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Journée d'études du séminaire interne du LASCO Université Paris Descartes 10 juin 2014 Masculin/féminin en français : (dé)construction par le genre des sexes et des sexualités Alice Coutant Le support visuel de cette présentation a été intégré à cette version écrite, en annexe pour les listes, les schémas et les illustrations, dans le corps du texte pour les exemples. Je vais essayer dans cette présentation de donner une vue d'ensemble des recherches que je mène dans le cadre de ma thèse, sans m'attarder sur les ancrages théoriques et ou sur mes problématiques, qui transparaissent dans la présentation de mes corpus et les pistes d'analyse des données que je vais proposer. 1. Explicitation du sujet : le genre, « idéologie du dualisme sexué » Pour expliciter ce que j'entends par genre, quel lien j'y vois avec la langue et pourquoi cette question m'intéresse, je vais reprendre la définition très efficace qu'en donne Véronique Perry dans ses travaux. Elle rappelle que le terme « genre » est né de l'analyse linguistique, où il désigne le système de classification nominale, c'est-à-dire la bi-catégorisation des noms en masculin et féminin. Elle le définit ainsi comme un « instrument de catégorisation de l’univers référentiel [qui] dépasse le formalisme de son ancrage morphosyntaxique et touche au cœur de l’identité personnelle, de la représentation de soi et, par là même, conditionne l’inscription de l’individu dans la société » 1 . Cette définition est héritée du cadre constructiviste posé par Edward Sapir 2 , selon lequel les catégorisations linguistiques et les oppositions formellement marquées dans les structures de la langue affectent notre catégorisation du réel. Je convoque également dans mes recherches les travaux marxistes sur l'idéologie du langage et la nature sociale du signe 3 , pour lesquels la langue est à la fois empreinte et instrument de rapport de pouvoir. Ceux-ci permettent d'appréhender la dichotomie de genre en français (masculin vs féminin) comme le versant linguistique du système hétéronormatif, système qui oppose et hiérarchise masculin et féminin et prescrit l'adéquation des identités de sexe et de genre. Enfin, la langue, fasciste pour Barthes 4 , par la bicatégorisation nominale et pronominale, oblige en français à parler de soi et des autres au masculin ou au féminin. Elle contraint ainsi la construction des représentations de soi et d'autrui, au sein d'un système idéologique qui veut que les mâles humains soient tous des hommes (virils), que les femelles humaines soient toutes des femmes

Travaux en cours (corpus, méthodes, résultats)

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Journée d'études du séminaire interne du LASCO

Université Paris Descartes

10 juin 2014

Masculin/féminin en français : (dé)construction par le genre des sexes et des sexualités

Alice Coutant

Le support visuel de cette présentation a été intégré à cette version écrite, en annexe pour les listes, les schémas et les illustrations, dans

le corps du texte pour les exemples.

Je vais essayer dans cette présentation de donner une vue d'ensemble des recherches que je mène dans le cadre

de ma thèse, sans m'attarder sur les ancrages théoriques et ou sur mes problématiques, qui transparaissent dans la

présentation de mes corpus et les pistes d'analyse des données que je vais proposer.

1. Explicitation du sujet : le genre, « idéologie du dualisme sexué »

Pour expliciter ce que j'entends par genre, quel lien j'y vois avec la langue et pourquoi cette question m'intéresse,

je vais reprendre la définition très efficace qu'en donne Véronique Perry dans ses travaux. Elle rappelle que le

terme « genre » est né de l'analyse linguistique, où il désigne le système de classification nominale, c'est-à-dire la

bi-catégorisation des noms en masculin et féminin. Elle le définit ainsi comme un « instrument de catégorisation

de l’univers référentiel [qui] dépasse le formalisme de son ancrage morphosyntaxique et touche au cœur de

l’identité personnelle, de la représentation de soi et, par là même, conditionne l’inscription de l’individu dans la

société »1.

Cette définition est héritée du cadre constructiviste posé par Edward Sapir2, selon lequel les catégorisations

linguistiques et les oppositions formellement marquées dans les structures de la langue affectent notre

catégorisation du réel. Je convoque également dans mes recherches les travaux marxistes sur l'idéologie du

langage et la nature sociale du signe3, pour lesquels la langue est à la fois empreinte et instrument de rapport de

pouvoir. Ceux-ci permettent d'appréhender la dichotomie de genre en français (masculin vs féminin) comme le

versant linguistique du système hétéronormatif, système qui oppose et hiérarchise masculin et féminin et prescrit

l'adéquation des identités de sexe et de genre. Enfin, la langue, fasciste pour Barthes4, par la bicatégorisation

nominale et pronominale, oblige en français à parler de soi et des autres au masculin ou au féminin. Elle

contraint ainsi la construction des représentations de soi et d'autrui, au sein d'un système idéologique qui veut

que les mâles humains soient tous des hommes (virils), que les femelles humaines soient toutes des femmes

(féminines), que les premiers soient supérieurs aux secondes et que tous et toutes soient « naturellement »

hétérosexuel.le.s.

Ce que je cherche à démontrer dans un premier temps, c'est que la plurivocité des notions même de masculin et

féminin contribue à la construction d'amalgames entre genre, sexe et sexualité, amalgames envisagés comme

« symptôme et moyen »5 de la norme et de sa stabilité. Un travail sur la morphosyntaxe du genre et sur le lexique

me permet en outre de montrer comment la norme et ses représentations sont construites et étayées par

l'invisibilisation, la stigmatisation et l'exclusion linguistiques des sujets ainsi rendus minoritaires (respectivement

les femmes, les homos et les trans).

2. Contraintes formelles et pratiques linguistiques

J'analyse en parallèle, à partir de plusieurs corpus discursifs, la mobilisation de la bi-catégorisation

morphosyntaxique et lexicale dans les discours homophobes et transphobes ; et les multiples stratégies

linguistiques que les sujets minorisés théorisent et mettent en œuvre pour se construire en dépit des contraintes

linguistiques formelles. J'articulerai la présentation de ce travail au développement des trois axes précédemment

évoqués : invisibilisation, stigmatisation, exclusion.

A. Hiérarchisation des genres, invisibilisation du féminin, domination masculine

Il existe déjà une multitude de travaux sur la question de l'invisibilisation du féminin dans la langue, et je me

contenterai donc d'un bref rappel historique à partir des derniers travaux d'Éliane Viennot6.

Contrairement à ce qu'on a tendance à croire, l'invisibilité du féminin résulte d'un processus historique et

politique de masculinisation de la langue, qui a progressivement invisibilisé le féminin au profit du masculin.

Cette entreprise linguistique a débuté au XVIIe siècle, à l'injonction de Richelieu et avec le secours de

l'Académie française, et allait de pair avec une volonté politique parfaitement assumée d'invisibiliser les femmes,

et notamment de les tenir à l'écart du pouvoir.

Le premier champ de bataille a ainsi été le lexique, que l'Académie a tenté de purger des noms de métiers, des

titres et des fonctions du genre féminin ; lesquels, malgré des rappels à l'ordre incessants, ont continué à être

utilisés pendant deux siècles (ex : librairesse, autrice, philosophesse, médecine, peintresse...).

Le deuxième champ de bataille a été la morphosyntaxe du genre, avec quelques bouleversements des règles

d'accord : le participe présent et le gérondif ne doivent plus s'accorder avec le substantif (reste seule la forme non

marquée, identifiée à la forme du masculin) ; le participe passé ne s'accorde plus systématiquement avec l'objet

direct ; le pronom attribut accordé avec le sujet devient un pronom invariable (on ne dit plus « Malade, je la

suis »7 lorsque l'on est une femme qui veut bien parler) ; l'accord de proximité8 est remplacé par la fameuse règle

du « masculin qui l'emporte » en vertu de la supériorité du mâle sur la femelle9.

