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Masoneria
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sVIIIs IANNIUEsDU*
-es-se
F. .. BOUBÉE A.
O F F 1 C I ER D' II O NNEU R DU G. * .. O.* .. D E FRANCE
lloyen de la Maconnerie Francaise
NOTICE HISTORIQUE
SUR L'ORIGINE
DE LA FRANC-MA CONNERIE.
PARIS
TY I» C) ( IRA E EIIE DU E.*. ALEXANDRE LET3ON
111 pt 1Mt U tt IDU GIRA D ORIENT I) E F A,CE
Rue des Fossés-Saint-Victor, 5.
| 866
PRÉAMBULE.
Mes souvenirs maç.. ne peuvent remonter qu'à l'époque où
je suis entré dans l'institution , c'est-à-dire à la fin du dernier
siècle; car c'est en 1795 que je reçus la lumière, dans la R.e. L.•.
de la Sagesse, à l'O.°. de Toulouse.
Immédiatementje voulus connaître l'origine et les principes de
la Franc-Maçonnerie; et cette étude m'apprit qu'il a existé des
Francs-Maçons dans toutes les contrées de la terre et dans tous
les temps.
Si je suis remonté aux siècles les plus reculés, et sij'ai com
mencépar là le récit de mes recherches, c'est moins pour faire
de l'érudition que pour éclairer les hommes qui calomnient
l'institution, parce qu'ils ne la connaissentpas.
Mon second but aétéde prévenir les FF.°. nouvellement initiés
du danger des faux systèmes, qui tendent à faire disparaître de
nos codes les principes qui y sont établis, de temps immémorial;
systèmes qui n'ont d'autre but et ne peuvent avoir d'autre résultat
que de détruire l'institution.
Voilà pourquoi j'ai divisé mon travail en quatre époques.
La première n'est et ne peut être qu'un aperçu de ce qu'a dû
être la Franc-Maçonnerie depuis sa naissance, qui est celle des
sociétés, jusqu'à l'époque où elle a pénétré dans nos contrées.
-- 4 -
La seconde indiquera sa marche progressive depuis son intro
duction en France jusqu'au règne de la Terreur, où presque
toutes les LL.°. furent forcées de suspendre leurs travaux. -
La troisième rappellera les travaux du G.°. O.°. de France,
jusqu'à l'avénement du prince Murat à la dignité de Grand
Maître de l'Ordre, en 1852.
La quatrième enfin racontera ce qui s'est passé en France pen
dant l'administration de cet illustre Grand Maître , jusqu'à la
révolution maç.. de 1861. C'est dans cette dernière partie, où
j'ai eu l'honneur de remplir des fonctions importantes, que je
retracerai les travaux auxquels j'ai participé; je mettrai même
sous les yeux de mes lecteurs quelques pièces d'architecture, qui
furent accueillies avec bienveillance.
Maisà aucune époque, dans aucune circonstance, je n'ai oublié
le serment que je fisà l'Ordre, lorsque j'yfus admis, de prendre
toujours la vérité pour guide de mes actions et de mes paroles.
J'ai donc lieu d'espérer que mes FF.°. ajouterontfoi à ce que
je vais raconter, et qu'ils accorderont leur indulgence au travail
que je leur présente aujourd'hui.
PRÉCIS HIST0RIQUE
FRANC-MAC0NNERIE
SOUVENIRS MAÇ..
DU F... B0UBÉE
)fficier d'honneur du G.' .. O.'. de Francc
ET DOYEN DE LA MAC.'. FRANÇAISE.
PREMIÈRE PARTIE.
I.
L'institution mnc.°. ne doit pas son origine
aux maçons pratiques.
L'institution maçonnique est une réunion d'hommes
vertueux et amis de l'humanité.
Son origine se perd dans la nuit des siècles, parce
qu'à toutes les époques ilya eu des Caïn et desAbel.
Mettons de côté ce qu'ont dit les Livres saints, sur
la science infuse qui aurait été départie à Adam, ct
– G -
lui aurait permis de construire,à l'aide de ses enfants,
soit un temple, soit une L. ., pour rendre hommage
au Créateur.
En fait de Franc-Maçonnerie, c'est là une idée
évidemment exagérée; il serait inutile de chercherà
le démontrer.
En vain dira-t-on que cette opinion s'appuie sur
ce double fait, que le calendrier maç.. porte encore
aujourd'hui l'âge que Moïse donneà la création, c'est
à-dire 4,000 ans avant l'ère chrétienne, et que l'art
de travailler les métaux remonte à Tubalkin, dont le
nom est si cher aux francs-maçons.
Ces deux faits sont les éléments d'une science toute
matérielle, tandis que l'institution maçonnique est
toute morale.
Viennent ensuite les auteurs qui, rapprochant l'ori
gine de l'institution, ne la font remonter qu'à Noé et
à ses descendants.
Moé, dit-on, construisit l'arche qui sauva le genre
humain; et puis Enock construisit les Pyramides,
dont la première est classée parmi les sept merveilles
du monde.
C'est ainsi qu'en confondant les maçons pratiques
avec une institution toute morale, des auteurs exaltés
ou aveuglés fixent le berceau de la Franc-Maçonnerie
aux premiers âges du monde, et ce système a trouvé
et trouve encore des propagateurs parmi des FF..
qui,se livrant au paroxysme de leur imagination, ne
calculent pas quelles peuvent en être les conséquences.
En effet , passons des premiers temps dont nous
– 7 -
venons de parler à une époque plus récente, celle ou
Rome se leva, pour devenir la maîtresse du monde :
on fait, dans un ouvrage impriméà Francfort-sur-le
Mein, chez FrançoisWarentropp, à la fin du siècle
dernier, autant de GG.. MM.. de l'Ordre maç...
qu'ily a eu de rois, de consuls ou d'empereurs, sous
prétexte qu'il n'est aucun de ces chefs qui n'ait fait
construire des temples, des palais, des remparts, des
ponts, ou autres monumentsplus ou moinsimportants ;
en sorte que Tarquin, Sylla, Néron, Commode,
Caracalla, en un mot tous les proscripteurs, assassins,
parricides ou incendiaires, qui figurent dans les an
nales de Rome, auraient été, suivant cet ouvrage, des
Grands Maîtres de la Franc-Maçonnerie, et que nous
devrions considérer ces monstres comme ayant été les
chefs d'une institution qui n'a pour but que la gloire
de l'Éternel et le bonheur de l'humanité!.. Quel
blasphème , grand Dicu! et quelque absurde qu'il
soit, quelles armes ne fournit-il pas aux ennemisim
placables de la Franc-Maçonnerie ? -
Heureusement que cette assertion est formellemcnt
démentie par l'histoire, où l'on voit que Néron, tout
empereur qu'il était, n'osa pas se présenter à l'initia
tion des mystères d'Eleusis, effrayé et retenu par la
voix du crieur, qui ordonnait aux impies et aux mé
chants de s'éloigner. -
L'ouvrage dont nousparlons a pour titre : Histoire
des obligations et statuts de la très-honorable société
des Francs-Maçons. ll se trouve dans la bibliothèque
du G. •. O.*. de France.
- 8 --
Adoptant Ies mêmes erreurs, un écrivain modernc
rapporte la naissanee de la Franc-Maçonnerieà Numa
Pompilius,parce que, dit-il, ce roi fut le premier
qui constitua les colléges des constructeurs romains,
auxquels il conféra le privilége exclusif d'élever des
temples et des momumentts publics... -
Comme l'association des constructeurs ou maçons
pratiques existait de temps immémorial, nous ne
voyons pas pourquoi l'écrivain moderne n'en établit
l'origine qu'à Numa Pompilius; ajoutons qu'il se met
en contradiction avec lui-même; car on lit, page 655
de son livre intitulé : Histoire des trois grandes
LL.. de Francs-Maçons, les paroles suivantes :
« Les mystères des Égyptiens et des Perses pas
« sèrent d'abord par Moïse, chez les Juifs, puis chez
« les Grecs et les Romains; chez ces derniers, ils
« s'introduisirent en partie, dans les colléges des
« constructeurs, qui étaient les plus importants des
« trente et un colléges instituésparNuma Pompilius,
« en l'an 715 avant notre ère. »
L'auteur dont nous parlons reconnaît donc que les
mystères et les symboles de la Franc-Maçonnerie re
montent au temps des Égyptiens et des Perses, et dès
lors on ne conçoit pas comment il a pu- ce qui ne
lui était permis dans aucun cas- traiter les auteurs
qui ne pensent pas comme lui d'intrigants politiques
dont l'extravagance dépasse les bormes du sens com
mun!.... Certes, s'il existe un système qui dépasse les
bornes du bon sens, c'est celui des maçons construc
teurs. Il a en effet pour contradicteurs et celui qui place
- 9 -
le berceau de la Franc-Maçonneric au troisième siècle
de l'ère chrétienne, époque où les prédicateurs de la
religion qui nous portait la liberté et l'égalité, s'éta
blirent les maîtres de leursfrères, et ceux qui, quel
ques siècles après, voulurent fonder l'origine de
l'institution sur la fausse mysticité de Cromwell, et
ceux encore qui l'attribuèrent à une haute spéculation
desjésuites.
Nous demanderons seulement comment des lecteurs
qui ne connaissent que superficiellement les mystères
maç.. pourraient découvrir la vérité à travers des
assertions aussi incohérentes.
Tâchons de leurvenir en aide, en leur donnant des
explications puisées dans l'histoire et recueillies avec
la plus grande impartialité. -
Et d'abord nous nous expliquerons sur un mot qui
a été et qui est encore le principe de tant d'erreurs ;
ce mot est celui de Franc-Maçonnerie, qu'on a cru,
et que beaucoup de gens croient encore être le même
que la maçonnerie pratique.
II.
Origine du mot Franche Maçonnerie.
Le mot Franche ou Franc-Maçonnerie ne remonte
qu'à l'an 1646 de l'ère vulgaire, époque à laquelle
lElias Ashmole, célèbre antiquaire, créateur du musée
- d'Oxford, affilia à la congrégation des maçons cons
- 10 -
tructeurs de Londres la société des savants Rose
Croix (Rosen-Cruts), qui avait à sa tête le fameux
Bacon :Ashmole n'obtint un asile, pour cette société,
que sous la condition que ces savants se feraient re
connaître pour tels, c'est-à-dire pour membres de la
congrégation pratique, et qu'ils en porteraient le nom
et le tablier; ce qui fut accepté par la société des
llose-Croix, sous la condition réciproque que cessa
vants ajouteraient à leur titre de maçon, ces mots :
Free and accepted, c'est-à-dire Libre et accepté; en
d'autres termes, qu'ils s'appelleraient Francs-Maçons.
(Voir l'ouvrage de Nicolas Bonneville, et l'Acta La
tamorum.) -
Ainsi les Francs-Maçons eurent bien pour parrains,
qui leur donnèrent leur nom, les maçons constructeurs
de la ville de Londres, mais ils n'eurent de commun
avec eux que ce nom modifié, comme nous venons de
l'indiquer.
III.
Quels furent ses vrais fondateurs.
Ces savants Rose-Croix, ces amis de l'humanité,
étaient les successeurs de ces hommes éminents qui de
temps immémorial s'isolèrent du monde, afin de pou
voir pratiquer la vertupour eux-mêmes et pour leurs
scmblables.
Tels furent les Bruckmanes de l'Inde, les Mages
de Perse, les Chaldéens d'Assyrie, les initiés d'Égypte,
TTE
– 1 1 -
les Esséniens et les Thérapeutes de laJudée, les Dis
ciples et les Illuminés d'Europe, enfin les savants
d'Ahsmole, quiprirent le titre de Francs-Maçons.
Ainsi donc ce titre,ouplutôt ce nom, quoiqu'il n'ait
été appliqué que dans le xvII° siècle, n'en appartient
pas moins à tous les hommes bons et justes quise sont
isolés à toutes les époques, et dans tous les pays.
Maintenant jetons un coup d'œil rétrospectif sur
les époques où vivaient les hommes que nous venons
de désigner.
Dans ce monde, dont nous admirons l'harmonie, ct
où, comme l'a dit Bossuet, tout est Dieu, exceptéDieu
lui-même, l'homme, quifut créé libre reçut, en nais
sant, l'instinct qui le poussait vers l'attrait tout-puis
sant des passions.
Les plus attrayantes de cespassions, et par consé
quent les plus dangereuses, furent l'amour-propre ,
l'ambition et l'orgueil; c'està cesidoles que l'homme
sacrifia avant tout, et de là naquirent tous les maux
quivinrent assaillir le genre humain, depuis la forma
tion des sociétés.
De ce même chaos sortirent aussi les hommes supé
rieurs, qui pour se mettre à l'abri de cespassions, et
jouir, sans trouble, de la félicité que goûte toujours un
cœur honnête, sentirent le besoin de se réunir en
sociétéisolée.
Ces hommes d'élite n'étaient ni les plus nombreux
ni par conséquent les plus forts; c'est pourquoi ils
furent forcés de se réfugierdans des retraites sombres,
pour pouvoir se livrer, à l'abri de la persécution, aux
-
--
plus doux sentiments de la nature, aux douceurs de la
fraternité.
On peut donc soutenir, avec quelque vraisemblance,
que l'institution connue aujourd'hui sous le nom de
Franc-Maçonnerio se perd dans la nuit des temps,
qu'il y a eu ce qu'on appelle des Francs-Maçons par
tant où il y a eu des hommes croyant à une vie fu
ture, et par conséquent amis de la vertu.
L'histoire ne nous apprend rien relativement aux
institutions antérieures au déluge, les écrivains les
plus judicieux en placent le berceau dans la première
contrée qui fut habitée, après cette catastrophe ; et
cette contrée fut le plateau de la Tartarie orientale
que Noéalla habiter, dit Anquetil, et qu'il gouverna
sous le nom de Fahi, avec une colonie tirée de ses
plus vertueux descendants, qui, voyant la corruption
se répandreparmi leurs frères, s'attachèrent à leur
père commun, et se séparèrent avec lui de cette masse
corrompue,avant l'érection de la tour de Babel, et la
confusion des langues(Précis de l'Histoire universelle).
IV.
La Claine fut son berceau.
C'est donc la Chine qui aurait été le berceau de
notre institution, et c'est de là qu'elle aurait pénétré
en Égypte, par l'Inde, la Perse, et l'Éthiopie.
« A l'appui de ces observations, ajoute Anquetil,
« vient la science de l'astronomie, que les Chinois
- |3 -
« n ont pu posséder sitôt, à quelque degré éminent,
« que parce qu'ils la tenaient de Noé, qui en avait
« reçu le principe des hommes qui vivaient avant le
« déluge : comment se seraient-ils préservés de l'ido
« lâtrie, qui infectait les nations, s'ils ne s'étaient sé
« parés de leurs frères, avant la corruption? Aussi
« ont-ils conservé leurs connaissances, et l'adoration
« d'un seul Dieu, de sa Providence,et l'idée toujours
« présente des châtiments destinés aux méchants, doc
« trine que le fléaudu déluge avaitprofondémentgra
vée dans le cœur de Noé ! »
Cette doctrine fut portée dans l'Inde par Brahma,
qui arracha le peuple de cette contréeà la vie sauvage,
pour lui apprendre les arts, les sciences, et la con
naissance de l'Étre suprême, dans ces fameuses pa
godes qui se font encore aujourd'hui remarquer par
leur travail et leur magnificence.
Les disciples de Brahmamarchèrent sur ses traces ;
c'est de leur sein que jaillirent ces rayons de lumière
qui devaient éclairer l'univers; les Gouroux, ou pré
cepteurs spirituels du Brahanam étaient seuls déposi
taires de la science sacrée, et exerçaient un pouvoir
sans bornes, basésur la religion de Brahma.
Mais, ainsi que les Francs-Maçons de diverses épo
ques, les Brahmes furent persécutés; des Prêtres d'un
autre rite, les sectateurs de Wisnou, leur firent de
l'opposition; ilsprétendirent que leur Dieu était le seul
Dieu véritable, attendu que ses neuf métamorphoses
couvraient les mystères les plus profonds, et notam
ment celui de la vérité.
- 1 4 -
-- - --- -----
Wisnou triompha pendant plusieurs siècles; il fut
lui-même renversé par Bouddha, dont la religion, qui
est encore en vigueur dans une grande partie de l'Asie,
depuisvingt-cinq siècles, a beaucoup de rapport avec
celle qui est pratiquée aujourd'hui dans la plusgrande
partie de l'Europe.
V.
Son introduction en Égypte.
Les Brachmanes ayant été chassés de l'Inde par
Wisnou et Bouddha,se réfugièrent dans la Perse, où ils
échangèrent leur nom contre celui de Mages et leur
système religieux contre celui que nous allons indi
quer.
Après avoir envisagé sous un seul point de vue
toutes les opérations de la nature animée,ils imaginè
rent un principe de vie, qui était le jour ou le soleil,
et un principe de mort, qui était la nuit ou le froid.
Ce système, quifut accueilli avecenthousiasme,ren
dit les Mages tout-puissants ; dans la Perse, Osiris, qui
était descendu des montagnes de l'Éthiopie,pour se
faire initierà cette religion, revint après son initiation,
àMoroé, où il établit le collége de Gymnosophites.
Ce généreux bienfaiteur de l'humanité se rendit en
suite en Égypte, où il régna avec Isis, à qui il confia
lessoins de son royaume,pour allerconquérirl'univers,
moins par la force des armes, dit Noel dans son Dic
tionnaire de la Fable, que par la douceur et la per
– 15 -
suasion; il amena les hommes alors entuèrement sau
vages aux douceurs de la société civile, leur apprit
l'agriculture, à bâtir des villes et des bourgs, et re
vint comblé de gloire, après avoir fait élever partout
des colonnes et d'autres monumentssur lesquels étaient
gravés ses exploits.
Parmi les grands hommes qui se firent initier aux
mystères d'Osiris, on remarque d'abord Orphée, qui
alla porter dans laGrèce les résultats de son initiation ;
c'est lui qui établit le culte de Bacchus et de Cérès ;
mais les anciens prêtres, qu'il avait supplantés, lefirent
mettre à mort par les femmes de la Thrace, souspré
texte qu'il avait refusé de les admettreà ses mystères.
C'est encore dans les temples de Thèbes et deMem
phis qu'Homère puisa ces inspirations sublimes qui
élèvent l'homme au-dessus de la terre et le transpor
tent avec songénie dans le séjour de l'immortalité.
C'est enfin dans le temple de Cérès que Triptolème
apprit et enseigna aux peuples l'art de cultiver les
champs; c'est sur la doctrine de ces sages quefut con
çue celle de Zoroastre, qui se fit initier aux mystères
égyptiens ; ce moraliste croyait à un dieu suprême,
immobile, éternel, essentiellement nécessaire à l'exis
tence du monde.
Vint ensuite Moïse, qui, en arrachant ses compa
- triotes au joug des Pharaons, établit les bases d'une
religion qui ne connaissait qu'un seul Dieu, créateur
de l'univers.
VI.
Son passage à Jérusalem.
En transmettant ses mystères aux Israélites dans le
désert, Moïse ne fit que leur communiquer les notions
qu'il avait puisées lui-même dans les temples égyp
tiens, et c'est sur ces notions rectifiées que fut créée
cette secte connue sous le nom d'Esséniens, qui con
serva dans toute leur pureté les symboles de l'institu
tion dont le principe remontaitjusqu'à Brahma.
Après Moïse vint Salomon, à qui les Esséniens
inspirèrent l'idée d'aller puiser les leçons de la sagesse
aux mystères des Pyramides ; c'est après son retour
d'Égypte, qu'il fit construire à Jérusalem le temple qui,
encore aujourd'hui, sert d'emblème aux mystèresma
çonniques; c'est lui qui fit élever à l'entrée du Temple
les deux colonnesJ. et B., qui rappellent aux adeptes
que toutes leurs actions doivent avoir pour base le tra
vail et la bienfaisance. -----
Ce fut aussiSalomon quiintroduisit dans le temple,
comme attributsessentiels, le Soleil, la Lune etles Étoiles,
c'est lui qui fit orner le sommet des colonnes de Gre
nades et de Lys, afin de représenter la beauté et la
puretéde l'institution.
Nousne relateronspas ici les vicissitudes qu'éprou
vèrent les habitants de Jérusalem pendant la période
où ilsfurent forcés de subir la loi du vainqueur; mais
nous dirons que jamais pendant leur longue capti
- 17 -
vité, les initiés ne changèrent ni leurs dogmes ni leurs
mystères; ils employèrent pour se reconnaître, dit
Philon, contemporain de J.-C., le moyen suivant :
ils portaient la main droite, entre la barbe et lapoi
trine, en laissant tomber la gauche sur les hanches...
Depuis les premiers chrétiens jusqu'à l'époque des
Croisades, des siècles de barbarie se succèdent dans
la Judée; mais les initiés conservent toujours les signes,
les emblèmes, les mots et les principes de morale que
leur avaient transmis les sages de l'antiquité; morale
qui avait et qui a toujours pour base, l'adoration de
Dieu, pour mystère l'admiration de ses ouvrages,pour
travail la pratique de la bienfaisance, et pour sa
laire, le bonheur de se reconnaître pourfrères et amis,
partout où ils se rencontrent.
C'est cette base que nous avons cherchéà expliquer
dans notre poëme de Misraim, ou nous disions (chant
premier) :
D'un seulregard de Dieu la terre est donc sortie ;
Mais toi, brillant flambeau, de quels lieux est partie
Ta masse qui reluitparmitant desoleils,
Comme toi radieux, à ta gloire pareils?
*T'es-tu créétoi-même? oh ! non, car les étoiles
Qui brillent dans le ciel etdécorent sesvoiles
Ont aussi leur orbite, et sont, ainsique toi,
Des corps soumis aujoug d'une éternelle loi,
Fntraînant avec eux, dans leursplans elliptiques,
D'autres soleils errants, suivant leurs éclyptiques ;
Mais ils n'ont rien créé. qui donc a fait le ciel,
Ces mondes, ces soleils?.C'est Dieu, c'est l'Éternel.
2
-------------
- _____--
- 18 -
L'institution secrète qui professait ces principes les
pratiquait sans éclat, dans un pays où régnait la
servitude, lorsqu'une circonstance imprévue vint lui
fournir l'occasion de les développer.
VII.
Adoption de quelques formules par les TempIiers.
Jérusalem tomba au pouvoir des Croisés, et neufde
ces derniers, tous français, animés du désir de faire
triompher la cause de l'humanité,formèrent une asso
ciation, dont le but était de défendre les chrétiens contre
les vexations des infidèles (1).
Ces infidèles étaient les naturels du pays qui, enne
mis des chrétiens, s'étaient emparés des hauteurs, et
s'étaient retranchés le long des chemins, afinde tomber
plus impunément sur les voyageurs, qu'ils ne consi
déraient plus que comme des ennemis des Mahométans.
Cette sociétése fit d'abord initier aux mystères du
temple, et prit le nom de Templiers; elle adopta,pour
la réception des chevaliers, une partie des formules
employées par l'institution égyptienne; enfin elle mit
à sa tête un Grand Maître, après lequel vinrent les
(1) Voici les noms de ces neuf fondateurs de la Société desTem
pliers:
Hugues de Payens, qui tire son nom d'un endroit situé à deux ou
trois lieues de Troyes, en Champagne; Geoffroi, de Saint-Omer; Ros
sat, Geoffroi, Bisot, Payen de Montdidier, Archambaut de Saint
Agnan, André de Monbar, de Gondemare, et Hugues, comte deCham
pagne.
– 19 -
précepteurs, les prieurs, et les commandeurs, en un
mot l'organisation de l'ordre fut à peu près basée sur
celleque Moïse etSalomon avaient apportée de l'Egypte.
VIII.
Son passage de Jérusalem en Ecosse.
«On appliquait aux chevaliers, dit une note dépo
« sée dans les archives du temple, et rapportée tex
« tuellement dans l'Acta latamorum les formules tra
« ditionnelles et les épreuves de l'initiation. »
Ce sont ces formules et ces épreuves, que, dans le
procès desTempliers, on voulut faire passer pour des
pratiques impies; on voulait forcer ces malheureuxà
s'avouer coupables desplus honteuses abominations;
mais les uns préférèrent la mort, d'autres prirent la
fuite, pour se soustraire au supplice qui leur était
réservé, et allèrent s'enrôler sous les drapeaux de
Robert-Bruce, l'un des concurrents au trône d'É
cosse, après la mort d'Alexandre III et celle de Mar
guerite, sa petite-fille.
Nous demandons la permission de mettre sous les
yeux de nos lecteurs l'interrogatoire que subit Jacques
Molay, devant les juges de l'Inquisition qui le condam
nèrent au dernier supplice; cet interrogatoire est extrait
d'une tragédie inédite de notre composition intitulée :
Jacques Molay, Grand Maitre des Templiers : on
y verra que les crimes qu'on imputait à cet Ill... et
- 20 -
malheureux Grand Maître sont ceux qu'emploie en
core aujourd'hui la secte ultramontaine, pour avoir le
prétexte de persécuter les Francs-Maçons.
JACQUES M0LAY
DEVANT LE TRIBUNAL DE L'INQUISITION.
L'INQUisITEUR A JAcQUEs MoLAY.
Au lieu d'offenser Dieu par desvœux qu'il rejette,
Demandez lui plutôtde vous tendre ses bras :
Maiscommentl'invoquer,vous qui n'ycroyezpas ?...
MOLAY.
Il n'appartient qu'à lui de juger une croyancc.
L'INQUISITEUR.
Vos chevaliers et vous niez son existcnce.
MOLAY.
L'aspect de l'univers permet-il d'en douter?
Mais sur cette existence on pourrait hésiter,
Quand on voit, en son nom, multiplier les crimes,
Dans le fond des cachots entasser les victimes,
Lorsque d'un Dieu d'amour,de paix et de bonté,
On fait un Dieu de rage et d'immoralité?
Oui, sans être coupable, un csprit ordinaire
– 21- -
Révolté contre un être à lui-même contraire,
De tant d'atrocités justement offensé,
Peut dire : selon vous, Dieu serait insensé,
Donc il n'existepoint.;maisl'hommevraimentsage,
Qui, d'un être accompli trouve partout l'image,
Dit au contraire : à Dieuvous prêtezvosfureurs,
Cessez de l'outrager, coupablesimposteurs !
Ce Dieu dont l'univers proclame la puissance
Est un Dieu de douceur et non pas de vengeance.
L'INQUISITEUR.
Blasphémateur impie, est-ce là votre foi ?
MOLAY. -
Quivous a fait arbitre entre le ciel et moi ?
L'INQUISITEUR.
Dieu lui-même.
- MOLAY.
Asa loije fus toujours fidèle.
L'INQUISITEUR.
Et sa religion?
MoiAv.
Je vais mourirpour elle.
L'INQUISITEUR.
Elle vous abandonne.
MOLAY,
Elle me tend les bras
- 22 -
L'INQUISITEUR.
Vous la déshonorez..
MOLAY.
Vous ne le croyez pas.
L'INQUISITEUR.
Cédez.
MOLAY.
Je ne crains rien.
L'INQUISITEUR.
Dieu lui-même vousjuge.
MOLAY,
Il pardonne.
L'INQUISITEUR.
Il punit.
MOLAY,
Soyezdoncmon refuge,
O Fils de l'Éternel! ah! lorsque votre voix
Invoqua votre Père, en mourant sur la croix,
Vous ne lui dites point :tonne, Dieuvengeur,tonne !
Mais pardonnez, mon Père, ainsi queje pardonne.
Reprenons notre récit, et suivons les pieux et vail
lantsTempliers qui s'enrôlèrent sous les drapeaux de
Robert-Bruce,etqui contribuèrent puissammentausuc
cès de la bataille de Bannorburk, où cent mille Anglais
furent battuspar trente mille Écossais.
– 23 -
IX,
Création de l'Ordre Saint-André du Chardon.
Le roi Robert récompensa les Templiers qui l'avaient
secondé, en créant,sur leur demande, l'Ordre des che
valiers de Saint-André du Chardon, dont il se ré
serva le titre de Grand Maître,tantpour lui que pour
SeS SUCCeSS6UlI'S.
Cet Ordre fut transféréà Édimbourg, où les initia
tions se firent d'après le mode qui avait été pratiqué
chez les Templiers.
En 1427, Jacques II, roi d'Écosse, mit cet Ordre
sur la tête de Saint-Clair de Rollin, avec transmission
aux héritiers du Baron, en considération des services
qu'il en avait reçus.
X.
Son passage d'Écosse en Angleterre,puis en France.
C'est ainsi qu'une partie des emblèmes de l'institu
tion égyptienne passa en Écosse, et puis enAngleterre,
où elle se régularisa complétement; enfin, l'institution
franchit l'Océan ; un premier temple fut constituéà
Dunkerque, et trois anglais, ouvrirentà Paris,en 1725,
une première L. .. qui fut le berceau de la Maçonnerie
française.
DEUXIÈME PARTIE.
XI.
Fondation de la Franc-Maç.. en France.
Les trois fondateurs de la Franc-Maçonnnerie en
France, dont les noms appartiennent à l'histoire de
l'Ordre, furent lord Deuvent-Water, chev... Mas
queline, et sir Degerly, tous trois membres de la
G.°- L.°. de Londres.
Ils établirent la première L. .,chez le traiteur Huré,
rue des Boucheries.
Gouland, lapidaire anglais, fonda la seconde.
La troisième fut créée par Lebreton, sous le titre
de : Saint-Thomas au Liais d'Argent; cette déno
mination était le nom de l'auberge où se tenaient
les séances. -
Une quatrième L. .. fut fondée, rue de Bussi, chez
un traiteur, nomme Gardelle; cette L. .. prit d'abord
le nom de la rue où elle était située ; elle s'appela en
suite L. .. d'Aumont, parce que le duc dont elle prit
le nom s'y était fait affilier.
– 26 -
--- --
L'institution fit d'abord peu de prosélytes; malgré
la beauté de sa morale,à peine six cents personnes s'y
présentèrent, pendant les dix premières années; le
gouvernement de Louis XV, pendant sa minorité, et
Louis XV lui-même, quand il eut pris les rênes de
l'État, lui furent toujours hostiles.
Ainsi quatre LL.. seulement se trouvaient établies
à Paris, lorsque le GrandMaître, lord Deuvent-Water,
ayant cru pouvoir retournerà Londresimpunément,y
fut arrêté, condamné pour cause politique et décapité.
La Grande Maîtrise étant ainsi devenue vacante, le
comte d'Harmouster fut choisipour succéder à lord
Deuvent-Water, ce fut en 1756; mais le Châtelet,
d'après les instructions de la cour, rendit immédiate
ment une ordonnance, qui défendait aux Francs-Ma
çons de se réunir, et ceux-ci s'étant, malgré cette dé
fense, rassemblés chez un cabaretier de La Rapée,
nommé Crapulot, ce cabaretier fut condamnéà mille
francs d'amende, et la porte de sa maison murée pour
six mois.
XII.
Nouvelle persécution sous Louis XW.
Vers la fin de 1757, milord d'Harnouster étant près
de quitter la France, convoqua une assemblée, pour
l'élection d'un successeur.
Le roi ayant été informé de cette convocation, dé
- --------- ---- -------------
- 27 -
clara que si le choixtombait surun Français il le ferait
mettre à la Bastille.
Le duc d'Antin ayant été élu, et ayant accepté, la
menace nefut pointréalisée, mais lesFF...s'étantassem
blés dans la L. des Deux Écus,pour célébrer la
fête de l'Ordre, plusieurs furent arrêtés et conduits
dans la prison de For-Levêque, qui était celle desco
médiens : c'était en 1758.
XIII.
Bulle d'excommunication du pape Clément XII.
Ala mêmeépoque, lepapeClément XII,alarmédes
progrès que la Franc-Maçonnerie faisait dansses États,
lança contre elle une bulle d'excommunication.
On a voulupersuader que cette bulle s'appliquaità
tous les Maçons,mêmeà ceuxqui étaient hors des États
de la papauté; mais c'est une erreur qui est démontrée
par plusieurs circonstances dont voici les principales :
1° Ce fut à l'instigation du duc de Florence et par
suite des dénonciations du clergé florentin, que les
foudres de Rome furent allumées contre les Francs
Maçons;
2° Les peinesprononcées par la bulle étaient la mort
et la confiscation des biens (Solopena della morte e
confiscatione de bene die incorrezi irremissiblimente,
senza sperenze de gratia).
Or, le Pape ne pouvaitprononcerde pareilles peines
que contre les sujets de ses propres États ;
– 28 -
5° Le parlement de Paris refusa formellement d'en
registrer la bulle, lorsqu'elle arriva en France, en
1759 ;
4° Enfin jamais, depuis cette époque, le pouvoir
séculier ne s'est appuyé sur cette bulle pour empêcher
les réunions maçonniques.
Il y a plus, postérieurement à cette bulle de Clé
ment XIl, des prêtres Bénédictins, Minimes, Domini
cains, etc., se sont fait initier dans diverses LL.°. de
province,notamment dans celle de la Parfaite Union,
à l'O.°. de Rennes en 1784, et le G. .. O.°. lui-même
comptait dans son sein, avant 1789, des chanoines
métropolitains, ainsi que le constatent ses archives,
que nous avons eues dans nos mains, pendant que
nous étions bibliothécaire du G. .. O. ., et ainsi que
l'on peut le vérifier encore aujourd'hui; ce qui n'aurait
pas eu lieu si la bulle d'excommunication se fût éten
due au delà des États romains. -
Quoi qu'il en soit, il est vrai de dire que le fana
tisme et l'intolérance religieuse ont toujours persécuté
l'intelligence; mais ce n'est pas en comprimant les
idées qu'on les empêche de se développer; aussi, au
lieu de quatre LL.. qui existèrent à Paris pendant
longtemps, il s'en trouvait vingt-deux dans cette ville
cn 145, époque où le comte de Clermont succéda au
ducd'Antin, après la mortde celui-ci.
L'institution s'était aussi propagée dans les pro
vinces, où l'on comptait près de deux cents LL... à
celle époque, dit Lalande. (Mémoires historiques sur
la Franc-Maçonnerie dans l'Encyclopédie.) -
- 29 -
C'està cette époque de 1745, que la mère L. .. reçut,
dans une réunion solennclle le titre de Grande L...
anglaise.
XIV.
Le Châtelet continue ses persécutions.
Inquiet cependant de l'importance que prenait l'in
stitution Maç.., le Châtelet, renouvelant sespersécu
tions, porta à 5,000 fr. l'amende de 1,000fr. qu'il
avait primitivement prononcée contre toute personne
qui donnerait asile aux réunions Maç..; mais malgré
ces persécutions, on vit se former des LL.. de magis
trats et d'artisans, de gens de lettres et d'artistes; il y
en eut même qui ne furent composées que de gens
nobles, qui d'abord refusèrent de fusionner, mais qui
cédant enfin auxprincipes de l'ordre, auquel ils avaient
juré fidélité, finirent par abjurer le préjugédes castes,
dont ils préparaient ainsi la destruction, qui eut lieu
quelques années après.
Mais plus la Maçonnerie faisait desprogrès, plus le
Châtelet redoublait de persécutions; le 8juin 1748,
pendant que dans la L. .. des Deuz-Écus, on procédait
à une réception, arrive un commissaire escorté d'unc
escouade de guides, qui force l'entrée, s'empare des
ustensiles de la L. ., en disperse les membres, fait
condamner le propriétaire à 5,000 fr. d'amende, et
fait murer les portes de l'établissement.
– 30 -
XV.
Établissement des LL.. provinciales.
La Maçonnerie n'en continue pas moins son cours ;
les provinces imitent la Capitale; Marseille, Lyon,
Toulouse, Bordeaux, ont leurs LL..indépendantes ;
elles portent le titre de LL..provinciales,età la même
époque, le prétendant anglais Charles-Édouard établit
à Arras un Chapitre de hautsgrades, dont il confia la
direction à trois avocats, parmi lesquels figurait Ro
bespierre, le père de celui qui, plus tard, rendit son
nom àjamais exécrable.
Cependant la Maçonnerie continua à être en butte
auxpersécutions du pouvoir ; mais avant defaire con
naître les diverses phases qu'elle eutà subir, jusqu'à
l'avénementduprince Muratà la dignité de G. .. Maître,
nous consacrerons quelques lignes à faire connaître
comment l'Écossisme yfut introduit.
XVI.
Introduetion de l'Écossisme en France.
Suivant Thory, ce furent les partisans de la royauté,
qui après la mort tragique de Charles Ier, introduisi
rent dans le grade de Maître, des allégories tendantà
rappeler le souvenir de la catastrophe quitermina les
jours du roi, dans le but d'arriver, par la vengeance,
– 31 -
au rétablissement de Charles II (Histoire de la Fon
dation duG. .. O. .. de France, page 184).
Pour atteindre ce but, il fallait des partisans sur les
quels on pût compter, et le moyen d'en avoir, ce fut
d'attirer les FF... nouvellement admis dans des conci
liabules où ne seraient admis que ceuxquiauraient été
éprouvés et qu'on appela les Maîtres élus.
Tel fut le point de départ des hautsgrades, qui
ont pu faire l'ornement de l'Écossisme, mais quifurent
rejetés par la Grande L. .. de Londres, lorsqu'ils lui
furent présentés.
Le rédacteur de ces hautsgrades fut André-Michel
Ramsay, qui avait été conduit en France,à l'âge de
deux ans,par ses parents attachésà Jacques II. Animé
du désirde se faireun nom,Ramsayse fit initier dans la
Maçonnerie,dès qu'il eut l'âge voulu, et comme il avait
beaucoup de moyens, il fut élevé bientôt à la dignité
d'orateur, qu'il remplit dans la L. .. centrale,où milord
d'Harnouster avait été nomméGrand Maître.
Ramsaybâtit son système des hautsgrades,sur celui
des chevaliers du Temple; il supposa que Robert
Bruce, en créant, comme nous l'avons dit, l'Ordre de
Saint-André du Chardon, par lequelil récompensa
le zèle et le courage des Templiers, avait aussivoulu
leur fournir les moyens de se réhabiliter par la ven
geance.
C'est sur cette idée que Ramsay bâtit la Maçonnerie
des hautsgrades, et qu'il remplaça l'équerre et le flam
beau par le poignard et la torche. -
- 32 -
Laharpe dit dansson Coursde Littérature (tome VII,
page 226), que Voltaire a cité une lettre de Ramsay,
ami de Fénelon (il était son secrétaire), dans laquelle il
dit que l'archevêque de Cambrai étant allé en Angle
terre, aurait donné l'essor à ses principes, queper
sonne n'a jamais connus.....
Quels étaient cesprincipes? N'est-ce pas ceux con
signés dans les écrits qui furent brûlés par ordre de
Louis XIV?
Laharpe croit que cesprincipes sont ceuxrenfermés
dans le Dialogue des morts, ou bien dans le livre
intitulé: Direction pour la conscience d'un roi.
Il est vraisemblable que Ramsay avait conservé une
copie des écrits qui renfermaient ces principes, et que
c'est sur ces écrits qu'il bâtit le système des hauts
grades, qu'il alla présenter à la grande L. .. de Lon
dres, qui le rejeta.
Il eut plus de succès en France,à cause des titres
pompeux quiy étaient donnés, et des hochets éminents
quiy étaient attachés; toutefois, ce n'est qu'après sa
mort que son système se fit jour; ce n'est en effet qu'à
partir de 1744queparurent les constitutions illégales,
lesfaux titres, les chartes antidatées, délivrées par
deprétendus maitres de LL.°., ou fabriquées par les
LL.°. même, dont quelques-unes s'attribuèrent une
origine mensongère, qu'elles firent remonter à 15 ou
1600 ans. (Acta Latamorum.)
« Les gens, à la suite du prétendant, poursuit
« Thory, ajoutèrent à ces désordres, en délivrant au
– 33 -
((
premier venu le pouvoir de tenir Loge, en consti
« tuant deson autorité, des mères LL.. et des Chap..
« sans qu'ils y fussent autorisés par un pouvoir
« légal. »
(
XVI[.
Création du Chapitre de Clermont et de celui des
Empereurs d'Orient et d'Oeeident. .
C'est de cette manière que fut établi, en 1754, par
le chev... de Bonneville, un Chap... de hauts grades,
quifut installéà Paris le 24 novembre de ladite année ;
il avait fait construire, pour cet établissement, un très
beau local, dans un des faubourgs de Paris, dit la
Nouvelle-France. Cette société était composée deper
sonnages de distinction qui, fatigués des dissentions
qui déshonoraient les LL.. de Paris, avaient résolu
de s'en séparer, pour formerune réunion particulière,
qui prit le nom de Chapitre de Clermont.
Lespremiersgrades de ce Chapitre furent le Petit
Élu, l'Élu des neuf, l'Élu des quinze, le Chevalier
de l'Aurore, le Grand Inquisiteur et le Grand Elu ;
tous ces grades furent établis sur le système de
Ramsay. -
Trois ans plus tard, il se fonda à Paris un autre
Chap.., dont les membres s'intitulèrent souverains
princes Maçons, substituts généraux de l'art royal,
grands surveillants et officiers de la grande et sou
veraine L.°. Saint-Jean de Jérusalem: c'était le Cha
pitre des Empereurs d'Orient et d'Occident.
– 34 --
XVIII.
Introduction en France des 25 hau1s grades
apportés de IBerlin.
