariés­dans­les­pratiques­formelles­(chartes­de­la­diversité…)­ou­informelles­(soutien­aux­associations­et­activités)­de­gestion­de­la­diversité.

19.­ Développer­des­partenariats­solidaires­entre­les­entreprises­et­les­associations­ou­ONG­au­Luxembourg­ou­encore­dans­les­pays­d’origine­des­travailleurs.

20.­ Reconnaître­publiquement­la­contribution­socioéconomique­et­culturelle­des­migrants­à­la­société­luxembourgeoise­et­à­ses­entreprises,­à­travers­des­actions­symboliques­à­entreprendre­par­les­institutions­économiques,­sociales­et­politiques­du­pays.

Bibliographie&

Annexes

104­­104­­

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­

Annexes

107­­107­­{ Annexes }

Annexes

•­ Données­intégrées­aux­calculs•­ Distribution­de­certaines­variables•­ Détails­des­analyses­factorielles•­ Grille­d’entretien­semi-directif

Données intégrées aux calculs

Variables­(n­=­40­nationalités­prises­en­compte) Moyenne Écart­type Minimum Maximum

Population­2007 11­814,64 44­916,79 125,00 277­900,00

Population­2013 13­359,00 48­402,45 318,00 295­870,00

Aug­2007/2013 1,58 ,93 ,68 4,80

%­Femmes­2013 ,53 ,09 ,31 ,81

%­Moins­de­18­ans­2010 ,21 ,07 ,09 ,45

Décès/habitant­2012 0,00 0,00 0,00 ,01

Occupés­2012 5491,88 18­968,63 103,00 107­737,00

Aug­occupés­2007-2012 1,23 ,67 ,13 2,84

%­Activité­2012 ,39 ,17 ,17 ,92

%­Chôm­2012 ,03 ,05 0,00 ,20

%­Dép­pension/salar­2012 ,07 ,04 0,00 ,19

Att­de­trav/tot­att­de­séj­2011 ,12 ,30 0,00 1,00

Demandeurs­d’asile­2011 43,25 163,34 0,00 947,00

Aug­dem­asile­2007/2011 4,15 15,36 0,00 89,20

%­Dem­asil/pop­2012 ,04 ,14 0,00 ,81

Retours­des­demandeurs­d’asile­2011 12,00 55,82 0,00 350,00

Aug­ret­dem­asil­2007/2011 2,79 14,16 0,00 87,50

Candidats­communales­2011 68,33 394,59 0,00 2500,00

%­Élus/cand­20111 ,03 ,09 0,00 ,50

Inscription­2011 6994,10 39­463,63 0,00 250­000,00

Aug­inscrip­elec­2005/2011 1,91 2,76 0,00 17,00

Taux­d’inscription­2011 ,12 ,14 0,00 ,85

Rmg­2010 249,32 844,85 0,00 4612,00

Aug­rmg­2007/2010 1,17 1,29 0,00 6,00

%­Rmg­2011 ,01 ,02 0,00 ,07

Salariés­résidant­au­luxembourg­%­au­voisinage­ssm­2007­q 5,65 3,48 ,50 16,30

Salariés­résidant­au­luxembourg­%­au­voisinage­ssm­2007­nq 14,84 11,79 ,80 42,70

Salariés­résidant­au­luxembourg­%­au­voisinage­ssm­2007­t 20,49 14,02 1,90 47,90

Dif­sal­nq­/­q­2007 2,82 2,52 ,33 10,95

Salariés­résidant­au­luxembourg­%­au­voisinage­ssm­2012­q 6,33 3,12 1,40 13,60

Salariés­résidant­au­luxembourg­%­au­voisinage­ssm­2012­nq 17,83 13,05 ,80 41,50

Salariés­résidant­au­luxembourg­%­au­voisinage­ssm­2012­t 24,16 15,34 2,80 49,00

108­­108­­