La plupart des pratiques de revisibilisation du féminin aujourd'hui envisagées consistent finalement à revenir sur

ce processus de masculinisation de la langue, qui pour Viennot est suffisamment récent et a suscité suffisamment

de résistances pour être réversible. Je travaillerai sur ces deux mouvements de masculinisation / (re)féminisation

de la langue, en tenant compte de leurs contextes historiques, politiques et épistémologiques respectifs,

notamment à travers l'étude des discours prescriptifs que sont les grammaires, et à travers celle des discours

scientifiques et militants théorisant un retour sur cette masculinisation de la langue.

B. Stigmatisation de la dérogation à l'hétéronormativité et réappropriation de l'injure

Pourquoi travailler sur le lexique des noms désignant les homosexuel.le.s ?

En premier lieu, parce qu'une partie de ce lexique déroge à la règle selon laquelle « les noms animés constituent

une sous-classe où la distinction des genres correspond en règle générale à une distinction de sexe »10: le genre

féminin de fiotte, pédale, tapette, tantouze ou tarlouze constitue une incongruité. En vertu de quel(s) critère(s)

ces noms échappent-ils à la catégorisation de genre dite « naturelle » ? Le féminin est-il motivé par des traits

relatifs au genre (« social »), à la sexualité ?

Ensuite, parce que la langue s'inscrit dans une culture et une société donnée, dont elle révèle et reconduit tant les

représentations que les mécanismes de pouvoir ; on peut dès lors se demander ce que cette catégorisation

« déviante » dit de nos représentations du genre, des sexes, des sexualités ; comment elle influence ces mêmes

représentations et celles des personnes ainsi désignées ; en quoi et comment elle s'inscrit dans une norme et

participe au maintien de cette norme.

Enfin, et surtout, parce que la langue est primordiale dans la construction des représentations de soi et que les

mots qui nous nomment conditionnent la construction identitaire : l'assignation d'une identité marquée

linguistiquement comme inadéquate, déviante, ne peut pas être sans conséquence.

Présentation du corpus et remarques méthodo

Pour ce travail sur le lexique (qui précède celui sur les pratiques), j'ai convoqué des sources aussi diversifiées

que possible11 : dictionnaires lexicographiques papier et encyclopédie collaborative en ligne, glossaire

diachronique de l'homosexualité et lexique contemporain d'autonomination des LGBT, usuels monolingues,

dictionnaire du français argotique et lexiques plurilingues ou glossaire de la sexualité, etc. [→ annexe 1.1]

De ces sources n'ont été extraits que les substantifs, les adjectifs substantifs (ex : anticoniste, homosexuel), les

locutions nominales (ex : chevalier de la jaquette) et les acronymes fonctionnant comme noms (ex : A ou P,

TBM), puisque c'est la nomination des personnes qui m'intéresse. Les huit sources déjà travaillées m'ont permis

de constituer un corpus de 474 occurrences et définitions, où j'ai identifié 279 unités lexicales (entrées).

Le premier élément intéressant, c'est que plus de 80 % de ce lexique désigne les gays, moins de 20 % les

lesbiennes. D'après moi, l'hyper-visibilité des premiers et la quasi-invisibilité des secondes trahit à la fois une

obsession assez intéressante pour la sexualité masculine (fut-elle déviante) et un désintérêt total pour la sexualité

féminine (d'autant plus pour une sexualité par définition sans homme), ce que le concept derridéen de

phallogocentrisme permettra certainement de creuser.

Deuxième élément intéressant : sur les 229 unités lexicales (UL) qui désignent les gays, on trouve un peu plus

d'un tiers de termes féminins ; et sur les 50 UL qui réfèrent aux lesbiennes, on ne trouve aucun masculin. J 'ai

poussé la comptabilité un peu plus loin [→ annexe 1.2] en me concentrant sur les termes récurrents, présents

dans la majorité des sources, en faisant l'hypothèse que cette récurrence est peut-être corrélée à une récurrence

en usage. Sur les 20 termes les plus fréquents, on a 11 féminins et 9 masculins, et les termes féminins sont en tête

de peloton.

Il faudra bien entendu compléter et surtout affiner ces pseudo-statistiques, qui sont problématiques à plusieurs

égards, comme le montrent les quelques remarques suivantes.

Je ne suis pas certaine que tout le monde ici connaisse le terme giton, terme littéraire apparu dans six sources sur

huit. Les quatre occurrences de jésus, elles, ne figurent que dans les sources sur l'argot et sur l'homosexualité,

l'acception homosexuel n'étant notamment pas documentée dans les dictionnaires de langue. Inverti, terme issu

de la psychiatrie, fait certainement partie du vocabulaire passif d'un certain nombre de locuteurs ; de même,

pédéraste. Mais ces mots sont-ils pour autant mobilisés (activement) dans les discours des locuteurs du

français ? Si oui, par qui ? Dans quels contextes ? À l'adresse de qui ? Seul un travail d'enquête permettra de

déterminer cela et de remettre ces premiers chiffres en perspective.

De même (et cette remarque est valable pour l'ensemble des lexiques que je traiterai), il faut être

particulièrement attentif au niveau de langue de chacune de ces UL, à leur origine, aux sources où elles ont été

collectées. Il faut également se demander si ces UL désignent (réfèrent à) des personnes homosexuelles ou

signifient leur homosexualité ; si elles sont connotatives ou dénotatives ; si elles peuvent se rapporter à d'autres

référents que des homosexuel.le.s ; si elles ont d'autres acceptions et si celles-ci sont en rapport avec l'acception

relative à l'homosexualité ; etc.

Tout ceci est rendu assez difficile par l'hétérogénéité des sources, qui ne peuvent pas être toutes traitées de la

même manière : elles ont des codes, des formes, des enjeux différents, ne suivent pas les mêmes nomenclatures

et comportent des types de données différents. [→ annexe 1.3] J'ai malgré tout pu commencer à faire quelques

observations, même si celles-ci sont loin d'être systématiques.

Premières analyses sur le sous-corpus « gay »

Mes premiers relevés visaient à déterminer quels traits définitoires motivaient la répartition de ces noms dans les

catégories de genre – expliquaient que certains noms soient féminins bien que référant à un animé humain de

sexe mâle –, avec l'hypothèse que ces traits seraient relatifs soit au genre de l'individu, soit à son sexe, soit à sa

sexualité, puisque je postule que l'ensemble est lié.

Parmi les traits relevés dans les définitions de ces noms féminins, je trouve, en plus d'homosexualité : jeunesse,

passivité, absence de virilité, lâcheté et caractère efféminé, traits dénotant donc de diverses manières une

déviance par rapport à la norme de la virilité, qu'on peut interpréter comme une stigmatisation par le féminin

d'une inadéquation entre le sexe et le genre de l'individu désigné ; mais cela ne nous dit en revanche pas

pourquoi certaines unités y échappent.

J'ai peut-être trouvé une piste de réponse avec une approche diachronique d'une partie du corpus (les mots que je

peux dater), qui m'a permis de me rendre compte qu'un certain nombre de mots féminins apparaissait au XIX e

siècle (coquine, corvette, frégate, gonzesse, et les toujours modernes honteuse, tante, tantouze, tata, tapette), en

même temps qu'homosexuel et inverti, c'est-à-dire au moment où l'homosexualité est soudainement

diagnostiquée par la médecine et la psychiatrie.

