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Auteurs : Altay Manço, Frédéric Mertz, Laurence Gillen
Analyse statistique : Altay MançoEntretiens : Laurence GillenManagement de projet : Frédéric Mertz
Avec la collaboration de Sylvain Besch
Février 2014ISBN 978-99959-860-0-1
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier l’équipe du Cefis pour les multiples relectures et corrections de cette publication.L’équipe du CEFIS tient à signifier sa gratitude à tous les travailleurs et responsables qui ont bien voulu lui confier leurs témoignages. De nombreuses entreprises nous ont ouvert leurs portes, qu’elles en soient remerciées vivement. Sans ces aides et cette confiance, ce travail n’aurait pas pu être réalisé.
© CEFIS - La reproduction des données, graphiques, tableaux issus de cette publication
est permise à condition de mentionner la source
Fonds européen d’intégration des ressortissants de pays tiers 2007-2013
L E G O U V E R N E M E N TD U G R A N D � D U C H É D E L U X E M B O U R GMinistère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région
Office luxembourgeois de l’accueilet de l’intégration
Cette étude a été soutenue dans le cadre du Fonds européen d’inté-gration des ressortissants de pays tiers, projet cofinancé par l’UnionEuropéenneet l’OfficeLuxembourgeoisdel’Accueiletdel’Intégration(MinistèredelaFamilleetdel’Intégration)
5
Préface 7
1.TravailetimmigrationauLuxembourg:
problématique,questionsetméthodes 9
2.Panoramadumarchédel’emploiluxembourgeois:
présencedestravailleursoriginairesdepaysnon-UE 23
3.L’ethnostratificationdumarchédel’emploiauLuxembourg
etlaplacedestravailleurshorsUE 29
4.Approchequalitativedesprocessusd’intégration
auetparletravail 49
5.Conclusionetrecommandations 91
Bibliographie 105
Annexes 109
{Tabledesmatières}
7{Préface}
C’estunhonneuretunplaisirpourmoiquedeprésenterladernièreétudeduCEFISpubliéedanslasérieRED.
Pourlapremièrefois,laquestiondel’intégrationdesétrangersaétéabor-déesousl’angledel’emploi.Defait,letravailestundomainesouventigno-rédanslesétudesportantsurl’intégrationdesétrangersauLuxembourgalorsqu’ilconstituelaraisonprincipaledeleurémigrationetunetempo-ralitéessentielledeleurvie.
Cetteétudeaunobjectifambitieux:celuidedonnerlaparoleàdesacteurssocio-économiquesainsiqu’auxmigrantspourqu’ilss’exprimentsurleurintégrationvécueauquotidiensurlelieudutravailetparextensiondanslasociétéluxembourgeoise.
Lapartie introductiveetstatistiquedecetterechercheillustreclairementque certaines communautés étrangères se regroupent progressivementdanscertainssecteurs.Ceconstatestvalidéparl’analysequalitativeme-néedansdixentreprises.LeCEFISaobservélamanièredontlesmigrantss’intègrent«autravail»(recrutement,promotion,formation,...)et«par»letravail(intégrationsociale,réseauxdecollègues,apprentissagedeslan-guesenentreprise,...).
LeprojetaétésoutenuparleFondseuropéend’intégrationdesressortis-santsdepaystiers(FEI)dontl’objectifgénéralestd’intégrerlesressortis-santsnon-communautairesdanslespaysd’accueiletcofinancéauniveaunational par l’Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration en saqualitéd’autoritéresponsableduFEIauLuxembourg.
Cetteétudevientindiquerdespistesauxacteursdumondepolitique,éco-nomique,syndicaletassociatifquantaurôleàjouerdansleparcoursd’in-tégration des migrants et quant aux stratégies nationales d’intégration àmettreenœuvre.
Ceprojetn’auraitpuarriveràmaturationsansledévouementpersonneletl’expertisedechacundesmembresduCEFISquejefélicitevivement.
LeMinistredelaFamilleetdel’IntégrationCorinneCahen
11{ Travail et immigration }
La migration économique est un déplacement géographique de travailleurs motivé parl’inégalitédesconditionsdevieentrelepaysd’origineetlepaysdedestination.Selonl’OIM,lesmigrantséconomiquesreprésententplusde105millionsdepersonnesàl’échellemon-diale1.LeLuxembourgbénéficiegrandementdecesmouvements:c’estl’undespaysoùlaproportiondemigrantséconomiquesestlaplusélevéeauseindelapopulation2.Longtemps pensée comme temporaire, la migration de travail a d’abord concerné deshommesvenantchercherunemploisaisonnieroupourquelquesannéesseulement.Avecl’essoréconomiquedesannées50etlesloisfavorisantleregroupementfamilial3,lami-grations’estféminiséeetestdevenuepeuàpeudéfinitivepournombredetravailleursetleursfamilles.Aussi, laquestiondel’intégrationdecespopulationss’estgraduellementimposéedansl’agendasociopolitiquedespaysrécepteurs.
Que représentent aujourd’hui les migrations de travail ?Les raisons de migrer au Luxembourg peuvent être approchées par les statistiques detitresdeséjour.Toutefois,cesdonnéesdoiventêtre interprétéesavecprécaution :seulslesressortissantsdepaystiers(horsUE)sonticiprisencompte.Parailleurs,ilestdélicatdesupposerqu’unecatégoriedetitredeséjourcorrespondeàuneuniquecaused’immi-gration.Ainsi,lesmigrantspeuventpasserd’unstatutdeséjouràunautre4,certainstitres–commeleregroupementfamilial–n’écartentpaslapossibilitéd’accéderaumarchédel’emploi5.Diversescausesnonéconomiquesdemigrationpeuventinfinedonnerlieuàuneinsertionentantquetravailleur.
Catégories de titres de séjour délivrés en 2012 NMembredefamille 3443
Résidentlonguedurée 1770
Travailleursalarié 1590
Étudiant 346
Travailleurtransféré 325
Protectioninternationale 246
Élève 239
Cartebleueeuropéenne 183
Travailleurindépendant 106
Chercheur 58
Travailleurhautementqualifié 45
Travailleurdétaché 36
Sportifouentraîneur 34
Stagiaire 16
Volontaire 10
Prestatairedeservicecommunautaire 1
Total 9702
Source : Direction de l’Immigration, 2013 ; EMN, 2013.
1 www.iom.int/cms/en/sites/iom/home/what-we-do/labour-migration.html.2 LeLuxembourgaccueilleégalementunnombreimportantdetravailleursfrontaliers.3 En1957,uneconventionestsignéeentreleLuxembourgetl’Italiepourfaciliterl’immigrationfamiliale.4 En2012,lamoitiédestitresdélivréssontdespremièresdélivrances.L’autremoitiécorrespondàdesrenouvellements.5 Les détenteurs d’un titre de séjour en tant que « membre de la famille » d’un travailleur peuvent s’inscrire comme
demandeursd’emploiàl’ADEM.
12
Onconstatequelesmigrationsdéfiniescomme«forcées»(personnesayantobtenulebé-néficed’uneprotectioninternationale)représentent246personnes,en2012,soit2,5%destitresdeséjourdélivrésauxressortissantsdepaystiers6.Leregroupementfamilialrepré-sente 35 % des titres délivrés. D’après le Rapport politique sur les migrations et l’asile(EMN,2013),lamigrationéconomique(entenduecommel’additiondestitresdeséjourdé-livrésàdestravailleurs)représente22%desmigrantsressortissantsdepaystiers.CelapeutsemblerpeuauregarddelaprésencedesmigrantseuropéensetnoneuropéenssurlemarchédutravailauLuxembourg,quireprésententprèsde2/3delapopulationactive,frontaliersycompris.Lefonctionnementdumarchédutravailluxembourgeoisreposedoncsurlaforcedetra-vaildesétrangers (surtouteuropéenset/oufrontaliers)puisqu’ilssontplusdedeuxfoisplus nombreux que les nationaux : on comptabilise 251 023 salariés étrangers contre108027Luxembourgeois(IGSS,2012).Cette situation pose inévitablement la question de l’intégration des migrants sur leurlieudetravail,danslemarchédel’emploi,maisaussiauseindel’ensembledelasociétéluxembourgeoise.
Travail et intégrationMigrations,travailetintégrationsontdeschampssociauxinterconnectés.D’aprèslesré-sultatsd’uneétudesurlesfacteursd’intégrationsocialeauLuxembourg(Jacobs,Legrand,Mertz,2011),letravailestperçucommeunfacteuressentielduprocessusd’insertiondesmigrantsauseindelasociété.
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%
Acquérir la nationalité luxembourgeoise
Participer aux associations luxembourgeoises
Réussite des enfants à l'école
Garder coutumes et traditions
Trilinguisme
Mêmes droits et devoirs tout en gardant sa nationalité
Connaissance du luxembourgeois
Partage mutuel des richesses culturelles
Avoir un travail
Efforts et compromis réciproques 67 %
55 %
47 %
46 %
39 %
37 %
36 %
30 %
27 %
16%
Pour vous l’intégration c’est…
Source:Jacobs,Legrand,Mertz(2011).
Parmilesfacteursd’intégrationlespluscités,letravailarriveensecondepositionavec55%desrépondantsquil’estimentêtrel’unedesdimensions«trèsimportantes»del’insertionsociale,pourcentageauquelilfautajouter34%despersonnesquileconsidèrentcomme«important»,soituntotalde89%delapopulation7.Parailleurs, lespersonnesquivalorisentleplusletravailsontégalementcellesquionttendance à indiquer comme signes d’intégration d’autres éléments pragmatiques : la
6 Lenombrededemandeursd’asileestparcontreprèsdedixfoisplusélevé.7 Seloncetteenquêteréaliséeauprèsd’unéchantillonreprésentatifdelapopulationrésidenteauLuxembourg,l’idéedela
réciprocitédéfinitlemieuxl’intégration(67%depersonnes«toutàfaitd’accord»).Àl’opposé,l’acquisitiondelanatio-nalitéluxembourgeoiseparlesmigrantsestconsidéréecommeimportanteparseulement16%dessondés.
13{ Travail et immigration }
connaissancedelalangueluxembourgeoiseoudesautreslanguesnationalesou,encore,laréussitedesenfantsàl’école.Cettecatégoriequivalorisedesélémentsdetype«assi-milationniste»secomposeessentiellementdepersonnesissuesdecatégoriessociopro-fessionnellesàfaibleniveaud’éducationetdesalaire.
JacobsetMertz(2009)pointentégalementletravailparmilesdimensionslesplusimpor-tantespourl’intégration,àcôtédel’école,del’apprentissagedeslanguesoudurôlejouépar lesassociations.Les témoignagesrecueillisauprèsdemigrantsoriginairesdepayshorsUEetleuranalyse,danslecadredecetteétude,montrentlerôlejouéparl’occupa-tionprofessionnellesurdiversplans:
• lerevenu liéà l’emploidonneà l’individuuneutilitésocialeetpermet l’achatd’unlogement,ainsiquel’accèsàd’autresbiensetservices;
• ilpermetégalementlacréationdelienssociaux,ledéveloppementdecompétences(apprentissagedeslanguesnationalesnotamment),lapromotionsociale,lavalori-sationdel’identité,l’estimedesoietlareconnaissance.
Àl’inverse,l’étudemontrequeletravailpeutparfoisentraverl’intégrations’ilestvecteurd’exclusion sociale par la non-reconnaissance des diplômes ou l’organisation segmen-tairedumarchédutravail:lesPortugaisdanslaconstruction,lesLuxembourgeoisdanslafonctionpublique,etc.
Danslalittératuresociologique,ilestainsicourantdedistinguerl’intégrationstructurelledel’intégrationsocioculturelle(Heckmann,2003;Schnapper,2007).
L’intégration structurelle porte sur l’acquisition de droits et sur l’accès aux institutionsclésdelasociétéd’accueil(travail,logement,éducation,droitscivilsetpolitiques).
L’intégration socioculturelle aborde les changements de valeurs, de normes, d’attitudes(acculturation),lesréseauxsociauxoulessentimentssubjectifsd’appartenance(àlacom-munautéd’origineou/etaupaysd’accueil).
Laproblématiquequenouschoisissonsdetraiterdanslaprésenterechercheembrasseàlafoiscesdeuxaspectsdel’intégrationetleursrelations:
• D’unepart, l’intégrationstructurelle«au travail»enconsidérant l’emploi commeunespace-tempsessentieldecohésionsocialeetdespécialisationauseindelaso-ciété (Durkheim,éd.de1998).Cetespace-tempsdont le rôle intégrateurest véri-fiéàtraversl’histoire(Meda,1995)estdéterminé,entreautres,pardescontraintescontextuelles,commelespolitiquesd’emploioudesphénomènesdediscrimination,enplus,bienentendu,descaractéristiquespersonnellesdestravailleurs:niveaudequalification,duréedel’expérience…
• D’autrepart,l’intégrationsocioculturelle«parletravail»enétudiantlesdynamiquessociales propres à l’emploi qui suscitent des transformations de valeurs, normes,comportements,desapprentissagesutilisablesàl’extérieurdel’entreprise(commedesconnaissanceslinguistiques)oulaconstitutionderéseauxsociauxmobilisablesen diverses situations. Paugam (2009) montre que l’insertion professionnelle favo-risel’intégrationdanslesautressphèresdelavieensociété(famille,amis,actionscollectives…),notammentgrâceà la reconnaissancesocialeapportéepar lestatutprofessionnel.Alorsquelaperspectivestructurelledel’intégrationautravailadéjàfaitl’objetdenombreusesrecherches,l’intégrationparletravail–etnotammentsesconséquencespsychosociales–estunterraind’étudesdavantageinexploré.
14
Emploi, lien social, identitésLetravailapparaîtcommeunfacteurd’intégrationpourdesraisonsàlafoispratiquesetmatérielles (salaire, logement,apprentissagedes langues…),et relevantdedynamiquespsychosocialesinhérentesàl’exerciced’unemploi.
Aucœurdecesdynamiquessetrouvelasocialisation,comprisecommeunprocessusd’in-tériorisationdusocial(Durkheim,2013),doncdescontraintes,desnormesetdesvaleursquiimprègnentlavieensociété.Danslecadredelavieprofessionnelle,cetteappropria-tionsefaitauseindugroupedecollègues,declients,ensommedansunsystèmeinterneàl’organisationoùunemploiestexercé,auseind’unorganismeinfluencé,luiaussi,parlasociétéenvironnante.
Lasocialisationdanslecadredel’emploiestdite«secondaire»,paroppositionàlasocia-lisation«primaire»danslafamilleetàl’école(Dubar,1991).Elleparticipedelaconstruc-tion des identités sociales et professionnelles (partager des tâches, vivre des conflits,créerdessolidarités,prendrepartàdesrapportsdeforce…).
Les relations socioprofessionnelles peuvent être de diverses natures. Elles peuventconcernerdesindividusdansdesrapportspolymorphes:descollègues,uneéquipe,desclients,dessupérieurs,descollaborateurs,desmembresdelaconcurrence,lapopulationengénéral…Ellespeuvents’inscriredansladuréeounon.Chacunedecesinterrelationspermettraautravailleurdefondersesjugements,sesvaleurs,defavorisersaconfiance,d’élargirlecercledesesliaisonssociales…
Putnam(2001)danssonapprocheducapitalsocialdifférenciedeuxtypesderelations:le«bondingcapital»etle«bridgingcapital».Lepremiercorrespondauxlienshorizontauxentreproches,pareffetdesimilarité,quecesoitentrepersonnesdumêmemilieu,delamêmeorigineouculture,delamêmelangue,delamêmecatégoriesocioprofessionnelle,etc.Ilcomporteunefortedimensiondeproximitéculturelle,voireaffective.Àl’inverse,lesecondsecomposederelationsverticalesentreindividusquipeuventêtredifférentsparleurorigine,culture,classesociale,identitéprofessionnelle…etdontleslienssontparfoisponctuels,sansstructureapparente.
BienquelathéoriedePutnamsoitessentiellementtiréedesexpériencesrelationnellesauseindelasociétéglobale,ladifférenciationqu’ilproposeentrebondingetbridgingcapitalsembleintéressanteàéprouverauseindesentreprisesafind’observerl’usagequ’ilenestfaitlorsdephasesimportantesdelavieprofessionnellecommelerecrutement,lapromo-tion,lesmarquesdereconnaissancesociale...,ouencoreafind’enobserverlapertinenceàl’extérieurdel’entreprise,enmatièredeparticipationsociale.
Ainsi, Fukuyama (1995) estime que le bridging capital et l’expérience de la diversité quienrésultefavorisentlaconfianceetlacoopérationentredesgroupesdiversauseindesentreprisescommeilfavoriseégalementlacohésionsocialeauseindelasociété.
S’ilapparaîtévidentquelesinteractionssocialesdanslesentreprisesconditionnentl’inté-grationdessalariésàl’intérieurdel’organisationpourlaquelleilstravaillent,laprésenteétudeporteégalementsurl’intégrationdanslasociétépermise«parletravail»,c’est-à-dire leseffetsde l’exerciced’unemploisur lesparcoursd’insertiondes travailleursmi-grantsetdeleursfamilles,dansd’autressphèressocialesquecelledutravail.
15{ Travail et immigration }
Cessphèrespeuventêtredenaturestrèsdiverses.Ilenvaainsiduréseausocialinterneàl’entreprisepotentiellementmobilisableàl’extérieurdecelle-ci.Eneffet,lesréseauxdecollègues,dontcertainspeuventdevenirdesamis,permettentdesortir lemigrantd’unisolement éventuel par une orientation ou un soutien à la participation aux structuressocioculturellesdupaysd’accueil:participationassociative,civique,syndicale,politique,dansledomainedesloisirs,scolarisationdesenfants,etc.
Danscecadre,lasituationdémographiqueparticulièreduLuxembourg(environunemoi-tiéderésidentsétrangers)etdesonmarchédel’emploi(environ70%d’actifsnonluxem-bourgeois,dontdeuxtiersdefrontaliers)sontàprendreenconsidération.Undesenjeuxsinguliersdupaysenmatièred’intégrationparletravailest,eneffet,depouvoirmobiliserdanslasociétélecapitalsocialdéveloppésurlemarchédel’emploi,lesrelationsdeproxi-mitéentrecollèguespouvantlaisserbrusquementplaceàdeladistancesocialelorsquel’on se trouve à l’extérieur de l’entreprise. Cet éloignement peut être à la fois géogra-phique(onpeuttrouverauseind’unemêmeéquipedessalariésrésidantauLuxembourgetd’autresdanslespayslimitrophes)etculturel(en-dehorsdutravail,lalangueusuellepeutêtredifférente,ainsiquelesnormes,attitudes,valeurs...).
Or,pourlesmigrantsquiviventune«doubleabsence»(Sayad,1999),peuàpeuoubliésdans leurpaysd’origineet relativement invisiblesdans leurpaysd’accueil, comprendrelaculturedelasociétéd’accueil,sesnormesetvaleurspourlesconfronteràleurcultured’origineestuneétapeessentielledel’acculturation.Toutefois,auquotidien,lesmomentsoulesoccasionsquipermettentcetéchangepeuventêtreraresetéphémères.Letravail,parcontre,parcequ’ilestunedesformesimportantesdevieensociété,repré-senteuneopportunitémajeurepourseresocialiser; ilpermetunéchangeculturelpro-gressifetfacilitel’appropriationdesnormesdel’entrepriseet,parrayonnement,cellesdelasociétéd’accueil.
Valeur « travail » et reconnaissance socialeAu-delà des interactions quotidiennes et du lien social, le travail représente égalementunevaleurdanslasociété.LesreprésentationssocialesdutravailauLuxembourgontétéanalyséesdanslecadredelarechercheEuropeanValuesStudy(Fleury,2010).
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
2008
1999
Le trav
ail devr
ait to
ujours pas
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mêm
e si ce
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Les gens q
ui ne tr
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C'est hum
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Le trav
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ités
Trav
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vis-à
-vis
de la so
ciété
3,8
4,12
3,81
4,05
3,463,61 3,55 3,59
3,03
3,33
Représentations sociales du travail en 1999 et 2008
Source:Fleury,2010.
16
Les propositions testées par l’auteur renferment volontairement une forte connotationmorale,certainesutilisantdestermescomme«paresseux»,«humiliant»,«devoirvis-à-visdelasociété».Or,c’estprécisémentsurcestroisélémentsqueleLuxembourgsedistinguedesespaysvoisins(Mertz,2002)enaccordantàchaquefoisplusd’importanceauxréponsesdontleton«moralisateur»estmarqué.Celatémoignedelaprégnancedelavaleur«travail»commeunemodalitéducontrôlesocial.
Toutefois, il existe des différences significatives au sein de la population sur le rapportentremoraleettravail.
LesLuxembourgeoissont lesplusnombreuxàassocier lenon-travailet la«paresse»,contrairement aux autres résidents (principalement les Belges, Allemands et FrançaisétablisauGrand-Duché).Danslemêmeordred’idées,unécartde13%séparelesLuxem-bourgeoisdesautresnationalitéssurlaquestiondutravailentantque«devoirvis-à-visdelasociété».Cesdifférenceslemettentenperspective:letravailestdécidémentundesenjeuxcentrauxdel’intégration.
La reconnaissancesociale liéeau faitdedisposerd’unemploi rejaillitégalementsur lequotidien.Eneffet,sesentirreconnuetidentifiéparautruiàtraverssonstatutprofession-neletlesentimentd’utilitésocialequecelagénèrepermettentd’êtrevalorisé,desefaireconfiance lorsde transactionssociales,etc.Cetteconfiance favoriseàson tour l’estimedesoi,entantquecomposanteessentielledel’identitéetfacilitel’ouvertureàautrui.Cesaspects ont assurément une influence positive sur les compétences psychosociales desindividus(Manço,2002).
Inversement,lareconnaissancesocialeliéeautravailpeutdiminuer,voiredisparaîtreaudétrimentd’unsentimentdepertedesensdutravail(Dubet,2006),notammentensitua-tiondechômageoudesous-emploi.
Au-delàdesreprésentationssocialesdutravailetducontrôlesocialquiyestlié,lapar-ticipationausalariatetlepaiementdecotisationssocialesouvrentégalementdesdroitscollectifsetintègrentlesindividusàlasociétéetàsesinstitutionsdesolidaritéetdere-distribution(prestationsdel’assurance-maladie,del’assurancepension,etc.).
Le travail en crisesToutefois,depuisledébutdesannées80,lesévolutionsdumarchédutravailquestionnentlerôlejouéparletravailentantquevecteurd’intégration.
Premièrement,lesdifférentescriseséconomiques,lamontéeduchômage,lafragilisationdecertainscontratsdetravail, lagénéralisationde l’usaged’emplois intérimairesparti-cipentdelaprécarisationdumarchédutravail.Lespersonneslesplustouchéesparcessituationssontcellesquidisposentdemoinsd’atoutssur lemarchéde l’emploi (faiblesqualifications,absencederéseauxsociaux…).Lapartiestatistiquedecetteétudemontre-raqu’unepartiedesimmigréséconomiquesauLuxembourgsetrouvedanscesconditionsdeprécarité.
RobertCastel(1995)parlededésaffiliationsocialepourévoquerledécrochageetl’anomieprogressived’unepartiedestravailleursdansdeuxsphèresdifférentes:«insertion/non-insertion»danslasphèresocio-familialeet«intégration/non-intégration»autravail.
17{ Travail et immigration }
Concernant le travail, avec la crise économique et la précarité, trois situations se re-marquentdeplusenplus:
• soitonsesituedanslazoned’intégration,carondisposed’unemploipermanentetd’unréseausocialdurableetmobilisable;
• soit,danslecas inverse,onsetrouvedansunezonedevulnérabilitéetenproieàdessituationsdeprécaritéetdefragilitésurleplanprofessionnel;
• ce qui peut conduire, enfin, à une désaffiliation qui associe absence de travail etisolementsocial.
Concernantlapostureparticulièredesmigrantsdanslecadredecesfracturesdelaso-ciété,nousétudierons,danscetterecherche, lerôle jouépar le travail,enmatièred’in-tégrationéconomiqueetd’insertionsociale,enscrutant lestrajectoireset lesstratégiesdestravailleursétrangersetleursconséquencesentermesd’affiliationoudedésaffilia-tion sociales, dans des contextes professionnels souvent marqués par l’insécurité ou laconcurrence.
Lanotiondedésaffiliationpermetaussid’aborderd’autresspécificitésliéesauxmigrants:parexemple,lavulnérabilitépeuttrouversonoriginedansdesdiscriminationssubieslorsde l’accèsàoude l’exerciced’unemploi.Plusencore,à ladésaffiliationprofessionnelledans le pays d’accueil peut s’ajouter une désaffiliation socioculturelle par rapport à lacommunautéd’origine,enlienaveclasituationdela«doubleabsence»deSayad(1999).
Deuxièmement,letravailtraverseégalementunecrise,plusimmatériellecelle-là,quiaf-faiblitsonrôleentantquevecteurd’intégrationsociale.Pourcertainsauteurs,laplacedutravaildoitêtrerepensée,danslessociétésoccidentales,commeseullieudecréationduliensocial,souspeinedevoirl’économiedevenirl’uniquechampoùlesindividuspeuventfairesociété (Méda,1995).Certes, le travailaunevaleurprimordiale,maisd’autresdo-mainescommelepolitique(ausenslarge),l’associatif,leculturel,etc.permettentégale-mentdedonnersensàlavieensociétéetdeconstruiredulien,endehorsdelacontrainteutilitaristeetautourd’autresvaleurscommelasolidarité,leplaisir,etc.
Pourpalliercettesituation,Rifkin(1996)proposeunenouvelleperspectiveouvrantsuruntroisièmesecteur,capabledeproposerdusensetdesvaleurspourl’humainautrementqueparlaseuleactivitérétribuée,c’estcequel’onappelle«l’économiesocialeousolidaire».
Notonsencorequelesmétamorphosesdel’organisationdutravailinfluencentégalementlacapacitédecréerdulienenentreprise.Defait, lesrelationsentresalariésontévoluédepuisdeuxoutroisdécennies.L’individualisationdesrelationsdetravail (commel’éva-luationpersonnaliséedescompétencesetdesrésultats)favoriselaconcurrenceentretra-vailleurs et les solidarités de jadis s’effritent peu à peu, comme les organismes qui lesincarnent.Lacréationdecollectifsetdesolidaritésestparconséquentmiseàmal.
Enfin,enruptureaveclesmodèlesdemanagementdesannéessoixante(capitalismefami-lialpaternaliste),lesmodèlescontemporains(parprojets,gestionhorizontale,organisationenréseaux…)affirmentapporterlibertéetdroitàl’initiativeauxsalariés(Boltanski,1999).Toutefois,ceux-cileurattribuentégalementdesresponsabilitésnouvelles,etàcetitredescontraintes nouvelles : injonction d’être en relation sporadique avec les autres acteurs,augmentationdelaflexibilité,dudegréd’incertitude,dustressetdelaproductivité,etlimi-tationdeslienssociauxfortsparl’individualisationdesresponsabilités(DeGaulejac,1995).
18
Aveccesnouvellesnormesdemanagement,deviennentpeuàpeu«immobiles»lestra-vailleurs faiblementqualifiés,dontune largepartieestconstituéepar lesmigrants (Bol-tanski, 1999), contraints qu’ils sont de garder leur emploi aux conditions initiales, souspeinedetomberdanslaprécaritéetladésaffiliationsociale.Cettesituationprofitealorsàcertainescatégoriesdecadres,dontlamobilitésociale(d’uneresponsabilitéàl’autre),pro-fessionnelle(d’unprojetàl’autre)etgéographique(d’unefilialeàl’autre)sevoitrenforcée.
Questions de la rechercheEnsynthèse,l’ensembledecesconstatssoutenusparlalittératurepousseleCEFISàs’in-terrogersurleslienssociauxdesmigrantsdespaystiersauseinetautourdumarchédel’emploiluxembourgeois:
• Commentetenquoilefaitd’avoiruntravailparticipe-t-ildel’intégrationprofession-nelleetsocialedesmigrantsaujourd’hui?
• Quelssontlesprocessuspsychosociauxàl’œuvrelorsdel’exerciced’uneprofessionetquifavorisentouentraventl’intégration?
• Lefaitdetravaillerfavorise-t-ilpourlesmigrantslaconstitutionderéseauxsociaux,d’uncapitalsocialdanslepaysd’installation?
• Cecapitalsocialest-ildiversifiéouhomogène?Est-ilmobilisableà l’extérieurdumondedutravail?
• Letravail favorise-t-il laconstitutiond’identitésprofessionnellespositivesetd’unereconnaissancesocialepourlestravailleursissusdepaystiers?…
• Favorise-t-il laconstitutiondeliensidentitairesentrelesmigrantsetlepaysd’ac-cueil?
Une méthode d’analyse chronologique : étude des trajectoires migratoires et professionnellesIlestdifficileavecleseuloutilstatistiquedecomprendrel’importancedutravailcommefacteurd’intégration,dedécouvrirles«bonnesraisons»,lesvaleursouencorelesren-contresquifondentlaparticipationdesindividusdanslasociété.Unerecherchequalita-tivenouspermetenrevanchedemettreàjourlesdynamiquessocialesquis’yjouentauquotidien.
Aucœurdecettedémarchesetrouvelanotionde«trajectoire».Celle-cipermetdedé-passer une représentation figée du migrant et retrace les moments importants qui ja-lonnentsacarrièreprofessionnelleou,plusgénéralement,sabiographie.Chacundecesévènements correspond à une étape de la vie des migrants et donc à des positions so-cialesdifférenteslorsdesquellessedéploieunerecompositiondesappartenancesetdesidentités,dansunprocessusd’intégrationréciproqueaveclasociétéd’accueiletsesinsti-tutions,dontlemarchédel’emploiestunecomposantefondamentale.
Auseindechaqueentreprisesélectionnéepourlesbesoinsdelaprésenterecherche,ungroupedesalariésaétédésignépourfairepartiedel’échantillon.Cestravailleursdevaient,danslamesuredupossible,êtreintégrésdanslamêmeéquipedetravailoudumoinsavoirdesrelationsprofessionnellesavecdescollèguesdurantl’exécutiondeleurstâches8.
8 L’orientationdutravaildeterrainsuruneéquipespécifiqueauseind’uneentreprisedonnéepermetd’assurerquelesrésultatsdesentretiensportentbiensurunmétieridentiqueetsurplusoumoinslesmêmessituationsoucontraintesd’exerciced’unemploi.
19{ Travail et immigration }
Lestrajectoiresdesmigrantssontretracéesàl’aided’interviewssemi-directivescadréesparunguided’entretien:
• entrée sur le marché du travail (raisons et contexte de la migration, approche dumarché du travail luxembourgeois, accès aux offres d’emploi, reconnaissance desdiplômes,discriminationséventuelles…);
• maintien ou évolution dans l’entreprise (formation, promotion, développement descompétences…);
• «rayonnement»dansetau-delàdel’entreprise :constitutiond’unréseau,recon-naissancesociale,confianceensoietenlesautres…
Unélémentcentraldelagestiondesressourceshumainesestlerecrutement.Cetteétapedécisive conditionne l’accès à l’emploi (et donc l’intégration par le travail). Le choix desméthodesetprocessusderecrutementontdoncunimpactmajeur,entantque«filtres»volontairesousystémiquesàl’embauchedecertainescatégoriesdelapopulation,dontlesmigrants.
S’agit-il de méthodes de recrutement internes ou « réticulaires » pour lesquels les ré-seaux de proches des salariés sont mobilisés ? S’agit-il de la mobilisation de réseauxpropresàl’entreprise(recrutementdesalariéstravaillantdanslemêmesecteurouàl’in-terne,mêmes’ils’agitd’unebranchedel’entreprisesituéeàl’étranger…)?S’agit-ilen-cored’annoncesciblées(écolesspécialisées,recrutementssurunterritoiredonné,dansunelanguedonnée…)?
Selonqu’il soit formelou informel, le typedemanagementpeutégalement favoriser ladiversitéoul’homogénéitédeséquipesdetravailenpromouvantleturn-overauseindesunitésdeproduction,l’encadrementdessalariés,lacommunicationinterne,lagestiondescompétences,laformationàladiversité,lapromotionetlamotivationouencorel’accom-pagnement lors de l’installation d’un nouveau collaborateur (conciergeries d’entreprise,agencederelocation,etc.).Touscesélémentsontune influencenotablesur lacréationderéseauxsociaux internesauxorganisationset leur« transférabilité»à l’extérieurdel’entreprise9.
Comptetenuducaractèreforcémentsubjectifdesrécitsprésentésparlessalariésimmi-grésdepaysnon-UE,ontétémenésdes«entretiensdereflet»(toutaussisubjectifs)avecd’autresacteursdesentreprisesdel’échantillon.Cesentretiensavaientpourobjectifdetriangulerlesproposrecueillis,deles«intervalider»,delesmettreenperspectiveou,lecaséchéant,delesnuancer.Cesdernièresinterviewsont,parexemple,étéréaliséesavecladirectiondesressourceshumaines,ladélégationdupersonneletlesupérieurhiérar-chiquedel’équipedetravailinterrogée.Danscecadre,lespersonnesrencontréessontleplussouventdesLuxembourgeoisoudestravailleurscommunautaires.
Chaqueséanced’interviewnécessitantdesvisitesdanslesentreprises,celaacréél’occa-siond’observerdeslieuxcommelesespacesdetravail, lesoutilsdecommunication in-terne,lesespacesdedétente,lesmoyensdelocomotion,etc.commeautantd’indicateursdemanagementdeladiversité:unchoixvolontaireoulerésultatdelaconfigurationdespositionsdesunsetdesautresdansl’entreprise?
9 Ilfautconsidérerlamiseenœuvredepolitiquesderessourceshumainesdansuneviséedynamiqueettemporelle:plusuneentreprisegranditetvoitsoneffectifaugmenter,plusildevientnécessairederéfléchiràunepolitiquedupersonneletpluslepotentield’interactionssocialesdevientimportant.Maisunefoiscettepolitiqueinstallée,ellepeutchangerdenatureselonlescirconvolutionsdel’entreprisesurlemarché(changementdedirecteur,rachatparunemultinationale,etc.).
20
Aufinal,neufentreprisesdetoutetailleetprèsde50entretiensontétémenésavecdestravailleurs,durantlepremiersemestre2013paruneéquipemultilingueetpluridiscipli-nairedechercheurs.Les données statistiques disponibles par secteur d’activité ont permis de connaître lesproportionsdesalariésnoncommunautairesetdoncdeciblerceuxquisemblentêtreuneporte d’entrée significative au marché de l’emploi pour cette population. Plusieurs sec-teurs ont ainsi été considérés : restauration, finance, industrie, logistique, distribution,nettoyage,services.
Enfin,l’analysedelalittératureetdesdonnéesstatistiquessurlemarchédel’emploiauLuxem-bourg10,ainsiquelarencontred’unedizainedetémoinsprivilégiésdeceterrain(syndicalistes,chercheurs, responsables administratifs, membres d’associations locales, élus, travailleursd’entreprisesd’insertion,travailleurssociaux)ontpermisdedévelopperleterreaud’unelec-tureglobaledesphénomènesd’intégrationéconomiquedesmigrantsauGrand-Duché.
Schéma du travail de terrain et grille d’analyse des entretiensCesontdonctroislecturesdifférentesquistructurentlarecherche:lesniveaux«micro»,«méso»et«macro».
Chacun de ces regards analytiques est alimenté par des entretiens réalisés auprès degroupesspécifiquesd’individus.Lestroisgrillesd’indicateurspermettentdecibleretrete-nirlesthèmesclés,selonleurrécurrencedanslesentretiens,ainsiqueleuragencementdanslesdiscoursafindedonnerunedimensioncompréhensiveauphénomènedel’intégra-tionauetparletravail.Cestroisregardsnesontpasàconsidérercommeséparés,maiscomplémentairesdansuneperspectived’intervalidation: lesdonnéescollectéesdansuntyped’entretiensontconfrontéesetmisesenperspectiveauxdeuxautreslectures.