En 1758, le marquis de Bernis apporta de Berlin,
lesvingt-cinqgrades dans lesquels étaient compris ceux
dont nous venons de parler; cette nouveauté fut fort
bien accueillie, et elle se propagea en Allemagne, en
Pologne, dans la Suisse et dans la Hollande.
C'està cette même époque de 1758, que fut fondéà
Bordeauxpar le mêmeConseil des Empereurs d'Orient
et d'Occident, le Conseil des Princes du Royal Secret.
Trois ans après, les commissaires de ces deux
grandsConseils élevèrent leurs grades au nombre de
vingt-cinq, et donnèrent au F. .. Stephin Morin une
patente de député grand inspecteur, avec pouvoir de
propager le rite deperfection au-delà des mers.
XIX .
Pouvoirs donnés au F.·. de Grasse de Tilly.
Le suprême Conseil que ce député trouva fondé à
Charleston (États-Unis), donna au F. .. de Grasse
de Tilly, le pouvoir d'aller propager ses doctrines à
Saint-Domingue; mais comme c'était l'époque où cette
île se mit en insurrection contre sa métropole, de
-- 35 -
Grasse de Tilly ne s'y rendit point, ct se dirigea
vers la France, où il crut pouvoir exercer des pouvoirs
qu'il n'avait reçus que pour la partie de l'Amérique,
indiquée dans ses instructions.
XX.
d'réation du Suprême Conseil et ses débats
avec le G.·. «D.•. de France.
Nous n'entrerons ici dans aucun détail relativement
au rôle que de Grasse de Tillyjoua en France ; nous
renverrons les FF... qui voudraient s'en instruire,à
nos Études historiques et maconniques, tant sur la
création du Suprême Conseil, que sur les débats de ce
Conseil avec le G. ..O.·. de France, sur sa fusion, la
rupture du concordat, la concurrence qu'il 'ui fit, de
puis l'époque de cette rupture, le procès qui fut intenté
à de Grasse de Tilly, par son propre conseil, et enfin
sa condamnation et son exclusion de l'Ordre ; nous re
prendrons notre récit, en ce qui concerne le G. .. O. .
de France.
Nous avons laissé la G.-. L. .. à l'année 1745; cette
annéefut la dernière oùune persécution ouverte frappa
la Maçonnerie; mais de grands désordres qui s'élevè
rent dansson sein,vinrent compromettre son existence
de la manière la plus grave.
Le comte de Clermont,Grand Maître de l'Ordre,
pour ne pas déplaire à Louis XV, ne voulut pas diri
ger la Maçonnerie par lui-même, et nomma, pour le
représenter, un maître à danser nommé Lacorne.
– 36 -
XXI.
La faction Lacorne nomme le duc de Chartres
à la dignité de G.·. M.·. -
La Grande L. .. ne voulut pas reconnaître ce repré
sentant, pour ne pas s'assembler sous sa présidence ;
ayant égard aux représentations qui lui furent adres
sées, le comte de Clermont remplaça Lacorne, par
Chaillou de Joinville. Lacorne devint furieux; il réunit
. chez lui tous les maçons d'un rang inférieur, et forma
une seconde grande L. ., qui se mit en rivalié avec
la première.
Cependant une réconciliation s'opéra au bout de
quelque temps; et les deux corps se réunirent le 24
juin 1762,pour célébrer en commun la fête de l'Ordre ;
mais les membres de l'ancienne grande L. .. se trou
vant humiliés de voir siéger à leur côté des hommes
fort honorables sans doute, mais qui leur étaient in
férieurs sous le rapport de l'état et de la fortune,
prirent la résolution de ne leur conférer aucune di
gnité; et en effet, l'élection étant venue, aucun membre
de la dissidence ne futpromuà aucun office.
Outrés d'un tel procédé, les dissidents n'assitèrent
point au banquet qui suivit l'élection; mais ils firent
imprimer et distribuer une notê dans laquelle ils
protestent contre l'élection; ils font plus, pendant
que la G. .. L. .. est assemblée pour célébrer la fête de
l'Ordre, ils s'y présentent en foule, et ils expriment .
leur mécontentement; du mécontentement ilspassent
auxinjures, des injures auxvoies de fait, et ilsexcitent
un tel désordre, que le lendemain le gouvernement
donne l'ordre à la Grande L. .. de cesser ses réunions.
Cette suspension dura quelque temps; les frères
bannis n'encontinuèrent pas moins de s'assembler dans
un local isolé du faubourgSaint-Antoine, où ils consti
tuèrent des LL.. tant à Paris que dans la province,
et ils envoyèrent partoutdes circulaires pour annoncer
que la G.". L.·. avait cessé ses travauxpar ordre du
gouvernement, et quelle ne les reprendrait plus.
XXII.
Nomination du due de Chartres à la dignité
de G.°., M.•.
Le comte de Clermont meurt dans ces circonstances,
et les dissidents nommentà sa place le duc de Char
lres, qui fut depuis le duc d'Orléans : ils obtien
nent son acceptation écrite par l'intermédiaire de son
oncle, le duc de Luxembourg.
Forts de cette pièce, ils se présentent devant la
G.. L'. qui avait obtenu l'autorisation de reprendre
ses travaux, ils offrent de remettre l'acceptation du
duc de Chartres, si l'on révoque le décret de leur ban
nissement, et si l'on consent à réviser les opérations
qui ont eu lieu en leur absence.
– 3s-
XXIII.
La G.°. L. .. remplacée par le G. .. O... de France.
Cette offre est acceptée;une commissiondehuitmem
bres est formée,etpar des intrigues adroitement mena
gées, cette commission, après s'être assuré de l'assen
timent de plusieurs chefs de LL.., tant de Paris que
de la province,finit par déclarer que laGrande L. .. de
France a cessé d'exister, et qu'elle est remplacée par
une nouvelle G. .. L... qui prendra le titre de Grand
Orient de France.
La Grande L.°.s'assemble envertude cette décision ;
la nomination du duc de Chartres est reconnue et
confirmée, le F. .. Chaillou de Joinville se réunit au
G.-. O. ., et le duc de Luxembourg célèbre dans le
Wauxhal de la rue de Bondyune fête brillante,à raison
de cette métamorphose maçonnique.
Le G.-. O.°. poursuit sa carrière avec une ardeur
remarquable, « on remédie aux abus, dit Lalande,
« en rendant surtout les Maîtres de LL.., ou vénéra
« bles, amovibles etéligibles,à la pluralitédesvoix.»
C'était en effet un bien immense; la maîtrise inamo
vible étaitun danger incessant, et produisait une foule
d'abus.
XXIV.
Création de trois chambres pour administrer
l'CDrdre.
On confia l'administration de l'Ordre à trois cham
- 39 -
bres qui furent installées par le duc du Luxembourg,
nommé administrateur général.
De son côté, l'ancienne Grande L. .. de France, se
réunit, et déclare le nouveau corps qui s'est créé lui
même, et a pris le titre de Grand Orient de France
subreptice, c'est-à-dire crééparsuprise,schismatique
et illégalement forméparune poignée defactieux;l'an
cienne Grande L. ..prend elle-même le titre de sa rivale,
en s'intitulant : Grand Orient de France, sous la
direction et la protection spéciale du duc de Chartres.
Le duc de Luxembourg fait imprimer et adresse à
toutes les LL..une lettre qui représente, commeillé
gale et contraire au bon ordre età l'esprit maçonnique,
la réunion des Maçons de l'ancienne L.°. de France.
Cette déplorable division eut lieu en 1774.
XXV.
Le G... O.°. prend les LL.°. d'adoption sous sa
protection.
Ce fut dans cette année que pour se donner plus de
force, le G.-. O. .. prit sous sa protection les LL.·.
d'adoption, sous la condition expressequ'aucun Maçon
ne pourrait se trouver dans ces sortes d'assemblées,
qu'avec des Maçons réguliers, et quelles seraient
présidées par le Vén. .. d'une L. .. régulière ou par
les officiers qui président à sa place.
L'année suivante, la duchesse de Bourbon fut nom
mée Grande Maitresse, de toutes les LL. .. d'adoption
- 40 -
de France, et le 5 mai 1775, elle fut installée avec la
plusgrande solennité.
En 1777, La Mère L.-. du Rite écossais philantro
pique, donna une fête brillante auWauxhal,pour célé
brer la convalescence du duc de Chartres; cette fête
fut présidéepar laprincesse de Lamballe.
La L.°. de la Candeur célébra une fête semblable,à
laquelle assistèrent le duc et la duchesse de Chartres,
la duchesse de Bourbon et la princesse de Lamballe.
Cesfêtes se renouvelaient tous les ans; dans celle de
1779, une quête fut faite auprofit d'une famille indi
gente de province, qui ne connaissant la Maçonnerie
que par le bien qu'elle faisait, avait imaginé de mettre
pour unique souscription sur une lettre par laquelle elle
demandait des secours : A Messieurs les Francs
Maçons de Paris.
En 1780, une autre fête d'adoption présidée par
l'abbé Bertholio, fut célébrée dans le même local.
Les approches de la Révolution de89firent cesser
ces fêtes, et le règne de la Terreurforça les Francs
Maçons eux-mêmesà suspendre leurstravaux.
TROISIÈME PARTIE.
XXVI.
L'auteur se fait recevoir Franc-Maçon en 1795,
Le9 thermidor avait fait justice de la faction des
terroristes; Paris commençait à respirer des coups
terribles que cette faction lui avaitportés; mais la pro
vince subissait encore lejoug despartisans de la Ter
reur ; c'est pour me soustraireà ce joug queje crus
devoir me réfugierà Paris, sous l'égide de cet hono
rable membre de la Convention qui le premier, vota
contre la mort de Louis XVI, ainsi que le constate le
scrutin : c'était mon compatriote et ami, M. Pérès,
députéde la Haute-Garonne. .
Par son intermédiaire, j'entraidans l'administration
des transports et convois militaires, oùje parvins de
grade en gradeà celui de chef du bureau dupersonnel.
C'était en 1795; ayant quelques affaires à régler à
Toulouse, j'obtins la commission d'inspecteur princi
pal, pour aller vérifier et liquider les comptes des deux
directeurs de cette ville.
L'un d'eux, le F. .. Verdier, se trouvait alorsVén. ..
– 42 -
de la R. .. L. .. de la Sagesse, dans cet O.'- ; il me
parla de l'institution de la Franc-Maçonnerie, et m'en
gagea à m'y faire recevoir.
J'acceptai la proposition avec empressement.
La plus grande partie des LL.. en France était
alors en sommeil. Il n'y en avait que dix-huit qui
fussent en activité, savoir : Trois à Paris, sept à
Rouen, deux à Perpignan, quatre au Havre , une à
La Rochelle et une à Melun.
Il y en avait quelques autres qui se réunissaient de
temps en temps, mais celles queje viens de désigner
avaient seules continué leur correspondance avec le
G.°. O. .
Apeine initié, je m'épris d'un saint amour pour
l'institution, et aupremier banquet qui fut célébré, je
composai et je chantai le cantique suivant :
RoNDE MAG. .
Sur l'air de celle du Calife de Bagdad.
Des mortels qui peuplent la terre ,
Lesgoûts ne s'accordent jamais;
Les uns ne voudraient que la guerre ,
D'autres ne cherchent que la paix.
Mes chers amis, dans cette vie
Chacun a sa philosophie ;
La mienne est d'aimer le canon,
Mais c'est celui du Franc-Maçon. (Bis.)
Chantons!
IIonneur et gloire aux Francs-Maçons. (Bis.)"
* Quand on chante cctte Ronde dans un banquet,tous les FF.'. répètent le
refrain en chœur.
- 43 -
L'un place le bonheur suprême
Dans les grandeurs, l'autre dans l'or ;
S'il se croit aimé pour lui-même,
Un autre est plus heureux encor.
C'est ainsi que dans cette vie,
Chacun asa philosophie ;
Pourmoije le dis sans façon,
Je suis heureux d'être Maçon. (Bis)
Chantons!
Honneur et gloire aux Francs-Maçons! (Bis.)
Pour élever un édifice,
Nous travaillons avec plaisir ;
Mais quelle ardeur dans l'exercice,
Quand il s'agit de démolir !
Vraiment notre Maçonnerie
Sent un peu la sorcellerie,
Puisque nous autres Francs-Maçons,
En détruisant nous bâtissons. (Bis.)
Chantons!
Ilonneur et gloire aux Francs-Maçons. (Bis.)
Oui, confondre, par nos exemples,
Les hypocrites et les sots,
Et dans l'enceinte de nos temples,
Aux vices creuser des cachots,
Telle est notre philosophie,
Voilà notre sorcellerie;
A l'œuvre donc, gais compagnons!
Démolissons et bâtissons. (Bis.)
Chantons !
Honneur et gloire aux Francs-Maçons ! (Ilis.)
Que le profane à notre porte
Critique ce que nous faisons,
S'il est jaloux, peu nous importe ;
S'il est méchant, nous le plaindrons...
- 4 4 -
p .
Et puisque la Maçonnerie
Est la bonne philosophie,
Quoi qu'on en dise, remplissons
Notre devoir de Francs-Maçons. (Bis.)
Chargeons !
Et faisons feu de nos canons -
A la santé des Francs-Maçons ! (Bis.)
La place que j'avais occupée dans l'administration
des transports militaires m'avait mis en rapport avec
un Maçon distingué, chef de correspondance au mi
nistère du Trésor public, le F.°. Lasserez, que je sa
vais êlre officier du G.°. O.°. de France.
Je lui écrivis pour lui faire part de la situation où
se trouvait la Maçonnerie en province, et pour le prier
de me dire ce que nous avionsà faire pour rendre à
la Maçonnerie de Toulouse tout l'éclat dont elle était
privée, depuis qu'en s'isolant du G. .. O.*., les LL. .
avaient formé de GG.*. LL.°. provinciales, et avaient
décidé qu'à l'avenir elles ne reconnaîtraient plus le
G.°. O.°..
J'ajoutais qu'elles avaient été fidèles à cette résolu
tion, et quelles avaientmêmebrûlé leursconstitutions ;
mais qu'au surplus, il était vrai de dire que ces LL..
n'étaient plusfréquentées par les membres de la for
mation primitive, quelles étaient généralement com
posées d'hommes reçus pendant le règne de la Terreur,
et que dans le temple de la Lumière, elles travaillaient
dans une profonde obscurité.
Je disais encore que de telles réunions ne conve
naient point à des Maçons pénétrés de la dignité de
- 45 -
l'institution; que quelques-uns même s'étaient réunis
pour me prier de solliciter les constitutions d'une nou
velle L. ., qu'ils désiraient appeler L. .. de la Sincère
Amitié, que je le priais en conséquence de vouloir
bien nous seconder, et de m'indiquer la marche à
suivre pour obtenir le résultat désiré.
La réponse du F.°. Lasserez ne se fit pas attendre ;
il me donna tous les renseignements que je lui avais
demandés, et il termina sa lettre en me disant que
notre démarche auprès du G.°. O.°. pour nous réunir
à lui, aurait pour résultat inévitable de ramener toutes
les LL..à reprendre leurs relations avec le G.°. O. .
de France, parce qu'elles sentiraient enfin l'avantage
qti'il yaurait pour elles à devenir partie intégrante de
la grande famille des Maçonsfrançais.
XXVII.
Création par l'auteur de la R.°. L. .. la Sincère
Amitié, à l'O.°. de Toulouse.
Je me conformai aux instructions du F.°. Lasserez,
notre demande fut envoyée et répondue avec empres
sement, et la L.°. de la Sincère-Amitié, régulière
ment constituée, s'installa elle-même, avec la plus
grande solennité.
Ainsi que l'avait prévu le F.°. Lasserez, toutes les
LL.°. dissidentes de Toulouse ne tardèrent pas à se
rallier au G.°. O.°.; ce fut le premier service que je
rendis à la Franc-Maçonnerie.
Rentré à Paris, la L... que j'avais fondée voulut me
nommerson député auprès du G. .. O. .; maisje refusai
cette faveur, pour ne pas en priver le T... C... F. .
lLasserez; et alors on me fit nommer député de la
R.-. L. .. la Parfaite-Fraternité,à l'O... d'Agen.
Mon entrée auG. .. O. .. date donc de l'année 1796.
Quelque temps après, les affaires profanes du F.-.
Lasserez ne lui ayant pas permis de représenter la
L. .. de la Sincère-Amitié, je fus nomméà sa place.
L'administration des transports militaires, satisfaite
de la manière dont j'avais rempli à Toulouse la mis
sion qu'elle m'avait confiée, me chargea d'aller en
remplir une semblable dans la Belgique; cette nouvelle
mission me fut d'autant plus agréable, qu'elle me
fournit l'occasion d'aller faire une visite àmonprotec
teur, M. Pérès, qui était alors préfet du département
de Sambre-et-Meuse, à Namur.
J'arrivai dans cette ville au moment où l'on célé
brait,dans toute la France, la fête de la Paixd'Amiens.
A la sollicitation de mon ami,je composaià la hâte
un vaudeville de circonstance, intitulé la Fête villa
geoise, que le préfet fit jouer sur le théâtre de Namur.
Je rentraià Paris, au moment où le G.°.O... célé
brait la mêmefête parun banquet.
Je m'inscrivis au nombre des convives, et je me
trouvai placéà côté du F. .. Dérivis, artiste de l'Opéra,
et membre, ainsi que moi, de la R. .. L. de l'Age
d'or. -
Lorsque l'heure de la récréation fut arrivée, et que
– 47 -
les chants furent permis, je communiquai au F. .. Dé
rivis les deux couplets suivants, extraits du vaudeville
que j'avais fait représenter à Namur, avec prière de
les chanter.
AIR : Femme, voulez-vous éprouver.
La France était comme une fleur,
Perdue au milieu des épines,
Quis'élevant à sa hauteur,
Cachaient ses couleurs purpurines :
Des boutons à peine naissants
Entouraient la fleur demi-close,
Et des insectes dévorants
Mangeaient les boutons et la rose. (Bis.)
Mais par bonheur un jardinier,
Lui prodiguant des soins utiles,
Prit pitié du pauvre rosier,
Et chassa d'abord les reptiles;
Puis des épines, de sa main ,
Otant chaque jour quelque chose,
Il a si bien fait qu'à la fin,
Il n'est plus resté que la rose. (Bis.)
Le F. .. Dérivis chanta ces couplets d'une voix si
expressive, qu'il obtint les applaudissements les plus
chaleureux. Les couplets furent inscrits , avec le plus
grand éloge, dans le premier numéro de l'almanach
des Muses de l'année.
La L. .. de l'Age d'or avait alors pour Vén... le
F.'. De Joli, ancien ministre de Louis XVI, qui avait
un frère faisant partie de la R.°. L... Saint-Louis des
Amis réunis, à l'O.°. de Calais.
– 48 -
Ce F.'. envoya auVén. .. de la R. .. L. .. de l'Age
d'or le programme d'un concours ouvert dans sa L.-.,
sur l'origine et l'établissement de la Maçonnerie en
France, ainsi que d'un cantique maç.°., dont le motif
était laissé au choix des auteurs.
Comme j'attachais une grande importance à me
bien pénétrer de tout ce qui touchait à la Franc-Ma
çonnerie, et que je m'étais procuré tous les ouvrages
quitraitaient de cette matière,je travaillai avec soin
le programme de la R.°. L.°. de Calais, et je me mis
au nombre des concurrents.
XXVIII.
L'auteur obtient le prix du concours ouvert par
la .°. L.°. Saint-Louis des Amis réunis, à l'O.•.
de Calais, sur I'origine et l'établissement de la
Maçonnerie en Franee.
Maplanche fut couronnée, et l'avis de montriomphe
me fut donnépar le président dujury, le F.·. Pigault
de Maubaillard.
« Votre charmant cantique, le Portrait du Franc
« Maçon, me disait le F. .. Pigault, avait obtenu l'ac
« cessit; mais il a dû êlre écarté du concours, en
« vertu du programme qui dit qu'on ne pourra con
« courirpour plusieurs prix,àpeine d'être déchu du
«C COICOUlIS. )
Je produis (sous le n° 1) des pièces justificatives,
la pièce couronnée, qui certes ne nous fait pas des
- 49 -
cendre des Maçons constructeurs ; car j'y prouve
que l'ordre maç.. ne doit pas plus sa naissance à
des manouvriers que l'ordre de la Jarretière ne
doit la sienne à des tisserands.
Quant au cantique, ilfutgravépar le F.-. Paccini,
souv.°. P.°. R.*. 3é, qui était membre du souv..
Chap... de l'Age d'or. Voici ce cantique :
De Titon a-t-on vu l'amante,
Aux bords de l'Orient vermeil,
Semer sur les pas du soleil,
Et le jasmin et l'amaranthe;
Sous d'aussi brillantes couleurs,
Telle on voit la Maçonnerie
Répandre les plus belles fleurs
Sur la carrière de la vie,
Frères ! pour la chanter, secondez mes accents.
UNE VOIX,
NOS travaux Sont Secrets, comme ils sont innocents,
CHOEUR.
N0S travaux SOnt Secrets, comme ils sont innocentS.
L'ami de Mécène et d'Auguste,
Dictant aux Romains ses leçons,
Fit le portrait des Francs-Maçons
En peignant le sage et le juste.
A l'abri d'un monde agité,
Au sein d'une aimable innocence,
Son code est la fraternité,
Sa devise la bienfaisance,
Frères ! pour la chanter, secondez mes accents.
UNE voix.
Nos travaux sont secrets, comme ils sont innocents.
CHIOEUR.
Nos travaux sont secrets, comme ils sont innocents.
/
– 50 -
Dans le silence et le mystère,
Goûtant le bonheur le plus doux,
Et ne craignant point lesjaloux,
Ils saventjouir et se taire.
Ovous ! qui connaissant le prix
Et du mystère et du silence,
Exigez de vos favoris
Une indiscrète confidence,
CesSez, jeunes beautés, des efforts impuissants.
UNE VOIX.
Nos travaux sont secrets, comme ils sont innocents,
CIHOEUR.
Nos travaux sont secrets, comme ils sont innocents.
XXIX
L.°. d'adoption dans la R.·. L. .. de l'Age d'or, pour
célébrer le succès de son premier surveillant.
Ainsi que l'avait décidé la R.°. L.'. Saint-Louis
des Amis réunis, celle de l'Age d'or voulut célébrer
le triomphe de son premier surveillant avec solennité.
Elle décida que le prix qui m'était décerné me serait
remis dans une L. .. d'adoption,à laquelle le G. .. O. .
serait priéd'assister,en se faisant représenter par une
commission prise dans son sein.
Les LL.·. de Paris furent aussi invitées à s'y faire
représenter.
La tenue fut des plus brillantes.
On lut d'abord le discours couronné; puis le canti
que du Portrait du Franc-Macon fut chanté par le
- 54 -
F. Nourrit, artiste du grand Opéra, dont la voix fut
couverte d'un tonnerre d'applaudissements.
Le même artiste chanta ensuite les couplets suivants
que j'avais composés à l'honneur des SS.-., qui
avaient bien voulu embellir cette fête, et dont il avait
lui-même composé la musique :
Frères et sœurs,vous saveztous comment
Eve enivra,jadis le premier homme;
Onvous l'a dit : dans unjardin charmant
Au Père Adam elle offrit une pomme.
Cette pomme se trouve encor
Dans les jardins de l'âge d'or.
Au mont Ida, quand le berger Paris
lEut décerné le prixà la plus belle,
Pour le payer, la reine de Cypris
Lui fit goûter de la pommeimmortellé .
Cette pommesetrouve encor
Dans lesjardinsde l'âge d'or.
Eden, Ida, n'ont changéque de nom,
Dansces bosquets lapomme nous rassemble.
Mais et Vénus et Minerve etJunon
Sans se bouder s'y rencontrent ensemble.
Plaisir des dieux segoûte encor
Dans les jardins de l'âge d'or.
A peine ce chant fut-il terminé, que le tronc de
bienfaisance circula sur les deux climats. Personne ne
se priva du plaisir de faire une bonne action, et la re
cette fut abondante.
Sensibleauxmarquesde bonté quem'avaient données
- – 52 -
les TT... CC. .. SS... de la R. .. L. .. de l'Age d'or,
je voulus leur en témoigner toute ma reconnaissance.
Jefis une étude sur cette question :
« Quelle influence la Maçonnerie doit-elle exercer
sur l'état social de la femme?»
(Pièces justificatives, n°2)
J'ose dire à peine avec quelle joie, avec quel bon
: heur cette pièce fut accueillie. Dans la première L. .
d'adoption quifut donnée par la R. .. L.°. de l'Age
d'or, toutes les SS...me tendirent la main pour me re
mercier, et les batteries les plus chaleureuses m'expri
mèrent la satisfaction de la L. .
Cependant mes cccupations profanes ne me permi
rent pas de cultiver la Maçonnerie comme je l'aurais
désiré. Chargé, comme entrepreneur général, du ser
vice destransports militaires et obligé de m'absenter
souvent, je ne pouvais fréquenter ni ma L. ., ni le
G. ..O. ., ou, d'ailleurs, il ne se passe rien de remar
quable, si ce n'est la suppression des LL.. Provin
ciales, qui fut prononcée en 1810
L'année suivante, le G. .. O. .. décida que le refus
d'admettreles Israélitesdans lesAtel...Maç... étaitcon
traire à l'esprit et aux Statutsgénéraux de la Maçon
nerie.
En 1814, le G.*. O. .. vit tarir les sources de sa
prospérité, à raison des événements politiques, et la
L-*. de l'Age d'or se mit en sommeil, ainsi que beau
coup d'autres Atel.'.
– 53 -
XXN
Nomination en 181-1 de trois grandls Conservateurs
pour remplacer le roi Joseph, Grand Maître de
l'Ordre maçonnique.
Le roi Joseph, Grand-Maître de la Maçonnerie fran
çaise, ayant été obligé de quitter la France, ainsi que
sa famille, on convoqua une assemblée extraordinaire
du G.°. O.°., dans laquelle on nomma grandsConser
vateurs de l'Ordre les FF...Magdonald,ducdeTarente,
le comte de Beurnonville, ministre d'État et pair de
France, et le comte de Valence, lieutenant général et
pair de France.
XXXI
Introduetion en France du rite de Misraïm par les
Frères Bedlarride.
C'est dans ces circonstances qu'un officier d'état
major, qui, pendant les campagnes d'Italie, s'était
procuré une collection de grades égyptiens, voulut
en doter son pays, ainsi que nous l'avons dit dans
nos études historiques; c'était le F... Bedarride.
Ilconvoquaà ceteffet quelquesMaçons desplusdistin
gués: c'étaient les FF... Muraire, président de la Cour
decassation et G.-.Off. du Gr.*.O.*.; le F*.· Larrey,
médecin de l'Empereur, mon compatriote et mon ami;
le F. .. Thory, auteur de l'IIistoire du G. .. O. .. de
- 54 --
France. Je me joignis à ces honorables FF.,pour
prendre connaissance desdocuments précieux qui nous
étaient annoncés, comme devant dissiper les pro
fondes ténébres qui couvraient la véritable Mac. .;
et nous faire connaitre les véritables principes maç..,
dont nous ne nous doutions pas, principes que les
hommes les plus honorables de l'antiquité avaient,
nous disait-on, pratiqués.
Le rite qu'on nous annonçait était le rite de Mis
rain.
Atravers les mystèresdont s'enveloppaient lesimpor
tateurs de ce rite, nousfinîmes par reconnaître que les
frères Bedarride (c'était le nom des importateurs)
avaient fort adroitement copié les cahiers de laMaçon
nerie égyptienne, qui avaient étéimportés en Grèce et
de là en Italie.
Toutefois, nous nousy ralliâmes, et je commençais
à y attacher une certaine importance, lorsqu'un évé
nement funeste me força de m'éloigner de la Franc
Maçonnerie pourplusieurs années (1).
(1)J'avais eu le malheur de me charger de la fourniture des four
rages aux troupes d'occupation,aucommencement de 18t6. C'était une
nourriture de cinquante mille chevaux. L'année se présentait sous les
meilleurs auspices; le temps fut superbe pendant les quatre premiers
mois; mais au mois de mai, le ciel s'obscurcit, les nuages s'amonce
lèrent, et despluies torrentielles qui durèrent toute l'année firent périr
toutes les récoltes : le prix du blé monta jusqu'à 70 fr. l'hectolitre.
En vertu du traité, j'avais le droit de quitter le service si les paye
ments stipulés n'étaient pas faits exactement; le cas étant arrivé, jc
voulus user de mon droit : le ministre de la guerre m'en dissuada, en
me promettant dessecours et des indemnités, Des secours furent fournis .
– 55 -
XXXII
Motifs pour lesquels l'auteur entra dans ce rite
avec les FF.°. Muraire, Larrey, ete.
D'autres événements encore plus funestes, tels que
la perte de mafemme et de mes enfants, m'engagèrent
à rentrer dans le sein de la Franc-Maç... J'allai trou
ver les frères Bedarride, qui me reçurent à bras ou
verts, etme conférèrent le89° degré avecpromesse de
me conférer plustard le90° derniergrade du rite.
XXXIII
Motifs qui le lui feront abandonner.
Cette époque arriva vers l'année 1848; on voulut,
avant de me communiquer le 90° degré, me faire si
gner un acte, signé déjà par plusieurs membres, et
mais ils furent directement remis aux sous-traitants, et ils s'élevèrent
à près de six millions.
Il fallut régulariser cette dépense, et le ministre, qui me devait
deux millions,pour solde de mes fournitures, au prix du traité, se
trouva fort embarrassé. '
«Un moyen m'a paru très-simple, dit-il dans son rapport au Conseil
d'État : c'est de porter cette somme au débit de la Compagnie, et de
lui abandonner la somme dont elle se trouvera débitrice, par suite de
cette imputation,à titre d'indemnité. »
Nous réclamâmes contre une telle injustice, qui nous faisait perdre
deux millions. Mais vainement M. Dupin, qui depuis fut sénateur et
qui était notre avocat, répliqua-t-il qu'il ne suffisait pas que le mode
employé par le ministre fût le plus simple; qu'il fallait encore qu'il
fût le plus juste; la décision ministérielle fut maintenue,
- -------- ------------------ --
- 56-
dans lequel on reconnaissait à MM. Bedarride une
créance sur l'ordre d'une somme de 80,000 fr. qu'ils
auraient avancée, pour se procurer les cahiers et orga
niser le rite.
A la même époque, un de nos F. ., ex-officier re
traité, mourut, ne laissant pas à sa veuve de quoi
pourvoiraux frais de ses funérailles.
Ayantvainement demandéà M. Bedarride, qui en
caissait toutes les recettes, devenir au secours de cette
veuve, nous nous séparâmes, au nombre de quarante,
deM. Bedarride, et nous voulûmes fonderunegrande
L. .. nouvelle, sous le titre de G. .. O. .. des Vallées
égyptiennes.
Nous demandâmesà M. le Préfet de police l'autori
sation de nous réunir sous ce titre.
M. le Préfet accueillit notre demande avec une ex
trême bienveillance; mais ses bureaux nous firent ob
server qu'une concurrence est toujours dangereuse, et
l'un des membresdu bureau nous rappela ce qui s'était
passé en 1774, entre la Grande L. .. de France et le
G. ..O. ., et il nous donna le conseil de nous rallier au
G..O. .. de France,plutôt que de nous exposer à de
pareilles tribulations.
XXXIV
Création de la It.... L. .. Jérusalem desVallées
Egyptiennes, par l'auteur.
Nous suivîmes ce conseil, et nous oblînmes sans
- 57 -
difficulté des constitutions sous le titre de L. .. Chapi
trale Jérusalem des Vallées égyptiennes, en nous
greffant sur la Loge Jérusalem de la Constance, qui
était en sommeil depuis quelques années.
Je fus nomméVén. .. de cette R. .. L. ·., commeje
l'avais été de celle qui faisait partie du rite de Mis
raïm; j'exerçai ces fonctions pendant douze années
consécutives, et je ne les quittai que pour remplir,
dans le sein du G. .. O. ., des fonctions plus impor
tanteS. -
Mais avant d'arriverà cette époque, qui fut celle de
l'avénement du prince Murat, rappelons les tentatives
qui furent faites pour renverser le G. .. O. .. et le rem
placer par cc qu'on appela la Grande L. .. nationale.
XXXV
La Grande L. .. Nationale.
Cette L. ., à qui onvoulait aussi donner le titre de
Loge unitaire, ne devait laisser subsister que les trois
premiers grades symboliques, tout en admettant les
batteries ct les signes écossais, concurremment avec
ceux du rite français, et c'estaumoyen de cette fusion
que les innovateursvoulurent supprimer les hauts gra
des; mais la mort de cette prétendue Loge nationale
suivit de près sa naissance. -
Voici en peu de mots les diverses phases de ce
grand événement : -
Le G. .. O. .. de France, voulant que la représenta
- 58 -
tion maçonnique fût unevérité, avait décidé, le 27 dé
cembre 1847,que les présidentsd'Atel. .. cesseraient de
faire partie de ses assemblées, et que les officiers di
gnitaires n'y auraientplusvoixdélibérative, laissantaux
députés seuls le droit de voter et d'administrer.
La révolution politique de 1848 éclata deux mois
après cette délibération ; alors le G. .. O. ., croyant
que le moment était favorable pour opérer la réunion
et la fusion de tous les rites, convoqua à Paris,parses
circulaires des 12, 17 et 25mars, et 7 avril 1848,
pour le 9juin suivant, les députés de toutes les LL. .
de France, sans distinction de rite ni d'obédience,
avec mission spéciale de faire une constitution basée
sur l'unité et la fraternité maç. .
A cet effet, et pour laisser à chacun son indépen
dance de rite, les pouvoirs donnés étant reconnus ré
guliers, de quelque part qu'ils vinssent, le député élu
devait être admis immédiatement, sans avoir niser
ment ni obligation à prêter.
Ainsi, le G. .. O. ., dans le but louable d'opérer la
fusion et l'unité généralement désirées, ne voulait pas
être lui-mêmeun obstacle à cegrand acte de réforma
tion, et il n'hésitait pasà se mettre à l'écart, pour cé
der sa place auxdéputés constituants. -
Mais voilà que, dusein d'une L. .. de Paris,del'O
bédience du suprême Conseil, part le même cri de ré
forme et d'unité; cette L. .. avait pour titre : Patro
nage des orphelins.
Au lieu de se joindre au G. .. O. ., qui avait pro
clamé les mêmes inlentions et pris l'initiative, cette
L. ., de son autorité privée, invite toutes les LL. .. de
Franceà nommer des députés,pour venir former une
grande Loge nationale, et avançant le travail de cette
grande L. .. nationale, elle pose d'avance les bases de
la constitution à venir.
Ainsi, ce fut une espèce de pouvoir révolutionnaire,
qui se dressa et quis'interposa entre les deuxpouvoirs
existants.
A la L. .. le Patronage des orphelins se réunirent
quatre LL. .. seulement, savoir celle des Trinitaires,
celle des Commandeurs du mont Liban, celle de
l'Étoile de Bethléem et celle de Jeanne d'Arc, de
l'O. ". d'Orléans. Nous devons faire remarquer que ces
quatre LL. .. seules, qui concoururent aux travaux de
la grande L. .. nationale, appartenaient toutes au su
prême Conseil de l'Ecossisme, et que pas une L. .,
pas mêmeun membre duG. ·.O. .. ou de Misraïm, ne
s'y présenta.
Ajoutons, dans l'intérêt de la justice et de la vérité,
que le suprêmeConseil a,par diverses décisions, rayé
du tableau de la grande L... centrale et des contrôles
de l'Ordre, non-seulement les LL.·. qui étaient en
trées en tout ou en partie dans la prétendue grande
Loge nationale, mais encore et nominativement les
FF. .. qui avaient été les instigateurs, et ceux qui
avaientfait partie de cette L. · .
- 60 -
XXXVI --
Belle conduite du G... C. .. et de ses GG.. MIM..,
les FF.*. Bertrand et lDesanlis.
Au milieu de ce débordement de passions extra
maçonniques, que fait le G. .. O. .. de France? Ilpour
suit le projet qu'il avait conçu dans sa sagesse; il ar
rête que tous les rites, toutes les obédiences seront de
nouveau invités, par une nouvelle circulaire, à en
voyer leurs députésà la grande assemblée du 9 juin
1848, déclarant qu'à cette époque il remettra tous ses
pouvoirs à l'assemblée.
Par cet acte, le G. .. O. .,présidé par le F. .. Ber
trand, ancien président du Tribunal de commerce,
l'âme énergique de ce grand acte d'émancipation, en
trafranchement dans la voie de la réforme, et réalisa
lesvœuxforméspar les Maçonsfidèles et consciencieux.
Cette belle conduite arrêta tout progrès de la partde
la prétenduegrande L. .. nationale, qui n'avait d'ail
leurs obtenu que très-peu d'adhérents, dont la curio
sité seule avait été excitée par la nouveauté.
Cette rivalité insignifiantefut écrasée solennellement
dans cette séance du9juin, et dans celle du 15 du
même mois, où le G. .. O. .. résilia ses pouvoirs, en
présence des délégués de plus de deux cents Atel. .
Cette assemblée déclaraprendre la direction de l'ad
ministration maç. ., et elle ajourna à une prochaine
– 6l -
tenue la nomination de lacommission qui serait chargée
de rédiger le projet à discuter de la nouvelle Constitu
tion.
XXXVII
LIDissolution de la prétendue L.°. Nationale.
Quant à la grande L. .. nationale, elle se traîna pé
niblement,de projets enprojets, jusqu'au 15janvier de
l'an 1850, où elle fut dissoute par l'autorité.
Le G. .. O.'., au contraire, continua de remplir sa
belle mission, et non-seulement il oublia les manœuvres
qui avaientété pratiquées dans le but de le détruire,
mais encore il tendit une main secourable à ceux qui
avaientvoulu faire tache à la fraternité.
Je pourrais citer plusieurs faits consignés dans ses
archives; je me bornerai à rapporter le trait suivant.
XXXVIII
Belle conduite du G.°. O.°., qui vient au secours
dl'un des anciens membres de l'Assemblée na
1ionale.
Le 18 mars 1852, un membre de la prétendue
grande Loge nationale,un de ses fondateurs, rédacteur
d'unjournalintitulé : l'Ouvrier Franc-Maçon, adresse
à la maison de secoursune planche ainsi conçue :
– 62 -
« TT. .. CC. .. F. .,
«Toujours donner et ne jamais recevoir, telle a été
«jusqu'à présent ma manière d'agir; malgré la gêne
« oùje me suis trouvédepuis 1848,jamais je n'ai sol
« licité de secours de qui que ce soit. A défaut de tra
« vail suffisant, j'ai cherché et je cherche encore un
« emploi; j'ose même espérer sur votre appui pour
m'en faire obtenir un, si modeste qu'ilsoit.
«En attendant la réalisation de ce vœu, permettez
« moi, TT.·. CC. .. FF. ., de vous exposer, et c'est
« mon devoir, je crois, comme chef de famille, que
« ma femme vient d'accoucher hier de son troisième
« enfant vivant, et que mes ressources sont épuisées.
« Je m'adresse donc franchement à votre bienveillance
«inaltérable, en vous priant de me venir en aide en
« cette circonstance; ma reconnaissance vous est ac
« quise à l'avenir, etc. »
((
La Commission de la maison de secours fit droit à
cette demande, en raison précisément de ce que le sol
liciteur avait été membre de la G. .. L. .. nationale ;
elle retira plusieurs effets du Mont-de-Piété, et lui ac
corda plusieurs sommespécuniaires.
On le voit, le G. .. O. ., fidèle à ses principes, n'y
dérogejamais; il est bienfaisant et juste, il pardonne
et ilfait du bien, mêmeà ceux qui ont voulu lui faire
du mal; c'est en effet la meilleure manière de répondre
à ceux qui cherchent à lui nuire, en calomniant l'Ins
titution.
Maisreprenons notre récit.
– 63 -
XXXIX
Continuation des travaux du C.°. O.°.
Le travail de la Commission, chargée de rédiger un
projet de Constitution, fut communiqué à l'Assemblée
le 2 mai1849, et ilfut décidé qu'il serait discutéheb
domadairement.
Cette décision, nous devons le dire, ne futpas prise
sansuneforte opposition de la part de certains députés
rétrogrades, ennemis des réformes,qui voulaient qu'on
ne s'occupât de cet acteinmportant que tous les quinze
jours; ils espéraient que letemps ferait avorter le projet
proposé.
Une autre difficulté se présenta; la circulaire de
convocation avait été adressée à toutes les obédiences,
avec invitation à chacune d'envoyer des députés. Le
suprême Conseil de l'Écossisme ne s'opposapointà la
mesure proposée; mais il décida que ses députés ne
produiraient et que, dans aucun cas, ils ne consenti
raient à la remise de leur mandat; que seulement ils
en justifieraient par sa présentation.
Quelques députés, appartenant aux LL.. du Su
prême Conseil, demandèrent en effet à être dispensés
de ce dépôt; mais l'Assemblée passa à l'ordre dujour,
dans sa séance du 8 septembre, par le motif tout ra
tionnel que les mandats donnés pour participer à une
Assemblée constituante et législative derraient être
- 64 -
tléposés dans les archives par tous les membres sans
exception.
Comme on le voit, le G.°. O.·., dans cette circon
stance, manifesta, comme il l'avait toujours fait, le dé
sir de réunir toute lafamille maçonnique sous le même
drapeau, et le Suprême Conseil n'avait répondu à ce
vœu que parune arrière-pensée.
