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sVIIIs IANNIUEs DU* -es-se F. .. BOUBÉE A. O F F 1 C I E R D ' II O NNEUR D U G. * .. O. * .. DE F RAN C E lloyen de la Maconnerie Francaise NOTICE HISTORIQUE SUR L'ORIGINE DE LA FRANC-MA CONNER I E. PARIS TY C) ( IRA E EIIE DU E. *. ALEXANDRE LET3 O N 111 pt 1Mt U tt IDU GIRA D ORIENT I) E F A, CE Rue des Fossés-Saint-Victor, 5. | 866

0736 Boubee Souvenirs Maconniques

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sVIIIs IANNIUEsDU*

-es-se

F. .. BOUBÉE A.

O F F 1 C I ER D' II O NNEU R DU G. * .. O.* .. D E FRANCE

lloyen de la Maconnerie Francaise

NOTICE HISTORIQUE

SUR L'ORIGINE

DE LA FRANC-MA CONNERIE.

PARIS

TY I» C) ( IRA E EIIE DU E.*. ALEXANDRE LET3ON

111 pt 1Mt U tt IDU GIRA D ORIENT I) E F A,CE

Rue des Fossés-Saint-Victor, 5.

| 866

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PRÉAMBULE.

Mes souvenirs maç.. ne peuvent remonter qu'à l'époque où

je suis entré dans l'institution , c'est-à-dire à la fin du dernier

siècle; car c'est en 1795 que je reçus la lumière, dans la R.e. L.•.

de la Sagesse, à l'O.°. de Toulouse.

Immédiatementje voulus connaître l'origine et les principes de

la Franc-Maçonnerie; et cette étude m'apprit qu'il a existé des

Francs-Maçons dans toutes les contrées de la terre et dans tous

les temps.

Si je suis remonté aux siècles les plus reculés, et sij'ai com

mencépar là le récit de mes recherches, c'est moins pour faire

de l'érudition que pour éclairer les hommes qui calomnient

l'institution, parce qu'ils ne la connaissentpas.

Mon second but aétéde prévenir les FF.°. nouvellement initiés

du danger des faux systèmes, qui tendent à faire disparaître de

nos codes les principes qui y sont établis, de temps immémorial;

systèmes qui n'ont d'autre but et ne peuvent avoir d'autre résultat

que de détruire l'institution.

Voilà pourquoi j'ai divisé mon travail en quatre époques.

La première n'est et ne peut être qu'un aperçu de ce qu'a dû

être la Franc-Maçonnerie depuis sa naissance, qui est celle des

sociétés, jusqu'à l'époque où elle a pénétré dans nos contrées.

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-- 4 -

La seconde indiquera sa marche progressive depuis son intro

duction en France jusqu'au règne de la Terreur, où presque

toutes les LL.°. furent forcées de suspendre leurs travaux. -

La troisième rappellera les travaux du G.°. O.°. de France,

jusqu'à l'avénement du prince Murat à la dignité de Grand

Maître de l'Ordre, en 1852.

La quatrième enfin racontera ce qui s'est passé en France pen

dant l'administration de cet illustre Grand Maître , jusqu'à la

révolution maç.. de 1861. C'est dans cette dernière partie, où

j'ai eu l'honneur de remplir des fonctions importantes, que je

retracerai les travaux auxquels j'ai participé; je mettrai même

sous les yeux de mes lecteurs quelques pièces d'architecture, qui

furent accueillies avec bienveillance.

Maisà aucune époque, dans aucune circonstance, je n'ai oublié

le serment que je fisà l'Ordre, lorsque j'yfus admis, de prendre

toujours la vérité pour guide de mes actions et de mes paroles.

J'ai donc lieu d'espérer que mes FF.°. ajouterontfoi à ce que

je vais raconter, et qu'ils accorderont leur indulgence au travail

que je leur présente aujourd'hui.

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PRÉCIS HIST0RIQUE

FRANC-MAC0NNERIE

SOUVENIRS MAÇ..

DU F... B0UBÉE

)fficier d'honneur du G.' .. O.'. de Francc

ET DOYEN DE LA MAC.'. FRANÇAISE.

PREMIÈRE PARTIE.

I.

L'institution mnc.°. ne doit pas son origine

aux maçons pratiques.

L'institution maçonnique est une réunion d'hommes

vertueux et amis de l'humanité.

Son origine se perd dans la nuit des siècles, parce

qu'à toutes les époques ilya eu des Caïn et desAbel.

Mettons de côté ce qu'ont dit les Livres saints, sur

la science infuse qui aurait été départie à Adam, ct

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– G -

lui aurait permis de construire,à l'aide de ses enfants,

soit un temple, soit une L. ., pour rendre hommage

au Créateur.

En fait de Franc-Maçonnerie, c'est là une idée

évidemment exagérée; il serait inutile de chercherà

le démontrer.

En vain dira-t-on que cette opinion s'appuie sur

ce double fait, que le calendrier maç.. porte encore

aujourd'hui l'âge que Moïse donneà la création, c'est

à-dire 4,000 ans avant l'ère chrétienne, et que l'art

de travailler les métaux remonte à Tubalkin, dont le

nom est si cher aux francs-maçons.

Ces deux faits sont les éléments d'une science toute

matérielle, tandis que l'institution maçonnique est

toute morale.

Viennent ensuite les auteurs qui, rapprochant l'ori

gine de l'institution, ne la font remonter qu'à Noé et

à ses descendants.

Moé, dit-on, construisit l'arche qui sauva le genre

humain; et puis Enock construisit les Pyramides,

dont la première est classée parmi les sept merveilles

du monde.

C'est ainsi qu'en confondant les maçons pratiques

avec une institution toute morale, des auteurs exaltés

ou aveuglés fixent le berceau de la Franc-Maçonnerie

aux premiers âges du monde, et ce système a trouvé

et trouve encore des propagateurs parmi des FF..

qui,se livrant au paroxysme de leur imagination, ne

calculent pas quelles peuvent en être les conséquences.

En effet , passons des premiers temps dont nous

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– 7 -

venons de parler à une époque plus récente, celle ou

Rome se leva, pour devenir la maîtresse du monde :

on fait, dans un ouvrage impriméà Francfort-sur-le

Mein, chez FrançoisWarentropp, à la fin du siècle

dernier, autant de GG.. MM.. de l'Ordre maç...

qu'ily a eu de rois, de consuls ou d'empereurs, sous

prétexte qu'il n'est aucun de ces chefs qui n'ait fait

construire des temples, des palais, des remparts, des

ponts, ou autres monumentsplus ou moinsimportants ;

en sorte que Tarquin, Sylla, Néron, Commode,

Caracalla, en un mot tous les proscripteurs, assassins,

parricides ou incendiaires, qui figurent dans les an

nales de Rome, auraient été, suivant cet ouvrage, des

Grands Maîtres de la Franc-Maçonnerie, et que nous

devrions considérer ces monstres comme ayant été les

chefs d'une institution qui n'a pour but que la gloire

de l'Éternel et le bonheur de l'humanité!.. Quel

blasphème , grand Dicu! et quelque absurde qu'il

soit, quelles armes ne fournit-il pas aux ennemisim

placables de la Franc-Maçonnerie ? -

Heureusement que cette assertion est formellemcnt

démentie par l'histoire, où l'on voit que Néron, tout

empereur qu'il était, n'osa pas se présenter à l'initia

tion des mystères d'Eleusis, effrayé et retenu par la

voix du crieur, qui ordonnait aux impies et aux mé

chants de s'éloigner. -

L'ouvrage dont nousparlons a pour titre : Histoire

des obligations et statuts de la très-honorable société

des Francs-Maçons. ll se trouve dans la bibliothèque

du G. •. O.*. de France.

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- 8 --

Adoptant Ies mêmes erreurs, un écrivain modernc

rapporte la naissanee de la Franc-Maçonnerieà Numa

Pompilius,parce que, dit-il, ce roi fut le premier

qui constitua les colléges des constructeurs romains,

auxquels il conféra le privilége exclusif d'élever des

temples et des momumentts publics... -

Comme l'association des constructeurs ou maçons

pratiques existait de temps immémorial, nous ne

voyons pas pourquoi l'écrivain moderne n'en établit

l'origine qu'à Numa Pompilius; ajoutons qu'il se met

en contradiction avec lui-même; car on lit, page 655

de son livre intitulé : Histoire des trois grandes

LL.. de Francs-Maçons, les paroles suivantes :

« Les mystères des Égyptiens et des Perses pas

« sèrent d'abord par Moïse, chez les Juifs, puis chez

« les Grecs et les Romains; chez ces derniers, ils

« s'introduisirent en partie, dans les colléges des

« constructeurs, qui étaient les plus importants des

« trente et un colléges instituésparNuma Pompilius,

« en l'an 715 avant notre ère. »

L'auteur dont nous parlons reconnaît donc que les

mystères et les symboles de la Franc-Maçonnerie re

montent au temps des Égyptiens et des Perses, et dès

lors on ne conçoit pas comment il a pu- ce qui ne

lui était permis dans aucun cas- traiter les auteurs

qui ne pensent pas comme lui d'intrigants politiques

dont l'extravagance dépasse les bormes du sens com

mun!.... Certes, s'il existe un système qui dépasse les

bornes du bon sens, c'est celui des maçons construc

teurs. Il a en effet pour contradicteurs et celui qui place

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- 9 -

le berceau de la Franc-Maçonneric au troisième siècle

de l'ère chrétienne, époque où les prédicateurs de la

religion qui nous portait la liberté et l'égalité, s'éta

blirent les maîtres de leursfrères, et ceux qui, quel

ques siècles après, voulurent fonder l'origine de

l'institution sur la fausse mysticité de Cromwell, et

ceux encore qui l'attribuèrent à une haute spéculation

desjésuites.

Nous demanderons seulement comment des lecteurs

qui ne connaissent que superficiellement les mystères

maç.. pourraient découvrir la vérité à travers des

assertions aussi incohérentes.

Tâchons de leurvenir en aide, en leur donnant des

explications puisées dans l'histoire et recueillies avec

la plus grande impartialité. -

Et d'abord nous nous expliquerons sur un mot qui

a été et qui est encore le principe de tant d'erreurs ;

ce mot est celui de Franc-Maçonnerie, qu'on a cru,

et que beaucoup de gens croient encore être le même

que la maçonnerie pratique.

II.

Origine du mot Franche Maçonnerie.

Le mot Franche ou Franc-Maçonnerie ne remonte

qu'à l'an 1646 de l'ère vulgaire, époque à laquelle

lElias Ashmole, célèbre antiquaire, créateur du musée

- d'Oxford, affilia à la congrégation des maçons cons

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tructeurs de Londres la société des savants Rose

Croix (Rosen-Cruts), qui avait à sa tête le fameux

Bacon :Ashmole n'obtint un asile, pour cette société,

que sous la condition que ces savants se feraient re

connaître pour tels, c'est-à-dire pour membres de la

congrégation pratique, et qu'ils en porteraient le nom

et le tablier; ce qui fut accepté par la société des

llose-Croix, sous la condition réciproque que cessa

vants ajouteraient à leur titre de maçon, ces mots :

Free and accepted, c'est-à-dire Libre et accepté; en

d'autres termes, qu'ils s'appelleraient Francs-Maçons.

(Voir l'ouvrage de Nicolas Bonneville, et l'Acta La

tamorum.) -

Ainsi les Francs-Maçons eurent bien pour parrains,

qui leur donnèrent leur nom, les maçons constructeurs

de la ville de Londres, mais ils n'eurent de commun

avec eux que ce nom modifié, comme nous venons de

l'indiquer.

III.

Quels furent ses vrais fondateurs.

Ces savants Rose-Croix, ces amis de l'humanité,

étaient les successeurs de ces hommes éminents qui de

temps immémorial s'isolèrent du monde, afin de pou

voir pratiquer la vertupour eux-mêmes et pour leurs

scmblables.

Tels furent les Bruckmanes de l'Inde, les Mages

de Perse, les Chaldéens d'Assyrie, les initiés d'Égypte,

TTE

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– 1 1 -

les Esséniens et les Thérapeutes de laJudée, les Dis

ciples et les Illuminés d'Europe, enfin les savants

d'Ahsmole, quiprirent le titre de Francs-Maçons.

Ainsi donc ce titre,ouplutôt ce nom, quoiqu'il n'ait

été appliqué que dans le xvII° siècle, n'en appartient

pas moins à tous les hommes bons et justes quise sont

isolés à toutes les époques, et dans tous les pays.

Maintenant jetons un coup d'œil rétrospectif sur

les époques où vivaient les hommes que nous venons

de désigner.

Dans ce monde, dont nous admirons l'harmonie, ct

où, comme l'a dit Bossuet, tout est Dieu, exceptéDieu

lui-même, l'homme, quifut créé libre reçut, en nais

sant, l'instinct qui le poussait vers l'attrait tout-puis

sant des passions.

Les plus attrayantes de cespassions, et par consé

quent les plus dangereuses, furent l'amour-propre ,

l'ambition et l'orgueil; c'està cesidoles que l'homme

sacrifia avant tout, et de là naquirent tous les maux

quivinrent assaillir le genre humain, depuis la forma

tion des sociétés.

De ce même chaos sortirent aussi les hommes supé

rieurs, qui pour se mettre à l'abri de cespassions, et

jouir, sans trouble, de la félicité que goûte toujours un

cœur honnête, sentirent le besoin de se réunir en

sociétéisolée.

Ces hommes d'élite n'étaient ni les plus nombreux

ni par conséquent les plus forts; c'est pourquoi ils

furent forcés de se réfugierdans des retraites sombres,

pour pouvoir se livrer, à l'abri de la persécution, aux

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-

--

plus doux sentiments de la nature, aux douceurs de la

fraternité.