10 Ellescomparentlasituationdesressortissantsdepaystiersauxautresgroupesdenationalités(Luxembourgeois,res-sortissants de l’Union européenne) et analysent, entre autres, les proportions de travailleurs payés au salaire socialminimum,lessalaireshoraires,lestypesdeprofessions,lesduréesdecontratdetravail(tempsplein,tempspartiel),lestypesdecontrat(duréedéterminéeouindéterminée)
Entretiens salariés
Indicateurs de trajectoire :avant/pendant/autour
du travail
Lecture« Micro » :l’individu
Entretien 1
Entretien 2
Entretien 3
Entretien …
Entretiens DRH,syndicat,
responsable
Indicateursd’organisation du travail :
management, contextede travail, cohésion,
solidarités…
Lecture« Méso » :
l’entreprise
Entretien 1
Entretien 2
Entretien 3
Entretien …
Entretiensinterlocuteurs
privilégiés
Indicateurs sociétaux :politiques, économiques,
sectoriels
Lecture« Macro » :
le contecte social
Entretien 1
Entretien 2
Entretien 3
Entretien …
21{ Travail et immigration }
Lalecture«micro»constituelabasedel’étude.Ils’agitduregardsurlespratiquesin-dividuelles d’intégration au travail. Les entretiens avec les travailleurs ressortissantsde pays tiers abordent la trajectoire migratoire, les raisons du départ et de l’arrivée auLuxembourg,lecanalderecrutement,lareconnaissanceéventuelledudiplôme,lecontratde travail, l’accueil dans l’entreprise (un éventuel tutorat…) et l’évolution dans l’emploi(comme le développement de compétences professionnelles ou sociales), ainsi que leschangements survenus à l’extérieur de l’entreprise comme le regroupement familial, lechangementdu lieud’habitat, l’achatd’un logement, laparticipationsociale,associativeoupolitique,lesentimentd’appartenanceauterritoireoudereconnaissancesociale…
Lalecture«méso»prendencompte l’influenceducontextecollectifetorganisationnelsurl’intégrationautravail.Ils’agitdoncd’uneanalyseparentreprisesplutôtqueparindi-vidus. Les entretiens menés avec les responsables hiérarchiques, les collègues directs,ainsiqu’aveclesreprésentantsdumondesyndicaletladirectiondesressourceshumainesconstituent leterraindecettedimension.L’influenced’unepolitiquedegestiondeladi-versité (lorsqu’elle existe), les formes de solidarité collective, les conditions pratiquesd’exercicedel’emploi(travailenéquipeouensolitaire,travailposté,pénibilitédutravail…)représententautantd’élémentsd’analyse.
Enfin, certains entretiens menés auprès de représentants des employeurs (fédérationsd’entreprises,chambredecommerce,sociétésdetravail intérimaire)oudestravailleurs(syndicats),ainsiquedestructuresassociativesd’insertionsocioprofessionnelleapportentun regard«méta»sur lecontextesociétalde l’intégration.Les représentationsdecestémoinscléssituentlesdynamiquesindividuellesouorganisationnellesdansl’environne-mentéconomiqueetsociopolitiquespécifiqueduLuxembourg11.
11 Ensusdecettepublication,lavalorisationdesrésultatsseferaégalementàtraverslacréationdecontenuspourforma-tionsoud’autresoutilsdesensibilisationàdestinationdestructuresactivesdansledomainedel’emploioudel’intégra-tion:directiondesressourceshumaines,syndicats,décideurspolitiques,associationscommunautaires…
2
Panorama du marché de l’emploi luxembourgeois :
présence des travailleurs originaires de pays non-UE12
12 AveclescontributionsdeNénadDubajic,SylvainBesch.
25{ Panorama du marché }
SelonlesdonnéesduRépertoiregénéraldespersonnesphysiquesRGPP(2013),548000personnesviventauLuxembourg;175nationalitésysontreprésentées,45%delapopu-lationestétrangère.
Principales nationalités dans la population résidente au LuxembourgNationalités Total Nationalités Total Nationalités Total
LUXEMBOURG 295870 KOSOVO 1622 SLOVÉNIE 491
PORTUGAL 92451 IRLANDE 1579 ALBANIE 484
FRANCE 36887 BRÉSIL 1422 CROATIE 479
ITALIE 19264 HONGRIE 1182 UKRAINE 477
BELGIQUE 18544 FINLANDE 1146 CANADA 444
ALLEMAGNE 13422 RUSSIE 1110 THAÏLANDE 370
ROYAUME-UNI 6237 BULGARIE 975 CAMEROUN 354
ESPAGNE 4475 TCHÉQUIE 906 IRAN 354
MONTÉNÉGRO 4344 AUTRICHE 848 TUNISIE 351
PAYS-BAS 4341 INDE 799 ALGÉRIE 318
POLOGNE 3368 SLOVAQUIE 670 PHILIPPINES 313
CAP-VERT 2624 LITUANIE 634 NORVÈGE 308
BOSNIE 2360 SUISSE 600 MALTE 245
SERBIE 2260 MAROC 592 DOMINIQUE 224
ROUMANIE 2226 JAPON 590 IRAQ 216
DANEMARK 2171 TURQUIE 573 NIGERIA 208
EUA 2142 ESTONIE 556 SÉNÉGAL 196
GRÈCE 1995 MACÉDOINE 551 BELARUS 191
CHINE 1961 LETTONIE 521 RSA 190
SUÈDE 1839 ISLANDE 517 RDC 168
Source:RGPP,2012.
12
Salariés et indépendantsPlusde360000salariés travaillentdans lepays,qu’ilsysoient résidentsou frontaliers(IGSS,2012) ;auniveaude l’emploi intérieur13,70%sontétrangers.Danscegroupe, lagrande majorité est de l’UE (97 %) ; 3 % des salariés seulement sont extra-européens(12300 travailleurs).Le tauxde femmesparmi lessalariésestde39%.Ce tauxestde44%chezlesLuxembourgeois.
Plusdeneufdixièmesdetouslesactifssontsalariés.Lessalariésreprésententvirtuellement68%delapopulation,maisunnombreimportantparmieuxestfrontalier(44%).Lesfrontaliersreprésententlamajoritédestravailleursdel’UE(64%).Seulement6%desnon-UEsontfron-taliers,dontdespersonnesissuesducontinentafricain;3%dessalariésluxembourgeoissontégalementfrontaliers.Legroupedessalariésfrontaliersasiatiquesestleplusféminisé(58%).Autotal,4frontaliersnon-UEsur10sontdesfrontalières.L’observationmontrequelestravail-leursfrontaliersontquintupléen20ans.L’augmentationdessalariésrésidentsUEestnotableégalement(+100%).Enrevanche,lesnationauxetlesnon-UEsontrelativementstables,sicesderniersaugmententégalement,ilsreprésententunchiffremarginalennombreabsolu.
13 Lexique: Emploiintérieur=travailleursrésidents+travailleursfrontaliers Populationactive=salariés+indépendants+chômeurs Personnesoccupées=salariés+indépendants Tauxdechômage=chômeurs/actifs
26
Près de 23 000 indépendants et assimilés travaillent au Luxembourg. Ce groupe repré-senteàpeine4%delapopulationglobale.IlestpartagéentrelesLuxembourgeoisetlesautresressortissantsde l’UE.Lesnon-UEsontquasiabsentsdecettecatégorieprofes-sionnelle : 232 indépendants européens non-UE, 223 Asiatiques, 108 issus du continentaméricain,etc.Environ37%desindépendantsduLuxembourgsontdesfemmes.
Secteurs d’emploiLarépartitiondestravailleursselonleurnationalitéàtraverslessecteursd’emploin’estpas aléatoire. Dans les secteurs NACE Administration publique (O) et Énergies (D), lesLuxembourgeoisontquasilemonopoledel’emploi.Pourtouslesautressecteurs(IGSS,2012),travailleursrésidentsounon,lesressortissantsdel’UEsontmajoritaires,avecdestauxdeprésenceallantde50à86%del’emploi.LeurtauxdeprésenceestinversementproportionnelàceluidesLuxembourgeois.Quantauxnon-UE,ilsaccusentunesurrepré-sentationdanslessecteursHébergementetrestauration(I)etActivitésdesoutien(N).Lessecteursducommerce(G)etdelaconstruction(F)sontégalementparmilessphèreséco-nomiquesmajeuresmarquéesparlaprésencedesnon-UE(12à16%decettepopulation).
Taux d’activité et chômageLetauxd’activitédelapopulationimmigrée(73%)estplusélevéquecelledelapopulationluxembourgeoise(68%).LeStatecétablit,en2010,à60%letauxd’activitédesfemmescontre80%celuideshommes.Notonségalementquel’emploiàtempspartielconcerne17 % des Européens et 18 % des Luxembourgeois. Seulement 6 % des hommes sontconcernés,contre34%desfemmes.
Si l’on compare la structure de la population du Luxembourg en termes d’origines à lastructure du marché de l’emploi, on obtient le tableau suivant (données de l’IGSS et del’ADEMen2012):
• LesLuxembourgeoisreprésententenviron55%delapopulationtotaleetdelapopu-lationactivecontre30%dessalariés,47%desindépendantset39%deschômeurs.
• LesEuropéens(UE)représententenviron40%delapopulationtotaleetdelapopu-lationactivecontre66%dessalariés,49%desindépendantset46%deschômeurs.
• Lesnon-UEreprésententseulement5-6%delapopulationtotaleetdelapopulationactivecontre4%dessalariésetdesindépendants,et15%deschômeurs.
27{ Panorama du marché }
LespersonnesoriginairesdespayshorsUnioneuropéennesontsurreprésentéesauchô-mageparrapportàleurprésenceauseindelapopulationglobale.Lessalariéseuropéens(UE)lesontparrapportàleurreprésentationdanslapopulationactive.
D’autresdonnéessurlechômagesignalentqueletauxdenon-emploiaugmentegraduel-lementauLuxembourgdepuis2005.Ilestàprèsde15%delapopulationactivedemoinsde 25 ans. Les catégories les moins longtemps scolarisées sont les plus touchées parl’exclusiondumarchédutravail.Environ15%deschômeursextraeuropéensauLuxem-bourgsontdiplômésd’étudessupérieures.Néanmoins,lescompétenceslinguistiquesdecegroupeenfrançais,anglais,allemandetluxembourgeoissontestiméesmoinsamplesquecellesdesLuxembourgeoisetdesimmigréseuropéens(Hartung,2010).
Approche du taux de chômage pour les principales nationalitésNationalités %chômage Nationalités %chômage
MACÉDOINE 28 POLOGNE 7
MAROC 28 HONGRIE 6
ALGÉRIE 26 BELGIQUE 6
TUNISIE 24 ALLEMAGNE 6
SERBIE 21 INDE 5
ALBANIE 20 PAYS-BAS 5
BRÉSIL 20 IRLANDE 5
CAP-VERT 19 ROYAUME-UNI 5
TURQUIE 16 CHINE 5
RUSSIE 15 AUTRICHE 4
BOSNIE 14 EUA 4
UKRAINE 13 DANEMARK 4
BULGARIE 12 FINLANDE 4
PORTUGAL 12 LUXEMBOURG 3
ROUMANIE 11 SLOVAQUIE 3
ESPAGNE 11 TCHÉQUIE 3
CROATIE 10 FRANCE 2
GRÈCE 9 SUISSE 2
ITALIE 9 SUÈDE 1
MONTÉNÉGRO 8 ISLANDE 1
Sources:IGSS(2012),ADEM(2012),calculsCEFIS,moyenne=7%.
Flux de travailleurs non-UED’aprèslesdonnéesdel’IGSS(2012),lenombredessalariésoriginairesdel’ancienneYou-goslaviechute(de4000en2007à3400en2012).Ceciestsansdoutedûàl’impactdelanaturalisation, mais également de la crise financière. En revanche, entre 2007-2012, onassiste à une légère augmentation du nombre des salariés indiens, chinois, brésiliens,russes et capverdiens (de 100 à 200 entrées supplémentaires entre 2007 et 2012). Onconstateque les travailleurs lesplusqualifiésviennentdeChineetdespaysde l’OCDE.LesBrésiliensetlesCapverdiensreprésententlesélémentslesmoinsqualifiésdesflux.
31{ L’ethnostratification du marché }
LesconstatsconcernantlasituationprofessionnelledesimmigrésenEurope,notammentoriginairesdepaysnonmembresdel’UE,sontnombreux:manquedequalificationschezcertains—nouveauxarrivants,entreautres—,non-valorisationdescompétencesdesper-sonnesqualifiées,précaritéde l’emploi,enparticulierpour les femmes,discriminationsmultiples,difficultésdemaîtrisedes languesofficielles,absencederéseauxpertinents,etc. Ces difficultés sont aggravées par la crise économique, la situation des personnesd’origineétrangèresedégradantplusrapidementquecelledesnationaux.Lessecteursemployant les migrants sont particulièrement touchés, notamment avec l’augmentationdutravailillégal14.
LaBelgique,parexemple,obtientdesscoresparmilesplusbasencequiconcerneletauxd’emploides travailleurs immigrés,etundespourcentages lesplusélevésdechômageparmilesétrangers.SilesBelgesontletauxd’emploileplusélevé,lesautresEuropéensoccupentunepositionmédianetandisquelescatégoriesturque,marocaineetcongolaiseontlestauxd’occupationlesplusfaibles.Ilséprouventlesconditionsdesplusdéfavorablesentermesd’accèsàl’emploi,dechômageetdeségrégation.Danslesentreprisesprivées,lestravailleursoriginairesdelaTurquie,duMaghrebetdel’Afriquesubsaharienne,mêmenaturalisés,occupentquasisystématiquementdespositionspeuenviablesauregarddevariablestellesquestatuts(intérim…),rémunération,tempspartiels,horairesdenuit,etc.Lessecteursprincipauxconcernéssontlessoinsdesantéetsoinsauxpersonnes,l’hôtel-lerieetlarestauration,lenettoyageindustriel,laconstructionetlestransports.Lasitua-tiondecestravailleursn’estguèremeilleuredanslesecteurpublic.
Unebatteriedeplusenplusélargiederecherches(entreautres:Feld,2010;Keyser,Del-hezetZimmer,2012)montrequ’àchacunedesétapesdelavieprofessionnelle,unequan-titédepratiquesdiscriminatoiresexcluentdesminorités,souventdemanièrediscrète.
Ainsi, la récente recherche de Lamghari (2012) au sein de l’entreprise publique bruxel-loisedetransportencommun(STIB)montrequeles«autochtones»15représentent62%de l’ensembledes travailleursde lacompagnie.Cequiglobalementcorrespondà l’inci-dencedecettecatégorieauseindelapopulationgénérale.Toutefois,quandonanalyselastructurede l’emploiauseinde l’entreprise,onconstateque lescatégories«membresdeladirection»,«cadres»et«employés»concernentles«autochtones»àraison,res-pectivement,de97,94et82%.Enrevanche, lacatégorie«conducteurs»concerne les«allochtones»àraisonde56%16.Toutsepassedonccommesidiverstypesd’emplois,diversementvalorisés,étaientréservésàcertainescatégoriesplutôtqu’àd’autres.
Les discriminations se combinent en système et donnent donc lieu à l’émergence desecteurs « ethnostratifiés » (Martens, 2006). Non seulement des secteurs peuvent êtresaturéspardespersonnesd’uneoriginedonnée,mais,commelemontrel’exemple,àl’in-térieurd’unmêmesecteur,ladistributiondestravailleursselonlesmétierspeutdonnerlieuàuneségrégationdetypeethnique.
14 http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/employment_unemployment_lfs/data/database; www.ilo.org/public/english/protection/migrant/download/global_crisis.pdf.15 Définiscommeétantles«Belges,nésbelgesetdontundesdeuxparentsaumoinsestnébelge»,soitenviron68%de
lapopulationactivedelaBelgique(18-60ans).Lerestedelapopulation(32%)estcomposédes«allochtones»quel’onpeutdéfinircommeles«Belgesetlesétrangers,nésétrangersetdontlesparentssontnésétrangers.Danscegroupe,environ10%estcomposédepersonnesoriginairesdesautresÉtatsdel’UE,4%depersonnesoriginairesduMaghrebetlereste(18%)correspondàd’autrescombinaisonspossibles(SPFEmploi,2011).Notonsquecesstatistiquesgéné-ralesnereflètentpaslapartdes«allochtones»,beaucoupplusimportante,danslesgrandesvillescommeBruxelles.
16 Danscetteentreprisepublique,lacatégorie«ouvriersnonroulant»–etdoncsuivantmajoritairementlesheuresdetravailenjournéeetensemaine–estcomposéed’«allochtones»àraison34%etd’«autochtones»àraisonde66%.
32
Stratifications du marché de l’emploiLeducetGenevois(2012)proposentdedistinguerlesniveaux«salariés»,«entreprises»et«marchés»:
• Auniveaudessalariésd’uneentreprisedonnée,lemarchéseraitscindéentre«insi-ders17»et«outsiders18»(LindbecketSnower,1986).
• Au niveau des entreprises dans leur ensemble, les travaux de Doeringer et Piore(1971)indiquentunedualitéentrele«segmentexterne»etle«segmentinterne».Cedernier,contrairementaupremier,régit,auseindescompagnies—etselonleurspropresrèglesetprocédures—,l’organisationdutravail,larémunération,etc.; lestravailleursdumarchéinternejouissantd’avantagesquelesautresn’ontpas.
• Lagénéralisationdel’oppositiondécriteauxniveauxprécédentsdonnesasubstanceà la théorie duale du marché du travail19. Elle stipule une nette segmentation dessecteursetdesemploissurlabasedescaractéristiquestellesqueleniveaudesa-laire,destabilité,deconditionsdetravail,deformation,depossibilitésdepromotion,etc.Lemarchésepartageainsientredes«secteursprimaires»(«goodjobs»),desemploisstablesetbienrémunérés,etdes«secteurssecondaires»(«badjobs»),desemploisprécairesetmalrémunérés,voireardus,dangereux,etc.
Ces segmentations d’emplois et de corps professionnels occasionnent l’émergence demultiplesformesdestratificationsdumarchédutravail : lesstratessupérieures20ydo-minentlesstratesinférieures21.Chacundecessegmentsprincipauxconnaîtdessubdivi-sionsensonsein,donnantlieuàunéventaildesituationsintermédiaires.
Pour Bluestone (1970), les secteurs économiques ou les industries sont eux-mêmesstratifiés opposant, d’une part, l’économie du centre22, et d’autre part, l’économie péri-phérique23, cette dernière pouvant même se prolonger dans une économie irrégulière,comprenantlesactivitésinformellesoutotalementclandestines.
Qu’en est-il au Luxembourg ?SelonLeducetGenevois(2012),lamajeurepartiedesemploisysontdesCDI:lasegmen-tation du marché du travail s’y fait donc essentiellement en termes de rémunération etdequalification.D’aprèscetterécenteétude,lesdonnéesnefontpasclairementémergerdeux segments séparés, conformément à la théorie duale du marché du travail. Toute-fois, lescaractéristiquesparticulièresdessegmentsobservéspermettentderepérerdegrandestendances.
Ainsi, un certain nombre de segments d’emploi s’apparenterait au marché dit « secon-daire»,c’est-à-direunmarchéoùlesemploissontmoinsprotégés.Ainsi,unindividuayantconnu de nombreux changements de poste ou des épisodes de chômage, par exemple,
17 Protégésparleurdegrédequalificationoud’expérience,deproximitédescerclesdedécisionetdesyndicats,decentra-litédanslaproductionetpardescoûtsderemplacementélevésencasdeturn-over.
18 Destravailleursdebasequinedisposentpasoupeudescaractéristiquesdes«insiders»,sibienqueleurspostessontsouventexternalisésetconfiésàdessous-traitants,desintérimaires,etc.
19 Entreautres:Averitt,1968;Piore,1972;Gadrey,1992.20 Exigeantdesqualificationsélevées,unepersonnalitéautonome,desprisesd’initiative,delacréativité…,proposantdes
postescentrauxettransversaux(ditle«noyauvital»oule«cœurdumétier»,le«corebusiness»)etdessalairesrela-tivementhauts,unebonnesécuritéd’emploi,etc.
21 Correspondantàdestâchesstandardisées,routinières,desrèglesetprocéduresrelativementrigides,nenécessitantpasdelonguesformations,etc.,etn’offrant,biensouvent,qu’unefaiblesécuritéprofessionnelleetpécuniaire,puisqueba-séessurdesactivitéspériphériquesàlaproductionetsusceptiblesd’êtreexternaliséesenfonctiondescoûtsderevient.
22 Grandesentreprisesdelafinance,del’industrieautomobile,dusecteurdesénergies,descommunications,etc.23 Servicesauxentreprisesetauxpersonnes,agro-alimentaire,commerces,construction,etc.
33{ L’ethnostratification du marché }
seraitplussusceptibledefairepartiedecemarché.D’autressegmentsseraientalorsda-vantageassociésaumarché«primaire»composéd’emploismieuxprotégés,d’unesta-bilitéetdetransitionspositivesdurantlacarrière,etc.Lesauteursobserventégalementl’émergence d’un troisième secteur qualifié de « marché intermédiaire ». Il est en effetdéfinipardesemploisprésentanttantlescaractéristiquesdumarchéprimairequeceuxdumarchésecondaire.
LetravaildeLeducetGenevois(2012)nepermetpasdeseprononcersuruneéventuelleclé de répartition ethnique ou nationale entre lesdits marchés du travail, le focus deschercheursayantdavantageconcerné lesdegrésdequalificationet legenre.Sidesob-servationssontproposéesàproposdestravailleursétrangerseuropéens,lecasdesres-sortissantsdepaystiersn’estpasétudié24.
Parconséquent,ilestutilededécrirelasituationprofessionnelledestravailleursdena-tionalitéétrangèreetenparticuliercelledestravailleursissusdepayshorsUnioneuro-péenne, d’autant plus que le CEFIS a pu bénéficier des statistiques mises à dispositionpar l’IGSS25.Onproposeégalementquecetteobservationconcernenonpasunmomentstatique,maisplusieursetsipossibletouteunepériode,defaçonàsaisirleslogiquesetlesdynamiquesdesegmentationdumarchédel’emploi.
Étude quantitative de la stratification du marché luxembourgeois selon les nationalitésL’approchesebasesurletraitementdesdonnéesdel’IGSSde2007etde2012(lesplusré-centesdisponibles).Lesécartsentrelesdeuxobservationssontcensésinformersurlesdy-namiquesdel’emploidansunepériodemarquéeparleseffetsdelacrisefinancièrede2008.
Quarantenationalitéssontprisesencompte:ellessontlesplusreprésentéessurlemar-chédel’emploi(plusde300travailleurschacune).Cesontlesnationalitésdel’UEetcer-tainesorigineshorsUE.Aussi,l’échantillonreprésente100%destravailleursprésentssurlemarchéluxembourgeoisetissusd’unÉtatmembredel’Union.PourlestravailleurshorsUE,letauxdecouvertureestde85%,lestravailleursdestrèsnombreusesautresoriginesreprésentésparfoisparquelquesindividusseulementsurlemarchéluxembourgeoisn’ontpaspuêtre intégrésdanslesanalyses.Parmi lespaysnon-UEprisencompte,ontrouvedesÉtatsdel’EspaceEconomiqueEuropéen,despaysdel’OCDE,certainspaysémergents,ainsiquelespaysdesBalkans,duMaghrebetleCap-Vert.Ils’agitdepersonnesdenatio-nalitéétrangère,lespersonnesnaturaliséessontconsidéréescommedesLuxembourgeois.
Près de 160 observations socio-économiques ont été réunies pour l’ensemble de cesgroupes nationaux. Ce sont dans la plupart des cas des données de l’IGSS. Certainessont obtenues par combinaison entre observations disponibles (écarts 2007-2012, parexemple).Lesdonnéescouvrentdiversesdimensions,ellessontlistéesenannexe:
24 OndoitunprécédenttravaildanscedomaineàFehlenetPigeron(2009)quimontrentque«lesnouveauxvenus,qu’ilssoienttravailleursplusoumoinsqualifiésoudécideurséconomiques,ontdesdifficultésàs’insérerdansunsystèmed’emploirégipar lemodèleconsensuelderégulationdesconflitsd’intérêtsquiprévautauLuxembourg. (…)Pour lessalariés, il s’agit de trouver un emploi ou du moins percevoir une rémunération supérieure à celle qu’ils pourraientespérerdansleurpaysd’origine.Pourlesentreprises,celaconsisteàtrouverdesconditionsplusavantageusesauni-veaulégislatifetréglementaireleurpermettantdefairedessurprofits».C’estainsique,selonlesauteurs,le«modèleluxembourgeois»s’accommodedel’économiemondialisée.L’avenirmontreracommentlesystèmeéconomiquedupaysrésisteraàlacriseetenquoilesdifférentsmarchéssegmentésprésentésparlesauteursserontaffectéspardesméca-nismesdedérégulation:lacohésionsocialeetlaredistributiondesrichessesentrenationaux,frontaliers,immigrésdelonguedateetnouveauxvenusfigurentparmilesprincipauxenjeuxpolitiquesduGrand-Duché.
25 Noustenonsàadressernosplusvifsremerciementsàl’IGSSetàM.CarloHaller,ainsiqu’àMmeIsabelleDebourges.Saufmentioncontraire,touteslesdonnéessontdel’IGSS.
34
• Données démographiques : population totale, taux de femmes, taux de jeunes demoinsde18ans…
• Données économiques : nombre de personnes occupées, de salariés, de fonction-naires,d’indépendants,defrontaliers…,donnéessurlesrevenus(RMG,salairemé-dian…),donnéessurletempsdetravailetlestypesdecontrat,lessecteursd’emploi(NACE)etlesqualifications(CITP),etc.
• Donnéessociologiquesliéesàl’asilepolitique,àlaparticipationpolitiqueauLuxem-bourg:tauxd’inscriptionsurleslistesd’électeurs,etc.
Toutes ces observations portant sur les 40 nationalités de l’échantillon constituent unematricesoumiseàdeuxtypesdecalculs:
• L’analysefactorielleencomposantesprincipales;• L’analysederégressionsimple26.
Synthèse des résultatsUnepremière lecturedescriptivedesdonnéesmontrequesi,entre2007et2012, lapo-pulationduLuxembourgaaugmenté,latailledespopulationsétrangèresoriginairesdesBalkansetduCap-Vertn’augmentepasdanslamêmemesure,voiresetasse.Ceconstatpèsesurl’appréciationdesvariableséconomiques:lesnaturalisationsnombreusesdansces deux groupes et les migrations (de travailleurs plus qualifiés) venant des nouveauxpaysde l’UEet,dansunemoindremesure,duPortugalexpliquentce fait.Toutefois,untiersdespersonnesoriginairesdesBalkansontmoinsde18ans :ceciplacecegroupeparmilesplusjeunesdelapopulation.Danslapopulationgénérale,cetauxestde20%seulement.
Entre2007et2010,lenombredebénéficiairesduRMGdenationalitécapverdienneaaug-mentéde63%,passantde91à148personnes.Cetteaugmentationestde25%pourl’en-sembledelapopulation(de9084à11248unités).
En ce qui concerne les travailleurs résidant au Luxembourg en 2012, 13 % des salariésluxembourgeois,18%del’ensembledesrésidents,21%desressortissantsdel’UE,26%desPortugais,30%desressortissantsétrangersissusdesBalkans,31%desressortis-santsdespaysnon-UEet,enfin,45%desCapverdienssontsituésdansunetranchederevenudanslevoisinagedusalairesocialminimum(qualifiésounonqualifiés).
Entre2007et2012,cetauxestrestéquasistablepourlesétrangersnon-UE(ilpassede28à31%),toutefois,ilestmultipliépar1,3tantpourlesLuxembourgeois(passantde10à13%)quepourlesautresressortissantsUE(augmentationde16à21%).Lestravailleursqualifiés(avecunsalaireminimum)sontdavantageconcernés.Onpeutendéduirequelacriseasur-touteuuneffetsurlessalairesmoyensetélevés,maisquelesystèmedesolidaritésocialeaépargnélesressortissantsextra-européensdéjàsituésàunniveaubasderevenus.
Variables Cap-Vert Balkans27 Portugal Luxembourg Moyennes
Salairemensuelmédian 1919 2075 2278 3842 3263 SalaireHoraireMoyen 12,18 13,68 14,47 27,1 23,76
Source:IGSS2012–Valeurseneuros.
26 Comptetenudelatailledel’échantillon(40groupesnationaux),seulslescoefficientsdecorrélationssupérieursà0,30ouinférieursà—0,30sontconsidéréscommesignificatifspourp< 0,05.
27 Ex-YougoslavieetAlbanie.
35{ L’ethnostratification du marché }
On constate que le salaire médian mensuel28 des travailleurs luxembourgeois est deprès de 4000 euros. Celui des Capverdiens et des résidents originaires des Balkans auLuxembourgenreprésenteseulementlamoitié.Avecunsalairemédiande2300euros,lesPortugaisreprésententungroupeintermédiaire,cependantloinderrièrelesautresnatio-nalitésde l’UE.Le tableauestsimilaire lorsque l’onenvisage lesalairehorairemoyen29danschaquegroupe.
Les différences de qualifications sont les premières raisons qui expliquent ces distinc-tions:danslapopulationgénérale,oncompteuncolblancpourdeuxcolsbleus.Cechiffreestde5pour lespersonnes issuesdesBalkans,6pour lesPortugaisetde17pour lesCapverdiens!Parailleurs,entre2007et2012,cesderniersontvuleurpopulationdetra-vailleursintérimairesmultipliéepar1,62,cequiestnettementplusquepourlesLuxem-bourgeois.
On constate également des formes de concentration ethniques dans les deux pôles del’échelle des qualifications (CITP30). Cette polarisation semble se confirmer entre 2007et2012.Durantcettepériode,etsousréservedel’absenceducodeCITPpourbeaucoupdesalariés résidantauLuxembourg,onobserveunfluxdespécialistesdesprofessionsintellectuelles et scientifiques vers le Luxembourg. Ce gonflement ne concerne pas lesCapverdiens et relativement peu les personnes originaires des Balkans. À l’inverse, lesconducteursdemachinesetouvrierssontde2,5à3,1foisplusnombreuxchezlesétran-gersextraeuropéensetchezlesPortugais.
Classification par secteurs et qualificationL’analysedeladistributionenpourcentagedestravailleurs,résidentsetfrontaliers31selonlesnationalitésetlessecteursprincipauxauLuxembourg(codesNACE2012)montrequeles40groupesconsidéréspeuventêtrepartagésenunehuitainedeprofils(cf.graphiquesplusloin):
• Les nationalités centrées sur les secteurs J information et communication et GcommercesontlesIndiens,États-UniensetRussesdont15à35%deseffectifstra-vaillentdans lesecteurJet35à45%dans lesecteurG.LesLuxembourgeoissesituentdanslemêmeprofilnonobstantleurprésencedanslesecteurHtransportsetentreposageet,biensûr,dansl’emploipublic(nonreprisdanslestableaux).
• LesressortissantsdespayslimitrophesduLuxembourg,ainsiquelesItalienssontprésentsdanslessecteursFconstruction(20-35%deseffectifs),Gcommerce(25-30%)etKfinance(20-25%).
• LesChinoiset,dansunemoindremesure,lesTurcs,Brésiliens,RoumainsetUkrai-nienssontcentréssurlesecteurIhébergementetrestauration(25-55%).
• Lesressortissantsdespaysbalkaniques,lesPortugaisetlesPolonaissontprésentsdanslessecteursNactivitésdeservicesadministratifsetdesoutien(25-30%)etFconstruction(25-30%).
28 Pourlecalculdusalairemensuelmédiandesrésidentsparnationalité,lesstatistiquesserapportentau31mars2012etnereprennentquelessalariésdontlesalaireestmentionné,lesautresétantexclusdescalculs.Lenombredesalariésestdoncinférieuràlastatistiquerégulière.Cesdonnéesnetiennentpascomptedesheuresouvréesparmois(travailàtempspartiel…).Ilfautdonclestraiteravecprudence,c’estpourquoiunecomparaisonestproposéeaveclesalairehoraireàdesfinsdevalidation.
29 Au31décembre2012.30 Laclassificationpartypedeprofession(CITPsur2positions—www.ccss.lu/fileadmin/file/ccss/PDF/SECUline/citp88fr.
pdf)seprésentesousformed’un«tableaupivot».ÀnoterquelecodeCITPestseulementremplipourlessalariésaffi-liésàpartirdemai2005parleursemployeurs,ladémarchen’estpasobligatoire.Lacomparaisonavec2012doitêtrefaiteavecprudence.
31 Lesstatistiquesconcernentlesrésidentsetlesfrontalierssaufmentionducontraire.Pourinformation:lesnationalitéscomportantplusde frontaliersque lesautressemblentégalementplussouvent touchéespar lechômage (R=0,75),avoirplusdetravailleurssousstatutintérimaire(0,45),plusd’ouvriers(0,43),danslessecteurscommelaconstructionetl’hôtellerie(0,42)et,enfin,dessalairesmoyensplusbasqued’autresgroupes(-0,53).
36
• LesMaghrébinset lesCapverdienssontprésentsdans lessecteursNactivitésdeservicesadministratifsetdesoutien(20-25%)etIhébergementetrestauration(20-40%).
• LesecteurHtransportsetentreposageestlelieuoùtravaillent30à70%destra-vailleursoriginairesdespaysex-communistesdel’Europecentraleetdusud-est.
• LesecteurHtransportsetentreposageestaussiattractifpour20à40%desAutri-chiens, Suisses, Islandais et Néerlandais, mais ces derniers sont aussi fortementprésentsdanslesecteurKfinance(25-60%).
• Enfin,unelargecohortederessortissantsdepaysdel’UE(RU,Irlande,Suède,Da-nemark,etc.)sontinvestisdanslesecteurKfinance(20à60%deleurseffectifs).
Legraphiquesimplifiéreprisci-dessousillustrequelquesnationalitésmassivementcen-tréessurcertainssecteurs:onconstate,danscesdonnéesIGSS2013(légèresvariationsparrapportà2012),quelesPortugais,lesCapverdiensetplusieursnationalitésdesBal-kanssetrouventconcentrésdansdesemploisdelaconstruction(env.20à30%deleurseffectifs). En revanche, de nombreuses nationalités de l’UE, ainsi que les Islandais, lesSuisseset lesAméricainssonttrèsprésentsdanslesecteurfinancier: jusqu’à60%deleurseffectifs.Enfin,aumilieudugraphe,onapprécielaforteconcentrationdesChinoisetdequelquesautresoriginesnon-UEdanslesecteurHoreca.
Nationalités centrées sur certains secteurs
Source:IGSS,2013,en%.
L’exercice nous apprend que si les groupes nationaux ne se distribuent pas de manièreéquitableselonlessecteurs,unmêmesecteur,commelacatégorieHtransportseten-treposage,parexemple,peutabritertantdesressortissantseuropéens(40%desNéer-landais sont employés dans ce secteur, ainsi que 30 à 70 % des Tchèques, Slovaques,BulgaresetCroates)quedestravailleursvenusdepayshorsUnion(20à30%desIslan-daisetSuisses,ainsiqu’environ10%desMonténégrinsetdesBosniaques).Ont-ilssansdoutedespostesetdesqualificationsdifférentsauseindecesecteur?
La distribution en pourcentage des travailleurs résidants selon leurs nationalités etclassesCITPen2012permetd’observerlesrégularitésàtraverslesdegrésdequalifica-tionetderesponsabilité,mêmesicesdonnéessontincomplètesetdoiventêtreconsidé-réesàtitreindicatif.
37{ L’ethnostratification du marché }
HuitclassesCITPsontprisesenconsidération:• 15:Dirigeantsdesociété;• 20:Professionsintellectuellesetscientifiques;• 31:Professionsintermédiairestechniques;• 40:Employésadministratifs;• 50:Personneldesservicesetvendeurs;• 70:Artisans;• 80:Conducteursdemachines;• 90:Ouvriersnonqualifiés.
Lasecondesériedegraphiques,plusbas,permetdenoterque:• Environ 30 à 50 % des ressortissants des pays balkaniques, du Cap-Vert, du Por-
tugal,delaTunisieetduBrésilsontdesouvriersnonqualifiés,bienquecegroupecomprenneégalementdesvendeursetdesartisans.
• Les ressortissants de l’Europe centrale sont essentiellement présents dans lesclasses de qualification intermédiaire : vendeurs, artisans et conducteurs de ma-chines.Certainssontégalementprésentsdanslaclasse«31:Professionsintermé-diairestechniques».
• LegroupehétéroclitecomposéparlesChinois,Maghrébins,Turcs,Bulgares,Rou-mainsetItaliensoccupeunepositionmédianedansl’échantillonavecuneconcen-tration importante sur la classe « Personnel des services et vendeurs » : de 25 à70%deseffectifs.
• Les groupes les plus qualifiés sont les ressortissants des pays de l’UE (pays nor-diques,paysvoisinsduLuxembourg,etc.),del’EEE,ainsiquedel’IndeetdesEUA.Danscesgroupes,20-40%des travailleurssontsignalésdans lesprofessions in-tellectuelles et scientifiques, les professions intermédiaires techniques et parmilesemployésadministratifs.Environ10à25%danscescatégoriesfontpartiedelaclasse«15:Dirigeantsdesociété».
Lastratificationethniqueselonlesqualificationsetresponsabilitésexercéesauseindesentreprisesapparaîtdoncclairementetrendpossiblelecroisemententrelaclassificationdesqualificationsetcelledessecteursd’activité(tableaugénéralenfindesérie):
• LesnationalitéshorsUE(enorange:enparticulierlesnationalitésdesBalkansetleCap-Vert)sontessentiellementprésentesdanslapartiesupérieuredroiteduta-bleau,soit lesemploisnonoupeuqualifiésdessecteurs«NActivitésadministra-tivesetdesoutien»,«IHébergementetrestauration»et«FConstruction».LesseulesexceptionssontlesAméricains,IndiensetRussesqualifiésquiapparaissentdanslessecteurs«JInformationetcommunication»et«KIntermédiationfinan-cière».UnedesseulesnationalitésUEàêtreprésentedans legroupe faiblementqualifiéestportugaise.