« L'homosexualité est apparue [à la fin du XIXe] comme une des figures de la sexualité lorsqu'elle a été rabattue de

la pratique de la sodomie sur une sorte d'androgynie intérieure, un hermaphrodisme de l'âme. Le sodomite était un

relaps, l'homosexuel est maintenant une espèce. » Foucault (1994 : 59)

« L'émergence de l'homosexualité à partir de l'inversion [renversement des rôles sexuels, dans lequel des formes de

déviance sexuelle sont interprétées comme de la déviance par rapport au genre ou assimilées à elles], la formation

d'une orientation sexuelle, indépendante des degrés relatifs de masculinité et de féminité, a lieu dans la seconde

partie du XIXe siècle et ne trouve son aboutissement qu'au XXe. » Halperin (2000 : 24)

Ces deux extraits de Foucault et Halperin (cités par Sedwig, 2008) mettent en exergue des distinctions

conceptuelles historiquement situées entre « pratique », « inversion [… déviance par rapport au genre] » et

« orientation sexuelle », notamment. Ceci m'amène ainsi à envisager la répartition masculin / féminin des UL qui

désignent les gays comme une inscription dans le lexique, via la bi-catégorisation formelle, de deux conceptions

(au moins) de l'homosexualité suivant une opposition entre pratique (acte sexuel) et identité, conceptions dites

respectivement universalisante et minorisante.

Il me semble que cet exemple montre bien le poids de la dimension historique, sociale et politique de la langue –

et ici, de ce lexique, qu'il faudra donc systématiquement recontextualiser pour analyser les différentes

conceptualisations sous-jacentes de ce que sont sexe, genre, sexualité et des liens qu'entretiennent ces concepts.

Avant de passer à la suite de mon exposé, je mentionne trois autres observations faites sur ce lexique.

Parmi les termes féminins (en hétéro-nomination semble-t-il), un certain nombre sont en rapport avec la

prostitution (ex : persilleuse). Il faudra déterminer s'il s'agit de termes qui désignent des prostituées et, par

extension, les ou des homosexuels (rabaissés au rang de femme, de mauvaise vie de surcroît ?) ; qui désignent

les femmes prostituées et, par extension, les prostitués homosexuels ; qui désignent les prostitué.e.s dans leur

ensemble, qu'ils ou elles soient hommes ou femmes (homos ou hétéros, la prostitution étant à destination des

hommes dans les deux cas)...

Dans l'argot homosexuel, en auto-nomination, les traits de jeunesse, beauté et passivité dans l'acte sexuel sont

parfois associés dans des définitions mettant l'accent sur le fait que les référents sont entretenus par des hommes

plus mûrs et plus riches s'offrant leurs services (ou se les offrant tout court). Il sera intéressant de voir si (et dans

quelle mesure) le féminin est utilisé pour marquer une position inférieure dans ce type de rapports de pouvoir.

Enfin, on constate dans ce même sous-corpus sémantique (+ jeunesse + beauté + passivité) le détournement de

termes désignant par ailleurs des enfants (ex : môme, minot). Il sera intéressant de déterminer quels rapports

entre les locuteurs et la notion de pédérastie révèlent ces termes et, plus encore, quel rôle ce type d'auto-

nomination peut (ou a pu) jouer dans les amalgames extérieurs entre homosexualité et pédophilie.

Les suites envisagées

Toutes ces pistes (et celles que je ne soupçonne pas encore) seront creusées par des analyses plus fines du corpus

lexicographique, mais surtout par la recontextualisation discursive de ces unités et par un travail complexe sur

leurs usages. Ce travail passera notamment par des enquêtes par questionnaires auto-administrés à l'élaboration

desquels je travaille en ce moment, qui permettront notamment d'appréhender les questions d'assignation

d'identité (par l'hétéro-nomination) et de réappropriation du lexique stigmatisant par les locuteurs (en auto-

nomination).

Même si je n'ai pas encore plongé complètement dans cette partie de mon travail, des observations empiriques,

des corpus exploratoires antérieurs et des travaux scientifiques me permettent déjà de me faire une idée de ce que

je vais être amenée à observer, à savoir : la réappropriation par les gays d'une partie importante du lexique, de

termes masculins comme féminins, généralement injurieux, et leur redéfinition ; une appropriation de termes

féminins référant péjorativement aux femmes (ex : salope, pétasse) sans redéfinition ; l'emprunt (et parfois la

traduction) de termes anglais soit issus de l'hétéro-nomination et déjà réinvestis par des locuteurs anglophones

gays en auto-nomination (ex : fairy), soit « créés » par ces mêmes locuteurs pour se nommer (ex : bottom,

chaser), soit référant péjorativement aux femmes (ex : bitch).

J'ai également prévu d'analyser, au-delà du lexique, les phénomènes d'accord suscités au sein des discours par

l'emploi des termes féminins. J'ai commencé à observer, en hétéro- et en auto-désignation, des accords

systématiques au féminin au sein du groupe nominal (déterminants et adjectifs ; ex : c'est une vraie tapette) ; au-

delà du groupe nominal, des reprises pronominales au masculin (ex : c'est une tapette, il...) comme au féminin

(ex : c'est une tapette, elle...) ; en auto-nomination, l'emploi d'un je exclusivement féminin12.

Je n'ai malheureusement pas le temps d'évoquer ici les différents enjeux de cette propagation du féminin

(renforcement ou réappropriation du stigmate...), et je reviens au lexique, côté lesbien cette fois-ci, pour illustrer

la nécessité d'un travail sur les usages et les discours des locuteurs (ici locutrices) sur leurs modalités d'auto-

nomination.

Éléments d'analyse sur le sous-corpus « lesbien » et sur les discours sur l'auto-nomination

J'ai déjà mentionné l'absence de termes masculins dans mon corpus pour désigner les lesbiennes, et cette absence

se confirme dans les usages. Mon hypothèse, que je ne développerai pas ici, est la suivante : la « déviance » des

référents par rapport au « genre prescrit »13 ou leur déviance en terme de sexualité ne peut pas être marquée

formellement par une catégorisation en masculin plutôt que féminin parce que cette catégorie fonctionnerait elle-

même comme exclusion de la première. Autrement dit, le champ symbolique du féminin ne pourrait exclure, car

il serait exclusion du champ symbolique du masculin. Ceci pourrait être mis en parallèle avec l'épistémologie

occidentale envisageant le sexe de la femme comme un « non-sexe masculin »14 et avec la sexualité lesbienne

comme une non-sexualité (parce que sans homme).

Les nombreux amalgames visibles au niveau du lexique entre homosexualité féminine et prostitution expliquent

également, pour une partie du corpus, l'usage de termes exclusivement féminins – cette prostitution étant dite

« prostitution féminine ». J'ai pu noter qu'en hétéro-nomination, des termes initialement masculins, comme

gouin, se sont féminisés (gouine) dès qu'ils ont fait référence à des femmes (ici, prostituée puis lesbienne) ; de

même en auto-nomination, où l'appropriation de terme(s) masculin(s) (ex : jules) implique recatégorisation au

féminin (une jules, ta jules).

Concernant les pratiques d'auto-nomination, le travail sur des corpus (méta)discursifs (collectables notamment

sur des forums, mais aussi par questionnaires et entretiens15) permet de « mobiliser la réflexivité » des locutrices

(ou des locuteurs) sur leurs propres pratiques de la langue ainsi que « sur elles-mêmes et sur les normes

dominantes »16. Ces discours montrent que la réappropriation de termes injurieux issus de l'hétéro-nomination à

l’œuvre chez les lesbiennes est un processus qui n'a rien d'évident et qui est très variable d'une personne à l'autre,

en fonction notamment du parcours identitaire et du contexte socioculturel où elle évolue. Quelques exemples.