On peut donc soutenir, avec quelque vraisemblance,

que l'institution connue aujourd'hui sous le nom de

Franc-Maçonnerio se perd dans la nuit des temps,

qu'il y a eu ce qu'on appelle des Francs-Maçons par

tant où il y a eu des hommes croyant à une vie fu

ture, et par conséquent amis de la vertu.

L'histoire ne nous apprend rien relativement aux

institutions antérieures au déluge, les écrivains les

plus judicieux en placent le berceau dans la première

contrée qui fut habitée, après cette catastrophe ; et

cette contrée fut le plateau de la Tartarie orientale

que Noéalla habiter, dit Anquetil, et qu'il gouverna

sous le nom de Fahi, avec une colonie tirée de ses

plus vertueux descendants, qui, voyant la corruption

se répandreparmi leurs frères, s'attachèrent à leur

père commun, et se séparèrent avec lui de cette masse

corrompue,avant l'érection de la tour de Babel, et la

confusion des langues(Précis de l'Histoire universelle).

IV.

La Claine fut son berceau.

C'est donc la Chine qui aurait été le berceau de

notre institution, et c'est de là qu'elle aurait pénétré

en Égypte, par l'Inde, la Perse, et l'Éthiopie.

« A l'appui de ces observations, ajoute Anquetil,

« vient la science de l'astronomie, que les Chinois

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« n ont pu posséder sitôt, à quelque degré éminent,

« que parce qu'ils la tenaient de Noé, qui en avait

« reçu le principe des hommes qui vivaient avant le

« déluge : comment se seraient-ils préservés de l'ido

« lâtrie, qui infectait les nations, s'ils ne s'étaient sé

« parés de leurs frères, avant la corruption? Aussi

« ont-ils conservé leurs connaissances, et l'adoration

« d'un seul Dieu, de sa Providence,et l'idée toujours

« présente des châtiments destinés aux méchants, doc

« trine que le fléaudu déluge avaitprofondémentgra

vée dans le cœur de Noé ! »

Cette doctrine fut portée dans l'Inde par Brahma,

qui arracha le peuple de cette contréeà la vie sauvage,

pour lui apprendre les arts, les sciences, et la con

naissance de l'Étre suprême, dans ces fameuses pa

godes qui se font encore aujourd'hui remarquer par

leur travail et leur magnificence.

Les disciples de Brahmamarchèrent sur ses traces ;

c'est de leur sein que jaillirent ces rayons de lumière

qui devaient éclairer l'univers; les Gouroux, ou pré

cepteurs spirituels du Brahanam étaient seuls déposi

taires de la science sacrée, et exerçaient un pouvoir

sans bornes, basésur la religion de Brahma.

Mais, ainsi que les Francs-Maçons de diverses épo

ques, les Brahmes furent persécutés; des Prêtres d'un

autre rite, les sectateurs de Wisnou, leur firent de

l'opposition; ilsprétendirent que leur Dieu était le seul

Dieu véritable, attendu que ses neuf métamorphoses

couvraient les mystères les plus profonds, et notam

ment celui de la vérité.

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-- - --- -----

Wisnou triompha pendant plusieurs siècles; il fut

lui-même renversé par Bouddha, dont la religion, qui

est encore en vigueur dans une grande partie de l'Asie,

depuisvingt-cinq siècles, a beaucoup de rapport avec

celle qui est pratiquée aujourd'hui dans la plusgrande

partie de l'Europe.

V.

Son introduction en Égypte.

Les Brachmanes ayant été chassés de l'Inde par

Wisnou et Bouddha,se réfugièrent dans la Perse, où ils

échangèrent leur nom contre celui de Mages et leur

système religieux contre celui que nous allons indi

quer.

Après avoir envisagé sous un seul point de vue

toutes les opérations de la nature animée,ils imaginè

rent un principe de vie, qui était le jour ou le soleil,

et un principe de mort, qui était la nuit ou le froid.

Ce système, quifut accueilli avecenthousiasme,ren

dit les Mages tout-puissants ; dans la Perse, Osiris, qui

était descendu des montagnes de l'Éthiopie,pour se

faire initierà cette religion, revint après son initiation,

àMoroé, où il établit le collége de Gymnosophites.

Ce généreux bienfaiteur de l'humanité se rendit en

suite en Égypte, où il régna avec Isis, à qui il confia

lessoins de son royaume,pour allerconquérirl'univers,

moins par la force des armes, dit Noel dans son Dic

tionnaire de la Fable, que par la douceur et la per

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– 15 -

suasion; il amena les hommes alors entuèrement sau

vages aux douceurs de la société civile, leur apprit

l'agriculture, à bâtir des villes et des bourgs, et re

vint comblé de gloire, après avoir fait élever partout

des colonnes et d'autres monumentssur lesquels étaient

gravés ses exploits.

Parmi les grands hommes qui se firent initier aux

mystères d'Osiris, on remarque d'abord Orphée, qui

alla porter dans laGrèce les résultats de son initiation ;

c'est lui qui établit le culte de Bacchus et de Cérès ;

mais les anciens prêtres, qu'il avait supplantés, lefirent

mettre à mort par les femmes de la Thrace, souspré

texte qu'il avait refusé de les admettreà ses mystères.

C'est encore dans les temples de Thèbes et deMem

phis qu'Homère puisa ces inspirations sublimes qui

élèvent l'homme au-dessus de la terre et le transpor

tent avec songénie dans le séjour de l'immortalité.

C'est enfin dans le temple de Cérès que Triptolème

apprit et enseigna aux peuples l'art de cultiver les

champs; c'est sur la doctrine de ces sages quefut con

çue celle de Zoroastre, qui se fit initier aux mystères

égyptiens ; ce moraliste croyait à un dieu suprême,

immobile, éternel, essentiellement nécessaire à l'exis

tence du monde.

Vint ensuite Moïse, qui, en arrachant ses compa

- triotes au joug des Pharaons, établit les bases d'une

religion qui ne connaissait qu'un seul Dieu, créateur

de l'univers.

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VI.

Son passage à Jérusalem.

En transmettant ses mystères aux Israélites dans le

désert, Moïse ne fit que leur communiquer les notions

qu'il avait puisées lui-même dans les temples égyp

tiens, et c'est sur ces notions rectifiées que fut créée

cette secte connue sous le nom d'Esséniens, qui con

serva dans toute leur pureté les symboles de l'institu

tion dont le principe remontaitjusqu'à Brahma.

Après Moïse vint Salomon, à qui les Esséniens

inspirèrent l'idée d'aller puiser les leçons de la sagesse

aux mystères des Pyramides ; c'est après son retour

d'Égypte, qu'il fit construire à Jérusalem le temple qui,

encore aujourd'hui, sert d'emblème aux mystèresma

çonniques; c'est lui qui fit élever à l'entrée du Temple

les deux colonnesJ. et B., qui rappellent aux adeptes

que toutes leurs actions doivent avoir pour base le tra

vail et la bienfaisance. -----

Ce fut aussiSalomon quiintroduisit dans le temple,

comme attributsessentiels, le Soleil, la Lune etles Étoiles,

c'est lui qui fit orner le sommet des colonnes de Gre

nades et de Lys, afin de représenter la beauté et la

puretéde l'institution.

Nousne relateronspas ici les vicissitudes qu'éprou

vèrent les habitants de Jérusalem pendant la période

où ilsfurent forcés de subir la loi du vainqueur; mais

nous dirons que jamais pendant leur longue capti

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- 17 -

vité, les initiés ne changèrent ni leurs dogmes ni leurs

mystères; ils employèrent pour se reconnaître, dit

Philon, contemporain de J.-C., le moyen suivant :

ils portaient la main droite, entre la barbe et lapoi

trine, en laissant tomber la gauche sur les hanches...

Depuis les premiers chrétiens jusqu'à l'époque des

Croisades, des siècles de barbarie se succèdent dans

la Judée; mais les initiés conservent toujours les signes,

les emblèmes, les mots et les principes de morale que

leur avaient transmis les sages de l'antiquité; morale

qui avait et qui a toujours pour base, l'adoration de

Dieu, pour mystère l'admiration de ses ouvrages,pour

travail la pratique de la bienfaisance, et pour sa

laire, le bonheur de se reconnaître pourfrères et amis,

partout où ils se rencontrent.

C'est cette base que nous avons cherchéà expliquer

dans notre poëme de Misraim, ou nous disions (chant

premier) :

D'un seulregard de Dieu la terre est donc sortie ;

Mais toi, brillant flambeau, de quels lieux est partie

Ta masse qui reluitparmitant desoleils,

Comme toi radieux, à ta gloire pareils?

*T'es-tu créétoi-même? oh ! non, car les étoiles

Qui brillent dans le ciel etdécorent sesvoiles

Ont aussi leur orbite, et sont, ainsique toi,

Des corps soumis aujoug d'une éternelle loi,

Fntraînant avec eux, dans leursplans elliptiques,

D'autres soleils errants, suivant leurs éclyptiques ;

Mais ils n'ont rien créé. qui donc a fait le ciel,

Ces mondes, ces soleils?.C'est Dieu, c'est l'Éternel.

2

-------------

- _____--

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- 18 -

L'institution secrète qui professait ces principes les

pratiquait sans éclat, dans un pays où régnait la

servitude, lorsqu'une circonstance imprévue vint lui

fournir l'occasion de les développer.

VII.

Adoption de quelques formules par les TempIiers.

Jérusalem tomba au pouvoir des Croisés, et neufde

ces derniers, tous français, animés du désir de faire

triompher la cause de l'humanité,formèrent une asso

ciation, dont le but était de défendre les chrétiens contre

les vexations des infidèles (1).

Ces infidèles étaient les naturels du pays qui, enne

mis des chrétiens, s'étaient emparés des hauteurs, et

s'étaient retranchés le long des chemins, afinde tomber

plus impunément sur les voyageurs, qu'ils ne consi

déraient plus que comme des ennemis des Mahométans.

Cette sociétése fit d'abord initier aux mystères du

temple, et prit le nom de Templiers; elle adopta,pour

la réception des chevaliers, une partie des formules

employées par l'institution égyptienne; enfin elle mit

à sa tête un Grand Maître, après lequel vinrent les

(1) Voici les noms de ces neuf fondateurs de la Société desTem

pliers:

Hugues de Payens, qui tire son nom d'un endroit situé à deux ou

trois lieues de Troyes, en Champagne; Geoffroi, de Saint-Omer; Ros

sat, Geoffroi, Bisot, Payen de Montdidier, Archambaut de Saint

Agnan, André de Monbar, de Gondemare, et Hugues, comte deCham

pagne.

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précepteurs, les prieurs, et les commandeurs, en un

mot l'organisation de l'ordre fut à peu près basée sur

celleque Moïse etSalomon avaient apportée de l'Egypte.

VIII.

Son passage de Jérusalem en Ecosse.

«On appliquait aux chevaliers, dit une note dépo

« sée dans les archives du temple, et rapportée tex

« tuellement dans l'Acta latamorum les formules tra

« ditionnelles et les épreuves de l'initiation. »

Ce sont ces formules et ces épreuves, que, dans le

procès desTempliers, on voulut faire passer pour des

pratiques impies; on voulait forcer ces malheureuxà

s'avouer coupables desplus honteuses abominations;

mais les uns préférèrent la mort, d'autres prirent la

fuite, pour se soustraire au supplice qui leur était

réservé, et allèrent s'enrôler sous les drapeaux de

Robert-Bruce, l'un des concurrents au trône d'É

cosse, après la mort d'Alexandre III et celle de Mar

guerite, sa petite-fille.

Nous demandons la permission de mettre sous les

yeux de nos lecteurs l'interrogatoire que subit Jacques

Molay, devant les juges de l'Inquisition qui le condam

nèrent au dernier supplice; cet interrogatoire est extrait

d'une tragédie inédite de notre composition intitulée :

Jacques Molay, Grand Maitre des Templiers : on

y verra que les crimes qu'on imputait à cet Ill... et

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- 20 -

malheureux Grand Maître sont ceux qu'emploie en

core aujourd'hui la secte ultramontaine, pour avoir le

prétexte de persécuter les Francs-Maçons.

JACQUES M0LAY

DEVANT LE TRIBUNAL DE L'INQUISITION.

L'INQUisITEUR A JAcQUEs MoLAY.

Au lieu d'offenser Dieu par desvœux qu'il rejette,

Demandez lui plutôtde vous tendre ses bras :

Maiscommentl'invoquer,vous qui n'ycroyezpas ?...

MOLAY.

Il n'appartient qu'à lui de juger une croyancc.

L'INQUISITEUR.

Vos chevaliers et vous niez son existcnce.

MOLAY.

L'aspect de l'univers permet-il d'en douter?

Mais sur cette existence on pourrait hésiter,

Quand on voit, en son nom, multiplier les crimes,

Dans le fond des cachots entasser les victimes,

Lorsque d'un Dieu d'amour,de paix et de bonté,

On fait un Dieu de rage et d'immoralité?

Oui, sans être coupable, un csprit ordinaire

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– 21- -

Révolté contre un être à lui-même contraire,

De tant d'atrocités justement offensé,

Peut dire : selon vous, Dieu serait insensé,

Donc il n'existepoint.;maisl'hommevraimentsage,

Qui, d'un être accompli trouve partout l'image,

Dit au contraire : à Dieuvous prêtezvosfureurs,

Cessez de l'outrager, coupablesimposteurs !

Ce Dieu dont l'univers proclame la puissance

Est un Dieu de douceur et non pas de vengeance.

L'INQUISITEUR.

Blasphémateur impie, est-ce là votre foi ?

MOLAY. -

Quivous a fait arbitre entre le ciel et moi ?

L'INQUISITEUR.

Dieu lui-même.

- MOLAY.

Asa loije fus toujours fidèle.

L'INQUISITEUR.

Et sa religion?