Dif­nq­/­q­sal­2012 2,67 1,87 ,40 10,14

Aug­%­ssm­q­2007/2011 1,42 1,05 ,48 5,70

Aug­%­ssm­nq­2007/2011 1,39 ,86 ,72 5,98

Aug­%­ssm­t­2007/2011 1,28 ,48 ,74 3,37

Aug­dif­q/nq­ssm­2007/2010 —­,15 2,57 -7,30 7,91

Salaire­median­2012 3263,45 1419,71 1844,90 6606,61

Salaire­horaire­moy­2007 20,43 9,23 11,05 44,86

Salaire­horaire­moyen­2012 23,76 10,21 12,18 45,50

Aug­sal­hor­moy­2007-2012 1,17 ,11 ,86 1,59

Aug­par­rapport­indice­2005 ,06 ,11 —­,26 ,47

%­Plus­que­mi­temps­2007 ,34 ,09 ,09 ,49

Temps­de­travail­moyen­h/mois­2007 89,63 7,80 60,49 101,36

%­Plus­que­mi­temps­2012 ,33 ,11 ,07 ,64

Temps­de­travail­moyen/mois­2012 88,85 8,22 72,23 108,57

Aug­plus­que­mi-temps­2007-2012 1,11 ,71 ,16 4,03

Aug­temps­moy­de­trav/mois­2007-2012 1,00 ,13 ,74 1,45

%­Intérimaire­2012 ,01 ,01 0,00 ,03

%­Présumé­cdi­2012 ,88 ,07 ,69 ,97

Aug­interim­2007-2012 ,97 ,83 0,00 3,19

Aug­cdi­2007-2012 ,96 ,06 ,78 1,13

%­Ouvriers/employés­2007 2,11 3,11 ,03 17,44

Front­2012 3890,68 13­635,95 2,00 73­102,00

Salariés­résidents­2012 4973,18 17­615,87 94,00 104­376,00

Salar­2012 8171,62 20­847,24 113,00 86­553,00

Front/salar­2012 ,65 1,68 0,00 8,18

%­Front­2012 ,20 ,23 0,00 ,89

Indep­2012 563,88 1979,29 0,00 12­101,00

%­Indep/occ­2012 ,06 ,04 0,00 ,19

Fonc­2012 692,23 4264,24 0,00 26­986,00

Fonc­salat­ens­2012 8863,85 23­558,41 113,00 108­027,00

%­Fonc­2012 ,01 ,04 0,00 ,25

Aug.­Frontaliers­2007-2012 2,16 1,99 ,06 12,80

Aug.­Salariés­résidents­2007-2012 1,48 ,74 ,68 3,82

Aug.­Salarié­tot­2007-2012 1,50 ,76 ,66 3,99

Aug.­Fron/salariés­2007-2012 2,13 1,80 ,09 9,30

Aug.­Indep­2007-2012 76,95 478,12 0,00 3025,25

Aug.­%­Indep/occ­2007-2012 62,39 387,94 0,00 2454,57

Aug.­Fonctionnaires­2007-2012 ,70 ,97 0,00 3,00

Aug.­Salar­et­fonc­ens­2007-2012 1,57 ,90 ,34 4,34

Aug.­Fonc­%­2007-2012 ,53 ,78 0,00 2,66

A­agriculture,­sylviculture­et­pêche­2012 34,52 92,14 0,00 482,00

D­production­et­distribution­d’élec­2012 29,82 148,26 0,00 936,00

E­production­et­distribution­d’eau­2012 36,50 116,11 0,00 545,00

F­construction­2012 961,38 2698,11 0,00 13­562,00

G­commerce­;­réparation­2012 1090,50 2919,35 8,00 13­083,00

H­transports­et­entreposage­2012 652,38 1569,80 2,00 7049,00

I­hébergement­et­restauration­2012 382,85 1028,41 1,00 5246,00

J­information­et­communication­2012 390,12 1161,37 1,00 5480,00

109­­109­­{ Annexes }

N­activités­de­services­de­soutien­2012 554,67 1770,65 1,00 9235,00

P­activités­des­ménages­en­tant­qu’employeurs­2012 127,10 504,75 0,00 3164,00

Total­2012 4259,85 10­750,68 53,00 46­131,00

À­agriculture,­sylviculture­et­pêche­2007-2012­aug ,77 1,51 0,00 8,00