• Enrevanche,lagrandemajoritédesressortissantsdel’UE(envertfoncé)etpaysassi-milés(EEE,envertclairdansletableau)sontprésentsdanslapartieinférieuregaucheet comprennent des travailleurs qualifiés des domaines comme « H Transports »,«JInformationetcommunication»et«KIntermédiationsfinancières».
Onaperçoit,malgréquelquesexceptions,ladoublestratificationportantsurlaqualifica-tion, d’une part, et la présence dans les secteurs forts de l’économie luxembourgeoise,d’autrepart,quiscindentlestravailleursdel’UEdelaplupartdesactifsimmigrésvenusdepaystiers.
CesrésultatsconfirmentetprécisentlesobservationsdeLeducetGenevois(2012)etpro-posentunedescriptiondel’ethnostratificationdesemploisauGDL.
38
Il semble donc exister un marché du travail dual au Luxembourg qui, hormis quelquesespaces intermédiaires32,réservelesemplois faiblementqualifiésdessecteurspériphé-riques de l’économie à des extra européens, ainsi qu’aux travailleurs portugais. En re-vanche, les emplois qualifiés et centraux pour l’économie du pays sont occupés par lesnationaux, lesautresEuropéensetquelquesgroupesdepetite taillecomme lesAméri-cainsetlesIndiens.
Ilresteàvérifiersicettesegmentationvadepairaveclesdifférentielsdeniveaudesa-laire, de stabilité d’emploi, de pénibilité du travail, des possibilités de promotion, etc.(«goodjobs»/«badjobs»).
"
DISTRIBUTION EN % DES TRAVAILLEURS SELON NATIONALITÉS ET SECTEURS PRINCIPAUX AU LUXEMBOURG 2012
F ConstructionG Commerce ; réparation d’automobiles et de motocyclesH Transports et entreposageI Hébergement et restaurationJ Information et communicationN Activités de services administratifs et de soutienX Intermédiation Financière
Données IGSS — Calculs CEFIS
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BOSNIE HERZEGOVINE
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REPUBLIQUE TCHEQUE
FRANCE
ALLEMAGNE
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MAROC
ESPAGNE
GRÈCE
ROYAUME-UNI
DANEMARK
IRLANDE
SUEDE
FINLANDE
BRÉSIL
UKRAINE
CHINE
TURQUIE
ROUMANIE
32 Parexemple,laprésencedesChinoisetTurcsdanslesactivitéscommerciales.Consulterégalementl’étudeduSESOPI(2004).
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DISTRIBUTION EN % DES TRAVAILLEURS SELONNATIONALITÉS ET CLASSES PRINCIPALES AU LUXEMBOURG 2012
Classes CITP15 dirigeants de sociétés20 professions intellectuelles et scientifiques31 professions intermédiaires des sciences physiques et
techniques40 employés de type administratif50 personnel des services et vendeurs de magasin et de marché70 artisans et ouvriers des métiers de type artisanal80 conducteurs d’installations et de machines et ouvriers de
l’assemblage90 ouvriers et employés non qualifiés
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PAYS-BAS
REPUBLIQUE TCHEQUE
RUSSIE
Données IGSS — Calculs CEFIS
39{ L’ethnostratification du marché }
Qualifications
Nationalités étrangères avec 25 % ou plus des effectifs dans les caté-gories suivantes (emplois privés)
Données IGSS 2012Tableau CEFIS
Secteurs
Haute
20 professions intellectuelles et scientifiques
31 professions intermédiaires des sciences physiques et techniques
Moyenne
40 employés de type administratif
50 personnels des services et vendeurs de magasin et de marché
70 artisans et ouvriers des mé-tiers de type artisanal
Basse
80 conducteurs d’installations et de machines et ouvriers de l’assemblage
90 ouvriers et employés non qualifiés
N Activités de services administratifs et de soutien
AlbanieAlgérie
AlbanieAlgérie
I Hébergement et restauration IndeTurquie
BrésilChineIndeMarocTunisieTurquieUkraine
BrésilCap-VertMarocTunisie
F Construction BosnieMonténégro
BosnieMacédoineMonténégro
Portugal Portugal
G Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles
Etats-UnisIndeRussie
Etats-UnisIndeUkraine
BelgiqueEspagneFranceItalie
J Information et communication FinlandeGrèceRoyaume-UniSuède
FinlandeGrèceIrlandeRoyaume-Uni
IndeEtats-Unis
Etats-UnisInde
K Intermédiation financière FinlandeGrèceIslandeRoyaumeUniSuèdeSuisse
BelgiqueDanemarkEspagneFinlandeGrèceIrlandeRoyaume-UniSuède
IslandeSuisse
Etats-UnisIndeRussie
Etats-UnisInde
H Transports et entreposage Pays-BasSuèdeTchéquie
BulgarieDanemarkFranceIrlandeIslandePologneRoumanieSuède
Pays-BasSlovaquieTchéquie
IslandeSuisse
Suisse
Bosnie Bosnie
40
Caractéristiques des emplois selon les nationalités
Afind’identifier lesprincipalescaractéristiquesdesemploisoccupéspardespersonnesdedifférentesnationalitéssurlemarchéluxembourgeois,nousavonsprocédéàdesana-lysesfactorielles.Celles-cipermettentd’isolerdescatégoriesdetravailleursdecertainesoriginesseconcentrantdansdesemploisauxcaractéristiquesdifférentes.
Une première analyse classifie les travailleurs résidants de différentes nationalités lelongd’uneéchellesalariale.Lesgroupesnationauxaveclessalairesmensuelsmédiansles plus élevés, ainsi que ceux qui recèlent en leur sein le moins de personnes dont lerevenuestprochedusalairesocialminimumreçoiventdesscorespositifs.Àl’inverse,lesgroupesnationauxcomposésdebeaucoupdetravailleursprochesdusalairesocialmini-mum(SSM)sontdotésdescoresnégatifs.Lavaleurzéroestlamoyennedel’échantillondes40groupesnationaux.
Celadonnelaclassificationsuivante:• Le Danemark, la Suède, l’Islande, le Royaume-Uni, la Finlande, les Etats-Unis, la
Suisse,l’IrlandesontlespaysdontlesressortissantsontlessalaireslesplusélevésauLuxembourg,leurscore«Salaire»estlargementpositif,bienau-delàd’unécarttypedelamoyenne(Italie,Russie).
• En revanche, les ressortissantsde laPologne,de laTurquie,de laBulgarie,de laRoumanie, du Cap-Vert, du Maroc, de la Chine, de la Slovaquie et de l’Algérie ontplus souvent des salaires proches du SSM. Ces groupes nationaux ont reçu desscoresnégatifsàplusd’unécarttype.
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Échelle salariale
Une deuxième analyse factorielle permet de mesurer la stabilité/précarité des emploisdesmembresdesgroupesnationaux.Lesgroupesaveclenombred’intérimairesleplusbas,lenombredetravailleursdisposantd’unCDIleplushaut,ainsiqueceuxdontlapro-portiond’intérimairesdiminuedepuis2007aubénéficed’uneaugmentationdunombredecontratsàduréeindéterminéereçoiventdesscorespositifs.Àl’inverse,lesgroupesnatio-naux qui ont le comportement proche du contraire sont graduellement dotés de scoresnégatifs.
41{ L’ethnostratification du marché }
Celadonnelaclassificationsuivante:• L’Islande, laSuèdeet laRussiesont lespaysdont lesressortissantsont leniveau
destabilitéleplusélevédumarché,leurscore«Stabilité»estpositif,au-delàd’unécarttypedelamoyennezéro(Italie,Macédoine).
• Àl’inverse,lesressortissantsdespayscommelePortugal,leCap-Vert,l’Espagne,laHongrie,laFinlande,laSlovaquie,laPologne,l’AlgérieetleMarocontmajoritaire-mentdescontratsprécairessurlemarchéluxembourgeois.Cesgroupesreçoiventdesscoresnégatifs.
-2,3
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-0,3
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Précarité/Stabilité
La troisième analyse permet d’ordonner les groupes observés en fonction du secteurd’activitédanslequellaplupartdeleursmembrestravaillent.Lesgroupesnationauxaveclessalariéslesplusnombreuxdanslessecteurscommelafinanceetlestechnologiesseplacent dans la partie positive de l’axe. À l’inverse, les groupes nationaux composés debeaucoup de travailleurs dans des secteurs comme les services aux entreprises et auxpersonnes,ainsiquelaconstruction,sontsituésdanslapartienégative:
• L’Irlande, le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, l’Inde, la Finlande, la Grèce, l’Is-lande,lesEtats-Unissontlespaysdontlesressortissantssontmassivementprésentsdanslessecteursfinanciersettechnologiques,leurscoreestpositif,au-delàd’unécarttypedelamoyenne(=lesBelgesquisedistribuentsurungrandnombredesecteurs).
• Acontrario,lesnationauxduCap-Vert,delaSerbie,del’Algérie,duMonténégro,duPortugal, de la Bosnie, de l’Albanie et de la Macédoine sont majoritairement dansdes secteurs tels que la construction, le nettoyage, les services, etc. Ces groupesobtiennentdesscoresnégatifs.
-1,7
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(<<<<Services, Construction) Secteurs d’emploi (Communication, Finance>>>>)
42
Les croisements effectués entre ce classement sectoriel et les scores factoriels pré-cédents montrent que la forte concentration d’une nationalité dans les secteurs de laconstructionetdesactivitésadministrativesoudesoutienestsignificativementcorréléeavecunniveaudesalairebas(R=-0,47)etunefortepropensionàdépendred’allocationssociales (RMG) (R=0,67).Enrevanche, la forteconcentrationd’unenationalitédans lessecteurs«information,communication»et«finance»estsignificativementcorréléeavecunhautniveaudesalaires(R=0,78)etunefaiblepropensionàdépendred’allocationsdesolidarité(R=-0,46).
Une globalisationIlestpossibleàprésentdecombinercestroisaxes,salaire,stabilitéetsecteur.
Legraphiquesuivantpermetdevisualiserlecomportementdesgroupesnationauxseloncesfacteursetdevoirquellessontlesnationalitésquiconvergententreellesenfonctiondeleurposturesurlemarchédel’emploiluxembourgeois.
Commeonleconstate,lesgroupesUE,laSuisse,l’IndeetlesUSAontàchaquefoislespositionslesplusfavorablessurlemarchédel’emploi(lestriangleslespluslarges).
En revanche, les Capverdienset les Portugais sont sis au centredu graphique, prochespour chaque axe défini de la position professionnelle la moins enviable (les plus petitstriangles).
Onidentifieégalementàgauche,ungroupeintermédiairecomposédesressortissantsdesgroupesissusdesBalkans.
Les Luxembourgeois, les plus nombreux sur le marché du travail et distribués dans denombreuxsecteurs,sontassimilablesàcegroupeparleurpostureintermédiairequitireavantagedesastabilitéprofessionnelle.
Secteur Stabilité Salaire
Secteur 1 0,187 0,628
Stabilité 1 0,449
Salaire 1
43{ L’ethnostratification du marché }
Onnoteraquecestroisfacteurssontrelativementbiencorrélésentreeux.Aussi,ilsembledoncpertinentd’enextraireunscoresynthétiquefinalquiréunitlespropriétésdecestroisaxesdefaçonàconstruirevirtuellementlastratificationdumarchédel’emploi,ainsiqueladéfinitlathéorie(Bluestone,1970;DoeringeretPiore,1971):
• danslesstratessupérieuresles«goodjobs»(sûrsetlucratifs)dessecteurscen-traux(financeettechnologie)avecdesscorespositifs(marchéprimaire);
• dans les strates inférieures les « bad jobs » (précaires et mal rémunérés, duréesdechômageélevées)dessecteurspériphériques(servicesetconstruction)avecdesscoresnégatifs(marchésecondaire);
• et, enfin, au centre, des strates intermédiaires avec des scores proches de zéro(marchéintermédiaire).
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(<<<<< Marché secondaire) Stratification du marché de l’emploi (Marché primaire >>>>>)
Lesrésultatssont:• Lespaysd’originelesplusprésentsdansle«marchéprimaire»sontleDanemark,
laSuède,l’Islande,leRoyaume-Uni,l’Irlande,lesEtats-Unis,laSuisse,l’Autriche,laBelgique,lesPays-Bas,l’IndeetleLuxembourg.
• LesgroupesintermédiairessontdeSerbie,duMonténégro,deRépubliquetchèque,deBosnieetd’Ukraine.
• Enfin, lestravailleursdu«marchésecondaire»sontoriginairesdeMacédoine,duPortugal,deBulgarie,duCap-Vert,duMaroc,deSlovaquie,deRoumanie,d’Algérie,dePologneetdeHongrie.
Silapositionfavorabledestravailleursexpatriésdespaysdel’UEparrapportàceuxdespays hors UE est vérifiée, elle doit être nuancée : les Portugais, les Bulgares, les Slo-vaques, les Roumains, les Polonais et les Hongrois ferment la marche dans le marchéinférieur,tributaired’emploispeusûrsetpeurémunérateurs.Enrevanche,lamoitiédesgroupesbalkaniquessetrouvedanslastratecentraledumarché.
Cettesituationnes’expliquepasuniquementparlarécencedecertainstravailleurssurlemarchéluxembourgeois,puisquelesPortugaissontparmilesnationalitéslesplusancien-nementinstallées–mêmesilefluxmigratoiredecetteorigineaconnuunaccroissementcesdernièresannées–etlesplusnombreusesauLuxembourg.Ellenesemblepasliéenonplusaudegrédequalificationdestravailleurs,puisquedesgroupestrès faiblementqualifiés(Capverdiens)etmoyennementqualifiés(lesconducteursslovaquesethongrois,parexemple)s’ycôtoient.Enrevanche, lestatutadministratifsur lemarchéde l’emploisembleêtreunedesclésdecompréhension.
44
Parexemple,onobservequepluslaproportiond’indépendantsaugmentedansungroupenational,moinsbonestsonpositionnementsurlemarchédutravail(R=-0,477).Or,lesnouvellesmodalitésd’emploidepersonnespeuqualifiéesproposéesauxtravailleurseu-ropéens nouvellement installés au Luxembourg sont souvent de l’ordre de la sous-trai-tance qui impose un statut de (faux) indépendant (camionneurs slovaques, agriculteurspolonais, maçons portugais, nettoyeurs bulgares, etc.) (Morar-Vulcu, 2013). Aussi, il estimportant,commelesuggèreMartens(2006),decroiserselonlesnationalités,lapositiondestravailleurssurlemarchédutravail,d’unepart,et lapositiondesrésidentsdanslesystèmedesécuritésociale,d’autrepart.
Un emploi pour s’intégrer ?Àcettefin,nousconstruisonsundernierfacteurquimesureledegrédubénéficerelatifquedesgroupesnationauxdiversretirentdusystèmedeprotectionsocialeluxembourgeois.
Cetaxeplaceensonextrémitépositivelesgroupesbénéficiantcourammentdusystèmedesolidaritésociale(indemnitésdechômageourevenuminimumgaranti).Àl’inverse,lesgroupesnationauxquinebénéficientpas(encore)decesystèmesontdanslapartienéga-tivedel’axe.Cescorefactorielquimesurelaplacedesgroupesnationauxdanslesystèmedelasécuritéetdelasolidaritésociale(principalementdonateursouprincipalementbé-néficiaires)estindépendant(corrélationnulle)del’axeprécédentcenséidentifierlaposi-tiondesmêmesgroupesauseindumarchédel’emploi.
On apprend que certains indépendants (— 0,42) et les nouveaux arrivants (— 0,47)semblentêtre(provisoirement?)exclusdusystème.
Lerésultatest:• Lesressortissantsdecertainspaysex-yougoslaves,duCap-VertetduBrésilappa-
raissentcommebénéficiairesdusystèmedesolidarité,àplusd’unécarttypedelanormedel’échantillon(Luxembourg,Pays-Bas).
• Àl’opposé,lesIndiens,lesHongrois,lesRoumainsetlesBulgaressontlesgroupeslesmoinssouventbénéficiairesde lasécuritésociale.Desraisonsadministrativesl’expliquentnotammentdanslecasdesdeuxdernierspaysayantadhéréàl’UE.
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Bénéfice de la solidarité sociale
45{ L’ethnostratification du marché }
L’ethnostratification et sa pondération par la sécurité socialeLe croisement des deux axes (stratification du marché et participation à la sécurité/so-lidarité sociale) permet une ultime représentation de l’ethnostratification du marché del’emploiauLuxembourg.
Dans legraphiquesuivant, l’axevertical représente lepositionnementsur lemarchédel’emploi.L’autreschématiselaplacedanslesystèmedesécuritésociale.
Onvoitapparaîtrequatregroupesdenationalités:• Lesgroupesnationauxenorange,aucentre,sontdanslapositionlaplusfavorable:
bonne insertion professionnelle et sociale de leurs travailleurs. Ce sont les natio-nauxetlesressortissantsdespayslimitrophes.
• Legroupeenbleu,principalementlesautresgroupesdel’UE,bénéficiecertesd’uneexcellente assise professionnelle, mais ne bénéficie guère du système social dupays.Lesmembresdecegroupen’yont,pardéfinition,pasrecours,disposantsansdouteégalementd’assurancesprivéesetd’autresmécanismesdeprotection.
• Les étrangers les plus nombreux et ancrés au Luxembourg, les personnes issuesdesBalkansetduCap-Vert(enrouge)ontuneplacemoinsfavorablequelesprécé-dentssurlemarchédel’emploi.Enrevanche,participantausystèmesocialdupays,résidents,ilssontsoutenusparlasolidaritésociale,cequicompensesansdouteenpartielesdifficultéssurlemarchédel’emploi.Legroupeétrangereuropéenleplusnombreux,lesPortugais,partagelemêmedestin.Eneffet,enannulantthéorique-mentl’effetcorrectifdelasécuritésociale,onconstatequedesgroupescommelesBosniaquesetlesCapverdiens,notamment,risqueraientdeconnaîtreunesituationéconomique deux fois plus défavorable qu’à présent. En revanche, la position desLuxembourgeois,parexemple,nechangeraitpasbeaucoup,étantsituéeaucentredugraphique.Cestroispremiersgroupesréunisparlaflècheaucentredutableaureprésentent lastratificationdumarchéprincipald’emploidont leseffetsexcluantsontdoncenpartiecorrigésparlesystèmedebien-êtresocial(Priore,1971).
• Enfin,engrisésurletableau,lederniergroupe,hétéroclite,récent,estcomposétantd’Européens(ducentreetdel’estducontinent)quedetravailleursressortissantsdepaystiers(Maghreb,Asie).Certainssontdansunepositionpeufavorablesurlemar-chédutravail,ilsnesontpasnonplus–dansl’étatactueldeschoses–bénéficiairesdusystèmedesolidaritésociale(Martens,2006)33.
33 Onpeutfairel’hypothèsequ’unepartiedesactivitésprofessionnellesdecegrouped’exclussoientexécutéesdansdessituationsd’infradroit(les«workingpoors»deBluestone,1970).Ainsi,pourraitexisterunmarchéd’emploiparallèle(petits commerces, faux indépendants, travailleurs itinérants ou saisonniers, travailleurs irréguliers, etc.) à la strati-fication décrite. Les directives européennes relatives aux migrations économiques (directive permis unique, directivesanction…)créentdesinégalitésdetraitemententretravailleursdespaystiersetlesEuropéens,commeentrelesres-sortissantsdepaysdel’Unionfrappésderestrictionsàlamobilité(Bulgarie,Roumanie)etlesautrescitoyensdel’UE(jusqu’enjanvier2014,enprincipe).Ladirectiveeuropéenneconcernantlestravailleursdétachéscréeégalementuneinégalitédetraitemententretravailleursnationaux–protégéspartouteslesconventionscollectives–etlestravailleursdétachés,protégésuniquementparlesconventionsd’applicationgénérale.Encontrepartie,lalibrecirculationdesbiensetdesservicesqueserventcesdifférenteslégislationsestdéfendueparlaCoureuropéennedeJusticedeLuxembourg.Undesesarrêtsrécentsjugequelaprotectiondesdroitsdestravailleursn’estpasuneraisond’intérêtgénéralàmêmedejustifierunerestrictiondelalibrecirculationdesservices(Franssens,2011,24).
46
TransitionSil’emploiestundesespacesprincipauxd’insertionetdecohésionsociale,reste-t-ilunlieudevivreensemble,desolidarité,d’intégrationetdejusticesociale?(Sesopi,2004).
Danscettepartie,nousnoussommespenchéssurunesériedequestionsliéesàlastratifi-cationdumarchédel’emploiluxembourgeois.LeducetGenevois(2012)montrentqu’ils’agitappréhendercettequestionavecungrandangle,englobantlesdimensionsdegenreetdestatutadministratifdestravailleurs.Cesquestionsn’ontdoncpasdeliensconsubstantielsà laprésencemassivede travailleursétrangerssur lemarchédu travailgrand-ducal.Enrevanche, la présence de ces étrangers de toutes origines et les positions inégales selonlessecteursetcatégoriesqu’ilsoccupentmontreuneethnicisationcertessecondaire,maisprofondedesprocessusdeségrégationsurlemarchédutravail(FehlenetPigeron,2009).
Notreobservationdécritunesituationoùlagrandemajoritédestravailleursissusdespaysanciensmembresdel’UEetdegrandespuissanceséconomiquesmondialesoccupentdessituationsprofessionnellesnotablementfavorables.
Ilsfontfaceàdestravailleursoccupantdespositionspeuqualifiées,peusûresetnette-mentmoinsrémunératrices.Cesdernierssontdel’UE,issusdespaysdusudducontinent(Portugal, principalement), mais aussi de la péninsule balkanique et, enfin de certainspaysafricainscommeleCap-Vert.
Aucentredecettestratification, lacouchecentraleest investieparungroupe«pivot»,composédesLuxembourgeoisetdesressortissantsdestroispayslimitrophesduGD,lar-gementprésentssurlemarchédutravail.
Sileseffetssocialementetéconomiquementdiscriminantsdecetteségrégationsemblentenpartiecompensésparlesystèmedesécuritésocialeliéàl’emploi,onconstateégale-mentqu’unquatrièmegroupedetravailleursestexcludecetteprotection.
47{ L’ethnostratification du marché }
Lacomplexitédu tableauvientdu faitquecegroupen’estpasuniquementcomposédemigrantsextraUE,nonscolarisés,maiségalementdetravailleursissusdepaysnouvel-lementmembresdel’Union,etmêmemoyennementqualifiéspourcertains.Laclédelaségrégationsembleêtreicilestatutadministratif,organisédansunecertainemesureparlaréglementationeuropéenneetsatranspositionendroitnational.
Autrefiguredecomplexité:l’unitéd’analyseétantlesvaleursmoyennesobservéesauseinde chaque groupe national, on notera l’existence de groupes intermédiaires comme lesTchèques, lesUkrainienset lesChinois,parexemple,situésà la limiteentre lemarché«primaire»etlemarché«secondaire».Àdroitedugraphique,lesMonténégrinsetlesSerbes sont dans une situation similaire, montrant qu’une partie de leurs effectifs jouitd’unepositionprofessionnelle«favorable»,tandisquel’autreestnettementmoinsbieninséréedanslemarché.
Lestravailleursslovaques,marocains,espagnolsetalbanaissontdansunemêmesitua-tionintermédiaire,entrelapartiebénéficiantdelasécurité/protectionsocialeetlapartien’enbénéficiantpas.
Cesconstatspermettentd’insistersurl’étudeultérieureindividuelleetqualitativedestra-jectoiresetstratégiespersonnellesougroupalesdestravailleursencomplémentàlapré-senteanalysequantitative,maisponctuelle.Lestrajectoirespersonnelles,àl’intérieurdesgroupesethniques,peuventgrandementaideràvoirlesdifférencesdepositionnementetdenuancerlacompréhensiondesdifférencesentregroupesdetravailleurs,ainsiquedespassagesentrecatégories.
Ainsi,selonLindbecketSnower(1986),ilexisteparmilessalariésd’unemêmeentrepriseunmarchéinternequiscindelesemployésentre«insiders»et«outsiders».Lesegmentexterne, contrairement au segment interne, subit l’organisation du travail, les règles derémunération,etc.,lestravailleursdumarchéinternejouissant,quantàeux,d’avantagesquileurpermettentdenégociermieuxleurspositionsetprétentions.
Aussi,danslasuitedecerapport,nousnousinterrogeronssurlespratiquesd’embaucheet de rémunération, les modalités de contrôle et d’organisation du travail, ainsi que deformationetdesocialisation,avecdesoutilsqualitatifsetobservantdestrajectoiresindi-viduelles,poursavoirsiellessontégalitaires,quellesquesoientlescaractéristiquesso-cioculturellesdestravailleurset lesspécificitésdesentreprisesqui lesemploient.Nousnousdemanderonségalementsilesentrepriseslaissentuneplaceéquitableauxparticu-laritésindividuellesetgroupalesdestravailleurs.
4
Approche qualitative des processus d’intégration
au et par le travail34
34 AveclescontributionsdeSylvainBesch.
51{ Approche qualitative } 51
34«L’emploiestunedesprincipalesmotivationsquipousseunegrandepartiedesmigrantsàvenirs’installerdansunpaysétranger:ilsespèrentytrouver
demeilleuresconditionsdeviequipassentparunemploietunsalairedécents(…)Lesrevenuspermettentd’éviterlamarginalisation,offrentuneindépendance
économique,unecertainesécurité,lemoyendetisserdeslienssociaux,uneparticipationauseindelasociété,unmoyenderépondreauxbesoinssanitairesetdelogement»35.
«L’emploiestunélémentcléduprocessusd’intégration.»36
Cherchantàinterrogerlesprocessusd’intégrationsocialeauetparletravail,l’approchequalitative de l’insertion au Luxembourg des travailleurs originaires de pays tiers s’esteffectuéeaumoyend’interviewsapprofondies,menéesauprèsd’unéchantillond’acteursdiversifiés,dansdemultiplessphèresdumarchédel’emploi(MançoetBarras,2013).Untotalde57témoinsontétérencontrésdans16entreprisesdifférentesdurant2013:
• Neufdecesentreprisessesituentdansdessecteurstelsquelasidérurgie,lacol-lecte de déchets, les transports, le nettoyage, la finance, les services aux entre-prises,ainsiquelarestaurationetladistributiondeproduitsethniques.Ils’agitdegrandes,moyennesetpetitesentreprises.Untotalde48sujets,hommesetfemmes,ontété interrogésdanscessociétés.En tout,41 travailleursontétérencontréset7 interviewsontétémenéesavecdesresponsablesd’entreprise :directeurs,ges-tionnairesdesressourceshumaines,chefsdeservice.Soitenmoyennecinqentre-tiens par entreprise, quatre avec des travailleurs et un avec un responsable. Unemoitiéde l’échantillonconcernedestravailleurshautementqualifiéset l’autredespersonnespeuoupasformées.
• Leshuitautresstructurescontactéessontdesmembresdelasociétécivile:deuxsyndicats, cinq associations de solidarité dédiées à l’insertion des migrants ou audéveloppementdelaresponsabilitésocialedesentreprises,uneentreprisedetra-vailintérimaire,soitdesorganismesquiontunregardàanglelargesurlemarchédu travail.Lesneuf témoinsquiyontété interrogésontpermisà larecherchedetendreversunelecture«méta»danssesconclusionsetrecommandations.
Secteurs d’activité des entreprises
Nombre d’entreprises visitées
Nombre de travailleurs entendus Taille des entreprises
Sidérurgie 1 10 4810
Collectededéchets 1 9 390
Transports 1 7 1260
Nettoyageindustriel 1 7 2910
Finance 1 6 100
Serviceauxentreprises 1 6 1670
Restaurationetdistribu-tiondeproduitsethniques 3 3 4pourchacune
Total 9 48
Structures « méta » Nombre de structures sollicitées
Nombre de témoins entendus
Syndicats 2 2
Associations 5 6
Agenceintérim 1 1
Total 8 9
35 AvisduComitééconomiqueetsocialeuropéensur«L’intégrationetl’agendasocial»–SOC/362,Bruxelles,février2010,10.36 http://ec.europa.eu/ewsi/fr/EU_actions_integration.cfm.
52
L’échantillon de 57 travailleurs comprend des individus de 18 nationalités différentes :30personnesissuesd’undespaysmembresdel’UE(7nationalitésdifférentes)et27per-sonnes issues d’un pays tiers (11 nationalités différentes). Toutefois, les actes de natu-ralisation n’étant pas rares37, il faut également tenir compte de l’origine des sujets. Onconstatealorsque35individusauseindel’échantillonsontoriginairesd’unpayshorsUE(14originesdifférentes)et22sontoriginairesd’unÉtatmembredel’Union(8originesdif-férentes).Au total, larechercheadoncpermisderencontrerdes travailleursde22ori-ginesdifférentesdontunemajorité (35/57)est issued’unpaysnonmembrede l’UE.Lapartiedel’échantilloncomposéedetravailleursetderesponsablesissusdepaysmembresdel’UEnousoffrelapossibilitéd’unecomparaisondespointsdevueavecdesacteursori-ginairesdepaystiers.
Les principales origines UE sont : française (10 personnes), luxembourgeoise (5 per-sonnes),portugaise(2personnes)…LesprincipalesoriginesnonUEsont:capverdienne(12personnes),chinoise(9personnes),bosniaque(2personnes),indienne(2personnes),etc.
L’échantillon est ainsi d’une grande diversité tant au niveau des secteurs d’emploi oudesentreprisesqu’auniveaudel’originedestravailleurs,unéchantilloncapabledoncderendrecomptedesituationstrèsdifférentesetsignificativesrencontréespar les travail-leursmigrantssurlemarchédel’emploiauLuxembourg.
Citoyenneté d’origine N
Française 10
Luxembourgeoise 5
Portugaise 2
Allemande 1
Anglaise 1
Espagnole 1
Roumaine 1
Croate 1
Capverdienne 12
Chinoise 9
Bosniaque 2
Indienne 2
Algérienne 1
Brésilienne 1
Kosovare 1
Népalaise 1
Russe 1
Sud-africaine 1
Turque 1
Albanaise 1
Ghanéenne 1
Ukrainienne 1
TOTAL 57
37 Huitcasrencontrésdansl’échantillon,ainsiqu’unenaturalisationencours,pourunsujetbosniaque.
53{ Approche qualitative }
Silehasarddel’échantillonnagefaitquelaplupartdes35travailleursoriginairesdepayshorsUEsontrencontrésdanslacatégoriedes«travailleursauseind’uneentreprisedusecteurmarchand»,quelquesresponsablesd’entreprise(danslafinanceoularestaura-tion)ontaussidesorigineshorsUE38.
Cefaitrenforcesansdoutelavaliditédel’échantillonqualitatif,sensibleàlasegmentationdumarchéde l’emploi luxembourgeois,commelapartiequantitativeprécédenteapu lemontrer39.
Lesentreprisesontétésélectionnéesenraisonde laprésenceen leurs rangsdenom-breuxtravailleursextra-communautaires.Nousnoussommesrendusàdemultiplesre-prises dans les compagnies volontaires. Les interviews semi-directives individuelles ontétéréaliséesdansdesespacesisolés;ellesontduréenmoyenne30à60minutes.Ellesontétémenées,aumoyend’unegrilled’entrevueprésentéeenannexe,dansdifférenteslanguestellesquelefrançais,l’anglais,leluxembourgeois,l’allemandouleturc.Ellesontétéenregistréesavecl’accorddestémoins.
L’investigation et l’analyse des résultats se sont articulées autour de trois axes théma-tiques:
• Unpremierconcernel’arrivéesur lemarchédutravaildestravailleurs immigrés:parcoursmigratoire,processusd’embauche,typesdecontratsignés,languesutili-sées,réseaux,facilitésd’accèsautravail,etc.
• Ladeuxièmethématiquesefocalisesurlemaintienetl’épanouissementdutravail-leursurlemarchédel’emploi:évolutionautravail,formationssuivies,viesocialeauseindel’entreprise,relationsaveclescollègues,attentespourl’avenir…
• Endernierlieu,enfin,lesobservationsconcernentlaquestiondu«rayonnement»possible de l’intégration au travail sur la vie du travailleur, en dehors du contexted’emploi:changementéventueldenationalité,participationàdescoursdelangues,engagementdansuneassociation,viesociale,viedefamilleauLuxembourg,visiondel’intégration…
Cesont,pourrait-ondire,autantde«moments»del’expérienceprofessionnelledestra-vailleursrencontrés.Letableausuivantillustrelesprincipauxindicateursliésàl’intégra-tionauetparletravailquiontétéconsidéréslorsdesentrevues.Ilestévidentqu’untelpartagedelavieprofessionnellen’estquethéorique;laréalitédestémoinsinterrogésconstitueuncontinuum,perçucommeuntout.Aussi,lesintersectionsentrecessubdivisionssont larges.Dans tous lescas, l’appréciationdesrépondantsaétésollicitéeafind’identifiersi,àleursyeux,lesfaitsévoquésfacilitaientoufreinaientlepro-cessusd’intégration.Lesobservationslesplusfréquentesetsignificatives,cellesquiseren-forcentlorsqu’ellessontcroiséesàd’autrestémoignagesontétéincluesdanslesanalyses.
38 Selon leSTATEC (2102),«Lesressortissantsdespays tiersaffichentunprofil ‘bipolaire’.D’uncôté,parmi toutes lesnationalités,ilsontletauxdedirecteurs,cadresdedirectionetgérantsleplusélevé,àsavoir10%.D’unautrecôté,24%decestravailleursseretrouventdanslacatégoriedesemployésnonqualifiés.»(www.statistiques.public.lu/catalogue-publications/bulletin-Statec/2012/PDF-Bulletin2-2012.pdf).
39 Lesecteurdelaconstructionn’apaspuêtreintégréàl’étude,malgrédenombreusesdémarches.Leshypothèsesexpliquantcesrefusdeparticipationpeuventêtrediverses:faibledisponibilitédessalariésdûenotammentàleuréclatementgéogra-phique,faiblesensibilitédesemployeursàladiversité(quipeutêtreconsidéréecomme‘banale’danslesecteur),existencepossibledutravailnondéclaré,conflitsouproblèmeséventuelsquelesemployeurssouhaitentnepasattiserouétaler…
54
« Moments » de la vie professionnelle Exemples de facteurs d’intégration Exemples de freins à l’intégration
Entrée dans le marché de l’emploiou intégration au travail
ReconnaissancedescompétencesetdiplômesOrganisationdel’accueilTutorat/mentorat…
Sous-emploiPasdeformationsauxtâchesetcontenus…
Maintien dans l’entreprise/évolution de la carrièreou intégration à l’entreprise
Sentimentd’appartenanceetderecon-naissancesocialeSentimentd’avancerExistenced’unegestiondesdiversités…
Sentimentd’exploitationAbsencedepromotionPasdeplandesdiversitésdansl’en-treprise…
Rayonnement au-delà de l’emploiou intégration par le travail
Apprentissaged’unelangueNaturalisationViesocialeactiveavecdescollèges…
Pasdepossibiliténid’utilitéàap-prendreunelangueCloisonnementvieprofessionnelle/viesociale…
Nousnousinspironségalementdeceschémapourprésenterlesrésultatsdel’enquête.
Premier « moment » : l’intégration au travail
Parcours migratoire
Ilsemblepertinentd’analyserlesraisonsdemigrerauLuxembourgdestémoinsrencon-trés avant de retracer leur arrivée sur le marché de l’emploi. Certaines trajectoires re-lèventd’unemigrationvolontaire,d’autresreflètentdesparcoursforcésdepersonnesenquêtedeprotection.
Lamigrationvolontairepeutêtreunedémarched’immigrationéconomique.Latrajectoires’inscrit alors dans un modèle d’ascension sociale espéré, ascension que les migrantspensentnepaspouvoiratteindredansleurpaysd’origine.
Lesmigrationsforcéesfontsuiteàdespersécutionssubies,notamment,pourdesraisonspolitiquesoureligieuses40.
Qu’ils’agissedemigrationvolontaireouforcée,pourSayad(1999),«Immigrer,c’estimmi-grer avec son histoire ». On peut ainsi supposer que les migrants volontaires ont eu letempsdemûrirleurprojetd’immigrationenmesurantlepouretlecontredeleurmouve-ment.Celan’estprobablementpaslecasdesémigrésforcésdequitterleurterritoire,etpourlesquelsiln’yapasdematurationduprojetd’immigrationtelqu’onpeutl’imaginerpourlamigrationvolontaire:ilsefaitdanslafuiteetpoursauversavie.
Ilestdoncessentieldetenircomptedestypesdeparcoursmigratoiredansl’analyseetlacompréhension des stratégies d’intégration mises en œuvre par les migrants dans leurpays d’accueil. La recherche a permis de mettre en lumière différents parcours migra-toiresparmilestémoinscomposantl’échantillon.IlspeuventêtreprésentésenseréférantàlathéoriedespushetpullfactorsdeLee(1966).
40 Lamigrationforcéeestun«mouvementmigratoiredanslequelunélémentdecoercitionexiste,ycomprissousformede menaces de mort et de privation des moyens de subsistance, qu’il résulte de causes naturelles ou soit créé parl’homme.»(OIM,2005,459).