MoiAv.

Je vais mourirpour elle.

L'INQUISITEUR.

Elle vous abandonne.

MOLAY,

Elle me tend les bras

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- 22 -

L'INQUISITEUR.

Vous la déshonorez..

MOLAY.

Vous ne le croyez pas.

L'INQUISITEUR.

Cédez.

MOLAY.

Je ne crains rien.

L'INQUISITEUR.

Dieu lui-même vousjuge.

MOLAY,

Il pardonne.

L'INQUISITEUR.

Il punit.

MOLAY,

Soyezdoncmon refuge,

O Fils de l'Éternel! ah! lorsque votre voix

Invoqua votre Père, en mourant sur la croix,

Vous ne lui dites point :tonne, Dieuvengeur,tonne !

Mais pardonnez, mon Père, ainsi queje pardonne.

Reprenons notre récit, et suivons les pieux et vail

lantsTempliers qui s'enrôlèrent sous les drapeaux de

Robert-Bruce,etqui contribuèrent puissammentausuc

cès de la bataille de Bannorburk, où cent mille Anglais

furent battuspar trente mille Écossais.

Page 22: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 23 -

IX,

Création de l'Ordre Saint-André du Chardon.

Le roi Robert récompensa les Templiers qui l'avaient

secondé, en créant,sur leur demande, l'Ordre des che

valiers de Saint-André du Chardon, dont il se ré

serva le titre de Grand Maître,tantpour lui que pour

SeS SUCCeSS6UlI'S.

Cet Ordre fut transféréà Édimbourg, où les initia

tions se firent d'après le mode qui avait été pratiqué

chez les Templiers.

En 1427, Jacques II, roi d'Écosse, mit cet Ordre

sur la tête de Saint-Clair de Rollin, avec transmission

aux héritiers du Baron, en considération des services

qu'il en avait reçus.

X.

Son passage d'Écosse en Angleterre,puis en France.

C'est ainsi qu'une partie des emblèmes de l'institu

tion égyptienne passa en Écosse, et puis enAngleterre,

où elle se régularisa complétement; enfin, l'institution

franchit l'Océan ; un premier temple fut constituéà

Dunkerque, et trois anglais, ouvrirentà Paris,en 1725,

une première L. .. qui fut le berceau de la Maçonnerie

française.

Page 23: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

DEUXIÈME PARTIE.

XI.

Fondation de la Franc-Maç.. en France.

Les trois fondateurs de la Franc-Maçonnnerie en

France, dont les noms appartiennent à l'histoire de

l'Ordre, furent lord Deuvent-Water, chev... Mas

queline, et sir Degerly, tous trois membres de la

G.°- L.°. de Londres.

Ils établirent la première L. .,chez le traiteur Huré,

rue des Boucheries.

Gouland, lapidaire anglais, fonda la seconde.

La troisième fut créée par Lebreton, sous le titre

de : Saint-Thomas au Liais d'Argent; cette déno

mination était le nom de l'auberge où se tenaient

les séances. -

Une quatrième L. .. fut fondée, rue de Bussi, chez

un traiteur, nomme Gardelle; cette L. .. prit d'abord

le nom de la rue où elle était située ; elle s'appela en

suite L. .. d'Aumont, parce que le duc dont elle prit

le nom s'y était fait affilier.

Page 24: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 26 -

--- --

L'institution fit d'abord peu de prosélytes; malgré

la beauté de sa morale,à peine six cents personnes s'y

présentèrent, pendant les dix premières années; le

gouvernement de Louis XV, pendant sa minorité, et

Louis XV lui-même, quand il eut pris les rênes de

l'État, lui furent toujours hostiles.

Ainsi quatre LL.. seulement se trouvaient établies

à Paris, lorsque le GrandMaître, lord Deuvent-Water,

ayant cru pouvoir retournerà Londresimpunément,y

fut arrêté, condamné pour cause politique et décapité.

La Grande Maîtrise étant ainsi devenue vacante, le

comte d'Harmouster fut choisipour succéder à lord

Deuvent-Water, ce fut en 1756; mais le Châtelet,

d'après les instructions de la cour, rendit immédiate

ment une ordonnance, qui défendait aux Francs-Ma

çons de se réunir, et ceux-ci s'étant, malgré cette dé

fense, rassemblés chez un cabaretier de La Rapée,

nommé Crapulot, ce cabaretier fut condamnéà mille

francs d'amende, et la porte de sa maison murée pour

six mois.

XII.

Nouvelle persécution sous Louis XW.

Vers la fin de 1757, milord d'Harnouster étant près

de quitter la France, convoqua une assemblée, pour

l'élection d'un successeur.

Le roi ayant été informé de cette convocation, dé

- --------- ---- -------------

Page 25: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 27 -

clara que si le choixtombait surun Français il le ferait

mettre à la Bastille.

Le duc d'Antin ayant été élu, et ayant accepté, la

menace nefut pointréalisée, mais lesFF...s'étantassem

blés dans la L. des Deux Écus,pour célébrer la

fête de l'Ordre, plusieurs furent arrêtés et conduits

dans la prison de For-Levêque, qui était celle desco

médiens : c'était en 1758.

XIII.

Bulle d'excommunication du pape Clément XII.

Ala mêmeépoque, lepapeClément XII,alarmédes

progrès que la Franc-Maçonnerie faisait dansses États,

lança contre elle une bulle d'excommunication.

On a voulupersuader que cette bulle s'appliquaità

tous les Maçons,mêmeà ceuxqui étaient hors des États

de la papauté; mais c'est une erreur qui est démontrée

par plusieurs circonstances dont voici les principales :

1° Ce fut à l'instigation du duc de Florence et par

suite des dénonciations du clergé florentin, que les

foudres de Rome furent allumées contre les Francs

Maçons;

2° Les peinesprononcées par la bulle étaient la mort

et la confiscation des biens (Solopena della morte e

confiscatione de bene die incorrezi irremissiblimente,

senza sperenze de gratia).

Or, le Pape ne pouvaitprononcerde pareilles peines

que contre les sujets de ses propres États ;

Page 26: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 28 -

5° Le parlement de Paris refusa formellement d'en

registrer la bulle, lorsqu'elle arriva en France, en

1759 ;

4° Enfin jamais, depuis cette époque, le pouvoir

séculier ne s'est appuyé sur cette bulle pour empêcher

les réunions maçonniques.

Il y a plus, postérieurement à cette bulle de Clé

ment XIl, des prêtres Bénédictins, Minimes, Domini

cains, etc., se sont fait initier dans diverses LL.°. de

province,notamment dans celle de la Parfaite Union,

à l'O.°. de Rennes en 1784, et le G. .. O.°. lui-même

comptait dans son sein, avant 1789, des chanoines

métropolitains, ainsi que le constatent ses archives,

que nous avons eues dans nos mains, pendant que

nous étions bibliothécaire du G. .. O. ., et ainsi que

l'on peut le vérifier encore aujourd'hui; ce qui n'aurait

pas eu lieu si la bulle d'excommunication se fût éten

due au delà des États romains. -

Quoi qu'il en soit, il est vrai de dire que le fana

tisme et l'intolérance religieuse ont toujours persécuté

l'intelligence; mais ce n'est pas en comprimant les

idées qu'on les empêche de se développer; aussi, au

lieu de quatre LL.. qui existèrent à Paris pendant

longtemps, il s'en trouvait vingt-deux dans cette ville

cn 145, époque où le comte de Clermont succéda au

ducd'Antin, après la mortde celui-ci.

L'institution s'était aussi propagée dans les pro

vinces, où l'on comptait près de deux cents LL... à

celle époque, dit Lalande. (Mémoires historiques sur

la Franc-Maçonnerie dans l'Encyclopédie.) -

Page 27: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 29 -

C'està cette époque de 1745, que la mère L. .. reçut,

dans une réunion solennclle le titre de Grande L...

anglaise.

XIV.

Le Châtelet continue ses persécutions.

Inquiet cependant de l'importance que prenait l'in

stitution Maç.., le Châtelet, renouvelant sespersécu

tions, porta à 5,000 fr. l'amende de 1,000fr. qu'il

avait primitivement prononcée contre toute personne

qui donnerait asile aux réunions Maç..; mais malgré

ces persécutions, on vit se former des LL.. de magis

trats et d'artisans, de gens de lettres et d'artistes; il y

en eut même qui ne furent composées que de gens

nobles, qui d'abord refusèrent de fusionner, mais qui

cédant enfin auxprincipes de l'ordre, auquel ils avaient

juré fidélité, finirent par abjurer le préjugédes castes,

dont ils préparaient ainsi la destruction, qui eut lieu

quelques années après.

Mais plus la Maçonnerie faisait desprogrès, plus le

Châtelet redoublait de persécutions; le 8juin 1748,

pendant que dans la L. .. des Deuz-Écus, on procédait

à une réception, arrive un commissaire escorté d'unc

escouade de guides, qui force l'entrée, s'empare des

ustensiles de la L. ., en disperse les membres, fait

condamner le propriétaire à 5,000 fr. d'amende, et

fait murer les portes de l'établissement.

Page 28: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 30 -

XV.

Établissement des LL.. provinciales.

La Maçonnerie n'en continue pas moins son cours ;

les provinces imitent la Capitale; Marseille, Lyon,

Toulouse, Bordeaux, ont leurs LL..indépendantes ;

elles portent le titre de LL..provinciales,età la même

époque, le prétendant anglais Charles-Édouard établit

à Arras un Chapitre de hautsgrades, dont il confia la

direction à trois avocats, parmi lesquels figurait Ro

bespierre, le père de celui qui, plus tard, rendit son

nom àjamais exécrable.

Cependant la Maçonnerie continua à être en butte

auxpersécutions du pouvoir ; mais avant defaire con

naître les diverses phases qu'elle eutà subir, jusqu'à

l'avénementduprince Muratà la dignité de G. .. Maître,

nous consacrerons quelques lignes à faire connaître

comment l'Écossisme yfut introduit.

XVI.

Introduetion de l'Écossisme en France.

Suivant Thory, ce furent les partisans de la royauté,

qui après la mort tragique de Charles Ier, introduisi

rent dans le grade de Maître, des allégories tendantà

rappeler le souvenir de la catastrophe quitermina les

jours du roi, dans le but d'arriver, par la vengeance,

Page 29: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 31 -

au rétablissement de Charles II (Histoire de la Fon

dation duG. .. O. .. de France, page 184).

Pour atteindre ce but, il fallait des partisans sur les

quels on pût compter, et le moyen d'en avoir, ce fut

d'attirer les FF... nouvellement admis dans des conci

liabules où ne seraient admis que ceuxquiauraient été

éprouvés et qu'on appela les Maîtres élus.

Tel fut le point de départ des hautsgrades, qui

ont pu faire l'ornement de l'Écossisme, mais quifurent

rejetés par la Grande L. .. de Londres, lorsqu'ils lui

furent présentés.

Le rédacteur de ces hautsgrades fut André-Michel

Ramsay, qui avait été conduit en France,à l'âge de

deux ans,par ses parents attachésà Jacques II. Animé

du désirde se faireun nom,Ramsayse fit initier dans la

Maçonnerie,dès qu'il eut l'âge voulu, et comme il avait

beaucoup de moyens, il fut élevé bientôt à la dignité

d'orateur, qu'il remplit dans la L. .. centrale,où milord

d'Harnouster avait été nomméGrand Maître.

Ramsaybâtit son système des hautsgrades,sur celui

des chevaliers du Temple; il supposa que Robert

Bruce, en créant, comme nous l'avons dit, l'Ordre de

Saint-André du Chardon, par lequelil récompensa

le zèle et le courage des Templiers, avait aussivoulu

leur fournir les moyens de se réhabiliter par la ven

geance.

C'est sur cette idée que Ramsay bâtit la Maçonnerie

des hautsgrades, et qu'il remplaça l'équerre et le flam

beau par le poignard et la torche. -

Page 30: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 32 -

Laharpe dit dansson Coursde Littérature (tome VII,

page 226), que Voltaire a cité une lettre de Ramsay,

ami de Fénelon (il était son secrétaire), dans laquelle il

dit que l'archevêque de Cambrai étant allé en Angle

terre, aurait donné l'essor à ses principes, queper

sonne n'a jamais connus.....

Quels étaient cesprincipes? N'est-ce pas ceux con

signés dans les écrits qui furent brûlés par ordre de

Louis XIV?

Laharpe croit que cesprincipes sont ceuxrenfermés

dans le Dialogue des morts, ou bien dans le livre

intitulé: Direction pour la conscience d'un roi.

Il est vraisemblable que Ramsay avait conservé une

copie des écrits qui renfermaient ces principes, et que

c'est sur ces écrits qu'il bâtit le système des hauts

grades, qu'il alla présenter à la grande L. .. de Lon

dres, qui le rejeta.

Il eut plus de succès en France,à cause des titres

pompeux quiy étaient donnés, et des hochets éminents

quiy étaient attachés; toutefois, ce n'est qu'après sa

mort que son système se fit jour; ce n'est en effet qu'à

partir de 1744queparurent les constitutions illégales,

lesfaux titres, les chartes antidatées, délivrées par

deprétendus maitres de LL.°., ou fabriquées par les

LL.°. même, dont quelques-unes s'attribuèrent une

origine mensongère, qu'elles firent remonter à 15 ou

1600 ans. (Acta Latamorum.)

« Les gens, à la suite du prétendant, poursuit

« Thory, ajoutèrent à ces désordres, en délivrant au

Page 31: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 33 -

((

premier venu le pouvoir de tenir Loge, en consti

« tuant deson autorité, des mères LL.. et des Chap..

« sans qu'ils y fussent autorisés par un pouvoir

« légal. »

(

XVI[.

Création du Chapitre de Clermont et de celui des

Empereurs d'Orient et d'Oeeident. .