D­production­d’électricité­2007-2012­aug ,03 ,06 0,00 ,23

E­production­d’eau­2007-2012­aug ,81 2,00 0,00 10,62

F­construction­2007-2012­aug 3,18 9,05 0,00 55,00

G­commerce­;­réparation­2007-2012­aug 1,67 1,15 ,46 6,03

H­transports­et­entreposage­2007-2012­aug 8,48 19,80 ,01 113,00

I­hébergement­et­restauration­2007-2012­aug 3,49 9,16 ,04 57,17

J­information­et­communication­2007-2012­aug ,89 ,90 0,00 3,25

N­activités­de­services­de­soutien2007-­2012­aug 2,97 3,06 ,16 17,00

P­activités­des­ménages­en­tant­qu’employeurs­2007-2012­aug 1,85 2,53 0,00 13,00

Total­nace­10­sec­2007-2012­aug 1,19 ,83 ,15 3,66

À­agriculture,­sylviculture­et­pêche­2012­% ,01 ,02 0,00 ,11

D­production­d’électricité­2012­% 0,00 0,00 0,00 ,03

E­production­et­distribution­d’eau­2012­% 0,00 0,00 0,00 ,02

F­construction­2012­% ,12 ,11 0,00 ,39

G­commerce­;­réparation­d’automobiles­et­de­motocycles­2012­% ,19 ,09 ,03 ,46

H­transports­et­entreposage­2012­% ,24 ,22 ,01 ,88

I­hébergement­et­restauration­2012­% ,16 ,16 ,02 ,88

J­information­et­communication­2012­% ,12 ,12 0,00 ,42

N­activités­de­services­administratifs­et­de­soutien­2012­% ,12 ,08 ,01 ,32

T­activités­des­ménages­en­tant­qu’employeurs­2012­% ,04 ,04 0,00 ,22

À­agriculture,­sylviculture­et­pêche­2007-2012­aug­% ,66 ,72 0,00 2,57

D­production­et­distribution­d’électricité­2007-2012­aug­% ,02 ,04 0,00 ,18

E­production­et­distribution­d’eau­;­assainissement­2007-2012­aug­% 1,00 2,39 0,00 12,17

F­construction­2007-2012­aug­% 2,37 4,59 0,00 28,32

G­commerce­;­réparation­d’automobiles­et­de­motocycles­2007-2012­aug­%

1,78 1,35 ,53 7,60

H­transports­et­entreposage­2007-2012­aug­% 8,89 16,36 ,01 82,64

I­hébergement­et­restauration­2007-2012­aug­% 2,78 8,04 ,04 51,03

J­information­et­communication­2007-2012­aug­% ,72 ,53 0,00 2,37

N­activités­de­services­administratifs­et­de­soutien2007-­2012­aug­% 2,95 3,07 ,10 16,73

P­activités­des­ménages­en­tant­qu’employeurs­2007-2012­aug­% 1,52 1,52 0,00 8,93

Total­nace­10­sec­2007-2012­aug­% 22,69 19,05 6,92 90,62

X­intermédiations­financières­2007­% 23,15 24,12 0,00 79,15

10­Membres­cadres­supérieurs­d’entreprise­2012 3,00 12,96 0,00 82,00

15­Dirigeants­de­sociétés­2012 99,85 261,75 0,00 1457,00

20­Professions­intellectuelles­et­scientifiques­2012 363,27 1503,58 0,00 9451,00

31­Professions­intermédiaires­des­sciences­physiques­et­techniques­2012

356,73 1358,68 0,00 8572,00

40­Employés­de­type­administratif­2012 446,35 1500,89 3,00 9166,00

50­Personnel­des­services­et­vendeurs­de­magasin­et­de­marché­2012 454,77 1469,56 0,00 8245,00