Quoiqu'il fût sorti victorieux de ces deux épreuves,
le G.•. O... n'étaitpas au bout de ses tribulations; les
journaux politiques s'occupaient beaucoup de Maçon
nerie; de graves accusations, ne reposant sur aucun
fait, étaient dirigées contre elle, et chaque jour des
Atel. .. étaient ferméspar l'autorité.
Alarmés de cette situation, des FF... zélés eurent
accès auprès du bureau du ministère de l'intérieur,
chargé de la police générale; ils furent assez heureux
pour intéresser le chef de ce bureau. Grâce à leurs
soins, laplupart des Atel.'. suspendus furent remis en
activité, et s'ils n'obtinrent pas la reconnaissance for
melle de l'Institution par le Gouvernement, du moins
obtinrent-ils une protection spéciale. Le 50 octobre
1850, le ministre de l'intérieur adressaauxpréfetsune
circulaire, où il est dit « que la Franc-Maçonnerie,
« Institution humanitaire etde bienfaisance, avait droit
« aux sympathies du Gouvernement, et qu'on ne de
« vaitfrapper les LL.°. que dans des cas extrêmes, et
« seulement après en avoir donné avis auMinistre, qui
« en préviendrait le G. .. O ., seul régulateur et di
« recteur de l'Ordre. »
Néanmoins, les ennemis de l'Ordre Maçonnique n'en
- 05 -
continuèrent pas moins leurs attaques. Peu de jours se
passaient sans qu'on apprit la suspension de quelques
LL. .. ou l'arrestation de quelques FF. .. Les LL. .. des
Fils d'Adam,O. .. deVilleneuve-sur-Lot; la Parfaite
Union, O. .. de Douai ; la Fidélité, O. .. de Lille ;
l'Humanité,O. .. de Montargis; l'Amitié fraternelle,
O. .. de Bourg; la Persévérante Amitié, O. .. de Ca
lais, furent frappées de suspension, presque en même
temps, sans information, sans avis préalable, et sans
qu'on pût alléguer aucun fait.
Sous le rapport des personnes qui furent arrêtées,
nous ne citerons aucun nom; nous nous bornerons à
dire qu'un F. .. de Lyon, caissier d'une maisonimpor
tante, homme déjà âgé et d'une probitéirréprochable,
fut arrêté avec plusieurs F'F. .. non moins honorables
que lui, parce qu'on avait trouvé leurs noms inscrits
sur un tableau, et qu'on assimilait leur L. .. à une
société secrète. ..
XL
Attaquesviolentes desjournaux contre les Franes
Maçons.
Cette position désastreuse pour la Franc-Maçonnerie
s'aggravait dejour enjour, et le danger qui la mena
çait devintplus sérieux,à raison de deux circonstances
que nous croyons devoir relater.
Lapremière, ce fut les attaques furibondes des jour
naux, se disant conservateurs légitimistes et religieux,
5
– 66 -
tant de Paris que des départements; on concevra la fu
reur dont ces feuilles étaient animées, lorsque nous au
rons rappelé que lejeudi 18décembre 1851, le Cons
titutionnel disait « que la France avait eu, pendant
« soixante ans, le malheur et la honte d'être la proie
« des LL. .. maçonniques, des clubs et des sociétés se
« crètes.. »
La seconde,cefutun arrêtéduministre de laguerre,
portant « que tout individu, quelle que fut sa qualité,
« qui sêrait trouvé dans une réunion, club ou associa
«tion,tendantà organiser une résistance quelconque
« augouvernement, ou à paralyser son action, serait
« considéré comme coupable d'insurrection et livréim
« médiatementà un Conseil deguerre. »
Alarmés des vociférations des journalistes, et chargés
par leur mission des mesures d'ordre qui leur étaient
prescrites, sans désignation précise, et quiconfondaient
la Maçonnerieavec les sociétéssecrètes, les Préfets prirent
denouveau,dansbeaucoup de départements, des arrêtés
quiforçaient les LL. .. à se dissoudre elles-mêmes, et
la question de savoir si le G. .. O. .. serait définitive
mentdétruit, ou simplement toléré, fut mise à l'ordre
dujour dans les régions du pouvoirsuprême.
C'est dans ces circonstances graves que les amis de
la Franc-Maçonnerie, ceux qui la portaient véritable
ment dans leur cœur, cherchèrent le moyen de la sau
ver. Ils n'en virent qu'un seul, celui de mettreà la tête
de l'Ordre unMaçon qui fut lié augouvernement,et qui
eut sa confiance.
- 67 -
XLI
Leprince Lucien Murat.
Leursyeux se portèrent soudain sur le prince Mu
rat, dont le père avait laissé de hauts témoignages de
son attachementà la Franc-Maçonnerie. Ce prince pa
rut auxamis de l'Ordre Maç. ·. commeun bouclier que
la Providence leur envoyait pour la préserver du coup
dont elle était menacée.
Le princeMurat(Lucien-Napoléon François) était né
à Milan le 16mai 1805; c'était le second fils de Joa
chim Murat, qui, quelque temps après la naissance de
Lucien, fut nommé Grand Maître adjoint de l'Ordre
Maç. .. en France, et qui, plus tard, devint roi de
Naples.
XLII
Manière extraordinaire dont il fut reçu Franc
Maçon.
La manière dont le prince Lucien avait été reçu
Franc-Maçon est trop extraordinaire pour que nous
nous dispensions de la raconter.
Après la mort tragique de son père, lejeune Lucien
suivit sa mère en Autriche, où il resta jusqu'en 1822,
époque où il rentra en Italie.
Il étaitàVenise en 1851,lorsqu'il se décidaà passer
- 68 -
en Amérique, pour allery rejoindre son frère Achille,
et son oncle Joseph, ex-roi d'Espagne et toujours
Grand Maître de l'Ordre Maç. .. en France.
Son vaisseau fit naufrage sur les côles d'Espagne,
et ilfut faitprisonnier.
Parmi les passagers qui se trouvaient sur le même
vaisseau, quelques-uns avaient reçu la lumière maç. .,
et tout en se donnant garde de se livrer à aucun tra
vail mystérieux, ils ne craignaient cependant pas de
parler de la Franc-Maçonnerie.
Le prince Lucien n'était pas initié, mais il brûlait
du désir de voir la lumière, afin de pouvoir se présen
ter et se faire reconnaître pour tel par son oncle le
Grand Maître.
Mais ses compagnons d'infortune étaient trop pru
dents pour répondre à ses désirs, dansun pays où les
lois les plus sévères menaçaient la vie des Francs-Ma
çOnS.
Les compagnons du prince Murat nepouvaient donc
pas,sansse compromettre, songerà lui donner l'initia
tion, dans un pays où ils auraient mis en danger leur
vie et la sienne. En 1825,sept FF. .. ayant été surpris
à faire une réception dans la ville de Grenade, avaient
été saisis, envoyés en jugement, condamnés à mort et
exécutés. ' .
A Barcelonne, une L. .. composée de Français et
d'Italiens ayant été découverte, le Vén. .. avait été misà
mort, et les autres FF... envoyés auxgalères.
Laseule chose qu'obtint le prince Murat de ses com
pagnons, fut qu'ils lui donneraient l'initiation à lapre
– 69-
mière occasion où ils croiraient pouvoir le faire sans
danger.
Ce moment arriva. La Lumière lui fut donnée, dans
un endroit retiré, sous le voile de la nuit, en face du
ciel qui seul éclairait l'horizon, et de Dieu qui l'enten
dait. Le princeprononça le serment d'être fidèle à l'or
dre, et il a tenu parole.
X]LIII.
Son éleetion à la dignité de G.·. M.·., le
9 janvier 1852e.
C'est vers ce digne Maçon qu'au milieu des dangers
qui menaçaient la Franc-Maçonnerie , les hommes
de cœur qui voulaient la sauver tournèrent leurs re
gards; et le 9janvier 1852, l'Assemblée du G. ..O. .,
convoquée spécialement et composée de 152 députés,
acclamaà l'unanimité, etvota l'élection du prince Mu
rat à la dignité de Grand Maître de la Maçonnerie
française. --
Le prince accepta les hautes fonctions qui lui étaient
offertes, mais ce ne fut qu'aprèsy avoir été autorisé
par le prince Louis-Napoléon, alors Président de la
République.
Il n'était élu que pour cinq ans; mais, en 1858, le
prince voulut qu'au lieu d'être nomméà vie, comme
le demandaient avec enthousiasme tous les menbres
de la Constituante, les pouvoirs du Grand Maître ne
fussent que de sept ans, fatale résolution qui a placé
l'institution sur les bords d'un précipice.
– 70 -
Mais le danger futur ne fut pas aperçu; on ne vit
que le moment actuel.
On peut se faire une idée de l'enthousiasme que
produisit cette nomination qui fut confirmée par le chef
de l'État, par cette seule observation que si le prince
Murat n'avait pas été nommé, la Maçonnerie courait
les plus grands dangers.
Parmi les paroles éloquentes qui furent prononcées
après cette nomination, on entendit ou du moins on
lut les suivantes :
« Gloire à ceux qui, dans cette circonstance, ont su
« se placerà la hauteur que leur faisaient la dignité et
« le péril de la Maçonnerie (1); elle leurdevrasa con
« servation en France. »
XLIV.
Premier acte du G... M.*.
Lepremier acte du nouveauGrand Maître futun acte
de bienfaisance. Le 51 janvier, on donna une fête au
profit de la Maison de Secours; le Grand Maître en
accepta le patronage ety assista avec toute sa famille,
assuré qu'il était que cette circonstance amènerait
dans le sein de cette réunion l'élite de la sociétépari
sienne, ce qui eut lieu, en effet, au delà de toute es
pérance.
(1) Revue maçonnique, n° 155, p, 22
NLV.
----------------------
Installation du G.°. M.*.
Ce premier acte accompli, on s'occupa de l'installa
tion du Grand Maître. Letemple de la rue Neuve-des
Mathurins-Saint-Jacques n'étant pas assez spacieux
pour une si grande solennité, la belle et vaste salle
Barthélemy, rue du Château-d'Eau, fut choisie et re
tenue pour le 25février.
Les rues qui y aboutissaient furent encombrées de
voitures.
La salle, décorée de riches tentures de velours aux
couleurs rouge et orange, offrait un coup d'œil ma
gnifique; des lustres étincelants, disposés avec goût,
répandaientune lumière féerique; un dais magnifique
s'élevait au-dessus de l'autel, et derrière ce dais se dé
tachait une forêt de lumières, dont les devises et les in
scriptions rappelaient quelques-unes desidéesphilan
tropiques et libérales que professe la Maçonnerie.Trois
mille maçons représentant quatre cents At.°. de la
Correspondance, attendaient l'ouverture des travaux.
A cette époque, le G.°. O. .. entretenait des corres
pondances avec les obédiences étrangères, et les repré
sentants de ces obédiences, qui avaient été invités à
cette fête, s'y étaient rendus en grand appareil.
« Depuis longtemps, dit le Journal de la Vraie
« Lumière (10 mars 1852), on n'avait donnéune
« fête aussi brillante, aussi splendide; jamais peut-être
-72 -
« la Maçonnerie française n'avait vu une siimposante
« cérémonie. »
Plusieurs journaux, le Siècle, la Presse, le Moni
teur, le Constitutionnel lui-même firent de cette
séance mémorable la description la plus brillante.
Voici ce qu'on lit dans le Moniteur du 7 mars, après
avoir donné la description des préparatifs, telle que
nousvenons de l'expliquer :
« La séance d'installation s'est ouverte à4 heures,
« sous la présidence de M. Berville, premier avocat
« général de la Cour d'appel de Paris, Grand Maître
« adjoint de l'Ordre maçonnique en France, et a duré
« près de trois heures.
«M. Berville a installé le prince Lucien Murat en
« qualité de Grand Maître, et M. Bugnot, en qualité
« de Président du G ·. O. .
« L'allocution du prince Lucien Murat a principale
« ment captivé l'attention et entraîné les applaudisse
« ments de tout l'auditoire, par les pensées éminem
« ment philosophiques qu'elle renfermait, et par
« l'avenir de calme, de garantie et de protection de
« la part du gouvernement qu'elle assure à la Ma
« çonnerie. »
Ce qui se proclamait au sein de la capitale retentis
sait aussi dans les OO. .. les plus éloignés; Marseille
surtout éprouva l'élan électrique quiparcourait toute la
France. Les principales LL. .. se réunirent à la voix
du président des Che. .. Kad. ., en tenue solennelle, le
14 mars 1852, et la brillante allocution que le chef
prononça renfermait ces paroles chaleureuses :
– 73 -
«Ceque le Prince Murat sera pour la Franc-Maçon
« nerie, ses actes et sesparoles l'indiquent.
« Ses actes :pouvons-nous oublier qu'à peine sa
« nomination était signée, il s'unissait à nos manda
« taires dans un acte de bienfaisance et de charité?
« Ses paroles :vous avez écouté avec attendrisse
« ment, avec sympathie, cette nouvelle déclaration où
la foi maçonnique, danstoute sa pureté, est relevée
par la plus élégante expression. »
A l'installation du prince G.°. M.°. succéda la visite
des députations desAt... de toute la France; cette vi
site futune nouvelle occasion de cimenter l'union des
cœurs entre l'Élu et les mandants,par l'effusion quiy
régna, par les paroles quiyfurent échangées.
Cette réunion rendit ceux qui en furent les témoins,
et nous fûmes de ce nombre, heureux de voir la Ma
çonnerie placée sous la direction d'un maçon éclairé,
ferme et puissant, d'un Maçon qui sera entre l'Institu
tion et le Gouvernement le trait d'union, donnant à
l'un la confiance, à l'autre la force nécessaire au déve
loppement de ses principes.
Nous verrons, dans la 4° partie, comment le prince
Murat, après avoir réalisé les espérances qu'il avoit
fait concevoir, en fut récompensé à l'expiration des
sept années.
QUATRIÈME PARTIE.
XLVI.
Motifieation à toutes les puissanees maç.. de l'avè
nement duprince Murat à la dignité de G.-. M.-.
de la Maçonnerie française.
Le premier soin duT. .. Ill... G. .. M... fut de no
tifier son avènementaux nombreuses obédiences étran
gères, avec lesquelles le G. .. O. .. était en relation; la
lettre de notification fut adressée à 45 GG.•. LL.•. ou
GG. ..OO.. étrangers,presque tous répondirentà cette
notification, par l'assurance d'une franche cordialité.
XLVII.
Projet duG. .. M. .. d'élever un Temple appartenant
à la Maçonnerie française.
En même temps, l'Ill... G. .. M.-. voulut réaliser le
plus cher de ses vœux, et le 14mars 1852, il adressa
à toutes les LL.. de sa correspondance la lettre sui
Vante :
« TT... CC. .. FF...,
« Nouspensons que le premier objet sur lequeldoit
- 76 -
« se porter notre attention , c'est l'érection, à Paris,
« d'un Temple digne de la Franc-Maçonnerie, digne
« de la France.
« Le G. .. O..., représentant de la Maçonnerie
« françnise, doit en effet avoir à lui un local assez
« vaste pour contenir le nombreux personnel créépar
« la Constitution, ainsi que les visiteurs attirés par
« l'importance de ses travaux; il faut qu'il puisse di
« gnement recevoir les Grands Dignitaires de l'État,
« qui s'honorent d'appartenir à la Franc-Maçonnerie,
« et ceux qui ont fait espérer leurprochaine coopé
« ration; il faut aussi que nos solennités soient célé
« brées chez nous, et non plus dans des locaux qui
« gardent encore l'écho d'une profane joie. »
Ainsi le besoin qu'avait la Maçonnerie française d'un
Temple qui serait sa propriété, fut la première pensée
duG. .. M.·.,pensée qui devait être féconde en si beaux
résultats.
Le suprême Conseil de l'Écossisme avait aussi senti,
en 1848, combien était précaire l'existence d'une in
stitution, qui n'avait pas un local, en toute propriété ;
il s'était occupé des moyensdeparerà cet inconvénient;
mais il n'avait pas pu réussir, parce qu'il n'existait
parmi ses membres aucun Maçon qui voulut s'engager
personnellement.
La même difficulté avait existé pour le G. .. O.-.,
lui-même, qui organisé sur des bases moins aristocra
tiques, que le suprême Conseil, se trouvait, en outre,
----- ------------------------
- 77 -
- ----
-
----
depuis un demisiècle, privé d'un chef, en telle sorte,
que le pouvoir appartenait à tous, c'est-à-direà per
SOIlIG,
Il n'en futpas de même lorsque le prince Murat eut
été nomméGrand Maître; entièrement dévouéà l'insti
tution qu'il allait diriger,ilsentit qu'une des premières
bases de sa stabilité, c'était d'être chezsoi, et, dès les
premiers instants qui suivirent son installation,il s'oc
cupa du soin de faire acheter un local.
XLVIII.
Achat d'un local pour un IIôtel maçonnique.
L'hôtel d'un ancien maréchal de France, situé rue
Cadet, près le faubourg Montmartre, fut proposépour
le prix de 400,000fr.; mais bientôt, sous un prétexte
frivole, ceprix fut augmenté de 50,000fr. Voici sous
quel prétexte.
Le G... O. .. n'avait pasune existence légale, n'é
tantpas reconnupar l'État ; il fallut vaincre cette diffi
culté, et dans la séance du 20juillet 1852,le G. .. M.-.
qui vint présider en personne, porta un projet d'acte
ayant pour but de créer une Société civile, pour l'ac
quisition de l'hôtel précité, et de l'approprier à sa
destination. -
Ce projet fut adoptépar l'Assemblée, et converti en
acte public le 28 août suivant. -
- 78 -
Le vendeur ou plutôt l'entremetteur de cette vente
profita de cette circonstancepour augmenterde 50 mille
francs le prixprimitivement proposé, et l'on dût céder
à cette exigence.
Le Prince G.°. M.°. se rendit garant du prix, et les
travaux commencèrent immédiatement. Nous enferons
connaître le résultat admirable, après avoir relaté les
opérations importantes dont la sollicitude du Prince ne
cessa de s'occuper, pour donner au Temple toute la
régularité et toute la splendeur qui lui étaient né
cessaires.
XLIX.
Convent constituant.
Le second acte du Prince G.°. M.'. fut la convoca
tion d'une Assemblée constituante.
Il avait déjà adresséà toutes les LL. .. de la corres
pondance, le 1er mai 1852, une circulaire dans la
quelle il déclarait n'avoir accepté les hautesfonctions
dont il était revêtu, que dans le but d'être utile à l'ins
titution, et persuadé qu'il devait continuer d'agir dans
ce sens, il convoqua, parun décret en date du 15 du
même mois,un Convent constituant, dont le but était
d'assurer aupouvoir dirigeanttous les moyens d'action
dont il avait besoin,pour le mettre en harmonie avec
les justes désirs des Atel.., soit de Paris, soit des dé
partements.
- 79 -
Le Convent constituant se réunit, et le 28 octobre
1854,ilvota les dispositions suivantes :
« Art. 1°. Le G.°.O. .. de France, suprême Conseil
« pour la France et les possessions françaises, est
« composé :
« 1° D'un Grand Maître;
« 2° D'un Conseil du G. .. M. .;
« 5° D'une Assemblée législative.
« Art. 2. Le Grand Maître est le chef suprême de
1'Ordre.
« Art. 5. Le Conseil du G. .. M. .. ne peut prendre
« ni décision, ni arrêté, sans l'approbation du G..
« M.*..
« Art. 4. L'Assemblée législative qui se compose
« de tous les Présidents d'Atel.·., et qui se réunit tous
« les ans, le lundi de la Pentecôte, appure les comptes,
« arrête le budget des recettes et dépenses, et s'occupe
« généralement de toutes les affaires et de toutes les
« questions qui intéressent la Maçonnerie, dont le G. .
« M.". la saisit. »
Telles furent les bases de la Constitution qui fut
votée et proclamée par le convent constituant, qui
réserva à lui seul le droit de les changer ou de les
modifier.
Ce Convent fut terminéparun banquet qui réunit
la société la plus brillante, et dans lequel se fit enten
dre etfut écoutéavecune extrême bienveillance lecan
tique suivant de notre composition :
- 80 -
LE PROGRES MAÇONNIQUE,
BYMNE AVEC CHŒUR,
A l'occasion du Convent Maçonnique constituant de 1854.
PREMIÈRE STROPHE.
De ses brillants rayons quel astre nous éclaire !
Après de longues nuits, quel éclat radieux !
D'où partent ces faisceaux, ces torrents de lumière
Dont la clartévient éblouir nosyeux.
CHOEUR :
Salut! soleil sacré de la Maçonnerie !
Tu les a dissipés ces nuagestrompeurs,
Qui,pour nous déroberta lumière chérie,
Nous inondaient de leurs froidesVapeurS.
DEUXIÈME STROPHE.
Maîtres! l'illustre chefde notre ordre sublime
Rassemble,pour l'aider dansses nobles travaux,
Etpour le seconder dans le but qui l'anime
Les ouvriers et les matériaux.
CHoEUR:Salut! etc.
TROISIÈME STROPHE.
Pour son pouvoirsoumis aux lois de la sagesse,
A lasagesse même il demandeun appui (1);
Frères ! qu'autour de lui chacun de nousse presse!
Rendons-le fort, nous le serons par lui.
CHoEUR : Salut! etc.
(1) Moyens d'action à donner au pouvoir dirigeant.
- 8l -
QUATRIÈME STROPHIE.
Msesyeuxtolérants tout Maçon estun frère
Pourqu'un dogme sidouxsoitune vérité,
Il veut, les ralliant soussa noble bannière,
De tous les ritsproclamer l'unité (1).
CHoEUR :Salut! etc.
CINQUIÈME STROPHE.
Des Maçons malheureux il veut sécher les larmes (2);
Quela mort ne soit plus leurunique recours;
Que la lei, dissipant detrop justes alarmes,
Protége enfin l'asile et le secours.
CHOEUR :Salut, etc.
SIXIÈME STROPHE.
Mpôtres vénérés de la Maçonnerie,
Vous aurez couronnédignementvostravaux
Sivous hâtez lejour où dans notre patrie
Le monde entier groupera ses drapeaux (3).
CHOEUR : Salut! etc.
SEPTIÈME STROPHE.
Gloire à Dieu!gloireà Dieu! que ce cri retentisse
De notre âgeà celui de nos derniers neveux!
GloireàDieu! bénissons, adorons sajustice :
Ila comblé notre espoir et nos vœux.
CIHOEUR :
Salut!soleil sacré de la Maçonnerie !
Tu les as dissipé ces nuagestrompeurs,
Qui,pour nous dérober ta lumière chérie,
Nous inondaient de leurs froides vapeurs
(1) L'unité des rites désirée par tous les Maçons.
(2)Société de secours mutuels des Enfants de la Veure.
(3) Congrèsuniversel de 1825,
4
---------- *
Congrès universel.
Deux peuples longtemps ennemis venaient de ci
menter de leur sang,sur le champ de bataille de laCri
mée, une alliance qui existait, sinon entre les gouver
nements, dumoins entre cette portion des deuxpeuples
qui pratiquait depuis un siècle et demi le douxprin
cipe de la fraternité maç.".
Le gouvernement français venait d'inviter les di
verses industries des deux mondes à se réunir dans le
palais que la France venait de leur consacrer dans les
Champs-Élysées.
Une grande pensée vint s'emparer de moi : quelle
belle occasion de réaliser le vœu que j'avais émis dans
Mes Études historiques (chap. V)de réunir les députés
de toutes les Obédiences de la Maçonnerie , existant
sur les deux hémisphères !
Je soumis au prince Grand Maître cette idée, qui
pouvait être si féconde en grands résultats. Je lui écri
vis, le 5 juillet 1854, une lettre dans laquelle je luidi
sais qu'à ce congrès maçonnique universel pourrait
être soumise la révision, préparée d'avance,desCahiers
de tous les grades maç.. rectifiés, afin que,semblable
au soleil qui répand une lumière unique sur toute la
terre, la Maçonnerie n'eût aussi qu'un seul Rituel,un
seul mode pour la diriger.
Le prince G.*. M... accueillit mon idée avec em
---- - - - a - -- a - - - -----
– 83 -
pressement, et le 12 du même mois de juillet, il me fi
adresser la lettre suivantepar son Secrétaire :
« T. ·. C. .. F. ·• y
« Votre lettre du5 de ce mois que je viens seule
« ment de recevoir, ne nous estparvenue qu'ici (Trou
«ville). Le prince Grand Maître vous prie, pendant
«votre voyage aux Pyrénées, de préparer, si vous en
« avez le temps, le projet de mise à exécution de la
«proposition que vous lui avez faite, de réunir un
« congrès maçonnique universel à Paris. Sa date
«pourrait coïncider avec la fête de l'Ordre de 1855.
« Le prince sera de retour à Buzenval dans les pre
« miers jours de septembre, et si vous voulez m'infor
« mer devotre retour, je pourraivousinformer du mo
« ment où vouspourrezvoir Son Altesse.
« J'espère aussi que vos efforts vont être couronnés
« de succès, et que,souspeu de jours, degrandes me
«sures seront prises pour assurer à notre Ordre cette
«splendeur que nos ennemisveulent lui enlever.
«Croyezà mes sentiments affectueux et fraternels.
« Signé : CLAUDE. »
Je m'occupai du travail que j'avais conçu pendant
les deux mois que je passai aux Pyrénées. Rentré à
Paris au commencement de septembre, j'adressai au
prince une lettre dans laquelle je lui annonçais quej'a
vais préparéet que j'étais prêt à lui remettre :
- 84 -
1° Le projet de décret portant convocation d'unCon
grès maçonnique universel ;
2° Leprojet d'un autre décret portant création d'une
Commission chargée de dresser le programme du Con
grès;
5° Le projet de lettre à adresser à tous les GG.'.
O0.·. etGrandes LL. .. étrangères; -
4° La nomenclature de toutes ces GG.". LL.°. et
GG.·.OO. . -
Une nouvelle lettre du F. .. Claude me fit savoir que
le prince se rendraità Paris le lendemain, et qu'il me
recevrait dansson hôtel de la ruedeTivoli,à dixheures,
ou bien à trois, dans l'hôtel duG. .. O. .
Je me rendis rue deTivolià l'heure indiquée, et, là,
je dis au prince que le but de mon idée était de propa
ger sur les deux hémisphères, au moyen du congrès
projeté, et lesprogrès acquis, et ceuxà acquérir encore,
en faveur de la fraternité et de l'humanité.
Le prince me dit qu'il avait donné son assentiment
à toutes mes propositions. Le décret fut en effet rendu
et envoyé à toutes les GG. .. LL. .. et GG. .. O0.·.
étrangers.
DixGG. ..OO. .. répondirentà cet appelen envoyant
des députés. Vingt-deux FF.*., qui étaient en grande
partie membres du Conseil duG. .. M. ., firent partie
de la réunion. Le Congrès s'ouvrit sous la présidence
de prince Grand Maître, qui, dansune allocution aussi
fraternelle que savante, prononça ces paroles remar
quables : -
– 85 -
« MM.-. TT... CC... FF..., nous allons travailler
« en commun; nous allons chercherà détruire quel
« quesimperfections, qui se sont glissées dans notre
« Ordre; et quelle institution n'en a pas? Faisons-le
« sous l'inspiration de cette pensée, qu'on n'obtient
« de véritable amélioration, de véritable progrès,
« quepar des mesures sages, bien mûries et bien in
« diquéespar l'expérience: nous arriverons ainsià ce
« que nous souhaitons tous ardemment : le bien. »
Les FF... De Rosenthal, député des Pays-Bas,
Donoughmore,député d'Irlande, Maccoucan, d'Écosse,
Dinuviddé, de Richmont (États-Unis), prirent succes
sivement la parole, et leurs discours, empreints de la
plustouchante fraternité, exprimèrent cette noble assu
rance,que les LL.·. et OO.*. étrangers, dont ils étaient
les organes, s'unissaient de cœurà toutes les pensées,à
tous les vœux, à tous les efforts duG.°.O... de France
pour augmenter *a prospérité de notre belle Institu
tion.
Le Congrès nomma une Commission permanente ,
chargée de recevoir les propositions ou observations
relatives à unprochain Congrès, dont le lieu et l'é
poque seraientfixés ultérieurement.
Pourquoi ce louable projet n'a-t-il pas eu de suite?
Les événements ultérieurs ont prouvé que la Maçonne
rie française a subi de terribles épreuves qui ont em
pêché qu'on s'occupât d'un prochain Congrès; quant à
celui actuellemcnt rassemblé, il se termina parun ban
quet splendide, dans lequel je récitai,à la grande sa
-- S6 -
lisfaction de l'assemblée, l'Ode suivante, intitulée : le
Congrès universel :
O IDE
RÉCITÉE PAR L'AUTEUR
AU C0NGRES MA(0MNIQUE UNIVERSEL DE 1855
De chants nobles etpurs quelle sourceféconde *
Quel spectacle nouveau! Mille peuples divers,
Réunis pourfêter legrand réveil du monde,
Du monde qui brise ses fers !
Ellefleurit enfin lagrande période (1)
Qui compte six mille ansautour d'ellegroupés!
De l'antique progrès elle invoque le code,
Les peuples sont émancipés! -
Oui,legrandjour paraît : legrand siècle commence :
Abjurant toute haine et se donnant la main,
Les enfants d'Albion sesont jointsà la France
Pour affranchir legenre humain.
(1) LesChaldéens et les Egyptiens appelaient grande période l'inter
valle qui s'écoulait entre les invasions périodiques de la mer sur
chaque hémisphère. -
Suivant les astronomes chaldéens, cet intervalle était de 36,000 ans,
parce que, suivant eux, la révolution du mouvement rétrograde du
calcul des fixes se faisait à raison d'un degrépar siècle.
Les Égyptiens, qui avaient adopté le même système, avaient trouvé
que ce mouvement ne se faisait que tous les 26,000 ans.
Les astronomes modernes, qui ont découvert et établi la théorie
des absides, ont calculé que leur révolution se faisait tous les 20,900
ans, de manière que l'hémisphère austral et l'hémisphère boréal se
raient envahis successivement par les eauxde la mer tous les10,450 ans.
Nous publierons une notice explicative à ce sujet, si le progrès ma
çonnique s'établit, ainsi que nous avons lieu de l'espérer, par l'adop
tion des cahiers des grades révisés,
- 87 -
Leurs drapeaux, réunis dans les champs de lagloire,
Ont ensemble abrité leurs valeureuxguerriers ;
L'Europe les seconde, et déjà la victoire
1Les a couronnés de lauriers.
Les artistes aussi n'ontplus qu'unepatrie;
C'est la France aujourd'hui qui fête leurs travaux,
Et sur son heureux sol les arts et l'industrie
Sont plutôt amisque rivaux.
Mais quel est ce palais où brille une lunière,
Devant qui le soleil lui-même doit fléchir ?
Profane, éloigne-toi! respecte une barrière
Qu'en vain tu cherchesà franchir.
-
Mais non,demeure : apprends quel est le sens mystiquc
Du mot qui de ce lieu décore le portail:
Sache que dans ce mottout est allégorique,
Sous le symbole dutravail.
Ce temple est l'atelier de laMaçonnerie,
Où,prenant en pitié les torts dugenre humain,
L'homme vienttravailler à se faire une vie
Qu'ailleurs il chercherait en vain.
Les sages répandussur les deux hémisphères,
D'un mandat solennel chacun d'eux revêtu,
Viennenty célébrer le plus douxdes mystères,
Celui d'honorer lavertu. -
Quoi deplus merveilleux! quoideplusadmirable
Que ces représentants de vingtpeuples divers,
Saluant d'un respect, d'un amour ineffable,
Le Créateur de l'univers !
- 88 -
Étpuischez chacun d'eux, charité,tolérance,
Amour de lapatrie et de l'humanité;
Hors du temple, voilà lesvertus qu'il encense ;
Ici c'est la fraternité.
Le travail des Maçons sur les deuxhémisphères
Cherche,parsa sagesse,à se purifier;
Vous donc qui leur forgez des tortsimaginaires,
Cessez de les calomnier.
Voussurtout, hommesvains, vous qui par l'ignorance
Voulezà votre joug asservir les mortels,
Qui,sur le despotisme et sur l'intolérance
Bâtissez vos plans criminels,
Réprimez les désirs dontvotreâme est empreinte,
Par lafraternité laissez-vous enflammer;
Au lieu de rechercher le pouvoir par la crainte,
Aimez, etfaites-vous aimer.
Vainement votre orgueiIsurvos trames se fonde;
Non, vous neferezpas reculer le progrès;
Rien ne peut étouffer sa lumière féconde :
J'en aipour garant ce Congrès.
Mais s'il n'estpascompris, ce conseilpacifique,
Qu'un criplus éloquentsoit du moins écouté.
Maîtres de tous les rits, qu'un mailletsympathique
Frappe le coup de l'unité !
LI.
Oratorio projeté.
J'avaispréparé aussi un oratorio, dont la musique
avait été composée par le F.°. Malibran; cet oratorie
- 89 -
était intitulé : Les Cinq Voyages mystérieux. ll rela
tait le passage de la Maçonnerie de l'Égypte au désert,
du désert à Jérusalem, de Jérusalem à la Grotte de
Finghal, et d'Écosse au Temple d'Isis, à Paris.
L'oratorio se terminait par une apothéose avec
chœur.Voici les couplets qui devaient être chantés dans
le Temple d'Isis, et qui terminaient l'oratorio.
AIR : Aussitôt que la Lumière, etc.
Au palais de la Lumière
Lorsque je fus introduit,
Et quej'ouvris la paupière,
Après une longue nuit,
Je me dis : Voici le Temple
De Socrate et de Caton,
Puisque c'est à leur exemple
Que travaille un Franc-Maçon.
CIIOEUR.
Je me dis:Voici le Temple, etc.
Dédaignant l'éclat suprême,
Quoiqu'il en soit revêtu,
L'homme ici vient de lui-même
Au devant de la vertu.
La haine et la médisance
N'ysoufflentpas leur poison;
L'amitié, la bienfaisance
Sont les lois du Franc-Maçon.
CHIOEUR.
La haine et la médisance, ctc.
– 90 -
Dans ce monde l'apparence
N'est point la réalité,
Ettoujours dans l'opulence
N'est pas la félicité.
Dans nos LL.°. solitaires,
Point d'erreurs, point de soupçons,
Tous les hommes y sont Frères,
Puisqu'ils sont tous Francs-Maçons.
CHOEUR.
Dans nos LL.*. solitaires, etc.
Sijamais dans la nature
Je vois un être accompli,
Si par l'âme la plus pure
Son cœur se trouve embelli,
Vainement dans le mystère,
Voudrait-il cacher son nom ,
J'irais lui dire : Mon Frère,
« Tu dois être Franc-Maçon. »
CHOEUR,
Vainement dans le mystère, etc.
Et nous que dans cette enceinte,
D'où les méchants sont bannis,
Par une alliance sainte,
Un seul mota réunis,
Que notre âmesoit ravie !
Répétonsà l'unisson :
Le plus grand bmen de la vie
Est celui d'étre Maçon.
CHOEUR.
Que notre âme soit ravie, etc.
Des circonstances malheureuses firent avorter l'exé
cution de cet oratorio.
- 9l -
LII.
1tévision des Cahiers symboliques.
Une sollicitude plus réelle occupait le prince G. .
M. .. : c'était la révision des Cahiers des grades, et
d'abord desgrades symboliques.
« Parmi lesvœux que nous ont exprimés les LL.·.
« et divers Maçons, depuis notre avénement, » disait
le prince dans un de ses décrets, « celui qui nous a le
« plus frappépar son insistance et son universalité, et
« auquel, par conséquent, nous tenions, entre tous
« autres, à donner satisfaction, c'est qu'il fût procédé
« à la révision des Cahiers des grades symboliques.
« L'accomplissement de cette tâche était environné
« de difficultés, et il n'a fallu rien moins que le con
« cours empressé et le dévouement plein de zèle des
« Maçons les plus illustres de l'Ordre, que nous
« sommes heureux de remercier ici, pour atteindre le
« résultat désirépar notre sollicitude »
La Commission qui fut chargée de cette révision a
trouvé dans cesparoles le prix le plus doux de sestra
vaux, et le dédommagement des peines qu'elle a eues
àsurmonter les obstacles.
Ces obstacles durèrent quatre ans; et il fallait,pour
vaincre celui qui était le plus important,un événement
terrible, que nous croyons devoir relater.
Ce que nous tenions le plus à faire disparaître des
- 92 -
grades symboliques, c'était le serment qu'on faisait
prêter au récipiendaire, de consentir à avoir lagorge
coupée, le cœur arraché, le corps brûlé, et les cendres
jetées au vent, s'il venait à trahir le serment qu'on
allait lui faire prêter.
Quelquesvieux Maçons, entichés de vénération pour
l'ancienne routine, ne voulaient consentir à aucune
modification, par respect pour l'antiquité de ce ser
ment, qu'ils disaient être représentépar le signe maç..
Nous avions donc complétement échouésur ce point,
lorsqu'un événement fatal vint porter la désolation
dans tous les cœurs : l'archevêque de Paris, Monsei
gneur Sibour,fut assassiné derrière l'autel, oùil venait
de donner la bénédiction,par un prêtre de son diocèse,
et ce prêtre se trouvait devant la Ccur d'assises.
Enprésence de cefait, je dis à la Commission :
« Supposons, MM... FF..., que l'assassin, qui est
« devant ses juges, allègue pour sa défense que celui
« qu'il a frappé d'un poignard faisait partie d'une
« société dont tous les membres se donnaient, en y
« entrant, le droit de mettre à mort celui d'entre eux
« quiviendrait à trahir son serment ;
« Supposons que l'assassin de l'archevêque ajoute
« que telle était la position de Monseigneur Sibour
« lorsqu'il l'a frappé, et qu'ainsi il n'a fait qu'user de
« son droit; -
«Supposons enfin qu'on demandeà l'assassin quelle
« était cette société qui exige un pareil serment, et
« qu'il réponde : C'est la Franc-Maçonnerie.
– 93 -
« Je vous le demande, quel est celui d'entre vous
« qui oserait avouer qu'il fait partie de cette institu
« tion? »
Ce raisonnement frappa tellement tous les esprits,
qu'aucun membrede la Commission n'osa le conbattre,
et que la suppression du sermentfutvotée à l'unani
mité.
Une amélioration non moins importante, et dont je
pris également l'initiative, se fit dans la révision du
grade de Maître : ce fut la suppression de la scène
scandaleuse dans laquelle le Vén. .. était forcé dejouer
un rôle odieux, en lançant un coup de maillet sur la
tête du Compagnon, qui était censéfrappé d'un coup
mortel, et qu'on plongeait immédiatement dansun cer
cueil.
Cette épreuve aurait suffi, si elle eût été connue
d'avance, pour empêcher tout homme raisonnable de
solliciter la maîtrise.. -
Aussi la Commission approuva-t-elle à l'unanimité
lapropositionque je luifis de supprimer cette épreuve,
et de la remplacer par celle qui existe aujourd'hui, ce
qui amenait dans les hautsgrades une révision toute
naturelle, ainsi que nous allons l'expliquer.
LIII.
Révision des hauts grades.
Ce n'est que le 1er mars 1858 que le prince Grand
Maître rendit le déeret qui nommait une Commission
chargée de réviser les hautsgrades, et de les mettre en
concordance avec lesgrades symboliques.
Je fus chargé de préparer cette révision, dont je
m'occupai dansun voyage que je fis aux Pyrénées.
A mon retour de ce voyage qui dura trois mois , je
convoquai la Commission pour lui donner connaissance
de mon travail.
Je lui soumis d'abord le grade de Rose-Croix.
J'avaisfait disparaître tout ce qui se rapportait soit
aux idées religieuses, soit auxscènes de vengeance; je
ne doutais pas que la Commission n'adoptât et ma
pensée et son mode d'exécution. Et, en effet, malgré
un incident que je ne veux point rappeler, pour ne
blesser personne, la Commission adopta mon projet,
quifut envoyé à l'Institut dogmatique, pour l'exami
ner en dernier ressort.
Ce fut le F. .. Desanlis qui fut chargé de faire cet
GX8lIIlGIl,
Les événements de la révolution maç.°., qui sepré
parait retardèrent le rapport de ce F. .. , qui, sauf
quelques expressions qu'il jugea convenables de mo
difier, accepta complétement mon travail.
Mais les événements ne permirent pas qu'on s'en
occupât, et l'Institut ayant été supprimé, je retirai
mon manuscrit, sur lequel se trouvaient les légers
changements indiqués par le F.*. Desanlis.
C'est le même travail que j'ai produit à la Com
mission nommée par le nouveau G. .. M. ., le général
Mellinet, et que la Commission a adopté.
LIV.
Woyage aux Pyrénées.
J'ai dit que c'est dansun voyage aux Pyrénées que
j'avais préparé la révision dugrade de Rose-Croix.
C'est dans le même voyage que je composai les
strophes suivantes, que je place ici, parce qu'on a
bienvoulu s'identifier avec le malheur qui me les avait
inspirées.
IMPRESSION D'UN V0YAGE AUX PYRÉNÉES.
ÉLÉGIE.
Les voilà donc ces belles Pyrénées
Aux cimes d'or et d'albâtre et d'azur!
J'ai donc revu ces masses couronnées
D'un ciel si beau, d'un air toujours sipur !
Jadis, malgré leurs brumes nébuleuses,
Je m'élevaisjusqu'aux pics les plus hauts,
Escaladant ces roches orgueilleuses,
Pour découvrir quelques aspects nouveaux.