C'est de cette manière que fut établi, en 1754, par

le chev... de Bonneville, un Chap... de hauts grades,

quifut installéà Paris le 24 novembre de ladite année ;

il avait fait construire, pour cet établissement, un très

beau local, dans un des faubourgs de Paris, dit la

Nouvelle-France. Cette société était composée deper

sonnages de distinction qui, fatigués des dissentions

qui déshonoraient les LL.. de Paris, avaient résolu

de s'en séparer, pour formerune réunion particulière,

qui prit le nom de Chapitre de Clermont.

Lespremiersgrades de ce Chapitre furent le Petit

Élu, l'Élu des neuf, l'Élu des quinze, le Chevalier

de l'Aurore, le Grand Inquisiteur et le Grand Elu ;

tous ces grades furent établis sur le système de

Ramsay. -

Trois ans plus tard, il se fonda à Paris un autre

Chap.., dont les membres s'intitulèrent souverains

princes Maçons, substituts généraux de l'art royal,

grands surveillants et officiers de la grande et sou

veraine L.°. Saint-Jean de Jérusalem: c'était le Cha

pitre des Empereurs d'Orient et d'Occident.

Page 32: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 34 --

XVIII.

Introduction en France des 25 hau1s grades

apportés de IBerlin.

En 1758, le marquis de Bernis apporta de Berlin,

lesvingt-cinqgrades dans lesquels étaient compris ceux

dont nous venons de parler; cette nouveauté fut fort

bien accueillie, et elle se propagea en Allemagne, en

Pologne, dans la Suisse et dans la Hollande.

C'està cette même époque de 1758, que fut fondéà

Bordeauxpar le mêmeConseil des Empereurs d'Orient

et d'Occident, le Conseil des Princes du Royal Secret.

Trois ans après, les commissaires de ces deux

grandsConseils élevèrent leurs grades au nombre de

vingt-cinq, et donnèrent au F. .. Stephin Morin une

patente de député grand inspecteur, avec pouvoir de

propager le rite deperfection au-delà des mers.

XIX .

Pouvoirs donnés au F.·. de Grasse de Tilly.

Le suprême Conseil que ce député trouva fondé à

Charleston (États-Unis), donna au F. .. de Grasse

de Tilly, le pouvoir d'aller propager ses doctrines à

Saint-Domingue; mais comme c'était l'époque où cette

île se mit en insurrection contre sa métropole, de

Page 33: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

-- 35 -

Grasse de Tilly ne s'y rendit point, ct se dirigea

vers la France, où il crut pouvoir exercer des pouvoirs

qu'il n'avait reçus que pour la partie de l'Amérique,

indiquée dans ses instructions.

XX.

d'réation du Suprême Conseil et ses débats

avec le G.·. «D.•. de France.

Nous n'entrerons ici dans aucun détail relativement

au rôle que de Grasse de Tillyjoua en France ; nous

renverrons les FF... qui voudraient s'en instruire,à

nos Études historiques et maconniques, tant sur la

création du Suprême Conseil, que sur les débats de ce

Conseil avec le G. ..O.·. de France, sur sa fusion, la

rupture du concordat, la concurrence qu'il 'ui fit, de

puis l'époque de cette rupture, le procès qui fut intenté

à de Grasse de Tilly, par son propre conseil, et enfin

sa condamnation et son exclusion de l'Ordre ; nous re

prendrons notre récit, en ce qui concerne le G. .. O. .

de France.

Nous avons laissé la G.-. L. .. à l'année 1745; cette

annéefut la dernière oùune persécution ouverte frappa

la Maçonnerie; mais de grands désordres qui s'élevè

rent dansson sein,vinrent compromettre son existence

de la manière la plus grave.

Le comte de Clermont,Grand Maître de l'Ordre,

pour ne pas déplaire à Louis XV, ne voulut pas diri

ger la Maçonnerie par lui-même, et nomma, pour le

représenter, un maître à danser nommé Lacorne.

Page 34: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 36 -

XXI.

La faction Lacorne nomme le duc de Chartres

à la dignité de G.·. M.·. -

La Grande L. .. ne voulut pas reconnaître ce repré

sentant, pour ne pas s'assembler sous sa présidence ;

ayant égard aux représentations qui lui furent adres

sées, le comte de Clermont remplaça Lacorne, par

Chaillou de Joinville. Lacorne devint furieux; il réunit

. chez lui tous les maçons d'un rang inférieur, et forma

une seconde grande L. ., qui se mit en rivalié avec

la première.

Cependant une réconciliation s'opéra au bout de

quelque temps; et les deux corps se réunirent le 24

juin 1762,pour célébrer en commun la fête de l'Ordre ;

mais les membres de l'ancienne grande L. .. se trou

vant humiliés de voir siéger à leur côté des hommes

fort honorables sans doute, mais qui leur étaient in

férieurs sous le rapport de l'état et de la fortune,

prirent la résolution de ne leur conférer aucune di

gnité; et en effet, l'élection étant venue, aucun membre

de la dissidence ne futpromuà aucun office.

Outrés d'un tel procédé, les dissidents n'assitèrent

point au banquet qui suivit l'élection; mais ils firent

imprimer et distribuer une notê dans laquelle ils

protestent contre l'élection; ils font plus, pendant

que la G. .. L. .. est assemblée pour célébrer la fête de

Page 35: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

l'Ordre, ils s'y présentent en foule, et ils expriment .

leur mécontentement; du mécontentement ilspassent

auxinjures, des injures auxvoies de fait, et ilsexcitent

un tel désordre, que le lendemain le gouvernement

donne l'ordre à la Grande L. .. de cesser ses réunions.

Cette suspension dura quelque temps; les frères

bannis n'encontinuèrent pas moins de s'assembler dans

un local isolé du faubourgSaint-Antoine, où ils consti

tuèrent des LL.. tant à Paris que dans la province,

et ils envoyèrent partoutdes circulaires pour annoncer

que la G.". L.·. avait cessé ses travauxpar ordre du

gouvernement, et quelle ne les reprendrait plus.

XXII.

Nomination du due de Chartres à la dignité

de G.°., M.•.

Le comte de Clermont meurt dans ces circonstances,

et les dissidents nommentà sa place le duc de Char

lres, qui fut depuis le duc d'Orléans : ils obtien

nent son acceptation écrite par l'intermédiaire de son

oncle, le duc de Luxembourg.

Forts de cette pièce, ils se présentent devant la

G.. L'. qui avait obtenu l'autorisation de reprendre

ses travaux, ils offrent de remettre l'acceptation du

duc de Chartres, si l'on révoque le décret de leur ban

nissement, et si l'on consent à réviser les opérations

qui ont eu lieu en leur absence.

Page 36: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 3s-

XXIII.

La G.°. L. .. remplacée par le G. .. O... de France.

Cette offre est acceptée;une commissiondehuitmem

bres est formée,etpar des intrigues adroitement mena

gées, cette commission, après s'être assuré de l'assen

timent de plusieurs chefs de LL.., tant de Paris que

de la province,finit par déclarer que laGrande L. .. de

France a cessé d'exister, et qu'elle est remplacée par

une nouvelle G. .. L... qui prendra le titre de Grand

Orient de France.

La Grande L.°.s'assemble envertude cette décision ;

la nomination du duc de Chartres est reconnue et

confirmée, le F. .. Chaillou de Joinville se réunit au

G.-. O. ., et le duc de Luxembourg célèbre dans le

Wauxhal de la rue de Bondyune fête brillante,à raison

de cette métamorphose maçonnique.

Le G.-. O.°. poursuit sa carrière avec une ardeur

remarquable, « on remédie aux abus, dit Lalande,

« en rendant surtout les Maîtres de LL.., ou vénéra

« bles, amovibles etéligibles,à la pluralitédesvoix.»

C'était en effet un bien immense; la maîtrise inamo

vible étaitun danger incessant, et produisait une foule

d'abus.

XXIV.

Création de trois chambres pour administrer

l'CDrdre.

On confia l'administration de l'Ordre à trois cham

Page 37: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 39 -

bres qui furent installées par le duc du Luxembourg,

nommé administrateur général.

De son côté, l'ancienne Grande L. .. de France, se

réunit, et déclare le nouveau corps qui s'est créé lui

même, et a pris le titre de Grand Orient de France

subreptice, c'est-à-dire crééparsuprise,schismatique

et illégalement forméparune poignée defactieux;l'an

cienne Grande L. ..prend elle-même le titre de sa rivale,

en s'intitulant : Grand Orient de France, sous la

direction et la protection spéciale du duc de Chartres.

Le duc de Luxembourg fait imprimer et adresse à

toutes les LL..une lettre qui représente, commeillé

gale et contraire au bon ordre età l'esprit maçonnique,

la réunion des Maçons de l'ancienne L.°. de France.

Cette déplorable division eut lieu en 1774.

XXV.

Le G... O.°. prend les LL.°. d'adoption sous sa

protection.

Ce fut dans cette année que pour se donner plus de

force, le G.-. O. .. prit sous sa protection les LL.·.

d'adoption, sous la condition expressequ'aucun Maçon

ne pourrait se trouver dans ces sortes d'assemblées,

qu'avec des Maçons réguliers, et quelles seraient

présidées par le Vén. .. d'une L. .. régulière ou par

les officiers qui président à sa place.

L'année suivante, la duchesse de Bourbon fut nom

mée Grande Maitresse, de toutes les LL. .. d'adoption

Page 38: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 40 -

de France, et le 5 mai 1775, elle fut installée avec la

plusgrande solennité.

En 1777, La Mère L.-. du Rite écossais philantro

pique, donna une fête brillante auWauxhal,pour célé

brer la convalescence du duc de Chartres; cette fête

fut présidéepar laprincesse de Lamballe.

La L.°. de la Candeur célébra une fête semblable,à

laquelle assistèrent le duc et la duchesse de Chartres,

la duchesse de Bourbon et la princesse de Lamballe.

Cesfêtes se renouvelaient tous les ans; dans celle de

1779, une quête fut faite auprofit d'une famille indi

gente de province, qui ne connaissant la Maçonnerie

que par le bien qu'elle faisait, avait imaginé de mettre

pour unique souscription sur une lettre par laquelle elle

demandait des secours : A Messieurs les Francs

Maçons de Paris.

En 1780, une autre fête d'adoption présidée par

l'abbé Bertholio, fut célébrée dans le même local.

Les approches de la Révolution de89firent cesser

ces fêtes, et le règne de la Terreurforça les Francs

Maçons eux-mêmesà suspendre leurstravaux.

Page 39: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

TROISIÈME PARTIE.

XXVI.

L'auteur se fait recevoir Franc-Maçon en 1795,

Le9 thermidor avait fait justice de la faction des

terroristes; Paris commençait à respirer des coups

terribles que cette faction lui avaitportés; mais la pro

vince subissait encore lejoug despartisans de la Ter

reur ; c'est pour me soustraireà ce joug queje crus

devoir me réfugierà Paris, sous l'égide de cet hono

rable membre de la Convention qui le premier, vota

contre la mort de Louis XVI, ainsi que le constate le

scrutin : c'était mon compatriote et ami, M. Pérès,

députéde la Haute-Garonne. .

Par son intermédiaire, j'entraidans l'administration

des transports et convois militaires, oùje parvins de

grade en gradeà celui de chef du bureau dupersonnel.

C'était en 1795; ayant quelques affaires à régler à

Toulouse, j'obtins la commission d'inspecteur princi

pal, pour aller vérifier et liquider les comptes des deux

directeurs de cette ville.

L'un d'eux, le F. .. Verdier, se trouvait alorsVén. ..

Page 40: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 42 -

de la R. .. L. .. de la Sagesse, dans cet O.'- ; il me

parla de l'institution de la Franc-Maçonnerie, et m'en

gagea à m'y faire recevoir.

J'acceptai la proposition avec empressement.

La plus grande partie des LL.. en France était

alors en sommeil. Il n'y en avait que dix-huit qui

fussent en activité, savoir : Trois à Paris, sept à

Rouen, deux à Perpignan, quatre au Havre , une à

La Rochelle et une à Melun.

Il y en avait quelques autres qui se réunissaient de

temps en temps, mais celles queje viens de désigner

avaient seules continué leur correspondance avec le

G.°. O. .

Apeine initié, je m'épris d'un saint amour pour

l'institution, et aupremier banquet qui fut célébré, je

composai et je chantai le cantique suivant :

RoNDE MAG. .

Sur l'air de celle du Calife de Bagdad.

Des mortels qui peuplent la terre ,

Lesgoûts ne s'accordent jamais;

Les uns ne voudraient que la guerre ,

D'autres ne cherchent que la paix.

Mes chers amis, dans cette vie

Chacun a sa philosophie ;

La mienne est d'aimer le canon,

Mais c'est celui du Franc-Maçon. (Bis.)

Chantons!

IIonneur et gloire aux Francs-Maçons. (Bis.)"

* Quand on chante cctte Ronde dans un banquet,tous les FF.'. répètent le

refrain en chœur.

Page 41: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 43 -

L'un place le bonheur suprême

Dans les grandeurs, l'autre dans l'or ;

S'il se croit aimé pour lui-même,

Un autre est plus heureux encor.

C'est ainsi que dans cette vie,

Chacun asa philosophie ;

Pourmoije le dis sans façon,

Je suis heureux d'être Maçon. (Bis)

Chantons!

Honneur et gloire aux Francs-Maçons! (Bis.)

Pour élever un édifice,

Nous travaillons avec plaisir ;

Mais quelle ardeur dans l'exercice,

Quand il s'agit de démolir !

Vraiment notre Maçonnerie

Sent un peu la sorcellerie,

Puisque nous autres Francs-Maçons,

En détruisant nous bâtissons. (Bis.)

Chantons!

Ilonneur et gloire aux Francs-Maçons. (Bis.)