70­Artisans­et­ouvriers­des­métiers­de­type­artisanal­2012 381,27 1551,55 0,00 9248,00

80­Conducteurs­d’installations­et­de­machines­et­ouvriers­de­­l’assemblage­2012

184,15 540,01 0,00 2513,00

90­Ouvriers­et­employés­non­qualifiés­2012 483,85 1740,14 0,00 10­002,00

15­Dirigeants­de­sociétés­%/nat­2012 6,30 5,73 0,00 23,00

110­­110­­

20­Professions­intellectuelles­et­scientifiques­%/nat­2012 12,22 9,85 0,00 40,00

31­Professions­intermédiaires­des­sciences­physiques­et­techniques­%/nat­2012

14,95 10,71 0,00 38,00

40­Employés­de­type­administratif­%/nat­2012 16,88 11,91 1,00 40,00

50­Personnel­des­services­et­vendeurs­de­magasin­et­de­marché­%/nat­2012

17,15 14,06 0,00 67,00

70­Artisans­et­ouvriers­des­métiers­de­type­artisanal­%/nat­2012 7,47 8,71 0,00 32,00

80­Conducteurs­d’installations­et­de­machines­et­ouvriers­%/nat­2012 8,15 10,94 0,00 54,00

90­Ouvriers­et­employés­non­qualifiés­%/nat­2012 17,02 15,38 0,00 51,00

10­Membres­cadres­supérieurs­d’entreprise­%­par­sect­2012 2,55 10,75 0,00 68,00

15­Dirigeants­de­sociétés­%­par­sect­2012 2,35 6,55 0,00 36,00

20­Professions­intellectuelles­et­scientifiques­%­par­sect­2012 2,50 10,36 0,00 65,00

31­Professions­intermédiaires­techniques­%­par­sect­2012 2,38 9,54 0,00 60,00

40­Employés­de­type­administratif­%­par­sect­2012 2,42 8,36 0,00 51,00

50­Personnel­des­services­et­vendeurs­de­magasin­et­de­marché­%­par­sect­2012

2,45 8,08 0,00 45,00

70­Artisans­et­ouvriers­des­métiers­de­type­artisanal­%­par­sect­2012 2,45 10,23 0,00 61,00

80­Conducteurs­d’installations­et­de­machines­et­ouvriers­%­par­sect­2012

2,42 7,34 0,00 34,00

90­Ouvriers­et­employés­non­qualifiés­%­par­sect­2012 2,45 9,03 0,00 52,00

10­Membres­cadres­supérieurs­d’entreprise­2007 33,48 83,52 0,00 457,00

20­Spécialistes­des­professions­intellectuelles­et­scientifiques­2007 34,30 115,52 0,00 709,00

31­Professions­intermédiaires­des­sciences­physiques­et­techniques­2007

139,38 516,78 0,00 3235,00

40­Employés­de­type­administratif­2007 306,30 927,02 0,00 5584,00

50­Personnel­des­services­et­vendeurs­de­magasin­et­de­marché­2007 169,47 556,04 0,00 2935,00

70­Artisans­et­ouvriers­des­métiers­de­type­artisanal­2007 189,43 760,09 0,00 4528,00

80­Conducteurs­d’installations­et­de­machines­et­ouvriers­de­l’assem-blage­2007

80,38 221,79 0,00 1017,00

90­Ouvriers­et­employés­non­qualifiés­2007 225,12 793,66 0,00 4530,00

10­Membres­cadres­supérieurs­d’entreprise­2007-2012 ,04 ,13 0,00 ,80

20­Spécialistes­des­professions­intellectuelles­et­scientifiques­2007-2012

6,12 5,86 0,00 23,00

31­Professions­intermédiaires­des­sciences­physiques­et­techniques­2007-2012

2,61 2,21 0,00 9,00

40­Employés­de­type­administratif­2007-2012 1,60 1,54 0,00 8,17

50­Personnel­des­services­et­vendeurs­de­magasin­et­de­marché­2007-2012

2,40 2,20 0,00 10,00

70­Artisans­et­ouvriers­des­métiers­de­type­artisanal­2007-2012 2,58 6,54 0,00 38,00