Se définir comme homosexuelle ou comme lesbienne n'est pas porteur des mêmes enjeux. Lesbienne est porteur

de représentations assez diverses, mais généralement péjoratives : le mot renvoie ainsi pour certaines à une

image de porno pour mâle hétéro, pour d'autres à un stigmate médico-psychiatrique ; le caractère politique du

terme (réapproprié) freine certaines et encourage d'autres à le revendiquer.

L'appropriation de termes d'abord injurieux comme gouine ou goudou, perçus généralement comme très

péjorativement connotés, est également le fruit d'un processus complexe de déconstruction et de reconstruction

des représentations que les locutrices explicitent plus ou moins aisément. Certaines formes (les dérivés comme

gouinasse, lesbiche), perçue comme particulièrement insultantes en hétéro-nomination, me semblent s'imposer

encore plus difficilement en auto-nomination. En revanche, des termes littéraires (ex : saphiste, tribade) ou

désuets (ex : gamahuche, chipette), qui véhiculent des images « plus poétiques », sont volontiers revendiqués,

mais ne semblent pas pour autant utilisés pour se nommer.

On constate enfin, comme chez les gays, l'appropriation d'un lexique emprunté à l'anglais, en partie issu de

l'hétéro-nomination et déjà réapproprié (ex : dyke), en partie créé pour l'auto-nomination. C'est un lexique qui

introduit de nouvelles catégorisations en termes de genre (ex : butch, fem, lipstick) et de pratique sexuelle (ex :

pillow princess17) et qui vient de cette manière enrichir les représentations de soi possibles (représentations qui

plus est positives).

La plupart de ces emprunts pour l'auto-nomination des lesbiennes sont absents de mon corpus lexicographique,

ou très inégalement représentés : butch, fem et lipstick18 seulement apparaissent, et uniquement dans les sources

collaboratives sur l'argot et sur l'homosexualité. Et, a contrario, les unités lexicales récurrentes du corpus

lexicographique ne correspondent pas aux usages « réels ». Les enquêtes et la collecte de corpus discursifs

transversaux, encore une fois, sont donc indispensables à l'appréhension des pratiques d'auto-nomination.

C. Indicibilité de la non-coïncidence sexe/genre, exclusion des trans

Je passe à présent à mon troisième axe, l'exclusion des trans.

Il s'agit d'abord d'une exclusion lexicale, puisqu'on a peu d'unités dans la langue commune pour les désigner

(transsexuel.le, transgenre), j'y reviens. Ensuite, d'une exclusion de fait au niveau morphosyntaxique, puisque

l'impératif de bi-catégorisation en masculin ou féminin exclusivement empêche de parler de (ce) qui est « à la

fois masculin et féminin » ou « ni masculin ni féminin » (il n'existe ni pronom neutre, ni pronom commun en

français). De plus, étant donné les amalgames lexicaux entre catégories de genre, de sexe et catégories

linguistiques qui se jouent dans masculin et féminin, il semble y avoir impossibilité de parler des trans de

manière « grammaticalement correcte » : la langue ne permet pas de dissocier le masculin linguistique des

hommes-mâles et le féminin des femmes-femelles, ce qui se traduit concrètement par des stigmatisations par

l'usage du « mauvais genre ».

Terminologie

Avant de présenter le corpus sur lequel je travaille, un point sur le vocabulaire.

Le terme le plus connu est celui de transsexuel.le, terme médical, plus précisément psychiatrique. Il lui a été

opposé à un moment donné le terme transgenre, utilisé pour désigner les « faux transsexuels », c'est-à-dire celles

et ceux qui adoptaient le genre opposé à leur sexe sans passer par un processus de réassignation chirurgicale et

hormonale. Le terme transsexuel.le (avec ceux de transsexualité et de transsexualisme) a été abondamment

critiqué en raison de l'ambiguïté de « -sexuel », qui favorisait des amalgames avec des questions de sexualité.

Transsexe19 peut donc prendre le relais de transsexuel pour référer aux personnes, et transidentité20, terme issu de

la sociologie qui met l'accent sur la migration identitaire, remplace transsexualité. Enfin, transgenre (de même

que l'apocope trans) fonctionne comme un terme parapluie qui désigne toute personne dont l'identité de genre ne

correspond pas au sexe identifié à sa naissance, que celle-ci décide de changer de sexe ou non, et que le genre

performé s'inscrive ou non dans l'opposition binaire masculin/féminin. Il existe donc une multitude d'identités

trans, qui se déploient dans un lexique (souvent anglophone : → annexe 2.1) qui se démultiplie à l'infini en

prenant un malin plaisir à entremêler identités de genre, de sexe et orientation sexuelle, dans une volonté très

queer de brouiller les pistes jusqu'à rendre insignifiantes les catégorisations imposées par le système

hétéronormatif.

Corpus

Ceci étant dit, je présente rapidement mon corpus : il est constitué essentiellement de lexiques et de discours

collectés sur internet, sur des forums, sur des « pages perso », sur des blogs et dans la presse en ligne. Pour

étudier les discours sur la langue et le genre, je me concentre en particulier sur les forums, que je peux classer

très grossièrement en trois sous-terrains : les forums dédiés aux transidentités (accès souvent restreint) ; les

forums par et pour les proches de trans (accès souvent restreint) ; les forums non spécialisés (généralistes, mixtes

et complètement ouverts).

Plusieurs raisons m'ont poussée à me concentrer d'abord sur les forums ; en voici quelques-unes.

Internet, d'abord, pour des raisons évidentes d'accessibilité, a été mon premier champ d'investigation. Il s'est

rapidement avéré qu'il en allait de même pour de nombreuses personnes, concernées par ou curieuses des

questions de transidentité, comme en témoignent tant les espaces de question/réponse où des internautes

s'interrogent par exemple sur « la différence entre transsexuel.le et transgenre »21 que les forums dédiés où des

personnes dites « en questionnement » viennent chercher information, soutien, contacts, etc.

Ensuite, parce que les forums sont des lieux d'échange et de discussion ; pour certains (généralistes), ils

permettent des rencontres et des échanges qui n'auraient probablement pas lieu « IRL » ; pour d'autres (dédiés),

ce sont même des espaces privilégiés de construction de l'identité dans l'interaction.

Parce que le support écrit permet des relevés systématiques des formes linguistiques en même temps qu'une

analyse des métadiscours (discours sur la langue et sur les pratiques), et parce que ces discours ne sont pas

sollicités par la chercheuse.

Enfin, parce que les forums ne contiennent pas que du texte [→ annexe 2.2] : ce sont des espaces saturés de

signes, qui révèlent et participent de et à des constructions identitaires ; la prise en compte de ce très riche co-

texte sémiotique ne peut qu'enrichir les analyses.

Analyses (1) : de l'hétéro-désignation

J'en viens à présent à mes observations et analyses du genre linguistique et à l'indicibilité de la non-coïncidence

sexe / genre, qui se traduit généralement, en hétéro-désignation, par la question : « Mais alors, il faut dire il ou

elle ? ». Notez que la réponse est très simple : on emploie pour désigner ou à s'adresser à une personne trans le

genre correspondant au genre qu'elle manifeste socialement, qu'elle performe, procédant ainsi à une

reconnaissance symbolique et sociale de son identité. Et quand on ne sait pas, on demande. On constate

cependant dans l'usage (i. e. j'ai constaté dans mes corpus) au moins deux types de dérogation à cette règle.

NB : Les exemples qui suivent sont tirés du forum Doctissimo (rubriques psychologie et sexualité).