Oui, confondre, par nos exemples,

Les hypocrites et les sots,

Et dans l'enceinte de nos temples,

Aux vices creuser des cachots,

Telle est notre philosophie,

Voilà notre sorcellerie;

A l'œuvre donc, gais compagnons!

Démolissons et bâtissons. (Bis.)

Chantons !

Honneur et gloire aux Francs-Maçons ! (Ilis.)

Que le profane à notre porte

Critique ce que nous faisons,

S'il est jaloux, peu nous importe ;

S'il est méchant, nous le plaindrons...

Page 42: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 4 4 -

p .

Et puisque la Maçonnerie

Est la bonne philosophie,

Quoi qu'on en dise, remplissons

Notre devoir de Francs-Maçons. (Bis.)

Chargeons !

Et faisons feu de nos canons -

A la santé des Francs-Maçons ! (Bis.)

La place que j'avais occupée dans l'administration

des transports militaires m'avait mis en rapport avec

un Maçon distingué, chef de correspondance au mi

nistère du Trésor public, le F.°. Lasserez, que je sa

vais êlre officier du G.°. O.°. de France.

Je lui écrivis pour lui faire part de la situation où

se trouvait la Maçonnerie en province, et pour le prier

de me dire ce que nous avionsà faire pour rendre à

la Maçonnerie de Toulouse tout l'éclat dont elle était

privée, depuis qu'en s'isolant du G. .. O.*., les LL. .

avaient formé de GG.*. LL.°. provinciales, et avaient

décidé qu'à l'avenir elles ne reconnaîtraient plus le

G.°. O.°..

J'ajoutais qu'elles avaient été fidèles à cette résolu

tion, et quelles avaientmêmebrûlé leursconstitutions ;

mais qu'au surplus, il était vrai de dire que ces LL..

n'étaient plusfréquentées par les membres de la for

mation primitive, quelles étaient généralement com

posées d'hommes reçus pendant le règne de la Terreur,

et que dans le temple de la Lumière, elles travaillaient

dans une profonde obscurité.

Je disais encore que de telles réunions ne conve

naient point à des Maçons pénétrés de la dignité de

Page 43: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 45 -

l'institution; que quelques-uns même s'étaient réunis

pour me prier de solliciter les constitutions d'une nou

velle L. ., qu'ils désiraient appeler L. .. de la Sincère

Amitié, que je le priais en conséquence de vouloir

bien nous seconder, et de m'indiquer la marche à

suivre pour obtenir le résultat désiré.

La réponse du F.°. Lasserez ne se fit pas attendre ;

il me donna tous les renseignements que je lui avais

demandés, et il termina sa lettre en me disant que

notre démarche auprès du G.°. O.°. pour nous réunir

à lui, aurait pour résultat inévitable de ramener toutes

les LL..à reprendre leurs relations avec le G.°. O. .

de France, parce qu'elles sentiraient enfin l'avantage

qti'il yaurait pour elles à devenir partie intégrante de

la grande famille des Maçonsfrançais.

XXVII.

Création par l'auteur de la R.°. L. .. la Sincère

Amitié, à l'O.°. de Toulouse.

Je me conformai aux instructions du F.°. Lasserez,

notre demande fut envoyée et répondue avec empres

sement, et la L.°. de la Sincère-Amitié, régulière

ment constituée, s'installa elle-même, avec la plus

grande solennité.

Ainsi que l'avait prévu le F.°. Lasserez, toutes les

LL.°. dissidentes de Toulouse ne tardèrent pas à se

rallier au G.°. O.°.; ce fut le premier service que je

rendis à la Franc-Maçonnerie.

Page 44: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

Rentré à Paris, la L... que j'avais fondée voulut me

nommerson député auprès du G. .. O. .; maisje refusai

cette faveur, pour ne pas en priver le T... C... F. .

lLasserez; et alors on me fit nommer député de la

R.-. L. .. la Parfaite-Fraternité,à l'O... d'Agen.

Mon entrée auG. .. O. .. date donc de l'année 1796.

Quelque temps après, les affaires profanes du F.-.

Lasserez ne lui ayant pas permis de représenter la

L. .. de la Sincère-Amitié, je fus nomméà sa place.

L'administration des transports militaires, satisfaite

de la manière dont j'avais rempli à Toulouse la mis

sion qu'elle m'avait confiée, me chargea d'aller en

remplir une semblable dans la Belgique; cette nouvelle

mission me fut d'autant plus agréable, qu'elle me

fournit l'occasion d'aller faire une visite àmonprotec

teur, M. Pérès, qui était alors préfet du département

de Sambre-et-Meuse, à Namur.

J'arrivai dans cette ville au moment où l'on célé

brait,dans toute la France, la fête de la Paixd'Amiens.

A la sollicitation de mon ami,je composaià la hâte

un vaudeville de circonstance, intitulé la Fête villa

geoise, que le préfet fit jouer sur le théâtre de Namur.

Je rentraià Paris, au moment où le G.°.O... célé

brait la mêmefête parun banquet.

Je m'inscrivis au nombre des convives, et je me

trouvai placéà côté du F. .. Dérivis, artiste de l'Opéra,

et membre, ainsi que moi, de la R. .. L. de l'Age

d'or. -

Lorsque l'heure de la récréation fut arrivée, et que

Page 45: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 47 -

les chants furent permis, je communiquai au F. .. Dé

rivis les deux couplets suivants, extraits du vaudeville

que j'avais fait représenter à Namur, avec prière de

les chanter.

AIR : Femme, voulez-vous éprouver.

La France était comme une fleur,

Perdue au milieu des épines,

Quis'élevant à sa hauteur,

Cachaient ses couleurs purpurines :

Des boutons à peine naissants

Entouraient la fleur demi-close,

Et des insectes dévorants

Mangeaient les boutons et la rose. (Bis.)

Mais par bonheur un jardinier,

Lui prodiguant des soins utiles,

Prit pitié du pauvre rosier,

Et chassa d'abord les reptiles;

Puis des épines, de sa main ,

Otant chaque jour quelque chose,

Il a si bien fait qu'à la fin,

Il n'est plus resté que la rose. (Bis.)

Le F. .. Dérivis chanta ces couplets d'une voix si

expressive, qu'il obtint les applaudissements les plus

chaleureux. Les couplets furent inscrits , avec le plus

grand éloge, dans le premier numéro de l'almanach

des Muses de l'année.

La L. .. de l'Age d'or avait alors pour Vén... le

F.'. De Joli, ancien ministre de Louis XVI, qui avait

un frère faisant partie de la R.°. L... Saint-Louis des

Amis réunis, à l'O.°. de Calais.

Page 46: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 48 -

Ce F.'. envoya auVén. .. de la R. .. L. .. de l'Age

d'or le programme d'un concours ouvert dans sa L.-.,

sur l'origine et l'établissement de la Maçonnerie en

France, ainsi que d'un cantique maç.°., dont le motif

était laissé au choix des auteurs.

Comme j'attachais une grande importance à me

bien pénétrer de tout ce qui touchait à la Franc-Ma

çonnerie, et que je m'étais procuré tous les ouvrages

quitraitaient de cette matière,je travaillai avec soin

le programme de la R.°. L.°. de Calais, et je me mis

au nombre des concurrents.

XXVIII.

L'auteur obtient le prix du concours ouvert par

la .°. L.°. Saint-Louis des Amis réunis, à l'O.•.

de Calais, sur I'origine et l'établissement de la

Maçonnerie en Franee.

Maplanche fut couronnée, et l'avis de montriomphe

me fut donnépar le président dujury, le F.·. Pigault

de Maubaillard.

« Votre charmant cantique, le Portrait du Franc

« Maçon, me disait le F. .. Pigault, avait obtenu l'ac

« cessit; mais il a dû êlre écarté du concours, en

« vertu du programme qui dit qu'on ne pourra con

« courirpour plusieurs prix,àpeine d'être déchu du

«C COICOUlIS. )

Je produis (sous le n° 1) des pièces justificatives,

la pièce couronnée, qui certes ne nous fait pas des

Page 47: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 49 -

cendre des Maçons constructeurs ; car j'y prouve

que l'ordre maç.. ne doit pas plus sa naissance à

des manouvriers que l'ordre de la Jarretière ne

doit la sienne à des tisserands.

Quant au cantique, ilfutgravépar le F.-. Paccini,

souv.°. P.°. R.*. 3é, qui était membre du souv..

Chap... de l'Age d'or. Voici ce cantique :

De Titon a-t-on vu l'amante,

Aux bords de l'Orient vermeil,

Semer sur les pas du soleil,

Et le jasmin et l'amaranthe;

Sous d'aussi brillantes couleurs,

Telle on voit la Maçonnerie

Répandre les plus belles fleurs

Sur la carrière de la vie,

Frères ! pour la chanter, secondez mes accents.

UNE VOIX,

NOS travaux Sont Secrets, comme ils sont innocents,

CHOEUR.

N0S travaux SOnt Secrets, comme ils sont innocentS.

L'ami de Mécène et d'Auguste,

Dictant aux Romains ses leçons,

Fit le portrait des Francs-Maçons

En peignant le sage et le juste.

A l'abri d'un monde agité,

Au sein d'une aimable innocence,

Son code est la fraternité,

Sa devise la bienfaisance,

Frères ! pour la chanter, secondez mes accents.

UNE voix.

Nos travaux sont secrets, comme ils sont innocents.

CHIOEUR.

Nos travaux sont secrets, comme ils sont innocents.

/

Page 48: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 50 -

Dans le silence et le mystère,

Goûtant le bonheur le plus doux,

Et ne craignant point lesjaloux,

Ils saventjouir et se taire.

Ovous ! qui connaissant le prix

Et du mystère et du silence,

Exigez de vos favoris

Une indiscrète confidence,

CesSez, jeunes beautés, des efforts impuissants.

UNE VOIX.

Nos travaux sont secrets, comme ils sont innocents,

CIHOEUR.

Nos travaux sont secrets, comme ils sont innocents.

XXIX

L.°. d'adoption dans la R.·. L. .. de l'Age d'or, pour

célébrer le succès de son premier surveillant.

Ainsi que l'avait décidé la R.°. L.'. Saint-Louis

des Amis réunis, celle de l'Age d'or voulut célébrer

le triomphe de son premier surveillant avec solennité.

Elle décida que le prix qui m'était décerné me serait

remis dans une L. .. d'adoption,à laquelle le G. .. O. .

serait priéd'assister,en se faisant représenter par une

commission prise dans son sein.

Les LL.·. de Paris furent aussi invitées à s'y faire

représenter.

La tenue fut des plus brillantes.

On lut d'abord le discours couronné; puis le canti

que du Portrait du Franc-Macon fut chanté par le

Page 49: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 54 -

F. Nourrit, artiste du grand Opéra, dont la voix fut

couverte d'un tonnerre d'applaudissements.

Le même artiste chanta ensuite les couplets suivants

que j'avais composés à l'honneur des SS.-., qui

avaient bien voulu embellir cette fête, et dont il avait

lui-même composé la musique :

Frères et sœurs,vous saveztous comment

Eve enivra,jadis le premier homme;

Onvous l'a dit : dans unjardin charmant

Au Père Adam elle offrit une pomme.

Cette pomme se trouve encor

Dans les jardins de l'âge d'or.

Au mont Ida, quand le berger Paris

lEut décerné le prixà la plus belle,

Pour le payer, la reine de Cypris

Lui fit goûter de la pommeimmortellé .

Cette pommesetrouve encor

Dans lesjardinsde l'âge d'or.

Eden, Ida, n'ont changéque de nom,

Dansces bosquets lapomme nous rassemble.

Mais et Vénus et Minerve etJunon

Sans se bouder s'y rencontrent ensemble.

Plaisir des dieux segoûte encor

Dans les jardins de l'âge d'or.

A peine ce chant fut-il terminé, que le tronc de

bienfaisance circula sur les deux climats. Personne ne

se priva du plaisir de faire une bonne action, et la re

cette fut abondante.

Sensibleauxmarquesde bonté quem'avaient données

Page 50: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- – 52 -

les TT... CC. .. SS... de la R. .. L. .. de l'Age d'or,

je voulus leur en témoigner toute ma reconnaissance.

Jefis une étude sur cette question :

« Quelle influence la Maçonnerie doit-elle exercer

sur l'état social de la femme?»

(Pièces justificatives, n°2)

J'ose dire à peine avec quelle joie, avec quel bon

: heur cette pièce fut accueillie. Dans la première L. .

d'adoption quifut donnée par la R. .. L.°. de l'Age

d'or, toutes les SS...me tendirent la main pour me re

mercier, et les batteries les plus chaleureuses m'expri

mèrent la satisfaction de la L. .

Cependant mes cccupations profanes ne me permi

rent pas de cultiver la Maçonnerie comme je l'aurais

désiré. Chargé, comme entrepreneur général, du ser

vice destransports militaires et obligé de m'absenter

souvent, je ne pouvais fréquenter ni ma L. ., ni le

G. ..O. ., ou, d'ailleurs, il ne se passe rien de remar

quable, si ce n'est la suppression des LL.. Provin

ciales, qui fut prononcée en 1810

L'année suivante, le G. .. O. .. décida que le refus

d'admettreles Israélitesdans lesAtel...Maç... étaitcon

traire à l'esprit et aux Statutsgénéraux de la Maçon

nerie.

En 1814, le G.*. O. .. vit tarir les sources de sa

prospérité, à raison des événements politiques, et la

L-*. de l'Age d'or se mit en sommeil, ainsi que beau

coup d'autres Atel.'.

Page 51: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 53 -

XXN

Nomination en 181-1 de trois grandls Conservateurs

pour remplacer le roi Joseph, Grand Maître de

l'Ordre maçonnique.