80­Conducteurs­d’installations­et­de­machines­et­ouvriers­2007-2012 2,08 2,29 0,00 11,00

90­Ouvriers­et­employés­non­qualifiés­2007-2012 2,18 1,72 0,00 7,27

­

111­­111­­{ Annexes }

Distribution de certaines variables (calculs du CEFIS)­

0102030405060708090

100

ITALIE

LUXEMBOURG

MAROC

ALGERIE

AUTRICHE

SUISSE

BELGIQUE

FRANCE

IRLANDE

TUNISIE

HONGRIE

ROUMANIE

CROATIE

BOSNIE

PAYS-B

AS

BRESIL

PORTUGAL

CAP-VERT

POLOGNE

SLOVAQUIE

TCHEQUIE

Taux d'activité des principales nationalités (IGSS, 2012)

0102030405060708090

100

POLOGNE

HONGRIE

SLOVAQUIE

BULGARIE

ALGERIE

MACEDOINE

MAROC

GRECEIN

DE

TUNISIE

CROATIE

ROUMANIE

FINLANDE

CAP-VERT

CHINE

ESPAGNE

RUSSIE

SERBIE

BOSNIE

ALBANIE

PORTUGAL

TURQUIE

UKRAINE

IRLANDE

E U A

AUTRICHE

MONTENEGRO

ALLEMAGNE

PAYS-B

AS

ITALIE

BRESIL

SUISSE

ROYAUME-U

NI

FRANCE

BELGIQUE

LUXEMBOURG

SUEDE

TCHEQUIE

DANEMARK

ISLANDE

Taux des travailleurs disposant d'un CDI selon les principales nationalités (IGSS, 2012)

112­­112­­

0

10

20

30

40

50

60

70

AUTRICHE

MACEDOINE

TURQUIE

LUXEMBOURG

SUISSE

BRESIL

ALLEMAGNE

MAROC

ISLANDE

BELGIQUE

HONGRIE

SERBIE

FINLANDE

SLOVAQUIE

ROYAUME-U

NI

SUEDE

BOSNIE

ESPAGNE

MONTENEGRO

POLOGNE

CAP-VERT

ALBANIE

DANEMARK

TCHEQUIE

IRLANDE

Taux des travailleurs disposant d'un emploi de plus d'un mi-temps, principales nationalités (IGSS, 2012)

0102030405060708090

100110

CROATIEIN

DE

PAYS-B

AS

GRECE

BULGARIE

FRANCE

ALGERIE

ITALIE

TURQUIE

ROUMANIE

LUXEMBOURG

TUNISIE

E U A

RUSSIE

BRESIL

UKRAINE

MACEDOINE

SLOVAQUIE

SUISSE

CHINE

MONTENEGRO

HONGRIE

SERBIE

MAROC

ALLEMAGNE

AUTRICHE

ISLANDE

ROYAUME-U

NI

BELGIQUE

POLOGNE

FINLANDE

PORTUGAL

SUEDE

ESPAGNE

BOSNIE

CAP-VERT

DANEMARK

ALBANIE

TCHEQUIE

IRLANDE

Temps de travail moyen/mois en heures selont les principales nationalités (IGSS, 2012)

113­­113­­{ Annexes }

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

ROUMANIE

SUISSE

RUSSIE

UKRAINE

AUTRICHE

ESPAGNE

TUNISIE

ITALIE

MAROC

TURQUIE

ALGERIE

BELGIQUE

FRANCE

ALLEMAGNE

Taux des frontaliers parmi les groupes principaux (IGSS, 2012)