55{ Approche qualitative }
Selonl’auteur,des«pushfactors»sontàl’originedel’émigration.Ilssecaractérisentparunmanqued’opportunitéséconomiques,unepersécutionpolitiqueouethnique,demau-vaisesconditionsenvironnementales…Àl’inverse,les«pullfactors»correspondentàlaforced’attractiond’unpaysd’immigration:l’emploi,lalibertéreligieuseoupolitique,debonnes conditions environnementales. Il existe cependant des barrières à l’immigration(«interveningobstacles»)commelesloisquirèglemententl’accèsaupaysd’accueil.
Lamigrationrésultedelaperceptionqu’ontlesmigrantsdesavantagescomparatifsd’unpaysdedestination,entenantcomptedesobstaclesquilimitentlamobilité.
Il faut toutefois nuancer cette théorie en avançant que le caractère attractif ou répulsifd’unpayspeutêtreliéàdesreprésentationsforcémentsubjectives.Parailleurs,ilestpos-siblequelesparcourssubisouchoisispuissentsecroiseretsemélanger.
Les témoignages recueillis au sein de l’échantillon permettent d’identifier une série deraisonsquiontpoussélespersonnesrencontréesàquitterleurpaysd’origineetchercheràs’installerauLuxembourg.
PUSH FACTORS PULL FACTORS
Guerre Paixsociale
Mariageavecunressortissantluxembourgeois
Contratdetravaild’expatrié
«Kinshiplink»oularéussiteprofessionnelledemembresdelafamilleoudelacommunauté
Contexteéconomiquedéfavorable Contexteéconomiquefavorable
Leparcoursmigratoiredesindividusdécritàtraverslespushetpullfactorsmontrequ’ilexiste différents types de causes qui déterminent la migration. La guerre, un mariage,uncontratd’expatrié,uncontexteéconomiquefavorable…sontautantdefacteursquiin-fluencent l’arrivéedes témoinssur le territoire luxembourgeois.Lespersonnesconcer-néesparlamigrationforcéerecherchentlastabilitésociale,d’autressuiventleurconjoint.LesexpatriésseretrouventàLuxembourgpourhonoreruncontratdetravailetfinalementcertainsmigrantsontpourbutdetrouverunemploiàl’instardemembresdeleurfamilledéjàinstallésdanslepays.
56
Quelquestémoinsfontétatd’unemigrationforcée.Certainsontfuilaguerre,d’autresdespersécutions.Ilsontdemandél’asileaugouvernementluxembourgeois.
«Onvivaitbienàl’époque,jusqu’àlapériodedelaguerreauKosovo,monfrèreaététué, il fallaitpartir,peu importeoù.Ons’estrenseignésurunpaysdémocratiquequitraitaitbienlesétrangersetquidonnaitdesautorisationsdeséjourplusaisémentetonnousaditleLuxembourg.»—Homme,Kosovar,ouvrier,quarantaine.« Je me suis enfui, car j’étais pourchassé par la police, j’ai traversé de nombreusesfrontièresaupérildemavie.J’avaisprévud’allerauRoyaume-Uni,maissuisarrivéàLuxembourg.»—Homme,membred’uneminoritéethniqueenChine,commisdecui-sine,trentaine.
SilestatutderéfugiéauLuxembourgdonnedroitàunpermisdeséjourrenouvelabled’aumoinscinqansetqueleréfugiéalapossibilitéd’exerceruneactivitésalariée,laprocé-duredereconnaissancepeuts’avérerlongueetconduire,danscertainscas,versuntravailillégal. Une autorisation d’occupation temporaire peut certes être délivrée aux deman-deursd’asile,maiscettedernièrenepeutêtredemandéequeneufmoisaprèsledépôtdelademandedeprotectioninternationale41.Auseindel’échantillon,19personnessontvenuess’installerauLuxembourgdanslebutd’ytrouverunemploi,enbénéficiantdesfacilitésoffertesparlaprésencedesmembresdeleurfamilledanscepays.Lelienfamilial(kinshiplink)est,danscecontexte,lefacteurquifavorisel’immigration,d’autantplusqu’ilestliéàl’insertionéconomiquedelafamilledans le pays d’immigration. Ceci constitue la cause d’immigration la plus fréquente auseindel’échantillon.Onconstatera,avecletémoignagesuivant,qu’elleestparfoisenclen-chéeàlafaveurdechangementspolitiquesdanslarégiond’origine:
«JesuisarrivédeYougoslavieen1990aumomentoùilspassaientdusocialismeaucapitalisme.Jetravaillaisdansuneentreprisequiavaitlicenciédespersonnes.Jen’aipasétélicencié,maisj’aidemandéàl’entrepriseuncongédequatremoispendantle-queljesuisvenuàLuxembourg.Monfrèretravailleàlacommuneetaladoublenatio-nalité;ilyestdepuis1985.»—Homme,Yougoslave,ouvrier,quarantaine.
Le mariage d’un étranger à une personne luxembourgeoise ou née au Luxembourg estaussiunfacteurimportantfavorisantl’immigration.
«Mafemmeestbosniaque,maiselleestnéeàLuxembourg.Jel’airencontréequandelle était en vacances en Bosnie, on s’est marié et on y est restés quelques années.Finalement, on a décidé de venir au Luxembourg. Ma femme y avait travaillé avantqu’onsemarieetmesbeaux-parentsyavaienttrouvéunbontravailetçafaisait30ansqu’ilsyhabitaient.EnBosnie,jenetrouvaispasdetravail,ilyatropdecorruption.»—Homme,Bosniaque,ouvrier,quarantaine.« J’ai rencontré ma femme à Luxembourg. Il a été question qu’elle me rejoigne àLondres,maisaufildesesvisitesleweek-end,elles’estrenduecomptequ’ellen’ai-maitpasLondresparcequelavilleesttropgrandeettroppolluée.J’aialorsdécidédetoutabandonneretd’allerm’installeràLuxembourgavecelle.Mafemmeestd’origineportugaise et a pris la nationalité luxembourgeoise à l’âge de 18 ans. » — Homme,Anglais,commerçant,cinquantaine42.
41 Uneautorisationd’occupationtemporairepeutêtreaccordéeauxdemandeursdeprotection internationale,neufmoisaprèsledépôtdeleurdemandelorsqueleministren’apasencorestatuésurcelle-ci.Cetteautorisationseravalablepoursixmoisrenouvelablespourunseulemployeuretuneseuleprofession.Pourobtenir l’autorisationd’occupationtemporaire,lapersonnedoits’inscrireauprèsdel’Administrationdel’Emploi(ADEM).L’employeurdoitintroduirelade-manded’autorisationd’occupationtemporaireauprèsdel’ADEM.
42 Notretraduction.
57{ Approche qualitative }
«JesuisvenuàLuxembourgavecunvisatouristique.Jesuistombéamoureuxd’uneLuxembourgeoise.J’étaistrèsjeuneetaidécidéderetournerauNépal,maisellem’ademandéderevenirauLuxembourgparcequ’ellenevoulaitpasvivreauNépal.»—Homme,Népalais,commerçant,trentaine.«J’airencontrémafemmeauCap-Vertpendantqu’elleétaitenvacances.Elleestarri-véeàLuxembourgàl’âgedequatreansavecsesparents.Aujourd’hui,elleestLuxem-bourgeoise.Ellem’aditdevenirauLuxembourg,ons’yestmariésetelleavouluqu’onviveici.»—Homme,Capverdien,techniciendesurface,trentaine.
Quand se construit une union entre une personne du Luxembourg et une personne del’étranger,lalocalisationducoupleauGrand-Duchépeutreleverdedifférentesconsidé-rations:l’attachementaffectifdumembreluxembourgeoisàsonpays,desraisonsprag-matiques(possibilitésdelogement,detravail…),etc.Enrevanche,l’installationduconjointnon luxembourgeois pose souvent la question de son adaptation au marché de l’emploilocal.Leréseausocialetfamilialdumembreluxembourgeoisducouplepeutalorsdevenirunélémentfacilitantl’accèsautravail.
Pourtant,plusieurs témoinsdisentavoir trouvéuntravailsans l’aidede leurconjointouquecederniern’apaspulesaiderpourtrouverunemploi.Notonsqueparmicestémoins,certainsontdébutéleurcarrièreparuntravailsurlemarchéinformelouentantqu’intéri-maires,d’autresontcrééleurpropreemploidansledomainecommercial.
L’expatriéestunsalariédontlecontratestsuspendu,pourladuréed’unemission,ende-horsdesonpaysd’emploihabituel.Lesexpatriéspeuventavoirdescontratsdeduréesetdetypesdifférents(voirplusbas).Selonlesentreprises,l’expatriationestcompenséeavecplusoumoinsd’avantagesfinanciersouennature.Pourcertains, ils’agitd’unchoixdecarrière,d’autressontplusoumoinspoussésàaccepterunedestinationdonnéeouuneduréed’installation.Auseindel’échantillon,lesexpatriéssontaunombredeneuf.
«J’aieumonpremiertravaildanslabranchechinoisedelacompagnieetj’aisimple-mentposémacandidaturepourallertravailleràl’étranger.(…)LacompagnieenChinea faitpartà300000personnesdespostesàpourvoirà l’étranger. Il yaune listedequalificationsetsivouslesavez,vousenvoyezvotrecandidature, ilssélectionnentlesmeilleurs profils, puis vous passez des examens. » — Homme, Chinois, directeur dedépartement,37ans.«Non, jen’aipasdemandéàveniràLuxembourg.J’étais invitée,gentiment invitéeàvenir…Enfait,depuisquej’airejointlegroupe,jen’aijamaisdemandéàchangerquoiquecesoit.C’était toujoursdesoffres,desopportunités…Quand je regardemonCV,c’estvraiquetouslesansj’aichangé.Ilparaîtquec’estbon,maisjen’aijamaisfaitunedemande,“jeveuxchanger,jeveuxallerici…”,j’étaistoujoursinvitéeàprendreplusderesponsabilités,unpérimètreplusétendu.(…)Vousêtescomplètementlibrederefuserl’invitation.Après,çadépendsivousvoulez fairecarrièreoupas.»—Femme,Espa-gnole,manager,trentaine.«Ilyadescadresqu’onappelle“mobiles”,cequiestmoncas,j’aifaitplusieursusines,àpeuprèstouslestrois,quatreans,jepeuxchangerenfaisantsuivremafamille.»—Femme,Française,directrice,trentaine.
Différents typesdecontratssontdoncproposés :uneexpatriationde longuedurée,deschangementsplusrapidesenfonctiondesaspirationsdel’employé,undéplacementtrien-nal…Danstouslescas,l’expatriationestplusoumoinsconsentieparletravailleur,danslecadred’unplandecarrièrequ’ildoitnégocieravecsafamille.
58
Intégration au marché de l’emploi
AvantderecruteruntravailleurdepaystiersétabliauLuxembourgounon,unemployeurdoit faire une déclaration de poste vacant à l’ADEM43. Si le ressortissant de pays tierscorrespondant au profil recherché réside régulièrement au Luxembourg et est autoriséà travailler dans le secteur et la profession proposés, l’employeur peut l’embaucher. Lecandidatdoittoujours,aupréalable,disposerd’uneautorisationdetravail44.Sileressor-tissantdepaystiersn’estpasétabliauLuxembourg,ildoitintroduireàpartirdel’étran-gerunedemanded’autorisationdeséjourpourtravailleursalarié.Envertudelaprioritéd’embauchecommunautaire,l’AgencepourleDéveloppementdel’Emploi(ADEM)vérifiesidesdemandeursd’emploi,ressortissantsluxembourgeoisoucommunautairessontdispo-niblessurlemarchédel’emploipouroccuperleposteàpourvoir45.
Siteln’estpaslecas,l’employeurpeutrecruterlapersonne.Ilsignerauncontratavecleressortissantdepaystiers.L’embaucheneseraeffectivequ’unefoisquelemigrantauraobtenuuneautorisationdeséjourpourtravailleursalariéetuneautorisationdetravail.
Unefoisl’autorisationdeséjouraccordée,lecandidatàl’émigrationdoitfairelademanded’unvisa(sicelui-ciestrequis)pouraccéderauterritoireduGrand-Duché.Lorsdel’en-tréesurleterritoire,ildoiteffectuerunedéclarationauprèsdesacommune,sesoumettreàuncontrôlemédicalet introduireunedemandedetitredeséjourauMinistèredesAf-fairesEtrangères.
Lepremiertitredeséjourpourtravailleursalariéestvalableunan,pouruneseulepro-fessionetdansunseulsecteur,auprèsdetoutemployeur.LepremierrenouvellementdetitredeséjourdetravailestàintroduireauprèsdelaDirectiondel’Immigrationavantladated’expiration;ilseravalablepouruneduréemaximaledetroisans46.Silesalariéres-sortissantdepaystiersveutchangerdesecteurd’activitéavantlademandedudeuxièmerenouvellementdutitredeséjour,ildoitrecommencerlaprocédure(notammentlavérifi-cationdelaprioritéd’embauchecommunautaire)etdemanderunenouvelleautorisationdeséjouretdetravail.
D’autresrègles,plussouples,régissentl’accèsautravaildutravailleurhautementqualifiéquidoitsolliciterletitredeséjour«cartebleueeuropéenne»47.
Après cinq ans de séjour régulier et ininterrompu sur le territoire luxembourgeois, leressortissantdepaystierspeutdemanderlestatutderésidentdelonguedurée.Pourcefaire,ildoitêtreenpossessiond’unpasseportencoursdevalidité,disposerderessources
43 L’ADEMapourmissionderapprocheraumieuxlesoffresetlesdemandesd’emploi.Dansl’intérêtdumaintiendupleinemploietdel’analysedumarché,toutpostedetravaildoitdoncobligatoirementyêtredéclaré.
44 www.adem.public.lu/demandeur/permis(Art.35,§1delaloimodifiéedu29août2008surlalibrecirculationdesper-sonnesetl’immigration).
45 C’estle«testdumarchédel’emploi».Sil’employeurnesevoitpasproposerdansundélaide3semainesuncandi-datquiconviennesurlemarchédutravaillocaloueuropéen,ilpeutdemanderauDirecteurdel’ADEMuncertificatluipermettantdeconclureuncontratde travailavecunressortissantd’unpays tiers (www.guichet.public.lu/citoyens/fr/citoyennete/immigration-visa/index.html).
46 Contreuneduréemaximalededeuxansauparavant.47 L’octroi d’une autorisation de séjour aux fins d’exercer un emploi hautement qualifié est soumis aux conditions sui-
vantes:disposerd’uncontratdetravailvalidepourunemploihautementqualifié,présenterundocumentattestantlesqualificationsprofessionnellesélevéespertinentesettoucherunerémunérationaumoinségaleàunseuilsalariald’unefoisetdemielesalaireannuelbrutmoyenayantcoursauGrand-Duchépourlestravailleurshautementqualifiés.Pourlesemploisappartenantauxgroupesdeprofessions1et2delaCITP,pourlesquellesunbesoinparticulierdetravail-leursressortissantsdepays tiersestconstatépar leGouvernement, leseuilduniveauderémunérationminimalestfixéà1,2foislesalaireannuelbrutmoyen.Aucoursdesdeuxpremièresannéesdel’exerciced’unemploihautementqualifié,lesautoritésnevérifientpassilepostepeutêtreoccupépardelamain-d’œuvrenationaleoucommunautaire.Notonsencorequelesmembresdefamilled’unressortissanttiersdétenteurd’untitredeséjour«cartebleueeuro-péenne»peuventl’accompagnerdèssonentréesurleterritoire,cequin’estpaslecasduressortissantdepaystiersdétenteurd’untitredeséjour«travailleursalarié».
59{ Approche qualitative }
stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux desmembresdefamillequisontàsacharge,sansrecourirausystèmed’assistancesociale,disposer d’un logement approprié, disposer d’une assurance maladie pour lui-même etlesmembresdesafamille,nepasreprésenterundangerpourl’ordreetlasécuritépu-blique.Lerésidentdelongueduréealibreaccèsaumarchédel’emploi48.
Onleconstate,lesdémarchesadministrativesquiréglemententl’arrivéed’untravailleurissud’unpayshorsUErestentardues,mêmesilesrestrictionsd’accèsaumarchédel’emploiontétéassoupliesaucoursdutemps.Lesentreprisesquisouhaitentemployeruntelcandidatnepeuventpasseroutreuneprocédurequiprônelapréférencecommunautairesurlemarchédutravail.Lorsqu’ils’agitd’untravailleurpeuqualifié,lesentrepriseshésitentsouventàentre-prendrecesdémarchesfastidieuses,sansgarantiederésultat.S’agissantdepersonnesquali-fiées,laprocédurerestelamême,mêmesilaprobabilitédetrouversurlemarchédel’emploinational une personne avec les qualifications recherchées est plus mince. Les attentes del’entrepriseétantégalementplusimportantes,ilestsansdouteplusaisé,pourunemployeur,d’envisagerfavorablementlesdémarchesadministrativesdanslecasd’untravailleurhaute-mentqualifié,qui,commeonl’avu,bénéficied’unaccèsplusfacileaumarchédel’emploi.
Recherche d’emploi
Surles41témoins,travailleursdebase,dont leparcoursaétéétudié,20ontprocédéàdesenvoisdeCVafindedécrocherunpremieremploiauLuxembourg.Lespersonnesquiontdécrochéuntravailgrâceà l’aided’unami,desmembresdeleurfamilleoudeser-vicesadministratifs(ADEM)sontégalementnombreuses(16personnes).Enfin,lepassageparuntravail intérimairesembleégalementcourantdansl’accèsàcertainssecteursdumarchédutravailgrand-ducal(5cas),d’autresdémarchessontplusrésiduelles(3casdecréationdecommerce…).
Letravail intérimaire, l’envoideCV, lasollicitationdel’ADEMetdesréseauxdeprochessontdesparcourshabituelsquipeuventallerdeconcert.Enparticulier,lesréseauxper-sonnelsfonctionnentcommeuneagencederecrutementofficieusequelquesoitlesec-teurd’activité,lepaysoulaqualificationdessalariés.
«Dansmonpays,j’avaismapropreentreprisependant10ansetaprèsj’aifaitfaillite.J’aialorstravaillépouruneautreboîteauBrésiloùj’aiconnuunepersonne.Monamiaeuunepropositiondetravaildelapartd’unesociétéauLuxembourg.Ill’aacceptéeetcommeçam’intéressaitaussi,ilapoussémacandidatureauprèsd’undesessupé-rieurs.»—Homme,Brésilien,quarantaine,architecte.«C’estuneamieque jeconnaissaisduCap-Vertquim’a introduitedanscetteentre-prise,alorsquejecherchaisuntravail.J’aid’abordcommencéenintérim,jel’airem-placéependantsoncongémaladieetmaintenantj’aiuncontratfixe.Etmoi,j’aiaidémabelle-sœuràyentreràsontour.»—Femme,Capverdienne,53ans,agentdenettoyage.«C’estleparraindemafemmequim’afaitentrerdansl’entreprise.Ilestàlaretraitemaintenant. (…)Cesontgénéralement lespersonnesquipartentenpensionquipro-posentquelqu’unpourlesremplacer.»—Homme,Luxembourgeoisd’originecapver-dienne,34ans,ouvrier.
Facilitantlerecrutementgrâceaucapitaldeconfiancequ’ellesreprésentent,lesrelationspersonnellesà l’intérieurd’uneentrepriserenforcentégalement leschancesd’inclusionrapidedesnouvellesrecrues.
48 Sousréservedesemploisquiparticipentàl’exercicedel’autoritépubliqueetauxfonctionsquiontpourobjetlasauve-gardedel’intérêtgénéraldel’Etat.
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Laplupart(31)despersonnesinterviewéesdisposentd’unCDI.Bienquecertainessoientpasséesparunepériodedetravailintérimairedansl’entreprisequilesemploieactuelle-ment, lecontratàdurée indéterminéeestbienentendu la formulequiprotège lemieuxlesdroitsdestravailleursetleurpermetdeseprojeterdansl’avenirdansleurpaysd’ins-tallation:c’estunedesconditionsimportantesdel’intégrationsocialepourlesmigrants.Si lesexpatriés (8)disposentégalementdecontratsàdurée indéterminée, lesperspec-tivesd’avenirsonttoutautresdansleurcas:plustard,ilsserontprobablementaffectésàd’autrespays.Lesexpatriéspeuventêtresoumisaudroitlocaloubienleurcontratpeutconsisterenunavenantaucontrat initial,concluavec l’entreprisemère,situéedansunautrepays,l’avenantdéfinissantlesconditionsdel’expatriation.
Le contrat de droit local est un contrat de travail soumis au droit luxembourgeois. Lagrandemajoritédesexpatriésrencontrésdisposentd’unpareilarrangement.Lecontratdetravail initialdel’expatriéestsuspenduletempsdesamissionauLuxembourg.Ilensignedoncunautredépendantgénéralementdudroitnational.LecontratinitialreprendsoncoursàlafinducontratleliantàsonposteauLuxembourg.S’ils’agitd’unpersonneldétaché,l’employeurbaséàl’étrangerproposetemporairementunavenantaucontratdetravail,couvrantl’engagementsurleterritoireluxembourgeois49.
Entout,troistémoinssontdesindépendantsayantcrééleurpropreemploi:«QuandjesuisarrivéàLuxembourg,c’estaumomentoùStarbucksafaitsesdébutsàLondres, jemesuisditqueceserait intéressantdemonterquelquechosedans lemêmegenreàLuxembourg.J’aieudelachanceettrouvécelocalcommercialetc’estcommeçaque toutacommencé.Parcontre,à la retraite jeme tourneraiànouveauverslarecherche,monpremieremploi.»—Homme,Anglaisd’origineindienne,com-merçant,cinquantaine.« J’ai d’abord commencé comme serveuse dans plusieurs restaurants et on s’est ditavec mon mari qu’on pourrait aussi ouvrir notre propre restaurant. On a pu le fairegrâceausoutienfinancierdenotrefamillerestéeenChine.»—Femme,Luxembour-geoised’originechinoise,restauratrice,34ans.
Plusieurstémoins(4)noncommunautairesexpliquentqu’ilsonttravailléensituationillé-galeàunmomentdeleurcarrière,carilétaitalorsdifficilepoureuxd’obtenirunpermisdetravail.
«J’aitravailléaunoirdanslesvignes,j’aidonnédesCV,maiscen’étaitpasfacile,çajepeuxdire,cen’étaitpasfacilepourlesgensdeYougoslavie.Ilfautd’abordfaireunede-mandeauministère,c’estlaloi…Lespapiers,maiscen’étaitpaslespapierscommeunPortugaisoubienquelqu’undelaCommunautéeuropéenne,c’estencoredifférent. Ilfautchercheruntravailetletravail,danslesecteurdelasécurité,parexemple,n’étaitpasfacile,parcequemonpermisétaitunpermisA50:ilfallaittravaillerdansunepro-
49 Àtitred’exemple,ilexistedifférentscontratsd’expatriationauseindel’entreprisedusecteursidérurgique:- Lecontrat«globallymobile»:lessalariéschangentdepaystouslestroisans,troisansdansunpaysduNord,trois
ansdansunpaysduSud.Lecontratetlesalairesontlocauxetlesfraisdescolaritédesenfantssontprisenchargeparl’entreprise.
- Lecontrat«expatrié»quienglobeledéplacementdelafamillenucléaire,unvoyaged’orientation,lelogement(pen-dantunepériodedonnée),uneprimed’installation,lapriseenchargedesfraisdescolarité,uneindemnitédeviechère(+10%dusalairesil’onsedéplaced’unpaysduSudversunpaysduNord)etune«hardshipallocation»qui«compensedifférentescontraintestellesquelesdifférencesgéographiques,culturellesetlinguistiquesainsiqueleclimatpolitique,social,économiqueetdesantépubliquedanslepayshôte.»
- Les « eurocommuters » travaillent au Grand-Duché en semaine et bénéficient d’un logement individuel et d’uneprimedemobilité.
- Le«contratlocal»:salairelocaldebase,rémunérationsvariablespourlescadres,bonuspourlesemployés.50 Avantlaloidu29août2008surlalibrecirculationdespersonnesetl’immigrationexistaitlesystèmedestroispermis
detravailA,B,C.LepermisAétaitvalablepouruneduréemaximaled’unan,auprèsd’unseulemployeuretuneseuleprofession.LepermisB,d’uneduréemaximaledequatreans,pouvaitêtreattribuéauboutd’unanderésidenceetétaitvalablepouruneseuleprofessionauprèsde toutemployeur.LepermisC,d’unedurée illimitéeetvalablepour toute
61{ Approche qualitative }
fessionetchezunmêmeemployeur,ilfallaitresterchezlui,minimumdeuxans,pouravoirlepermisB.Puis,toujoursaunoir,j’aitravaillédansunhôtel,jegagnais2000LUFparmois…»—Homme,Kosovar,ouvrier,quarantaine.
Laquestiondelareconnaissancedescompétencesetdiplômesaétéposée.Undiplômeporteenluidenombreusesvaleurs:savaleursurlemarchédutravail,savaleurd’usageenadéquationounonavecleposteoccupéouvisé,savaleursymboliqueentantquesignedestatutprofessionneletdereconnaissancesociale,etsavaleuraffectivecorrespondantauxtemps,effortsetespoirsinvestis.
Plusieurscasdefiguresontnotésdurantl’étude: lesdiplômesoulescompétencesdestravailleursmigrantspeuventounonêtreformellementreconnusparleministèrecompé-tent;ilspeuventounonêtre,partiellementoutotalement,reconnusparlesentreprises.
Si, pour quelques-uns, l’expérience professionnelle précédente est reconnue en entre-prise,biend’autrestravailleursoccupentdesfonctionsendeçàdeleurscompétencesetdiplômes.Onconstatedansl’échantillonquelarétrogradationprofessionnelleestmalvé-cue,mêmesitravaillerauLuxembourgreprésenteunnetavantagefinancier.
«J’aifaitdesétudesendroit.Mondiplômen’apasétéreconnu.J’aid’abordtravaillédansuneentreprised’entretieninformatique,j’ainettoyédesPC,faxettoutça,etpuismondeuxièmetravail,c’étaitconducteurdecamionnette.Aujourd’hui,jetravailledansledépartementdesressourceshumainesdel’entreprise.»—Hommeluxembourgeoisd’originealbanaise,responsablefichesdesalaire,38ans.«J’aifaitmesétudes,aprèsj’aitravaillécommeprofesseurdesécoles.Icijefaislemé-nageetlaplonge,malheureusement…»—Femme,Capverdienne,agentdenettoyage,37ans.«J’aifaitdesétudesenUkraine,Bac+5,jesuisingénieurmécanicien.Mondiplômeaété vite reconnu au Luxembourg, ça n’a pris que deux mois ! Avant, j’étais chauffeurdans l’entreprise,puis j’aieuunaccidentde travailetmaintenant je travailledans leserviceadministratif.»—Homme,Portugaisd’origineukrainienne,agentadministratif,trentaine.«J’aisuivimonmariàLuxembourg.J’aipostulédans lamêmeentrepriseque luietonm’aengagée.Avant(aupays), j’avaisunposteassezhautplacépourlequel j’aidûdonnermadémission.Aujourd’hui(auLuxembourg),j’aidûaccepterunemploibienendessousdemapositionprécédente.J’aifaitbeaucoupdesacrifices.»—Femme,Sud-africaine,cadremoyen,cinquantaine.
Parmi les 41 travailleurs interviewés, onze se disent surqualifiés pour les tâches qu’ilsexécutent.Enrevanche,21personnesdisentavoirunemploicorrespondantàleursétudes,leurdiplômeayantétéreconnuparleurentreprise.Toutefois,laplupartn’ontpasintroduitdedemandedereconnaissancedeleurdiplômeauprèsduministèrecompétent.
professionettoutemployeurpouvaitêtreaccordéauboutdecinqansderésidence.Parailleurs,prévalaitlesystèmedesdoublesautorisationsdeséjouretdetravail:d’unepart,l’autorisationdeséjouràdemanderauprèsduMinistèredelaJustice,etd’autrepart,lepermisdetravailàdemanderauprèsduMinistèreduTravail.Iln’yavaitdoncpasdeprocédureuniquededemandeaboutissantàuntitredeséjour/permisdetravailcombiné.
62
Deuxième « moment » : l’intégration à l’entreprise
L’accueil des nouveaux
Pour accueillir les nouveaux arrivants dans l’entreprise, certaines sociétés visitéesmettentenplaceunsystèmedeparrainage.Lesparrainssontdessalariésexpérimentésdésignésparlesresponsablesdel’entreprise.Leurrôleestdeguiderlenouveausalariédanssafonctionpendantladuréenécessaireàsaformation.
D’autresentreprisesexternalisentl’accueildecertainsnouveauxsalariésenrecourantauxservicesd’agencesderelocalisation.Danscertainscas,cesservicessontinclusdanslesavantagesproposésparlescontrats. Ilssontdestinésàfaciliterl’installationauLuxem-bourgdesfamillesd’expatriés.
D’autresentreprisesencoreprocurentunehabitationdansunlogementcollectifauxnou-veauxsalariésexpatriés.
Secteurs d’activité pour lesquels un processus d’accueil est signalé Types de contrat Type d’accueil Qualification des salariés
Sidérurgie CDIexpatriés Agencederelocalisation Qualifiés
CDIdedroitlocal Nonspécifié Qualifiés
Finance CDIexpatriés Logementcollectif Qualifiés
CDIdedroitlocal Nonspécifié Qualifiés
Collectededéchets CDIdedroitlocal Tutoratprovisoire Nonqualifiés(etqualifiés)
Serviceauxentreprises CDIdedroitlocal Systèmedeparrainage Nonqualifiés
Commelemontreletableau,touteslesentreprisesrencontréesneprévoientpasunsys-tème d’accueil des nouveaux collègues. Dans l’échantillon, elles sont quatre sur neuf.Danslecasoùuntelprocessusexiste,ilconcerneplutôtdespersonnelsqualifiés,etplu-tôtdesexpatriés.Parailleurs,lanaturedel’offreconcernel’installationdelafamilleauLuxembourgplutôtquelecontenudutravaillui-même.Toutefois,dansdeuxentreprisesdeservices,unparrainagequantaux tâchesprofessionnellesàexécuterestprévupourdestravailleurslocaux,faiblementqualifiés.
Dansunedecesentreprises, lestravailleursnouvellementrecrutésetneparlantpaslalanguedel’entreprisesontprovisoirementinvitésàfaireéquipeavecuncollègueparlantleurlangue,afindeleurexpliquerlesprocéduresdetravail.Unefoislesrudimentsacquis,lespersonneschangentd’équipe.
«C’estpluscommeavant,avantvousarriviezdanslasociété,vousétiezlâchédanslanature,làvousavezunparrainquidoitvousexpliquer,vousavezunsuivi,entoutcas,onmetenplaceundocumentquinouspermetdesuivre lesdifférentesétapesde laformation,oncoacheavecleparrain,chaquepersonneaunparrainetestintégréepro-gressivement.Leparraindoitluimontrerleplanning,lesrèglesd’hygiène,lesrèglesdesécurité,c’estquelquechosequ’ondoitremettreentempsetenheureaubureaudesressources humaines. (…) Je pense qu’il y a quand même des relations particulièresentreeux,leparrainetsonfilleul.(…)Onessaiedeleformeravantlafindesapérioded’essai;touslesmois,quandnousavonsunepersonneenpérioded’essai,ondiscute,onparledesespointsfaibles,onn’attendpasladernièreminutepourluidireMadameouMonsieur,onseséparedevous,onn’estpascontent.Ilfautluiexpliquerprogres-sivementauboutdechaquemois,quellessontlesétapesoùelledoits’améliorer,onarriveàdebonsrésultats.(…)Leparrainagepeutcesserauboutde15jours,siauboutde15jours,lapersonneestintégrée,onnevapaslachapeauterpendantsixmoisnon
63{ Approche qualitative }
plus,c’estdutravail,c’estdesheuresdepluspourleparrain.Ilyadespersonnesquiontbesoindetroismois,ilyadespersonnesquiontbesoinde15jours,pasderèglelà-dessus.»—Homme,responsableGRH.«Chaquepersonnecheznousauntuteurpourl’aideràfairelesdémarches…Enréalité,onn’enapresquepasbesoinparcequ’onpeutdemanderàn’importequelcollègue,lematin:“Jeneconnaispas”,“Ahoui,moijesaistedire,c’estcomme-ci”ou“Vaappeleruntel,parcequelui, il l’adéjàfait…”. Ilyatoujoursdel’entraideentrecollègues(…)C’estlogiqueparcequechacunsaitquec’esttrèscompliqué.»—Homme,syndicaliste.
Comme le relate ce dernier témoignage, dans certains cas, l’accueil des nouveaux peutêtreunecompétencecollectiveetinformelle,développéeparl’ensembledestravailleurs.Elle peut même concerner les conseils prodigués dans le cadre des besoins privés destravailleurs(recherched’unlogement,choixd’uneécole,…).
Faciliterl’arrivéeauLuxembourgd’untravailleurexpatriérevientaussiàluiproposerdesavantages en nature. Ils ont pour objectif de renforcer la concertation du nouveau venusursestâchesetlelibérantdescontingences,notammentfamiliales,desarelocalisationdansunnouveaupays.
Ainsi, certains expatriés bénéficient d’un logement de fonction. Il s’agit, dans quelquescas,d’unbuildingàappartementsoùsontégalementinstallésd’autrestravailleursexpa-triésdelamêmeentrepriseetleurfamille.Cesderniersdisposentmêmed’unsystèmedenavettedomicile/emploi.D’autresservicessontsignalés:inscriptiondesenfantsdansdesécolesprivées,systèmesdemutuelles,visiteguidéedeLuxembourg-ville,accompagne-mentadministratif(permisdetravailetderésidence),aideàlarecherched’emploipourleconjoint,uneassurancemaladiecomplémentaire,uneindemnitéderéinstallation,etc.
« Je suis un intermédiaire. Mon travail, c’est : comment arriver ? À quoi faire atten-tion?Lepermisdeséjour…Maispourmoi, ladifficultéestdebienconnaîtrelapoli-tiqued’immigrationoucegenredechoses–etcelachangesouvent–,parcequejefaisdesextensionsdevisaspour lesstaffs. Jem’occupeausside toutcequiest travauxdanslarésidencedenossalariésetdecequiestviequotidienne.»—Homme,Chinois,quarantaine,directeurdesressourceshumaines.
Les langues de travail
«Sil’emploiestunfacteurd’intégration,ilenestd’autresquilecomplètent(…).Ainsi,lerôledelamaîtrisedelalanguedupaysd’accueilestsouventpointé(…),
mêmesiellen’estpastoujoursindispensable.(…)Lefaitdetravaillerdansuneautrelanguepermetdeplusvitel’apprivoiser.»
(Stokkink,2012,34-35).
SelonunsondagesuréchantillonnagereprésentatifmenéparTNS-ILRES(2007)àproposdel’usageetl’enseignementdeslanguesauLuxembourg51,lalanguequis’imposedanslemondedutravailesttoutd’abordlefrançais,suividuluxembourgeois,del’allemandetdel’anglais.
Selonnosobservationsportantsurdescontextesimpliquantlestravailleursdepaystiers,leslanguesquiimportentdanslesentreprisesdivergenttoutefoislégèrementdecesré-sultatsgénéraux.
51 www.tns-ilres.com/cms/Home/News/Publications/Archive/Usage-et-enseignement-des-langues-au-Luxembourg.
64
Si le français, langue ayant facilité l’accès à une entreprise pour 26 personnes sur 41,semblearriver,iciégalement,enpremièreposition52,onzeautreslanguessontmention-néescommeimportantesdurantlesentrevues,dontparordredécroissant:
• l’anglais:14personnes• lecréolecapverdien:9personnes• lechinoismandarin:8personnes• leportugais:6personnes• lehindi:3personnes• l’allemand:2personnes• leluxembourgeois:2personnes,etc.
Aumoinstroisouquatrelanguessemblentd’usagedanslesentreprisessélectionnées.
Secteurs d’activitéOrigine de
l’entreprise ou de l’entrepreneur
Langue principale utilisée dans l’entreprise
Langue ayant facilité l’entrée
dans l’entreprise
Autres langues utiles au tra-vail par ordre décroissant
d’importance
Nombre de langues citées
Collectededéchets Luxembourg,puisFrance
Français Français LuxembourgeoisPortugaisAllemand
4
Nettoyage Luxembourg Français Français CréolePortugais
3
Servicesauxentreprises France Français Français CréolePortugais
3
Transports Luxembourg Anglais Anglais CréolePortugaisFrançais
4
Sidérurgie Luxembourg,puisInde
Anglais Anglais HindiFrançaisRusseEspagnolRoumainChinois
7
Finance Chine Chinois Chinois AnglaisFrançais
3
Restaurationetdis-tributiondeproduitsethniques
Chine/Inde/Népal Chinois/Hindi/Népali
Chinois/Hindi/Népali
AnglaisFrançaisLuxembourgeoisAllemand
5-6
Les constats synthétisés dans le tableau laissent apparaître qu’il n’existe pas nécessai-rementdeliensentrel’origineetlaprincipalelanguedel’entreprise.Toutefois,ilestpro-bablequelamaîtrisedecettelangueconditionnedansunecertainemesurel’embauche.Lalanguedel’entreprise(principalementlefrançaisoul’anglais,dansnosobservations)estnotammentprépondérantedansl’administrationdelasociété;elleestaussiutiliséedanslaplupartdestâchesdegestiondesressourceshumaines53.