Là, sous mes pieds, la voix de la tempête
De ses éclats effrayait les vallons,
Et le soleil, au-dessus de matête,
Animaittout de ses brillants rayons.
- 96-
Je descendais, d'une course légère,
Du haut des monts,jusqu'auxpremiers coteaux,
Etsur un lit de mousse et defougère
D'un calme heureuxje goûtais le repos.
Là,je voyais,franchissant mille entraves,
Et dans lesflots sans cesse seplongeant,
Bondir, rouler et s'engouffrer lesgaves,
Enveloppés d'unegaze d'argent.
O souvenirs de mesjeunes années,
Pendant longtempsvous me sembliez si beaux!
Mais aujourd'hui, mes belles Pyrénées,
Vous ne m'offrez que de pâles tableaux.
Pourquoi ces lieux,si chersà majeunesse,
Cesfraisvallons jadis tant admirés
Ont-ils remplimonâme de tristesse,
Etpour moiseul se sont décolorés?
Pourquoi ces monts,jadis si pleins de charmes,
Dont chaque site offre un plaisir nouveau,
M'ont-ils surprisà répandre des larmes,
Triste et rêveur, sur les bords d'un ruisseau?
Unjour, hélas ! sur cette même rive,
O souvenir si douxet si cuisant !
A contempler cette onde fugitive
Nous étions deux.je suis seulà présent!!!
- 97 -
LV.
Èlévation du princeMurat à la dignité de Grand
Cordon de la Légion d'honneur.
Dans l'intervalle des deux décrets relatifs à la révi
sion desgrades symboliques et des hautsgrades, l'Em
pereur conféra auprince Murat le Grand Cordon de la
lLégion d'honneur; j'en fusinformépar une lettre que
m'adressa le F... Heullant, Grand Maître adjoint,pour
m'inviter à mejoindre au Comité qui devait présenter
sesfélicitations auprince.
J'improvisai le compliment ci-après, queje lui remis
à cette présentation.
CoMPLIMENT.
« Honneur ! honneurà vous,Très-Illustre Grand Maître,
« Avous, qu'on aimetant dès qu'on peut vous connaître,
« A vous, de qui le nom,type de lagrandeur,
« Voit encore aujourd'hui s'accroître sa splendeur !
« Prince, en vous décorant, le chef de lapatrie
« Décore aussi le chefde la Maçonnerie ;
« Il sait que, grâce à vous, etgrâce à vos travaux,
« La lumière domine où régnait le chaos,
« Que sousvos lois, usant d'une liberté sage,
« Le Maçon de ses droits peut faire un noble usage,
« Toujoursprompt àvoler au secours du malheur,
« Lorsqu'il peut, de sa main, calmer une douleur.
7
- J8 -
« Maitre illustre, voilà de quel peuple fidèle
« Brillait sur votre front la couronne immortelle,
« Couronne de vertus, quanddu chefde l'État
« Lajustice éclairée en rehausse l'éclat.
« Souffrez, prince, souffrez qu'ausein de nos mystères,
« Vos enfants, les élus de ce peuple de frères,
« Voustémoignent leurjoie.... Heureux si leur Nestor
* Pouvaitplus dignementvous l'exprimer encor !
LVI.
C'réation de l'Institut dogmatique.
Quelle source d'instruction n'eût pas été une ins
titution ayant pour but de faire progresser le Dogme,
d'améliorer le Rite, enfin de rehausser l'éclat de la
Maçonnerie! Ce but était toute l'idée du prince Grand
Maître lorsqu'il créa cette Institution; mais les condi
tions sous lesquelles on devait y être admis me pré
sentèrent de si graves inconvénients, que je crus de
voir adresser au Conseil du Grand Maître, à qui le
projet avait été soumis, les observations suivantes :
« TT. .. CC. .. FF. .,
« Pénétré du désir d'arracher la Maçonnerie fran
« çaise à l'état d'inaction où elle se trouve plongée ,
« notre Ill. .. G. .. Maître a suivi avec empressement
« l'idée d'un Institut dogmatique qui serait composé
« de Maçons possédant au moins le 51° degré.
« Cette idée, qui a été développée dans un pro
« gramme fort habilement élaboré, rendra-t-elle à
- 99 -
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l'Institution cette force qui lui manque, pour com
battre avec succès le génie malfaisant qui cherche
à la paralyser?
« Pour décider la question , jetons un coup d'œil
rapide sur le projet.
« L'Institut dogmatique serait composé d'un nom
bre illimité de membres, possédant au moins le
51e degré.
« Il aurait pour but de moraliser la Maçonnerie, de
surveiller les LL.°., de répandre l'instruction et les
Lumièresparmi les Vén. .. et surveillants des divers
Atel. .. , lesquels seraient admis à cet effet aux
séances trimestrielles.
« Pourraient être membres de l'Institut les Maçons
de la province, pourvus au moins du 51° degré;
leurs fonctions et attributions seraient de se mettre
en contact avec les LL. ., et de devenir intermé
diaires entre elles et le Grand Maître, et même, au
besoin, auprès de l'autorité,
« La contribution annuelle serait de 200 francs
pour chaque membre de l'Institut.
« Voilà quelles seraient les bases de cette nouvelle
création.
« Cette Institution semble, aupremier abord,devoir
être féconde en heureux résultats. Une Académie
est composée des Maçons les plus instruits, aux
leçons de laquelle viendront se former les Officiers
chargés de diriger les travaux des Atel.·. maç. ..
C'est sans doute une Institution très-séduisante au
- 100 -
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premier coup d'œil, mais si on l'examine de près,
l'illusion disparaît, et les inconvénients seprésentent.
« D'abord le titre indique une institution destinée
à enseigner les dogmes de la Maçonnerie.
« Ces dogmes sont tous écrits dans la Constitution
maç. .. : ce sont l'existence de Dieu, l'immortalité
de l'âme, l'amour de l'humanité, la tolérance reli
gieuse, l'obéissance aux lois. -
« Eh bien ! nous le demandons, est-il un seul de
ces dogmes qui ne soit pas, non-seulement ensei
gné, mais imposé même aux candidats dans les
premiers grades symboliques? Pense-t-on que le
Maçon, quel qu'il soit, parce qu'il sera paré soit du
cordon de juge, de commandeur ou de prince, en
saura plus que le Maçon modeste, qui n'aura reçu
que legrade de maître ?
« D'un autre côté, nous demanderons dans quel
gradese tiendront les séances instructives de l'Insti
tut. Serait-ce dans le 51° degré? Mais dans ce cas,
aucun des Vén. .. ou surveillants qui ne posséderait
pas ce grade ne pourraity assister, et l'objet prin
cipal de la réunion ne serait pas rempli.
« Serait-ce à l'un des grades symboliques?Mais
alors pourquoi exiger que pour être membre de
l'Institut, on soit pourvu de grades supérieurs?
C'est non-seulement inutile, mais mêmedangereux,
ainsi qu'on peut s'en convaincre en examinant de
près ce projet.
« Le 51°grade, appeléTribunal des neuf, donne
le titre de juge à chacun de ses membres, et le
– 10l -
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charge de visiter les Atel.., de surveiller leurs
travaux; ils'appelle aussi inspecteur, commandeur,
inquisiteur.. Est-ce là un grade maçonnique?
« Ensuite le droit d'inspecter et de surveiller les
travaux des LL. .. et d'être intermédiaire entre elles
et le Grand Maître, n'est-il pas un danger, plutôt
qu'une sauve-garde ? N'existera-t-il pas entre le
surveillant et les surveillés une rivalité, qui peut
être dangereuse?
« Quant à la contribution annuelle de 200francs,
en supposant que quelques Maçons veuillent s'y
soumettre, ce ne sera que les riches, et l'on sait
que ce n'est pas là généralement que se trouve la
science maç...
« Au lieu de résoudre le problème du progrès,
l'Institut proposé ne nous paraît propre qu'à com
pliquer les embarras qui peuvent exister.
« Nous concevrions une pareille création si les Ri
tuels des hauts grades avaient été révisés, comme le
voulait la Constitution de 1849, et mis en harmonie
avec les gradessymboliques. Alors on aurait pu re
chercher avec fruit l'origine réelle de notre Institu
tion, les vicissitudes qu'elle a subies, en sonder l'es
prit, faire servir les lumières qu'on en retirerait au
développement de l'intelligence, enfin à rendre
l'homme meilleur et plus heureux,à mesure qu'ilse
rait plus éclairé.
« Mais dans la situation anti-maçonnique où sont
les hau's grades actuels, les prendre pour base
d'un Institut maç.·., destiné à perfectionner la Franc
- f02 -
« Maçonnerie, c'est, selon nous, placer une mine sous
« l'édifice. Gare à l'explosion ! »
Nos observations ne furent pas écoutées; l'Institut
fut créé avec la charge imposée à chaque membre de
payer 200fr. d'entrée, et une contribution annuelle de
100 fr .
Lespaiements furent promis; maisils ne se réalisé
rent pas, et,à la première occasion, cetle Institution a
été supprimée par des motifs que nous nous abstenons
de rapporter.
Ce n'est pas qu'il n'y ait eu, dans le sein de l'Insti
tut, des lectures importantes, Moi-même, j'y lus une
dissertation en vers sur l'immortalitéde l'âme. Le F. ·.
Desanlis en fut si content, qu'il me pria de porter cette
dissertation dans la tenue du Conseil de la Clémente
Amitié dont il était le Président, ce queje fis sans dif
ficulté, accoutumé que j'étais à l'indulgence de mes
FF. .. Cette lecture me valut le titre de membred'hon
neur du Conseil, que le F. .. Desanlis me donna dans
la même séance.
Je produis ce petit poème auxpièces justificativesr
Inº é).
LVII
Archives du G.°. O.'.
Les archives du G. ·. O. .. étaient dans un état pi
toyable, surtout lorsqu'elles furent transférées de la rue
des Maburins au nouveau temple maç. .. de la rue
Cadet.
L'illustre G. .. M. ., qui me nomma archiviste, vint
m'installer lui-même dans le nouveau local, où il me
désigna la pièce dans laquelle il voulait que les livres
de la bibliothèque et les dossiers des LL. .. fussent ran
gés et classés.
LVIII
LL'hérésie du lDante.
Pendant que j'étais occupé de ce travail, on m'ap
porta une brochure intitulée : Hérésie du Dante, of
ferte au G. .. O. .. par son auteur, M. Aroux, et je fus
chargé de faire sur cette brochure un rapport au G. .
M. .. en son Conseil.
Pour faire ce rapport, ilmefallut analyser la Divine
Comédie du Dante, et j'eus recours aux nombreux
écrits que ses critiques, jaloux de sa gloire, avaient
répandus sur toute la surface duglobe, parce que la
Divine Comédie avait pénétrépartout.
Un examen approfondi de la brochure de M.Aroux
mefit comprendre le véritable motifqui l'avait inspirée.
Il y avait une quinzaine d'années que M. Aroux
avait fait imprimer une traduction en vers de la Divine
Comédie ; mais le public avait été assez indifférent pour
cette nouvelle traduction, et cela se conçoit lorsqu'on
se rappelle que cette œuvre sublime avait eu quatre
vingts éditions dans les diverses parties de l'Europe.
Pour tâcher de fairesortir la sienne des magasins de
son libraire, M. Aroux avait imaginé d'interpréter
l'œuvre du Dante dans un sensinconnu jusqu'alors, et
- 04 -
defaire de l'illustre poëte un révolutionnaire, un socia
liste, un hérétique: tel est le titre que portait un com
mentaire de cinq cents pages, que M.Aroux dédia au
pape actuel Pie IX. -
Mais malgré sa dédicace, le commentaire subit le
sort de la traduction, et l'auteur enétait pour ses avan
ces, lorsqu'il imagina de rendre la Maçonnerie soli
daire de sa rancune contre la papauté.
Il publia un écrit dans lequel il reconnaissait l'erreur
dans laquelle lespapes étaient tombés, « en croyant la
« Maçonnerie dirigée contre le christianisme, tandis
« qu'elle n'est opposée en réalité, disait-il,qu'à l'Église
« romaine, dont les chefs ne s'abusant pas sur lapor
« tée réelle de l'Institution maç. ., l'avaient frappée
« mainte fois d'excommunication. »
Ainsi,suivantM. Aroux, les papes qui ont lancé des
excommunicationscontre la Franc-Maçonnerie,ne l'ont
fait que parce qu'ils ont cru qu'elle menaçait non
pas la religion catholique, mais l'Eglise qu'ils lui ont
substituée, et qu'ils ont appelée l'Eglise romaine, ce
qui fait, selon M. Aroux, que ce sont les papes et non
pas les Francs-Maçons qui sont les hérétiques.
Cela explique l'idée qu'eutM. Aroux d'offrir au G. .
O. .,pour être déposé dans sa bibliothèque,un exem
plaire de son œuvre intitulée : l'Hérésie du Dante.
Mais alors on se demande pourquoiM.Aroux, appelant
le Dante hérétique, révolutionnaire et socialiste, n'a
pas expliqué la nature de cette hérésie, qui, au lieu
d'accuser Dante, aurait placé sur sa tête une couronne
encore plus belle que celle quiy brillait déjà.
– 105 -
«Aquelles erreurs l'amour-propre ne nous entraîne
t-il pas? L'écrit de M. Aroux fut déposé dans la bi
bliothèque. »
LIX
Achèvement duTemple maç..
Pendant que le prince Grand Maître s'occupait de la
prospérité morale de la Maçonnerie, l'édifice matériel
s'élevait avec rapidité. Le marteau retentissait de toutes
parts, et le Temple s'élevait rapidement sur les débris
de l'édifice.
Toutefois, le travail ne s'accomplissait pas sans ex
citer les murmures de quelques mécontents, qui rail
laient soitpar jalousie, soit par d'autres motifs.
Ils disaient hautement que cette entreprise était un
acte de folie, et que les LL. .. qui devaient en suppor
ter la dépense nepouvaient pas manquer de se dissou
dre, parce que la génération actuelle ne verrait pas la
fin de cette entreprise gigantesque.
Mais que peuvent la haine, l'envie et les autres mi
sérablespassions, contre les hautes conceptions dugé
nie? Le Grand Maître avait dit : Qu'un Temple digne
de la Maçonnerie française soit élevé, et ce temple
existait.
Il faut le dire aussi, les ouvriers l'avaient merveil
leusement secondé;il avait frappéun coup de maillet,
et ce coup, répétépar les surveillants sur les deux co
lonnes, avait excité ce zèle, cette activitéqui donnent
– l06 -
lavie au travail. Animés du même esprit,ils s'écriaient
en chœur :
Recodantvelera !
Nova sint omnia,
Corda,voces et opera!
Aussi, en bien moins de temps qu'il n'en faut pour
faire un Compagnon,unTemple immense a été élevé;
il renferme de vastes et de spacieux locaux dans les
quels peuvent siéger et l'Assemblée législative, et tous
les Atel.·. de Paris, quelque nombreux qu'ilssoient, et
le Conseil, et la bibliothèque, et les archives, et les
bureaux.
Ces immenses travaux si laborieusement entrepris,
si rapidement terminés, n'avaient pu ê're conçus que
par un Maçon pénétré desgrandes idées du progrès,
d'un Maître qui n'avait pas craint de dire en arrivant
au pouvoir :
« Le G. .. O. ., représentant tous les Maçons de la
« France, doit avoir, à lui appartenant, un local assez
« vaste pour contenir le nombreux personnel créé par
« la Constitution, ainsi que les nombreuxvisiteurs at
« tirés par l'importance de ses travaux. » (Circulaire
du29 mars 1852.)
Et maintenant quelles charges la Maçonnerie a-t-elle
contractées pour élever à ce haut degré de splendeur le
Temple dont elle est propriétaire? Quelles charges?
le voici :
(
- l07 -
Un corps de bâtiment, élevé sur la rue, rapportera
dans quelques années . .. . . . . . .. 12,000fr.
(Il en rapporte maintenant 10,000) -
Les cotisationstemporaires des LL ·. 18000 »
La grande salle, construite sur une
partie dujardin, est louée . . . .. . . 25,000 »
Les locaux occupéspar le G. .. O. .. 20,000 »
Total. . . . . 75,000fr.
Ainsi, un local, acheté ily a dix ans au prix de
450,000fr.,vaut aujourd'hui un million et demi!
Qui donc apayé et l'achatprimitif et les travaux qui
lui ont donnéune telle plus-value?C'est, ilfaut bien le
reconnaître, la haute conception du prince G. .. Maître,
qui a opéré ce miracle. Oui, les quatre branches de
revenu que nousvenons de signaler assurent, d'une
manière certaine, et les intérêts et l'amortissement, soit
du capital primitif, soit des travaux exécutés, de telle
sorte que dans moins de vingt anstout sera soldé.
Glcire donc et reconnaissance éternelle auprince qui
a donné à l'Ordre maçonnique une si grande preuve
d'amour et de dévouement, et qui a assis sa prospérité
sur une base inébranlable ! C'est pour lui exprimer
les sentiments dont j'étais pénétré que je lui dédiai
l'Ode quejeproduis n° 1 despièces justificatives.
LX.
Tolérance maçonnique.
Si jamais on adressa aux hommes des paroles im
mortelles, ce fut sans doute le jour où retentit dans le
– 108 -
monde cette parole si sublime, si douce : Aimez-vous
les uns les autres! --
Cette parole sainte, la Maçonnerie l'a recueillie, et
en a fait la base de sa doctrine, ayant appris par elle
qu'en dehors de l'humanité, il existait un principe su
périeur, celui qui a tout créé , par qui tout est con
servé, et qui a prononcé cette sainte parole.
L'existence de Dieu a été le point de départ de la
Franc-Maçonnerie, pour asseoir sa doctrine; mais si
cette doctrine a produit le culte pur et simple par le
quel les Francs-Mlaçons rendent hommageà Dieu, sans
oracles, sans pontifes, de quelle surprise n'est-on pas
saisi quand on voit de quelle manière, dans le monde
profane, des hommes se disant religieux prétendent
l'adorer !
Le pontife qui règne sur les chrétiens, le pape
actuel, entraîné par les vociférations de quelques fré
nétiques, avait, par une lettre de 1846, confirmé la
bulle que quelques-uns de ses prédécesseurs avaient
lancée contre les Francs-Maçons, bulle qui n'était
applicable qu'aux sujets de l'État romain, ainsi que
nous l'avons démontré, et qui cependant a occasionné
tant de désastres , même dans les contrées les plus
éloignées.
L'un des fanatiques du siècle, l'évêque de l'île Mau
rice,à peine installé sur son siége, publia un mande
ment dans lequel, après avoir dit que le Christ n'était
point venu au mondepour apporter la paix, mais le
glaive, il avait lancé l'excommunication contre tous les
habitants de l'île qui pratiqueraient la Franc-Maçonne
– l09 -
rie, ou qui, lui ayant appartenu, ne déclareraient pas
solennellement s'en séparer.
Par suite de ce mandement, la sépulture religieuse
avait été refusée à plusieurs Maçons, qui avaient cru
devoir rester fidèlesà une doctrine baséesur la morale
de l'Évangile.
Les familles de ces FF..., doublement regrettés,
eurent la pensée de faire demander au clergé de la
cathédrale de Paris un service funèbre, dans lequel se
raient récitées, pour eux, les prières que leur évêque
leur avait refusées.
Cette demande,transmise au clergé de Notre-Dame,
par le F.-. Descombes, trésorier du Sénat, fut accueil
lie favorablement. -
LXI.
Cérémonie funèbre dans I'église de Notre-IDame,
en faveur des Maçons exeommuniés par I'évêque
de l'île Maurice.
Une cérémonie funèbre et solennelle fut indiquée
pour le 20juillet 1858; la Maçonnerie françaiseyfut
invitée, et le prince Grand Maître fit convoquer extraor
dinairement,pouryassister, et le G.·.O.·., et les mem
bres duConseil, et lesVén. .. de Paris et de la banlieue.
« Cette imposante cérémonie, dit le Bulletin duG. .
« O. ., révéla au monde profane un phénomène du
« caractère le plus élevé. Ily avait là trois cents Ma
« çons,graves, recueillis, et dans une attitude qui dé
« mentait hautement les accusations d'impiété dont
« leurs calomniateurs prétendent les salir, mais qui,
« en protestant de leurs sentiments religieux, affirment
« que poureux la religion est indépendante et prescrit
« la tolérance. »
Mais, le croira-t-on? on a osé flétrir cette preuve
admirable des sentiments les plus maç.. et les plus
religieux par une calomnie à laquelle on n'a pas
craint de mêler le clergé de Paris lui-même ; on a osé
dire que, pour obtenir la cérémonie funèbre dont il est
question, le G. .. O. .. avait dépensé une somme de
six mille francs ?
Le clergé avait donc étésuborné, et le G. .. O. .
avait été le suborneur ! La calomnie, la hainepeuvent
elles aller si loin !
LXII.
Charité maçonnique ou Maison de Secours
dlun G.°., O.°.
En prenant la direction du Gouvernement maç. ".,
le prince G... M.·. avait adresséà toutes les LL.°. une
circulaire qui faisait connaître et sa haute intelligence
et la noblesse de son cœur.
Répétons ses nobles paroles :
« Prêter l'oreille, disait-il, à tous les gémissements
« de quelque part qu'ils se fassent entendre, offrir
« une main secourable à toutes les infortunes, soula
« ger toutes les misères, en quelque lieu qu'on les
« rencontre; en un mot, verser des bienfaits sur l'hu
« manité tout entière : voilà notre mission.
– | 1 | -
Tel était le langage du prince.
Cette auguste mission, le Grand Maître l'a-t-il rem
plie?Quipourrait en douter lorsqu'on lit dans les Sta
tuts généraux de l'Ordre, rédigés par ses soins, les
prévisions relatives à la Maison de Secours ?
Jusqu'à l'avénement duprince Murat, les revenus de
cette Maison n'étaient qu'éventuels; ils ne consistaient
qu'en dons volontaires et en subsides insignifiants ;
aussi, en 1856, au lieu d'avoir aucune réserve, cette
maison était-elle endetlée de7 à800 francs.
Grâce à la sollicitude du G... M.°., secondée par la
Commission qui fut nommée à cette époque, non-seu
lement on a distribué à toutes les infortunes des se
cours supérieurs à ceux qu'on donnait auparavant,
mais on est parvenuà luifaire une caisse, dans laquelle
se trouvaient, lors de la révolution de 1861, trois
cents actions de la Société civile, rapportant 1,500fr.
de rente, hypothéqués sur l'immeuble du G... O... !!!
Arrivons maintenant à un événement désastreux.
LXIII.
Hndemnité au représentant du G. .. M..
Le F. .. Rexès,il faut le dire, avait sacrifié plusieurs
années à seconder le G... M. .. dans sa sollicitudepour
l'érection du Temple ; mais, par suite de circonstan
ces particulières, il crut devoir donner sa démission
de représentant du G. .. M.·.
Le prince, par un décret du 2 décembre 1859,
accepta cette démission; mais il invita le F. .. Rexèsà
– 1 |2 -
continuer ses fonctions jusqu'à ce qu'il eût pourvu
à son remplacement.
On arriva ainsi au mois de juin 1860; et, dans la
séance du 11 dudit mois, qui était présidée par le
F. .. Rexès, ceF... exposaque le prince était résoluà ne
plus se trouver dans la nécessité de demanderà quel
ques FF...un dévouement etune abnégation complets;
et attendu que la situation financière du G. .. O. .. lui
permettait d'accorder uneindemnité, exigée par l'im
portance des travaux, aux FF... qui secondaient le
G.. M.°., celui-ci invitait le Conseilà lui indiquer le
chiffre auquel il croyait devoir fixer cette indemnité.
Le Conseil reconnut lajustice d'unetelle demande, et
fixa l'indemnitéà accorder à9,000fr. par an.
Le prince adopta ce chiffre ; mais, prévoyant les
murmures qu'une telle mesure ne pouvait pas man
quer de provoquer, et les inconvénients dont elle serait
entourée, en plaçant le représentant du Grand Maître
dans une fausse position, si c'était à lui que l'indemnité
était accordée, je crus devoir lui adresser la lettre sui
Vante : -
« Paris, 11 juillet 1860.
« Monseigneur,
« Avant que Votre A. R. fût élevée à la dignité de
G.-. M. .. de la Maçonnerie française, l'Institution était
d'autant plus facile à administrer que son budget an
nuel ne s'élevait que de 20 à 25,000fr., destinés à
rétribuer quelques employés, à payer un loyer et à
faire quelques actes de bienfaisance.
- 1 13 -
« Aujourd'hui que ce budget dépasse 200,000fr., et
qu'il repose principalement sur une vaste propriété,
dont l'administration exigeune surveillance continuelle,
et impose une grande responsabilité, est-il étonnant
que le T. .. C... F. .. Rexès se soit trouvé dans la né
cessité de donner sa démission?
« Éclairépar l'expérience, votre A. R. a décidé,en
l'acceptant, que les fonctions rempliesjusqu'au21juin
par le F. .. Rexès seraient désormais confiées à un
membre de votre Conseil, et qu'elles seraient rétribuées
à raison de 9,000 fr.par an, conformémentàune dé
cision de votre Conseil.
« Rien de plusjuste, Monseigneur, qu'une telle déci
sion ; car, comme vous le dites fort bien , il ne peut
pas convenir à la dignité de la Maçonnerie, de de
mander à l'un deses membres le sacrifice de ses forces
àntellectuelles et de sa liberté, alors que l'état de ses
finances permet d'entrer dans la voie de la compen
sation.
« Mais qu'il me soitpermis de vous le dire,Monsei
gneur, l'exécution de votre décision présente degrandes
difficultés ; soit que votre choixtombe surun Frère
tout à fait indépendant et par sa fortune et par sa po
sition sociale, soit que vous nommiezun F. .. dont le
travail est nécessaire à sa famille, dans l'un comme
dans l'autre cas, le F. .. nommé sera fort malà l'aise,
soit vis-à-vis du Conseil, soit vis-à-vis d'une Assem
blée dont tous les membres remplissent des fonctions
gratuites dans l'Ordre, et sont par conséquenttoutà
fait indépendants.
- 8
– i l 4 -
« Pour vaincre la difficulté, voici, Monseigneur.
une idée qui peut mettre votre A. R. sur la voie de
la solution.
« Dans la pensée que Votre A. R. doit, par suite
de la retraite du F. .. Rexès, être dans unegrande
perplexité, au sujet de son remplacement, que nous
jugeons tous devoir être très-difficile, et dans cette
pensée aussi qu'un sentiment, peut-être exagéré, de
dignité empêcherait le remplaçantd'accepterune situa
tion où il serait rétribué, j'ai cru pouvoir, Monsei
gneur, me permettre de vous faire part d'une idée
qui peut-être vous donnerait le moyen de conserver
à l'Ordre lesservices si utiles d'un F. .. quenous aimons
tOuS.
« Il me semble que Votre A. R.pourrait confier la
direction de toutes les affaires duG. .. O. .. à une com
mission de trois membres pris dans le sein du Conseil,
sous le titre deCommission administrative du G. ·. O. .
de France.
«Cette Commission serait présidée par un Grand
Maître Adjoint, qui serait chargé de la haute direction
de toutes les parties duservice.
«Ses trois collègues, sous le simple titre d'adminis
trateurs, seraient chargés d'étudier toutes les affaires
susceptibles d'un examen sérieux.
« La Commission s'assembleraitunefoisparsemaine
pour délibérersur les affaires qui lui seraient soumises.
« LeG. .. M. .. Adjoint se rendrait tous les jours au
G. .. O. ., où il resterait de 2jusqu'à 5 heures.
«Ni les uns ni les autres ne recevraient aucunein
-- 1 15 -
demnité, mais il leur serait alloué des jetons de prè
sence, dont la valeur serait de 20 fr. Ce qui ferait,
pour le G. .. M. .. Adjoint environ 500jetons par an,
soit. .. , . .. . .. . .. . , 6,000 fr.
«Chaque administrateur aurait aussi
environ 50 jetons par an, soit pour les
trois 150jetons,valant . . . . .. 5,000
« Ensemble, . .. . 9,000 fr.
«Somme égaleà celle votée par le Conseil.
« L'usage des jetons de présence existe dans toutes
les grandes administrations, et partout il est consi
déré comme une rémunération honorifique, et non pas
comme un salaire.
« Il est vraiqu'au lieu de 9,000fr., leG. .. M. ..Ad
joint n'aurait que 6,000 fr., mais au moyen de cette
réduction, sa dignité ne serait point affaiblie, son
amour-propre n'éprouverait aucune atteinte.
« J'ai l'honneur d'être, etc. »
Le prince crut ne devoir pas s'arrêter à ces obser
vations, et par décret du 17 du même mois de juillet,
il désigna le F... Rexès pour exercer les fonctions
de représentant particulier duG. .. M. .., lui accordant
le traitement de 9,000 fr. voté par le Conseil.
Ce décret, ainsi que je l'avais prévu, fit jeter les
hauts cris; il fut le point de départ de l'opposition qui
se leva contre le prince; il devint ensuite l'un des
prétextespar lesquels elle se manifesta.
Je ne ferai pas ici l'historique des événements qui
- 1 1 6 -
eurent lieu lorsque les pouvoirs du prince allaient
expirer; le souvenir en est trop pénible, ne le réveil
lonspas.
LXIV.
Expiration des pouvoirs du G.°.M.°.
Je ne relaterai ni les pamphlets qui furent répandus
ni l'intervention même des journaux politiques.
Je dirai seulement que les ennemis du prince réu
nirent tous leurs efforts pour le renverser, au mo
ment de l'élection, et que, devantune opposition aussi
acharnée, le prince prit la résolution irrévocable de se
retirer.
Devant les événements et le tumulte qui se passaient
auG. .. O. ., l'autoritéintervint, et renvoya l'élection
au 24 octobre suivant.
LXV.
Nomination des FF... IBoubée et Desanlis pour
administrer le G.°. O.°. pendant la retraite du
G.°. M.°. jusqu'à l'expiration de ses pouvoirs.
Je fus chargé, par un décret spécial, d'exercer les
fonctions de Grand Maître,de concert avec le F. .. De
sanlis, jusqu'à l'époque de l'élection.
Voici le décret duGrand Maître, en date du 29juil
let 1860,ainsi que la lettre de notification.
-- - 117 -
GrandOrient de France.
SUPRÊME CONSEIL POUR LA FRANCE ET LES POSSESSIONS FRANÇAISES,
Paris, 1er août 1860.
lll. .. etT. .. C.°. F.°.,
« Nous avons la faveur de vous adresser sous ce pli
copie d'un décret du G.-. Maître de l'Ordre, qui vous
investit detrès-hautes ettrès-honorables attributions.
«A raison des nouvelles fonctions quivous incom
bent, nous comptons avoir la faveur de vous voir pro
chainement au Grand Orient.
« Dans cette pensée, nous vous présentons, Ill... et
T.•. C.•. F.°., la nouvelle assurance detous nossenti
ments d'estime et d'affection fraternelles.
« Le Représentantparticulier du Grand Maître,
Grand Officier d'honneur de l'Ordre,
« Signé: RExÈs. »
DÉCRET.
« Nous, prince Lucien Murat, Grand Maître de
l'Ordre Maçonnique en France ; -
«Considérantque, malgré lesavertissements de toute
nature que nous n'avons cessé de donner à la Maçon
nerie, touchant le but plein de dangers vers lequel on
cherche à l'entraîner, l'esprit et les tendances anti-ma
çonniques des meneurs trouvent encore des soutiens
dansun certain nombre de Frères honnêtes, mais abu
- l 18 -
sés, ce qui rend notre intervention personnelle tout à
fait désagréable ; -
«Voulant cependant que laMaçonneriesoit respectée
dans son caractère et ses principes, qu'elle ne soit pas
laissée sans défense devant l'audace de ses ennemis, et
qu'une juste répression atteigne les fauteurs de désor
dres ;
« Vu l'art. 32 de la Constitution,
« Avons décrété et décrétons :
«ART. 1er.-Les lll... FF...Boubée et IJesanlis sont
délégués par nous, avec pleins pouvoirs pour exercer,
d'accord avec le Conseil du Grand Maitre et notre re
présentant particulier, l'Ill... et respectable F. .. Rexès,
les attributions de l'autorité suprême, jusqu'au jour
où, notre mandat étant expiré, notre successeur devra
être élu. -
ART. 2. -Nous nous réservons toutefois, lorsque
nous le jugerons nécessaire dans l'intérêt de l'Ordre, de
rentrer dans l'exercice de notre autorité, mais sans
outrepasser la limite de durée des pouvoirs que nous
noussommesimposés en acceptant lagrande maîtrise.
ART.5. -Notre représentant particulier est chargé
de la notification du présent décret.
« Donnéà notre châteaude Buzenval, le 29 juillet1860 (È..v.'.)
« Le Grand Maître de l'Ordre maçonnique en France,
Signé : LuCIEN MURAT. »
Par le Grand Mlaître :
Le Représentant particulier,
( rand Officier d'honneur de l'Ordre,
RExÈs.
-- l 19 -
Quelques jours après, je reçus du F. .. Desanlis
la lettre suivante : -
LXVI,
LlBémission du F.". besanlis.
« Mon T. .. C. .. F. .., j'ai la faveur de vous infor
« mer que j'ai adresséà notre Ill... G.·. M. .. ma dé
« mission des pouvoirs qui m'avaient été confiés. Je
« vous invite à en donner connaissance au Conseil.
«J'ai la faveur d'être, etc.
Signé : DESANLIs.
Quels étaient les motifs qui avaient engagé le F. .
Desanlis à prendre cette étrange résolution? Aurait
il été suborné par les ennemis du prince, dont les
manœuvres et les espérances lui avaient été communi
quées? Le F. .. Desanlis ne me fit aucune confidence,
et me laissa seul à la tête de l'administration.
LXVII.
Nomination d'une Commission de cinq membres,
approuvée par le MIinistre de l'intérieur.
Nevoulantpasassumer sur moi seul la responsabi
lité que j'avais partagée avec le F. .. Desanlis, je
proposai immédiatement au prince de nommer une
Commission de cinq membres, qui serait chargée
-- I20 -
d'exercer le pouvoir dirigeant jusqu'à la nomination
d'un G.•. M.•.
Ainsi que je l'avais demandé, le prince composa la
Commission des FF.•. :
DoUMET, qui était G.-. M. .. adjoint ;
JANNIN, qui était grand dignitaire ;
BoUBÉE,
DARRAGoN,
RExÈs, qui était le représentant particulier.
qui étaientGG.. Offic... d'hon..;
Le premier acte de cette Commission fut de porter
sa nomination, pour la faire régulariser, à la connais
sance du Ministre de l'intérieur, qui lui fit immédiate
ment la réponse suivante :
« Paris, Ie 30 octobre 1860.
« A messieurs les Membres de la Commission
« chargée de l'administration de la Franc-Maçonne
« rie du G. .. O. .
« Messieurs, j'ai reçu, avec la demande que vous
« m'avez adressée, pour être autorisés à vous réunir
« à l'hôtel du G.°. O. ., les Statuts généraux de
« l'Ordre maç.., quisont en ce moment l'objet de mon
«( 6X8I16Il. -
« En attendant que je soisà même d'accorder une
« autorisation régulière auG.°. O.°.,je vous invite d
« conserver les attributions qui vous ont été confiées
« par décret de Son Altesse le prince Murat. Vous
-----------
- |21 -
« pouvez, en conséquence,vous réunir pour remplir le
« mandat dont vous êtes investis.
« Je vousprie de vouloir bien m'indiquer, le plus
« tôt possible, les LL.. de votre obédience que vous
« jugerezdevoir être autorisées. »
Dès ce moment, les ennemis du prince changèrent
de tactique; ce ne fut plus sur lesjournauxpolitiques
qu'ils s'appuyèrent, c'est le Conseil de l'Ordre qu'ils
associèrent à leurs batteries; et, d'accord avec lui, ils
suscitèrent à la Commission tous les obstacles qu'ils
purent inventer.
l,XVIII.
Nomination, en 1861, du maréchal Magnan, par
I'Empereur, à la dignité de G. .. M. .
Enfin, le Moniteur du 2janvier 1861 annonça la
nomination faite par l'Empereur du maréchal Magnan
comme Grand Maître de la Maçonnerie française du
G.'. 0.°. de France. -
LXIX.
Communication de tous les grades au maréchal
Magnan par la Commission.
Le maréchal Magnan n'était pas Franc-Maçon; la
Commission se rendit près de lui pour le féliciter et
– l22 -
lui offrir de lui conférer les divers grades de la Maçon
nerie, aujour, à l'heure et dans le lieu qu'il luiplai
rait de fixer lui-même.
ll fut convenu que ce serait le lendemain, à trois
heures, dans le local duG. .. O. . -
Le maréchalfut exact : tous lesgradesjusqu'au55°
luifurent communiqués; il en témoigna sa satisfaction
à tous les membres de la Commission, et il leur donna
l'accolade fraternelle, qu'il accompagna des paroles les
plus bienveillantes pour chacun d'eux.
Enfin, il ajourna sa seconde entrevue au jour qu'il
indiquerait, après qu'il aurait reçu le décret de sa no
mination.
Ce décret parut dans le Moniteur troisjours après;
mais, au lieu d'un message, le maréchal adressa, non
pasà la Commission, mais aux employés du G.°.O.°.,
un adjoint qu'il avait nommé, et qui, sans s'occuper
de la Commission, donna aux employés, du ton im
périeux qui lui était habituel, l'ordre de tenir le local
prêt pour l'installation du nouveauGrand Maître, qui
devait avoir lieu le lendemain.
LXX.
lIngratitude envers la Commission.
La Commission, qui ne se doutait de rien, attendit,
le lendemain, le maréchal, dansson cabinet.
Le maréchal arrivc, en effet, à l'heurc indiquée; il
- 123 -
est conduit directement danstout autre local que celui
oùil était attendu par la Commission, et son installa
tion a lieu, en présence et aux applaudissements des
membres du Conseil du G.°. M.°., de ces hommes ré
solus qui, après avoir hautement protesté contre toute
nomination qui ne serait pas le produit de l'élection,
étaient venus se courber aux pieds d'un Grand
Maître nommépar l'Empereur, colorant leur contra
diction intéressée de ce prétexte commode, qu'en con
tinuant leurs fonctions sous un tel chef, ils ne fai
saient que s'incliner devant le pouvoir. (Circulaire du
18janvier 1861.)
LXXI
Réintégration du F... ElBoubée à la dignité de G. .
Off.°. d'honneur du G.°. O. ..par le maréchal avant
sa mort, et confirmation par le général Mellinet,
elu à sa place.
Nous n'ajouterons qu'une chose à ce que nous avons
ditsur la manière dont s'opéra cette étrange révolution,
c'est que les membres de la Commission avaient été
indignement calomniés auprès du maréchalMagnan; et
ce qui le prouve, c'est que l'un des Grands Maîtres
adjoints par lui nommés fut révoqué quelque temps
après, et queje fus rétabli, par un décret spécial du
maréchal, dans la dignité de G. .. Officier d'honneur
duG. ..O. , de France.
- l24 -
Comment cette révolution avait-elle été opérée ?
Quels en furent lesinstigateurs? Nousgarderons le si
lence sur ces questions, par une raison toute simple :
c'est que nous avons tout oublié, et que nous ne pu
blions que nos souvenirs. Nous dirons seulement, et
c'est par là que nousterminerons ces mémoires, que
le prince Murat n'a pas oublié les hommes qui lui ont
été dévoués, et que, le 19 novembre 1865,il a eu la
bonté de m'adresser la lettre suivante, que je conser
verai précieusement, et que je crois devoir mettre
sous les yeux de mes lecteurs.
((
((
LXXII.
Lettre duprince Lueien Murat à l'auteur de ces
Mémoires.
« Mon cher Boubée,
« J'ai lu avec plaisirvos vers et la lettre par la
quelle vous me les avez envoyés (c'était l'Ode que
je lui avais dédiée et que je produis sous le n° 4).
Rien n'estplus honorable que le sentiment qui vous
a inspiré; en lisant votre ode, j'ai éprouvéune fois
de plus le regret que l'influence des hommesde votre
mérite n'ait pas pu prévaloir au sein de la Franc- *
Maçonnerie.
« Le souvenir de ces braves Maçons qui sont restés
fidèlesà l'esprit fraternel de leur Institution seratou
jours cher à mon cœur; et quine sait que parmi
euxvous occupez le premier rang?
- 125 -
« Quant aux conflits que vous me rappelez,je les
« ai oubliés : je suis aussi indifférent pour l'ingrati
« tude que sensible à l'endroit de la solide et constante
« amitié.
« Recevez, mon cher Boubée, l'assurance de toute
« mon estime et de mon affection bien sincère.
« LUCIEN MURAT. »
Leprince Murat m'avait élevéà la dignité deGrand
Officier d'honneur de l'Ordre par un décret en date
du 25 mai 1860.
LesTT... Ill... GG.. MM.., le maréchal Magnan,
et le général Mellinet n'ont pas été moins bons pour
moi. Ils m'ont confirmé dans cette dignité, le premier
parun décret en date du 7 novembre 1861, le second
par un autre décret en date du 17 mai 1865.
Voici ces trois décrets, dans lesquels se sont fondus
tous mes souvenirs maçonniques.
1er DÉCRET.
Grandl Orient de France.
sUPRÊME CoNSEIL poUR LA FRANCE ET LES PosSESSIONS FRANÇAISES.
A la Gloire du G.°. A.°. de l'Un. .