02468

101214161820

MONTENEGRO

TCHEQUIE

PORTUGAL

BOSNIE

BRESIL

HONGRIE

FRANCE

SERBIE

POLOGNE

ALLEMAGNE

ROUMANIE

MACEDOINE

BULGARIE

MAROC

BELGIQUE

ESPAGNE

IRLANDE

CROATIE

ALGERIE

TUNISIE

INDE

ITALIE

UKRAINE

ROYAUME-U

NI

GRECE

SUEDEE U

A

ISLANDE

SUISSE

RUSSIE

LUXEMBOURG

PAYS-B

AS

FINLANDE

DANEMARK

TURQUIE

AUTRICHE

CHINE

Taux des indépendants selon groupes principaux (IGSS, 2012)

114­­114­­

05

101520253035404550

CAP-VERT

MACEDOINE

MONTENEGRO

ALGERIE

ALBANIE

MAROC

BOSNIE

SERBIE

SLOVAQUIE

PORTUGAL

TCHEQUIE

TUNISIE

POLOGNE

CHINE

BRESIL

UKRAINE

BULGARIE

ROUMANIE

CROATIE

HONGRIE

ITALIE

TURQUIE

RUSSIE

ESPAGNE

GRECE

FRANCE

LUXEMBOURG

PAYS-B

AS

ALLEMAGNE

BELGIQUE

AUTRICHE

INDE

FINLANDE

IRLANDE

ISLANDE

ROYAUME-U

NI

SUISSE

SUEDEE U

A

DANEMARK

Salaire horaire moyen en euro selon les principales nationalités (IGSS, 2012)

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

7000

SLOVAQUIE

CAP-VERT

MACEDOINE

ALGERIE

ALBANIE

MAROC

SERBIE

BULGARIE

ROUMANIE

TCHEQUIE

MONTENEGRO

CHINE

UKRAINE

POLOGNE

TUNISIE

BOSNIE

HONGRIE

PORTUGAL

CROATIE

RUSSIE

TURQUIE

ITALIE

ESPAGNE

PAYS-B

AS

FRANCE

GRECE

ALLEMAGNE

LUXEMBOURG

AUTRICHE

BELGIQUE

FINLANDE

INDE

IRLANDE

ISLANDE

SUISSE

ROYAUME-U

NI

SUEDEE U

A

DANEMARK

Salaire médian en euro selon les principales nationalités (IGSS, 2012)

115­­115­­{ Annexes }

05

101520253035404550

DANEMARK

SUEDE

ISLANDE

FINLANDE

ROYAUME-U

NI

SUISSE

IRLANDE

E U A

BELGIQUE

AUTRICHE

FRANCE

PAYS-B

AS

ESPAGNE

LUXEMBOURG

ALLEMAGNE

GRECEIN

DE

ITALIE

RUSSIE

MONTENEGRO

BOSNIE

PORTUGAL

CROATIE

SERBIE

TURQUIE

ALBANIE

HONGRIE

BRESIL

UKRAINE

MACEDOINE

TUNISIE

TCHEQUIE

POLOGNE

BULGARIE

ROUMANIE

CAP-VERT

MAROC

SLOVAQUIE

ALGERIE

CHINE

Taux de salariés résidant au Luxembourg au voisinage de SSM (IGSS, 2012, en %)

0

1

2

3

4

5

6

7

8

PAYS-B

AS

BELGIQUE

LUXEMBOURG

FRANCE

POLOGNE

ALLEMAGNE

ITALIE

MONTENEGRO

PORTUGAL

BRESIL

CROATIE

CAP-VERT

MACEDOINE

BOSNIE

Taux de personnes bénéficiaires du RMG, principales nationalités (2012, en %)

116­­116­­

Détails des analyses factorielles en composantes principales

Analyse­factorielle­:­«­Échelle­salariale­»

Nombre­de­variables 3

Nombre­de­cas 40

Degrés­de­liberté 5

Chi­2­de­Bartlett 160,277

Valeur­de­p <,0001

Valeurs­propres 2,208

%­de­variance­expliquée 0,736

Variables Saturation

Salaire­mensuel­médian­2012 0,942

Salariés­résidant­au­Luxembourg­%­au­voisinage­SSM­2012­NQ -0,963

Salariés­résidant­au­Luxembourg­%­au­voisinage­SSM­2012­Q -0,787

Analyse­factorielle­:­«­Stabilité/précarité­d’emploi­»