Pour troisdesneufsociétésvisitées, la langue (officielle)de l’entrepriseest le français.Cessociétéssesituentdanslessecteursdelacollectededéchets,dunettoyageetdelarestaurationd’entreprise.L’anglaisestlalanguededeuxentreprisesdel’échantillonpré-sentesdanslasidérurgieet lestransportsaériens.Lechinoisest luiaussi la languededeuxentreprisesdusecteurbancaire,maisaussiducommerceethnique(restaurant).Lehindietlenépalisontégalementparlésdansdeuxcommercesdumêmetype.
52 Dansplusde lamoitiédesentreprisesétudiées (6), le françaissembleêtre laprincipale languedetravail,quelsquesoientl’origine,lesecteurd’activitéouleniveaudequalificationdestravailleursconsidérés.
53 Surlerégimedeslangues:Codeadmin.–2012/A–v.7,Loidu24février1984(Mém.A-16du27février1984,p.196;doc.parl.2535).
65{ Approche qualitative }
La maîtrise ou une bonne notion de langues autres que celle de l’entreprise peut, bienentendu,faciliterl’accèsautravail.Cettecompétences’avèreutilepourdiversesraisons:
• Communiqueravec laclientèle : l’allemand, le luxembourgeoisouencorel’anglaisdanslesecteurduramassagedesdéchetsetlescafés/restaurants.L’usagedel’uneoudel’autredeceslanguesdépenddelalocalisationdel’activité(françaisetanglaisdanslacapitale,l’allemandàlafrontièreallemande…)etdelaclientèle(immigrés,populationlocale,touristes…).
• Communiquerauseindel’équipe.Lalangueutiliséedépenddel’originedelaplu-part des collègues directs. On note l’usage du portugais ou du créole capverdienpour des emplois faiblement qualifiés, de certaines langues asiatiques dans cer-tainscommerces.Danslesentreprisesmultinationales,l’anglaisl’emportecommelanguedecommunicationmêmesicettelangueestlalanguematernelledepeudepersonnes.
Danslepremiercas,l’aborddeslanguesdetravailestessentiellementpragmatique:leclientimposesalangue.Danslesecondcas,onsubodoredavantagedelogiquesrelation-nelles:unelanguecommunepeutêtrechoisieparceque,précisément,ellen’est,enréa-lité,lalanguedepersonne.Celaestessentiellementlecasdel’anglaisoudufrançais:
« Les nouveaux s’intègrent vite parce qu’on travaille ensemble, on parle seulementfrançais,onneparlepasportugais,onneparlepascroateouserbe,égal,onparlelalanguefrançaiseparcequec’estseulementfrançais…»—Hommeouvrier.
Cetypedesituationspermetànombredetravailleursd’améliorerleurscompétencesenlanguesétrangères:
« I think that my English improved since I started working. » — Femme chinoise,employéedebanque.
Danscertainesentreprisesvisitées,siunepersonnequivientd’êtreengagéeneparlepaslalanguecommunémentutiliséeautravail,elleestaccompagnéeparuntravailleurexpé-rimentéquiparlesalangue.Ilestchargédeluiexpliquerlamarcheàsuivredansl’élabo-rationdesatâcheetdefaciliterlatransitionverslefrançais.Plustard,lenouveauvenusera graduellement affecté à des équipes de travail, non selon ses préférences linguis-tiques, mais selon les tâches à effectuer. La langue commune devient alors le français.Unedesouvrièresrencontréesavécul’expérience:
«Onesttoutmélangéici.Enarrivant,onfaitdessignes…surtoutmoi!J’aiapprispeuàpeuavecmescollègues,danslaviedetouslesjours…»—Femme,Luxembourgeoised’origineghanéenne,39ans,agentdenettoyage.
Enfin,peuàpeus’installentlacompréhensionetl’expressiondanscettelanguepermet-tantl’exercicedelaprofession.Ainsi,l’entretienaveccettepersonned’origineghanéenneaétémenéenfrançais.
Lecasn’estpasisolé,d’autrestémoignagesfontréférenceàl’apprentissage«surletas»«J’aicommencéàtravailler,discuteraveclesgens,regardertélé,etchaquefoisde-mander ce que je ne comprenais pas… Je demandais à mon frère “qu’est-ce que çaveutdire?”etretenir…»—Homme,Turc,quarantaine,ouvrier.«Pourmoi,avantc’étaitunpeucompliqué,quandj’étaisicipourlapremièrefois,c’étaitunpetitpeudifficiled’allertouteseuleàlabanque,parexemple.Pourfairecestrucs,j’avaisquelqu’un,jedevaistoujoursdemander.Maintenantçava,jecomprendslefran-çais,j’écoutelalanguepourapprendre,jemedébrouille.»—Femme,Capverdienne,35ans,agentdenettoyage.
66
Onnotel’importanced’unepersonnedeconfiancepouraiderl’apprenantdanssoncheminversdelalanguecible.L’apprentissageinformeld’unelangueenentrepriseparticipedel’autonomisationdutravailleurimmigré;elleaideégalementsonintégrationauquotidiendans lepaysd’accueil.Parailleurs,plus legroupedecollèguesesthétérogène,plus lanécessitédesechoisirunelanguecommunes’impose,semble-t-il.
Danslecasinverse,oùungrandnombredetravailleursd’unemêmeoriginesontconcen-trésauseind’uneéquipe,onestamenéàparlerdesphénomènesd’enclavement.
Une personne d’origine capverdienne, ouvrière dans le secteur du nettoyage, déclarequ’ellenes’exprimequ’enportugaisdanssonéquipe,bienquelalanguedel’entreprisesoit le français.Elle juge :«celan’aidepas l’intégration»,carderetourchezelle,elles’exprimeencréolecapverdienauseindesafamille,ellen’ad’amisquelusophones…Ellesesent«cantonnée»dansunecultureminoritaireetuneambiancequasimonolingue.
Lespersonnesayantbénéficiéde l’asilepolitiqueouarrivéesparmariageauseind’unefamilledegroupesimmigrésinstallésauLuxembourgetlestravailleursfaiblementquali-fiéssontsouventsujetsàcetyped’enclavementsculturelsquinepermettentpastoujoursd’évoluerenlanguesétrangères.
A contrario, certaines entreprises valorisent les multiples compétences linguistiques deleurstravailleurs,afindeconstruiredeslienssociaux:
«J’aitravaillécommechauffeurpendantdeuxans,puisj’aieuunaccidentdetravail.J’aidûresteràlamaisonquelquesmoisetàmonretour,onm’aproposéuneplaceàlaréception.J’aiaccepté,j’aiensuitefaitdudispatchingetaujourd’huijem’occupedel’administratifavecmescollègues,jem’occupedelafacturation.Commejeparleplu-sieurslangues,jelesutilisepourparleravecleschauffeurs,aveccertainsclients…,jesuisunrelais,çafaciliteleschosesetévitelesincompréhensions.»—Homme,Portu-gaisd’origineukrainienne,trentaine,agentadministratif.
D’aprèslesondagemenéparTNS-ILRES(2007),l’apprentissagedelalangueluxembour-geoise par les migrants est considéré comme une priorité uniquement par les Luxem-bourgeois : cette langue n’est donc pas désignée comme la « langue de l’intégration ».Selonlesrésultatsdecesondage,c’estlefrançaisquiestindiquécommetelle.Toujoursselonl’enquête,lefrançaiss’imposeégalementcommelaprincipalelangueutiliséedansla«viesociale».C’estégalementlaprincipalelanguedecontactentreLuxembourgeoisetétrangers,devantl’allemandetl’anglais.
Au sein de notre panel de 41 travailleurs de base, 27 suivent ou ont suivi des cours delangue,dont19,afind’obtenir lanationalité luxembourgeoise.Neufpersonnesontsuividescoursde françaisdans lecadrede leuremploi.Lenombredesujetsayantprisdescours de luxembourgeois est de cinq. Peu de personnes ont participé à des cours dansd’autres langues (allemand,anglais…).Lescoursde langueconcernentessentiellementdespersonnesmoyennementqualifiées.
Formations et promotions
Certains des témoins ont suivi des formations au sein de leur entreprise qu’il s’agissed’offres facultatives (langues, informatique) ou d’une instruction obligatoire en relationdirecteaveclemétier(maniementdemachine,précautionsdansl’utilisationdeproduits,consignesdesécurité…).
67{ Approche qualitative }
Les formationsobligatoiressont inhérentesà la fonctionoccupée,ellesont lieudans lafirmemême,audébutdel’engagementetnedébouchentpassuruntitrereconnuende-horsde l’entreprise.Pardéfinition,ellesconcernent tout lepersonnel.C’estsansdoutepourcelaquepeudetravailleurslesrappellentspontanémentdansleurtémoignage.
D’autrespersonnesdel’échantillonontégalementsuividesformationsendehorsdel’en-treprise.Cesdernières leurontpermisdedécrocherdes titresetbrevets :en langues,MBA…etleurontoffertlapossibilitéd’évoluerprofessionnellement,voiredefaciliterleuraccèsàlanationalitéluxembourgeoise.
Àcôtédesapprentissages formels,commeles formations, ilexiste,dans lesmilieuxdetravail, des apprentissages informels basés sur l’observation ou des échanges avec lescollègues.L’initiationàunelangueenestunexemple.
Les compétences professionnelles acquises à travers l’apprentissage informel ont poureffet d’adapter le travailleur immigré non seulement à une situation liée à son emploi,maispluslargementdel’aiderdanslecadredesaviepersonnelle.Ils’agitd’unechainedetransformationsquipermetà l’acteurd’engrangeruncapitaldeconfiancegrâceà lamaîtrise–aussiminimequecelapuisseparaître–decontextesnouveaux.Et,engénéral,l’accroissementdemaîtrisedéclenchedesformesdereconnaissancesociale.
«Quand jesuisarrivé, je faisais laplonge,maintenant jem’occupedessandwichsetje vais parfois les disposer au rez-de-chaussée, chez les collègues de la cafétéria. »Homme,issud’uneminoritéethniqueenChine,agentderestauration,trentaine.«Oui,maintenant j’ai changédeposte.Avant je travaillaisdans le recyclageà l’inté-rieur, maintenant je travaille dans l’équipe de l’extérieur, derrière les camions. » —Homme,Turc,quarantaine,ouvrier.
Qu’ilssoientqualifiésounon,prèsdelamoitiédessalariésinterrogésonteuunepromo-tionauseindeleurentrepriseouenchangeantdecompagnie.
Lapromotionpeutnotammentêtreliée:• àuneopportunitésaisie… « J’avais travaillé deux ans pour une entreprise et un des responsables a créé sa
propreboîte. Ilademandéàmasœurd’yoccuperunpostederesponsabilité.Ellen’enapasvouluetc’estmoiquiaieuletravail.»—Femme,Capverdienne,Agentdenettoyage,quarantaine.
• àl’investissementpersonnel: «Jesuisarrivéeaprèsmonmarien1992.Luiavaitétéengagécommecuisinieret
moientantqueserveuse.Aujourd’hui,j’occupetoujourscettefonction,maisjesuispropriétairedemonrestaurantavecmonmari.»—Femme,Luxembourgeoised’ori-ginechinoise,restauratrice,34ans.
• àl’expérience: «J’ai commencéà laplonge,après jesuispasséepar lacuisineetaprèsencore,
je me suis occupée des menus. Ensuite, j’ai travaillé au kiosque et aujourd’hui jesuisresponsabledelacafétéria.J’aitoutfaitpourenarriverlà,leschefsontremar-quéquejefaisaisdeseffortspourfairetoujoursmieuxetj’aieuceposteparl’expé-rience, par mon travail. » — Femme, Capverdienne, cinquantaine, responsable decafétéria.
«Audébut,j’étaisàl’arrièreducamionetramassaislespoubelles.Jemesuisen-suiteoccupédetoutcequiétaitcanalisationsetaujourd’hui,aprèsavoirpassémonpermis, je suis chauffeur. J’ai beaucoup plus de responsabilités et plus d’impor-tance : jesuis responsablede l’intégritéphysiquedesgensqui sontà l’arrièreducamion.»—Homme,Bosniaque,cinquantaine,chauffeurdecamion.
68
• àl’ancienneté: «Jesuisleplusanciendenotreéquipeetnotrechefestpartienpension,alorsc’est
moilechefd’équipemaintenant.»—Homme,Capverdien,47ans,chefd’équipe.• auxformationssuivies: «J’aid’abordfaitduclassement,puis j’aidébutédanslerecrutement,auprèsdes
ressourceshumainesetactuellementj’aipassélestadeetmaintenantjem’occupequedespréparationsdessalaires.J’aiprogresséparétapes,j’aisuividescours,j’aifaitdudroitdutravail,c’est l’entreprisequiaproposédes formationsque j’aisui-vies:50%comptaitcommetempsdetravailetonm’apayélescours.Çam’aper-misd’avancerdansl’entreprise,maisaussidansmonintégrationparcequec’estunnouveaupaysetçam’apermisdecomprendreunpeumieuxsesfonctionnementsauniveaudelaloi.»—Homme,Luxembourgeoisd’originealbanaise,responsablefichesdesalaires,38ans.
Commecestémoignageslelaissententendre,larencontredeplusieursfacteurspermetlaconcrétisationdepromotions.Toutd’abord, lesbesoinsdesentreprisesentermesdemain-d’œuvreexpérimentée,ensuite,desopportunitésàsaisircommeuneplacevacante,desformationsproposées,denouveauxdéfis,etenfin,lavolontédecertainstravailleursd’allerdel’avantetquiobtiennentdelapartdeleursresponsableslareconnaissancedeleurscompétences,expériencesetefforts.
Deplus,ilfautliredanslapromotionprofessionnelledestravailleursimmigrésuneréa-litépluslargequ’uniquementl’avancementdansunecarrièreetunesimpleaugmentationsalariale:lapromotionprofessionnellerenforce,eneffet,ledéveloppementpersonneldestémoinsissusdepaystiers,encesensqu’elleincarnelareconnaissancetantattenduedescompétencesnonvaloriséesparlepaysd’accueiletlapriseencompted’effortsunique-mentdemandésàdesétrangers,commelamaîtrisedelanguesetdecontenuspropresaupaysd’accueil.L’avancementprofessionnelestunepromotionsocialepourlestravailleursimmigrés;iljoueunefonctionintégratricedirecteauprèsdelapersonneconcernée,tantauseindesonentrepriseque,plusglobalementauseindelasociétéengénéral.Indirec-tement,lapromotionaaussiuneffetmotivantsurlesprochesdutravailleur.
Vie sociale au sein de l’entreprise
Siunecertainesociabilitéestnécessairesurlelieudetravail,pourlaplupartdestravail-leursrencontrés,l’espaceprofessionnelnesemblepasêtreunlieudeprédilectionpoursesocialiser.Construireunecohésionsocialedansungroupeaussidiversifiéethiérarchiséqu’uneentreprisesembleeffectivementdifficile.
Seulement13personnesinterviewéessur48déclarentpartagerleurviesocialeavecdescollègues.Dansdenombreuxcas,ils’agitdepartageruneactivitésportive.Nousparlonsdefootballetcelaconcerneexclusivementleshommes.
Dansd’autressituations,cesontdescollègues,souventd’unemêmeorigine,quiselientd’amitié:ellespartagentensembledessortiesoudesévènementsfamiliaux.
«Manchmalgehennurwirzweiessen.IchwarauchmitmeinerFamiliezurKommu-nion seiner Tochter eingeladen… Wir sind richtig gute Freunde ! Wir gehen auch zu-sammenineinCaféinBettembourgwoimmereinervonderFirmaist…»—Homme,Bosniaque,conducteurdepoidslourds,quarantaine.
Toutefois,certainesentreprisesencouragentl’organisationderéunionsentretravailleursafinderenforcerlacohésiondeséquipes:ungroupedecollèguesaainsicrééuneassociationafindevaloriserladiversitéculturelleauseindeleurfirme.Elleorganisequelquesfêtesparan:
69{ Approche qualitative }
«Onorganisedesfêtesculturelles,parexemple,enfind’année,onproposeunefêtefamiliale:onestcheznous,nousavonstouteslescultures,desLuxembourgeois,desAllemands,desFrançais,desMarocains,tous.Onestcommeça…»«L’annéedernière–ilfautbiencommencerparquelquechose–,onafaitunpotdansunesalleet,enfindecompte,ledirecteuravuquec’étaitsympa.Iladit:“l’annéepro-chaineonvalerefaire”.(…)Onamêmeprisladécisiondefairemonterunchapiteauchaufféetd’offrirlematinuncaféetdescroissantspourlesgensquipartentdebonneheure,etl’après-midiunbuffetfroid.Voilà,c’estlanouvellefête.Maintenantjepensequeçavasefairetouslesans.»—Français,syndicaliste,entreprisedetraitementdedéchets.
Ce ne sont pas les seuls exemples de groupements qui prévoient des activités. Parfois,celles-cinetouchentqu’unepartiedestravailleursseulement,souventlesplusqualifiés.
«Onceweorganisedateamforamarathonwiththecolleaguesinthiscompany,fromUK,Italy,China…andwetrainedtogetherandhadplacenumberaround40on300.It’sthetop10%.»—Homme,Chinois,directeurdedépartement,37ans.
Si lessujetsquipréfèrentnepasmélangerviesocialeetprofessionnelle laissentappa-raître des raisons telles que réserver leur intimité à des personnes de leur langue ouorigine,onremarquequelestravailleursquinepartagentpasleursloisirsavecleurscol-lèguessontaussi,souvent,destémoinsquiavouentsimplementnepasavoirde«vieso-cialedutout»,parmanquedetemps.Ils’agitengénéraldetémoinsquiontunefamillenombreuseouquisontprisparleurtravail,commec’estlecasdebeaucoupd’expatriés.
Uneautredimensionaétéplusieursfoissoulignéedurantlarecherche.Pourcertainsté-moins,l’entreprisesembleêtredemoinsenmoinsunlieuquelestravailleursinvestissentvolontiers:
«Jesuisprésidentdeladélégationsyndicale.Aujourd’hui,lessalariésnes’engagentplus, le collectif çaseperd.Pour recruterdesgens,àsemettredans lesyndicat, jepeuxvousdirequec’estdifficile.C’estchacunpoursoi.Çafaitplusdevingtansquejesuisdélégué…etjelevoismaintenant»—Homme,Français,conducteurdecamions,déléguésyndical,cinquantaine.«Jesuissyndicalisteetçasepassebienavecladirection.Dèsqu’ilyaunproblème,j’ai la possibilité de les voir presque tout de suite ! Aujourd’hui, pour la relève, c’estdifférent,ilssaventqu’ilsdoiventfaireleboulot,ilstravaillenthuitheures…maisilsnes’yintéressentpasbeaucoup,ilssontmoinsimpliquésetcherchentmoinsàapprendreunefoisqu’ilsontleurCDIenmain,alorsilss’enfoutentetledisent,mêmesicen’estpaslecasdetous.J’ail’impressionquec’estunequestiondegénération…»—Homme,Luxembourgeoisd’origineukrainienne,chauffeurmécanicien,déléguésyndical,55ans.
Etdefairelelien,pourcessyndicalistesexpérimentés,avec«lacrisedel’emploi»,voire« une crise de société » (Paugam, 2009) : l’essentiel serait actuellement d’occuper unposteetnondes’engagerdansuncollectif.Cestémoinsavouentconstaterplusdediffé-rencesentreleurgénérationetlasuivantequ’entrenationalitésdifférentes,auseind’unemêmegénération.
«Moijepensequecesontlesjeunes(…),ilsneveulentpasprendrelarelève,“ahnon,çanenousintéressepas!”Pluslesancienspartent,pluslesnouveauxlesremplacent,toutdoucementonperdleschosesqu’onavaitdansletemps.Moijepensequecesontlesgénérationsetpasl’origine…»—Homme,Français,conducteurdecamions,délé-guésyndical,cinquantaine.
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Si cela peut participer d’un certain individualisme ambiant, voire d’un repli, ou encored’autresformesdesocialisationdelapartdecertainescommunautésougroupessociauxen difficulté sociale (Gerstnerova, 2014), les témoins relèvent également une dimensionparadoxale dans les attitudes décrites : l’intégration, la transmission et la solidarité nesont-ellesjustementpaslesmeilleuresréponsespossiblesàl’exclusionsociale?
Gestion de la diversité dans les entreprises : point de vue des décideurs
Cetteparties’intéresseà lagestiondesressourceshumainesdans lesentreprisesvisi-tées. Ils’agitd’approcher lespratiquesd’administration (contratde travail,droitdu tra-vail…)etdegestiondupersonnel (communication,recrutement, formations,gestiondescompétences…)misesenœuvreparlesresponsablesetlesdépartementsdesressourceshumaines. Le propos sera essentiellement basé sur les informations recueillies auprèsdesdirigeantsetcadresdesentreprisesobservées,àmettreenlienaveclestémoignagesprécédents,dusauxtravailleursdebase.Uneattentionparticulièreseraportéeàl’identi-ficationdespratiquesvisantàgéreretvaloriserlesdiversitéssocioculturellesauseindupersonnel.
Le recrutementIlexistedeuxprincipauxprocessusderecrutement:externeetinterne.
Lapremièreméthodecomptesurunlargeréseaudecandidatsdiversifiés,maisleurinté-grationauseindel’entrepriserelèved’unpari.Lasecondeméthodetablesurunnombrelimitédecandidatsconnus,puisquefaisantdéjàpartiedel’entreprise.
On constate, à l’instar de diverses recherches récentes (par exemple Manço et Barras,2013),quelaplupartdesdépartementsdesressourceshumainessollicitéslorsdel’étuderecourent à des procédures mixtes et informelles comme le « bouche à oreille » ou le«recrutementfamilialoucommunautaire»,visantàmobiliserlesréseauxdeprochesdestravailleursdel’établissement.
Aumoinssixentreprisessurlesneufconsultéesrecourentàcetypedemoyens,dontlestroiscommercesethniques.
«C’estunepolitiquegénérale:onsoutientlescandidaturesdesmembresdelafamilledenosemployés(…).C’estinscritdansnotrepolitiquederecrutement,contrairementàd’autresentreprisesoù,parexemple,çapeutaller jusqu’àêtre interdit.Onaénor-mémentdecouplesquiseformentdansnotreentrepriseetdontlesenfantsviennentensuitetravaillercheznousaussi.Cetaspectfamilial,onlesoutient.»—Femme,Fran-çaise,gestionnairedesressourceshumaines,quarantaine.
Ceprocédépragmatiqueréduit les tâchesdudépartementdesressourceshumaineset,dans une certaine mesure, les risques liés à l’embauche de personnes inconnues. Eneffet, lessalariéssontgarantsdespersonnesrecommandées,à leurarrivée, ils lesen-cadrentsurleterrainetensont«moralement»responsables.Lacohésiondesmembresdel’équipepeutaussiêtrepréservéedelasorte.Maistantquelasourcefamilialen’estpastarie,ilsembledifficileàdespersonnesnonapparentées(commelesprimo-arrivants)d’intégrerl’entreprise,l’homogénéitéculturelledel’entrepriseestrenforcée,cequipeutcontreveniràla«fonctionintégrativegénérale»del’emploi.
71{ Approche qualitative }
La politique salarialeLebutd’unepolitiquesalarialeestl’instaurationd’unéquilibreentrelesbénéficesdel’en-trepriseetunniveauderémunérationquisatisfasselesemployés,attireetconservelesmeilleursd’entreeux.Sesinstrumentssontlessalairesetautresavantagesaccordésauxtravailleurs.
LeniveaudessalairesauLuxembourgétantavantageuxparrapportauxpaysvoisinsettrèsavantageuxparrapportàlaplupartdespaystiers, laconcurrencejoueessentielle-mententrelesentreprisesinstalléesauGrand-Duché.Uneautredimensionsoulevéelorsdesentrevuesconcernelesavantagesennatureproposésauxexpatriés.Elleaétéabor-déedansuneprécédentepartiedecechapitre.Deuxentreprisesluxembourgeoisesvisi-téesoffrentdesavantagesàtousleursemployés,commedesréductionsdansdifférentesenseignesdupays.
Pour un niveau de qualification et une taille d’entreprise donnés, les différences de ni-veaux salariaux et autres avantages les plus marquants distinguent, d’une part, les so-ciétésrecourantàdescadresexpatriéset,d’autrepart,lesétablissementstablantsurlemarchélocaloufrontalier.Lespremiersoffrantunevalorisationnettementsupérieureauxseconds. De même, au sein des mêmes entreprises, pour une qualification donnée, lesexpatriésreçoiventplusd’avantagesquelestravailleursditslocaux.Lafractureexpatriés/locauxestunedespluslargesdumarchédel’emploiluxembourgeois.
Plusglobalement,leséjourauGrand-Duchédesexpatriésétantpardéfinitionéphémère,entermesd’intégrationgénérale(apprendreleslangueslocales,etc.),plusd’attentesso-cialespèsentsurlesépaulesdestravailleurs immigrés(souventmoinsqualifiésquelespremiers)dontlaprésenceauLuxembourgestestiméeêtredurable.
Ilestcertainquecesdifférencesde traitementvisent lafidélisationdescadres interna-tionauxlesplusqualifiésetlesplusexpérimentés,enmêmetempsqu’elleleslibèredescontingencesdelaviequotidiennequelecommundescitoyensdoitenvisagerlui-même(choixd’uneécolepourlaprogéniture,passageàl’administrationcommunale,etc.).
Dansunelectureentermesdeparticipationsocialedestravailleursimmigrés,onremar-quera,toutefois,l’effetcontre-productifdecesmesuresfacilitatricespourl’intégrationdelafamilleexpatriéedanslavielocale.LesautrestravailleursétrangersapprennentàvivreauLuxembourgenseconfrontantauxvicissitudesdelaviequotidienne.
L’organisation du travailPar organisation du travail, nous entendons la programmation et répartition des tâchesdestravailleurs,lamiseenœuvred’untravailenéquipeounon,etc.
Selonlesinterlocuteurs,letravailenéquipe,largementvalorisécommemodalitéorgani-sationnelle,présentedifférentsavantagesencequiconcernel’intégrationdestravailleursétrangerset/ounouveauxvenusàl’entreprise,voireau-delà.
L’espacedelacollaborationesteneffetunpuissantvecteurd’apprentissage,departagedeconnaissances,d’échanged’informations,maisaussi,danslemeilleurdescas,deconvi-vialité.Leteamworkingestestiméêtremotivantpourlestravailleurs:lesmembresd’uneéquipe ont un objectif en commun, expérimentent la solidarité… En particulier pour lestravailleursdontlesniveauxdemaîtrise(notammentenlangue)sontvariables, lacolla-borationpeutpermettredevaloriserlescompétencesdechacun,exhumerdesressourcescachées chez plusieurs. De plus, l’interaction peut permettre aux salariés d’accentuerleurscompétencessociales:prendredesresponsabilités,gérerdesconflits,reconnaître
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ses limites, s’ouvrir aux autres, apprécier les apports des autres… Dans une entreprisedontlepersonnelestoriginairedumondeentier,lagestionparéquipeetlacommunica-tioninterculturellesemblentessentielles.
« Le travail d’équipe, on le met dans chaque annonce. C’est l’un des critères debase(…)Onnepeutpasremplacerunepersonneparuneautrepersonneparcequ’ellesn’ont pas exactement les mêmes types de compétences. Le groupe aide à gérer cesmanques.Lesmécanicienstravaillentenshift.Lesshiftstournentetchaqueshiftalamêmesommedecompétencesquelesautres.Doncsiunmécaniciendansungroupetombemalade,onappelleunmécaniciend’unautresansproblème. (…)Vousn’aurezdonc jamaisunmécanicienqui travaille toutseulsur l’avion.C’estuneéquipe, ildoityavoirbeaucoupdecommunicationentreeux.»—Chefdupersonnel,entreprisedetransportaérien.
Danslesecteurdelasidérurgie,letravailenéquipepeutdéborderdupersonneldel’en-trepriseetconcernerdespartenaireséconomiquesàtraverslemonde.
«Lesobjectifsàremplirnepeuventpassefairesanslerestedel’équipe,voirel’exté-rieurdel’équipe.Sionprendnosacheteurs,c’estclair.Ilfautleurcollaborationpourrecevoir lesbonnesspécifications… Il fautunebonnecoopérationmêmeau-delàdesfrontièresdudépartement.»—Responsabledupersonnel,entreprisesidérurgique.
Letémoignagesuivantmetl’accentsurlacohésiondeséquipesdetravailcommesourcedebien-êtrepourlesemployésetlesusagers.
« On a trois règles : l’esprit de service, l’esprit d’équipe, l’esprit de progrès. La pre-mière:ontravailleavecdesclients,lapremièrechosec’estleclient;ici,lepatient,encontextehospitalier,l’attentionestdécuplée.Cesgensnesontpasiciparcequ’ilssontheureux. (…)Après, l’espritd’équipe : jevaisplutôtprivilégierquelqu’unquis’intègrefacilement à une équipe, mais qui est moins doué, que quelqu’un de surdoué qui nepensequ’àsoi.Et leprogrès :onpeut toujoursaméliorerpour lebiencommun.»—Responsabledupersonnel,restaurationdecollectivité.
Àregarderdeplusprès,l’espritd’équipeestdefaitunbonindicateurdescapacitésd’inté-grationd’untravailleur,nonseulementdanssonemploi,maiségalementpluslargementdanslasociété.Lacomparaisonestd’autantplusintéressantequ’engénéral,lestravail-leursnechoisissentpaslesmembresdeleurséquipes,ilssontd’originesmultiples,toutcommelesontlesvoisinsd’unquartieroulescitoyensd’uneville.Alors,ladiversitépeutaideràapprendrelesunsdesautres.
Toutefois,lalimiteévidenteestqu’ilfauteffectivementqueleséquipessoientréellementhétérogènes,comportantdespersonnesd’origine,d’expressionlinguistiqueetdeniveaudecompétenceprofessionnellediversifiés.Danslecasinverse,noussommesfaceàdesphénomènesd’enclavementdéjàdécritsparplusieurstémoinsdanslapremièrepartiedecechapitreetdontneparlentguèrelesresponsablesGRHconsultés.
Pourtantd’autresobservations,parexemplemenéesenBelgique(MançoetBarras,2013),lemontrentégalement:dansdescréneauxprofessionnelsfaiblementqualifiés(nettoyageindustriel,manutention…),desgroupespeuventseformerdemanière«mono-ethnique»,à ladiscrétiondecertainschefsd’équipes,parfoisenexcluantdes travailleursd’autresorigines.Si lesresponsablesdupersonnel laissentlapratiques’installerenescomptantplusde«tranquillité»,ilsserendentcomplicesdeformesd’ethnostratificationdumar-ché de l’emploi qui ne sont ni favorables à l’évolution des compétences sociales et lin-guistiquesdes travailleurs immigrés,ni favorablesà lacohésiongénéraled’unesociétémulticulturelle.
73{ Approche qualitative }
La formationL’étudepermetdeconstaterquelesseulesentreprisesquiproposentdesformationsfor-maliséessontdegrandetaille;auseindespluspetites,uneformationexistesansdoutesousformed’unécolageinformel.
Auseindesgrandsétablissements,certainesformationssontobligatoiresetd’autresfa-cultatives.Lespremièresconcernentenrèglegénéralelescompagniesquiemploientungrandnombrede travailleurs faiblementqualifiés, celaconsisteendes initiationsàdestechniques de maniement de produits et machines. Elles sont données sur les lieux detravail,unepartieseulementcomptedanslesheuresdeprestation.
Lessociétésemployantunemajoritédesalariésqualifiésproposentengénéraldesformationsnonobligatoires;ellesconcernentdessavoir-êtresociaux:coursdelangue,travaillerdansunmilieumulticulturel,égalitédessexes…Sicesanimations,souventdecourtedurée,peuventsedéroulerendehorsdulieud’affectation,ellessontcomptéesdanslesheuresdetravail.
«Ilyauneformationdebaseetpuisdesmodules,parcequ’onauncertaindegrédedifficulté dans les tâches qui va en grandissant : cristallisation, décapage, commentutiliserlesproduits,commentsoulever…Ilyadespersonnesquinereçoiventqu’uneformation,d’autresbeaucoupplus.Onaunecelluledeformateursettoutlemondeaaccèsàces formations,en fait,ellessontobligatoiresdans ledomainede laspécia-lisation,maisaussipour lasécurité.Sidespersonnesdemandentdes formationsenlangues,onestd’accordpourlessoutenir.Jesuisfavorableaussiàtoutedemandedeformationfacultative,maisendehorsdesheuresdetravail.»—Responsable«GestiondesRessourcesHumaines»(GRH),entreprisedenettoyageindustriel.«Onformeénormémenteninterne,onaunegrandeéquipedeformateurs.L’appren-tissagedes languesestentièrementsoutenupar l’entreprise,cela faitpartiedupro-grammedeformation.Onestaccréditéaussipourformernonseulementnosemployés,maiségalementlesemployésd’autressociétés.Toutefois,pourcequiestdudévelop-pementpersonnel(communication,assertivité,gestiondesconflits,gestiondutemps,gestiondesréunions…),onformeàl’extérieur.Cesformationsonttoutesuneduréedevaliditéd’unàtroisans.Ellessontouvertesàtous.Seules,lesformationstechniquessontobligatoires:sivousnerevenezpasaveclebrevetréussi,vousnepouvezpastra-vailler.»—ResponsableGRH,entreprisedetransportaérien.«Nousavonsdesformationssurbeaucoupdecompétences,certainessontobligatoireslorsqu’ellessontinhérentesaumétiercommel’hygiènealimentaireparexemple.Nousavonsuneresponsablequiadesplanningsetquisedoit,suruneannée,defairepassertouteslespersonnesenformation.Ilyadesformationsdebaseetdesformationsfa-cultativesquelegérantchoisitselonsonanalysedesbesoins(…).Lesformations,c’estsans arrêt. Concernant les formations en langues non nécessaires pour le travail, oncourtunrisque:lapersonnevaapprendreleluxembourgeoispendanttroismoisetpuisvanousquitter…alorsc’estnon.»—ResponsableGRH,restaurationdecollectivité.«Ilyadeschefsd’équipequifontlesformationsetdessalariésquiformentlesnou-veaux.Lesautresformationsofficielles,pourl’obtentiondebrevets(transportdema-tièresdangereuses,sécurité),ellessontfaitesenexterneetpayéesparlasociété.Onatoutunplanannuel.Lesformationssefontenfrançaisetsiquelqu’unneparlepasbiencette langue, le formateurprendraplusde tempsaveccettepersonne.La législationchangesouventdansnotremétier,alorsilestobligatoiredefairecesformations.»—ResponsableGRH,entreprisederamassagededéchets.«Nousproposonsdifférentesformations:apprentissaged’unmétier,améliorationdescompétences,formationdesgroupesdetravailsurladiversitéetl’inclusion…Ellessontouvertesàtous.Ellesdeviennentobligatoireslorsqu’onveutévoluerdanssacarrière»—ResponsableGRH,entreprisesidérurgique.
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Pour assurer l’écolage des nouveaux collègues, deux grandes entreprises de servicesontaussimisenplaceunsystèmedetutoratensusdesformationsobligatoires,commeles interviewsavecdes travailleursdecessociétés l’avaitégalementmontré.Le tutorats’adressedavantageàdestravailleursfaiblementqualifiésounemaîtrisantpasleslan-guesdetravail.
En tout,quatreentreprisessurneufproposentà leursemployésdesuivredescoursdelangue.Cetenseignementestparfoisconditionnéparsanécessitépourexécuteruntra-vailouselonle«statut»del’apprenant.
« Les “expats” ont la possibilité de suivre des cours de langues, ainsi que leur par-tenaire.Pourlesautres,onaunsystèmed’“e-learning”oùlecoûtesttrèsfaibleparindividu.Lescoursdelanguesenclasseavecdesorganismesextérieurs,çadevenaitcher.Onréservecela,sousapprobationdelahiérarchie,auxgensquienontvraimentunbesoinprofessionnellement.»—ResponsableGRH,entreprisesidérurgique.«Les“expats”peuventsuivredescoursde languesdansunorganismeextérieur. Ilspeuventchoisirentrelestroislanguesofficiellesdupays.S’ilsontleurdiplôme,l’entre-priseleurrembourselescours,sinonnon.»—ResponsableGRH,banque.
Onremarquedoncquelesformationsproposéesauxpersonnelsqualifiésetnonqualifiéssontnonseulementdifférentesencontenu,maisaussienconditionsd’accès.Obligatoirespour les faiblement qualifiés, elles sont souvent facultatives pour les personnes haute-mentqualifiées.Lesentreprisessemblentégalementcalculerlescoûtsdesformationsauplusprèspourlesemployéssubalternes,làoùd’autres(notammentlesexpatriésetleurfamille)semblentbénéficierdeplusdefacilités.