Nous, prince Lucien Murat, Grand Maître de
l'Ordre Maçonnique en France;
Attenduque le mandat duF. .. Boubéecomme mem
bre de notre Conseil est expiré;
- l26 -
Considérant que cet Ill... Frère n'a cessé pendant
toute sa carrière de donner à l'Ordre les témoignages
les plus éclatants de dévouement, et qu'il lui a rendu
les services les plus réels, tantparses travaux littéraires
que par les beaux exemples de sa vie maçonnique et
profane ;
Voulant conserver au gouvernement de l'Ordre le
concours précieux des lumières de cet Ill.°. F.°., et
donnerun témoignage de notre estime et de notre af
fection à ce doyen de la Maçonnerie française ;
Vu les art. 51 et 54 de la Constitution ;
Avons décrété et décrétons :
ART. 1°r.-Le F.°. Boubée, membre du G... Col
lége des Rites et de l'Institut dogmatique, est élevé à
la dignité de GrandOfficier d'honneur de l'Ordre.
ART. 2.- Notre représentantparticulier est chargé
de la notification du présent décret.
Donnéà l'O... de Paris, le 25 mai 1860
Le Grand Maitre
de l'Ordre Maçonnique en France,
Signé : LUCIEN MURAT.
Par le Grand Maître :
Le Représentant particulier du Grand Maitre,
Grand Officier d'honneur de l'Ordre,
Signé: RExÈs.
– 127 -
2° DÉCRET.
Grand Orient de Franee.
sUPRÈME CONSEIL PoUR LA FRANCE ET LES POSSESSIONS FRANÇAIsEs .
O.°. de Paris, le 7 novembre1861.
A l'Ill. .. F. .. Boubée, 55e.
Ill. .. etT. .. C. .. F. .,
J'ai la faveur de vous adresser ci-joint ampliation
du décret de notre T. .. Ill... Grand Maître, qui vous
nomme Grand Officier d'honneur de l'Ordre.
Je suis heureux de porter à votre connaissance ce
témoignage d'estime de notre Ill... Chef, et vous prie
d'agréer, avec mes félicitations bien sincères, l'assu
rance de messentiments affectueux.
Pour le Grand Maître adjoint, chargé de l'adminis
tration, en congé,
Le Grand Maître adjoint,
Chargédes relations avec les GG.e.OO.°. étrangers,
LENGLÉ.
3e DÉCRET.
Grand Orient de France.
sUrRÈME CONSEIL POUR LA FRANCE ET LES PossESSIONs FRANÇAISES.
Orient de Paris, 17 mai 1865.
J'ai la faveur de vous adresser ci-joint ampliation
du décret de notre T.-. Ill. .. Grand Maître, qui vous
nomme Officier d'honneur.
Je suis heureux d'avoir à porter à votre connais
----- _ - _ ____------ ----------------------------------- -- . -
----
---- -----------
--T -- ------------ - - ----- ----------------- - --
- 128 -
sance ce témoignage d'estime de notre T. .. Ill. .. Chef,
et de sa haute appréciation de votre zèle et de vos
Lum... maçonniques.
Agréez, Ill. .. et T... C.·. F. ., avec mes sincères
félicitations, l'assurance de mes sentiments bien frater
nels.
Le Grand Maitre adjoint,
LENGLÉ.
J'ai oublié de rappeler que,dans l'intervalle qui s'é
coula de la nomination du maréchal Magnan au jour
de son installation, je lui remis, sur sa demande, outre
un exemplaire de mes Études philosophiques et ma
çonniques, un exemplaire de mon Ode à la Vapeur,
quej'avais prononcée quelquesjours auparavant dans
le sein de la L. .. Jérusalem des Vallées égyptiennes,
pièce qui avait été accueillie avec enthousiasme, et
dontun de mes collègues de laCommission avait parlé
au maréchal, lorsque nous lui conférâmes les grades,
aussitôt après sa nomination.
Qu'on me permette de produire cette pièce, au mo
ment où le câble transatlantique vient de permettre à
l'Europe de donner en réalité la main à l'Amérique,
ainsi que mon Ode l'avait prévu.
Pièce justificative n° 5.
Je produis aussi, sous le n°6, à la demande de
plusieurs FF.., le poëme de Misraim, quifut publié
en 1845, et dont il ne me reste plus qu'un seul exem
plaire.
---------
PIÈCES JUSTIFICATIVES
NNo 11.
DE L'ORIGINE
" ET
DE L'ÉTABLISSEMENT DE LA MAçoNNERIE
EN FRANCE
D'unetrop longue nuit dissipez le nuage,
Et nosderniers neveux béniront votre ouvrage.
(Init. d'Homère aux mystères maç..)
Une société répandue sur toute la surface duglobe,
quise perd dans la nuit des siècles, quifut souventtour
mentée, qu'on a toujours calomniée, et qui brille enfin
aujourd'hui,sous laprotection du plusgranddessouve
rains, d'un immortel éclat, une telle société doit né
cessairement attirer les regards des amis de la philo
sophie, et exciter les recherches des sectateurs de la
vérité. Quelle est-elle? quelle est son origine? com
ment et depuis quand s'est-elle introduite parmi nous?
Voilà les premières questions qui s'offrent naturelle
ment, quand on a franchi la barrière quisépare l'ordre
maç.·. du reste de la société, et cet ordre ne peut que
gagnerà leur développement,puisqu'il est destiné,par
9
------- -- -- --------- --
– 130 -
son essence, à passer les hommes au creuset des épreu
- ves pour les rendre meilleurs et plus heureux.
On peut définir la Maç.. le point de réunion d'une
classe d'hommes, unis entre eux par les liens de l'es
time et de l'amitié. Lien consolateur! institution su
blime!ton culte, en France, ne date pas de plusieurs
siècles; quelques années ont à peine éclairé tes autels
parmi nous; mais ton existence n'en est pas moinsan
tique ; ton image n'en remonte pas moins au berceau
des sociétés.
En effet, les premières créatures quifurentjetées sur
ce globe, après avoir satisfait au premier mouvement
de leursâmes, après avoir payéun tribut de reconnais
sance à celui qui les avait tirées du néant, durent s'a
percevoir bientôt qu'elles ne pouvaient vivre dans l'i
solementsans compromettre leur existence; elles durent
éprouver ce besoin impérieux du cœur qui ne puise de
félicité réelle que dans la sympathie et dans le rappro
chement. Or, puisque l'amitié, ce sentiment délicieux,
est la première base de la Maçonnerie, son principe
fut évidemment gravé dans le cœur dupremier homme
qui sortit des mains du G. .. A. .
Quoi qu'il en soit, l'ère maçonnique compte 5,808
ans (1). De là on paraît en droit de conclure que la
Maçonnerie existe réellement depuis cinquante-huit siè
cles, et ce système n'est pas sans vraisemblance. Si,
après leur chute, nos premiers parents eurent nosgoûts
et nos besoins, la terre étant nue et dépouillée, il est
(1) Ceci était éerit en 1808.
- 131 -
certain qu'ils durent être d'abord livrés aux plus hor
ribles privations. Mais quand leur postérité eut acquis
de l'accroissement, l'industrie, appuyée du secours des
bras, dut nécessairement adoucir la rigueur de leur
sort, et cette époque remonte à Tubalkin, qui le pre
mier forgea le fer et coula les métaux. Son siècle, qui
doit être cher à tous les hommes et particulièrement
auxMaçons, fut celui de la naissance des arts, et vit
s'élever les deuxfameuses colonnes de l'antiquité, dont
l'une était de pierre, pour résister à l'eau, l'autre de
brique, pour résister au feu, deux éléments qui,selon
la prédiction d'Adam, devaient opérer la destruction
du genre humain. Gardons-nous cependant d'adopter
l'opinion qui fait descendre les Maçons des manœu
vriers qui élevèrent ces deux colonnes, ou de ceux qui
dans la suite bâtirent la tour de Babel, les pyramides
égyptiennes, ou même le temple de Salomon. Cette
opinion a pu naître du titre sous lequel nous sommes
désignés; mais l'ordre maçonnique ne doit pas plussa
naissance à des manœuvriers que l'ordre de la Jarre
tière ne doit la sienneà des tisserands. Sans doute que
ces ouvriers qu'on voudrait nous donner pour ancêtres
pouvaient exécuter matériellement de superbes pièces
d'architecture; mais leur génie fut sans doute trop
étroit pour embrasser l'étendue immense d'un édifice
dont la perfection n'est pas atteinte depuis tant de siècles.
Si parmi les Maçons, les uns aiment à se perdre
dans l'obscurité de leur origine, si d'autres s'énor
gueillissent de compter cinquante-huit siècles, il en est
qui, persuadés, comme la plupart des femmes, que la
– I32 -
jeunesse n'ôte rien au mérite, sont bien aises de se re
trancher quelques centaines d'années, et ne veulent
descendre que de Noé.Quoique la vérité ne gagne rien
à leur système, il ne fait du moins aucun tort à la mo
rale. L'arche dans laquelle fut sauvé le genre humain
n'est, disent-ils, que le symbole de l'âme agitée sur la
mer des passions, et échappant au déluge des vices. Ils
appuient encore leur opinion sur la fameuse tour de
Babel, quifut construite par les descendants de Noé,
pour leur servir, au besoin, de point de réunion; ils
ytrouvent beaucoup d'analogie avec les signes mysté
rieux qui réunissent les Maçons, dans quelques lieux
de la terre qu'ils se trouvent dispersés.
Après Noé, le premier fondateur qu'on donne à la
Maçonnerie est Nemroc, un de ses descendants. On dit
qu'il fut le premier qui bâtit des villes, et il passepour
avoir été le premier roi.
Quoi qu'il en soit, il est vrai de dire que les deux
peuples les plusfameux dans l'histoire maçonnique sont
les Égyptiens descendus de Cham, et les Juifs descen
dus de Sem, deux des enfants de Noé. L'Égypte porte,
en effet, dans l'Écriture, le nom de Méraim ou Mis
raim, un des descendants de Cham, et les Juifs re
connaissentpour leur père Abraham, fils de Tharé,
issu de Sem. Cherchons donc dans l'histoire de ces
deux peuples le seul flambeau qui peut nous diriger
dans le labyrinthe où nous nous sommes engagés.
Les Égyptiens sont le peuple dont il nous reste les
notions les plus étendues et les plus anciennes. Leur
– 133 -
histoire, qui nous est transmise par les Grecs, se divise
en tempsfabuleux, temps héroïque et tempsvrai. C'est
le premier de cesâges quia donné naissance aux mys
tères d'Isis, sifameux dans les annales de cepeuple.
Tout ce qu'on démêle de vrai dans la fable de cette
déesse, c'est que la sagesse d'Osiris et les vertus de son
épouse leur firent décerner les honneurs divins par un
peuple qui avait perdu de vue les vérités primitives
pour se jeter dans l'idolâtrie, et qui s'était abruti au
point de se croire lui-même formé du limon qui ferti
lisait ses champs. Il fallait pour cela donner à l'idole
une origine surnaturelle, et la superstition avait accré
dité celte fable.
Dans la suite des temps, les sages qui ne s'étaient
pas laissé aveugler par les ténèbres de l'ignorance,
mais qui n'auraient pu fronder impunément les opi
nions vulgaires, imaginèrent du moins d'en faire leur
profit. A cet effet, ils s'emparent de l'opinion établie,
ils dressent à Isis des autels dont ils deviennent les
prêtres; ils environnent son culte d'emblèmes symbo
liques, figurant les idées extravagantes de ce peuple,
et dont ils connaissent seuls le sens secret. En même
temps,ils fondent une école où ils n'admettent que les
hommes lesplus éprouvés, à qui ils puissent sans dan
ger communiquer la science des vérités anciennes et
de celles qu'ils avaient puisées eux-mêmes dans leurs
méditations. Tous ceux qui étaient initiés dans leurs
mystères devenaient les enfants de la lumière; mais le
nombre en était très-petit; il eût été dangereux depro
diguer ces connaissances à des hommes qui n'en eus
- i34 -
sent pas été dignes : et la crainte de heurter un peuple
qu'il était si facile de gouverner par ses préjugés de
vait rendre très-circonspects ces sages dont la sûreté ne
reposait que sur leur secret. Aussi les épreuves les
pussévères précédaienttoujours la réception des initiés.
Ilfallait braver tous les éléments, et se montrer maître
de toutes ses passions, avant que d'être introduit dans
les secrets mystères. Ce fut avec ces précautions que
cessages firent de leurs écolesun foyer de lumières qui
se communiquèrentà la Grèce,à Rome, et se répandi
rent ensuite cheztous les peuples de l'univers.
En rapprochant la Maç.. égyptienne de celle d'au
jourd'hui, on voit que notre but et notre secret sont les
mêmes que ceux des anciens philosophes.Comme eux,
nous nous isolons du commerce des hommes,pourpra
tiquer, dans le silence, desvertus que la dépravation
semble avoir anéanties; comme eux, nous cherchons la
trace des vérités éternelles dans un sentier que lestor
rents desvices n'ontpas encore fait disparaître; comme
eux , enfin , nous enveloppons nos principes et notre
morale dans des figures symboliques qui ne sont pour
le profane que desimagesgrossières, vides de sens et
d'intérêt. Ainsi, chez eux, une figure demi nue dont la
tête était rasée à droite était le symbole parlant du
soleil, qui ne se découvrejamais en entier au mêmemo
ment à tout l'univers; les cheveux coupés dontil ne lui
restait que la racine indiquaient que cet astre inépui
sable a la faculté de renaître ; ses ailes marquaient la
rapiditédesa course; l'urne suspendue à sa main droite
annonçait qu'il est la source de tous les biens ; et le
- 135 -
bàton augural qu'il portait à sa main gauche était
l'emblème heureux de la sollicitude avec laquelle il
prévient les besoins des mortels.
Isis, balançant sursesgenouxson fils Horus, étaitun
des hiéroglyphes lesplusingénieux et les plusvrais des
Égyptiens.Ce groupe est l'image du gouvernement et
du peuple. Peut-on mieux peindre la confiance de ce
dernier dans l'autorité qui le gouverne, que par la sé
curité avec laquelle un enfant repose sur les genoux
de sa mère?
Le peuple, s'appuyant sur le sceptre de la loi, était
représenté sous la forme d'un géant aveugle, marchant
à l'aide d'un long bâton, surmonté d'un œil ouvert.
Une langue etune main dansun même cadre étaient
pour les profanes les deux objets capables de fléchir les
dieux; la langue par les prières, la main par les of
frandes, et les initiésyvoyaient d'un seul trait les deux
facultés qui ont mis l'homme au-dessus de tous les êtres
animés, le tact et la parole. Un serpent qui mord sa
queue et qui se tue lui-même, était l'emblème du mé
chant qui doit être un jour la victime de ses crimes ;
une pie déchiquetantune feuille de laurier était l'image
de la calomnie quipersécute les sages et les savants. La
bonne foi était peinte par une figure tendant la main
gauche ; enfin cette langue parlante, que les prêtres
d'Égypte portèrentà sa perfection, avait le mérite de
l'éloquence la plus sublime et la plus savante précision ;
elle était de tous les temps, de tous les peuples, et ce
qu'elle exprimait n'était pas susceptible d'être dénaturé.
– f36 -
Ce fut à l'ombre de ces symboles figurés que le dépôt
des vérités premières fut intact, et que l'on força le
peuple à révérer la Divinité et à respecter ses droits,
sous les images les plus grossières et sous les formes
les plus superstitieuses.
Après avoirtracé l'origine et l'aperçu de la Maçon
nerie égyptienne, je devrais peut-être en suivre tous les
détails;je devrais dire comment les hiérophantes d'Hé
liopolis rendaient au soleil l'hommage le plus majes
tueux et le plus digne de cegrandflambeau du monde,
en faisant de son temple une sphère vivante, où l'œil
enchanté découvrait tout le mécanisme de la nature
dans ce qu'elle a de plus imposant. Je devrais parler
des recherchesque les prêtres de Memphis avaient faites
de la science numérique, et dire comment le nombre
ternaire était sacréchezeux, ainsi que chez les Maçons.
Passant ensuite au collége deThèbes, rappeler quelles
précautions ses prêtres avaient établies, et par quelles
épreuves ils s'assuraient des initiés qui voulaient con
naître les derniers secrets. Puis, parcourant successi
vement tous les peuples qui avaient formé l'école
égyptienne, les gymnosophistes deMéroë, les Mages de
l'Inde, les cénobites de Brachmé, nous trouverionssans
cesse l'image vivante de la Maçonnerie chez ces sages
uniquement occupés à l'étude des lois, des arts et de la
morale, tantôt entretenant le commerce des hommes
pour les rendre meilleurs, tantôt vivant seuls et isolés,
semblables, dit Pythagore, au laboureur qui ensemence
son champ,sans daigner s'apercevoirque dans les bois
voisins des milliers d'insectes, armés les uns contre
- l37 -
les autres, s'affament ou se dévorent dans leurs aveu
gles animosités. Mais les bornes qui me sont pres
crites me forcent de franchir les mystères de ces peu
ples antiques, pour nous rapprocher de la Maçonnerie
Salomonique, qui doit principalement intéresser les
Maçons d'aujourd'hui.
Ne nous arrêtons pasà la naissance du peuple juif
ni aux malheurs qui l'ont accablé dans l'empire de Pha
raon; maisfaisons avec lui le passage de la mer Rouge,
et suivons-le dans le désert où fut construite l'arche
fameuse, qui donna naissance au temple célèbre destiné
à la recevoir. Là, dans un sol aride, sans ressources,
sans provisions, nous voyons ces Arch... courageux
élever cette arche qui devait être leur point de rallie
ment, leur bouclier contre leurs ennemis, et quipro
duisit des miracles depatience, de travail etde soumis
sion. Moïse, qui les dirigeait, profita du séjour de son
peuple dans cette terre sauvage pour établir legouver
nement, fixer les fêtes, régler les cérémonies, et préparer
le peuple à la conquête de la terrepromise. Cette con
quête employa sixans; elle se termina sous la conduite
de Josué, et les Israélitesentrèrent enfin dans cette terre
qui n'aurait eu rien de remarquable sans l'enthousiasme
d'un peuple qui avait mistoute safélicitéà la posséder;
disons que ce fut à cet enthousiasme dégénéré en fana
tisme qu'on dut, dans la suite, l'idée du templefameux
votépar David et construit par Salomon.
Il serait sans doute inutile de rappeler à des Maçons
les circonstances diverses qui accompagnèrent la cons
truction de ce temple, le nom desprincipaux ouvriers,
- 138 -
l'ordre et la distribution des travaux, ordresi admirable
et si dignedugrand architecte quiyprésidait. Il devint
le centre d'unité où les Israélites allaient porter leurs
vœux et leurs offrandes: il devint le nœud sacré de la
chaîne qui unissait les Hébreux. Aussifurent-ilsinvin
cibles tant qu'ils vinrent s'y rallier; mais lorsque la
division s'introduisit parmi eux, ils furent attaqués,
vaincusà plusieurs reprises ; leur temple fut souvent
pillé et profané, jusqu'à ce que Vespasien, ayant suc
cédé à Néron dans l'empire de Rome, leur déclara la
guerre, brûla la ville, détruisit le temple et extermina
leurs armées.
La ville de Jérusalem n'existait plus depuis deux
siècles, lorsque le grand Constantin, ayant embrassé
le Christianisme, la répara, et fit rétablir le temple
avec ses propres débris. Pour prévenir la confusion
parmi les ouvriers, les architectes adoptèrent l'ordre
et les divisions qui avaient été suivis par Salomon.
L'entreprise fut menée à sa fin et le temple fut donné
aux chrétiens, qui en jouirent pendant quelque temps;
mais les Sarrasins s'étant par la suite emparés de la
ville, il ne leur fut plus permis de célébrer leurs mys
tères ; les persécutions recommencèrent : les chré
tiens furent forcés de dissimuler leur état; plusieurs
même embrassèrent la religion de leurs persécuteurs.
Alors ceux qui étaient demeurés fidèlesà la foi de leurs
pères durent se méfier de leurs ennemis et se mettre
en garde contre leur vigilance. Leurs mesures durent
être d'autantplus sévères qu'ils avaient toutà craindre
de ceux qui avaient trahi leur Dieu. lls se trouvèrent
--
- 139 -
dans le cas des sages de l'Égypte : à leur exemple, ils
imaginèrent deformer une société secrète, dontle motif
apparent serait de rappeler les travaux de leurs pères,
lors de la construction du temple, mais dont le but
réel tendrait à éviter toute surprise. Cette construction
leur fournissait une allégorie bien rassurante; le nom
de Maçons, qu'ils prenaient, les mettaità l'abri de tout
soupçon, et la distribution des ouvriers par classes
leur donnait le moyen de s'assurer de ceux quise pré
senteraientpour être admis.
Ce n'était qu'après avoir pris toutes les précautions
dans les deuxpremiers grades qu'on leur accordait la
maîtrise ; chaque grade avait,pour se reconnaître, des
mots et des signes particuliers, puisés dans l' histoire
de la construction du temple. Les maîtres seuls étaient
admis dans la chambre secrète. Tant que cette cham
bre était fermée, les apprentis et les compagnons en
étaient écartés ; ils en ignoraient les travaux et veil
laient à lagarde du temple. Les uns étaientplacés aux
portes, d'autres se tenaient sur le toit. On annonçait
que cedernier poste était rempli, en disant : Le temple
est couvert: et ces mots : Il pleut, exprimaient qu'il
ne l'était pas, oubien que des profanes en approchaient.
Ce fut avec ces sages précautions que ces pieux Ma
çons évitèrent les persécutions de leurs ennemis et les
vexations des infidéles.
Telfut, pendant plusieurs siècles, le but de la Ma
çonnerie Salomonique, reléguée pour ainsi dire à Jéru
salem. Tel était son état, lorsque les Papes, assis sur
le trône de l'ancienne capitale du monde, proposèrent
- 1 40 -
aux rois de la chrétienté de former une coalition pour
arracher cette ville des mains desSarrasins.
A leur voix, les croisades sont prêchées par tout le
monde chrétien. Rois, prêtres, nobles, roturiers, cita
dins,villageois, tout s'arme, tout part : deux cent mille
hommes, dirigés par Godefroy de Bouillon, seprésen
tent devant Jérusalem et s'en rendent maîtres; le culte
est rétabli, etpendant quelques années il brilla de toute
sa splendeur.
Cependant les Croisés, s'étant liés avec les chrétiens
qui étaient à Jérusalem, apprirent d'eux les moyens
qu'ils avaient employésjusqu'alorspour se livrerà leur
culte; des associations se formèrent, sous le nom de
Maçons libres, à l'imitation des ouvriers habiles qui
avaient autrefois construit le temple. De retour dans
leur patrie, ils rapportèrent avec eux le récit de tous
les exploits qui avaient accompagné cette expédition ;
ce qui intéressait le sépulcre, principal objet de leur
voyage, n'était pas oublié:ils racontaient partout avec
détail, et les persécutions que les chrétiens éprouvaient
avant leur arrivée, et les précautions qu'ils avaient
été forcés de prendre pour échapperà la vigilance des
infidèles.
Les Croisades avaient en même temps donné nais
sanceà un corpsfameux dans les annales de l'histoire.
Les gentilshommes qui s'étaient distingués par leurs
exploits obtinrent des potentats, dont ils étaient les su
jets, le titre de Chevaliers, et formèrent un corps qu'on
désigna sous le titre de Chevalerie militaire. Quel
ques-uns, animés par un zèle religieux, se soumirent
- 141 -
à une règle moitié ecclésiastique, moitié militaire, et
leur association fonda la Chevalerie régulière : d'autres,
enfin, que leur naissance excluait du premier rang, et
qui n'étaient pas assez pieux pour entrer dans le se
cond, établirent ce qu'on appelle la Chevalerie sociale.
Cette dernière branche, qui se propagea comme les
deux premières, mais qui n'avait aucune règle fixe, se
noya dans le torrent des extravagances dont elle fut la
source. Il n'en futpas de même des deux autres corps.
Les Chevaliers de l'ordre Teutonique attestent encore
la gloire et la splendeur de la Chevalerie militaire,
et les Templiers, qui formaient une partie de l'ordre
régulier, et quifurent victimes de la cupidité de Phi
lippe le Bel et dupape ClémentV,occupent dans l'his
toire la place dueà leurpuissance et à leurs malheurs.
La Chevalerie fut en vogue principalement dans le
treizième siècle. Les souverains toléraient cet esprit
belliqueux, parce qu'ils n'auraient pu, sans compro
mettre la tranquillité de leurs États, contrarier les goûts
de leurs sujets. Mais les mœurs s'adoucirent peu à
peu; legoût des lettres remplaça cette frénésie, et l'on
vit seformer, du sein de ces corporations, des établis
sements utiles, dont les monarques se déclarèrent les
protecteurs.
Pendant que lesgentilshommes se livraient auxexer
cices de la chevalerie, les Croisés, sous le titre de
Maçons libres, avaient des réunions particulières où
ils se plaisaient à rappeler les grades par lesquels les
chrétiens de la Palestine étaient obligés de passer,pour
parvenir à la chambre secrète. Bientôt l'enthousiasme
– 142 -
maçonnique remplaça la fureur de la chevalerie, les
idéesse développèrent, le projet de donner un accrois
sement aux réunions des Maçons libres plut aux sou
verains; il fut protégé, encouragé, et il se répandit
chez tous les peuples. Ce fut à cette époque,vers le
milieu du treizième siècle, sous le règne d'Édouard en
Angleterre, de Jacques I° en Écosse, que Jean, fils de
Philippe de Valois, érigea en France l'ordre de l'Étoile,
dont le siége principal fut établi dans le palais de
Saint-Ouen, dit autrefois Clichy, Les chevaliers por
taient au cou une chaîne de cinq chaînons entrelacés,
de laquelle pendait sur l'estomac une étoile d'or à
cinq raies. Le roi était le grand maître de l'ordre. Il
n'y eut d'abord que trente chevaliers, choisis dans les
familles les plus distinguées; mais le nombre s'en
accrut bientôt. On y fut admis ensuite sans distinction
de naissance; et cet ordre, qui subit plusieurs déve
loppements, peut être regardé, sinon comme le prin
cipe, du moins comme le moteur principalde lasplen
deur et de l'éclat dont la Franc-Maçonnerie a brillé en
France depuis cette époque jusqu'à nos jours.
Après avoir parcouru rapidement le tableau histo
rique de l'institution maç..,jetons égalementun coup
d'œil sur ses bases,sur ses dogmes,sur ses principes.
Nous allons les trouver tous écrits dans les emblèmes
ingénieux que les Francs-Maçons ont empruntés des
patriarches de la Maçonnerie. Nous avonsvu, en effet,
en parlant des Égyptiens, comment ils avaient su ca
cher des vérités précieuses, sous des figuresinintelli
giblespour tous ceux qui n'étaient pas initiés à leurs
– l 43 -
secrets. Il en est de même de la Maçonnerie Salomo
nique. Lepremier objet qu'elle présente est l'ensemble
accompli de ce fameux édifice dont l'histoire a per
pétué le souvenir. L'architecture, qui remplace chezles
Maçons cette bâtisse pratique, est consacrée, sous cet
emblème, au temple qu'ils élèvent à la vertu, ouvrage
qui doit être parfait danstous ses points. La Charitéen
taille les pièces; elles sont liées par l'Amitié, ce ciment
de l'union et de l'harmonie, et l'édifice est soutenupar
la Discrétion et la Fidélité.
A la porte du temple on trouve deux colonnes à
l'instar de celles que Salomon avait fait élever dans le
parvis. L'histoire, en noustransmettant leurs noms, ne
nous a pas fait connaître leur véritable signification.
On trouve seulement dans les commentaires du troi
sième livre des Rois, que le mot hébreu J.·., de la
première colonne, répond au mot latin stabilitas, par
où on a voulu faire entendre qu'elle avait été élevée
par Dieu lui-même, et que le mot B.-. de la seconde,
répond au mot fortitudo; ce que les Maçons expri
ment en disant : Ma force est en Dieu. Au reste, il
n'est pas indifférent d'observer que cette dernière co
lonne porte le nom de cet homme pieux et charitable
qui ordonna à ses moissonneurs de laissertomber des
épis dans son champ, de manière que Ruth pût en ra
masser sans honte. Ceux qui sont assez heureux pour
faire le bien peuvent apprendre par là qu'il faut épar
gner aux infortunés la confusion de demander et de
recevoir des secours.
Entrés dans le temple, les premiers objets quifrap
– 1 44 -
pent nos regards sont les rayons brillants de cet astre
divin qui préside sans cesse à nos travaux. La Maçon
nerie,mèrede toutes les vertus, pouvait-elle être mieux
représentée que par le Soleil,père de la nature?
Mais comment s'empêcher d'admirer les mouve
ments divers des architectes Maçons? Ici, comme à
Memphis, et comme dans le temple de Salomon, les
maîtres commandent, et les compagnons exécutent les
travaux dégrossis par les apprentis.. Subordination
admirable ! qui aurait dû détruire de fond en comble
l'absurde calomnie qui, à diverses époques, a accusé
les Maçons de se soustraire à l'autorité, ou de cons
pirer contre le pouvoir. Les Maçons conspirer contre
l'ordre établi! Eux qui, dans toutes les circonstances,
ont donné les preuves les moins équivoques de leur
amour pour la paix des États et pour le bonheur du
genre humain..... Et, sans chercher des époques re
culées, qu'on cite uneseule L. ., je ne dispasen France,
mais dans tout l'univers, qui n'ait pas accueilli avec
allégresse, et célébré avec enthousiasme l'heureuxévé
nement qui avait mis fin aux derniers troubles politi
ques de l'Europe (1)? L'ivresse des Maçonsfut telle à
cette époque, que, dans plusieurs cités, ils oublièrent
la rigueur avec laquelle ils enveloppent tous leurs tra
vaux dans le mystère, et les journaux anglais même
rapportèrent « qu'à la première nouvelle de la dernière
« paix, les Francs-Maçons avaient suspendu sur la
« coupole de leur T.-.. leur élégant pavillon, dont les
(l) La paix d'Amiens.
- 145 -
« ondulations, réfléchies par les rayons du soleil, pré
« sentaient le coup d'œil le plus agréable. »
On demandera sans doute comment une société qui
ne nuit à personne, et qui peut être utile à tout le
monde, apu trouver des critiques et des persécuteurs.
Lespersonnages distingués qui en ont été les chefs et
les soutiensà diverses époques suffiraient pour sajus
tification, si elle ne portait avec elle-même les moyens
de repousser les attaques de ses détracteurs. Les Ma
çonspeuvent dire avec orgueil et vérité qu'il n'existe
pasun seul coin du globe où leurs travaux ne soient
consacrés par des bienfaits. Sans leur secours, la fa
mine de 1772 eût dévoré des milliers de familles dans
la Saxe. A Prague, ils ont établi un hospice pour les
pauvres et les orphelins. A Rensbourg,àStetin,àMit
tau,à Berlin,ils ontfondé desbibliothèques publiques ;
à Meningengen, ils ont institué un séminaire pour y
former des maîtres d'école ;à Dresde,à Brunswick,ils
ont rendu des services signalésà la jeunesse, en con
courantà son instruction. En France, il n'est pas de
jour où des milliers de malheureux ne bénissent des
mains généreuses et inconnues qui soutiennent leur
existence. Mais pourquoi dévoiler une partie de ces
mystères?pourquoi diminuer le prix des bienfaits en
les divulguant?N'espéronspasimposer silence aux dé
tracteurs de la Maçonnerie. Après avoir épuisé ce pré
cepte de don Bazile : La calomnie, docteur, la calom
nie, ilsfinirontpar se retrancher derrière cette maxime
de Desfontaines, quand il voulait se justifier de ses
diatribes contre l'abbé Prévost : Alger meurt de
- ----- --_ ----------
10
- 146 -
faim, quand il est en paix avec tout le monde.
De tout ce que nousvenons de dire, on peut con
clure que la Maçonnerie a été de tous les temps, qu'il
a existé des Maçons partout où ily a eudes âmessen
sibles, et que si la vertu est àjamais exilée de la terre,
nos temples deviendront son refuge. Pour moi,je l'a
voue avec vanité,je bénirai jusqu'à ma dernière heure
l'instant heureux qui me rendit membre d'une si belle
société;je m'enorgueillirai sans cesse de lui appartenir,
etje croirai avoir acquis le plus précieux de tous les
titres sije parviens à mériter celui de zélé Maçon.
COPIE DE LA PLANCHE
. TRACÉE
PAR LE F.'. PIGAULT MAUBAlLLARt,
Président du Jury de Littérature maç. .. de la R. .. l. '. de Saint
Louis des Amis Réunis,à l'O. .. de Calais,
ET ADRESSÉE
AU F... Ils o Une ÉE,
S. · .. p, · , R. · .. C. · ., lPremier Surv.*.. de la R.*. E. ' , de
l'Age d'or,à l'O. * .. de Paris,
O... de Calais, le 8e jour du 5e mois de l'an 5808
(8 mai 1808).
S,°. S. •. S.°.
T.°. C. .. ET R.°. F. .. ,
C'est avec une grande satisfaction queje m'empresse
de vous prévenir que votre intéressante pièce de prose
a obtenu le prix et la couronne, et que le bijou et le
bref vont être envoyésà notre représentant le R. .. F. .
Thory, ex.°. V.°. de la R.°. L.°. de Saint Alexandre
d'Ecosse, qui s'entendra avecvotre V. ..pour vous les
remettre dans le sein de votre atel. .. dansune séance
solennelle, convoquée ad hoc. Votre pièce, dont sans
doute vous avez une copie, devra y être lue avant la
délivrance du prix et du bref.
Je suis chargé, de la part du Jury, de vousinviter
à pousser vos recherches sur la partie suivante de ce
discours : Vous semblezvouloir y rattacher la M...à
l'ordre de l'Étoile ; mais vous ne prouvez pas que cet
ordre fut maçonnique,et aucun des ouvrages que nous
avons consultés ne le prouve. ll est pourtant essentiel
et très-intéressant, pour raisons à nous connues, d'é
claircir ce pointà fond, et d'une manière qui ne laisse
aucun doute.... Veuillez donc couronner l'œuvre, en
poursuivantvos recherches, et nous faire part du ré
sultat.
Votre charmant Cantique, le Portrait d'un Franc
Maçon, avait obtenu l'accessit; maisil a dû être écarté
du concours, en vertu de l'article du Programme qui
dit qu'on ne pourra concourir pour plusieurs prix, à
peine d'être déchu du concours.
Le Jury, rendant justice à la beauté de ce Cantique,
en a ordonné l'impression à la suite du procès-verbal.
Avant l'ouverture du billet qui vous a fait connaître,
on avait écrit aux FF...Gavauxpour en avoir la mu
sique pour lejour de la fête, afin de pouvoir l'yfaire
chanter; ils n'ont pas répondu, et on a été réduit à le
lire. Il faut que ce Cantique vaille autant pour pouvoir
se passerde l'appui de la musique.Veuilleznous la faire
passer de suite. -
Sitôt que le procès-verbal de la Fête contenant les
pièces couronnées aura étéimprimé, on s'empressera
devous l'envoyer, ainsi qu'à votre R.°. L. .
-T------------___ __
Voilà donc deux de nos prix dans la R. .. L... de
l'Age d'Or; ony en aurait vu un troisième si nos ré
glements ne s'y étaient opposés.
Agréez, T. .. C... F.-., mes sincères félicitations de
vos succès. Nous regrettons que votre muse ne se soit
pas occupée du premier prixen vers: l'échantillon que
vous nous en avez envoyéprouve quevotre succès au
rait été complet.
Veuillez être persuadé des sentiments fraternels avec
lesquels j'ai la faveur de voussaluer par lesN.°. M. .,
et de me dire,
T. •. C. . et R.°. F.°.,
Votre très-dévoué F. •.
PIGAULT MAUBAILLARG.
V o e
ÉTUDE SUR CETTE QUESTION :
« Quelle influence la Maç.. doit-elle exercer sur l'état
« social de la Femme? »
Pour résoudre cette importante question, il est né
cessaire avant tout de jeterun coup d'œilgénéralsur le
sort de la femme dans les diverses parties du globe,
depuis la créationjusqu'à nosjours; de voirsous quels
peuples et sous quelles législations la femme a le plus
joui de ses droits, et s'il est vrai que ce soit chez les
peuples les plus avancés en civilisation qu'elle a été le
moins opprimée;il en résultera nécessairement que,
par l'influence de laMaç.., lafemme doit êtreun jour
définitivement émancipée.
Nous dironspeu de chose de la situation de la femme
dans les temps anti-diluviens; suivant le livre de
Moïse, le seul qui nous ai fait connaître ces temps,
tous les fléaux qui fondirent à cette époque sur l'hu
manité auraient été occasionnés par la femme. C'est
en cédant auxtentations du serpent qu'elle aurait déso
béi à Dieu; c'est en cédant à Eve qu'Adam aurait
partagé sa faute; et bien qu'il prévit, comme le dit
Milton, la punition qui était réservée à sa désobéis
- l51 -
sance, il se serait immolé à l'amour et d l'amitié
malheureuses..
C'est, en effet, par suite de cette désobéissance
qu'Adam et Éve auraient été chassés du paradister
restre; de là toutes les douleurs et toutes les infirmités,
puisque, jeté sur une terre qui ne produisait que des
ronces et des épines, l'homme ne put désormaispour
voir à sa subsistance qu'à la sueur de son front, et la
femme enfanter que dans les cris et la souffrance; d'où
il suit qu'Ève se serait placée dans cette situation
pénible d'avoir à rougir sans cesse devant Adam, et
d'être réduiteà chercher, par toutes sortes de complai
sances,à adoucir le mal qu'elle lui avait occasionné;
ce qui expliquerait, jusqu'à un certain point, la supré
matie de l'homme et l'assujettissement de la femme,à
cette première époque de la création.
Le livre de Moïse ajoute que les enfants d'Adam
s'étant multipliés, et sa postérité cédant à ses mauvais
penchants, plutôt qu'à la volonté de l'Eternel, Dieu,
justement irrité de la conduite des hommes, aurait ré
solu de les faire tous périr dans un déluge universel ;
qu'un seul obtint grâce devant lui; que ce fut Noé
qui,ayantconservé la foi et le culte de ses pères, aurait
été sauvé, ainsi que sa famille, dans une arche, dont
Dieu lui-même lui aurait tracé les dimensions, et dans
laquelle il aurait mis ses trois fils, Sem, Cham et
Japhet, ainsi que leursfemmes et leurs enfants, et un
couple de tous les animaux qui vivaient sur la terre à
cette époque.
Après que le déluge fut passé, et que les eaux se
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- 152 -
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furent retirées, la terre se peupla de nouveau. Quel
fut le sort de la femme pendant les premiers siècles de
cette époque post-diluvienne? L'histoire appelle ces
siècles les temps fabuleux, pendant lesquels l'homme
vécut dans un état de sauvagerie, et se prévalut de sa
force poursoumettre la femmeàses caprices, ou plutôt
à ses besoins; car, dans l'état sauvage, l'homme n'est
qu'une brute, qui ne connaît de l'amour que la partie
physique;unbesoin pressant le rapproche de lafemme,
le besoin satisfait l'en sépare.
La femme fut-elle plus heureuse quand la civilisa
tion commença à s'établir? Hélas! non; carà mesure
qu'un pays se civilisait, c'est l'homme qui yfaisait
les lois, et il les faisait toutes à son avantage. C'est
ainsi que dans la Grèce, qui fut habitée peu de temps
après le déluge par les descendants de Japhet, lafemme
ne fut considérée par Cécrops, qui institua le mariage,
que comme un meuble dont il était permis au mari de
trafiquer.
Il en était de même chez les Scythes et chez les
Mèdes, où la polygamie était permise, aupoint qu'un
homme qui nepossédait pas au moins sept femmes ne
jouissait d'aucune considération. -
Quesi,dans d'autres climats, la femme,à cette épo
que, exerçaquelque empirepar sesattraits; cet empire
luifut d'autant plus funeste, que ces attraits étaient plus
puissants. Lajalousie couvrit deprisons toutes les cités
de la Chine, de la Tartarie, de la Perse et du Japon ;
elle y riva les fers de la beauté, qui, semblable aux
fleurs dont l'éclat est si passager, ne sortait de l'escla
– 153 -
vage que pour aller sécher et périr dans le mépris et
la misère. -
Tel est encore aujourd'hui le sort desfemmes dans
ces climats, où la clôture et la servitude sont consa
crées par les lois. Une moitié du genre humain est
esclave de l'autre; une multitude de femmes, renfer
mées dans la même prison, n'ont des sens que pour
un seul homme, qu'elles sont contraintes d'aimer par
amour-propre, absorbant toutes les heures de leur exis
tence dans les intrigues, les haines, et les rivalités.
Il est vrai que dans la Chine, cette terre isolée du
reste du monde, le sort des femmes n'est pas aussi
cruel; mais il n'en est pas moins assujetti à une
affreuse tyrannie. La fille à marier est tenue dans une
retraite absolue et loin de tous les yeux, jusqu'à ce
que, demandée en mariage, le marché soit conclu
entre les parents respectifs; ce n'est que lorsqu'on est
d'accord qu'on lève le voile de la mariée, et que les
futurs époux se voient pour la première fois. Le pre
mier coup d'œil fixe le sort de la pauvre fille, dont les
journées, consacréesà l'oisiveté,sont désormais parta
gées entre les soins de sa toilette et le plaisir de fumer
unepipe d'un tabac très-doux, dont la provision est
renfermée dans une bourse richement travaillée, que
les Chinoises portent à leur côté, comme un bijou né
cessaire à leur parure, et cela,pour briller seulement
devant des femmes, car seules elles peuvent se voir et
se rendre des visites.