Le tout-masculin

La première dérogation à la règle que j'évoquais, c'est l'usage du tout-masculin, c'est-à-dire l'emploi du masculin

pour désigner indifféremment des hommes ou des femmes trans.

Un truc bizarre c’est que sa ne me dérange moins de voir un trans FTM qu’un MTF22.

Il me semble qu'il y a (au moins) deux pistes d'interprétation possibles :

La première, c'est ce que ce masculin serait utilisé « par défaut », comme une sorte de pseudo-générique, pour

pallier l'absence de neutre ou de commun dans une situation où le locuteur ne pas quel genre utiliser. La seconde

serait d'ordre socio-historique : les premières Françaises à être opérées sont Coccinelle (en 1956) et Bambi (en

1958), meneuses de revue chez Mme Arthur, et ces opérations défrayent la chronique ; trente ans plus tard,

lorsqu'apparaissent les premières émissions télévisées autour de « la figure du transsexuel »23, les opérations FtM

(et, corrélativement, les changements d'état-civil) ne sont toujours pas possibles. Il est probable que ceci ait

contribué à créer dans les représentations un raccourci : « le transsexuel », c'est forcément « l'homme qui change

de sexe et devient femme ».24

Le genre du « vrai sexe »

Pour en revenir à mes incorrections politico-grammaticales, l'autre tendance observée est celle de l'emploi du

genre dit correspondant au « vrai sexe » de la personne désignée.

Je ne supporte pas le voir s’approprier une chose qui à la base ne lui appartient pas, et le revendiquer comme tel !

Je ne supporte pas le voir penser qu’il a toujours été une femme et qu’il oubli qu’a la base il est né homme.

Cet usage marque un refus de reconnaissance de l'identité de genre revendiqué, et s'accompagne parfois même

de ce que j'appellerai la dénonciation d'une « usurpation d'identité » de sexe ou de genre.

A : Je suis transexuelle et fiere de ce que je suis.

B : Bon le frustré il va se calmer là? […] J’crois avoir dit au début que je vous tolérais pas, mais que j’essayais de

comprendre donc fait pas l’étonné dans mes propos ! En tout cas j’aime que tu dise que tu n’est pas une femme

mais un TRANS. Voilà la limite que je veux voir et entendre. t’es un trans et non une femme, et tout trans ne le sera

jamais. Il suffit pas d’avoir des seins siliconés et un faux vagin pour être une Femme.

A : UNE trans...désolée de te décevoir mais je vie au feminin QUAND MEME!

Une utilisatrice du forum souligne plus loin que l'emploi du mauvais genre constitue un « déni de la

personnalité » (et constitue un délit de transphobie). Celui-ci se traduit parfois linguistiquement par un abandon

des pronoms personnels (de quelque genre que ce soit) – ici au profit d'un pronom démonstratif 25, configuration

où le déni de personnalité laisse la place à un déni d'humanité.

C’est pas moi qui vais me charcuter le corps sous prétexte qu’on est né dans le mauvais corps, et après sa ose dire

que sa s’assume?

Un cas particulier

J'ai trouvé la configuration qui suit (assez anecdotique mais très intéressante) dans mon corpus audiovisuel 26,

dans une émission de 198727 sur « le transsexualisme » où le présentateur introduit ainsi une des invitées :

Le docteur Sylviane Dullak, qui était du sexe masculin à sa naissance (...) et qui lui aussi a choisi de changer de

sexe.

L'emploi du masculin à l'égard d'une femme transsexe est motivé ici non pas par une volonté de la stigmatiser

(du moins pas en tant que trans) mais par le titre de la femme en question, qui est médecin.

L'avant et l'après

La dernière configuration, bien plus fréquente, me permet une transition avec quelques remarques sur l'hétéro-

désignation par l'entourage.

Voila, "une amie" à moi m’a annoncé il y a environ 8 mois qu’elle voulait changer de sexe. Elle souffre du

syndrome de Benjamin. Je l’ai toujours connue comme un garçon manqué. Maintenant "Il" vit comme un garçon

tout à fait normal et je le considère comme un vrai garçon. Il suit un traitement et pour l’instant tout se passe très

bien.

Il s'agit pour le locuteur ou la locutrice d'aménager l'emploi des genres en fonction des temps de l'avant et de

l'après, avec une référence en premier lieu au sexe et au genre de la personne avant sa transition, puis au genre

choisi par celle-ci, sorte de compromis entre des représentations de la personne bien ancrées et une

reconnaissance de son identité.

Si on retrouve, dans les situations d'hétéro-désignation par l'entourage, les mêmes cas de figure formels que ceux

jusqu'ici exposés, les métadiscours font en revanche apparaître de nouvelles problématiques. Ce dont témoignent

les discours de proches (et de certains trans), c'est qu'il n'est pas évident de perdre l'habitude d'employer tel ou tel

pronom, de même qu'il n'est pas évident de changer la représentation qu'on a de la personne dont on parle. Ce

que je pense explorer particulièrement dans l'étude de ces métadiscours, c'est le lien qui y est manifesté entre ces

deux phénomènes : je me demande en effet si la transformation des représentations n'est pas dans une certaine

mesure contrainte, freinée par des pratiques presque réflexes de désignation, ce qui répondrait peut-être en partie

à l'interrogation du locuteur suivant.

Et je me dis également, pourquoi certains que je connais très peu font l'effort de passer au masculin, alors que les

plus proches disent ne pas y arriver, ou ne le font carrément pas et insistent plutôt sur le féminin, c'est dingue ça je

trouve.

Ces changements vont de pair avec un travail d'accompagnement fait par les trans auprès de leur entourage...

Elle ne va pas attendre que je me fasse opérer pour m'appeler "il" j'espère, je lui explique qu'elle ne pourra jamais

le faire du jour au lendemain etc.

… accompagnement qui tient parfois même du conditionnement.

Et quand on me parle au feminin mine de rien je reprend au masculin (style ma mere me crie "tu es prete" je lui

repond "je suis pret j'arrive". une betise mais qui laisse des traces)..

Analyses (2) : de l'auto-désignation

J'en viens enfin aux pratiques d'auto-désignation, que je vais évoquer à travers deux questions, en commençant

par celle du moi/je et de la (re)présentation de soi. NB : Les exemples qui suivent sont tous tirés de forums sur

les transidentités FtM.

(Re)présentation de soi

On trouve des discours très contrastés sur les thèmes « se penser/se dire » au masculin ou au féminin, que ce soit

avant, pendant ou après la transition. Pour la plupart des locuteurs et locutrices, l'emploi intime (pour soi) du

genre grammatical correspondant au genre vécu relève de l'évidence et ne présente aucune difficulté, il est pour

ainsi dire « naturel ».

Parler au masculin, ce n'est pas pour moi une histoire d'être en accord avec mon corps, mais avec ma tête. Et

comme mon cerveau a décidé que j'étais un homme, le masculin me semble évident, même si je ne suis ni hormoné,

ni opéré.

Mais d'autres témoignent de difficultés à se défaire du genre assigné (prescrit), qui continue à contraindre les

représentations de soi, ce qui peut être vécu de manière relativement différente selon les individus : certains vont

s'inquiéter de cette difficulté et se demander « pourquoi leur inconscient leur dicte ça », tandis que d'autres vont

plutôt s'interroger sur le caractère social de cette imposition de genre et sur l'importance de son impact sur la

manière de se concevoir soi-même.