Lesgrandesentreprisesontintégrédepuislongtempsl’intérêtdesformationspourassu-rer une meilleure qualité à leurs clients, mais aussi de meilleures conditions de travailà leurs collaborateurs. On constate également de plus en plus que la formation en en-treprise est également bénéfique pour les travailleurs étrangers qui évoluent dans leurmaîtrise des réalités du marché de l’emploi luxembourgeois, ainsi que dans la maîtrisedes languesofficiellesdupays :cescompétencessontégalementutilesà l’extérieurdel’entreprise.
Toutefois,lespetitesetmoyennesentreprisesquiconstituentuneimportantepartdumar-chédutravailetundébouchéimportantpourlestravailleursimmigrésdepaystierssontfortpeuactivesdanslechampdesformationscontinues.Uneformalisationetunemutua-lisationdeseffortsdesentreprisesdanscechampseraientunenjeud’insertionprofes-sionnelleetd’intégrationsocialepourlestravailleursmigrants,etunenjeudevalorisationdescompétencespourl’économieluxembourgeoise.
«Vouspouvezfairecarrièreici,mêmeenrentrantcommefemmedeménage,onadessuperviseurs,desgensquiontgrimpé. Ilne fautpasoublierqueparmi lesgensnoncommunautaires,ilyabeaucoupdegarsmotivés,cultivésetformés.»—ResponsableGRH,entreprisedenettoyageindustriel.
L’évaluationL’évaluationdessalariésestunetâchedeGRHencoremoinsformaliséedansl’échantillond’entreprisesquelaformationcontinue.
Ellesefaitdefaçonsystématiquedansdeuxentreprisesseulementsurlesneufvisitées.Enrevanche,lesévaluationsinformellessontinhérentesàtouterelationsupérieur/subal-terne.Trèssouvent,unsupérieurhiérarchiqueestamenéàproduireunjugementsurl’unoul’autreaspectdutravaildesessubordonnés.
75{ Approche qualitative }
Laformalisationetlaprofessionnalisationdel’évaluationnécessitentl’identificationetlastandardisationdesobjectifs,desunitésdecompétencesetdescritèresd’observation,surunlapsdetempsdonné,ainsiqu’unappareillagedemesuresobjectives,communicables:grilles,check-lists,rapportsd’évaluation,protocolesd’interview,etc.L’utilitédeceséva-luationsquinécessitentunpersonnelqualifiéet l’investissementd’uncertain tempsestmultiple : clarification de la communication sur les attentes de rendement, possibilitéd’observerlaprogressiondestravailleurs,comparaisonspossibles,identificationdesbe-soinsdestravailleurs,définitiondebasesobjectivespourdespromotions,améliorationdelaqualitédesproductions,maisaussiplusdepaix,d’équitépourtousetplusdemotiva-tiondelapartdestravailleurs…,ainsiquedeschoixplusfacilesàgérerpourlesrespon-sablesGRH.
Lesdeuxentreprisesobservéesproposentdesstratégiesdifférentes.
Dansl’entreprisesidérurgiquedel’échantillon,lesévaluationssontréaliséespardescol-lèguesdirectsetlesupérieurhiérarchiquedusalarié.Ellessontpériodiquesetsystéma-tiques,sefocalisentsurlescompétencestransversalesetsocialesdel’employé.
« Nous avons une évaluation personnelle à laquelle répondent collègues et chefs defaçonanonyme:ilsvousévaluentletravailleurentantquepersonne,entantquecol-lègueetentantquesalarié.»—Femme,Russe,acheteurprincipal,trentaine.« “Évaluationpersonnelle”, jen’aimepas trop le terme : c’estquandmême toujoursavec une orientation professionnelle même si on évalue des compétences de la per-sonne.Après,ilsepeutqu’ontravaillepeut-êtreunpetitpeusoncomportementaveclesgens.»—Femme,Française,départementdesressourceshumaines,quarantaine.«Lesmanagersévaluentlessalariésautraversd’uneéchelleclassiqued’attentesetderéalisationsetilssontchargésderedéfinirdesobjectifspourl’annéesuivante.Celasepasseidéalementaveclesalariéconcerné.Lechefpeutproposerdesobjectifs,maisçapeutêtreaussil’employéquidit:“tiens,j’aiunenouvelleidée,est-cequeçaseraitbienquejemedonnecommeobjectifl’annéeprochainedefairececioucela…?”C’estunplandedéveloppementenfait.»—Responsabledupersonnel.
Dansunrestaurantd’entreprise,laformationvadepairaveclaprocéduredel’accueildunouveaucollègueetlesystèmedeparrainage:
«Unparrainaccompagneletravailleurdanssontravailetsesformations:leplanning,lesrèglesd’hygiène,lesrèglesdesécurité…Nousproposonsundocumentquipermetdesuivrelesdifférentesétapes.Lenouveaucollèguecocheavecsonparrainlesétapesréussies.Chacunestainsiintégréprogressivement.Lalisteestremiseentempsetenheureaubureaudesressourceshumaines.C’estdéjàtrèslourdpoureux,c’estdelaformationendoublure,c’estmotiverleparrain,c’estdesdocuments,c’estencoredesprocédures…»—Homme,Français,administrateur,quarantaine.
Ilestimportantdenoterquelesgrandesentreprisesdel’échantillonquiontprofession-nalisélatâched’évaluationpermettentàcettedernièred’échapperdel’entretiensingulierentreundécideuretunexécutant,avectouslesbiaissubjectifsquelasituationpeutame-ner.Nousentendonsquedeséquipesspécialisées,voiredescollèguesetdestuteurspar-ticipentàl’évaluationdestravailleurs,enaugmentantettriangulantlespointsdevue.Cefaisant,l’évaluationdevientplusdémocratique,plustransparente,soitunnouvelespaceetunnouvelenjeudesocialisationetd’intégrationauseindel’entreprise.Dureste,chacunestresponsabilisédudevenirdel’entrepriseetdesrapportsquis’ynouent.Sidutempsestinvestidanscesprocédures,lesresponsablesrencontrésenapprécientlerendement.
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La gestion de la diversitéIls’agitàprésentd’examinerlesoutilsdegestiondesdiversitésàproprementparlerquelesentreprisestémoinmettentenœuvre.Nousidentifionsdeschartesderesponsabilitésociale,despartenariatsavecdesassociations,desclubsetdesONG.
«Laresponsabilitésociétaledesentreprises(RSE)estunconceptquidésignel’intégra-tionvolontairedespréoccupationssocialesetécologiquesdesentreprisesàleursacti-vitéséconomiquesetàleursrelationsaveclespartiesprenantesquesontlessalariés,lesactionnaires,lesfournisseurs,lessous-traitants,lesconsommateurs…»54
QuatredesgrandesentreprisesétudiéesadhèrentàunecharteRSEets’engagentàsuivreetàpromouvoiruncodedeconduited’entrepriseresponsable.Lesprincipesensontfor-melsetportentsurdesthématiquestellesquel’égalitédesgenres,l’égalitédeschances,ladiversitécommevaleursdel’entreprise…
«Nousavonsreçulelabel“EntrepriseSocialementResponsable(ESR)”parl’INDR(Ins-titutNationalpourleDéveloppementdurableetlaResponsabilitésociétaledesentre-prises).Nousavonssignéunechartespécifiquepourdesachatsresponsablesettoutnotrepersonnelasignéuncodeéthique.»—Entreprisedusecteurdelasidérurgie.
« Nous avons une charte concernant la responsabilité sociale des entreprises. Elleest disponible à l’accueil de même que des documents pratiques pour nos salariés :livret sur l’intégration, informations financières et fiscales, assurances sociales, mu-tuelles…»—Entreprisedusecteurdecollectededéchets.«Nousavonssignéunechartederesponsabilitésocialeinterneànotreentreprisequia,entreautres,traitauxquestionsdediversitéetd’environnement,etnousavonsaussisignéle“UNglobalcompact”(PactemondialdesNationsunies)quirépertoriedixprin-cipesqui s’apparententà la responsabilitésociale : le respectde l’environnement, ledroitàlareprésentationdestravailleurs,lerespectdudroitdutravail,laprohibitiondutravaildesenfants…»—Entreprisedetransportaérien.«Nousavonsnotreproprecharteoùl’onexpliquequel’onfaitabstractiondel’ethnie,desreligions…etnousavonsaussisigné lachartede l’INDRetreçu leur label.Pourfinir,nousavonssignéunecharteavecleMinistèredel’Égalitéafindeconfirmerquenousnefaisonspasdedifférenceentrehommesetfemmes.»—Entreprisedusecteurdunettoyageindustriel.
L’adoptiondechartesestunedémarcheenfaveurdesemployés,del’entrepriseetdelasociétéengénéral.Elleprofiteauxemployésdans lamesureoù leschartesdéfinissentdes indicateurs à respecter où à atteindre et oblige les entreprises à en rendre comptedansunrapportannuelà remettreauxpromoteursde lacharte.L’adoptionprofiteaus-si aux entreprises qui peuvent y trouver la possibilité d’améliorer leur fonctionnement,l’ambianceautravail,maisaussileurimagedemarque,auprèsd’éventuelsclients,parte-nairesoufournisseurs.
Toutefois, la signature de la charte n’est que le début d’un long processus d’inscriptiondecesvaleursauplusprofonddufonctionnementdel’entreprise.Cedegréd’achèvementn’estnisimpleàatteindreni,dèslors,garanti.Unefoisdeplus,cesontdegrandesentre-prises qui sont concernées par les chartes, laissant dans l’ombre une grande partie dumarchédel’emploi:lesPME.
54 MinistèrefrançaisduTravail,del’Emploi,delaFormationprofessionnelleetduDialoguesocial:http://travail-emploi.gouv.fr.
77{ Approche qualitative }
SelonPoussing(2008),l’auteurdel’Étatdeslieuxdel’adoptiondelaResponsabilitéSocié-taledesEntreprisesauLuxembourg,79%desentreprisesinterrogéesneconnaissentpasleconceptde«RSE».
Théoriquement,lesbonnespratiquesmisesenavantpardetelleschartessontunpasim-portant favorisant l’intégration à l’emploi des travailleurs immigrés extra-européens, carellesprônent lanon-discriminationet la valorisationde ladiversitéculturelle, l’égalitéenmatière de promotions, formations, rémunération… et une meilleure conciliation entre vieprivéeetprofessionnelle…Lamiseenœuvredeschartessocialesestainsiunprocessusquidoitêtrerégulièrementévaluéafind’aiderlesentreprisesquis’yengagentàréussirleurpari.
Quelques entreprises de l’échantillon soutiennent, par ailleurs, une ou plusieurs associa-tionsouorganisations.Certainesontcrééleurpropreassociation.Lesobjectifssontàlafoisderenforcer lacohésionsocialeentre travailleursetd’intervenirpourunecausehumani-taire.Certainesentreprisesmultinationalesaidentdesstructuresdecoopérationaudéve-loppementdanslespaysoùellessontprésentes.Cetteimplicationestaussiuneinvitationàleurssalariésàparticiperàdesprocessusdesolidarité.Lesactionsseprésententsouslaformed’unlargeéventaild’initiativesallantdutroncouducontainerposésàl’entréedubâ-timentpourrecueillirlesdonsdestravailleurs,àdesinterventionslocalesplusstructurées.
«Nousavonsnotreproprefondationliéeauxpaysenvoiededéveloppementavecles-quelsnousfaisonsdesaffaires,noussoutenonsdesprojetshumanitaires.Noussoute-nonsaussilaCroix-RougeduLuxembourg:àNoëlnousmettonsenévidenceuntroncetunendroitoùl’onpeutdéposerdescadeaux.»—Entreprisedusecteurdelasidérurgie.«Lasociété,àlafindel’année,àlaplacededonnerdescadeauxauxclients,octroiecesfondsàuneONG.»—Entreprisedecollectededéchets.
«NoussoutenonsdifférentesONGentransportantgratuitementcedontilsontbesoinsur place : catastrophes humanitaires, fret pour des jouets collectés à la période deNoël…NouscouronsaussipourleKribslaaf(…),onauneéquipe“Télévie”oùchacuncuisinedetempsentemps,puisonvavendre.Onvendunepartdegâteauàuneuro.Celapermetaussiuncontacttrèssympathiqueaveclescollègues.»—Entreprisedetransportaérien.« Nous soutenons financièrement des clubs de sport : foot, basket, handball… parcequebeaucoupdenossalariésetleursenfantssontmembresdecesclubs.Maisdepuistoujours ç’a été fait, ça participe de notre philosophie. » — Entreprise du secteur dunettoyage.
Onremarquequeleschoixd’investissementsolidairesontsouventopérésparlesentre-prisesetl’implicationdestravailleursestfaible.Pourtantsicetteimplicationpouvaitêtreaugmentée, leseffetsen termesdecohésionsocialeetd’imagede l’entrepriseseraientaccrusauseindesonproprestaff.
Lesdeuxderniersexemples fontpreuvedeplusdesubtilitédanscesens.Lerapportàl’intégrationdestravailleursimmigrésetdeleurfamilleyestégalementplusévident:desactivitésextraprofessionnellesmenéesengroupeshétérogènessontfavorisées.Lechoixparlestravailleursdesprojetsàsoutenirpourraitrenforcerlatendance.Ainsi,choisirdesinitiatives dans les pays d’origine de certains travailleurs étrangers est également unemanièredelesmotiver,delesvaloriser,maisaussidebénéficierdeleursconnaissancesdeleurpaysd’origine.
«Nousavonscrééuneassociationquitravailleauniveaudelacoopérationsyndicale.LesderniersprojetsencoursétaientlaRoumanie,lespaysfrancophonesdel’Afriquedel’Ouestetd’autres.Nousnousrendonssurplacepourformerdeséquipesdetravail-leurssurleursdroits,lafaçond’utiliserinternet…»—Responsablesyndical.
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Exceptiond’unepetiteentreprisedanslacourdesgrandes,ungestionnairedecommerceeth-niques’estlancéseuldansunprocessusd’entraide.Ilalavolontédecréer,d’unepart,unlienentre lapetitecommunauténépalaisedeLuxembourget lapopulation luxembourgeoiseengénéral,et,d’autrepart,deséchangesentresonpaysd’origineetsonpaysd’adoption.Ilorga-nise,parexemple,descollectespourvenirenaideàdespersonnesnécessiteusesduNépal.
«GénéralementlesNépalaisduLuxembourgtravaillentdansdesrestaurantsetleursfemmesrestentà lamaison.Leshommesn’ontpasl’occasiondesesocialiseret lesfemmesnonplus.J’aicrééuneassociation(quin’estpasreconnue)quiquelquesfoisparanorganisedesévénementspourqu’onpuissetousseretrouver.Jesuisaussipré-sidentdelaNRN(NonResidentNepaliAssociation)auniveauluxembourgeoisetj’or-ganisequelquescollectespouraiderlesenfantsdesruesauNépal.Dernièrementonestvenuenaideàunemèreaveugledontlemariestdécédé.»—Homme,Népalais,commerçant,quarantaine.
Troisième « moment » : le rayonnement social par le travail
De l’intégration
La question posée dans cette partie finale du chapitre est : « l’insertion professionnelledes travailleurs immigrés issusd’ÉtatshorsUEcontribue-t-elle,plus largement,à leurintégrationsocialeauLuxembourg?»
Pourrépondreàcettequestion,ilfautaupréalabledéfinircequiestentendupar«inté-grationsociale».
Silesinstitutionsinternationales,commelaCommissioneuropéenne,s’entendentautourd’unedéfinition telleque«L’intégrationestunprocessusdynamique,àdoublesens,decompromisréciproquesentretous,immigrantsetrésidents»(Martiniello,2007),iln’existepasdemodèleconsensueld’intégrationauseindesÉtatsmembresdel’UE.Parexemple,lavisiondel’immigrationcommepositiveounégativepeutconsidérablementvarierd’unerégionàl’autre,enfonctiondelasituationéconomiquedelalocalitéetdelaperceptiondes migrants. Cela influence évidemment les politiques d’accueil et d’intégration quipeuventplusoumoinsfaciliteroucompliquerleprocessusd’intégrationdespopulations.
On remarque que le Luxembourg fait globalement partie des pays où« the presence offoreignersisgenerallyviewedaspositive.Inthecitiessurveyed,amajorityofrespondentsagreethatthepresenceofforeignersisgoodforthecity.ThehighestlevelsofagreementareinCluj-Napoca(91%),Luxembourg,KrakowandCopenhague(all89%)»55.
Parailleurs, lesparcoursd’intégrationsontdifférentsd’un individuà l’autre,d’ungroupeàl’autre.Lesattitudesdesmigrantsseconstruisenteninteractionaveclaqualitédel’accueilouducontextequ’ilsrencontrent,lesfacilitésoudifficultésqu’ilsdécouvrentsurleurparcours.
Berry (1987) est parmi les auteurs à avoir « typologisé » ces attitudes, autour de deuxquestions simples. Ces dernières sont déclinées à la troisième personne du singulier,maisonpourraittoutaussibienlesappliquer,demanièresystémique,àdesacteursplu-riels,commelesfamillesoulescommunautés:
• L’immigrésouhaite-t-ilmaintenirsacultured’origine?• L’immigréest-ilouvertauxapportsdesculturesdupaysd’accueil?
55 FlashEurobarometer(2010),n°366,«QualityoflifeinEuropeancities».
79{ Approche qualitative }
Maintenir sa culture d’origine Ne pas maintenir sa culture d’origine
S’ouvrir à la culture locale Acculturation Assimilation
Ne pas s’ouvrir à la culture locale Séparation Marginalisation
• Si lesujet (individueloucollectif)chercheàconserversacultured’origine toutens’ouvrantàcelledelasociétéd’accueil. Iltenteradelieraumieuxsavieprivéeetprofessionnelle et disposera ainsi d’une « double culture » ou, mieux, d’identitésplurielles.Ilopteradoncpourl’acculturation.
• Parcontre, si le sujet renonceàsacultured’origineafindeprivilégiercellede lasociétéd’accueil,ilentreradansunprocessusd’assimilation.
• Quantàlaséparation,ellealieulorsquelesujettentedegardersacultured’origineàtoutprixetrefusetouteformed’interactionaveclaculturedelasociétéd’accueil.Saculturededépartdomineratoutlereste.
• Enfin,laposturedelamarginalisationestcelleoùlesujetrejette(ouestcontraintderenoncerà)autantsacultured’originequecelledelasociétéd’accueil.
Bienentendu,ces«types»d’attitudessontthéoriquesetlesréalitésquel’observateurestcensé identifiersontbiensouvent intermédiaires– lesculturesdontnoussommespor-teursnesontjamaisexemptesdemélangesetd’emprunts–et,dureste,susceptiblesdechangerdansletemps.
Nousavonsdemandéauxparticipantsàl’étude:«quesignifiepourvousl’intégration?»LesréponsesobtenuespermettentdereconstruirelesquartiersdeBerry.
Plusdelamoitiédespersonnesrencontréessereconnaissentdansl’attitude«accultura-tion»,commel’onmontréprécédemmentlestravauxdeJacobs,Legrand,Mertz(2011).Pourplusieurs,l’optionacculturationsemble«naturelle»danslamesureoùlamulticul-turalitéestunfaitinhérentàlasociétégrand-ducaledepuislongtemps.Lesinteractionsquiendécoulentpermettentderégulerlescoutumesetlesvaleursdesgroupesenpré-sence.Lesgroupess’intègrentlesunsaveclesautrespourdiffusermutuellementleursexpressionsculturelles.C’estunbénéficepourlepaysd’accueil,maiscelaprofiteégale-mentaugrouped’origine.
«CertainsdisentquelesLuxembourgeoisnesontpastrèsouvertsauxétrangers,moijetrouvequec’estexactementlecontraire,laconfigurationdupaysenestlapreuve.Ilyabeaucoupdegensdel’extérieur…Pourmoi,c’estunenvironnementmulticultureltrès intéressant et un bon environnement pour mes enfants. » — Homme, Brésilien,architecte,quarantaine.«En fait, jenemesenspasétrangèreauLuxembourgdu faitqu’il yaplusde50%d’étrangersdans lapopulationduLuxembourg.Etaussides frontalièrs,desgensdedifférentesnationalités. (…)Jemesensaccueillieet jen’ai jamaiseudesproblèmesavec qui que ce soit… Dans le quartier, on nous invite à des fêtes de Saint Nicolas,d’Halloween.Parlerluxembourgeoisouparlerfrançais,c’estpareil.»—Femme,Espa-gnole,manager,trentaine.«C’estplusfaciledes’intégrerauLuxembourg,carparcomparaison,enFrance,sionneparlepas français,c’estquasiment impossibledes’intégrer.Dece fait, jen’aipaseudeproblèmes.Jemesensacceptéeparlasociété.LavieprofessionnelleetsocialeauLuxembourgestinternationaliséeetçafacilitel’intégration.»—Femme,Chinoise,assistantedemanager,27ans.«Çafaitunetrentained’annéesquejesuisauGrand-Duchéetj’aitoujourstravaillédanscetteentreprise.C’estmonpèrequim’yaintroduit,ilyatravaillé33ans,maintenant,ilestpensionné.»—Homme,Luxembourgeoisd’originecapverdienne,47ans,ouvrier.
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«Moijen’aipaseudeproblèmesd’intégration.JeviensduCap-VertetleLuxembourgfait beaucoup pour aider les gens du Cap-Vert et leur pays. Le Luxembourg fait toutpourmoi:lasanté,laculture,l’école…»—Homme,Capverdien,ouvrier,trentaine.«Bon,l’intégrationc’estessayerdecomprendreetdeconnaîtrelaculturedel’autreetessayerdes’yinsérer.Jeprendsl’imaged’unverredelait.Lepaysvousoffreunverredelaitetvousmettezdusucrededans,c’estçal’intégrationpourmoi.Sivousymettezautrechose,lelaitseramauvais.»—Homme,Indien,directeurfinancier,quarantaine.
Seloncetteacception,l’intégrationsebasesurl’acceptationdel’altérité,surl’accommo-dationmutuelledescultures.Ellese fonde,somme toute,surune«gestion intimedesdiversités».
Certainstémoinsyajoutentune«dimensionéconomique»(Paugam,2009):ilssontinté-grésauLuxembourgdanslamesureoùleursapportsdetravailleurssontreconnus.Aussi,l’intégrationpasseparl’adaptationéconomiqueauGrand-Duchéetlareconnaissanceso-ciale(parunstatutprofessionnel,unpouvoird’achat,etc.).Ilssontintégrésdanslame-sureoù ilscontribuentàl’économiedupaysd’accueil,voiredupaysd’origine:enayantuntravailstable,enétantfinancièrementindépendants,ennedépendantpasdusystèmede solidarité sociale, en payant des impôts, en étant propriétaires, en participant à desinitiativesd’entraide…Poureux,l’intégrationetlareconnaissancesontévidentesetmesu-rablesàtraverssadimensionéconomique.
«Jesensquejefaispartiedelasociétéparcequej’ycontribue:mondépartementfaitdegrosprofits,nousouvronsdesmarchéspourleLuxembourgetpromouvonslepaysàl’extérieur.NousavonsaussiparrainéunévènementculturelàShanghai.»—Homme,Chinois,directeurdedépartement,37ans.« Il fautavoirunpointd’appuifinancier.Jesuisvenue icipourtravailler.Jenepensepasquejeprofitedelasociété.»—Femme,Chinoise,manager,trentaine.«Jesuisindépendantfinancièrement,jecontribueàlasociété.Jetravailledurpouryarriver, jeneveuxpasquelesgensmeméprisent.Jepensequeleslocauxpréfèrentaccueillirdesgensquitravaillent.Cen’estpasparcequeleLuxembourgaunebonnesécuritésocialequ’ilfautenprofiter.J’aiditàmonmariquesijen’avaisplusdetravail,j’iraistravaillerensupermarché.»—Femme,Chinoise,manager,trentaine.«Avoiruntravail,c’estuneintégrationà100%,c’estsesentirégalauxautres.Lebonsystèmesocio-éducatif,lesystèmedesanté,lesenfantsquiapprennentleslanguesdupays.Letravail,lalangue,c’estaussimontrerdurespectaupaysdanslequelonvit.»—Homme,Luxembourgeoisd’originealbanaise,responsablepayroll,38ans.
L’intégrationapparaîtcommelaconséquenced’unecontribution–leplussouventprofes-sionnelle – en échange de quoi une reconnaissance sociale est reçue : l’individu se voitappartenirausystème.Ilestintégré.Ilpeuts’yidentifier.Danscecas,lesentimentd’inté-grationculturelle (partagedevaleurs)est laconséquencedel’élaborationd’une identitéprofessionnellepositive,danslecontexteéconomiqueluxembourgeois.
«Lesentimentd’appartenance,c’estcequeressentun individuconcernantsaparti-cipationàungroupe,àuneorganisationouàuneinstitution.Lefaitdesesentirbienouàsaplaceà l’école,au travail, le faitdesesentirutileaugroupeetsolidairedesautresconstituentdesindicateursdusentimentd’appartenance.Plusunindividuaunsentimentfortd’appartenanceàungroupe,plusilatendanceàadopterlesvaleurs,lesnormesetlesrèglesdeconduitedecegroupe»(Boucher,1990).
Une deuxième attitude souvent rencontrée (une vingtaine de témoins) est l’assimilation.Pourcertains,l’intégration,c’ests’adapteràlaculturelocale,respecterleslocaux,s’ar-ranger,parexemple,avecsesvoisins,nepas«tropfairelafêteetdubruit»,«s’habiller
81{ Approche qualitative }
commeilfaut»,s’adapterauxmœurs,changerculturellement,apprendreleluxembour-geois,«sefondredanslapopulationlocale»…
«Cen’estpasauxLuxembourgeoisdes’adapter,maisl’inverse».«C’estàmoidem’intégrerpourmesentirchezmoi».
Cesbrèvesinjonctionsenjoignentàl’individulatâched’abandonnerunepostureculturellepouruneautre.Leurcôtéparadoxalestqu’ellespeuventapparaîtreenmêmetempsqu’undiscours davantage axé sur l’acculturation, comme présenté précédemment. Elles res-semblentplusàunelistedecomportementsestiméscommedésirablesparles«locaux»qu’àunesériedefaitsattestés(commec’estlecasdestémoinsquiparlentavecprécisiondeleurinsertionprofessionnelle).Iln’estpastoujourspossibledevérifiersiellesrestentàl’étatdevœuxous’inscriventdanslaréalitéd’unparcours,etavecquellerécurrence?
Pour quelques personnes rencontrées, l’intégration n’existe pas : le processus de co-appartenance, c’est-à-dire les interactions et échanges, sont rares entre immigrés etLuxembourgeoisetnepeuventameneràuneidentification,cartoutsemblelesséparer,leslangues,leshabitudes,lesattachements,lesmodesdevie,laconceptiondelafamille,del’amitié,etc.Cegroupeestimeque«lesLuxembourgeoisdevraientêtreplusouvertsauxautrescultures».Aussi,l’attitudeadoptéeparcestémoinssembleêtrelaséparation,ellel’estparfoispardépit:
«Unétrangerresteratoujoursunétranger,vousvoyez?Oui,parlerlalanguepeutêtre,êtrepropriétairedequelquechose,avoirunbien,jesupposequeçac’esttrèsimpor-tantpour lesLuxembourgeois…»—Femme,Capverdienne,agentdenettoyage,qua-rantaine.«Jepeuxdirequepournouslesstaffschinois,onnes’intègrepas.Laplupartd’entrenous ne parlent qu’anglais et on habite dans un immeuble ensemble, et puis on faitseulementdesachatsausupermarché.Etaprèsautravail,onestpressé.Ilnousrestedu temps libre seulement le soir où on fait une promenade, on voit quelques voisinsetpuisc’esttout.Deplus,cequ’ilyadedifférentici,c’estqu’iln’yaquedesclubsetdesbarsaprèsletravail.MaislesChinoisn’aimentpasçaetmêmesionsortaitaprèsle travail, on ne ferait rien avec la barrière de la langue. L’autre problème, c’est leslonguesdistances,pasdefamilleàLuxembourgàpartfemme,marietenfant(s),alorsc’estdur.Dèsqu’onrentre,onfaitdese-mails,onfaitdesvidéos,ontéléphone.»—Homme,Chinois,DRH,quarantaine.«BeaucoupdePortugaisnefontpasl’effortdeparlerlefrançaisouleluxembourgeois,carilssedisentqu’ilsrentrerontdansleurpays,contrairementauxCapverdiens…»
Lerepliculturelpardépitneconduitpastoujoursàl’enfermementdanssacultured’ori-gine,tellecasdutravailleurd’origineukrainienneetdenationalitéportugaise,déçuparsesrelationsluxembourgeoises,quipréfère«nes’entourerqued’amisoriginairesduPor-tugal ». Mais en définitive, ce type de circonstances d’enclavement privé ou profession-nel(équipesdetravailmonolingues,parexemple)occasionnentuneséparationculturelleentredifférentsgroupes,avecdesfrustrationsetdesappréhensionspourchacun:deuxemployéschinoispropriétairesde leurappartementdisent redouter les réunionsdeco-propriétépourdesquestionsdedifférencedepointdevueetdelangues.
Lesdifficultésnesontpastoujoursentrelocauxetimmigrés,lesgroupesd’étrangersdediversesoriginespeuventégalementserejetermutuellement.
«Parcequequandilssontarrivésunmatin, ilsnesesontpasexpliqués, ils l’ontvu,elle (nouvelle collègue ghanéenne), comme si c’était un monstre, ou quelque chosecommeça.Ilssontracistesouquoi?!Unjour,j’aidit,mêmesinousnesommespasde
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lamêmecouleur,noussommesdemêmesang,c’estmacousine!Etnoussommesentraindetravaillerpourlamêmeentreprise»—Ouvrièrecapverdiennecherchantàpro-tégerunenouvellecollèguesubsahariennedelamoqueriedestravailleursportugais.
Sil’attitude«marginalisation»,enfin,serencontredemanièrerésiduelledanslepaneldetémoins, ils’agitd’unemarginalisationculturelle,voireontologique,etnonsocio-écono-mique.Lachoseestlogiquedanslamesureoùl’ensembledestravailleursrencontrésest,pardéfinition,inséréprofessionnellement.Enrevanche,celaneveutpasdirequ’aucunnesouffredesbarrièresréellesouimaginairesquilesempêchentde«sesentirduLuxem-bourg».
Selon ces personnes, lesdites barrières sont multiples : des formes de fermeture com-munautairedelapartdesLuxembourgeois(oudesautrespopulations),lamultiplicitédeslanguesqu’ilfautmaîtriser,lesloissurlacitoyenneté:quel’onpuissenaîtreétrangeretlerestersaviedurant…
«Jepeuxparler le luxembourgeois, jenesuispas luxembourgeois, jene leserai ja-mais,pourtant,c’estauLuxembourgquej’airéussimavie»—Hommecapverdien.« Ilnepeutpasyavoirderéelle intégrationparcequ’onest tousd’uneculturediffé-renteetessayedelapréserver.Parexemple,monfils,s’ilgranditici,culturellement,ilpeutêtreEuropéenouLuxembourgeois.EnCoréeouenChineonappelleça“banane”:jauneàl’extérieuretblancàl’intérieur.»—Homme,Chinois,acheteur,trentaine.
Selon Vasquez et Apfelbaum (1985), ces anecdotes sont exemplaires de toute personnedéplacée,ellesévoquent l’ambiguïtéde leur inscriptionsociale tantdans lemondedontellessontissuesquedansceluioùilsvivent.L’imagedelabananerappellelefaitquesil’onprovientd’uneorigineethniquevisible,onresteraunétrangerdanslepaysd’accueil,mêmesil’onenaadoptélemodedevie,etquemalgrésonapparencephysique,onseraaussiunétrangerdanssonpaysd’origine,puisqu’onn’enapluslescoutumes.
Aussi,uneformedeculpabilitésembletiraillercepetitgroupedeparticipants(5):ladis-persiondeleurfamilleàtraverslemondeleurposequestion:oùestleur«chezmoi»?AuLuxembourgoùilshabitent,maisoùilsnesesententpasàleurplace,oudansunail-leursdontilssontlesabsents?(Sayad,1999).
«Onpeutoubliersaculture,maispassesracines».«J’aipasséplusdetempsicique“chezmoi”aupays,jesuisintégréauLuxembourgplusqu’à“chezmoi”,jeneconnaispasbienleCap-Vert,hélas».
Iln’estpaspossibled’attribuerl’unoul’autredecestypesd’attitudesàproposdel’inté-grationàungroupeprofessionnel,unniveaudequalificationoumêmeàuneorigineeth-nique spécifique, tant les témoins se distribuent largement à travers la grille de Berry.Toutefois, l’analyse fait apparaître les indicateurs d’intégration auxquels ont communé-ment recours lessujetsde la recherche : l’accèsà lapropriété, lascolarisation réussiedesenfantsdanslesystèmedupaysd’accueil,l’accèsàlanationalitéluxembourgeoise,lamaîtrisedeslangues,laparticipationàdesactivitéssocioculturelles…
Danslasuitedecettepartie,nousallonsmaintenant,àtraverslestémoignagesrecueillis,dresser le tableaude l’intégrationsocialedes travailleursprofessionnellement insérésauGrand-Duché.
83{ Approche qualitative }
Accès au logement et à la propriété
Ladescriptiondesparcoursdestémoinsissusdepaystiersl’amontré,nombred’entreeux,surtoutceuxfaiblementqualifiés,fontpartiede«chainesmigratoiresfamiliales».Lecasestnotammentcourantparmilesressortissantscapverdiensinterrogéslorsdel’étude.
LeursfamillessontarrivéesauLuxembourgattiréesparlacommunautédelamêmeori-gine,installéedanscepaysdepuislesannées70,beaucoupdepersonnesmembresdecegroupeayantunpasseportportugais.
Cette concentration représente une ressource importante pour les primo-arrivants : lacommunautédupaysd’origines’avèresouventêtred’uneaideappréciabledans leche-minementaupaysd’accueil.Comptetenudesmoyenséconomiqueslimitésdecettepo-pulationetdel’effetségrégatifdumarchédulogement(LordetGerber,2009),certainespersonnesinterrogéesdenationalitécapverdiennesont installéesdansdesquartiersoù«ilyabeaucoupdeCapverdiens,(…)uncafécapverdienetdescommercesetvoisinspor-tugais.»Quelques-unssontdevenuspropriétaires.
Cecontexted’habitatnefavorisesansdoutepasunlargebrassageaveclesautrescommu-nautésinstalléesauLuxembourg,d’autantplusqueplusieursdecestravailleurspartagentaussileurvieprofessionnelleavecdesouvrierslusophones.
Toutefois,posséderunepropriétédanslepaysd’accueilreflètelavolontédes’yétablirdura-blement.Lapossibilitéd’accèsàlapropriétérenvoieàsontouràunesituationéconomiquestable : disposer d’un emploi durable. Cela suppose que le travailleur accède à un crédithypothécaireetdoncqu’ilsoitconsidérécommesolvableparuneinstitutionfinancière.
Aussi,unepartieimportantedespersonnesqualifiéesinterrogées,dontlesindépendants,maismisàpart lesexpatriés,aachetéun logementauLuxembourg.Onconstateaussique ces mêmes personnes mettent leurs enfants dans le système scolaire luxembour-geois,parlentplusieursdes languesofficiellesdupays,sont,pourunepartie,devenuesluxembourgeoises,sevoienttravaillerdanslamêmeentreprisejusqu’àleurretraite,ontdelafamilledanscepaysetypassentdesmomentsdeloisir.Ellespensentdoncqu’êtrepropriétairedeleurmaisonprocèdedel’intégrationpourunefamilleimmigrée.
Vie associative et sociale
L’étudepermetdemontrerqu’unepetiteminoritéde travailleursdupanelréalisentdesactivitésdeloisirsavecleurscollèguesdetravail,unepartiedecespersonnespréférantlacompagniedecollaborateursdelamêmeoriginequ’elles.
«Oui,j’aideuxtroisdesamiescapverdiennesquejeconnaisdepuislongtempsdontdeuxcol-lèguesaveclesquellesjesorsparfoisouonval’unechezl’autre.»—Femmecapverdienne.
Dans une des entreprises visitées, employant une majorité d’ouvriers capverdiens, cesderniersontcrééuneassociationcommunautaire.
« Il y a 10 ans, nous avons fondé une association de culture capverdienne et organi-sonsdessoirées,dessorties.Audépart,c’étaitplutôtpourrassemblerlafamille,parcequ’onabeaucoupdeparentsquiveulentfairelafête,maisnepeuventpas,parcequ’ilyalesenfants56.Onfaitdesjeuxpourlesenfants,ilsétaientcontents…Maintenant,toutlemondeestlebienvenu»—Hommecapverdien.
56 Une quinzaine de travailleurs rencontrés disent ne pas avoir du tout de relations sociales par manque de temps. Ilsviventauseindegrandesfamilles,parfoisélargiesàdesproches.