Si de l'Asie nouspassonsà l'Afrique, nous trouvons
partout les femmes livrèes à un esclavage plus ou
- |54 -
moins rigoureux; mais il est des contrées où leur sort
est aggravé par le fanatisme, qui les force à monter
avecun enthousiasme qu'entretient le point d'honneur
sur le bûcher de leurs maris et de mourir avec eux.
Plus nous nous rapprochons de l'Europe etplus nous
trouvons de l'amélioration dans le sort de la femme.
Arrêtons-nous aux deux peuples qui brillent le plus
dans l'histoire; nous voulons parler des Grecs et des
Romains. Chez lespremiers, les lois avaient tellement
adouci le sort desfemmes, que les mœurs se mirent en
contradiction avec les lois; celles-ci avaient proclamé
la sainteté du mariage, et cependant l'histoire nous
montre la corruption publiquement honoréeà Athènes.
Aspasie exerça sur Périclès un tel ascendant, qu'elle
créa une corporation de courtisanes, pour le suivre
dans son expédition contre Samos, et leurs faveurs
furent si bien récompensées, dit Alexis le Sabéen,
qu'on leurpermit d'élever un temple àVénus.
Dans le troisième âge de la Grèce, les mœurs furent
plus sévères: mais cette austérité amena la destruction
d'Athènespar Sylla. Ce Romain, fameuxpar ses actes
de cruauté, ayant assiégé la ville, apprit queses habi
tants, railleurs par nature, s'étaient permis quelques
plaisanteries sur les mœurs de sa femme;furieux, il
jura de s'en venger, et lorsqu'il se fut rendu maître de
la ville, non-seulement il la livra au pillage, mais il fit
passer au fil de l'épée lesfemmes et les enfants, et il fit
vendre, comme esclaves, tous les hommes qui avaient
échappé au fer de ses soldats. Depuis cette époque, ce
malheureux peuple tomba, de chute en chute, sous le
-- 155 -
joug des sultans, et il subit jusqu'au commencementdu
siècle où nous vivons, le sort affreux que l'Alcoran
réserveà tout ce qui n'est pas soumisà sa loi.
Si nous tournons nos regards vers Rome, avant
qu'elle fût la maîtresse du monde, nous voyonsbien
Romulus ajouter aux lois qu'il avait faites celle du
mariage; mais les femmes y étaient si maltraitées,
qu'il ne leur était pas permis de quitter leurs maris,
sous quelque prétexte que ce fût,tandis que les maris
pouvaient les répudier, et même les punir de mort, si
elles étaient convaincues d'adultère, d'empoisonne
ment, d'avoir fait de fausses couches, ou même seule
ment d'avoir bu du vin en trop grande quantité.
Plustard, et lorsque Rome eut été érigée en répu
blique, nousvoyons les dames romaines se livrer dans
leurs maisons à tous les soins domestiques, pendant
que leurs maris s'occupaient dans les camps du soin
d'étendre la grandeur romaine ; mais nous voyons
aussi, lorsque cette ville, à l'apogée de sa gloire, subit
le joug des empereurs, l'inégalité des rangs et desfor
tunes opérer une révolution complète dans les mœurs ;
les vices furent plus puissants que les lois, et la dépra
vation arrivaà tel point, que Néron osa prononcer en
public l'éloge d'une femme dont il avait été l'amant,
l'épouxet l'assassin, d'une femme qui, dit Tacite, avait
tout hors les mœurs : cette femme était Poppée ...
Les mœurs étaient si corrompues à cette époque, que
lesphilosophes eux-mêmes refusaient auxfemmes cette
vertu si douce, qui fait tout à la fois leur charme et
leur défense, cette retenue, la plus belle des craintes
- 1 56 -
après celle de Dieu, a dit Chateaubriant; en un mot,
la pudeur : cette vertu n'était qu'un vain mot suivant
la secte des Cyniques, et l'union la plus tendre pou
vait être rompue, au gré de l'une ou de l'autre des
parties.
Rome régnait alors sur tous les peuples soumisà
sonjoug, et les Juifs eux-mêmes venaient de subir la
loi de ces maîtres du monde, lorsque le dogme si doux
de la Liberté, de l'Égalité et de la Fraternité fut pro
clamé chez eux par l'Évangile. Ce dogme étendit son
empire non-seulement sur les actions, mais encore sur
les consciences. Il prescrivit à ses adeptes de s'aimer
et de se secourir réciproquement, et l'on vit alors le
sexe le plus faible, mais aussi le plus aimant,tourner
vers la bienfaisance cette vertu que la nature lui avait
donnée en échange de la force, et consacrer ses soins
au soulagement de toutes lesinfortunes ; la femme n'est
plus, comme dans les temps antérieurs, ni maîtresse
ni esclave; elle inspire les sentiments les plus nobles,
et elle devient la compagne de l'homme, dans sesplai
sirs comme dans ses dangers.
Mais, hélas! il faut le dire aussi, à peine la sain
teté de l'Évangile eut-elle opéré, en faveur desfem
mes, le miracle de les élever, sinon au-dessus, du
moinsau niveau des hommes,à peine le christianisme
les eut-il réhabilitées, à peine enfin, d'esclaves, de
servantes qu'elles étaient, les eut-il fait les com
pagnes, les égales de l'homme, qu'il seforma une autre
religion, qui les fit descendre bien plus bas, et qui les
plaça entre l'homme et la brute. L'Alcoran ne considère
- 157 -
en effet la femme que commeun instrumentde plaisir ;
etpartout où le culte de Mahomet parvint à s'établir,
dans la Turquie, dans la Perse, aux îles Barbaresques,
dans la plusgrande partie de l'Afrique, non-seulement
l'esclavage de la femme fut maintenu, mais l'espoir .
d'une meilleure vie, même après celle-ci, ne lui fut
pas même laissé. La Prédestination est le dogmeprin
cipal de l'Alcoran, et d'après ce dogme non-seulement
la terre,durant la vie, mais même le ciel, après la mort,
tout appartient exclusivement à l'homme; c'est à lui,
à lui seul qu'est due la domination dans ce monde, et
la béatitude dans l'autre ; tel est le secret du destin.
Quant à la femme, il n'en est pas question dans les
plaisirs dont les théologiens de l'islanisme font de si
charmantes descriptions. Ily est dit seulement que les
bienheureux musulmans reposeront sur de riches tapis,
avec des vierges célestes, dont les yeux brillants ne
s'ouvriront que pour regarder ceux auxquels elles
sont destinées, et qui n'auront d'autre soin que celui
de leur procurer des plaisirs sans lassitude et sans
ennui. - -
On voitpar là avec quel dédain la femme est traitée
dans les pays soumisà l'empire de Mahomet, dont la
religion est malheureusement répandue presque dans
tous les pays orientaux.
Mais elle a fait de vains efforts pour s'établir dans
les régions tempérées, où l'institution de la chevalerie
vint d'abord venger les femmes de l'espèce d'abjection
à laquelle l'Alcoran avait voulu les réduire. A cette
époque, les femmes exerçaient un empire presque ab
- 158 -
solu;jamais elles ne furent plus tendrement aimées.
Fières d'une institution où l'on ne craignait pas de
braver la mort pour elles, elles prouvèrent souvent
qu'elles en étaient dignes; on les a vues, pleines d'un
noble enthousiasme, combattre avec leur défenseur et
s'illustrer par des traits d'héroïsme. L'histoire nous a
transmis, entre autres faits éclatants, celui des femmes
de l'île de Chypre, qui, ayant été faites prisonnières,
en défendant leur île, et étant emmenées sur un vais
seau, pour être renfermées dans le sérail de leurvain
queur, conçurent et exécutèrent, dans la traversée, le
dessein de mettre lefeu auxpoudres, et de faire sauter
le vaisseau qui les transportait,pour ne pas subir l'es
clavage auquel elles étaient condamnées.
Une révolution d'un autre genre s'opéra en même
temps par les femmes en France, en Angleterre et en
Italie, où,pour faire sortir ces contrées de la barbarie,
les femmes voulurent sortir de leurinfériorité. L'infor
tunée Héloïse d'abord ouvre les portes de la civilisation
au xIIe siècle; mais le cloître la dévore. Dans le siècle
suivant, l'inimitable Clotilde de Surville, qui fit le
charme de son siècle, n'a trouvé depuis ni émules ni
imitateurs. Puis vinrent cette Marguerite de Navarre,
- dont les œuvres seront toujours un modèle de grâce et
de naïveté,et cette voluptueuse Louise Labbé, quiparla
si bien le langage passionné de l'amour, qu'elle est,
a-t-on dit, le seul de nos poëtes que nous puissions
opposer à Sapho. Et ces deux demoiselles de Colage
et de Gourmay, qui s'immortalisèrent la première par
son joli poëme de Judith, et la seconde par ses in
- 159 -
nocentes et spirituelles épigrammes. Puis la France
s'enrichit des contes de M"° Lecouvreur; des élé
gies de Mme de Lasuze, des madrigaux de M"° de
Scudéry, des idylles de Mme Deshoulières; enfin, les
productions en peinture, engravure, en musique et en
poésie de Mlle Chéron, brillent sur le Parnasse fran
çais, comme cette multitude d'astres rassemblés dans
la voie lactée, qui, tous, répandent le même éclat,
sans que nous puissions dire quel est le plus brillant,
En Angleterre, nous trouvons, outre Mlle Philips
et la comtesse de Vinschelson, ladi Montaigne, à qui
nous devons les Progrès de la poésie en Angleterre,
ouvrage charmant et plein d'érudition, où l'auteur,
après avoir loué la Grèce,pour avoir produit les pre
miers lauriers quidevaient couronner la tête d'Homère,
après avoir comparé la rapidité desvers de Pindare à
celle des héros quivolaient dans la carrière,après avoir
peint Anacréon, couronné de roses, et couchénoncha
lamment sur des fleurs, après avoir enfin felicité l'Italie
d'avoir produit Horace et Virgile,tourne ses regards
vers l'Angleterre et la loue d'avoir produit Schakes
peare, Spenser, Cauwlay, Milton, Addisson, Pope
et tant d'autresgénies, qui, pour être moins illustres,
n'en sont pas moins la gloire de leur patrie.
En Italie, nous voyonsd'abord Modeste Pozzo, cette
savante vénitienne, qui, dans son poëme de Floridor,
quoique non achevé, a célébré sa patrie en faisantpré
dire la naissance et la grandeur de Venise, commeVir
gile, dans son Enéide, avait fait prédire la naissance
et la grandeur de Rome.
- 160 -
En second lieu, Marguerite Sarrochia, qui nous a
prouvé dans sa Scanderbeïde (poëme en 14 chants)
combien cet auteur réunissait à la force du style un
cœur sensible et bienfaisant, et les connaissances les
plus étendues.
Puis encore Isabelle Andreiny, de Padoue,si ten
dre dans sa pastorale de Mirtile, et surtout dans sa
cantate de Héro et Léandre.
Ainsi à l'époque dont nous parlons, les femmes se
distinguaient dans les lettres, de manière à rivaliser
avec les hommes, et cherchaient mêmeà les surpasser.
« La fièvre de briller et de faire ce qu'on appelle le bel
esprit fut portée par ellesà un tel excès, dit Thomas,
qu'elles finirent parimaginer unjargon où des mots bi
zarres suppléaient auxidées qu'on n'avait même pas ;
elles créèrent des expressions qu'on admirait d'autant
plus qu'elles étaient moins connueset moins comprises.
Pourn'être pas commun, on devenait ridicule; mais ce
ridicule fut si sévèrement blâmépar Molière et par Boi
leau, que les femmes furent réduites à cacher leur
esprit. Aucune ne voulut plus êtrefemme savante,pour
ne pas entrer dans la secte des Précieuses Ridicules.
L'esprit pédantesque fut remplacé par cette amabilité
et ces grâces légères qui prennent naissance dans la
nature plutôt que dans l'instruction; mais cette amabi
lité elle-même avait disparu,comme un hors-d'œuvre,
à la fin du règne de Louis XIV. »
Elle se ranima cependant avec la nouvelle cour, mais
cefut avec d'autres mœurs ; le voile qui avait été jeté
- 161 -
sur la galanterie fut déchiré, et la corruption gagna
toutes les classes. -
Tel était l'état de la société, lorsque la Maç... fut in
troduite en Franceau commencementdudernier siècle.
Elle eut pour but principal de rétablir les principes si
purs de la morale évangélique; elle voulut que le Ma
çon vît un Frère dans tout individu qui partagerait ses
- principes; que les adeptes ne rivalisassent qu'à faire le
bien; que chaque Maçon jugeât les autres d'après lui
même, et qu'il fit pour eux tout ce qu'il voudrait
qu'ils fissent pour lui. Elle vint ranimer ce sentiment
intime quiintéresse notreâmeau sort des malheureux,
sentiment qui, par dessus tout, est le partage des
femmes; elle voulut enfin que la fraternité réunît sous
ses drapeaux tous les hommes qui seraient innocents
d'action, d'esprit et de cœur.
Aussilorsque cette religion épurée eut pris racine en
France, et s'y fut pour ainsi dire acclimatée, vit-on
sans étonnement les femmes réclamer leur part destra
vauxque son culte imposait, comme aussi leur part
des droits qu'elle avait rétablis. Mais nous devons le
dire, au blâme de nosprédécesseurs, sa réclamation ne
fut accueillie qu'aubout d'un demi-siècle (1).
Cette justice, quoique tardive, porta bientôt ses fruits.
La duchesse de Bourbon futnomméeGrande Maîtresse
de l'Ordre, et, en 1777, elle présida, escortée de toute
la noblesse de la cour, la première fête d'adoption.
(1) La Maçonnerie fut introduite en France en 1725; les LL. .. d'a
doption n'y furent autorisées par le G. · .. O.· .. qu'en 1774.
| 1
- 162-
Cette fête fut donnée dans la L.°. de la Candeur; le
troncde bienfaisanceyproduisitenvironsix millefrancs,
qui furent employés à rendre à la liberté les prison
nierspour dettes etpour mois de nourrice.
Des fêtes semblabes se renouvelèrent de temps en
temps, et procurèrent aux FF... et aux SS.., assez
heureuxpoury assister, le bonheurde goûter les dou
ceurs de la fraternité, tout en pratiquant les préceptes
si douxde la philanthropie. En 1805, on vit l'impéra
trice Joséphine marcher sur les traces de la duchesse
de Bourbon; c'est la première souveraine couronnée
qui ait assisté aux assemblées maç.. Ce fut dans un
voyage qu'elle fit à Strasbourg, où elle honora de sa
présence une fête d'adoption qu'y donna la L. .. des
Francs-Chevaliers de Paris, réunie aux autres LL..
de cette ville.
De 1805à 1814, la Maç°. d'adoption brilla dans
Paris duplusvif éclat. Les LL.. de Sainte-Caroline,
des Chevaliers de la Croix, des Militaires réunis,
d'Anacréon et de l'Age d'or se signalèrent par des
fêtes, où se rendit tout ce que Paris avait de plus dis
tingué; mais lesgouvernements qui se succédèrent,au
lieu de protéger et d'encourager la Maç.., se conten
tèrent de la tolérer. Aussi, depuis cette époque, les
LL.. d'adoption ont-elles été peu cultivées; toutefois,
enfin, l'institution existe; c'est même à elle que la Ma
çonnerie doit aujourd'hui son plusgrand éclat.
De cette revue rétrospective de l'état de la femme
aux diverses périodes, et dans les diverses contrées du
monde, on peut conclure que ses droits ne sont réelle
- - 163 -
ment respectés que dans les pays où la Maç.. a péné
tré, et dans les familles où elle est honorée. Est-ce en
effet dans ces familles qu'un époux recevra de sonbeau
père, en épousant la fille de celui-ci, le droit odieux
d'être brutal envers elle, et de la frapperd'une manière
ignoble? Est-ce dans ces familles qu'il se trouvera des
monstres ayant le droit et usant de ce droit, de passer
une corde au cou de leursfemmes, et de les traîner sur
la place publique pour lesyvendre comme un vil bé
tail? Est-ce dans les familles des Francs-Maçons que
l'hypocrisie pourra faire croireà lafemme que son mari
offense le ciel parce qu'il fait partie d'une Société qui
suit dans toute sa pureté la morale de l'Évangile, et
qu'après avoir exalté l'imagination de cette malheureuse
femme, et l'avoir excitée à se venger, l'hypocrite abri
tera cette vengeance sous le manteau de la dévotion ?
Non, lesMaçons et surtout les Maçonsfrançais connais
sent trop le prix du présent que Dieu fit à l'homme
quand il lui donna une compagne si remplie d'intelli
gence,pour la dégrader, l'abaisser ou latromper ainsi.
La vérité les éclaire; elle parle à leur cœur; elle leur
dit que si tous les hommes sont leurs frères, toutes les
femmes leur sont sœurs; que s'ils traitent avec plus
de bienveillance l'homme qui s'est rapproché d'euxpar
l'initiation maç.., ils nepeuvent pasfaire moinspour la
femme qui s'est élevée au-dessus des préjugés, pour se
joindreà eux, etpour les aiderà pratiquer l'exercice
sidoux de la bienfaisance. Ils savent enfin que la Ma
çonnerie estun creuset, aufond duquel l'homme vient
déposer les erreurs et les préjugés du monde, afin de
- 1C4 -
s'épurer; que cette sublime Institution, dont les dogmes
sont ceux de l'Évangile primitif, est une association
dans laquelle la femme vient reprendre sa dignité, et
qu'enfin c'est là que se trouve la solution dugrandpro
blème du progrès social.
Et qu'on ne dise point que ce n'est là qu'un para
doxe; nous sommes arrivés à cette grande période qui
doit faire et quifait de tous les peuples un seulpeuple
de frères, et ce progrès est dûà la Maçonnerie. Imitant
les Maçons quiviennent au secours de tous leurs FF.'.
malheureux, quel que soit leur pays, quelque religion
qu'ils professent, quelle que soit la forme dugouverne
ment qui les régit, n'avons-nous pas sous nos yeux,
lorsqu'une partie de la terre est envahie par un fléau
cruel, le spectacle consolant de tous les Maçons se coa
lisant pour venir au secours des victimes? Les prin
cipes maçonniques ont pénétré dans toutes les masses,
et notre religion, qui consiste principalement à voler
au secours de tous les malheureux, est devenue la reli
gion universelle.
Eh bien! cette même religion maç.. veut que la
femme soit aimée et respectée; qu'admise à partager
nos travaux, elle jouisse dans nosTemples de la pléni
tude de ses droits; en un mot, qu'elle soit émancipée
dujougdes erreurs et des préjugés; et cela n'est-ilpas
juste? Est-il un seul Maçon qui ne sache que lafemme
est l'ange consolateur de la terre; qu'étant la source
d'où découle legenre humain, c'est au milieu des souf
frances, en perspective même de la mort, qu'elle rem
plit sa mission sainte; que devenue Inère, elle est sans
– 165 -
cesse occupée du soin de diriger ses enfants sur la
route de la vertu, et que lorsqu'elle a rempli tous les
devoirs de la vie, on la trouve encore, au moment où
l'un des siens doit en sortir, au chevet de son lit, rete
nant les larmes qui l'étouffent, commandant même un
sourireà ses lèvres,pour tromper l'inquiétude du mo
ribond? Et lorsque enfin celui-ci se sent glisser dans la
tombe, s'il peut encore ouvrir sa paupière, c'est pour
marier son regard avec celui de l'ange qui veille, et ne
tomber qu'avec l'idée consolante qu'ilvivra encore dans
SOIl COBUlI'. -
Et lesfemmes,à quinousdevons tant, seront traitées
par nous en esclaves ! Non, la Maç... d'adoption a re
levé leurs droits, et comme cette Institution divine ne
saurait être une lettre morte, partout où elle pénétrera
elle aura pour effet de verser sur la femme la considé
ration, les égards et l'affection qui sont dus à son es
sence età ses vertus.
N° 33,
L'IMMORTALITÉ DE L'AME.
DOGME DE 1'INSTITUTION MAÇONNIQUE.
AVANT-PROPOS.
L'heure approche oùje dois rendre un compte sévère
Et du bien et du mal que j'aifaitici-bas :
Les neuffois dix hivers que j'aipassés sur terre
Me disent queje suis auxportes du trépas.
Le pas franchi, souventje me demande
Et de l'âme et du corps quel sera l'avenir...
Que ta bonté, Dieutout-puissant, estgrande !
Un songe me l'apprend : je n'ai qu'à te bénir.
SONGE ET RÉVÉLATION.
L'arbre de laforêt reprenait sa parure,
Le rossignol sa voix, le ruisseauson murmure;
Le champ avec orgueil étalait ses moissons,
De son aile zéphyr caressait les buissons.
Et fière des petits qui lui venaient d'éclore,
La fauvette à ses chants préludait dès l'aurore;
Le printemps renaissait.....
Sur un lit de gazon,
Mollement étendu,je voyais l'horizon
Parseméde soleils, dont sa lumière immense
- 168 -
Du Dieu qui les créaproclame la puissance ;
Soleils qui, répandus de l'Ourseà l'Éridan,
Sont comme les vaisseaux quipeuplent l'Océan.
Soudain par le sommeil, dansun rêve élancée,
Un triste sentiment vint saisir ma pensée.
Je voyais les humains,à la mort condamnés,
Connaitre leur destin, sitôt qu'ils étaient nés,
Etje disais : « Pourquoi, lorsque Dien créa l'homme,
« Ne le traita-t-il point, comme il traite l'atome,
« Qui, rampant ou volant, naît, meurt et disparaît,
« Commes'éteint aussi le roi de la forêt?
« Mais atome ou lion, parcourantsa carrière,
« Se doute-t-iljamais de son heure dernière ,
« Tandis qu'à peine né l'homme connaît son sort,
« Et sait que chaquepas le conduit à la mort?
« Pourquoipossède-t-il cette affreuse science ?
« Pourquoi fut-il doté de cette intelligence,
« Qui, lorsque autour de luitout ignore safin,
« Fait à lui seul, hélas! connaître son destin?
« Connaissance fatale! oh ! lorsque la justice
« De quelque criminel ordonne le supplice,
« Tout en fixant le jour, et l'instant, et le lieu,
« Le fait-elle savoir au malheureux?... et Dieu,
« Qu'on dit et la justice et la clémence même,
« Pour nous seuls dérogeant à sa bonté suprême,
« Aggrave de la mort le supplice cruel,
« Sur l'homme,goutteàgoutte, en déverse le fiel,
« Et de son sort futur lui donnant connaissance,
« Faitde lui le bourreaude sa propre existence !
« Non, non, Dieu n'est pasjuste, et c'estun donaffreux
- 469 -
« Que celui qu'il nousfit...
-Arrête, malheureux,
« Cesse d'outrager Dieu parun reproche injuste ! »
Dit, saisissant mon bras, avec son bras robuste,
Un être merveilleux, queje n'avais pointvu,
Et qui du haut du ciel, près de moidescendu,
S'était précipité, d'un mouvement rapide.
– « Insensé, me dit-il, quelle fureurte guide?
« Dieu, dis-tu, n'est pasjuste?ingrat! quand il voulut,
« En lui donnant la mort, que l'homme la connût;
« Quandil lui révéla queseul dans la nature
« Il saurait que la fin de toute créature
« Estde rendreà la terre un corps d'elle sorti,
« Et qu'ainsi de son sort l'homme fût averti.
« Tandis que tout restait plongé dans l'ignorance,
« Ne le remplit-il pas de tant d'intelligence,
« Qu'ilpût connaître et voir au delà deses yeux
« Les sublimes clartés qui brillent dans les cieux ?
« Si Dieu, dans sa sagesse, éleva ton génie
« Aupointde concevoir sapuissance infinie,
« A-t-il pu, juste et bon,te dire, en te montrant
« D'un côté tant de biens, de l'autre le néant :
« Mortel que j'ai créé dans unjour de délire,
« Pourêtre maître et roi de tout ce qui respire,
« Des dons que je t'ai faits tu nejouiras pas,
« Une fosse est ouverte, au-devant de tes pas ;
« C'est là qu'il faut aller; c'est là qu'il faut descendre,
« Carc'est pourn'être plusquepoussière et quecendre
« Que je t'ai mis au monde, et qu'enfin de tes yeux,
« Pour me jouer de toi, j'ai rapproché les cieux..
(
- 170 -
« Non, Dieu n'apastenu cet indigne langage ;
« Ne lui prête donc pointun dessein qui l'outrage. »
–Maispourquoi me montrer un abîme entr'ouvert ?
« N'eût-il pas mieuxvalu que d'un voile couvert....
«-Homme présomptueux, crains d'être téméraire.
« -Je ne redoute point l'éclat de la lumière ;
« Prouve-moi que j'ai tort...
«-Soit :viens, approche, il faut
« Que,par ce tube aidé,tupénètres là-haut;
« Plus loin que ton soleil ; enfin que tu connaisses
« Du Dieu quite créa les immenses richesses ;
« Regarde.-Qu'ai-jevu? l'espace illimité
« Ne fuitplus, chaque point estun monde habité !
«-Si,dansquelquesdegrés, plusieurs milliers d'étoiles
« Ates faibles regards apparaissent sans voiles,
« Si chacune est un monde, ou plutôtun soleil
« Danstous ses attributs à ton astre pareil,
« D'un légitime orgueil tu ne peux le défendre ;
« Puisque enfin la raison doit te faire comprendre
« Que des mondes,pareilsà celui quetu vois,
« Comme luisont peuplés,suivent les mêmes lois.
« Et que serait-ce doncsi, rompant les limites
« Qu'à tes débiles sens la nature a prescrites,
« Tupouvais contempler tant deglobes divers,
« Quijusqu'à l'infini remplissent l'univers?
« Devantl'immensité d'une tellepuissance,
« Mesure maintenant ta chétive existence.
« Auprès d'un Dieu si grand, qu'es-tu,faible mortel,
« Pour oser ette plaindré, et blâmer l'Éternel ?»
ll se taità ces mots, et son regard m'annonce
(
-- 171 -
Qu'avant d'aller plus loin il attend ma réponse.
Que pouvais-je lui dire? Interdit, alarmé,
Je sentais trop, hélas! que j'avais blasphémé.
Mais, lui, me rassurant : « Dansta frêle existence,
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Si de Dieu, me dit-il, tu renfermais l'essence?
–Quedites-vous?-Comprends ce fait essentiel :
Tout corpsvient de la terre et toute âme du ciel.-
Grand Dieu!Sepourrait-il/?-Oui,tonâmeest divine;
Mais où donc sur la terre en serait l'origine ?
Oùserait-elle née? En quel lieu? dans queltemps?
Ce n'est ni dans le sol ni dans les éléments.
Lefeu, la terre ou l'air forment-ils la mémoire,
Le don de réfléchir, le désir de la gloire,
Le plaisir des succès, le chagrin des revers ?
L'âme seule ressent ces sentiments divers.
Et lorsque sur ceglobe, où tout n'est que matière,
Le corps inanimé rentre dans lapoussière,
Heureuse d'obtenir son élargissement,
L'âme retourne au Ciel,son premier élément,
Au ciel, où, la prenant neuve, quoique immortelle,
Dieu, qui la revêtit d'une écorce charnelle,
Ne l'asservit ainsi qu'afin de l'éprouver,
Afin qu'elle devînt digne de s'élever
Jusqu'au séjour divin où sa toute-puissance
Atoutes les vertus donne leur récompense,
Lorsque des passions secouant les liens,
Elle s'élance enfin aux champs aériens.
Celles que corrompît le vice de l'usure
Ne peuventpas monter au delà de Mercure.
D'autres, que le plaisir énerva lentement,
- 172 -
((
((
« Al'orbite deMarsterminent leur voyage.
Au delà de Vénus arrivent rarement.
Et celles qu'anima la fureur du carnage,
« Quelques-unes, roulant au centre de l'Éther,
« Ne peuvent dépasser Saturne ou Jupiter.
« Que sidans d'autres corps, au sein de ces planètes,
« Cesâmes quelquejour deviennentplus parfaites,
((
Elles pourront alors aspirer au bonheur
« D'arriver sans obstacle au ciel du Créateur.
Mais celles qui,toujours exemptes de souillure,
Ont dans sa pureté conservé leur nature,
« Qui surent, au milieu d'un monde corrompu,
((
((
« D'un culte pur et doux honorer la vertu,
« Quifurentici-bas, modestes, bienfaisantes,
« Sans haine, sans orgueil, et surtout tolérantes,
« Celles-là, sans effort, s'élèvent jusqu'au lieu,
« Qui n'a d'autre soleil que le trône de Dieu,
«. Etgoûtentprès de lui cette gloire immortelle,
(C
Réservée aux élus de la troupe fidèle. »
Le fantôme,à ces mots, disparaîtà mesyeux.
Tandis que mes regards le suivent dans les cieux,
Qu'il plane, en s'élevant, au-dessus de la terre,
Jemesens ébranlé parun coup de tonnerre.
Soudain je me réveille, et, plein d'un saint effroi,
Devant le Dieu quivient de se montrerà moi,
Je m'incline, et vers lui dirigeant mapaupière,
« Grand Dieu! puisque mon corps n'est qu'unpeu de
[poussière,
« Que monâme est divine, et que, d'après ta loi,
« C'est le Ciel qui l'attend, rends-la digne de toi.
- 173 -
« O mon Dieu! fais qu'auseinde ta grandeursuprême,
« Elle puisse t'aimer comme tuveux qu'on t'aime.
« Esprit universel, toi dont la majesté
« Remplit de l'univers l'espace illimité;
« Toi,par qui la fleurs'ouvre aux baisers de la séve,
« Et qui couvre de flots le sable de la grève,
« De ce sable, ômon Dieu!je suisà peine un grain ;
« Maisje suisémané de ton souffle divin;
« C'estpar toi que je sens, et c'est partoi quej'aime;
« Fais-moiparticiperà ta gloire suprême;
« Dujoug despassions,Seigneur, délivre-moi!
« Afin que, libre,pure et soumise à ta loi,
« Monâme, en s'élevant à travers tous ces mondes,
« Que paternellement sans cessetu fécondes,
« Puisse,par un effet de ton amour divin,
Jouir de taprésence et d'un bonheursans fin, »
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---------
N\° 4 .
ODE MACONNIQUE
- nÉDIÉE -
A S. A. LE PRINCE LUCIEN MIUIAT,
Grand-Maître de l'Ordre Maç, * .. en France
Fille de l'Hélicon, vierge chaste et timide,
Qui m'inspiras desvers dès mesplusjeunes ans,
Au déclin de mesjours deviens encor mon guide,
Et de ton souffle pur ranime mes accents.
Muse ! daigne prêterà mes chants poétiques
Les sons harmonieux de ta divine voix!
Fais vibrer de ton luth les cordes harmoniques,
Pour chanter avec moi les vertus pacifiques
D'un Maçon qui naquit sous la pourpre des Rois.
Sur les rives duNil, plage toujours chérie,
Où la nature veille, en songrand appareil,
Sur le berceau sacré de la Maçonnerie,
S'élevait autrefois le Temple du Soleil.
De l'astre tous les ans on célébrait la fête ;
Et lorsque les rayons de son disque naissant
Frappaient le globe d'or qui surmontait le faîte,
Et qu'ilsse reflétaient sur la foule muette,
Mille cris s'élançaientvers le Dieu bienfaisant.
- 176 -
Mesfrères, de ce jour la fête solennelle
Du bonheur quegoûtaient nos illustres aïeux
Est le digne pendant et l'image fidèle :
Peut-on le méconnaître à vos transports joyeux?
A l'astre créateur quifécondait leur vie,
Nos maîtres adressaient leursvœuxet leur encens...
Vers le prince éclairépar qui se vivifie
L'esprit conservateur de la Maçonnerie,
Vous aussi, voustournezvos cœurs reconnaissants !
Victimes oujouet d'un préjugé vulgaire,
En butte aux envieux, auxméchants,auxjaloux,
CeTemple où nous siégeons, ce soleil qui l'éclaire,
Ce parvis protecteur, rien, rien n'étaità nous.
Apeine tolérés,un souffle fanatique,
Qui malheureusement maintes fois s'exhala,
Un soupçon malveillant,une erreur politique,
Pouvaient anéantir notre culte mystique.
Un sauveur estvenu : ce sauveur le voilà !
Oui,prince, c'est par toi que la Maçonnerie
Va reprendre l'éclat de ses antiques temps ;
Sa splendeur,grâceà toi, ne seraplus flétrie,
Et ses nobles destins ne seront plus flottants.
D'un palais aujourd'hui l'Ordre est propriétaire (1),
Et nous l'occuperons protégés par la loi.
(1) Le prince Lucien Murat est le seul Grand Maître, en France, qui
ait donnéune existence légale à l'Ordre maç. · ., et qui l'ait mis dans
la position de pouvoir acheter et posséder un palais.
. - 177 -
Arrière ! arrière donc, profane téméraire !
De toutes les vertus l'auguste sanctuaire
Repousse ta présence; il n'est pas fait pour toi.
Mais, prince, pour t'aider dans cette œuvre sublime,
Quiveut des ouvrierspar le temps éprouvés,
. Tu n'aspas oublié qu'autrefois dans Solyme,
Legrand roiSalomon prit lesplus élevés ; -
Qu'avant lui, dans Memphis, le sage Hiérophante
Des prêtres les plus purs composait son conseil ,
Et qu'enfin, sous nosyeux, active et scintillante,
Dutrône sidéral la pléiade brillante
Majestueusement roule autour du soleil.
Près detoi désormais, partageant tapuissance,
Des ouvriers savants et dignes de ton choix (l),
Prêtsà teseconder de leur expérience,
De tes travaux aussi partageront le poids.
Et ce poidssera doux., notre enceinte sacrée
Réunira bientôt tous les Rites divers ;
Ainsi qu'à l'union,à lapaix consacrée,
Lespeuplesyviendront, et le règne d'Astrée
D'un bonheur assuré dotera l'univers.
(1) L'Ill.". F. .. Berville, avocat général près la Cour impériale de «
Paris, 1er Grand Maitre adjoint.
L'Ill. ". F. *. Desanlis, avocat, 2e Grand Maître adjoint.
L'Ill. ". F. *. Bugnot, architecte, Président du G.· .. O. : .. et repré
sentant particulier du G. · .. M.· .
12
- 178 -
Digne fils d'un héros qui se couvrit de gloire
En affrontant la mortà travers les combats,
Tu n'as pas, comme lui, moissonné la victoire ;
Mais par d'autres cheminstu marches sur ses pas.
Lier,par un saint nœud, tous les Maçons de France,
Dansun Temple construit par la Fraternité!.
Prince, conduis à bien cette entreprise immense,
Et portésur l'élan de la reconnaissance,
Tu rejoindras ton pèreà l'immortalité.
LA DÉCOUVERTE DE LA VAPEUR.
ODE
Lue par l'auteur dans la R. .. L. .. Jérusalem des Vallées Égyptiennes,
dont il est le vénérable d'honneur, ad vitam, lejour de l'installation
du F.* .. LAURENS dans la dignité de Vénérable élu,
Le chaos, confondant les éléments divers,
Régnait, silencieux, sur l'inerte matière ;
D'un seulde ses regards, Dieu lance la lumière,
D'innombrablesSoleils animent l'univers.
Devant l'œuvre éclatantde la toute-puissance
Incline-toi, faible mortel !
Et que ton cœurvers l'Éternel
Elève les transports de ta reconnaissance !
De l'un de ces Soleils, suspendus dans les cieux,
Comme d'un fer bouillant quand le marteau le frappe,
Enpétillants éclats l'étincelle s'échappe,
La terre s'élança, globe ardent, radieux,
Qui,subissant le joug d'une force attractive,
Remplit longtemps de ses rayons,
Roulants comme des tourbillons,
Le cercle limité de sa course captive.
· -180
Commedu vase d'or s'évapore l'encens,
Portant auCréateur nosvœux et nos hommages,
Ainsi sur l'horizon montèrent les nuages,
Quand leglobe eutperdu ses feuxincandescents :
Leur masse s'éleva, d'une course rapide,
Dans lesplaines dufirmament,
Et, condensée incessamment,
Elle redescendit au sein du sphéroïde.
Pourquoi, depuis lejour, où, sur l'aile du vent,
L'homme vits'élever cette subtile essence,
N'en avait-iljamais recherché la puissance?
C'est que, longtemps esclave, il fut longtemps enfant.
Jamais des malheureux, flétris par l'esclavage,
L'intelligence ne grandit ;
Tout à leurs yeux reste petit;
Les fers ne sont-ils pas les langes du bas âge?
La Francevit,unjour, de son peuple opprimé (1)
Une secte grandir, et loin de sa patrie
Transporter ses foyers, ses arts, son industrie ;
Son génie étouffait, il était comprimé.
Tels on voit ces oiseaux, se fiant à leurs ailes,
Quand le nord lance les frimas,
Aller, dans de lointains climats,
Chercher des jours plus doux, et des nuits moins
- [cruelles].
(1) La France vit un jour de son peuple opprimé
- Une secte grandir.
' Ce fut la secte des Protestants, persécutée sous le règne de
Louis XlVe
- 181 --
Unde ces exilés (1), de qui l'esprit penseur,
Pour nourrir les humains, agrandit la science,
Papin (2) dans la vapeur découvre une puissance,
Et d'un vaste secret il se croit possesseur.
Il n'abandonne plus cette noble pensée,
Qui, d'avenir riche trésor,
Comme une rivièreà flots d'or,
Deson vaste cerveau s'est un jour élancée.
Un piston dansun tube est entré sans effort ;
Peut-il se relever et tomber de lui-même?
Tel est le merveilleux, l'incroyable problème,
Que Papin croit résoudre,à l'aide d'un ressort
Dont un travail récent lui découvrit le germe;
Ce ressort, ce puissant moteur,
Il l'a vu dans le digesteur (5);
L'eau,qui bout, le produit : lavapeur le renferme.
(1) Papin.
Denis Papin, néà Blois, en 1647, s'exila pour fuir la persécution, et
dans son exil il inventa la marmite octoclave, dans laquelle on fait dis
soudre les os pour les réduire en gélatine. -
(2) Papin dans lavapeur découvre une puissance.
Ce fut en 1690 que Papin, avant tout autre, découvrit la possibilité
de faire marcher une machine aqueuse et à piston au moyen de la
Vapeur. -
(3) Ce ressort, ce puissant moteur,
Il l'a vu dans le digesteur.
La marmite octôclave fut nommée le digesteur, et elle a conservé
C0 InOm, - -
- 182 -
Il allume un brasier, sous un vase d'airain ;
La vapeur saisit l'eau dans le tube enfermée ;
L'eau bout, l'air se dilate, et la vapeur formée
Soulève le piston, qui remonte soudain :
Levase retiré, la vapeurse condense,
L'agile ressort se détend,
Et le piston, qui redescend,
De l'air, qui le comprime, éprouve l'influence.
Mais, dans cejeu, Papin aperçoit un danger.
Si la réaction se faisait trop attendre;
Et que l'air s'agrandît, au lieu de se détendre !
De sa prison ardente il faut le dégager.
N'a-t-on pas vu souvent, dans le fort de l'orage,
Alors que de nombreux éclairs
De leurs feux sillonnaient les airs,
La foudre, avec fracas, déchirer le nuage?
Afin de prévenirun dangereux essor,
Papin (1),parune issue agile, obéissante,
Parvient à diriger la force menaçante;
Qui soudain se dissipe, et se reforme encor:
Crainte, obstacle, danger,tout vient de disparaître :
Papin,par un heureux succès,
Avu couronner ses essais,
Et d'une force immense il est enfin le maître.
(1) Papin, par une issue agile, obéissante.
La soupape de sûreté; elle fut inventée par Papin,
- l83 -
Bientôt d'un appareil, sur les ondesvoguant,
Son génie inventifa tracé le modèle ;
Il veut que la Puissance, àson ordre fidèle (1),
Remplace des rameurs le travail fatigant.
L'appareil est créé : c'est une double roue,
Tournant sur un axe d'airain,
Et d'avance il voit le marin
Rire du bruit des flots, dont la vapeur se joue.
Que dans le sein des mers mugisse l'ouragan ;
Les vaisseaux désormais braveront la tempête,
Et contre sa fureur ils dresseront leur tête :
Une force invincible a dompté l'Océan.
Mères,femmes, enfants,plus d'angoisse mortelle ;
Le marin par vous attendu
Aujour fixé sera rendu :
La vapeur a promis, lavapeur est fidèle.
Cités ! ne craignez plus qu'un barbare ennemi
Contre vos bastions usant d'un droit infâme,
Dirige et le bitume, et le fer, et la flamme ;
Trop longtemps de ce droit l'Univers agémi;
Au lieu de se livrer aux fureurs de la guerre,
Les peuples se visiteront,
Les rivalités cesseront,
Et la paix désormais régnera sur la terre.
(1) Il veut que la Puissance,à son ordre fidèle,
Remplace des rameurs le travail fatigant.
Ce fut lui, en effet, qui, le premier, entrevit la possibilité de substi
tuer aux rames des roues muespar la vapeur; il construisit à cet effet
un bateau modèle, qui servit de guide au travail de ses successeurs.
- 184--
Est-ce un frivole espoir qui m'éblouit?... Non, non.