Je n'avais jamais arrêté de parler de moi au féminin (parce que c'était tout simplement quelque chose auquel je

n'avais jamais songé de moi-même, je préférais qu'on me parle de moi au masculin mais j'avais jamais pensé que

moi aussi je pouvais parler de moi au masculin... bref :D) Parce que durant 22 ans j'ai utilisé du féminin pour me

parler, des fois je pêche encore un peu sur les accords de genre, mais globalement je me débrouille pas trop mal.

Cette question de la représentation de soi va de pair avec celle de la présentation de soi à autrui, qui est

généralement beaucoup plus compliquée. La première préoccupation qui transparaît dans les discours étudiés

pour l'instant (ceux de jeunes FtM ou de FtM en devenir), c'est celle du décalage qui peut exister entre leur

identité de genre et leur apparence, et donc l'effet que peut provoquer une nomination de soi au masculin (en

l'occurrence), perçue comme indispensable dans la construction de leur identité, face à une personne qui ne les

identifiera pas comme garçon ou comme (jeune) homme.

J'ai beaucoup de mal a envisager de parler de moi au masculin ( bien que je pense " en masculin)...cela me semble

tres discordant avec l'image physique que les gens on de moi. (…) je ne veux pas parler au masculin tant que cette

enveloppe est feminine...ce decalage me derange enormement...

Tandis que certains vont s'autocensurer et particulièrement surveiller « leur langage » pour ne pas bousculer les

représentations de l'interlocuteur, éviter des remarques gênantes (voire de se mettre en danger),

Parfois le masculin m'echappe dans des situation delicate....avec un client par exemple (je tiens un

commerce)...pour moi c'est naturel mais je vois tout de suite le visage de mon interlocuteur changé...et je me

reprend....

d'autres vont au contraire pleinement revendiquer leur genre :

Il a fallu que je me batte pour que mes collègues assimilent que je parle au masculin (y en a qui me corrigeaient,

au début... :mur: ), ou même que je leur serre la main.

Selon les contextes et les interlocuteurs, les appréhensions sont également d'ordres différents, car les enjeux (et

les risques) ne sont pas les mêmes : se faire accepter et reconnaître par ses proches, se projeter dans l'avenir sur

internet, « prouver » la dysphorie de genre aux équipes médicales, ne pas se faire démasquer par l'entourage

professionnel pour éviter des questions indélicates, éviter des situations potentiellement dangereuses (tant

psychologiquement que physiquement)... autant de paramètres qui sont pris en compte et analysés par les

locuteurs trans et qui vont susciter la mise en œuvre de stratégies discursives adaptées.

Transition linguistique

Malgré ces variables, que je serai amenée à étudier, un même parcours semble se dessiner pour chacun (du

moins dans mon corpus FtM), celui d'une transition linguistique progressive, de la négociation d'une

appropriation de l'autre genre, tant linguistique que social, dont on peut dégager différentes étapes (qui sont

purement indicatives) dans les discours étudiés.

Genre prescrit Neutre Nouveau genre

Questionnement x ou x

Décision / démarche x ou x et x

Transition x et x

Post-transition x ou x

En premier lieu, dans la phase dite « de questionnement », on observe soit l'emploi du genre correspondant à leur

apparence physique (liée par les locuteurs à leur sexe de naissance), c'est-à-dire en adéquation avec l'image

qu'ils pensent renvoyer aux autres ; soit l'emploi de ce qui est appelé le « neutre » (j'y reviendrai) pour éviter de

créer une inadéquation supplémentaire entre leur propre ressenti et leur apparence physique. Avant la transition,

cet usage du « neutre » se maintient ou est systématisé, en même temps que « l'autre genre » est progressivement

intégré, voire utilisé dans certaines situations. Lors de la transition, parallèlement au changement d'apparence,

l'ancien genre est généralement définitivement abandonné, le « neutre » se maintient souvent et le nouveau genre

est plus systématiquement employé. Après la transition, c'est généralement l'emploi exclusif du nouveau genre

qui prévaut (lorsque la transition visait à adopter l'autre genre), mais le « neutre » peut également être

définitivement adopté.

Le « neutre » en question

Déterminer ce que recouvre cette étiquette de « neutre » promet d'être un vaste travail, tant elle semble évidente

pour les locuteurs qui l'utilisent et tant ils l'explicitent peu.

Pour ma part, depuis que je suis en questionnement, le neutre vient en force! ^^

Au collège on me reprenait, quand je parlais au masculin, et je faisais des efforts pour parler au neutre.

Moi , perso , tant que je suis pas hormoné je parle de Moi en neutre , le plus souvent possible , de manière a ne

pas intriguer les personnes qui m'entour en parlant au masculin.

J'ai pratiquement toujours parlé de moi de façon neutre, sans vraiment m'en rendre compte. A chaque fois qu'on

parle de moi au féminin ça m'interpelle, quand je parle de moi au féminin j'ai l'impression de me "trahir" moi-

même, et quand je parle de moi au masculin j'ai l'impression de ne pas être légitime pour l'instant.

Ceci dit, je regretterai toujours que le genre neutre soit pas/peu développé dans la langue française. J'envie

d'autres cultures qui l'ont pris en compte. Reste à espérer qu'un jour.. (source : blog de Loftu)

J'ai pu glaner dans certains discours quelques indices : parler au neutre, c'est parler sans (se) genrer, esquiver les

formes linguistiques susceptibles de porter une marque de genre, en favorisant notamment le recours à un

lexique épicène28 et à des tournures impersonnelles. Il me faudra donc déterminer, en observant méthodiquement

les formes de ces discours, si tous les locuteurs mettent la même chose derrière l'étiquette « neutre », si elle

recouvre des pratiques homogènes ou au contraire très variables d'une personne à l'autre. Il faudra également

déterminer si tout le monde se l'approprie de la même manière, les difficultés rencontrées par les locuteurs dans

la mise en place de cette stratégie (souvent qualifiée de « gymnastique »), etc.

Sur ce point en particulier, l'analyse du corpus écrit gagnera grandement à être enrichie par des enquêtes et des

entretiens – qui pourront à leur tour constituer un nouveau corpus, très différent de celui des forums, avec des

discours cette fois sollicités, oraux et en interaction directe, qui permettront une comparaison avec les pratiques

écrites déjà observées.

Mais les entretiens permettront surtout de porter mes analyses au regard des personnes concernées et de mettre

les leurs à contribution. Il me semble en effet impératif de mobiliser leur expérience et leur expertise, la

réflexivité qu'elles ont acquise sur la langue et sur leurs usages, et de veiller à ne pas reconduire des rapports de

pouvoir que je critique dans mon travail en me plaçant en experte ou en confisquant la parole des personnes qu'il

concerne directement et sans lesquelles il ne peut pas se faire.

3. Aboutissement

Pour conclure, même si je n'ai pas mis l'accent dessus dans cette présentation, l'ensemble de ce double travail

entrepris sur la langue et sur les discours permet d'ores et déjà de cerner différentes transformations linguistiques

et rédactionnelles non discriminantes possibles en français, en même temps que leurs enjeux respectifs, les

limites relatives à ces enjeux et les limites formelles de certaines propositions.

J'analyserai ainsi les transformations proposées par différentes instances et les nombreuses résistances

institutionnelles, militantes et populaires qu'elles rencontrent. Langue non sexiste, rétablissement de l'accord de

proximité, épicénéisation (dite « féminisation ») du discours ou double marquage de genre, suppression des

catégories de genre, prolifération pronominale, etc. seront étudiés à l'aune de leurs enjeux politiques respectifs :

égalité homme/femme et parité, dépassement de la catégorisation sociale par le sexe et linguistique par le genre,

déstabilisation et déconstruction de ces catégories par la prolifération de nouvelles modalités de « genres » non

prescriptives, etc.