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D’autresexemplessontpossibles,avecunpointcommun:l’initiativeassociativemonocul-turelle,structuréeetpérenne,finitparattirerdespersonnesd’autresoriginesetrendpos-sibleunbrassageethnique.Le«bondingcapital»dePutnam(2001)destinéàrépondreàdes besoins spécifiques (fêtes culturelles, garde d’enfants…) peut se transformer donc,avecletempsetl’élargissementdesgroupesconcernés,en«bridgingcapital».
«Nousavonscrééen1992avecplusieursBosniaquesunclubdefoot‘Bosnia1992’etonseretrouvedetempsentempspourjouer.Plustard,d’autresnationalitésnousontrejoints:belges,allemands…»—Hommebosniaque.« Avant on faisait du football entre collègues chinois et quelques voisins sont venusnousrejoindre.Audébut,onétaitcinqousixetpeuàpeulegroupes’estétoffé.Onjouetouslesdimanches.D’autresfontduvélo.»—Homme,Chinois,DRH,quarantaine.«Avecmoncollègue,onacrééuneassociationculturelleduCap-Vertinscriteàlacom-munedeBelvaux.OnanotrestandlorsdecertainesfêtesluxembourgeoisesetauFes-tivaldescultures,parexemple.Onorganiseaussidessoiréesculturelles,notammentenfind’année.Nosfêtesfamilialesaccueillenttouteslescultures,onpeutyavoirdesLuxembourgeois,desAllemands,desFrançais,desMarocains…ilsreviennentchaqueannée.»—Homme,Capverdien,47ans,chefd’équipe.
Toutefois,unequinzainedetravailleursrencontrésdisentpréférernepaseffectuerdesor-tiesavec leurscollègues. Ilsapprécientdavantaged’autrespersonnesde leurentourage.Danslamoitiédecescas,c’estencoreavecdespersonnesdelamêmeoriginequel’onpré-fèrepassersontempslibre.Àladifférencedesinitiativescollectivesprésentéesplushaut,cesrelationsprivéesneparviennentpasàpercerlecercledelacommunautéethnique.
«Autravail,ilfautquejecommuniqueavecd’autresdépartementsetpersonnes,onnepeutpastravaillerseul.(…)Maismescollèguessontplusdes“relationsprofessionnelles”,celan’arienàvoiraveclesamisqu’onsefaitenfantoulorsqu’onestétudiant.Onsevoitaveclesamisquejemesuisfaitpendantmesétudesaumoinsunefoisparsemainepourdéjeuner,dînerouboireunverre.»—Femme,Russe,acheteurprincipal,trentaine.«Jen’aipasd’amishorsdemacommunauté.Jen’aid’amisquedanslacommunautéindienne.»—Homme,Indien,directeurfinancier,quarantaine.«Audébutonallaitdînerentreamis,puisdesamisd’amisquisonttousChinois,finale-mentonestungrandgroupedeChinoisquifonttoutcequ’aimentfairelesChinois:alleraurestaurantetmangerdelanourriturechinoise.Onacrééunelistee-mailquigrossitdeplusenplus,onestà43pourl’instant.»—Homme,Chinois,ingénieur,35ans.«Noussommesungroupedecinqàsixfamilles,toutesdelamêmenationalité.Quandils’agitdesefairedesamis,ilestnatureldesesentirattiréparsaproprelangueoureligion.C’estbienplusfacileetconfortable.»—Femme,Sud-africaine,cadremoyen,cinquantaine.(Notretraduction).«Laissez-moiparlerparstéréotypescequiexprimeramonsentimentsurcetteques-tiondefaçongénéraleparrapportàl’Europe.Généralement,lesgensnesontpastrèscausantssurleurviepersonnelle,nous,lesBrésiliens,quandonserencontreaucoind’unerue,nousparlonsdenotreviesexuelleauboutdedeuxminutesdeconversation.Celan’estpaslecasenEurope.Noussommesunecommunauté.»—Homme,Brési-lien,quarantaine,architecte.«Quandj’aiunpeudetemps,jevaisdansunbaretjepréfèreunbarcapverdien,pasunbarluxembourgeois,ou,s’ilyaunmatchdefootball,jepréfèreaussialleràuntournoique les Capverdiens sont en train de préparer. » — Femme, Capverdienne, agent denettoyage,quarantaine.
Ilapparaîtquetravaillerdansunemêmeentreprisedontlepersonnelestethniquementdi-versifiénefavorisepasnécessairementlebrassageculturelendehorsducontextedetra-
85{ Approche qualitative }
vail.Enrevanche,uneinitiativeassociative,mêmemono-ethnique,audépart,peutàtermedonnerlieuàdesmélangesdepopulations,essentielsàlacohésionsociale.Cetyped’asso-ciationsouclubsd’immigrants(Gerstnerova,2014)jouentunimportantrôled’intermédiaireentredespersonnes(faiblementqualifiées)vivantd’ordinaireauseindeleurcommunautéculturelle(«endogroupe»)etlasociétéluxembourgeoiseengénéral(«exogroupe»).Cesstructures57constituentuneressourceavec lesquellesdevraientcollaborerdavantagelesentreprisesetlesautoritéssoucieusesdecontribueràlacohésionsociale.
Scolarité des enfants et regroupement familial
Nombreuxsontlestémoinsaffirmantquelefaitd’avoirimmigréauLuxembourgetd’yoc-cuperunemploistableontpermisàleursenfantsdefairedebonnesétudesetd’embras-serlapossibilitéd’occuperdesemploisplusvalorisantsquelesleurs:
«J’aideuxfilles.J’enaiunedevingt-troisans,elleestàl’écolepourdevenirinstitutriceet l’autreelleestfonctionnaire,elleavingt-septans.Moi jen’aiqu’unCAPdeméca-nicien.»—Homme,Luxembourgeoisd’originecroate,chauffeurmécanicien,syndica-liste,55ans.
La«secondegénération»bénéficieassurémentdurôle intégrateurdel’emploidespa-rentsimmigrés.Ainsi,certainssoulignentqueleursenfantsfréquententlelycéeclassiqueetnontechnique,sachantque,selonlesstatistiques58, ilyamoinsd’untiersdesélèvesétrangersdansl’enseignementsecondaireclassique.
«QuandonestarrivésàLuxembourg,mafilleavait10ansetmonfils9ans.L’adapta-tions’estbienpassée,mêmesimafillequiétaitpremièredesaclasseauCap-Vertabeaucouppleuréparcequ’ellenel’étaitplusàLuxembourg,maiselleafiniparrattra-personretardetestdenouveaulapremière.Mesenfantssonttouslesdeuxaulycéeclassique. Moi ici, malheureusement, je fais le ménage. » — Femme, Capverdienne,Agentdenettoyage,37ans.
Onconstatequelagrandemajoritédesparentsrencontrésconfientleursenfantsausys-tèmescolaireluxembourgeois.L’écoleestunlienimportantentrelesfamillesimmigréesetlesinstitutionsluxembourgeoises.LesenfantslafréquententobligatoirementamenantdansleurssillagesleursparentsàrencontrerdesLuxembourgeois,enseignants,respon-sableséducatifsoud’autresparents.
Outre des chances de réussite sociale donnée aux enfants, l’installation durable d’unefamilleimmigréeauLuxembourgouvreverslapossibilitéd’yregrouperd’autresmembresdelafamilleproche.
Ainsi,certainstravailleursaccueillentchezeuxleursparents,d’autrespersonnesinterro-géestémoignentdeleurvolontédefairevenirlesleursauLuxembourg.
«Nousavons faitvenir lesparentsdemonmariàLuxembourg. Ilsneparlentque lechinois même si ma belle-mère fait des efforts en écoutant des cassettes de coursde langues.Lesoirmesenfantsmangentaveceux,mais il yaune incompréhensionentre générations et cultures. Mes enfants sont nés à Luxembourg, vont à l’école àLuxembourg. Ilssontpluslesproduitsdeleurenvironnementquechinois. Ilsparlentluxembourgeoisentreeuxetneparlentpasvraimentlechinois.»—Femme,Luxem-bourgeoised’originechinoise,propriétairederestaurant,trentaine.
57 Lescommercescrééspar lesmigrantspeuventégalementêtredesespacesoùdes immigrés,notammentprimo-ar-rivants de différentes origines, trouvent conseils et informations pour mieux s’orienter au Luxembourg. Au moins unexempledecetype,d’origineasiatique,aétéobservélorsdel’étude.
58 www.statistiques.public.lu/fr/publications/thematique/conditions-sociales/chiffres-cles-education/chiffres-cles.pdf.
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Lefaitd’installerunepartiede la familleprochedans lepaysd’accueilrelèved’unevo-lontéd’ydemeureretd’yrecréeruncontextefamilial.Dansl’exemple,oncomprendéga-lement ladimensionfonctionnelledecetteréunificationpourdespatronsderestaurant,occupésquandlesenfantssontàlamaison.Lafamilleestréuniegrâceautravail,cetteréunificationrenforcelapossibilitédecontinueruneactivitéprofessionnelle.
Parailleurs,àl’instardejeunesenfants,accueillirdespersonnesâgéespousselafamilleimmigréeàplusdeliensaveclesinstitutionsdupaysd’accueil(administrations,servicessociaux,servicesdesanté…),obligeàutiliserleurslangues.Ainsi,leregroupementfami-lialrenforcel’intégrationdesmigrants.
La naturalisation
L’accèsàlanationalitéluxembourgeoiseaétésimplifiéparlaloidu23octobre2008surlanationalitéquiapourobjectif«d’adapterledroitdelanationalitéauxchangementsinter-venusdanslasociétéluxembourgeoiseaucoursdesdernièresdécenniesetdecontribueràconsoliderl’intégrationdesétrangersrésidantauLuxembourg.»59
Lanationalitéestunedescaractéristiquesde l’identitésociale.Elleconditionne lesen-timentd’appartenanceàunenation,commelaparticipationà laviepolitiqued’unpays.Dansl’échantillon,prèsd’unquartdesrépondantsextra-européensontaccédéàlanatio-nalité luxembourgeoise ou sont en phase d’y accéder, leur insertion professionnelle estévidemmentunélémentimportantdeleurargumentaire.
«Audébut,ondit:“onvaresterquatre,cinqans,après,onvarentrer”.Maisdèsqu’onalesenfants,c’estautrechose,parceque,parexemple,monaînéa4ans;l’annéepro-chaine,ilseraàl’écoleetdèsqu’ilentredanslecursus,onenaparléavecmafemme,çaseradifficiledeleretirer,delemettreailleurs.Pourletravail,pasdeproblème,onn’apasdeproblèmed’intégration.(…)Rentrer,maintenantonn’ypenseplus.Mainte-nantonestLuxembourgeois.(…)Onestdanslesystème,maintenanttoutcequiparledeLuxembourg,çanoustouche.»«JesuisLuxembourgeoiseparcequejesuisbienici,lavieesttranquille.Lesenfantsvonttouslesjoursàl’école.C’estpourfaciliterlavieauxenfants.»—Femme,Luxem-bourgeoised’originechinoise,restauratrice,34ans.
L’accèsàlanationalitédupaysd’accueilcomporteégalementunedimensiondecommoditénonnégligeablepourlesimmigrantsdespaystiers(mobilité,accèsàcertainsemplois,etc.).
«Quand jesuisarrivé, j’avais13ans.Dans la famille tousétaientLuxembourgeois,saufmoi.Chaquefoisqu’onallaitdansunautrepays, j’étaistoujoursledernieràsortirdeladouane.J’aidit“çanevapas,toutlemondeestintégréetmoiaussijecommenceàl’être,jedoisl’êtrecomplètement”etj’aifaitlademandedenaturalisation.»—Hommecapverdien.«Çafait20ansquej’ailanationalitéluxembourgeoise.J’aidécidédelaprendrepourêtretranquille:pourvoyagersansdevoirdemanderdevisaetpourlesenfantsaussi.»—Homme,Luxembourgeoisd’originecapverdienne,agentdenettoyage,47ans.
59 www.mj.public.lu/nationalite/index.html. Cette loi est l’aboutissement du programme gouvernemental d’août 2004 :« Intégration et cohésion : cette double exigence est surtout évidente dans notre vie partagée avec ceux qui ne sontpasdesLuxembourgeois. Ilnedoitpasyavoirde fosséentreeuxetnous.L’intégrationdesnon-LuxembourgeoisestuneoffrequelesLuxembourgeoisdoiventfaire.Lesnon-Luxembourgeoisdoiventacceptercetteoffre. (…)Ainsi,nousvoulonsinstaurerla‘doublenationalité’.Ellenousrapprochedavantage,encouragelaviecommune,sansqueceluiquiobtientunpasseportluxembourgeoisdoiverenonceràlapartienonluxembourgeoisedesavie.Ainsi,nousallonspro-poserplusdecoursdeluxembourgeois.Denombreuxnon-Luxembourgeoisvoudraientbienapprendrenotrelangue(…)pourmieuxs’intégrer : l’offrede l’intégrationvadepairavec l’offrede la langue luxembourgeoise.» (Déclarationdupremierministre,2004).
87{ Approche qualitative }
Enfin,l’accèsàlanationalitéluxembourgeoisesembleégalementunesourcedeconfiancepourlesmigrantsquisouhaitentseprojeteràlongtermedanscepays:
«Jeveuxprendreladoublenationalité.Monfilsestnéici,ilaladoublenationalité.Mafemmeetmoivoulonslaprendreparcequ’onnesaitpascommentçasepasseraici,siunjouronnevapasnousdemanderdepartir.»—Homme,Bosniaque,ouvrier,quarantaine.
L’avenir ?
Misàpartlesexpatriés60,pratiquementl’ensembledestravailleursimmigréshorsUEren-contrésdurantcetteétudevoitleuravenirauGrand-Duché.Mêmeparmilescadresexpa-triés,plusieurss’interrogentàcesujet,leurdécisiondépendantsouventdespossibilitésprofessionnellesdeleurcouple.
Leretouraupaysd’originen’estpourautantpasoublié.C’estsoituneobligationprofes-sionnelleoufamiliale(présencedepersonnesâgéesaupays),soitunprojetlaissépourlaretraite,àmoinsquelecontextegéographiquerendepossibleunevie«àcheval»entredeuxpays…
«MoncœurestplusenBosnie,j’yretourneraiàlaretraitesimesenfantsyretournentaussi.Toutemafamilleestlà-bas,ça,c’estdur!Dansunavenirproche,jeveuxessayerdefairequelquechosedebienpourmoi,pourlesenfants:jevaispassermonpermispoids lourd et je vais tout faire pour avoir la double nationalité, comme mes enfantspourqu’onpuisseresteràLuxembourgquoiqu’ilarriveparcequejesuisbienàLuxem-bourgetdanslasociétépourlaquellejetravaille.Enfait,jeveuxrester.»—Homme,Bosniaque,ouvrier,trentaine.«Àlaretraite,j’aimeraisbienrentrerdansmonpays.Ilyamafamillelà-bas,monpèrequiestlà,matante,ilyamagrand-mère…Mamèretravailleiciaussietdansdeuxans,àlaretraite,elleretourneraauGhana.RiennememanqueiciauLuxembourg,jemesensbien,j’aimesenfantsici,mamèreestàcôté.Mais,c’estmonpaysquandmêmeleGhana, jesuisnéelà.»—Femme,Luxembourgeoised’origineghanéenne,39ans,agentdenettoyage.« Je vais travailler encore quelques années pour la société et à la retraite, je feraiscomme certains le font : je vivrai entre le Cap-Vert et le Luxembourg. » — Homme,Capverdien,agentdenettoyage,quarantaine.
Les témoignages permettent de sentir le tiraillement affectif entre ici et là-bas qui estsouventaumenuquotidiendel’immigré.Toutefois,l’expériencemigratoirechangelesac-teurset,danslamajoritédescas,l’optionfinaleestleLuxembourg,notammentpourdesquestionséconomiques.
«JemesensunpeucommeuneétrangèreenChine,lacommunicationaveclesamisestdifficile.Onchange,maispasdelamêmefaçonpuisquenousn’évoluonspasdanslesmêmescontextes.ÀLuxembourg,ilyaunefaçondifférentedecommuniquer.»—Femme,Luxembourgeoised’originechinoise,propriétairederestaurant,34ans.
60 «Peut-êtrequel’entreprisem’expatrieraailleurs.Detoutefaçon,pourmoimontravail,c’estcequ’ilyadeplusimpor-tant,doncsilacompagniedécidequ’ilfautquej’ailleailleurs,c’estcequejeferai,jenevaispaslaissertombermontra-vail,mêmesijen’aimepasl’endroitdanslequelilsm’enverront.»—Homme,Chinois,directeurdedépartement,37ans.
88
Renforcer l’intégration ? Les recommandations des interviewés
Durantlesentrevues,lestémoinsonténoncéplusieursrecommandationsafinderenfor-cerl’intégrationdestravailleursissusdepaystiers.
Ellesconcernentessentiellementlaquestiondel’apprentissagedeslanguesnationalesetlafacilitationdesdémarchesadministratives.
Ainsi,lespersonnesrencontréessouhaiteraientuneplusgrandeoffredecoursdusoirenlanguesluxembourgeoise,françaiseetallemande.Ellesévoquentlesdifficultésdetrouveruneplace.Ellesrecommandentsurtout:
• dediversifieretd’innoverl’offredecours(animationsenlangues,tablesdeconver-sationsorientéesemploi,etc.),
• demieuxorganiserleshorairesetleslieuxdecours,enlienavecleshorairesetleslieuxdetravail(parexemple,certainescommunesseraientmaldesservies),
• desensibiliserlesemployeursàl’utilitédescongéslinguistiques,prévusparlaloi,voire de rendre obligatoires de tels cours pour certains employés, les primo-arri-vants,etc.(certainstémoinscitentenexemplelesmodèlesnéerlandais,suissesouscandinaves).
• decoopéreraveclesassociationsdemigrantsafindemieuxrelayerl’offredecoursdelangue,etc.verslespopulationsimmigrées.
Parrapportauxdémarchesadministratives,lesrecommandationsdupublicsont:• Simplifierencorelalégislationliéeaupermisdetravailendonnantd’officel’accès
au marché de l’emploi au conjoint non communautaire d’un travailleur immigré,danslecascontraire,onestimel’intégrationdelafamilleimpossible.
• Clarifier et mieux diffuser les informations administratives vers les ressortissantsdepaystiers,notammentàproposdelalégislationd’accèsauterritoire,deregrou-pement familialoumatrimonial,desobligationsetdroitsdesprimo-arrivants,desservicesquileursontdédiés,dusystèmemédical,delasécuritésociale…
• Accéléreretsimplifierlesprocéduresquiconcernentlesdemandeursd’asileetderégularisationpouréviterdessituationsdemisèreetdetravailillégal.
• Valoriserlesrôlesdesassociationsdemigrantsentantquerelaisdanslatâchedevulgarisation et de dissémination des politiques proposées et des législations, enparticulierlorsqueceslégislationschangentsouvent.
Enfin,plusglobalement,àtraversleursréponsestoutaulongdel’étude,lestémoinsnousmontrentl’importancedutravailpourleurintégrationauLuxembourg.
En particulier, ils pointent, au travers de l’abondance et de la diversité de leurs témoi-gnagesàceniveau,laquestiondeleurintégrationauseindel’entrepriseelle-même,soitexactementcettedimensionquenousavons,d’entréedejeu,appelée«méso»,unezoneintermédiaireentrel’intégrationgénéraleaumarchédel’emploi(ladimension«macro»)etl’intégrationauquotidien,enprivé(ladimension«micro»).C’estdonclà,aucœurdulieudetravail,quel’intégrationsocialesembleessentiellementseconstruirepourlestra-vailleurs.C’estpournousundesconstatsprincipauxdecetterecherchequidoitinspirerlesautoritéséconomiquesetsocialesdupays.
89{ Approche qualitative }
Or, nous avons constaté également à travers nos entretiens avec des responsables desressourceshumainesdesentreprisesobservéesque les thèmesde lavalorisationde ladiversitéculturelleetde la luttecontre lesdiscriminationsauseindesentreprisesn’ensontqu’àleursbalbutiements.Siuneconsciencegénéraleexisteets’inscritdésormaisenchartesderesponsabilitésociétale,lespratiquesspécifiquesetlesprocessusdeforma-tionyrestentdansunelargemesureàinventer,notammentdanslesPMEquiconstituentunegrandepartdumarchédel’emploi.Letempsest-ilvenud’yréfléchirencompagniedestravailleursdetoutesorigines,deleursreprésentantssyndicaux,despatronsetdesgestionnairesderessourceshumaines?
93{ Conclusion et recommandations }
La double approche de l’intégration « à et par l’emploi » des travailleurs issus de payshors UE, présentée dans ce volume, permet, d’une part, d’analyser les statistiques dis-poniblesàproposdelaprésenceetdelaplacedecesmigrantssurlemarchédutravailluxembourgeois.D’autrepart,larechercheexposelesexpériencesdetémoinsenparticu-lierlorsdeprocessusderecrutement,leurssentimentsentermesdereconnaissanceoudenon-reconnaissanceauseindesentreprisesquilesemploientet,également,unbilandeleursrelationssocialesdansetau-delàdeleurtravail.
Enguisedeconclusion,ils’agitdemettreenlumièrelestransversalitésquiapparaissentàtraverscesdeuxapprochesméthodologiquesetdelesmettreendiscussionsousleregardàgrandangledequelquesspécialistesdumarchédel’emploiluxembourgeois.Ces«té-moinsprivilégiés»viennentdestructuresdontlapositionpermetd’avoiruneanalyseap-profondiedelaproblématique:syndicats,fédérationsd’entreprises,sociétésd’intérims,représentantsassociatifs…C’estparcettediscussionquenoussynthétisons,validonsetclôturonsnotreapport,nonsansenextraire,infine,unesériederecommandationspoli-tiquesetpratiques.
Une intégration progressive sur plusieurs générationsL’intégrationauetparletravaildesmigrantsn’estniautomatiquenisoudaine.Ellen’estpas effective dès l’arrivée du travailleur étranger sur le territoire du pays d’emploi. Aucontraire,évolutive,elleserpenteunparcourssinueux,progressif,ettraversedesétapessuccessives,sansgarantiedesuccès.Elleest tributairedescirconstancesquiprésidentl’émigrationdestravailleurs,commeelleestlargementinfluencéeparlescontextesd’ar-rivée(demandesdumarchédel’emploi,conditionslégalesd’accèsautravail,etc.).
Danscescontextes,l’importancedelaprésenced’unefamilleoud’unecommunautéd’ori-ginequiaccueilleetorienteletravailleurdèssoninstallationauLuxembourgestapparueavecforce61.
Pourplusdelamoitiédespersonnesrencontrées,l’accèsaumarchédutravail,voirel’ac-cèsauterritoireluxembourgeois,estfacilitéparunréseaucommunautaire,lafamille,lesamisprochesoudesconnaissancespluséloignées(fraisdedéplacement,accèsauloge-ment,accèsàdescircuitsd’information,soutienfinancer,« tontines», investissementsdansdesprojetsd’entreprenariat,etc.)62.
Référenceàlafamilleencore,quandlestravailleursrencontrésévoquentlessacrificesqu’ilsont dû endurer durant leur processus d’installation et d’insertion dans le pays d’accueil :éloignementetsentimentd’abandondesprochesaupaysd’origine,(pourcertains)non-re-connaissancedetitresetd’expériencesobtenuesaupaysd’origine,uncertainisolementdûaufaitdevivreenimmigration,etc.Àleurtour,lestémoinsjustifientcessacrificesparlebien-êtrequ’ilsassurentàleursenfants(niveaudevie,sécurité,uneéducationdequalité,apprentissagesdelanguesétrangères…)etparlelegsqu’ilsleurfontd’unavenirmeilleur…
61 Parmicestravailleursimmigrés,lecasdesexpatriésestspécifique.Dansleurcas,cen’estpasunefamille,maisuneentreprisequisouventsertde«réceptacled’origine»,qui les installevéritablementdans leurvieprofessionnelleetsocialeauGrand-Duché:informationsutiles,facilitédelogement,aidespourl’éducationdesenfants,aideàl’insertiondupartenaire,accèsàdesloisirs…Dureste,cetteinsertionestestiméeêtreprovisoireparlesintéressésetnes’appro-fonditdoncpas.
62 Lesassociationsdemigrantsetlesassociationsd’insertionsocioprofessionnellesontégalementmobiliséesdanscettechainedesolidarité :«J’essaied’utiliser lesrelations.Dernièrement, j’aiplacéune jeunefille.Elleapuobteniruneplacedestage.»–Représentanteassociativeimmigrée.«Lesrelationssociales,c’estleplusimportant.Sijeconnaisquelqu’unquiconnaîtquelqu’unquiembauchealorsçafacilitelavieetc’estpourçaaussiqu’onditauxgensd’infor-merleurentouragequantàleurrecherched’emploi. (…)Jeleurdisdes’engagerdanslebénévolatpourcommenceràconnaîtredenouvellespersonnes, l’ambiancedetravail…pournepasresterenfermétoute la journéeentrequatremurs.»–Responsable,associationd’insertion.
94
Des inégalités de droit sur le marché du travail à la ségrégation sectorielle
«Surlemarchédutravail,ilyacequ’onappellelapréférenceeuropéennequiesttou-jourslàetquandbienmêmevousavezlesdiplômes,vousavezlaqualification,onvous
l’enlèvecetravail,pourdonneràuncommunautaire(…)c’estvraimentuncombat,c’estdeladiscrimination.»–Représentantassociatif.
L’intégrationprofessionnelle,saqualitéetsarapiditésontdirectementtributairesdesdroitsdontdisposentlestravailleursétrangerssurlemarchéluxembourgeois.Or,ladistinctiondessituationsentre travailleurscommunautairesetnoncommunautairesest importantedufaitdestraitementsdifférenciésauxquelsilssontsoumisdejuredansl’accèsàl’emploi.Cettedifférenciationorientelestravailleursversdessecteursetdesstatutsprofessionnelseuxaussidifférenciés,ellerenforcedesformesd’exploitationdetravailleurs,demêmequedesformesd’ethnicisationdesegmentsentiersdumarchédel’emploi.
Ainsi,lecadrelégalpluscontraignantpourlesnoncommunautaires(préférencecommu-nautaire, permis unique de séjour et de travail, …) représente un obstacle majeur dansl’accèsàl’emploietl’évolutiondescarrières63.Certainstémoinsconsidèrentcettesitua-tioncommediscriminatoire.
Lesdifférencesde traitement touchentégalementcertains travailleursdepaysdevenusrécemmentmembresdel’UE.Ellesaccentuentlesinégalitéssocialesentreunpublicencapacitéd’intégrerdirectement lemarchéde l’emploietunautrequienest légalementexclu,malgrélaprésencedesinstitutionsd’aide64etdefiletsdesolidaritésociale.
Lasituationestdoncdélicatepournombredenoncommunautairesetcertainscommu-nautaires,isolésetarrivésrécemmentauLuxembourg,avecdefaiblesconnaissancessurle marché du travail, les conditions et les règlements de travail. Cette méconnaissanceducadreadministratif fragilisedavantage le travailleurmigrantet,associéeà l’absenced’alternativespouravoirdesrevenus,peutlemener,danscertainscas,àdesstatutslimi-naires65,sinondesemploisinfralégaux.
Lapartiequantitativedel’analysemontreainsiquelemarchédel’emploiauLuxembourgpeutsesubdiviserentreunsegment«primaire»composéd’emploismieuxprotégésetrémunérés,etunsegment«secondaire»avecdespassagesréguliersparletravailinté-rimaire,despériodesdechômage,desemploisàduréedéterminée,etc.Cesmarchésneconcernentpaslesmêmestravailleursentermesdequalificationetd’origine.
À titre d’illustration, on apprend que près de la moitié des Capverdiens du Luxembourgsontdansunetranchederevenuprochedusalaireminimum(c’estlecaspourseulement
63 Ànouveau,uneexceptiondoitêtresignaléedanslecasdestravailleursexpatriésdepaystiers,qualifiés,encadréspardesentreprisesinternationales,leurinsertion,parailleursprovisoire,apparaîtcommeétantnettementmoinsproblé-matique.
64 «L’aidequ’onpeutleurproposern’estquerestreinte,parcequ’ontravailleavecdesgensquisontprêtspourlemarchédutravail,quiontledroitdetravailler,maislespersonnesquin’ontpasd’autorisation,onnepeutfairequeledébutdelaformationjusqu’audossierdecandidature,maisparaprès,onn’aplusdemargedemanœuvre…»–Responsable,associationd’insertion.
65 Desobservationsstatistiquesetdestémoignagespointentnotammentlasituationdes«fauxindépendants»(ouencorecelledecertainsintérimaires)dontlestatutsurlemarchéestprécaire,maissembledeplusenplusdevenirunaccèsobligéversd’autrestypesd’emploiplussécurisants:«Onretrouvecequ’onavaitdanslepassé: les journaliers,quiétaientcesgensquimigraientd’unendroità l’autre,quiallaientaugrédesdemandes,mettre leur forcedetravailàdisposition.C’estunefaçondeprotégerl’entréesurlemarchédutravailluxembourgeois.Ilsn’ontpasledroitderentrerparuncontratdetravailtraditionnel?(…)alors,ilsrentrententantqu’indépendants.Entermesdeduréedetravail,ilspeuventtravailler15heuresparjour…»–Responsable,agenceintérim.
95{ Conclusion et recommandations }
unrésidentsurcinq).Eneffet,lesalairehorairemoyenestde12eurospourlesCapver-diens,ilestde24eurospourlamoyennedelapopulationduGrand-Duché.Aussi,entre2007 et 2012, période de crise économique, le nombre de Capverdiens bénéficiaires duRMG a augmenté de 63 %. Par ailleurs, alors que les travailleurs non-UE représententseulement4%destravailleurs(salariésetindépendants),ilsconstituent15%destravail-leursauchômage.
Sidesdifférencesdequalificationsexpliquentcessituations(entre30à50%destravail-leursressortissantsdepayshorsUEsontdesouvriersnonqualifiés),lesphénomènesdediscrimination indirecteetsystémiquenesontpasà ignorer.L’indicateursynthétiquedeprécaritésurlemarchédutravailproposéparleCEFISquiinclutlesecteurdetravail,lesalaireetlastabilitédelasituationprofessionnelleindiquequeladistributiondestravail-leurssurlemarchéselonleursoriginesn’estpasaléatoire:
• Les pays d’origine les plus présents dans le « marché primaire » sont majoritai-rement : Danemark, Suède, Islande Royaume-Uni, Irlande, États-Unis, Suisse,Autriche,Belgique,Pays-Bas,IndeetLuxembourg.
• Les groupes intermédiaires sont surtout de Serbie, Monténégro, Républiquetchèque,BosnieetUkraine.
• Enfin, les travailleurs du « marché secondaire » sont essentiellement originairesde Macédoine, Portugal, Bulgarie, Cap-Vert, Maroc, Slovaquie, Roumanie, Algérie,Pologne,Hongrie.
Lesdifférencesdestatutprofessionnelsontdoncimportantesparmilesgroupesdetra-vailleursissusdepaystiers,entre,d’uncôté,lesmigrantsprovenantdepaysdel’OCDEet,d’unautrecôté,ceuxdelapéninsulebalkaniqueoud’Afrique,notamment.
On note également une distinction de statut professionnel entre groupes de travailleursissusdepaysmembresdel’Union.Ainsi,laplacesurlemarchédestravailleursressortis-santsdepayslimitrophesduLuxembourgetanciensmembresdel’UEesttrèsdifférentedecelledestravailleursissusdel’estdel’Europe66.
Toutefois, l’étudepermetd’identifierl’effetdusystèmederedistributionparlasolidaritésocialequiatténueenpartiecesdifférencespourautantque lescommunautésconcer-nées soient établies de longue date sur le marché luxembourgeois. L’accès condition-nelàlasolidaritésocialecréeàsontourdesdifférencesdetraitementquirenforcentlaprésencedesgroupesdetravailleursissusdepaysnouvellementmembresdel’UEdanscertainscircuitsdetravail:fauxindépendantsettravailleursdétachésdanslalogistique,intérimairesdelaconstructionoudelarestauration,etc.
Defait,lesressortissantsdepaystierssontsurreprésentésdanslessecteursdel’héber-gementetdelarestauration,ducommerceetdelaconstruction(12à16%deseffectifs):la moitié des Chinois sont dans la restauration, près d’un tiers des Monténégrins danslaconstruction…Parcontre,onrelèvequeplusde60%desSuissesetdesAméricainssont dans le secteur financier. Plus globalement, enfin, à l’exception de l’administrationpubliqueetdusecteurdel’énergie,dontlesLuxembourgeoisreprésententlaquasi-tota-litédestravailleurs,danstouslesautressecteurs,lestravailleurseuropéenssontmajori-taires(enyincluantlesfrontaliers).
66 L’exceptionduPortugalestànoter.LesressortissantsportugaisduLuxembourgpartagentlesconditionsd’emploirela-tivementprécairesdestravailleursoriginairesdepaysnonmembresdel’UE.
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L’intégration au quotidien dans les entreprisesÀl’instard’autresétapesdelavieprofessionnelleobservéesauseindesentreprisesduLuxembourg,laphasedurecrutementoscilleentreuneformalisationimportante(procé-dures,normes…)etdeshabitudesd’embauchelaissantunemargedelibertéetd’initiativeimportanteauxacteursdeterrain:salariés,chefsd’équipe…Celainfluencediversementl’intégrationdestravailleursimmigrésdansleurentreprise.
Sicertainesentreprisesontdéveloppéunepolitiquedegestiondesressourceshumainesavecuncadre formeletopérationnel (recrutement,gestiondescompétences,mentorat,formations,encadrementdesnouveauxarrivants…),d’autressituations,ycomprisdansdegrandesentreprises,montrentdenombreuxcasgérésselonunmodedefonctionnementplusinformel.
Des travailleurs sont ainsi recrutés grâce à leurs contacts au sein des entreprises. Leprocédérenforcelaprésenceauseind’unecompagniedespersonnesissuesdesmêmesfamilles,desmêmescommunautés.Sicelareprésentedesavantages,uneformedesé-curité,unpartagedepouvoiretuncontextedeconfiance–rendant,parexemple, l’inté-gration des nouvelles recrues plus rapide et aisée –, le procédé conduit également à lacréationd’équipeshomogènessur leplanethnique.Lasituationpeutdevenirexcluantepourdespersonnesd’autrescommunautésetdoncnevapassansposerquestions,no-tammentsurlemanquedetransparencedelapolitiquedurecrutementetlesinégalitésdeschancessuscitéesenverslestravailleursnedisposantpasd’uncapitalsocialmobili-sablepouraccéderaumarchédutravail67.
L’observationmontre,parailleurs,qu’aposteriori,cetenclavementpeutêtrenuisibleaugroupequipourtantenbénéficie initialement: limitationdescompétenceslinguistiques,appauvrissementethomogénéisationdesréseauxsociaux,fragilisationdelapositiondestravailleursenclavésauseindeleurentreprise,deleursecteur,etc.
Sil’entreprisemetenplaceunepolitiqueetdesmesurespouraccueillirdestravailleursexpatriés,pourdenombreuxautrestravailleurs(moinsqualifiés),parcontre,l’intégrationauposted’emploisefaitsouventdemanièreinformelle:untuteurleurexpliquelemétieretlescontraintesorganisationnellessurleterrain.
Même si la presque totalité des salariés ne fait pas de démarche auprès des pouvoirspublicspourfairereconnaîtresondiplômeetsesqualifications,onpeuttoutefoisdistin-guer deux situations en matière de reconnaissance: d’une part, certaines catégories demigrantsdont lesétudesnesontpas reconnuessedisentaussi surqualifiéespour leuremploi.D’autrepart,uneautrecatégoriedetravailleurs,souventqualifiésouexpatriés,sevoientreconnaîtredefactoleursdiplômesetexpériencesprofessionnellesparleurentre-priseetaffirmentavoirunemploicorrespondantàleursétudes.
C’estleparadoxedecertainescatégoriesfaiblementqualifiéesdelapopulationactive:entant qu’émigrés, ils se sont déplacés géographiquement au Luxembourg. Mais progres-sivement, parce que leur diplôme n’est pas reconnu ou qu’ils ont peu d’accès à la for-mationouauxpromotions,ilsdeviennentpeuàpeu«immobiles»professionnellementetcontraintsdeconserverleursituationetleuremploi(Boltanski,1999).
67 «Ilyacequ’onappelledu“recrutementethnique”,c’estcompliqué.Lesentreprisesn’ontpasfaitattentionàça.Sivousn’êtespasdanslabonnecommunauté,vousnerentrezpasdansl’entreprise.(…)C’estlecasdansdesgrandesentre-prisesoùilsontperdulamaîtrisedeleurproprepersonnel,c’estleurchefd’équipeetautres.Alorsilfaitrentrerquiilveut.Ilvadire,j’aiuncousin,j’aiuncopain…ons’arrangehorsentreprise:“jefaisrentrertafilleetmêmesiellen’apaslaqualification,onvas’arranger,onvalaformer,onvalagarder”».–Responsable,agenceintérim.