Le roi Joseph, Grand-Maître de la Maçonnerie fran

çaise, ayant été obligé de quitter la France, ainsi que

sa famille, on convoqua une assemblée extraordinaire

du G.°. O.°., dans laquelle on nomma grandsConser

vateurs de l'Ordre les FF...Magdonald,ducdeTarente,

le comte de Beurnonville, ministre d'État et pair de

France, et le comte de Valence, lieutenant général et

pair de France.

XXXI

Introduetion en France du rite de Misraïm par les

Frères Bedlarride.

C'est dans ces circonstances qu'un officier d'état

major, qui, pendant les campagnes d'Italie, s'était

procuré une collection de grades égyptiens, voulut

en doter son pays, ainsi que nous l'avons dit dans

nos études historiques; c'était le F... Bedarride.

Ilconvoquaà ceteffet quelquesMaçons desplusdistin

gués: c'étaient les FF... Muraire, président de la Cour

decassation et G.-.Off. du Gr.*.O.*.; le F*.· Larrey,

médecin de l'Empereur, mon compatriote et mon ami;

le F. .. Thory, auteur de l'IIistoire du G. .. O. .. de

Page 52: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 54 --

France. Je me joignis à ces honorables FF.,pour

prendre connaissance desdocuments précieux qui nous

étaient annoncés, comme devant dissiper les pro

fondes ténébres qui couvraient la véritable Mac. .;

et nous faire connaitre les véritables principes maç..,

dont nous ne nous doutions pas, principes que les

hommes les plus honorables de l'antiquité avaient,

nous disait-on, pratiqués.

Le rite qu'on nous annonçait était le rite de Mis

rain.

Atravers les mystèresdont s'enveloppaient lesimpor

tateurs de ce rite, nousfinîmes par reconnaître que les

frères Bedarride (c'était le nom des importateurs)

avaient fort adroitement copié les cahiers de laMaçon

nerie égyptienne, qui avaient étéimportés en Grèce et

de là en Italie.

Toutefois, nous nousy ralliâmes, et je commençais

à y attacher une certaine importance, lorsqu'un évé

nement funeste me força de m'éloigner de la Franc

Maçonnerie pourplusieurs années (1).

(1)J'avais eu le malheur de me charger de la fourniture des four

rages aux troupes d'occupation,aucommencement de 18t6. C'était une

nourriture de cinquante mille chevaux. L'année se présentait sous les

meilleurs auspices; le temps fut superbe pendant les quatre premiers

mois; mais au mois de mai, le ciel s'obscurcit, les nuages s'amonce

lèrent, et despluies torrentielles qui durèrent toute l'année firent périr

toutes les récoltes : le prix du blé monta jusqu'à 70 fr. l'hectolitre.

En vertu du traité, j'avais le droit de quitter le service si les paye

ments stipulés n'étaient pas faits exactement; le cas étant arrivé, jc

voulus user de mon droit : le ministre de la guerre m'en dissuada, en

me promettant dessecours et des indemnités, Des secours furent fournis .

Page 53: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 55 -

XXXII

Motifs pour lesquels l'auteur entra dans ce rite

avec les FF.°. Muraire, Larrey, ete.

D'autres événements encore plus funestes, tels que

la perte de mafemme et de mes enfants, m'engagèrent

à rentrer dans le sein de la Franc-Maç... J'allai trou

ver les frères Bedarride, qui me reçurent à bras ou

verts, etme conférèrent le89° degré avecpromesse de

me conférer plustard le90° derniergrade du rite.

XXXIII

Motifs qui le lui feront abandonner.

Cette époque arriva vers l'année 1848; on voulut,

avant de me communiquer le 90° degré, me faire si

gner un acte, signé déjà par plusieurs membres, et

mais ils furent directement remis aux sous-traitants, et ils s'élevèrent

à près de six millions.

Il fallut régulariser cette dépense, et le ministre, qui me devait

deux millions,pour solde de mes fournitures, au prix du traité, se

trouva fort embarrassé. '

«Un moyen m'a paru très-simple, dit-il dans son rapport au Conseil

d'État : c'est de porter cette somme au débit de la Compagnie, et de

lui abandonner la somme dont elle se trouvera débitrice, par suite de

cette imputation,à titre d'indemnité. »

Nous réclamâmes contre une telle injustice, qui nous faisait perdre

deux millions. Mais vainement M. Dupin, qui depuis fut sénateur et

qui était notre avocat, répliqua-t-il qu'il ne suffisait pas que le mode

employé par le ministre fût le plus simple; qu'il fallait encore qu'il

fût le plus juste; la décision ministérielle fut maintenue,

- -------- ------------------ --

Page 54: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 56-

dans lequel on reconnaissait à MM. Bedarride une

créance sur l'ordre d'une somme de 80,000 fr. qu'ils

auraient avancée, pour se procurer les cahiers et orga

niser le rite.

A la même époque, un de nos F. ., ex-officier re

traité, mourut, ne laissant pas à sa veuve de quoi

pourvoiraux frais de ses funérailles.

Ayantvainement demandéà M. Bedarride, qui en

caissait toutes les recettes, devenir au secours de cette

veuve, nous nous séparâmes, au nombre de quarante,

deM. Bedarride, et nous voulûmes fonderunegrande

L. .. nouvelle, sous le titre de G. .. O. .. des Vallées

égyptiennes.

Nous demandâmesà M. le Préfet de police l'autori

sation de nous réunir sous ce titre.

M. le Préfet accueillit notre demande avec une ex

trême bienveillance; mais ses bureaux nous firent ob

server qu'une concurrence est toujours dangereuse, et

l'un des membresdu bureau nous rappela ce qui s'était

passé en 1774, entre la Grande L. .. de France et le

G. ..O. ., et il nous donna le conseil de nous rallier au

G..O. .. de France,plutôt que de nous exposer à de

pareilles tribulations.

XXXIV

Création de la It.... L. .. Jérusalem desVallées

Egyptiennes, par l'auteur.

Nous suivîmes ce conseil, et nous oblînmes sans

Page 55: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 57 -

difficulté des constitutions sous le titre de L. .. Chapi

trale Jérusalem des Vallées égyptiennes, en nous

greffant sur la Loge Jérusalem de la Constance, qui

était en sommeil depuis quelques années.

Je fus nomméVén. .. de cette R. .. L. ·., commeje

l'avais été de celle qui faisait partie du rite de Mis

raïm; j'exerçai ces fonctions pendant douze années

consécutives, et je ne les quittai que pour remplir,

dans le sein du G. .. O. ., des fonctions plus impor

tanteS. -

Mais avant d'arriverà cette époque, qui fut celle de

l'avénement du prince Murat, rappelons les tentatives

qui furent faites pour renverser le G. .. O. .. et le rem

placer par cc qu'on appela la Grande L. .. nationale.

XXXV

La Grande L. .. Nationale.

Cette L. ., à qui onvoulait aussi donner le titre de

Loge unitaire, ne devait laisser subsister que les trois

premiers grades symboliques, tout en admettant les

batteries ct les signes écossais, concurremment avec

ceux du rite français, et c'estaumoyen de cette fusion

que les innovateursvoulurent supprimer les hauts gra

des; mais la mort de cette prétendue Loge nationale

suivit de près sa naissance. -

Voici en peu de mots les diverses phases de ce

grand événement : -

Le G. .. O. .. de France, voulant que la représenta

Page 56: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 58 -

tion maçonnique fût unevérité, avait décidé, le 27 dé

cembre 1847,que les présidentsd'Atel. .. cesseraient de

faire partie de ses assemblées, et que les officiers di

gnitaires n'y auraientplusvoixdélibérative, laissantaux

députés seuls le droit de voter et d'administrer.

La révolution politique de 1848 éclata deux mois

après cette délibération ; alors le G. .. O. ., croyant

que le moment était favorable pour opérer la réunion

et la fusion de tous les rites, convoqua à Paris,parses

circulaires des 12, 17 et 25mars, et 7 avril 1848,

pour le 9juin suivant, les députés de toutes les LL. .

de France, sans distinction de rite ni d'obédience,

avec mission spéciale de faire une constitution basée

sur l'unité et la fraternité maç. .

A cet effet, et pour laisser à chacun son indépen

dance de rite, les pouvoirs donnés étant reconnus ré

guliers, de quelque part qu'ils vinssent, le député élu

devait être admis immédiatement, sans avoir niser

ment ni obligation à prêter.

Ainsi, le G. .. O. ., dans le but louable d'opérer la

fusion et l'unité généralement désirées, ne voulait pas

être lui-mêmeun obstacle à cegrand acte de réforma

tion, et il n'hésitait pasà se mettre à l'écart, pour cé

der sa place auxdéputés constituants. -

Mais voilà que, dusein d'une L. .. de Paris,del'O

bédience du suprême Conseil, part le même cri de ré

forme et d'unité; cette L. .. avait pour titre : Patro

nage des orphelins.

Au lieu de se joindre au G. .. O. ., qui avait pro

Page 57: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

clamé les mêmes inlentions et pris l'initiative, cette

L. ., de son autorité privée, invite toutes les LL. .. de

Franceà nommer des députés,pour venir former une

grande Loge nationale, et avançant le travail de cette

grande L. .. nationale, elle pose d'avance les bases de

la constitution à venir.

Ainsi, ce fut une espèce de pouvoir révolutionnaire,

qui se dressa et quis'interposa entre les deuxpouvoirs

existants.

A la L. .. le Patronage des orphelins se réunirent

quatre LL. .. seulement, savoir celle des Trinitaires,

celle des Commandeurs du mont Liban, celle de

l'Étoile de Bethléem et celle de Jeanne d'Arc, de

l'O. ". d'Orléans. Nous devons faire remarquer que ces

quatre LL. .. seules, qui concoururent aux travaux de

la grande L. .. nationale, appartenaient toutes au su

prême Conseil de l'Ecossisme, et que pas une L. .,

pas mêmeun membre duG. ·.O. .. ou de Misraïm, ne

s'y présenta.

Ajoutons, dans l'intérêt de la justice et de la vérité,

que le suprêmeConseil a,par diverses décisions, rayé

du tableau de la grande L... centrale et des contrôles

de l'Ordre, non-seulement les LL.·. qui étaient en

trées en tout ou en partie dans la prétendue grande

Loge nationale, mais encore et nominativement les

FF. .. qui avaient été les instigateurs, et ceux qui

avaientfait partie de cette L. · .

Page 58: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 60 -

XXXVI --

Belle conduite du G... C. .. et de ses GG.. MIM..,

les FF.*. Bertrand et lDesanlis.

Au milieu de ce débordement de passions extra

maçonniques, que fait le G. .. O. .. de France? Ilpour

suit le projet qu'il avait conçu dans sa sagesse; il ar

rête que tous les rites, toutes les obédiences seront de

nouveau invités, par une nouvelle circulaire, à en

voyer leurs députésà la grande assemblée du 9 juin

1848, déclarant qu'à cette époque il remettra tous ses

pouvoirs à l'assemblée.

Par cet acte, le G. .. O. .,présidé par le F. .. Ber

trand, ancien président du Tribunal de commerce,

l'âme énergique de ce grand acte d'émancipation, en

trafranchement dans la voie de la réforme, et réalisa

lesvœuxforméspar les Maçonsfidèles et consciencieux.

Cette belle conduite arrêta tout progrès de la partde

la prétenduegrande L. .. nationale, qui n'avait d'ail

leurs obtenu que très-peu d'adhérents, dont la curio

sité seule avait été excitée par la nouveauté.

Cette rivalité insignifiantefut écrasée solennellement

dans cette séance du9juin, et dans celle du 15 du

même mois, où le G. .. O. .. résilia ses pouvoirs, en

présence des délégués de plus de deux cents Atel. .

Cette assemblée déclaraprendre la direction de l'ad

ministration maç. ., et elle ajourna à une prochaine

Page 59: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 6l -

tenue la nomination de lacommission qui serait chargée

de rédiger le projet à discuter de la nouvelle Constitu

tion.

XXXVII

LIDissolution de la prétendue L.°. Nationale.

Quant à la grande L. .. nationale, elle se traîna pé

niblement,de projets enprojets, jusqu'au 15janvier de

l'an 1850, où elle fut dissoute par l'autorité.

Le G. .. O.'., au contraire, continua de remplir sa

belle mission, et non-seulement il oublia les manœuvres

qui avaientété pratiquées dans le but de le détruire,

mais encore il tendit une main secourable à ceux qui

avaientvoulu faire tache à la fraternité.

Je pourrais citer plusieurs faits consignés dans ses

archives; je me bornerai à rapporter le trait suivant.

XXXVIII

Belle conduite du G.°. O.°., qui vient au secours

dl'un des anciens membres de l'Assemblée na

1ionale.

Le 18 mars 1852, un membre de la prétendue

grande Loge nationale,un de ses fondateurs, rédacteur

d'unjournalintitulé : l'Ouvrier Franc-Maçon, adresse

à la maison de secoursune planche ainsi conçue :

Page 60: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 62 -

« TT. .. CC. .. F. .,

«Toujours donner et ne jamais recevoir, telle a été

«jusqu'à présent ma manière d'agir; malgré la gêne

« oùje me suis trouvédepuis 1848,jamais je n'ai sol

« licité de secours de qui que ce soit. A défaut de tra

« vail suffisant, j'ai cherché et je cherche encore un

« emploi; j'ose même espérer sur votre appui pour

m'en faire obtenir un, si modeste qu'ilsoit.

«En attendant la réalisation de ce vœu, permettez

« moi, TT.·. CC. .. FF. ., de vous exposer, et c'est

« mon devoir, je crois, comme chef de famille, que

« ma femme vient d'accoucher hier de son troisième

« enfant vivant, et que mes ressources sont épuisées.