Ma thèse s'ouvrira enfin sur une réflexion autour des solutions didactiques pour un enseignement explicite et

intelligible des liens entre langue et genre en français, dans une optique anti-discriminatoire.

1 PERRY, V. (2011) « Aspects du genre dans la didactique de l’anglais ». Thèse de doctorat en didactique des langues-

cultures / genre, Toulouse III Paul Sabatier, Toulouse – p. 19. « Idéologie du dualisme sexué », id., p. 68

2 cf. SAPIR, E. (1921) Language, An Introduction to the Study of Speech. Harcourt Brace & Company, San Diego-

NewYork-London ; SAPIR, E. (1968) Linguistique. Folio, Paris.

3 cf. BAKHTINE, M. / VOLOCHINOV, V. N. (Éd. 1973) Marxism and the philosophy of language, trad. MATEJKA et

TITUNIK pr l'angl., Studies in Language, Seminar Press , New York and London.

4 BARTHES, R. (1977) Leçon inaugurale de la chaire de sémiologie littéraire du Collège de France, 7 janvier 1977 :

« Dans notre langue française (…), je suis obligé de toujours choisir entre le masculin et le féminin, le neutre ou le

complexe me sont interdits (…). Ainsi, par sa structure même, la langue implique une relation fatale d'aliénation. Parler,

et à plus forte raison discourir, ce n'est pas communiquer, comme on le répète trop souvent, c'est assujettir : toute la

langue est une rection généralisée. (…) La langue, comme performance de tout langage, n'est ni réactionnaire, ni

progressiste ; elle est tout simplement fasciste ; car le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire. »

5 Selon l'expression de Claire Michard ; cf. MICHARD, C. (2002) Le sexe en linguistique : sémantique ou zoologie ?

L’Harmattan, Paris.

6 VIENNOT, É. (2014) Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue

française. iXe, Paris.

7 VAUGELAS, C. F. de (1647) Remarques sur la langue française. Utiles à ceux qui veulent bien parler et bien

écrire. Paris.

Observations de l’Académie Française sur les remarques de M. de Vaugelas (1704) Tome I, XXVII.

8 Accord de proximité : accord en genre et en nombre de l’adjectif, du participe passé, du verbe, avec le substantif le plus

proche lorsque plusieurs substantifs sont coordonnés ou juxtaposés.

9 VAUGELAS, C. F. de (1647) op.cit. : « Pour une raison qui semble être commune à toutes les langues, le genre

masculin, étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble. »

DUPLEIX, S. (1651) Liberté de la langue française dans sa pureté. Paris : « Parce que le genre masculin est le

plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu’ils soient plus proches de leur adjectif »

BOUHOURS Père (1676) Remarques nouvelles sur la langue française. Mabre-Cramoisy, Paris : « Quand les

deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte ».

FURETIÈRE, A. (1690) Le dictionnaire universel. SNL-Le Robert, Paris 1978 : « Le plus fort l’emporte, pour

dire, que les plus puissants ont toujours l’avantage. »

10 RIEGEL, M., PELLAT, J.-C. & RIOUL, R. (2004) Grammaire méthodique du français. PUF, Paris – p. 172.

11 Pour une typologie des sources convoquées, on consultera notamment les travaux de Bernard Quemada, ainsi que :

REY, A. (1970) « Typologie génétique des dictionnaires », Langages n°19, La lexicographie, Armand Colin, Paris.

GUIBERT, L. (1969) « Dictionnaires et linguistique : essai de typologie des dictionnaires monolingues français

contemporains », Langue française n°2, Le lexique – p. 4-29.

12 Cf notamment ÉRIBON, D. (1999) Réflexions sur la question gay. Fayard, Paris.

13 PERRY, V. (2011), op. cit.

14 MATHIEU, N.-C. (1991) « Identité sexuelle / sexuée / de sexe ? Trois modes de conceptualisation du rapport entre sexe 

et genre », in L’Anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe. Côté-femmes, Paris – p. 227-266 : « Il

semble qu'on ne puisse concevoir une « vraie » masculinité chez la femme. Mon interprétation (...) est que dans

l'optique sexualiste des sociétés occidentales, le sexe de la femme est surtout un non-sexe masculin. En fait la femme

n'a pas de sexe, elle est non-mâle. »

Cf également LAQUEUR, T. (1992) La Fabrique du sexe : essai sur le corps et le genre en Occident. Gallimard, Paris.

15 Cf notamment : FLORY, E. (2007) Ces femmes qui aiment les femmes. Archipel, Paris.

CHETCUTI, N. (2010) Se dire lesbienne : vie de couple, sexualité, représentation de soi.  Petite bibliothèque Payot,

sociologie. Payot, Paris

16 BOZON, M., introduction à CHETCUTI, N. (2010) op. cit.

17 On trouve dans le travail de Natacha Chetcuti la forme pilote princesse, dont je n'ai pour l'instant pas trouvé d'autre

occurrence. Reste à déterminer s'il s'agit d'une déformation de la forme anglaise pillow princess ou d'un mot

complètement différent (les définitions sont cependant équivalentes).

18 butch : Bob, Wiktionnaire (synonymes de lesbienne) et page Wikipédia « argot homosexuel »

fem(me) : Wiktionnaire (synonymes de lesbienne) et page Wikipédia « argot homosexuel »

lipstick(-lesbian) : page Wikipédia « argot homosexuel »

19 REUCHER, T. (source : http://syndromedebenjamin.free.fr/accueil/quisuisje.htm) : « Depuis 2005, j'utilise le terme de

transidentité en remplacement de transsexualité et syndrome de Benjamin, celui de transsexe à la place de

transsexuelLE, celui de trans' pour transsexe et transgenre quand les deux populations sont concernées. »

20 ESPINEIRA, K. (2014) « La médiatisation des politiques transgenres : du statut de contre-public à l’inégalité de la

représentation », Revue française des sciences de l'information et de la communication. http://rfsic.revues.org/695 :

« On doit le terme parapluie « transidentité » à la sociologue Heike Boedeker. Il a été importé en France par le collectif

Support Transgenre Strasbourg. On fait désormais usage du préfixe « trans » ou « trans’ ». Cf. Karine Espineira, « Q

comme Question », dans Marie-Hélène Bourcier (dir.), Q comme Queer, éditions GKC, 1998 ; Tom Reucher, sur son

site internet : http://syndromedebenjamin.free.fr, depuis 2002 pour désigner les personnes. »

21 Pour exemple, sur Doctissimo :

« difference entre transgenre et transexuelle? », « Travesti ou Transgenre ou Transexuelle », « Quelle difference

entre Travestie, transexuelle.... ? »

ou sur Yahoo Questions/Réponses :

« Quelle est la différence entre transgenre et transsexuel(le)? », « C'est la quoi la différence entre transsexuel et

transgenre svp ? », « Quelle est la différence entre "transsexuel" et "transgenre" ? », « Quelles différences faites-

vous entre un transexuel et un transgenre ? », « Quelles sont les nuances et les différences entre unE trans et une

pers du 3e sexe? », « Quelle est la différence entre homosexuel et transsexuel ? », « Quelle est la différence entre

"transsexuelLE", "transgenre" et "intersexuelLE"? », « Quelle est la différence entre un travesti et un transexuel ? »

22 FtM (n. m.) = female to male = homme trans / MtF (n. f.) = male to female = femme trans

23 Par exemple (vidéos collectées sur le site de l'INA pour mon corpus audiovisuel) :

« Les Transsexuels », Aujourd'hui madame, Antenne 2, 1980.