Par un magique essor, de l'un à l'autre pôle,
Sur un tissu de fer glissera la parole (1),
Commeunglobe de feu glisse sur l'horizon.
Et n'est-ce pas la paix qu'un tel miracle annonce?
Peuples! dans un pressant danger,
L'éclair, quivient d'interroger,
Revient au mêmeinstant, porteur de la réponse.
Mais quelle autre merveille enchante mes regards !
D'un souffle impétueux, quelle est cette puissance,
Qui, bienfaisante fée, a semé l'abondace,
Fait grandir l'industrie, et féconde les arts?
Danstoutes les cités, son haleine brûlante,
Avant de rentrer dans les cieux,
Laisse desgages précieux
Des prodiges nouveaux que sans cesse elle enfante.
Maintenant que les fils de l'active Albion
Saisissent de Papin la machine-modèle ,
(1) Surun tissu de fer glissera la parole.
C'est vers le milieu du siècle dernier qu'un physicien allemand eut
le premier l'idée d'employer l'électricité pour communiquer instanta
nément la pensée à distance. Les essais qu'il tenta sur une petite
échelle, et qui depuis furent continués, à différentes époques, en
France, en Angleterre et même aux États-Unis, prouvèrent que la
chose n'était pas impossible, mais ce n'est que de nos jours qu'ils
ont donné un résultat miraculeux.
Ce n'est que dans ces derniers temps que les lignes de fer ontper
mis de faire les expériences en grand, et ont donné toutes les facilités
et sûretés désirables pour la conservation et l'entretien des fils con
ducteurs,
- 185-
Que Savery(1), que Watt(2) s'enrichissent par elle,
Que même elle ait grandisous la main de Fulton(5);
Que ses fils, si puissants sur l'empire de l'onde,
Armés qu'ils étaient du trident,
Aient salué le souffle ardent
Quifait de la vapeur la maîtresse du monde;
Que dansses intérêts, toujours si palpitants,
Londres sur deswagons ait marché la première (4),
Et que ses chars, roulant dans une double ornière,
S'élancent, fendent l'air, et dévorent le temps :
Les mortels étonnés, admirant son audace,
Ases succès applaudiront,
Et les peuples s'empresseront
De suivre, avectransport, la route qu'elle trace.
(1) Savery. - -
Savery était un capitaine de la marine anglaise qui perfectionna la
machine-modèle de Papin, et qui découvrit le moyen de condenser
la vapeur à volonté. - -
(2) Watt. - -
JamesWatt naquità Grenach (Écosse) en 1736. Il composa desma
chines ditesà double effet, c'est-à-dire qui recevaient la vapeur dessus
et dessous alternativement. Il s'enrichit par ces machines, et il mourut
en 1819,à Heathfied, oùil s'était retiré.
(3) Fulton. - -
Fulton naquit, en 1765, dans la Pensylvanie (États-Unis), où il per- .
fectionna la machine de Papin.
(4) Que dans ses intérêts, toujours si palpitants,
Londres, par la vapeur,voyage la première.
L'Angleterre réclame la priorité des bateauxà vapeur en faveur de
Jonathan Hull et de Patrick Miller, dont les essais sont antérieurs à
ceux de Fulton : mais la France revendique à meilleur droit la palme
pour Papin, qui le premier en eut l'idée, et qui l'exécuta, pour ainsi
dire, en construisant sa machine-modèle,
- 186 -
Mais le GrandCitoyen, dont les nobles travaux
Atous ces mouvements ouvrirent la carrière,
Fut le fils de la France, et la France en est fière ;
Dans l'œuvre dugénie il n'eut point de rivaux ;
Et quand de lavapeur elle écrira l'histoire,
L'impartiale Vérité
Doit dire à la Postérité :
Watt, Fulton, àvous l'or; Papin,à toi la gloire.
Toujours de ses enfants honorant les succès,
La France en a gardé la mémoire fidèle,
Soit que dans les combats leur sang coulât pour elle,
Soit que leurfront ceignît les palmes de la paix.
Déjà de ses héros, des chefs de ses batailles
Un sage (1) a réuni les traits ;
Il a voulu que leurs hauts faits
Fissent revivre encor lespompes de Versailles.
Votrenom à la gloire est aussi réservé;
Desgrands hommes aussivous grossirez les listes.
Poëtes, Magistrats, Législateurs, Artistes,
Le siècle pacifique est enfin arrivé,
Et ce siècle sera le règne des merveilles.
Au lieu de verseràgrandsflots
Le sang des peuples, ses héros
Au bonheur des humains consacreront leurs veilles.
(1) Déjà, de ses héros, des chefs de ses batailles
Un sage a réuni les traits....
C'est le roi Louis-Philippe qui a créé,à ses frais, le muséum de
Versailles,
- 187 -
Cet avenir déjà du ciel est descendu ;
Et l'espace et le tempset les lieux se confondent ;
Le Midi touche au Nord, les peuples se répondent.
France!à l'un de tes fils cegrand bienfait est dû.
Pour ce fils inspiré, reine auguste desgloires!
Saisis ton immortel burin,
Et grave le nom de Papin
Dans le noble palais, si fier de tes victoires.
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MISRAIM
POÈME EN QUATRE CHANTS
CHANT PREMIER
RAa
Le poëte invite sa museà célébrer le triomphe de Misraïm.
Il repousse le culte que quelques peuples ont rendu au Soleil.
ll invoque le Tout-Puissant, seul créateur des mondes et des cieux.
Un rayon lumineux lui apprend que,pourpercer la nuit des temps,
il faut recourir aux livres de la révélation.
Ces livres enseignent qu'en créant l'homme, Dieu le fit Maçon,et lui
imposa des devoirs.
Les descendants d'Adam se livrèrent aux travaux Maç.* .; mais la
masse des hommes finit par se pervertir, et Dieu l'effaça de la terre
par le déluge. -
Noé seul fut sauvé; Dieu fit une nouvelle alliance avec lui, et ses
fils se partagèrent la terre. Le centre échutà Cham,père de Misraïm.
CHIANT PREMIER
PREMIÈRE ÉPOQUE.
Depuis l'origine du monde , jusqu'à Misraïm.
O toi ! qui, t'animant d'une sainte chaleur,
Chantas la liberté, la gloire et le malheur (1),
Chaste fille du ciel, muse laborieuse,
Faisvibrer de nouveau ta lyre harmonieuse ;
Dusommet du triangle apprendsà l'univers
Du puissant Misraïm quels furent les revers,
Et deses oppresseurs flétrissant la mémoire,
Ranimetes accords,pour célébrer sa gloire.
Misraïm dans son temple est rentré : désormais
La gloire et Misraïm sont unisà jamais.
Il guide nostravaux, il préside aux mystères,
Ou de l'humanité déplorant les misères,
Lorsque partout le vice étouffe la vertu,
Le Maçon se console et n'est point abattu.
(1) Voir à la fin, pour les notes,
-- 192 -
Plus d'un peuple te croit le maître dutonnerre,
Astre générateur, quifécondes la terre,
Depuis que,pour dompter le chaosténébreux,
Dieu lança son regard surton corps nébuleux (2),
Et queson œilimmense, embrassant l'écliptique,
Projeta dans tes flancs l'étincelle électrique !
Tous les astres épars dans les champs de l'éther,
Apparurent alors, comme brille l'éclair,
Quand, d'un rapide choc, s'abordent deuxnuages,
Prêtsà lancer au loin la foudre et les orages.
La terre aussiparut; et cédant à son poids,
Desglobes gravitants elle subit les lois ;
Parcourant son orbite, elle resta captive
Dans l'ovale tracéparta force attractive;
Et sur elle tesfeuxprojetés constamment
Ralentirent l'effet de son rayonnement,
Mais quand elle eut tournédes milliards d'années,
Quandtoutes les vapeurs, de son sein émanées,
Eurent, en s'élevant, absorbé ses rayons,
Elle devint enfin ce que nous la voyons.
D'un seul regard de Dieu la terre est donc sortie;
Mais toi, brillant flambeau, de quels lieux est partie
Ta masse qui reluit,parmitant de soleils,
Comme toi radieux,à ta gloire pareils?
T'es-tu créétoi-même?Oh!non : car les étoiles,
Qui brillent dans la nuit et décorent ses voiles,
Ont aussi leur orbite, et sont, ainsi que toi,
– 193 -
Des corps soumis aujoug d'une éternelle loi,
Entraînant avec eux, dans leurs plans elliptiques,
Des astres suspendus, suivant leurs écliptiques ;
Mais ils n'ont rien crée.. Qui donc a fait ce ciel,
Ces mondes, ces soleils?C'est Dieu, c'est l'Éternel.
Ah! c'esttoi que j'invoque, auteur de la lumière !
De tes divins rayons éclaire ma carrière,
Créateurtout-puissant desglobes et des cieux !
Ta majestésuprême est cachée à nosyeux;
Mais du nord au midi, du couchantà l'aurore,
Le Maçon te connaît, te bénit, ett'adore.
Sur ton pacte avec lui les siècles ont passé,
Mais que le souvenir n'en soit point effacé,
Dieu puissant ! qu'il revive, et qu'il fasse connaître
Que dès les premiersjours tufus notre grand maître,
Et qu'aux rives du Nil, ministre de ton choix,
Misraïm transporta tes primitives lois ! -
- «Si,voyant le soleil, au-dessus desa tête,
« De tous ses mouvements l'homme fit la conquête,
« C'est parce que de l'art l'ingénieuxsecours
« Lui permit d'observer sa distance et son cours,
« Ainsi, faible mortel, des premiers jours dumonde
« Situveux éclaircir l'obscurité profonde,
« Frappe aupalais dutemps; songrand livre tracé,
« Par l'art révélateur, t'instruira dupassé.»
MM.. FF.., le Très-Haut exauce ma prière : -
Un éclair lumineux a frappé mapaupière ;
43
- 194 -
J'ouvre le livre d'or, écoutez, écoutez
De ce livre sacré lesgrandes vérités.
Quand Dieu, de l'univers traçant le plan suprême,
Fit l'homme intelligent, et semblable à lui-même,
Il lui dit : « Tupourras t'élever jusqu'à moi ;
« Mais ilte faudra suivre et respecter ma loi,
« Ilfaudra, si tuveux obtenir ton salaire,
« M'imiter, travailler, obéir et te taire (4).
« Il faudra m'imiter, c'est-à-dire vouloir;
« Car dansta volonté j'ai placéton pouvoir (5).
« Ilfaudra travailler : j'ai travaillé moi-même
« Sixjours, et je me suis reposé le septième.
« Tu devras obéir : pourrais-tu faire un pas,
Sides yeuxexercés ne te dirigeaient pas?
Enfin,je te prescris un absolu silence.
Icitout me répond de ton obéissance :
« Le jour où tuvoudrais méconnaître mes lois,
« De toi, de tes enfants, je confondrais les voix,
« Bientôt ne pouvantplus vous entendrevous-mêmes,
« Vos bouchescontre moivomiraientdes blasphêmes(6)
« Etvous me forceriez, en devenant ingrats,
« A lancer le tonnerre au devant devos pas, »
(
(
((
(
((
(
Du maître souverain telle fut la parole,
Parole impérissable, et ce premier symbole
Futgravé dans le cœur dupremier des humains,
Du patriarche Adam : puis, Dieu mit dans ses mains
L'équerre, le compas, le niveau, la truelle,
Symboliques outils de droiture immortelle,
– 195 -
Afin qu'il construisît,sur les plans éternels,
Auxvices des cachots, aux vertus des autels.
Devotre ordre sacrételle fut l'origine,
Enfants de Misraïm! Danssa bonté divine,
C'est Dieu même, c'est Dieu, qui fit l'homme Maçon,
Quand il créa le monde, et c'est avec raison
Que les livres sacrés et l'histoire fidèle
Donnentà ce grand fleuve une source si belle.
Aupatriarche Adam,premierConservateur,
SuccédaSeth, sonfils,profond observateur,
Qui des astres errants sous la céleste voûte,
Mesura la distance et découvrit la route :
Une double colonne,à mots mystérieux,
Apprità ses enfants les merveilles des cieux (7).
C'est parson fils Enos que les dogmes austères,
Antique fondement de nos sacrés mystères,
Consolèrent la terre, et c'est lui quigrava
Dans le Delta sacré, le nom de Jéhova.
Aussi pieux que lui, de la lampe divine
Caïnan, fils d'Énos, nous transmit l'origine ;
C'estpar ses descendants que le feu se soutint,
Toujours vif, toujourspur, jusqu'à cet homme saint,
Le père des croyants, le second Patriarche,
Qui sauva sa famille, en construisant cette arche,
Ce vaisseau de salut, ce Théba protecteur,
Qui des flots élevés heureuxtriomphateur,
____-_ -_ -------------- -------------------------
– 196 -
Quand ils dominaient tout,de l'unà l'autre pôle,
De la destruction préserva laparole.
Pour avoir mérité ce traitement affreux,
Qu'avaient donc fait, hélas! ces mortels malheureux?
Dédaignant les leçons de l'austère sagesse,
Desvices corrupteurs ils savouraient l'ivresse ;
Et dugrand Jéhova méconnaissant la voix,
Ils blasphémaient son nom, et méprisaient ses lois.
L'Éternel irrité voulut,dans sa colère,
Par un grand châtiment, épouvanter la terre,
Afin que cet exemple auxsiècles à venir,
Du pouvoir de son bras transmît le souvenir.
Il ordonne, et brisant leurs barrières compactes,
La milice céleste ouvre les cataractes ;
Les flotsimpétueux s'élancent dans les airs ;
Et les mers, et les lacs, et lesfleuves divers,
Se gonflant, s'élevant de leurs grottes profondes,
Joignent aux eauxdu ciel leurs ondes furibondes,
Enveloppent le globe, et ce vaste cercueil
De tout le genre humain couvre etpunit l'orgueil ;
Tout périt (8)... Noé seul, dans l'arche protectrice
Rendgrâceà l'Éternel, et bénit sa justice.
Devant le tabernacle, où brûle un pur encens,
Prosterné nuit et jour, ainsi que ses enfants,
Il gémit, il attend, il espère,il implore..
Et maintenant, mortels! oserez-vous encor
Braver le Créateur, affronter son courroux,
------------- -------------------------*
- 197 -
Nier son existence? Enfin, oserez-vous,
Quand d'un souffle il produit ce cataclysme immense,
L'offenser, et douter de sa toute-puissance ?
De son pouvoir divin les merveilles des cieux,
Ces milliers de soleils, qui brillent à vosyeux,
N'étaient-ils pas d'ailleursune preuve assez claire ?
Mais enfin le pardon succède à la colère;
Signe heureux de clémence, un arc auxsept couleurs
Apparaîtà Noé, dont il sèche les pleurs ;
Dans les mers,dans les cieux, les ondessont rentrées ;
De leurjoug oppresseur les terres délivrées
Reprennent leurs parure, et, d'un bec entr'ouvert,
La colombe revient, portant un rameau vert.
Noé sortà ce signe, et courbévers la terre,
Il adresse auTrès-Haut sa fervente prière ;
Sa famille célèbre un triple alleluia,
Qui monte jusqu'au trône, où règne Jéhova ;
Sur l'arc consolateur la parole sacrée
Est descendue aussi de la voûte azurée,
Et ce gage éternel de paixet de bonheur,
Les enfants de Noé le placent sur leur cœur.
De leur fraternité ce sera le symbole ;
Ils vont se séparer : maispar cette parole,
Ettoujours et partout ils marcheront d'accord:
Japhet porte ses pas vers les plages du Nord,
Le Midi dugrand Sem recevra la lumière,
Et Cham, quivers le centre a tourné sa bannière,
Sur les rives du Nil plante ses pavillons.
C'est ainsi que Noé, ce père des Maçons,
- |98 -
A, dans tous les climats, répandu nos mystères,
Et les maçons, par lui, sont un peuple de frères.
FIN DU PREMiER CHANT.
CHANT DEUXIÈME.
----- ------- *
rR Au
Misraïm arrive en Egypte, etil y rallie les peuplades errantes dans
les marais du Nil.
Il laisse les profanes adorer le Soleil, et ne confie qu'à des initiés
les secrets de la haute science.
Les rois qui luiont succédéprotègent ses institutions, et l'on accourt
de tous les climats, pour puiser la sagesse et les lumières en Egypte.
Salomon se rend à Memphis pour se faire initier; il consulte les
prêtres du sacré collége sur la construction du temple que son père
a voué à l'Eternel.
ll prend les trois premiers grades du rit de Misraïm, pour recon
naître, à l'aide des signes, des mots et des attouchements, les
apprentis, les compagnons et les maîtres qui doivent être occupésà la
construction du temple.
Le temple est construit:Salomon rend grâce à l'Eternel, et s'endort
du sommeil desjustes.
CHANT DEUXIEME.
SECONDE ÉPOQUE.
Depuis Misraïm jusqu'à Salomon.
Au nord, comme au midi,sousSem et sous Japhet,
Tandis que desMM.°. l'ordre saint triomphait,
D'un fleuve, débordésurune agreste plage,
Les descendants de Cham occupaient le rivage (1),
Et Misraïm trouva dans ces sauvages lieux
Les tristes rejetons de sespremiers aïeux.
Ralliés par ses soins à la Maçonnerie,
Le Nil est devenu leur commune patrie (2);
Bientôt par leurs travaux, le fleuvevagabond
Se resserre, et devient un réservoir fécond,
Quijetant sur le sol un limon salutaire,
Fait du riche Delta le grenier de la terre.
-202-
Plus tard, Thèbes, Memphis étalent dans les airs
Destemples, qui seront l'orgueil de l'univers (5),
Et dont les murs sacrés, attirant tous lessages,
Desplus lointains climats recevront les hommages.
Mais le feu le plusvif, ouprofane ou sacré,
S'évapore bientôt s'il n'est point concentré.
Le prudent Misraïm, sous des hiéroglyphes,
Confia ses secretsà de sages pontifes,
Qui ne les révélaient aux profanes mortels
Que sous la sainteté desserments solennels.
Chaque cité d'Égypte eut alors son symbole ;
L'éloquente Memphis, reine de la parole,
Adopta,pour le sien, la Pie, oiseau jaseur ;
Thèbes, quijusqu'au ciel levait son front penseur,
De l'Aigle,à l'œil de feu, décora sabannière ;
Canope, qui du Nilcouronnait la carrière,
Avait choisi le Vase, où brûle unpur encens,
Comme pour rendre hommageà ses flots bienfaisants,
Et le Sphinxvigilant était l'heureux emblême
Des sages, qui veillaient sur l'Égypte elle-même.
Ces sages, préparés dans Héliopolis
Aux secrets solennels de Thèbes et de Memphis,
Gardaient le feu divin; mais dans chaque vallée,
Le roi majestueux de la voûte étoilée
Avait aussi son temple, où ses rayons sacrés,
Étaient, avec respect, par la foule adorés,
Et c'était vers cet astre, honoré d'âge en âge (4),
– 203 -
Et non vers l'Éternel, dont il était l'ouvrage,
Que s'élevaient les vœux et l'encens des mortels :
Toujoursà l'égoïsme on dressa des autels.
Après tant de bienfaits, au sein de la lumière,
Misraïm, dans Memphis, termina sa carrière; .
Mais son nom par l'oubli ne fut point effacé;
Déjà quatre mille ans sur sa cendre ont passé,
Et pendant ce longtemps, son ombrevénérée,
Comme celle d'un Dieu, fut toujours adorée.
Au règne glorieux du puissant Misraïm
Succéda dans Memphis le sage Patruszim (5);
C'est ce roi, qui suivi de ses braves cohortes,
Non loin des murssacrés de la ville aux cent portes(6),
De cesgéants altiers, de cesgrands monuments,
Qui bordent le désert, creusa lesfondements (7).
L'Égypte, déjà belle, et déjà florissante,
SousOzymandias, fut encore pluspuissante.
PremierConservateur, ce monarque vaillant
Construisit, près du Nil, un palais si brillant,
Qu'ilsurpassait en tout lesplus rares merveilles ;
Vers la célébrité comme il portait ses veilles,
Il rassembla d'Hermès les livres précieux,
Etpar lui Misraïm s'assit au rang des dieux.
D'un cercle d'or, couvert de riches pierreries,
Il ceignit son tombeau; de vastesgaleries,
Où le cours du soleil se traçait jour parjour
- 204 -
De l'uneà l'autre année, en formaient le contour,
Et sa statue enfin, de grandeur colossale,
Portait ces motspompeux, écrits d'or et d'opale :
«Je suis plusque tout autre, et plus grandet plus roi,
« Qui me démentira doit faire plus que moi. »
A ce roi fastueux plusieurs rois succédèrent ;
Son orgueilleux défi, quelques-uns l'acceptèrent,
Euchoréus porta sa couronne à Memphis;
Un autre de son nom dota le lac Mœris;
Sésostris, ce géant de grandeur et d'audace,
Domptal'Éthiopie, et la Perse et la Thrace;
Enfin le roi Cæthès chassa de ses États
Le prince qui ravit Hélène à Ménélas (8).
Tous ces rois protégeaient la doctrine sacrée.
Toujours cachée au peuple, et toujours vénérée;
Maisdeux rois aveuglés, Chéops et Chéfrenès,
Se livrant à l'instinct de leursgoûts effrénés,
Voulurent la détruire, et leurmain sacrilége
Des fils de Misraïm menaçait le collége, :
Quand des mystères saints unjeune initié,
Sethos, fils d'Azoroth, autrône associé,
Au prix de tous ses droits, après plusieursvoyages,
Parvintà conserver les trois aréopages ;
Lefeu divin brilla pendant près de mille ans,
Et dans le livre écrit de ses nombreux enfants,
Misraïmput compter Pythagore, Socrate,
Thalès, Platon, Homère, Épicure, Hypocrate,
-- 205 -
Et mille autres encor, dont le nom respecté
Est écrit au burin de l'immortalité.
Pendant qu'aux bords du Nil, ces ouvriers célèbres
Dérobaient la lumière aux siècles des ténèbres
D'autresinitiés, sur les bords africains,
Rassemblaient autourd'eux des peuples inhumains,
Adoucissaient leurs mœurs, et des leçons austères
Propageaient la science, et fondaient nos mystères.
Saba, que construisit de Cham unpetit-fils,
Devint, dans l'art sacré, l'émule de Memphis,
Et dans ces régionssauvages, athéistes,
Mœroés'illustra par sesgymnosophistes.
Cependant du feu saint la lueur s'étendit,
Desplaines de Memphis aupalais de David,
De ce roi que le ciel marquaparmi les sages,
Comme un fanalbrillant dans l'océan des âges.
Guidéparses rayons, cet illustre M.°.,
Voulut, en expirant, que sonfils Salomon
Offrità Jéhova,danssa magnificence,
Un gage solennel de sa reconnaissance,
Un temple dont l'éclat éblouît l'univers,
Et qui par sa grandeur imposât aux pervers.
lLe savant Bedarrid, dont Beda fut l'ancêtre (9),
De Carriath alors se trouvait le grand-Maître.
L'illustre Éléanam brillait dans Bethléem,
Hyram éclairait Tyr, BoozJérusalem.
= =
- 206 -
Le jeune Salomon de ces maîtres habiles
Réclame le concours et les conseils utiles ;
Il leur dit ses projets, et, d'après leur avis,
Afin de mieuxs'instruire, il se rendà Memphis ;
Là, lespontifes saints, aufond du sanctuaire,
Conservaient avec soin le travailséculaire,
Le chef-d'œuvre d'Énos, le précieux Delta,
Qu'aux rivages du Nil Misraïm transporta.
Salomon s'initie auxsublimes mystères;
Déjà de la vertu les principes austères,
Dès ses plusjeunes ans, avaientsaisi son cœur;
Il touchaità cet âge où tout plan de grandeur
Électrisait son âme, et malgré sa jeunesse,
Cette âme était formée aux lois de la sagesse.
Dès qu'ils furent instruits des grands projets du roi,
Les sages de Memphis,se fiant à sa foi,
Remettent dans ses mains, d'un accord unanime,
Du patriarche Enos le monument sublime,
Et sous cet étendard, deux cent mille ouvriers (10)
Vont dans Jérusalem former leurs ateliers.
Un serment les retient sous une règle austère;
Lesunsforgent le fer, d'autrestaillent la pierre,
D'autres enfin,soumis aux lois d'Adhoniram,
Vontfaçonner le bois dans les forêts d'Hyram (11).
Les trois premiers degrés du rite misraïmite
De cet ordre nouveau formèrent la limite :
Les maîtres au milieu recevaient leur tribut,
- --- -------------
- 207 --
Les apprentis au nord, les compagnonsau sud,
Et quand desplus zélés l'œuvre extraordinaire
Paraissait mériter un surcroît de salaire,
De degrés en degrés cesvertueuxMM..,
De la haute science apprenaient les leçons ;
Mais de l'ordre sacré la Puissance Suprême
Pouvait seule accorder cette faveur extrême.
Telfut d'Adhoniram le rite primordial,
Enfant de Misraïm, mais non passon égal ;
Par cet ordre parfait, dans la septième année,
Du temple duTrès-Haut l'œuvre fut couronnée (12);
Le précieux Delta fut dans le Saint desSaints
PlacéparSalomon, et de ses propres mains ;
Pendant sept fois neufjours, mille cris de victoire
Duprodige nouveau célébrèrent lagloire;
Le peuple avec transport visita le saint lieu,
Où partout ressortait la majesté de Dieu ;
De mille alleluia les voûtes retentirent;
- D'accord, par trois fois trois, mille maillets battirent ;
Hyram par Salomon fut comblé de bienfaits,
Et tous deuxautombeau descendirent en paix.
l'IN DU DEUXIÈME CHANT.
- ------
------------- --------- -------
-
- n--- ------- ---------- - ----------
CHANT TRO IS IEMI E.
-
*14
à Au p
L'Egypte est envahie et ravagée par Cambyse, qui du Nil se porte
sur l'Éthiopie.
Les initiés de Thèbes le précèdent à Saba. Ils préparent une défense
passive, en brûlant tout, et en conduisant le peuple dans l'intérieur de
l'Ethiopie. Cambyse est forcé de se retirer, et il trouve la mort sous
les murs d'Ecbatane,près du Mont-Carmel.
Plus tard, les Romains parviennent à s'emparer de l'Egypte ; ils sont
vaincus à leur tour par les Sarrazins, et ceux-ci chassés de Jérusalem
par les Croisés, etde l'Égypte par Napoléon.
Plusieurs guerriers, adeptes d'IIyram, entrent dans les Pyramides
avec ce dernier conquérant, et demandent à s'initier aux grands
mystères de la Maç. ' ..
CHANT TRoIsIEME.
TROISIÈME ÉPOQUE. -
Depuis Salomon jusqu'à Napoléoni.
Sous nos dogmes sacrés, le fléau de laguerre
Paraissait exilé du centre de la terre,
Depuis que Salomon, saintement inspiré,
Avaitbâti le temple auSeigneur consacré,
Du Niljusqu'au Jourdain, la divine science
En rayons bienfaisants étendait sapuissance ;
Les peuples réunis sous sonjoug paternel,
Jouissaient des douceurs du lien fraternel ;
Le feu de Misraïm brillait dans la Chaldée ;
Sa flamme pacifique éclairait la Judée,
Enfin la paix régnait, quand un monstre inhumain,
A qui l'ambition mit le fer à la main,
Dunombre et de la force arborant la bannière,
D'un nuage de sang obscurcit la lumière.
OThèbes ? ô Memphis ! malheureuses cités !
Ils sontpassés les jours de vos prospérités.
Le farouche Cambyse, usant d'un droit infâme,
Porte dans votre sein et le fer et la flamme;
Vos remparts démolis, vos palais consumés,
En brasiers dévorants vos temples transformés
Nepeuvent assouvir la rage qui le ronge ;
*
Tigre altéré de sang, il le cherche,il s'y plonge ;
Et quand le peuple croit se soustraire au trépas,
Que la flamme vomit au devant de ses pas,
Du barbare irrité la rage s'est accrue ; -
Sa froide prévoyance, au bout de chaque rue
A d'avance placé desgroupes d'assassins ;
Toute issue est fermée, et les efforts sont vains;
Lesvieillards, les enfants, les filles et les femmes,
Tout ce qui ne futpas dévorépar les flammes,
Succombesous les coups d'une lâche fureur.
Quels cris ! quel désespoir! quelles scènes d'horreur !
L'enfant est égorgé sur le sein de sa mère,
Le sang du fils se mêle à celui de son père;
Partout la mort,partout, pour fuirun assassin,
Dufer sanglant d'un autre on sent percer son sein.
Droit fatal du vainqueur, code affreux de la guerre,
Quelgénie infernal vous lança sur la terre !
Enfin sur cestombeaux, depuis quinze cents ans(1),
Avec unjuste orgueil, bravant l'air et le temps,
Cambyse ose porter une main sacrilége.
Le barbare, escorté d'un farouche cortége,
Envahit leur enceinte, et les pontifes saints
Succombent sous les coups de ces vils assassins.
Mais ils seront vengés : montant unepolacre,
Quelques initiés ontpufuir le massacre ;
Aux sanguinaires coups la nuit les déroba,
Et s'étant dirigés vers les murs de Saba,
Les prêtres surent d'eux que le monarque impie
Etait prêt à marcher contre l'Éthiopie.
– 2l3 -
Sur le danger qu'il court le peuple est éclairé,
Et le plan de défense aussitôtpréparé.
- Laguerre de Cambyse est celle d'un sauvage,
Résiste-t-on? la mort; cède-t-on? l'esclavage ;
On ne doit pas céder, il nefaut point mourir,
Mais au désespoir mêmeà l'instant recourir,
Et du monstre, à tout prix, arrêtant la furie,
Ausort qui la menace arracher la patrie.
D'abord, pour entraver ses soldats inhumains,
Tous les ponts sont détruits, on rompt tous les chemins,
Et puis on se retire.... et lorsque les esclaves
Pensent avoir franchi les plus fortes entraves,
Pour leursyeux étonnés quel spectacle effrayant !
Le feu de tout côté; les peuples en fuyant,
Ont laissé derrière eux l'horreur et l'épouvante;
Maisons, temples,palais, la flamme dévorante
Consume, détruit tout, et l'agresseur enfin,
Ne voit, de toute part, qu'un désert et la faim (2).
Sages conservateurs de la Maç..,
Vos conseils, vostravaux ont sauvé la patrie !
Le fierCambyse avu ses bataillons nombreux,
De leurs cadavres froids jonchant un sol poudreux,
La fuite devenir son unique ressource, ----
Vers legolfe Arabique il a repris sa course ;
Ausein de leursfoyers, sous des lauriers flétris,
Il espérait dessiens ramener les débris ;
Mais la mort, arrêtant sa carrière profane,
Le frappe de safaux sous les murs d'Ecbatane ;
-
- 2l 4 -
Il meurt, laissant un nomàjamais exécré,
Et le Nil, malgré lui, revoit le feu sacré (5).
Cefeu, sous Alexandre et sous les Ptolémée,
Afourniconstammentsa flamme accoutumée ;
Il ne s'éteignitpas, même sous les Romains,
Lorsque de l'univers ces maîtres souverains
Eurent soumis l'Égypte à la ville éternelle,
Ettoujours lesMaçons aimeront Marc-Aurèle (4).
Mais toutpasse ici-bas, et l'empire romain
Disparaît à son tour sous le fer sarrazin,
Sous ce fer, qui,forgépardes hordes tartares,
Despeuples les plus doux fit des peuples barbares ;
Sous ce fer meurtrier, que les fils deJaphet
Transmirent, teint de sang, auxfils de Mahomet (5).
Enfin ce fer se rouille, et déjà les califes
Souffrent, sans l'empêcher, quenossages pontifes,
S'éloignant de leurs murs et de leurs minarets,
Aillent dans les tombeaux, aillent dans lesforêts,
Cacher de Misraïm la doctrine sublime,
Soitsur les bords duNil, soit aux rocs de Solyme,
Et nos conservateurs, dociles et discrets,
Aux barbares ainsi dérobaient leurs secrets.
e - « « • • e • e • - • • • e • • e e - e e - e
-
Pendantprès de mille ans l'esprit humain sommeille.
Au siècle de Léon enfin il se réveille (6);
Chassés de l'Orient, les arts consolateurs,
- 2|5 -
Auprès des Médicistrouvent des protecteurs ;
Et leur reconnaissance, en prodiges féconde,
D'un temple sans rival dote Rome et le monde (7).
Le glaivejusqu'ici subjugua les humains ;
La foudre désormaisvagronder dans leurs mains(8);
L'homme, sans s'égarer,voguera vers le pôle (9);
Guttemberg sur l'airain fixera la parole (10);
- Et les peuples enfin, opprimés si longtemps,
A leur tour agresseurs, deviendront conquérants.
Déjà l'antique Gaule et la noble Allemagne,
Et la belle Italie, et l'héroïque Espagne,
Honteuses de gémir sous le joug sarrasin,
Contre la barbarie ontsonné le tocsin (11);
D'une sainte fureur, au nôm du ciel saisie,
L'Europe,àflots pressés, se jette sur l'Asie ;
Elle combat,triomphe, et ses bravesguerriers,
Les palmesà la main, rentrent dans leurs foyers :
Le drapeau fraternel de la Maç.°.
Flottera désormais au sein de leur patrie.
Des malheurs deSolyme intrépides vengeurs !
C'est d'abord survos pas que nos rites voyageurs
Entrèrent dans la France, et leurs flammes célestes
Vinrenty dissiper desimagesfunestes.
De ce fleuve, qui vit le divin Osiris,
Le malheurèux Orphée et le sage Sosis,
Point sacré, centre pur de la voûte étoilée,
Ils avaientpénétré dans la sainte vallée,
Où s'était élevé le temple de David ;
--216-
Là, du parvis sacré, votre œil les entrevit ;
Mais il n'enput saisir qu'une faible parcelle ;
Du sageSalomon,la prudence fidèle
Des ouvriers du temple arrêtant les progrès,
Avait borné leur marche auxtrois premiers degrés.
Imitant sa sagesse et suivantson exemple,
Vous-mêmes, parvenus jusqu'au parvis du temple,
Vous ne franchissez point la porte du milieu,
Cette porte d'airain conduisant ausaint lieu ;
La foule quivous suit et quivous environne,
Vous l'arrêtez au pied de la double colonne
Qui borne le parvis; et là, vos ouvriers,
Aidés d'un mot, d'un signe et de leurs tabliers,
S'isolant sur deux rangs duprofane vulgaire,
Viennent de leurstravaux recevoir le salaire ;
Puis, quand ils sont payés, et que lejour s'enfuit,
Vous rentrez, pour gémir, dansunsombre réduit.
Tels sont les trois degrés de la Maç..,
Que les chefsprimitifs de la chevalerie
Trouvèrent dans Sion, et ces FF... pieux,
Qui n'avaient qu'un seul but,un but religieux,
Surl'arbuste fleuri de la rose croissante,
Greffèrent un rameaude la croixtriomphante;
C'est ce grade nouveau, qui régnantsur les trois,
Devint,dans l'Occident, le prince R. .. -- ... (15).
Des échelons, montant au quatre-vingt-dixième,
Quelques-uns cependant franchirent le neuvième ;
- 2l7 -
C'est là qu'on les arma duglaive flamboyant ;
Ils devinrent alors chev.°. d'Or.°.,
D'Écosse, d'Hérédon ou de la Palestine,
Et se crurent savants dans la haute doctrine ;
Mais quoique sous des noms et dessignes pompeux,
Ils eussent réuni des adeptes nombreux,
- Travaillant isolés et sans expérience,
Ils n'atteignirent point la sublime science.
Ces antiques foyers oùs'épurent les cœurs,
Oùviennent s'engloutir les vices corrupteurs,
Que craignent les méchants, où les bons se rassurent,
Les chevaliers Croisésjamais ne les connurent ;
Pour les adeptesseuls avec soin éprouvés,
Par les doyens de l'ordre ils étaient réservés ;
Et les premiers éclairs de la Maç..
Vinrent seuls, sans chaleur, sillonner la patrie.
Lefoyer véritable était toujours celui
Où dugrand Misraïm l'astre pur avait lui.
ll brûlait nuit et jour, sous des maîtres rigides,
Sur les rives du Nil, au sein des Pyramides,
Lorsque sur le plateau, quide ces monuments
Surunrocher profond porte les fondements,
Suivide sesguerriers, Napoléon arrive.
Làgît le feu sacré sur sa terre native;
C'est là qu'il se dérobe auxvulgaires humains,
Parce qu'il s'éteindrait sous leurs profanes mains.
Le hérosvoit d'abord ces masses séculaires,
Leur régularité, leurs formes angulaires,
- 218 -
Que des despotes seuls osèrent projeter,
Que des esclaves seuls purent exécuter.
Il contemple ces murs, dont l'immense structure (14)
Semble avoir eu pour but de vaincre la nature.
Ils'avance à travers mille et mille détours,
Qui toujours parcourus recommencent toujours.
Il atteintà la fin la chambre sépulcrale,
Où dormait de Chéops la dépouille royale.
Auprès de ce tombeau faiblement éclairé,
Sur un trépied d'orpur brûlait le feu sacré;
A lagarde des rois, dans ce lieu de silence,
Ungrand Conservateur veillait en apparence,
Maisil entretenait, dans la réalité,
Lefeu de la morale et de la vérité.
Le héros, qui cherchait un appui sympathique,
Remplit facilement son dessein politique (15),
Il atteignit son but; et quantà ses guerriers,
Du rite d'Adhoniram modestes ouvriers,
Comme ils n'avaient reçu qu'un rayon de lumière,
Ils brûlaient du désir de la voir tout entière.
Quand le tonnerregronde, ainsi quelques éclairs
Ases bruyants éclats préparent l'univers.
FIN DU CHANT TROISIÈME.
CIIANT QUATRIÈME.
RRA :
Les guerriers Adhoniramites demandent au grand Conservateur des
Pyramides d'être initiés aux mystères de Misraïm, et aidés par lui, ils
arrivent au sommet du triangle.
Différence entre le rit d'Adhoniram et la science de Misraïm.
Les temples de Misraïm s'établissent en France, et la P. · .. S. * .
appelle les FF. *. de tous les rites à l'union et à la fraternité.
Apothéose d'Erwin, architecte de la cathédrale de Strasbourg, et
régénérateur de la Franc-Maç. · ..
CHANT QUATRIEME.
QUATRIÈME ÉPOQUE.
Depuis Mapoléon aux *yramides jusqu'à ce jour.
Parmi les visiteurs destombeaux séculaires,
L'ill.'.patriarche a reconnupourfrères
Quelques-uns desguerriers, qui des parvis sacrés
Avaient déjà franchi les troispremiers degrés,
Et qui, maîtres des lieux, où jadis Pythagore,
Homère,Salomon, et mille autres encore,
- Avaient de la sagesse encensé les autels,
Désiraient de marchersur leurspas immortels.
« Vers le foyer quibrûle au fond des Pyramides,
« Daignez, avaient-ils dit,guider nospastimides,
« Sage Conservateur, et que nosfaibles yeux
« Puissent envisager son éclat radieux !
« Nousvoulons, s'il se peut, doter notre patrie
« Des bienfaits malconnus de la Maç...,
« Et nous venons ici recevoir les leçons,
« Qu'ypuisèrent jadis tant d'ill... M.°.
« -Jeunes initiés de la moderne école,
« Le but oùvous tendez n'estpas un but frivole,
« Répond le Patriarche; ainsique ces enfants,
« Qui n'ont encore atteint que trois, cinq ou neufans,
« Si l'alt de faire un pas, ou d'assembler des lettres
- 222 -
«(Forme tout le savoir, tout l'esprit de leurs maîtres,
Autour du cercle étroit, qui les retient captifs,
Ils tourneront en vain leurs regards attentifs ;
Quel que soit le degré de leur intelligence,
Ils nepourrontjamaisvaincre leur ignorance.
Mais poursuivant le cours de leurs premierstravaux,
Si ces jeunes enfants, sous des maîtres nouveaux,
« Du feu, dont l'étincelle ajailli sur leurâme,
« Avec persévérance, alimentent la flamme,
« Ils atteindront le but, et pourront, hommes faits,
« De leur zèle éprouvé recueillir les effets.
- « Et ce but, quel est-il? Quelle est cette lumière
« que vous tenez cachée au fonddu sanctuaire?
« Lui demande l'un deux, avec timidité.
- « Je suis loin de blâmer ta curiosité,
« Trop ardent néophyte !une telle science
« Ne se peut acquérir que par l'expérience ;
Et pour te dire tout, cette étude, cet art,
Nous ne pouvons jamais les livrer au hasard.
D'un vouloir réfléchi nous exigeons despreuves ;
Il faut nous assurer,par de longues épreuves,
Que cette volonté, constante en ses desseins.
« Avecun monde faux a rompu ses liens.
« Ce n'est que revêtu d'une robe nouvelle,
« Que l'homme peutgravir au sommet de l'échelle (1),
«- Et quand nous atteindrons ce point mystérieux
« Un horizon nouveau frappera donc nosyeux?
-«D'uneatmosphère impure,ô mes chers néophytes !
« Sivous pouvezun jour dépasser les limites,
« Au sommet du triangle assurervotre pied,
((
((
(C
(
(
((
((
((
(
- 223 -
((
Et de là, voyezl'homme : ilvous fera pitié. .