« Je m'adresse donc franchement à votre bienveillance

«inaltérable, en vous priant de me venir en aide en

« cette circonstance; ma reconnaissance vous est ac

« quise à l'avenir, etc. »

((

La Commission de la maison de secours fit droit à

cette demande, en raison précisément de ce que le sol

liciteur avait été membre de la G. .. L. .. nationale ;

elle retira plusieurs effets du Mont-de-Piété, et lui ac

corda plusieurs sommespécuniaires.

On le voit, le G. .. O. ., fidèle à ses principes, n'y

dérogejamais; il est bienfaisant et juste, il pardonne

et ilfait du bien, mêmeà ceux qui ont voulu lui faire

du mal; c'est en effet la meilleure manière de répondre

à ceux qui cherchent à lui nuire, en calomniant l'Ins

titution.

Maisreprenons notre récit.

Page 61: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 63 -

XXXIX

Continuation des travaux du C.°. O.°.

Le travail de la Commission, chargée de rédiger un

projet de Constitution, fut communiqué à l'Assemblée

le 2 mai1849, et ilfut décidé qu'il serait discutéheb

domadairement.

Cette décision, nous devons le dire, ne futpas prise

sansuneforte opposition de la part de certains députés

rétrogrades, ennemis des réformes,qui voulaient qu'on

ne s'occupât de cet acteinmportant que tous les quinze

jours; ils espéraient que letemps ferait avorter le projet

proposé.

Une autre difficulté se présenta; la circulaire de

convocation avait été adressée à toutes les obédiences,

avec invitation à chacune d'envoyer des députés. Le

suprême Conseil de l'Écossisme ne s'opposapointà la

mesure proposée; mais il décida que ses députés ne

produiraient et que, dans aucun cas, ils ne consenti

raient à la remise de leur mandat; que seulement ils

en justifieraient par sa présentation.

Quelques députés, appartenant aux LL.. du Su

prême Conseil, demandèrent en effet à être dispensés

de ce dépôt; mais l'Assemblée passa à l'ordre dujour,

dans sa séance du 8 septembre, par le motif tout ra

tionnel que les mandats donnés pour participer à une

Assemblée constituante et législative derraient être

Page 62: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 64 -

tléposés dans les archives par tous les membres sans

exception.

Comme on le voit, le G.°. O.·., dans cette circon

stance, manifesta, comme il l'avait toujours fait, le dé

sir de réunir toute lafamille maçonnique sous le même

drapeau, et le Suprême Conseil n'avait répondu à ce

vœu que parune arrière-pensée.

Quoiqu'il fût sorti victorieux de ces deux épreuves,

le G.•. O... n'étaitpas au bout de ses tribulations; les

journaux politiques s'occupaient beaucoup de Maçon

nerie; de graves accusations, ne reposant sur aucun

fait, étaient dirigées contre elle, et chaque jour des

Atel. .. étaient ferméspar l'autorité.

Alarmés de cette situation, des FF... zélés eurent

accès auprès du bureau du ministère de l'intérieur,

chargé de la police générale; ils furent assez heureux

pour intéresser le chef de ce bureau. Grâce à leurs

soins, laplupart des Atel.'. suspendus furent remis en

activité, et s'ils n'obtinrent pas la reconnaissance for

melle de l'Institution par le Gouvernement, du moins

obtinrent-ils une protection spéciale. Le 50 octobre

1850, le ministre de l'intérieur adressaauxpréfetsune

circulaire, où il est dit « que la Franc-Maçonnerie,

« Institution humanitaire etde bienfaisance, avait droit

« aux sympathies du Gouvernement, et qu'on ne de

« vaitfrapper les LL.°. que dans des cas extrêmes, et

« seulement après en avoir donné avis auMinistre, qui

« en préviendrait le G. .. O ., seul régulateur et di

« recteur de l'Ordre. »

Néanmoins, les ennemis de l'Ordre Maçonnique n'en

Page 63: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 05 -

continuèrent pas moins leurs attaques. Peu de jours se

passaient sans qu'on apprit la suspension de quelques

LL. .. ou l'arrestation de quelques FF. .. Les LL. .. des

Fils d'Adam,O. .. deVilleneuve-sur-Lot; la Parfaite

Union, O. .. de Douai ; la Fidélité, O. .. de Lille ;

l'Humanité,O. .. de Montargis; l'Amitié fraternelle,

O. .. de Bourg; la Persévérante Amitié, O. .. de Ca

lais, furent frappées de suspension, presque en même

temps, sans information, sans avis préalable, et sans

qu'on pût alléguer aucun fait.

Sous le rapport des personnes qui furent arrêtées,

nous ne citerons aucun nom; nous nous bornerons à

dire qu'un F. .. de Lyon, caissier d'une maisonimpor

tante, homme déjà âgé et d'une probitéirréprochable,

fut arrêté avec plusieurs F'F. .. non moins honorables

que lui, parce qu'on avait trouvé leurs noms inscrits

sur un tableau, et qu'on assimilait leur L. .. à une

société secrète. ..

XL

Attaquesviolentes desjournaux contre les Franes

Maçons.

Cette position désastreuse pour la Franc-Maçonnerie

s'aggravait dejour enjour, et le danger qui la mena

çait devintplus sérieux,à raison de deux circonstances

que nous croyons devoir relater.

Lapremière, ce fut les attaques furibondes des jour

naux, se disant conservateurs légitimistes et religieux,

5

Page 64: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 66 -

tant de Paris que des départements; on concevra la fu

reur dont ces feuilles étaient animées, lorsque nous au

rons rappelé que lejeudi 18décembre 1851, le Cons

titutionnel disait « que la France avait eu, pendant

« soixante ans, le malheur et la honte d'être la proie

« des LL. .. maçonniques, des clubs et des sociétés se

« crètes.. »

La seconde,cefutun arrêtéduministre de laguerre,

portant « que tout individu, quelle que fut sa qualité,

« qui sêrait trouvé dans une réunion, club ou associa

«tion,tendantà organiser une résistance quelconque

« augouvernement, ou à paralyser son action, serait

« considéré comme coupable d'insurrection et livréim

« médiatementà un Conseil deguerre. »

Alarmés des vociférations des journalistes, et chargés

par leur mission des mesures d'ordre qui leur étaient

prescrites, sans désignation précise, et quiconfondaient

la Maçonnerieavec les sociétéssecrètes, les Préfets prirent

denouveau,dansbeaucoup de départements, des arrêtés

quiforçaient les LL. .. à se dissoudre elles-mêmes, et

la question de savoir si le G. .. O. .. serait définitive

mentdétruit, ou simplement toléré, fut mise à l'ordre

dujour dans les régions du pouvoirsuprême.

C'est dans ces circonstances graves que les amis de

la Franc-Maçonnerie, ceux qui la portaient véritable

ment dans leur cœur, cherchèrent le moyen de la sau

ver. Ils n'en virent qu'un seul, celui de mettreà la tête

de l'Ordre unMaçon qui fut lié augouvernement,et qui

eut sa confiance.

Page 65: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 67 -

XLI

Leprince Lucien Murat.

Leursyeux se portèrent soudain sur le prince Mu

rat, dont le père avait laissé de hauts témoignages de

son attachementà la Franc-Maçonnerie. Ce prince pa

rut auxamis de l'Ordre Maç. ·. commeun bouclier que

la Providence leur envoyait pour la préserver du coup

dont elle était menacée.

Le princeMurat(Lucien-Napoléon François) était né

à Milan le 16mai 1805; c'était le second fils de Joa

chim Murat, qui, quelque temps après la naissance de

Lucien, fut nommé Grand Maître adjoint de l'Ordre

Maç. .. en France, et qui, plus tard, devint roi de

Naples.

XLII

Manière extraordinaire dont il fut reçu Franc

Maçon.

La manière dont le prince Lucien avait été reçu

Franc-Maçon est trop extraordinaire pour que nous

nous dispensions de la raconter.

Après la mort tragique de son père, lejeune Lucien

suivit sa mère en Autriche, où il resta jusqu'en 1822,

époque où il rentra en Italie.

Il étaitàVenise en 1851,lorsqu'il se décidaà passer

Page 66: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 68 -

en Amérique, pour allery rejoindre son frère Achille,

et son oncle Joseph, ex-roi d'Espagne et toujours

Grand Maître de l'Ordre Maç. .. en France.

Son vaisseau fit naufrage sur les côles d'Espagne,

et ilfut faitprisonnier.

Parmi les passagers qui se trouvaient sur le même

vaisseau, quelques-uns avaient reçu la lumière maç. .,

et tout en se donnant garde de se livrer à aucun tra

vail mystérieux, ils ne craignaient cependant pas de

parler de la Franc-Maçonnerie.

Le prince Lucien n'était pas initié, mais il brûlait

du désir de voir la lumière, afin de pouvoir se présen

ter et se faire reconnaître pour tel par son oncle le

Grand Maître.

Mais ses compagnons d'infortune étaient trop pru

dents pour répondre à ses désirs, dansun pays où les

lois les plus sévères menaçaient la vie des Francs-Ma

çOnS.

Les compagnons du prince Murat nepouvaient donc

pas,sansse compromettre, songerà lui donner l'initia

tion, dans un pays où ils auraient mis en danger leur

vie et la sienne. En 1825,sept FF. .. ayant été surpris

à faire une réception dans la ville de Grenade, avaient

été saisis, envoyés en jugement, condamnés à mort et

exécutés. ' .

A Barcelonne, une L. .. composée de Français et

d'Italiens ayant été découverte, le Vén. .. avait été misà

mort, et les autres FF... envoyés auxgalères.

Laseule chose qu'obtint le prince Murat de ses com

pagnons, fut qu'ils lui donneraient l'initiation à lapre

Page 67: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 69-

mière occasion où ils croiraient pouvoir le faire sans

danger.

Ce moment arriva. La Lumière lui fut donnée, dans

un endroit retiré, sous le voile de la nuit, en face du

ciel qui seul éclairait l'horizon, et de Dieu qui l'enten

dait. Le princeprononça le serment d'être fidèle à l'or

dre, et il a tenu parole.

X]LIII.

Son éleetion à la dignité de G.·. M.·., le

9 janvier 1852e.

C'est vers ce digne Maçon qu'au milieu des dangers

qui menaçaient la Franc-Maçonnerie , les hommes

de cœur qui voulaient la sauver tournèrent leurs re

gards; et le 9janvier 1852, l'Assemblée du G. ..O. .,

convoquée spécialement et composée de 152 députés,

acclamaà l'unanimité, etvota l'élection du prince Mu

rat à la dignité de Grand Maître de la Maçonnerie

française. --

Le prince accepta les hautes fonctions qui lui étaient

offertes, mais ce ne fut qu'aprèsy avoir été autorisé

par le prince Louis-Napoléon, alors Président de la

République.

Il n'était élu que pour cinq ans; mais, en 1858, le

prince voulut qu'au lieu d'être nomméà vie, comme

le demandaient avec enthousiasme tous les menbres

de la Constituante, les pouvoirs du Grand Maître ne

fussent que de sept ans, fatale résolution qui a placé

l'institution sur les bords d'un précipice.

Page 68: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 70 -

Mais le danger futur ne fut pas aperçu; on ne vit

que le moment actuel.

On peut se faire une idée de l'enthousiasme que

produisit cette nomination qui fut confirmée par le chef

de l'État, par cette seule observation que si le prince

Murat n'avait pas été nommé, la Maçonnerie courait

les plus grands dangers.

Parmi les paroles éloquentes qui furent prononcées

après cette nomination, on entendit ou du moins on

lut les suivantes :

« Gloire à ceux qui, dans cette circonstance, ont su

« se placerà la hauteur que leur faisaient la dignité et

« le péril de la Maçonnerie (1); elle leurdevrasa con

« servation en France. »

XLIV.

Premier acte du G... M.*.

Lepremier acte du nouveauGrand Maître futun acte

de bienfaisance. Le 51 janvier, on donna une fête au

profit de la Maison de Secours; le Grand Maître en

accepta le patronage ety assista avec toute sa famille,

assuré qu'il était que cette circonstance amènerait

dans le sein de cette réunion l'élite de la sociétépari

sienne, ce qui eut lieu, en effet, au delà de toute es

pérance.

(1) Revue maçonnique, n° 155, p, 22

Page 69: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

NLV.

----------------------

Installation du G.°. M.*.

Ce premier acte accompli, on s'occupa de l'installa

tion du Grand Maître. Letemple de la rue Neuve-des

Mathurins-Saint-Jacques n'étant pas assez spacieux

pour une si grande solennité, la belle et vaste salle

Barthélemy, rue du Château-d'Eau, fut choisie et re

tenue pour le 25février.

Les rues qui y aboutissaient furent encombrées de

voitures.

La salle, décorée de riches tentures de velours aux

couleurs rouge et orange, offrait un coup d'œil ma

gnifique; des lustres étincelants, disposés avec goût,

répandaientune lumière féerique; un dais magnifique

s'élevait au-dessus de l'autel, et derrière ce dais se dé

tachait une forêt de lumières, dont les devises et les in

scriptions rappelaient quelques-unes desidéesphilan

tropiques et libérales que professe la Maçonnerie.Trois

mille maçons représentant quatre cents At.°. de la

Correspondance, attendaient l'ouverture des travaux.

A cette époque, le G.°. O. .. entretenait des corres

pondances avec les obédiences étrangères, et les repré

sentants de ces obédiences, qui avaient été invités à

cette fête, s'y étaient rendus en grand appareil.

« Depuis longtemps, dit le Journal de la Vraie

« Lumière (10 mars 1852), on n'avait donnéune

« fête aussi brillante, aussi splendide; jamais peut-être

Page 70: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

-72 -

« la Maçonnerie française n'avait vu une siimposante

« cérémonie. »

Plusieurs journaux, le Siècle, la Presse, le Moni

teur, le Constitutionnel lui-même firent de cette

séance mémorable la description la plus brillante.