97{ Conclusion et recommandations }
Ainsi,bienquelaplupartdessalariéssuiventuneformationàleurarrivéedansl’entre-prise, les formations les plus longues concernent les personnes davantage qualifiées.De fait, l’essentiel de l’apprentissage au travail, notamment dans les PME, semble pas-serpardesprocessusinformelsquotidiens:contactssociaux,échangesaveccollègues,observation…Celapermetauxtravailleursimmigrésdedéveloppertantdescompétencestechniquesouprofessionnellesquedescompétencessociales,ainsiquedelapratiqueenlanguesétrangères.Lareconnaissancesocialeetlapromotionprofessionnellequipeuventendécoulersontautantdesignesdesapportsdesmigrantsàl’entrepriseetàlasociétéd’accueil.
L’enquêtepermetdemontrerquelefrançaisestlapremièrelangueparléeauseindesen-treprisesemployantdestravailleursissusdepaystiers.Lessituationsdiffèrentégalementselon lesqualificationsdessalariés.Lessalariés lesmoinsqualifiésparlentengénéralleurlanguematernelle,ainsiquelefrançaiscommesecondelangue.Pourlesplusquali-fiésoulesexpatriés,l’anglaisvaêtrelalanguedetravailetdecommunication.Leschoixlinguistiquesdiffèrentselonlessituations:
• Lalangue«usuelle»del’entreprise,c’est-à-direlalanguedecommunicationgéné-riqueinterneàl’entreprise.
• La langue « nécessaire » à la pratique professionnelle qui peut être un langagetechnique(souventl’anglais)ouunelangueindispensablepourlescontactsaveclaclientèle.Cesdeuxpremierstypesdelanguesontformels,souventinscritsdanslesoffresd’emploi.
• Enfin,lalangue«informelle»estcellequis’imposecommelanguedecommunica-tionauseindecertainsgroupesdetravailleurs.
Cettedernièrepeutprogressivements’implantercommelangueusuellesiuneprésenceimportantedelocuteursd’unelanguedonnéelepermet,danstoutel’entrepriseoudanscertainesdesesparties.
Ànouveau,onconstatequ’untelprocessuspeutconduire lestravailleursàdessituationsd’enclavement.LesentretiensmenéssurleslieuxdetravailmontrentquedessituationsdeséparationlinguistiquesontcourantesauLuxembourg.Mêmelesstructuresd’insertionoudeplacementprofessionnelssemblentavoirintégrécettedimension:dansleuroffredeser-vice,ellesproposentdupersonnelmaîtrisantleslangueslesplusparléesauLuxembourg,dontleportugais68.Cetteflexibilitédel’offreprofitesurtoutauxtravailleursextraeuropéensfaiblementscolarisés,maiségalementàdescadresinternationauxanglophones.
Enrevanche,certainespersonnes,surtoutparmilessalariésqualifiés,suiventdescoursdelangue,deleurpropreinitiative,ou,plusrarement,danslecadredeleuremploi.Plu-sieurspersonnesrencontréesregrettentlemanqued’offredecoursdelanguependantleshorairesde travailà l’imagedecertaines initiativesallemandescomme le«Lernstatt»(«LerneninderWerkstatt»),uneanimationenlangueafindefavoriserl’intégrationpro-fessionnelle et sociale des travailleurs immigrés. Les thématiques qui y sont traitéesconcernentlaqualitédutravail, laproductivité,leclimatenentreprise…L’apprentissageengroupeinclutégalementleslocuteursnatifsdelalanguecible(icil’allemand)etfavo-risedonclescontactsentregroupesimmigrésetautochtones.
68 «Laplupartdesentreprisesoudessociétésdeservice, commenous,ontdessalariés lusophones.Cequi veutdirequ’ilsn’ontplusbesoindefaireceteffort-làetsivousneparlezpasportugaisilsvoustournentledos.»–Responsable,agenceintérim.
98
Certaines entreprises visitées ont signé des accords de responsabilité sociale des en-treprises (chartes, labels, codes éthiques internes, promotions des valeurs de l’entre-prise,…).Lavalorisationdeladiversité,laluttecontrelesdiscriminations,l’égalitédansl’accèsauxpromotionspeuventêtreparmilesengagementsdetelleschartesetfavoriserl’intégrationautravaildesmigrantsetleurplusamplereconnaissancesociale.Toutefois,cesengagementsrestentpourl’heureraresetattendentleurmiseenpratiqueeffective.Parallèlement,ladiversitépeutaussifairel’objetdepratiquesindirectes.Ilenvaainsidusoutiendesentreprisesausecteurassociatifouàlacoopérationaudéveloppement.
L’intégration sociale des travailleurs et de leur familleL’analysedesentretiensréalisésmontrequ’une largemajoritédespersonnesrencontréesnesesocialisepassursonlieudetravail.Certes,quelquespersonnesdéclarentgarderdesliensextra-professionnelsaveccertainsdeleurscollègues,maiscelarestesouventlimitéetponctuel.Lescollectifsetlesformesdesolidaritésemblents’éroderauprofitd’unindividua-lismecroissantdansl’espacedetravail(Paugam,1999).Cettedynamiquesembleêtreaccen-tuéepardespolitiquesdegestiondesressourceshumaines,favorisantl’effortetlapromotionindividuelle.Mêmesiuneentreprisepossèdeunpersonneldiversifiéquantauxorigines,celan’aidedoncpasnécessairementlebrassagemulticulturel,endehorsducontextedetravail.
Sidesréseauxsociaux,voiredesassociationssecréentparfoisàpartirdeslieuxdetravail,il s’agitd’aborddecontactsauseind’unecommunautédonnéequipeuvent,peuàpeu,s’élargirets’ouvriràd’autresgroupes.Or,cettesocialisationàpartirdutravailestimpor-tantepourlestravailleursimmigrés,carellepeutparticiperàlaconstructiond’identitéscollectivesetpermettre,infine,desesentirapparteniràl’entrepriseet,parextension,àlasociétéd’installation.Eneffet,letravailn’estpasquel’exercicepragmatiqued’unmé-tier.Ilreprésenteégalementunevaleurdanslasociété.C’estparsontravailquel’individuestreconnucommemembreàpartentièred’ungroupesocial(Dubar,1991).
La situation des expatriés représente un cas particulier lors de chacune des étapes delavieprofessionnelle: leurentréesur lemarchédutravailauLuxembourgsefaitdirec-tementpar lebiaisde leurentreprise, localiséedansuneautre régiondumonde.Dansleurmultinationale,ilsévoluent«àl’international».LeLuxembourgconstitueenquelquesorteuntremplinprovisoire,avantderegagnerleurpaysd’origineoud’êtrerelocaliséail-leurs.Enfin,leurviesocialeestpriseenchargeparleuremployeur:lelogement,lesfor-malitésadministratives,l’aideàl’installationetàlacompréhensionduLuxembourg,voirelesloisirs...Cessoucisduquotidienécartés,ilssontbeaucoupplusdisponiblespourleurvieprofessionnelle.Parailleurs,peud’expatriésseprojettentàcourtoumoyentermeauLuxembourg,ilssontprésentsicipourunemissionpréciseetdélimitée.Decefait,ilssontmoinsenclinsouintéressésàparticiperàlaviesocialedupays,acheterunlogement,enapprendreunedeslangues,participerauxassociations,...
Si lestravailleursexpatriés investissentmoinsleurprésenceauLuxembourg, lesautrestravailleurs immigrés, en général moins qualifiés, envisagent le plus souvent de passerleurvieauGrand-Duché.Parailleurs,lesattentesdelapopulationautochtoneenmatièred’intégrationsontégalementplusmarquéesenverscegroupedemigrants.Leursinves-tissementsdanslepaysd’accueilsedéclinenten:achatd’unlogement,scolarisationdesenfantsdansl’enseignementpublic,participationauxassociations,auxclubssportifs,ap-prentissagedeslanguesofficielles,naturalisation69…,maisaussi,appeldeleursparentsversleurnouveaupays.
69 «Quandonalanationalité,c’estqu’onestintégrédanslepays(…).Doncnousluttonsdansnotreassociation(…)pourqu’ilsapprennentviteleslanguespouravoirlanationalité,pourqu’ilspuissentviteetmieuxs’intégrer.»–Représentantassociatif.
99{ Conclusion et recommandations }
Certes,lesreprésentationsdel’intégrationparmilesmigrantsnesontpasuniformesetsedivisentschématiquemententre,d’uncôté,uneassimilationcomplèteàlaculturelocale,et de l’autre, une acculturation progressive de chacun dans une société multiculturelle.Cesdifférencesdereprésentationss’observentégalementauseindesentreprises.
Ungroupedetravailleursreconnaîtetapprécielecôtémulticultureldeleurentreprise,àl’imagedelasociétéluxembourgeoise.D’autresontuneopinion«assimilationniste»enprétendantqueletravaildoitêtrelelieud’acquisitiondelacultureetdelalangueluxem-bourgeoises.Enfin,uneminoritésereprésentelasociétéetlelieudetravaildemanière«séparationniste»:chacunserepliantsursaculture,sanséchanges.
Cettediversitéd’opinionssur le travail commevecteurd’intégrationest révélatricede ladiversitédesgroupesdemigrantsetduvécudeleursituationprofessionnelle.Elleindiqueaussi ladirectiondutravailpolitiqueetsocialàeffectuerpourrenforcer l’intégrationdestravailleursimmigrés,enparticulierissusdepaystiers,nonseulementdansl’économiedupays,maiségalementdansl’ensembledelasociétéluxembourgeoise.Puissentles20re-commandationssuivantes,issuesdenostravaux,servird’inspirationàdefuturesréflexionsetactionsencesmatières.Ellesconcernentlesdécideurs,lesresponsablesd’entreprises,desyndicatsetd’associations,ainsiquelestravailleursdetouteorigine,biensûr.
100
Vingt recommandations afin de renforcer l’intégration par et au travail des immigrés au Luxembourg
1. Simplifierlesdémarchesadministrativesenmatièred’accèsauterritoireetautravail.2. Clarifier les informationsadministrativesutilesenmatièred’accèsauterritoireetau
travail.3. Proposerlesinformationsutilesenmatièred’accèsauterritoireetautravaildansune
diversitédelangues.4. Accéléreretsimplifier lesprocéduresdedemanded’asile,dans les limitesd’uneap-
prochejuridiquedequalité,afind’éviterlerecoursautravailillégaldesdemandeurs.5. Accorderd’officel’accèsaumarchédutravailauconjointd’untravailleurréguliernon
communautaire.6. Renforcer les interventions des associations d’insertion socioprofessionnelle auprès
desressortissantsdepaystiers.7. Valoriser le rôle des associations, et en particulier des associations de migrants, en
tantquerelaisdespolitiquesauprèsdescommunautésimmigréesetnotammentdesgroupesdeprimo-arrivants.
8. Sensibiliser, former et responsabiliser les professionnels des administrations, desassociationsetdelagestiondesressourceshumainespour identifieret luttercontrelesdiscriminationsvisiblesousystémiquesàl’encontredescatégoriesdetravailleurs:connaissanceducadrelégaletdesmoyensd’action,responsabilitédesentreprises…
9. Sensibiliser,formeretresponsabiliserlesprofessionnelsdesadministrations,desas-sociationsetdelagestiondesressourceshumainespourqu’ilsvalorisentlesdiversitéssocioculturellesauseindesentreprisesauprofitdubiencommun.
10. Rendre lemarchédutravailplustransparent,éviterque lerecrutementdeproximitéou l’homogénéité du personnel ne deviennent une source d’exclusion. Par exemple :sensibiliserlesentreprises,avertiretsanctionnercellesquinepublientpaslesoffresd’emploi,informerlestravailleurssurlestenantsetaboutissantsdecesstratégiesvialessyndicats,etc.
101{ Conclusion et recommandations }
11. Favoriseretgérerladiversitépardesoutilsetformationsinternesauxadministrations,associations,entreprisesetsyndicats,afind’éviterdesphénomènesd’enclavementdeséquipes,maisaussilesdiscriminations.
12. Faciliteretaccélérer lesprocéduresde reconnaissancedesdiplômesacquishorsdel’Unioneuropéenne.
13. Reconnaître l’expérience professionnelle des migrants par la validation des acquisafind’obtenirunecertificationprofessionnelle,voired’accéderàdesformationsdiplo-mantes.
14. Mutualiseretfaciliterl’accèsauxformationspourlespetitesetmoyennesentreprises,notammentdanslecasdetravailleursmigrantsfaiblementqualifiés.
15. Promouvoirl’apprentissagedeslanguesenentreprisesousdifférentesformes:congélinguistique,animationsenlangue(peerteaching,cerclesdediscussionsurdessitua-tionsprofessionnelles,«Lernstatt»…),etc.
16. Améliorer et diversifier (méthodes, contenus, horaires) l’offre de cours pour adultesdanslestroislanguesofficielles,voired’autreslangues.
17. Proposer davantage de moments collectifs en entreprise : journées familiales, acti-vités sportives, événements festifs, actions de solidarité avec les pays d’origine desmigrants…et impliquerlestravailleurs(etleursassociations),ainsiquelessyndicatsdansleurmiseenœuvre.
18. Impliquerdavantagelessalariésdanslespratiquesformelles(chartesdeladiversité…)ouinformelles(soutienauxassociationsetactivités)degestiondeladiversité.
19. DévelopperdespartenariatssolidairesentrelesentreprisesetlesassociationsouONGauLuxembourgouencoredanslespaysd’originedestravailleurs.
20. Reconnaîtrepubliquementlacontributionsocioéconomiqueetculturelledesmigrantsàlasociétéluxembourgeoiseetàsesentreprises,àtraversdesactionssymboliquesàentreprendreparlesinstitutionséconomiques,socialesetpolitiquesdupays.
104104
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107107{ Annexes }
Annexes
• Donnéesintégréesauxcalculs• Distributiondecertainesvariables• Détailsdesanalysesfactorielles• Grilled’entretiensemi-directif
Données intégrées aux calculs
Variables(n=40nationalitésprisesencompte) Moyenne Écarttype Minimum Maximum
Population2007 11814,64 44916,79 125,00 277900,00
Population2013 13359,00 48402,45 318,00 295870,00
Aug2007/2013 1,58 ,93 ,68 4,80
%Femmes2013 ,53 ,09 ,31 ,81
%Moinsde18ans2010 ,21 ,07 ,09 ,45
Décès/habitant2012 0,00 0,00 0,00 ,01
Occupés2012 5491,88 18968,63 103,00 107737,00
Augoccupés2007-2012 1,23 ,67 ,13 2,84
%Activité2012 ,39 ,17 ,17 ,92
%Chôm2012 ,03 ,05 0,00 ,20
%Déppension/salar2012 ,07 ,04 0,00 ,19
Attdetrav/totattdeséj2011 ,12 ,30 0,00 1,00
Demandeursd’asile2011 43,25 163,34 0,00 947,00
Augdemasile2007/2011 4,15 15,36 0,00 89,20
%Demasil/pop2012 ,04 ,14 0,00 ,81
Retoursdesdemandeursd’asile2011 12,00 55,82 0,00 350,00
Augretdemasil2007/2011 2,79 14,16 0,00 87,50
Candidatscommunales2011 68,33 394,59 0,00 2500,00
%Élus/cand20111 ,03 ,09 0,00 ,50
Inscription2011 6994,10 39463,63 0,00 250000,00
Auginscripelec2005/2011 1,91 2,76 0,00 17,00
Tauxd’inscription2011 ,12 ,14 0,00 ,85
Rmg2010 249,32 844,85 0,00 4612,00
Augrmg2007/2010 1,17 1,29 0,00 6,00
%Rmg2011 ,01 ,02 0,00 ,07
Salariésrésidantauluxembourg%auvoisinagessm2007q 5,65 3,48 ,50 16,30
Salariésrésidantauluxembourg%auvoisinagessm2007nq 14,84 11,79 ,80 42,70
Salariésrésidantauluxembourg%auvoisinagessm2007t 20,49 14,02 1,90 47,90
Difsalnq/q2007 2,82 2,52 ,33 10,95
Salariésrésidantauluxembourg%auvoisinagessm2012q 6,33 3,12 1,40 13,60
Salariésrésidantauluxembourg%auvoisinagessm2012nq 17,83 13,05 ,80 41,50
Salariésrésidantauluxembourg%auvoisinagessm2012t 24,16 15,34 2,80 49,00
108108
Difnq/qsal2012 2,67 1,87 ,40 10,14
Aug%ssmq2007/2011 1,42 1,05 ,48 5,70
Aug%ssmnq2007/2011 1,39 ,86 ,72 5,98
Aug%ssmt2007/2011 1,28 ,48 ,74 3,37
Augdifq/nqssm2007/2010 —,15 2,57 -7,30 7,91
Salairemedian2012 3263,45 1419,71 1844,90 6606,61
Salairehorairemoy2007 20,43 9,23 11,05 44,86
Salairehorairemoyen2012 23,76 10,21 12,18 45,50
Augsalhormoy2007-2012 1,17 ,11 ,86 1,59
Augparrapportindice2005 ,06 ,11 —,26 ,47
%Plusquemitemps2007 ,34 ,09 ,09 ,49
Tempsdetravailmoyenh/mois2007 89,63 7,80 60,49 101,36
%Plusquemitemps2012 ,33 ,11 ,07 ,64
Tempsdetravailmoyen/mois2012 88,85 8,22 72,23 108,57
Augplusquemi-temps2007-2012 1,11 ,71 ,16 4,03
Augtempsmoydetrav/mois2007-2012 1,00 ,13 ,74 1,45
%Intérimaire2012 ,01 ,01 0,00 ,03
%Présumécdi2012 ,88 ,07 ,69 ,97
Auginterim2007-2012 ,97 ,83 0,00 3,19
Augcdi2007-2012 ,96 ,06 ,78 1,13
%Ouvriers/employés2007 2,11 3,11 ,03 17,44
Front2012 3890,68 13635,95 2,00 73102,00
Salariésrésidents2012 4973,18 17615,87 94,00 104376,00
Salar2012 8171,62 20847,24 113,00 86553,00
Front/salar2012 ,65 1,68 0,00 8,18
%Front2012 ,20 ,23 0,00 ,89
Indep2012 563,88 1979,29 0,00 12101,00
%Indep/occ2012 ,06 ,04 0,00 ,19
Fonc2012 692,23 4264,24 0,00 26986,00
Foncsalatens2012 8863,85 23558,41 113,00 108027,00
%Fonc2012 ,01 ,04 0,00 ,25
Aug.Frontaliers2007-2012 2,16 1,99 ,06 12,80
Aug.Salariésrésidents2007-2012 1,48 ,74 ,68 3,82
Aug.Salariétot2007-2012 1,50 ,76 ,66 3,99
Aug.Fron/salariés2007-2012 2,13 1,80 ,09 9,30
Aug.Indep2007-2012 76,95 478,12 0,00 3025,25
Aug.%Indep/occ2007-2012 62,39 387,94 0,00 2454,57
Aug.Fonctionnaires2007-2012 ,70 ,97 0,00 3,00
Aug.Salaretfoncens2007-2012 1,57 ,90 ,34 4,34
Aug.Fonc%2007-2012 ,53 ,78 0,00 2,66
Aagriculture,sylvicultureetpêche2012 34,52 92,14 0,00 482,00
Dproductionetdistributiond’élec2012 29,82 148,26 0,00 936,00
Eproductionetdistributiond’eau2012 36,50 116,11 0,00 545,00
Fconstruction2012 961,38 2698,11 0,00 13562,00
Gcommerce;réparation2012 1090,50 2919,35 8,00 13083,00
Htransportsetentreposage2012 652,38 1569,80 2,00 7049,00
Ihébergementetrestauration2012 382,85 1028,41 1,00 5246,00
Jinformationetcommunication2012 390,12 1161,37 1,00 5480,00
109109{ Annexes }
Nactivitésdeservicesdesoutien2012 554,67 1770,65 1,00 9235,00
Pactivitésdesménagesentantqu’employeurs2012 127,10 504,75 0,00 3164,00
Total2012 4259,85 10750,68 53,00 46131,00
Àagriculture,sylvicultureetpêche2007-2012aug ,77 1,51 0,00 8,00
Dproductiond’électricité2007-2012aug ,03 ,06 0,00 ,23
Eproductiond’eau2007-2012aug ,81 2,00 0,00 10,62
Fconstruction2007-2012aug 3,18 9,05 0,00 55,00
Gcommerce;réparation2007-2012aug 1,67 1,15 ,46 6,03
Htransportsetentreposage2007-2012aug 8,48 19,80 ,01 113,00
Ihébergementetrestauration2007-2012aug 3,49 9,16 ,04 57,17
Jinformationetcommunication2007-2012aug ,89 ,90 0,00 3,25
Nactivitésdeservicesdesoutien2007-2012aug 2,97 3,06 ,16 17,00
Pactivitésdesménagesentantqu’employeurs2007-2012aug 1,85 2,53 0,00 13,00
Totalnace10sec2007-2012aug 1,19 ,83 ,15 3,66
Àagriculture,sylvicultureetpêche2012% ,01 ,02 0,00 ,11
Dproductiond’électricité2012% 0,00 0,00 0,00 ,03
Eproductionetdistributiond’eau2012% 0,00 0,00 0,00 ,02
Fconstruction2012% ,12 ,11 0,00 ,39
Gcommerce;réparationd’automobilesetdemotocycles2012% ,19 ,09 ,03 ,46
Htransportsetentreposage2012% ,24 ,22 ,01 ,88
Ihébergementetrestauration2012% ,16 ,16 ,02 ,88
Jinformationetcommunication2012% ,12 ,12 0,00 ,42
Nactivitésdeservicesadministratifsetdesoutien2012% ,12 ,08 ,01 ,32
Tactivitésdesménagesentantqu’employeurs2012% ,04 ,04 0,00 ,22
Àagriculture,sylvicultureetpêche2007-2012aug% ,66 ,72 0,00 2,57
Dproductionetdistributiond’électricité2007-2012aug% ,02 ,04 0,00 ,18
Eproductionetdistributiond’eau;assainissement2007-2012aug% 1,00 2,39 0,00 12,17
Fconstruction2007-2012aug% 2,37 4,59 0,00 28,32
Gcommerce;réparationd’automobilesetdemotocycles2007-2012aug%
1,78 1,35 ,53 7,60
Htransportsetentreposage2007-2012aug% 8,89 16,36 ,01 82,64
Ihébergementetrestauration2007-2012aug% 2,78 8,04 ,04 51,03
Jinformationetcommunication2007-2012aug% ,72 ,53 0,00 2,37
Nactivitésdeservicesadministratifsetdesoutien2007-2012aug% 2,95 3,07 ,10 16,73
Pactivitésdesménagesentantqu’employeurs2007-2012aug% 1,52 1,52 0,00 8,93
Totalnace10sec2007-2012aug% 22,69 19,05 6,92 90,62
Xintermédiationsfinancières2007% 23,15 24,12 0,00 79,15
10Membrescadressupérieursd’entreprise2012 3,00 12,96 0,00 82,00
15Dirigeantsdesociétés2012 99,85 261,75 0,00 1457,00
20Professionsintellectuellesetscientifiques2012 363,27 1503,58 0,00 9451,00
31Professionsintermédiairesdessciencesphysiquesettechniques2012
356,73 1358,68 0,00 8572,00
40Employésdetypeadministratif2012 446,35 1500,89 3,00 9166,00
50Personneldesservicesetvendeursdemagasinetdemarché2012 454,77 1469,56 0,00 8245,00
70Artisansetouvriersdesmétiersdetypeartisanal2012 381,27 1551,55 0,00 9248,00
80Conducteursd’installationsetdemachinesetouvriersdel’assemblage2012
184,15 540,01 0,00 2513,00
90Ouvriersetemployésnonqualifiés2012 483,85 1740,14 0,00 10002,00
15Dirigeantsdesociétés%/nat2012 6,30 5,73 0,00 23,00
110110
20Professionsintellectuellesetscientifiques%/nat2012 12,22 9,85 0,00 40,00
31Professionsintermédiairesdessciencesphysiquesettechniques%/nat2012
14,95 10,71 0,00 38,00
40Employésdetypeadministratif%/nat2012 16,88 11,91 1,00 40,00
50Personneldesservicesetvendeursdemagasinetdemarché%/nat2012
17,15 14,06 0,00 67,00
70Artisansetouvriersdesmétiersdetypeartisanal%/nat2012 7,47 8,71 0,00 32,00
80Conducteursd’installationsetdemachinesetouvriers%/nat2012 8,15 10,94 0,00 54,00
90Ouvriersetemployésnonqualifiés%/nat2012 17,02 15,38 0,00 51,00
10Membrescadressupérieursd’entreprise%parsect2012 2,55 10,75 0,00 68,00
15Dirigeantsdesociétés%parsect2012 2,35 6,55 0,00 36,00
20Professionsintellectuellesetscientifiques%parsect2012 2,50 10,36 0,00 65,00
31Professionsintermédiairestechniques%parsect2012 2,38 9,54 0,00 60,00
40Employésdetypeadministratif%parsect2012 2,42 8,36 0,00 51,00
50Personneldesservicesetvendeursdemagasinetdemarché%parsect2012
2,45 8,08 0,00 45,00
70Artisansetouvriersdesmétiersdetypeartisanal%parsect2012 2,45 10,23 0,00 61,00
80Conducteursd’installationsetdemachinesetouvriers%parsect2012
2,42 7,34 0,00 34,00
90Ouvriersetemployésnonqualifiés%parsect2012 2,45 9,03 0,00 52,00
10Membrescadressupérieursd’entreprise2007 33,48 83,52 0,00 457,00
20Spécialistesdesprofessionsintellectuellesetscientifiques2007 34,30 115,52 0,00 709,00
31Professionsintermédiairesdessciencesphysiquesettechniques2007
139,38 516,78 0,00 3235,00
40Employésdetypeadministratif2007 306,30 927,02 0,00 5584,00
50Personneldesservicesetvendeursdemagasinetdemarché2007 169,47 556,04 0,00 2935,00
70Artisansetouvriersdesmétiersdetypeartisanal2007 189,43 760,09 0,00 4528,00
80Conducteursd’installationsetdemachinesetouvriersdel’assem-blage2007
80,38 221,79 0,00 1017,00
90Ouvriersetemployésnonqualifiés2007 225,12 793,66 0,00 4530,00
10Membrescadressupérieursd’entreprise2007-2012 ,04 ,13 0,00 ,80
20Spécialistesdesprofessionsintellectuellesetscientifiques2007-2012
6,12 5,86 0,00 23,00
31Professionsintermédiairesdessciencesphysiquesettechniques2007-2012
2,61 2,21 0,00 9,00
40Employésdetypeadministratif2007-2012 1,60 1,54 0,00 8,17
50Personneldesservicesetvendeursdemagasinetdemarché2007-2012
2,40 2,20 0,00 10,00
70Artisansetouvriersdesmétiersdetypeartisanal2007-2012 2,58 6,54 0,00 38,00
80Conducteursd’installationsetdemachinesetouvriers2007-2012 2,08 2,29 0,00 11,00
90Ouvriersetemployésnonqualifiés2007-2012 2,18 1,72 0,00 7,27
111111{ Annexes }
Distribution de certaines variables (calculs du CEFIS)
0102030405060708090
100
ITALIE
LUXEMBOURG
MAROC
ALGERIE
AUTRICHE
SUISSE
BELGIQUE
FRANCE
IRLANDE
TUNISIE
HONGRIE
ROUMANIE
CROATIE
BOSNIE
PAYS-B
AS
BRESIL
PORTUGAL
CAP-VERT
POLOGNE
SLOVAQUIE
TCHEQUIE
Taux d'activité des principales nationalités (IGSS, 2012)
0102030405060708090
100
POLOGNE
HONGRIE
SLOVAQUIE
BULGARIE
ALGERIE
MACEDOINE
MAROC
GRECEIN
DE
TUNISIE
CROATIE
ROUMANIE
FINLANDE
CAP-VERT
CHINE
ESPAGNE
RUSSIE
SERBIE
BOSNIE
ALBANIE
PORTUGAL
TURQUIE
UKRAINE
IRLANDE
E U A
AUTRICHE
MONTENEGRO
ALLEMAGNE
PAYS-B
AS
ITALIE
BRESIL
SUISSE
ROYAUME-U
NI
FRANCE
BELGIQUE
LUXEMBOURG
SUEDE
TCHEQUIE
DANEMARK
ISLANDE
Taux des travailleurs disposant d'un CDI selon les principales nationalités (IGSS, 2012)
112112
0
10
20
30
40
50
60
70
AUTRICHE
MACEDOINE
TURQUIE
LUXEMBOURG
SUISSE
BRESIL
ALLEMAGNE
MAROC
ISLANDE
BELGIQUE
HONGRIE
SERBIE
FINLANDE
SLOVAQUIE
ROYAUME-U
NI
SUEDE
BOSNIE
ESPAGNE
MONTENEGRO
POLOGNE
CAP-VERT
ALBANIE
DANEMARK
TCHEQUIE
IRLANDE
Taux des travailleurs disposant d'un emploi de plus d'un mi-temps, principales nationalités (IGSS, 2012)
0102030405060708090
100110
CROATIEIN
DE
PAYS-B
AS
GRECE
BULGARIE
FRANCE
ALGERIE
ITALIE
TURQUIE
ROUMANIE
LUXEMBOURG
TUNISIE
E U A
RUSSIE
BRESIL
UKRAINE
MACEDOINE
SLOVAQUIE
SUISSE
CHINE
MONTENEGRO
HONGRIE
SERBIE
MAROC
ALLEMAGNE
AUTRICHE
ISLANDE
ROYAUME-U
NI
BELGIQUE
POLOGNE
FINLANDE
PORTUGAL
SUEDE
ESPAGNE
BOSNIE
CAP-VERT
DANEMARK
ALBANIE
TCHEQUIE
IRLANDE
Temps de travail moyen/mois en heures selont les principales nationalités (IGSS, 2012)
113113{ Annexes }
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
ROUMANIE
SUISSE
RUSSIE
UKRAINE
AUTRICHE
ESPAGNE
TUNISIE
ITALIE
MAROC
TURQUIE
ALGERIE
BELGIQUE
FRANCE
ALLEMAGNE
Taux des frontaliers parmi les groupes principaux (IGSS, 2012)
02468
101214161820
MONTENEGRO
TCHEQUIE
PORTUGAL
BOSNIE
BRESIL
HONGRIE
FRANCE
SERBIE
POLOGNE
ALLEMAGNE
ROUMANIE
MACEDOINE
BULGARIE
MAROC
BELGIQUE
ESPAGNE
IRLANDE
CROATIE
ALGERIE
TUNISIE
INDE
ITALIE
UKRAINE
ROYAUME-U
NI
GRECE
SUEDEE U
A
ISLANDE
SUISSE
RUSSIE
LUXEMBOURG
PAYS-B
AS
FINLANDE
DANEMARK
TURQUIE
AUTRICHE
CHINE
Taux des indépendants selon groupes principaux (IGSS, 2012)
114114
05
101520253035404550
CAP-VERT
MACEDOINE
MONTENEGRO
ALGERIE
ALBANIE
MAROC
BOSNIE
SERBIE
SLOVAQUIE
PORTUGAL
TCHEQUIE
TUNISIE
POLOGNE
CHINE
BRESIL
UKRAINE
BULGARIE
ROUMANIE
CROATIE
HONGRIE
ITALIE
TURQUIE
RUSSIE
ESPAGNE
GRECE
FRANCE
LUXEMBOURG
PAYS-B
AS
ALLEMAGNE
BELGIQUE
AUTRICHE
INDE
FINLANDE
IRLANDE
ISLANDE
ROYAUME-U
NI
SUISSE
SUEDEE U
A
DANEMARK
Salaire horaire moyen en euro selon les principales nationalités (IGSS, 2012)
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
SLOVAQUIE
CAP-VERT
MACEDOINE
ALGERIE
ALBANIE
MAROC
SERBIE
BULGARIE
ROUMANIE
TCHEQUIE
MONTENEGRO
CHINE
UKRAINE
POLOGNE
TUNISIE
BOSNIE
HONGRIE
PORTUGAL
CROATIE
RUSSIE
TURQUIE
ITALIE
ESPAGNE
PAYS-B
AS
FRANCE
GRECE
ALLEMAGNE
LUXEMBOURG
AUTRICHE
BELGIQUE
FINLANDE
INDE
IRLANDE
ISLANDE
SUISSE
ROYAUME-U
NI
SUEDEE U
A
DANEMARK
Salaire médian en euro selon les principales nationalités (IGSS, 2012)
115115{ Annexes }
05
101520253035404550
DANEMARK
SUEDE
ISLANDE
FINLANDE
ROYAUME-U
NI
SUISSE
IRLANDE
E U A
BELGIQUE
AUTRICHE
FRANCE
PAYS-B
AS
ESPAGNE
LUXEMBOURG
ALLEMAGNE
GRECEIN
DE
ITALIE
RUSSIE
MONTENEGRO
BOSNIE
PORTUGAL
CROATIE
SERBIE
TURQUIE
ALBANIE
HONGRIE
BRESIL
UKRAINE
MACEDOINE
TUNISIE
TCHEQUIE
POLOGNE
BULGARIE
ROUMANIE
CAP-VERT
MAROC
SLOVAQUIE
ALGERIE
CHINE
Taux de salariés résidant au Luxembourg au voisinage de SSM (IGSS, 2012, en %)
0
1
2
3
4
5
6
7
8
PAYS-B
AS
BELGIQUE
LUXEMBOURG
FRANCE
POLOGNE
ALLEMAGNE
ITALIE
MONTENEGRO
PORTUGAL
BRESIL
CROATIE
CAP-VERT
MACEDOINE
BOSNIE
Taux de personnes bénéficiaires du RMG, principales nationalités (2012, en %)
116116
Détails des analyses factorielles en composantes principales
Analysefactorielle:«Échellesalariale»
Nombredevariables 3
Nombredecas 40
Degrésdeliberté 5
Chi2deBartlett 160,277
Valeurdep <,0001
Valeurspropres 2,208
%devarianceexpliquée 0,736
Variables Saturation
Salairemensuelmédian2012 0,942
SalariésrésidantauLuxembourg%auvoisinageSSM2012NQ -0,963
SalariésrésidantauLuxembourg%auvoisinageSSM2012Q -0,787
Analysefactorielle:«Stabilité/précaritéd’emploi»
Nombredevariables 4
Nombredecas 40
Degrésdeliberté 9
Chi2deBartlett 36,872
Valeurdep <,0001
Valeurspropres 1,968
%devarianceexpliquée 0,492
Variables Saturation
%intérimaire2012 -0,807
%présuméCDI2012 0,752
Augmentationintérim.2007-2012 -0,745
AugmentationCDI2007-2012 0,443
Analysefactorielle:«Secteurd’activité»
Nombredevariables 5
Nombredecas 40
Degrésdeliberté 14
Chi2deBartlett 75,217
Valeurdep <,0001
Valeurspropres 2,717
%devarianceexpliquée 0,543
Variables Saturation
KIntermédiationsfinancières2007% 0,829
JInformationetcommunication2012% 0,826
FConstruction2012% -0,731
NActivitésdeservicesadministratifsetdesoutien2012% -0,637
EProductionetdistributiond’eau2012% -0,637
117117{ Annexes }
Analysefactorielleglobale:«Stratificationdumarché»
Nombredevariables 3
Nombredecas 40
Degrésdeliberté 5
Chi2deBartlett 55,258
Valeurdep <,0001
Valeurspropres 1,572
%devarianceexpliquée 0,524
Variables Saturation
Salaires 0,889
Stabilité 0,749
Secteurs 0,585
Analysefactorielle:«Bénéficedelasolidaritésociale»
Nombredevariables 3
Nombredecas 40
Degrésdeliberté 5
Chi2deBartlett 11,417
Valeurdep ,0435
Valeurspropres 1,587
%devarianceexpliquée 0,529
Variables Saturation
%RMG2011 0,814
%chômeurs2012 0,791
Augmentationdesoccupés2007-2012(diminutiondeschômeurs) -0,547
118118
Grille d’entretien semi-directif (exemples des topiques autour desquels un échange libre est engagé)
1. IMMIGRATION
Origine?Nationalités?Lieudenaissance?Dated’arrivéeauLuxembourg?Lieuderésidence?Occupationduconjoint?Enfants?Languesparléesdanslafamille?Scolaritédesenfants?
2. TRAVAIL
Diplôme(s)?Profession(s)antérieure(s)?Situationsdenon-travail(chômage,RMG…)?Situationsprécaires?Pourquoi?Professionactuelle?Ancienneté?Évolutiondespostesoccupés?L’entreprisetient-ellecomptedevotreculture?Desattentes/revendications?Quellessontlesnationalitésrencontréesautravail?Leslanguesautravail?Relationsaveclesautrestravailleurs?Avecquicommuniquerleplus/lemoins?Pourquoi?Appritàmieuxconnaître lesgens,des langues, lepaysgrâceautravail,à l’entreprise?Expliquer.Acceptéentantqu’étranger?Typedecontrat?Relationsauxclients?Qui/quoiaideautravail?Repasetpauses?Dans5ans?
3. QUOTIDIEN
Desloisirs?Lesquels?Avecqui?Descollègues?Languesdesloisirs?Liensauvoisinage?Qui?CAI?Relationsavecsaproprecommunauté?
4. INTÉGRATION. Une définition ?
5. AJOUTS ?