Vos yeux, en se tournant vers cette terreimmonde,
Vers ce globe fangeux, qu'on appelle le monde,
Verront l'ambition garrotter de ses fers
Les pauvres habitants de cepauvre univers,
Qui, de cette prison où fomentent les haines,
Pourse rendre importants,courent après des chaînes :
Grains de sable, agités quelque temps dans les airs,
Pour aller s'engloutir dans le gouffre des mers,
Bulles de vanités, dont l'éclat et l'enflure
Tombent dans le néant, à la moindre piqûre !
« Tels ne furent jamais les MM... éclairés
Quipurent parvenirà nos derniers degrés.
Vers l'extrême hauteur ils s'élevaient sans cesse,
Et quand ils arrivaient, la main de la sagesse
Les guidant, à travers mille écueils dangereux,
Les conduisait au port oùtendaient tous leursvœux.
Là, du limon impur, dont elle était souillée,
Leur âme, au même instant, se trouvait dépouillée ;
Et leurs yeux éclairés voyaient avec dédain,
Les malheureux débats du pauvre genre humain,
Heureux d'être à l'abri des embûches sans nombre
Que le monde trompeur avait ourdi dans l'ombre,
Et de goûter enfin les douceurs d'une paix,
Que les ambitieux ne connurent jamais.
Ainsi, quand la tempête, après de longs orages,
S'éloigne, en murmurant, sur l'aile des nuages,
Le soleil, qui succède au fléau destructeur,
Répand sur l'univers un feu consolateur.
- 224 -
- « Du Puissant Misraïm Pontife vénérable,
« Quiprofessez si bien sa doctrine admirable,
« Duplus beaujourpour nous enfin l'aurore a lui.
« Sage Conservateur, prêtez-nous votre appui,
« Et pour parler enfin votre langue mystique,
« Aidez-nousàgravir l'échelle symbolique. »
Chacun des aspirants aussitôt se soumet
Amonter les degrés qni mènent au sommet;
Ils veulent arriverà cette autre atmosphère,
Où nul nuage impur n'obscurcit la lumière ;
Ils parviennent enfin au terme désiré,
Et transportés ainsi dans un monde épuré,
Comme au milieu des mers une immuable roche,
Brave, en le repoussant, le flot qui s'en approche,
Ils voient des passions les flots tumultueux
Vainement se mouvoir, s'agiter autour d'eux ;
Calmesà leur aspect, et froidsà leurs amorces,
Dans l'art mystérieux ils ont puisédes forces,
Qui leur font repoussertout désir effréné,
Et des vices trompeurs l'attrait empoisonné,
Nos héros sont enfin rentrés dans leurpatrie,
Respirant les parfums d'une nouvelle vie,
Ils veulent les répandre, et doter l'Occident
De l'immense bienfait d'un ordre indépendant ;
Des adepteszélés, des ouvriers habiles
Avaient déjà rendu leurs travauxplus faciles ;
Du fond de l'Ausonie ils avaient rapporté
Le rite de Misraïm, de lauriers escorté.
' - 225 -
Dans le même dessein leurs cœurs se réunirent;
Ils firent un appel auxMM.-., et leur dirent :
(A des fils aveuglés,fussent-ils même ingrats,
Un bon père est toujours prêtàtendre les bras).
« de Misraïm, d'Hyram, deThèbes ou deSolyme,
« Qu'importe le drapeau? même esprit nousanime ;
« Offrir unjuste hommage à la divinité,
« Rendre l'homme meilleur, servir l'humanité,
« Voilà le but commun. Entrez dans notre temple :
« De nossages Doyens suivant le noble exemple,
« Vous nousverrez toujours dans le calme et la paix,
« Travailler augrand œuvre, et n'oubliant jamais
« De notrefondateur les leçons salutaires,
« Vous ne serezpour nous que des fils ou des frères.-
(
Puisse ce noble appel être enfin entendu !
Qu'Hyram, que Misraïm, types de lavertu,
De leurs rivalités repoussent la mémoire !
Ne sont-ils pas tous deux enfants de la victoire ?
Si du Nil sur nos bordsMisraïm fut porté,
Sur l'aile du courage etde la liberté,
Des héros d'Antioche et de la Palestine,
Les chevaliers d'Hyram tirent leur origine ;
Qu'Hyram et Misraïm rapprochent leurs autels,
Sous la même bannière ils seront immortels,
FIN DU QUATRIÈME ET DERNIER CHANT.
NOTES
Première Époque.
(1) O toi qui, t'animant d'une noble chaleur,
Chantas la liberté, la gloire et le malheur.
Allusion au poème de l'auteur, intitulé : Épopée de la Révolution
française.
Voici comment s'exprime sur cet ouvrage le journal intitulé : la
Réforme :
« Résumer en un poème en dix chants tous les faits héroïques et
« politiques qui sillonnent notre histoire de 1775 à 1814, était une
c« lourde tâche, que l'auteur a remplie avec bonheur,
« Bannissant totalement l'esprit de parti, ne jugeant les faits qu'avec
« une stricte impartialité, il donne à chacun la part qui lui revient; il
« semble avoir adopté pour devise : Pitiépour l'infortune, Honneur au
« courage. » (Journal du 12juin 1845)
(2) Mais quand,pourvaincre enfin le chaos ténébreux,
Dieu lança son regard sur ton corps nébuleux.
our établir le système de la création du globe, Buffon avait sup
posé qu'une comête avait heurté le disque du soleil, et en avait déta
ché une parcelle, quiserait notre globe.
Ce système est aujourd'hui repoussé généralement, et l'on a admis,
comme plus vraisemblable, le système des nébuleuses, établi et déve
loppé par Laplace.
(3) Le Maçon te connaît,te bénit et t'adore.
Le premier principe des Maçons est de croire en Dieu et de l'adc
rer. J'ai ététémoin d'une réception dans laquelle le néophyte fut ren
voyé, parce qu'il fut soumis à l'épreuve de cette croyance, et qu'il ne
put pas la supporter.
(4) Il faudra,si tu veux obtenir ton salaire,
M'imiter, travailler, obéir et te taire.
Il n'estpas de M.* .. qui ne sache que telles sont les premières obli
gations que l'on contracte en entrant dans l'ordre.
(5) Car dans ta volontéj'ai placé ton pouvoir.
Lesfacultés principales de l'homme sont l'entendement et la volonté ;
l'entendement qu'il faut diriger vers la vérité, la volonté qu'il faut
plier à la vertu. L'un est le but de la logique, l'autre est celui de la
morale.
(Explication du Systèmé des connaissances humaines.)
(6) Bientôt ne pouvant plus vous entendre vous-mêmes,
Vos bouches contre moivomiraient des blasphêmes.
- 227 -
Allusion à la tour de Babel : ce précepte du silence que les M.*.
doivent garder n'apas besoin d'être justifié, et l'on comprendra facile
mentpourquoije ne m'étends pas davantageà ce sujet.
(7) Une double colonne, à mots mystérieux,
Transmit à ses enfants les merveilles des cieux.
L'historien Josèphe parle de ces deux colonnes, qui existaient, dit
il, avant le déluge, et sur lesquelles étaientgravés, non-seulement les
phénomènes de l'astronomie, mais encore les principes de toutes les
sciences.
(8) Tout périt : Noé seul dans l'arche protectrice,
* Rendgrâce à l'Éternel et bénit sa justice.
Il n'est pas de vérité historique qui soit mieux prouvée que le
déluge,
Beroze, le Chaldéen, parle de l'arche qui s'arrêta, vers la fin du
déluge, sur une montagne d'Arménie.
Abydène, autre auteur Chaldéen, donne sur ce déluge quantité de
détails semblables à ceux qu'en donne Moïse.
Nicolas, de Damas, dit qu'au temps du déluge, il y eut un homme
qui, arrivant avec une arche, ou un vaisseau, sur une haute mon
tagne d'Arménie, échappa au déluge universel.
Lucien, Traité de la déesse syrienne, donne sur ce terrible évène
ment les mêmes circonstances quisont exposées dans la Genèse.
Varron parle du temps qui s'écoula depuis Adamjusqu'au déluge.
Les Chinois disent qu'un certain Puën Cuus échappa seul avec sa
famille au déluge universel.
Jean de Lart et Lescarbot rapportent la tradition constante du déluge
parmi les Indiens de l'Amérique.
Enfin Ovide (Métamorphoses, liv. 1) rapporte les mêmes circonstances
du déluge, en les appliquant à la mythologie grecque, et en mettant
Deucalion à la place de Noé. (Histoire universelle.)
Est-il possible de nier ce cataclysme, devant toutes ces autorités, et
devant les preuves géologiques qui existent sur toute la surface de la
terre?
Et si cela est, comment les hommes pourraient-ils méconnaître la
puissance infinie de celui qui, d'un mot, a pu la faire éclater d'une
manière si terrible?
Deuxième Époque.
(1) D'un fleuve débordé, sur une agreste plage,
Les descendants de Cham occupaient le rivage.
Après le mauvais succès de l'entreprise faite par Nemrod pour bâtir
la tour de Babel, Cham se dirigea vers l'Afrique, où l'on croit qu'il
- 228 -
fut honoré comme un dieu, sous le nom de Jupiter Ammon. ll avait
quatre fils : Chus, Misraim, Phuth et Chanaan. .
Chus s'établit en Éthiopie, Misraïm en Égypte, où il fut accompagné
de son père; Chanaan dans le pays qui a porté son nom, et que les
Grecs appelaient Phénicie; enfin Phuth s'établit dans la partie de
l'Afrique qui est à l'occident.
(2) Le Nil est devenu leur commune patrie.
L'Égypte s'appela primitivement Misraïm, du nom du second fils de
Cham, qu'il ne fautpas confondre avec Mesram, frère de Nathras, fils
de Nacraüs, tous deux prêtres-rois de l'Egypte et successeurs dugrand
Hermès, sur lequel nous dirons quelques mots, puisque l'occasion s'en
présente, attendu que c'est lui qui a donné naissance à cette Maçonne
rie hermétique, qui, nalgré lui, a fait tant de dupes dans tous les siè
cles, par l'appât de découvrir la plerre philosophale.
Égyptien de naissance, Hermès fut nommé Thoth ou Phtath par ses
compatriotes; Thaut par les Phéniciens et Hermès Trimégistre par les
Grecs.
Voici en quels termes Alkandifait mention de lui :
« Du temps d'Abraham,vivait en Égypte Hermès ou Idris second :
« Que lapaixsoit avec lui! Il fut nommé Trimégiste,parce qu'il était
« prophète, roi et philosophe. Il enseigna l'art des métaux, l'astrolo
« gie, la magie, la science des esprits. Pythagore, Bentècle (Empé
« docle), Archélaüs le Prêtre,Socrate, orateur et philosophe, Platon,
« auteur politique, et Aristote le logicien, puisèrent leur science dans
« les écrits d'Hermès. »
Ce grandhomme eut de nombreux disciples, soit parmi lesprêtres
rois de l'Égypte, soitparmi les ambitieux, tant anciens que modernes
qui croyaient qu'il avait voilé l'art de faire de l'or, sous l'ombre des
énigmes et des hiéroglyphes. -
Mais lesphilosophesjudicieux ont pensé que le véritable objet de la
science hermétique avait été de cacher sous ces mêmes hiéroglyphes
l'unité de Dieu, qu'il eût été dangereux de démontrer à des peuples
trop attachés aux dieux de la fable ouà ceux qu'ils s'étaient créés eux
mêmes.
(3) Enfin,Thèbes, Memphis étalent dans les airs
Des temples quiseront l'orgueil de l'univers.
Ces magnifiques cités ont disparu sous le fer des Vandales, et la
capitale de l'Égypte est aujourd'hui le Caire.
« Le Caire, dit M. Denon, n'est qu'un tas de villages que l'on a ras
semblés, on ne sait pourquoi, les éloignant d'un beau fleuve pour les
rapprocher d'un rocher aride. » (Voyage en Égypte,p. 175.)
Ce que M. Denon feint de ne passavoir a été expliqué de la manière
suivante ;
– 229 -
Le Caire s'appelait autrefois Meuré.-Cette ville étant tombée aupou
voir d'un roinommé Mohés, ce roi en fit gouverneur un esclave. Cet
esclave,pour tenir les peuples de son gouvernement dans la soumis
sion, fit bâtir tout auprès une forteresse,à laquelle il donna le nom de
Kaireh, qui était celui de la reine.
On bâtit ensuite tant de maisons du côté de la ville, qu'elles allèrent
jusqu'à Meuré, sous le nom de Kaïré. De là l'origine du nom de
Caire, que tous les peuples de l'Europe lui donnent maintenant, et
voilà aussi pourquoi cette ville s'est éloignée du Nil, pour se rappro
cher du rocher.
(4) Et c'était à cet astre honoré d'âge en âgo.
L'attribut qu'Ovide donne au soleil dans ses Métamorphoses est
celui-ci :
Omnia quae video,per quem videt omnia mundus,
Mundi oculus...
C'est à ce dieu et voyant et visible que les premiers peuples adres
saient leurs hommages, comme au seul Dieu vivant.
(5) Au règne glorieux du puissant Misraïm
Succéda dans Memphis le sage Pathrusim.
Misraïm passe pour être la souche des Pathrusim.
(Genèse, liv. XIv.)
(6) Non loin des murs sacrés de la ville aux centportes.
Pomponius Méla et d'autres auteurs entendent par les cent portes
autant de palais dont chacun pouvait, au besoin, mettre en campagne
20,000 combattants et 200 chariots.
(7) De cesgéants altiers, de ces grands monuments,
Sur les bords du désert jeta lesfondements.
Indépendamment des pyramides, qui passent pour une des mer
veilles du mondes,il y avait à Thèbes quatre temples remarquables :
l'un d'eux, dit Diodore de Sicile, avait un mille et demi de tour, cin
quante coudées de haut, et des murs de quatre pieds d'épaisseur.
(8) Le prince, qui ravit Hélèneà Ménelas,
Fut par le roi Cœthès chassé de ses états.
Le ravisseur d'Hélène s'était réfugié en Égypte; il en fut chassé.
Hélène s'était retirée dans l'île de Rhodes, où régnait Polypc : elle
fut pendue par les servantes de ce prince. La guerre de Troie, dont
elle fut cause,fit périr, dit-on,826,000 Grecs et 676,000 Troyens.
(9) Le savant Bedarrid dont Beda fut l'ancêtre.
C'est de la tige de ces ill. · .. Maç.· .. que descendait le T. .. P. .. F.·.
Marc Bedarride,G.· .. C. · .. de l'ordre de Misraïm en France, et auteur
de l'ouvrage intitulé: De l'Ordre Maç. · .. de Misraïm (Voir la note 5e
du4e Chant). -
– 230 -
(10) Etsous cet étendard, deux cent mille ouvriers
Vont dans Jérusalem former leurs ateliers,
Voici le détail des ouvriers qui furent employés à la préparation des
matériaux:
30,000 occupésà couper et à polir les bois de cèdre et de
sapin.
80,000 à extraire, tailler et polir les pierres.
70,000 à transporter les matériaux.
33,300 à l'intendance, la direction et la surveillance des
travaux.
16,700 forgerons, fondeurs et autres ouvriers,---- -
Total. 200,000
Ces deux cent mille ouvriers travaillant pendant sept ans à la
construction d'un temple, donnent déjà une idée gigantesque du
travail; mais c'est en l'analysant que l'esprit humain se trouve
confondu.
En effet, la hauteur du temple était de 120 coudées, estiméesà
2pieds l'une, ce qui faisait ensemble 240 pieds.
La façade orientale, soutenue par des remparts de pierres carrées
d'une grosseur énorme, était de 960pieds.
Ces remparts avaient 1,000 coudées de longueur dans le fond, et 800
à lapartie postérieure, avec 100 de large de plus.
Les énormes arcs-boutants qui soutenaient les remparts étaient de
la même hauteur, carrés sur le haut, larges de 50 coudées, et débor
daient aussi de 50coudées aux fondements.
Les pierres dontils étaient bâtis étaient, suivant Josèphe, longues de
quarante coudées, épaisses de 12, toutes en marbre, et siparfaitement
jointes, qn'elles semblaient ne former qu'une seule et même pierre,
ou plutôt un vaste rocher poli.
Suivant le même auteur, il y avait 1,453 colonnes de marbre de
Paros, et deuxfois autant de pilastres, d'une sigrande épaisseur, que
trois hommes pouvaient à peine les embrasser; leur hauteur et les
chapitaux étaient en porphyre et de l'ordre corinthien.
Les matériaux de cet étonnant édifice avaient été taillés et finis,
chacun suivant sa destination, avant d'êtrs conduits à Jérusalem, en
sorte qu'on n'entendit dans le temple aucun coup de scie, de marteau,
ni d'aucun autre outil.
Tous ces ouvrages se préparaient dansune vallée dite des Artisans.
Le fameux Tabernacle fut dressé dans le désert, par Besaléel et
Ooliab, deux fameux ouvriers, dont la science, dit l'Écriture, fut
inspirée de Dieu.
C'est près de Jéricho, dont le terrain était du meilleur argile,
– 23l -
qu'Hyram jeta en fonte le mur d'airain, et les deux colonnes de
18 coudées de haut, quifurent placées au vestibule du temple, l'une
portant en relief la lettre J, l'autre la lettre B, initiales des noms de
deux des meilleurs ouvriers.
(11) D'autres soumis aux lois du sage Adhoniram,
Vont façonner les bois dans les forêts d'Hyram.
Hyram, roi de Tyr, avait une affection particulière pour le roi
David. Lorsque Salomon monta sur le trône,par la mort de son père,
Hyram lui envoya une ambassade pour lui faire les compliments
d'usage, et Salomon profita du retour des ambassadeurs pour écrire à
Hyram la lettre suivante : -
Le roi Salomon au roi Hyram, Salut.
« Le roi mon père avait un extrême désir de bâtir un temple en
« l'honneur de Dieu; mais il ne l'a pu, à cause des guerres conti
« nuelles où il s'est trouvé engagé, et qui ne lui ontpermis de quitter
« les armes qu'après avoir vaincu ses ennemis, et les avoir rendus ses
« tributaires. Maintenant que Dieu me fait la grâce de jouir d'une
« profonde paix, je suis résolu d'entreprendre cet ouvrage, qu'il a
«préditàmon père quej'aurais le bonheur de commencer et d'achever.
« C'est ce qui me fait vous prier d'envoyer quelques-uns de vos
« ouvriers, pour couper avec les miens,sur la montague du Liban, les
« bois nécessaires pour cet édifice ; car nuls autres,à ce que l'on dit,
« ne sont habiles, en cela, que les Sidoniens, et je les paierai le prix
« que vousjugerez raisonnable. »
Le roi Hyram reçut cette lettre avec joie, et y répondit en ces
termes:
Le roi Hyram au roi Salomon.
« Je rendsgrâce à Dieu de ce que vous avez succédéà la couronne
« du roi votre père, qui était un prince très-sage et très-vertueux, et
«je ferai avecjoie ce que vous désirez de moi;je commanderai même
« qu'on coupe dans mes forêts quantité de poutres de cyprès et de
« cèdres que je ferai conduire par mer, attachés ensemble, sur le
« rivage de tel lieu de vos états que vous jugerez le plus commode,
c« pour être de là transportés à Jérusalem. Je vous prie de vouloir
« bien, en récompense, permettre une traite de blé, dont vous savez
« que nous manquons dans notre île. »
Josèphe assure que les originaux de ces deux lettres se voyaient
encore, de sen temps, dans les archives desJuifs et desTyriens; elles
s'accordent parfaitement avec ce que l'Écriture rapporte sur le même
sujet. -
Salomon, satisfait des procédés du roi Hyram, lui accorda, en
reconnaissance, un présent annuel de vingt mille mesures de froment
et de vingt mesures d'huile. Outre le bois de cèdre et autres maté
- 232 -
riaux, Hyram envoya à Salomon un homme fameux à Tyr par son
habileté à travailler en or, en argent et en autres métaux, pour
diriger cette grande entreprise. L'amitié d'Hyram ne se borna pas là :
il fournit les meilleurs bois du Liban, les plus habiles architectes
et ouvriers, et lui donna cent vingt talens d'or pour achever l'édifice.
(12) Grâce à ces ouvriers, dans la septième année,
De ce temple divin l'œuvre fut couronnée.
Ce fut l'an du monde 2992, et la quatrième année de son règne,
que Salomon organisa les ouvriers qui devaient concourirà l'élévation
du temple, et qu'il les divisa en trois classes, savoir : les apprentis, les
compagnons et les maîtres, suivant la classification des trois premiers
degrés du rite de Misraïm, auquel Salomon s'était fait initier en
Égypte.
Troisième époque.
(1) Enfin sur cestombeaux, depuis quinze cents ans.
Ce fut dans le dix-neuvième siècle du monde que fut construit, par
Ozymandias, le fameuxtemple souterrain qui sert de fondement aux
Pyramides, et ce fut l'an 3475 que Cambyse porta une main sacrilége
sur ces monuments immortels.
(2) . . . . .. et l'agresseur, enfin,
Ne voit, de toute part, qu'un désert et la faim.
Tel fut aussi la tactique des habitants de l'Égypte, lorsque les
Français en firent la conquête. Les villages, dit M. Denon, étaient
désertés à l'approche de l'armée, et les habitants emportaient tout ce
qui aurait pu l'alimenter.
(3) Et le Nil, malgré lui, revoit le feu sacré.
Zamoskis,Grec d'origine, et élève de Pythagore, se trouva dans les
Pyramides, où il avait reçu une augmentation de salaire, lorsque
Cambyse envahit les sépultures royales, qu'il en mit les habitants aux
fers, et qu'il les fit conduire captifs à Babylone. Zamoskis fut au
nombre des prisonniers; il se perfectionna dans cette ville célèbre,
parvint au sommet dutriangle, et revint ensuite aux Pyramides, dont
ilfut nomméG.* .. C. * .. -
(4) Et toujours les M. · . aimeront Marc-Aurèle.
La vertu de Marc-Aurèle est passée en proverbe. Sobre, austère,
affable,simple et modeste, sa vie est le commentaire le plus noble qui
aitjamais été fait des principes de Zénon.
Nous ne citerons de sa vie que ce qui se rattache à l'objet dont
nous nous occupons.
Marc-Aurèle était dans la Germanie, où il combattait dans le pays
des Quades, âu délà du Danube, lorsqu'il apprend qu'Avidius Cassius,
l'un de ses lieutenants, s'est révolté, et s'est fait nommer empereur à
- 233 -
Antioche. Soudain, il suspend ses opérations militaires, et se dirige
vers la Syrie,pour aller au devant de Cassius, résolu de lui remettre
l'empire, si les dieux voulaient qu'il régnât à sa place.
Mais les dieux en ordonnèrent autrement. Il apprit en route que
Cassius avait été poignardé par un centurion. On lui apporta même la
tête de l'usurpateur. Marc-Aurèle détourna les yeux, et ordonna que
ces tristes restes fussent inhumés avec honneur.
II continua sa route vers la Syrie, et il passa en Egypte. Arrivé à
Alexandrie, il apprit que les habitants de cette ville avaient refusé de
se soumettre à Cassius, et lui étaient restés fidèles. Il accorda à cette
ville, où il vécut plutôt comme un citoyen et un philosophe que
comme un empereur, les plus grands priviléges, soit en faveur de sa
fidélité, soit à cause des institutions qui y florissaient, qui attiraient
en Égypte les sages de tout l'univers, et auxquelles il s'était fait
initier.
De là il se rendit à Athènes, où il se fit également initier aux
mystères de Cérès Eleusine.
Ces mystères avaientpour but de perfectionner l'homme par des
pratiques morales. On venait des contrés les plus éloignées pour s'y
faire initier.
Le respect pour la vertu y était en sigrande vénération, que Néron
n'osa pas s'yprésenter.
La discrétion y était si sévèrement observée, que la tête de Diagoras
fut mise à prix pour avoir révélé les secrets des mystères.
Le rite était calqué sur les cérémonies égyptiennes.
La doctrine reposait sur les éléments de la raison et de la sagesse.
(5) Sous ce fer meurtrier que les fils de Japhet
Transmirent,teint de sang, auxfils de Mahomet.
Tous les savants conviennent que les Mogols et les Tartares descen
dent de Japhet,troisième fils de Noé.
Et Comme les Turcs et les Tartares étaient originairement un seul et
même peuple, tout ce qui convientaux ancêtres des uns est applicable,
par cela même, aux ancêtres des autres.
(Hérod., liv. VII, chap. 18. -Gen., liv. II.)
(6) Au siècle de Léon.
Le pape Léon X eut l'honneur de donner son nom à son siècle,
. (7) D'un temple sans rival dote Rome et le monde.
L'Église de Saint-Pierre à Rome.
(8) La foudre désormaisgrondera dans leurs mains,
Invention de la poudre à canon,vers 1340.
(9) L'homme, sans s'égarer,voguera vers le pôle.
Invention de la boussole, en 1302.
- 234 -
(10) Guttemberg sur l'airain fixera laparole.
lnvention de l'imprimerie vers 1340.
(11) Déjà l'antique Gaule.....
Contre la barbarie ont sonné le tocsin.
Les Croisades.
(12) De ce temple quivit le divin Osiris,
Le malheureux Orphée et le sage Sosis.
Cefut sous le nom d'Osiris que le roi Ozymandias plaça Misraïm au
rang des dieux.
Orphée,poète de Thrace, étant allé en Egypte pour sefaire initier, y
perdit Euridyce, qu'il avait épousée dans la Thessalie, et qui l'avait
accompagné aux Pyramides. Il composa, à l'occasion de ce malheu
reux événement, un hymne tellement mélodieux, que les PP. · .. lui
accordèrent l'initiation sans le soumettre aux épreuves rigoureuses, et
qn'ils firent tout ce qui dépendit d'eux pour le consoler.
Ozoroth, souverain d'Égypte, eut un fils, nomméSethos, qu'il sur
nomma Sosis, c'est-à-dire conservateur. Sosis renonça au trône, en
faveur de son frère, sous la seule condition que les institutions de
Misraïm seraient respectées, et qu'il en serait le Grand Conservateur
au sein des Pyramides.
(13) C'est ce grade nouveau qui, régnant sur lestrois,
Devint dans l'Occident le prince R. .. -- . · .
Le grade de la Rose croissantefut transformé en celui de P. ..R...--..
à l'époque des Croisades.
C'est le seul grade, avec les trois premiers, qui ait été prispar la
Maç.·. bleue dans les 90 de l'échelle mystérieuse de Misraïm.
(14) Il entre dans ces murs, dont l'immense structure
Semble avoir eupour but de vaincre la nature.
La plus grande des pyramides couvre de sa base sept arpents de
terrain; sa hauteur en a six, et la largeur de chacun des quatre côtés,
qui diminue à mesure que la pyramide s'élève, a 65 coudées ou 130
pieds.
Une inscription gravée sur cette pyramide apprenait que la dépense
faite en oignons, ail et raves, donnés pour vivres aux ouvriers,mon
taità seize cents talents d'or; que 360,000 hommesy furent employés
pendant vingt ans, et qu'il en coûta douze millions d'or pourtranspor
ter lespierres, les tailler et les poser.
« Le rapport le plus digne sous lequel on puisse envisager ces édi
fices, dit M. Denon, c'est qu'en les élevant, les hommes aient voulu
rivaliser avec la nature en grandeur et en éternité, et qu'ils l'aient fait
avec succès, puisque les montagnes qui avoisinent ces monuments de
leur audace sont moins hautes et non moins conservées. »
( Voyage en Égypte.)
– 235 -
Si M. Denon assigne aux pyramides une origine purement orgueil
leuse, un auteur moderne (M. de Percigny) a adressé récemment à
l'Académie desSciences un ouvrage dans lequelil leur assigne un but
utile. Il cherche à établir que ces masses merveilleuses eurent pour
but de garantir la vallée du Nil des irruptions sablonneuses du désert,
cn opposant au courant aérien une résistance égale à l'excès de leur
vitesse.
Entre ces deux systèmes, qui peuvent également se soutenir, il en
existe un troisième qui nous paraît plus vraisemblable : c'est que les
pyramides devraient leur origine à une opinion superstitieuse. Les
Égyptiens avaient la folie de croire que, même après leur mort, l'âme
restait unie au corps,jusqu'au moment où ils commençaient à se cor
rompre. Cette extravagante opinion suggéra l'idée et la coutume d'em
baumer les corps et de les remplir de végétaux connus comme les
meilleurs préservatifs contre la putréfaction. Ce fut pour le même
. but qu'en construisant lespyramides, ony renferma les corps des rois
d'Egypte, qui, par ces précautions, devaient y !ouver une retraite
sûre et paisible.
(15) Le héros, qui cherchait un appuisympathique,
Remplit facilement son projet politique.
On se rappelle de la visite de Napoléon auxpyramides et de son en
tretien avec les muphtis et imans Suleynan, Ibrahim et Mohamed.
Nous croyons inutile de les rapporter, tout ce qui tient à la politique
étant d'ailleurs sévèrement exclu des mystères maç.* . de Misraïm.
Quatrième Époque.
(1) Ce n'est que revêtu d'une robe nouvelle
Que l'on peutparvenir au sommet de l'échelle.
Voici comment l'auteur de l'Égypte au XIXe siecle, M. Edouard
Gouin, raconte l'initiation de Platon aux mystères de la Maç.* .. égyp
tienne :
«Aux approches de la 95e olympiade, un pèlerin de la science vint
le long du Nil étudier la Théosophie, et demander la révélation des
pieux mystères, qui sur les nôtres possédaient l'avantage de n'être pas
sans clef.
« Les épreuves lui furent permises; il descendit aufond d'un puits
noir, communiquant avec des caveaux. Il poussa une grille d'airain qui
se referma aussitôt, non sans un glacial et sourd bruissement. La
torche à la main, il s'avança. Dépassant une seconde porte grillée, il
aperçut unegalerie d'arcades éclairées par des lampes; sur le fronton
se lisait cette phrase ; Tout mortel qui marchera seul et sans effroi
- 236 -
dans l'enceinte sacrée, recevra la lumière, sera purifié par l'air et
l'onde, et initié dans les mystères secrets de la déesse Isis.
« Un appel d'en haut interrogea le néophyte pour savoir si le cœur
lui manquait, et le néophyte répondit : Non; et sans faiblir, il poursui
vit sa route.
« Devant une porte de fer parurent trois hommes armés, dont les
casques représentaient le museau d'un chien.
«Tu peux, lui dirent-ils, revenir surtespas; mais si,persistant dans
« ton dessein, tu recules ou détournes la tête, c'en est fait de toi. »
« Le néophyte répliqua: « J'irai en avant.»
« Une fournaise brûla béante: elle ne pouvait être traversée que sur
une grille très étroite ; au bout mugissaitun torrent: la rive ne pouvait
être gagnée qu'à la nage : le double péril fut résolument franchi. Le
plus terrible et le dernier de tous lui succéda.
« Un escalier de quelques marches menait à une lumineuse porte
d'ivoire qui s'ouvrait par deux anneaux étincelants. Le seuil abordé,
voici que le plancher tout à coup s'ébranla, comme sous la secousse
d'un impétueux tremblement de terre. D'énormes roues d'airain firent
mouvoir avec une incroyable rapidité de grosses et bruyantes chaînes.
La lampe tomba éteinte des mains du néophyte, quidemeura perdu au
sein du cataclysme ténébreux. ll ne cria point Grâce: un seul frisson
l'effleura.
« Il attendit.
« Le désordre, las de lui-même, céda la place au calme. Une porte,
invisible jusqu'à cette heure, livra passage dans une salle qu'illumi
naient des centaines de flambeaux: siégeaient là soixante prêtres cou
verts du byssus en étoffe de fin lin, portant, de même que les dieux,
des colliers d'une forme et d'une valeur proportionnées aux divers
grades. Le pontife orna l'initiéde la robe blanche, et lui présentantun
verre d'eau: « C'est le breuvage de Lethos. Bois l'oubli des sentences
mondaines. » -
« Vingt-quatre heuresd'un repos bien méritépréparèrent le néophyte
à une retraite de quatre-vingtsjours. Pendantcettepériode, et sixmois
encore, l'existence du Dieu créateur, ses noms, ses attributs, les
rayonnements de sa puissance infinie, à travers le soleil et les planètes,
les principes de haute morale et de philosophie religieuse furent
dévoilés au récipiendaire; puis on luiposa quelques questions: jamais
elles n'avaient été résolues avecune telle profondeur.On le reconduisit
aux lieux sacrés, où il jura de n'apprendre à aucun profane ce qu'il
avait vu et entendu, »
FIN DEs NoTEs.
( AP ) ,
TABLE DES MATIÈRES.
PRÉAMBULE. .. . .. . . . . .. . .. . . . . .. . .. . .. . .. •
PREMIÈRE PARTIE.
L'Institution maçonnique ne doit passon origine aux maçons
pratiques. .. .. .. . . .. , . . .. . .. .. . .. . .. . .. . .. .
2. Origine du mot Franche-Maçonnerie . .. . . . . . . . .
3. Quelsfurent ses vrais fondateurs, . . . . . e - e - s -
4. La Chine fut son berceau. .. . .. . .. . . e • • • • • • • •
5. Son introduction en Égypte. . . . . . . .. . . . e s -
6. Son passage à Jérusalem. .. . .. . . • • • • e e s e - •
7. Adoption de quelques formules par les Templiers. .. . . .
8. Son passage de Jérusalem en Ecosse . . . . .. . .. . . . .
9. Création de l'ordre Saint-André du Chardon. . .. . . . .
10. Son passage d'Écosse en Angleterre, puis en France. . . .
11.
12,
13.
14.
15,
16
17
18.
DEUXIÈME PARTIE.
Fondation de la Franc-Maçonnerie en France , . .. . . . .
Nouvelle persécution sous Louis XV . .. . .. . .. . . .. . .
Bulle d'excommunication du papeClément XII . .. .. .
Le Châtelet continue ses persécutions . , . .. . . .. . . .
Établissement des LL.. Provinciales . . . . . . . . . . .
Introduction de l'Ecossisme en France. . . .. . . .. , . .
Création du chapitre de Clermont ct de celui des empereurs
d'Orient et d'Occident . . , . .. . .. . .. . . .. .. . .. . .
Introduction, en France, des 25 hauts grades apportés de
Berlin . .. .. . .. .. » . .. . .. .. . .. . .. . .. . . .. . .. . . 34
- 238 --
19,
20.
21.
26.
Pouvoirs donnés au F. ", De Grasse de Tilly. . . , . . .. ,
Création du Suprême Conseil et ses débats avec le G. .. O.°.
de France . . e - s. - e s e - e - s e - e
La faction Lacorne nomme le duc de Chartres à la dignité
de G.*. M. " . .. . .. . .. . .. .. .. . - . .. . - - - -
. Nomination du duc de Chartres,à la dignité de G. .. M.°. .
. La Grande L. .. remplacée par le G. .. O. .. de France. . .
. Création de trois Chambres pour administrer l'Ordre . .. .
27.
28.
29,
30,
3l,
32.
33.
34.
35.
36.
37
Le G.'. O.'. prend les LL.'. d'adoption sous sa protection.
TR0ISIÈME PARTIE.
L'auteur se fait recevoir Franc-Maçon en 1795 . . , . . .
Création par l'auteur de la R. * .. L.". la Sincère Amitié,
à l'O.'. de Toulouse. . .. . .. . .. . . .. . .. . .. . .. ..
L'auteur obtient le prix du concours ouvert par la R.*.
L.· .. Saint-Louis des Amis réunis,à l'O. .. de Calais, sur
l'origine et l'établissement de la Maçonnerîe en France.
L. · .. d'adoption dans la R.* .. L. · .. de l'Age d'or,pour célé
brer le succès de son premier surveillant. . .. . .. .. . .
Nomination en 1814 de trois grands Conservateurs pour
remplacer le roi Joseph, Grand Maître de l'Ordre ma
çonnique. . . . . e e - s e - • • • • • • • • • e - s
lntroduction en France du Rite de Misraïm par les Frères
Bedarride . .. . . . s
Motifs pour lesquels l'auteur entra dans ce Rite, avec les
FF.". Muraire, Larrey, etc. . . . . . . . . . . - . .
Motifs qui le lui feront abandonner. .. . . . . . . . - « • •
Création de la R. .. L. .. Jérusalem des Vallées Égyptiennes,
par l'auteur . . . .. . . . .. . .. . .. . .. . e - « - - s
La Grande L. * .. Nationale. . .. . . . .. . . . - t - e e -
Belle conduite du G.*. O.*. et de ses GG,". MM.°, les FF.°.
Bertrand et Desanlis . .. . . . .. . . . . . .. . . . e a
Dissolution de la prétendue L.* . Nationale. . . .. . . . .
Belle conduite du G.* .. O." ., qui vient au secours d'un
des anciens membres de l'Assemblée nationale . : . .
Pages.
34
35
36
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38
39
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61
38.
61
- 239 -
39.
40.
41.
42.
43.
44
45
46
Continuation des travaux du G. *. O." . .. .. .. » . .. . . .
Attaques violentes desjournaux contre les Francs-Maçons.
Le prince Lucien Murat. .. . .. . . . . .. . . . .. . .. . .
Manière extraordinaire dont il fut reçu Franc-Maçon. .. . .
Son élection à la dignité de G.* . M.* ., le 9janvier 1852.
Premier acte du 6..M. .. .. .. .. .. . e s - e -
Installation du G. *. M." . . .. . . .. . .. .. . .. . .. .. . .
QUATRIÈME PARTIE.
Notification à toutes les puissances maçonniques de l'avéne
ment du prince Murat à la dignité de G.· .. M. · .. de la
Maçonnerie française. . . . . .. . . . . .. . .. .. . . .
. Projet du G.* .. M. · .. d'élever unTemple appartenantà la
Maçonnerie française . . . .. . . . . . . . . . . . . .
. Achat d'un local pour un Hôtel maçonnique. . . .. . . .
Convent constituant. . . . . . . . . . . . . . . . .. . .
. Congrès universel. . . .. . . .. . . .. . . . . . .. . . . .
Oratorio projeté.. . . .. , . .. . .. . . . .. . . .. . . . .
. Révision des Cahiers symboliques . .. . . . . . . . . . .
. Révision des hauts grades. . . .. . . . . . .. . . . . . .
. Voyage de l'auteur aux Pyrénées. . .. . . . .. . . . . . .
. Elévation du Prince Murat à la dignité de grand cordon de
la Légion d'honneur . .. . . . . .. . . . . .. . . .. . .
Création de l'Institut dogmatique. . . . . . . . . . .. , .
. Archives du G.* .. O.* . . .. . . . .. . . . . . .. . .. . .
L'hérésie du Dante. . .. . . .. . . . .. . . .. , . . .. . .
. Achèvement duTemple maç.. . . .. . . . . . . . . . .
. Tolérance maç." . . . . .. . . .. . .. . . . . . .. . . . .
. Cérémonie funèbre, à l'église Notre-Dame en faveur des
maçons excommuniés par l'évêque de l'île Maurice. . .
2. Charité maçonnique ou Maison de secours du G. ' .. O, *, .
. Indemnité au représentant du G.* .. M." . . . . . .. , .. ,
. Expiration despouvoirs du G.* .. M.* . . . . . . . .. . . .
5. Nomination des FF.*. Boubée et Desanlis pour administrer
le G.* .. O. * .. pendant la retraite du G." .. M. " , jusqu'à
l'expiration de ses pouvoirs. . .. . . . . . . . . .. . .
Pages.
63
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116
- 240 -
66. Démission du F. * . Desanlis. . .. . .. . . .. . . . . . . .
67. Nomination d'une Commission de cinq membres approuvée
par le ministre de l'intérieur. .. . .. . . .. . .. . . .. . .
68. Nomination,en 1861,du maréchal Magnan,par l'Empereur,
à la dignité de Grand Maître. .. . .. .. : . . . . .. . .
69. Communication de tous lesgrades au maréchal Magnan par
la Commission. . . . . . . . . .. . . . . . .. . . . .
70. Ingratitude envers la Commission . . .. . . . . .. . .. . .
71. Réintégration du F.· .. Boubée à la dignité de G.· .. Off. · .
d'Honneur du G.· .. O. * .. par le maréchal avant sa mort,
et confirmation par le général Mellinet, élu à sa place. .
72. Lettre du prince Lucien Murat à l'auteur de ces Mémoires.
Pièces justificatives.
No 1. De l'origine et de l'établissement de la Maçonnerie en
France. .. . .. . .. . .. .. .. .. . .. . . . .. . .. . .. . .
No 2. Étude sur cette question : « Quelle influence la Maç. · .
« doit-elle exercer sur l'état social de la Femme? » ..
No 3. L'immortalité de l'âme. .. .. . .. , . - • s - e - e -
No 4. Ode maçonnique. .. . .. . . .. . . . • • e - s - s -
No 5. La découverte de la vapeur. .. .. . . . .. . . • • • • •
No 6. Misraïm. Poème en quatre chants. . . . . . . . . . .
Chant premier. .. . .. . .. . . . . .. . . .. . .. . . .
Chant deuxième . . . .. . . . . . . . .. . .. . .. .
Chant troisième . . .. . . . . .. . . . . . .. . .. . .
Chant quatrième. . . . . . .. . .. .. . .. , . .. . .. .
Notes. .. . .. . .. .. . .. . .. .. .. .. .. .. . .. .. .. .. .. · · · · ·
•--QG--
( AP 37
Pag s.
119
119
129
1:50
167
175
179
189
189
199 .
209
219
226
Paris.-Typographie A. LEBON, rue des Fossés-St-Victor, 5,
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