Nombre­de­variables 4

Nombre­de­cas 40

Degrés­de­liberté 9

Chi­2­de­Bartlett 36,872

Valeur­de­p <,0001

Valeurs­propres 1,968

%­de­variance­expliquée 0,492

Variables Saturation

%­intérimaire­2012 -0,807

%­présumé­CDI­2012 0,752

Augmentation­intérim.­2007-2012 -0,745

Augmentation­CDI­2007-2012 0,443

Analyse­factorielle­:­«­Secteur­d’activité­»

Nombre­de­variables 5

Nombre­de­cas 40

Degrés­de­liberté 14

Chi­2­de­Bartlett 75,217

Valeur­de­p <,0001

Valeurs­propres 2,717

%­de­variance­expliquée 0,543

Variables Saturation

K­Intermédiations­financières­2007­% 0,829

J­Information­et­communication­2012­% 0,826

F­Construction­2012­% -0,731

N­Activités­de­services­administratifs­et­de­soutien­2012­% -0,637

E­Production­et­distribution­d’eau­2012­% -0,637

117­­117­­{ Annexes }

­Analyse­factorielle­globale­:­«­Stratification­du­marché­»

Nombre­de­variables 3

Nombre­de­cas 40

Degrés­de­liberté 5

Chi­2­de­Bartlett 55,258

Valeur­de­p <,0001

Valeurs­propres 1,572

%­de­variance­expliquée 0,524

Variables Saturation

Salaires 0,889

Stabilité 0,749

Secteurs 0,585

Analyse­factorielle­:­«­Bénéfice­de­la­solidarité­sociale­»

Nombre­de­variables 3

Nombre­de­cas 40

Degrés­de­liberté 5

Chi­2­de­Bartlett 11,417

Valeur­de­p ,0435

Valeurs­propres 1,587

%­de­variance­expliquée 0,529

Variables Saturation

%­RMG­2011 0,814

%­chômeurs­2012 0,791

Augmentation­des­occupés­2007-2012­(diminution­des­chômeurs) -0,547­

118­­118­­

Grille d’entretien semi-directif (exemples des topiques autour desquels un échange libre est engagé)

1. IMMIGRATION

Origine­?Nationalités­?Lieu­de­naissance­?Date­d’arrivée­au­Luxembourg­?Lieu­de­résidence­?Occupation­du­conjoint­?Enfants­?Langues­parlées­dans­la­famille­?Scolarité­des­enfants­?

2. TRAVAIL

Diplôme(s)­?Profession(s)­antérieure(s)­?Situations­de­non-travail­(chômage,­RMG…)­?Situations­précaires­?­Pourquoi­?Profession­actuelle­?Ancienneté­?Évolution­des­postes­occupés­?L’entreprise­tient-elle­compte­de­votre­culture­?Des­attentes/revendications­?Quelles­sont­les­nationalités­rencontrées­au­travail­?Les­langues­au­travail­?Relations­avec­les­autres­travailleurs­?Avec­qui­communiquer­le­plus/le­moins­?­Pourquoi­?Apprit­à­mieux­connaître­ les­gens,­des­ langues,­ le­pays­grâce­au­travail,­à­ l’entreprise­?­Expliquer.Accepté­en­tant­qu’étranger­?Type­de­contrat­?Relations­aux­clients­?Qui/quoi­aide­au­travail­?Repas­et­pauses­?Dans­5­ans­?

3. QUOTIDIEN

Des­loisirs­?­Lesquels­?Avec­qui­?­Des­collègues­?Langues­des­loisirs­?Liens­au­voisinage­?­Qui­?CAI­?Relations­avec­sa­propre­communauté­?

4. INTÉGRATION. Une définition ?

5. AJOUTS ?