« D'un sexe à l'autre, elle ou lui ? », Les dossiers de l'écran, Antenne 2, 1987

24 J'en profite pour souligner que ces différences socio-historiques de visibilité trans MtF et FtM transparaissent très

clairement dans les corpus : si l'on trouve très aisément des discours « extérieurs » (et en particulier des discours

transphobes) sur la transidentité MtF, il est en revanche assez difficile de trouver des discours sur la transidentité FtM,

qui reste moins connue. Par ailleurs, les MtF sont largement plus présentes que les FtM sur les forums généralistes (type

Doctissimo), et on trouve peu de forums spécifiquement dédiés à la transidentité féminine ; a contrario, les forums

d'hommes trans sont pléthore et très fournis, et ceux-ci fréquentent également davantage les forums mixtes (MtF et

FtM). Une explication m'a été suggérée : cela tiendrait notamment une différence (encore une fois socio-historique) de

modes de sociabilisation ; les femmes trans passent moins par des plateformes dématérialisées dans la mesure où le

réseau d'entraide, les modes concrets de sociabilisation, les structures d'accueil etc. sont très nombreux ; tandis que

l'invisibilité globale des hommes trans amène les jeunes en questionnement (selon l'expression consacrée) à se tourner

d'abord vers internet pour un premier accès à l'information, à favoriser le recours à des plateformes électroniques.

25 Pronom démonstratif ça qui prend ici « accidentellement » la forme de l'adjectif possessif sa.

26 « D'un sexe à l'autre, elle ou lui ? », op. cit.

27 Soit un an après la publication de la Circulaire du 11 mars 1986 relative à la féminisation des noms de métier, fonction,

grade ou titre.

28 Épicène, c'est-à-dire non marqué du point de vue du genre grammatical. Les noms épicènes (ex : élève, stagiaire,

alpiniste), lorsqu'ils sont actualisés en discours, suscitent néanmoins l'accord du déterminant, de l'adjectif, etc. Les

adjectifs épicènes sont ceux qui ont une forme unique au masculin et au féminin (ex : riche, bien, marron). Certains

adjectifs ont en outre des formes distinctes à l'écrit mais inaudible à l'oral (ex : joli, bleu, ému, gai).

cf. RIEGEL, M. et alii (2004), op. cit. – p. 172 et 359

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

BAKHTINE, M. / VOLOCHINOV, V. N. (Éd. 1973) Marxism and the philosophy of language. Studies inLanguage, Seminar Press, New York and London.

BARTHES, R. (1977) Leçon inaugurale de la chaire de sémiologie littéraire du Collège de France, 7 janvier1977.

CHETCUTI, N. (2010) Se dire lesbienne : vie de couple, sexualité, représentation de soi.  Petite bibliothèquePayot, sociologie. Payot, Paris.

ÉRIBON, D. (1999) Réflexions sur la question gay. Fayard, Paris.

ESPINEIRA, K. (2014) « La médiatisation des politiques transgenres : du statut de contre-public à l’inégalitéde la représentation », Revue française des sciences de l'information et de la communication.http://rfsic.revues.org/695

FOUCAULT, M. (1994) Histoire de la sexualité, I. La volonté de savoir. Tel, Gallimard. Paris.

FLORY, E. (2007) Ces femmes qui aiment les femmes. Archipel, Paris.

GUIBERT, L. (1969) « Dictionnaires et linguistique : essai de typologie des dictionnaires monolinguesfrançais contemporains », Langue française n°2, Le lexique – p. 4-29.

HALPERIN, D. (2000) Cent Ans d'homosexualité et autres essais sur l'amour grec. EPEL, Paris.

KOSOFSKY SEDGWICK, E. (2008) Épistémologie du placard. Éditions Amsterdam, Paris.

LAQUEUR, T. (1992) La Fabrique du sexe : essai sur le corps et le genre en Occident. Gallimard, Paris.

MATHIEU, N.-C. (1991) « Identité sexuelle / sexuée / de sexe ? Trois modes de conceptualisation du rapport entre sexe et genre », in L’Anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe. Côté-femmes, Paris.

MICHARD, C. (2002) Le sexe en linguistique : sémantique ou zoologie ? L’Harmattan, Paris.

PERRY, V. (2011) « Aspects du genre dans la didactique de l’anglais ». Thèse de doctorat en didactique deslangues-cultures / genre, Toulouse III Paul Sabatier, Toulouse.

REY, A. (1970) « Typologie génétique des dictionnaires », Langages n°19, La lexicographie, Armand Colin,Paris – p. 48-68.

SAPIR, E. (1921) Language, An Introduction to the Study of Speech. Harcourt Brace & Company, SanDiego-NewYork-London.

SAPIR, E. (1968) Linguistique. Folio, Paris.

VIENNOT, É. (2014) Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de lalangue française. iXe, Paris.

Annexe 1.1 : sources du corpus lexical et lexicographique

Sources exploitées

Bob, dictionnaire arg. pop. fam.

en ligne : http://www.languefrancaise.net/bob/

Dictionnaire de la zone, tout l'argot des banlieues

en ligne : http://www.dictionnairedelazone.fr/?sid=683ec22a0fc3cd22d99b28233eec2fed

Dictionnaire du français argotique et populaire

POUY, Jean-Bernard & CARADEC, François. Larousse, 2009. Paris.

Glossaire chronologique des noms désignant l'homo

en ligne : http://filoumektoub.free.fr/gaibeur/gayculture/histoire/glossaire.htm

Le Petit Larousse illustré 2011

Coll. Larousse, 2010. Paris.

Le Trésor de la langue française informatisé

Atilf, CNRS, Université de Lorraine

en ligne : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm

Wiktionnaire, le dictionnaire libre

en ligne : https://fr.wiktionary.org/wiki/Wiktionnaire:Page_d%E2%80%99accueil

Wikipédia, l'encyclopédie libre

page « Argot homosexuel » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Argot_homosexuel

(page supprimée le 19 juin 2013)

Sources à venir

Le Robert

(édition à déterminer)

Dictionnaire érotique

GUIRAUD, Pierre. Payot, 2006. Paris.

Annexe 1.2 : récurrence des unités lexicales du corpus lexicographique

Les chiffres indiquent le nombre de sources dans lesquelles apparaît chaque UL.

1 2 3 4 5 6 7 8

FOLLE, n. f.

TANTE, n. f.

TAPETTE, n. f.

PÉDÉ, n. m.

PÉDALE, n. f.

TANTOUS/ZE, n. f.

HOMO, n. m.

LOPETTE, n. f.

TATA, n. f.

GITON, n. m.

GAI/Y, n. m.

INVERTI, n. m.

PÉDÉRASTE, n. m.

PÉDOQUE, n. m.

FIOT(T)E, n. f.

LOPE, n. f.

TARLOUZE, n. f.

HOMOSEXUEL, n. m.

Tableau 1 : sous-corpus « gay »

JÉSUS, n. m.

TAF(F)IOLE, n. f.

1 2 3 4 5 6 7 8

1 2 3 4 5 6 7 8

GOUINE, n. f.

GOUDOU, n. f.

GOUGNOT(T)E, n. f.

GOUSSE, n. f.

LESBIENNE, n. f.

TRIBADE, n. f.

BUTCH, n. f.

Tableau 2 : sous-corpus « lesbien »

HOMOSEXUELLE, n. f.

INVERTIE, n. f.

1 2 3 4 5 6 7 8

Annexe 1.3 : quelques définitions de l'unité lexicale tapette

Trésor de la langue française informatisé

Glossaire chronologique des noms désignant l'homo

Bob, dictionnaire arg. pop. fam.

Wiktionnaire

Annexe 2.1 : démultiplication des identités

Annexe 2.2 : co-texte sémiotique