Voici ce qu'on lit dans le Moniteur du 7 mars, après

avoir donné la description des préparatifs, telle que

nousvenons de l'expliquer :

« La séance d'installation s'est ouverte à4 heures,

« sous la présidence de M. Berville, premier avocat

« général de la Cour d'appel de Paris, Grand Maître

« adjoint de l'Ordre maçonnique en France, et a duré

« près de trois heures.

«M. Berville a installé le prince Lucien Murat en

« qualité de Grand Maître, et M. Bugnot, en qualité

« de Président du G ·. O. .

« L'allocution du prince Lucien Murat a principale

« ment captivé l'attention et entraîné les applaudisse

« ments de tout l'auditoire, par les pensées éminem

« ment philosophiques qu'elle renfermait, et par

« l'avenir de calme, de garantie et de protection de

« la part du gouvernement qu'elle assure à la Ma

« çonnerie. »

Ce qui se proclamait au sein de la capitale retentis

sait aussi dans les OO. .. les plus éloignés; Marseille

surtout éprouva l'élan électrique quiparcourait toute la

France. Les principales LL. .. se réunirent à la voix

du président des Che. .. Kad. ., en tenue solennelle, le

14 mars 1852, et la brillante allocution que le chef

prononça renfermait ces paroles chaleureuses :

Page 71: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 73 -

«Ceque le Prince Murat sera pour la Franc-Maçon

« nerie, ses actes et sesparoles l'indiquent.

« Ses actes :pouvons-nous oublier qu'à peine sa

« nomination était signée, il s'unissait à nos manda

« taires dans un acte de bienfaisance et de charité?

« Ses paroles :vous avez écouté avec attendrisse

« ment, avec sympathie, cette nouvelle déclaration où

la foi maçonnique, danstoute sa pureté, est relevée

par la plus élégante expression. »

A l'installation du prince G.°. M.°. succéda la visite

des députations desAt... de toute la France; cette vi

site futune nouvelle occasion de cimenter l'union des

cœurs entre l'Élu et les mandants,par l'effusion quiy

régna, par les paroles quiyfurent échangées.

Cette réunion rendit ceux qui en furent les témoins,

et nous fûmes de ce nombre, heureux de voir la Ma

çonnerie placée sous la direction d'un maçon éclairé,

ferme et puissant, d'un Maçon qui sera entre l'Institu

tion et le Gouvernement le trait d'union, donnant à

l'un la confiance, à l'autre la force nécessaire au déve

loppement de ses principes.

Nous verrons, dans la 4° partie, comment le prince

Murat, après avoir réalisé les espérances qu'il avoit

fait concevoir, en fut récompensé à l'expiration des

sept années.

Page 72: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

QUATRIÈME PARTIE.

XLVI.

Motifieation à toutes les puissanees maç.. de l'avè

nement duprince Murat à la dignité de G.-. M.-.

de la Maçonnerie française.

Le premier soin duT. .. Ill... G. .. M... fut de no

tifier son avènementaux nombreuses obédiences étran

gères, avec lesquelles le G. .. O. .. était en relation; la

lettre de notification fut adressée à 45 GG.•. LL.•. ou

GG. ..OO.. étrangers,presque tous répondirentà cette

notification, par l'assurance d'une franche cordialité.

XLVII.

Projet duG. .. M. .. d'élever un Temple appartenant

à la Maçonnerie française.

En même temps, l'Ill... G. .. M.-. voulut réaliser le

plus cher de ses vœux, et le 14mars 1852, il adressa

à toutes les LL.. de sa correspondance la lettre sui

Vante :

« TT... CC. .. FF...,

« Nouspensons que le premier objet sur lequeldoit

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- 76 -

« se porter notre attention , c'est l'érection, à Paris,

« d'un Temple digne de la Franc-Maçonnerie, digne

« de la France.

« Le G. .. O..., représentant de la Maçonnerie

« françnise, doit en effet avoir à lui un local assez

« vaste pour contenir le nombreux personnel créépar

« la Constitution, ainsi que les visiteurs attirés par

« l'importance de ses travaux; il faut qu'il puisse di

« gnement recevoir les Grands Dignitaires de l'État,

« qui s'honorent d'appartenir à la Franc-Maçonnerie,

« et ceux qui ont fait espérer leurprochaine coopé

« ration; il faut aussi que nos solennités soient célé

« brées chez nous, et non plus dans des locaux qui

« gardent encore l'écho d'une profane joie. »

Ainsi le besoin qu'avait la Maçonnerie française d'un

Temple qui serait sa propriété, fut la première pensée

duG. .. M.·.,pensée qui devait être féconde en si beaux

résultats.

Le suprême Conseil de l'Écossisme avait aussi senti,

en 1848, combien était précaire l'existence d'une in

stitution, qui n'avait pas un local, en toute propriété ;

il s'était occupé des moyensdeparerà cet inconvénient;

mais il n'avait pas pu réussir, parce qu'il n'existait

parmi ses membres aucun Maçon qui voulut s'engager

personnellement.

La même difficulté avait existé pour le G. .. O.-.,

lui-même, qui organisé sur des bases moins aristocra

tiques, que le suprême Conseil, se trouvait, en outre,

----- ------------------------

Page 74: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 77 -

- ----

-

----

depuis un demisiècle, privé d'un chef, en telle sorte,

que le pouvoir appartenait à tous, c'est-à-direà per

SOIlIG,

Il n'en futpas de même lorsque le prince Murat eut

été nomméGrand Maître; entièrement dévouéà l'insti

tution qu'il allait diriger,ilsentit qu'une des premières

bases de sa stabilité, c'était d'être chezsoi, et, dès les

premiers instants qui suivirent son installation,il s'oc

cupa du soin de faire acheter un local.

XLVIII.

Achat d'un local pour un IIôtel maçonnique.

L'hôtel d'un ancien maréchal de France, situé rue

Cadet, près le faubourg Montmartre, fut proposépour

le prix de 400,000fr.; mais bientôt, sous un prétexte

frivole, ceprix fut augmenté de 50,000fr. Voici sous

quel prétexte.

Le G... O. .. n'avait pasune existence légale, n'é

tantpas reconnupar l'État ; il fallut vaincre cette diffi

culté, et dans la séance du 20juillet 1852,le G. .. M.-.

qui vint présider en personne, porta un projet d'acte

ayant pour but de créer une Société civile, pour l'ac

quisition de l'hôtel précité, et de l'approprier à sa

destination. -

Ce projet fut adoptépar l'Assemblée, et converti en

acte public le 28 août suivant. -

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- 78 -

Le vendeur ou plutôt l'entremetteur de cette vente

profita de cette circonstancepour augmenterde 50 mille

francs le prixprimitivement proposé, et l'on dût céder

à cette exigence.

Le Prince G.°. M.°. se rendit garant du prix, et les

travaux commencèrent immédiatement. Nous enferons

connaître le résultat admirable, après avoir relaté les

opérations importantes dont la sollicitude du Prince ne

cessa de s'occuper, pour donner au Temple toute la

régularité et toute la splendeur qui lui étaient né

cessaires.

XLIX.

Convent constituant.

Le second acte du Prince G.°. M.'. fut la convoca

tion d'une Assemblée constituante.

Il avait déjà adresséà toutes les LL. .. de la corres

pondance, le 1er mai 1852, une circulaire dans la

quelle il déclarait n'avoir accepté les hautesfonctions

dont il était revêtu, que dans le but d'être utile à l'ins

titution, et persuadé qu'il devait continuer d'agir dans

ce sens, il convoqua, parun décret en date du 15 du

même mois,un Convent constituant, dont le but était

d'assurer aupouvoir dirigeanttous les moyens d'action

dont il avait besoin,pour le mettre en harmonie avec

les justes désirs des Atel.., soit de Paris, soit des dé

partements.

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- 79 -

Le Convent constituant se réunit, et le 28 octobre

1854,ilvota les dispositions suivantes :

« Art. 1°. Le G.°.O. .. de France, suprême Conseil

« pour la France et les possessions françaises, est

« composé :

« 1° D'un Grand Maître;

« 2° D'un Conseil du G. .. M. .;

« 5° D'une Assemblée législative.

« Art. 2. Le Grand Maître est le chef suprême de

1'Ordre.

« Art. 5. Le Conseil du G. .. M. .. ne peut prendre

« ni décision, ni arrêté, sans l'approbation du G..

« M.*..

« Art. 4. L'Assemblée législative qui se compose

« de tous les Présidents d'Atel.·., et qui se réunit tous

« les ans, le lundi de la Pentecôte, appure les comptes,

« arrête le budget des recettes et dépenses, et s'occupe

« généralement de toutes les affaires et de toutes les

« questions qui intéressent la Maçonnerie, dont le G. .

« M.". la saisit. »

Telles furent les bases de la Constitution qui fut

votée et proclamée par le convent constituant, qui

réserva à lui seul le droit de les changer ou de les

modifier.

Ce Convent fut terminéparun banquet qui réunit

la société la plus brillante, et dans lequel se fit enten

dre etfut écoutéavecune extrême bienveillance lecan

tique suivant de notre composition :

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- 80 -

LE PROGRES MAÇONNIQUE,

BYMNE AVEC CHŒUR,

A l'occasion du Convent Maçonnique constituant de 1854.

PREMIÈRE STROPHE.

De ses brillants rayons quel astre nous éclaire !

Après de longues nuits, quel éclat radieux !

D'où partent ces faisceaux, ces torrents de lumière

Dont la clartévient éblouir nosyeux.

CHOEUR :

Salut! soleil sacré de la Maçonnerie !

Tu les a dissipés ces nuagestrompeurs,

Qui,pour nous déroberta lumière chérie,

Nous inondaient de leurs froidesVapeurS.

DEUXIÈME STROPHE.

Maîtres! l'illustre chefde notre ordre sublime

Rassemble,pour l'aider dansses nobles travaux,

Etpour le seconder dans le but qui l'anime

Les ouvriers et les matériaux.

CHoEUR:Salut! etc.

TROISIÈME STROPHE.

Pour son pouvoirsoumis aux lois de la sagesse,

A lasagesse même il demandeun appui (1);

Frères ! qu'autour de lui chacun de nousse presse!

Rendons-le fort, nous le serons par lui.

CHoEUR : Salut! etc.

(1) Moyens d'action à donner au pouvoir dirigeant.

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- 8l -

QUATRIÈME STROPHIE.

Msesyeuxtolérants tout Maçon estun frère

Pourqu'un dogme sidouxsoitune vérité,

Il veut, les ralliant soussa noble bannière,

De tous les ritsproclamer l'unité (1).

CHoEUR :Salut! etc.

CINQUIÈME STROPHE.

Des Maçons malheureux il veut sécher les larmes (2);

Quela mort ne soit plus leurunique recours;

Que la lei, dissipant detrop justes alarmes,

Protége enfin l'asile et le secours.

CHOEUR :Salut, etc.

SIXIÈME STROPHE.

Mpôtres vénérés de la Maçonnerie,

Vous aurez couronnédignementvostravaux

Sivous hâtez lejour où dans notre patrie

Le monde entier groupera ses drapeaux (3).

CHOEUR : Salut! etc.

SEPTIÈME STROPHE.

Gloire à Dieu!gloireà Dieu! que ce cri retentisse

De notre âgeà celui de nos derniers neveux!

GloireàDieu! bénissons, adorons sajustice :

Ila comblé notre espoir et nos vœux.

CIHOEUR :

Salut!soleil sacré de la Maçonnerie !

Tu les as dissipé ces nuagestrompeurs,

Qui,pour nous dérober ta lumière chérie,

Nous inondaient de leurs froides vapeurs

(1) L'unité des rites désirée par tous les Maçons.

(2)Société de secours mutuels des Enfants de la Veure.

(3) Congrèsuniversel de 1825,

4

---------- *

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Congrès universel.

Deux peuples longtemps ennemis venaient de ci

menter de leur sang,sur le champ de bataille de laCri

mée, une alliance qui existait, sinon entre les gouver

nements, dumoins entre cette portion des deuxpeuples

qui pratiquait depuis un siècle et demi le douxprin

cipe de la fraternité maç.".

Le gouvernement français venait d'inviter les di

verses industries des deux mondes à se réunir dans le

palais que la France venait de leur consacrer dans les

Champs-Élysées.

Une grande pensée vint s'emparer de moi : quelle

belle occasion de réaliser le vœu que j'avais émis dans

Mes Études historiques (chap. V)de réunir les députés

de toutes les Obédiences de la Maçonnerie , existant

sur les deux hémisphères !

Je soumis au prince Grand Maître cette idée, qui

pouvait être si féconde en grands résultats. Je lui écri

vis, le 5 juillet 1854, une lettre dans laquelle je luidi

sais qu'à ce congrès maçonnique universel pourrait

être soumise la révision, préparée d'avance,desCahiers

de tous les grades maç.. rectifiés, afin que,semblable

au soleil qui répand une lumière unique sur toute la

terre, la Maçonnerie n'eût aussi qu'un seul Rituel,un

seul mode pour la diriger.

Le prince G.*. M... accueillit mon idée avec em

---- - - - a - -- a - - - -----

Page 80: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 83 -

pressement, et le 12 du même mois de juillet, il me fi

adresser la lettre suivantepar son Secrétaire :

« T. ·. C. .. F. ·• y

« Votre lettre du5 de ce mois que je viens seule

« ment de recevoir, ne nous estparvenue qu'ici (Trou

«ville). Le prince Grand Maître vous prie, pendant

«votre voyage aux Pyrénées, de préparer, si vous en

« avez le temps, le projet de mise à exécution de la

«proposition que vous lui avez faite, de réunir un

« congrès maçonnique universel à Paris. Sa date

«pourrait coïncider avec la fête de l'Ordre de 1855.

« Le prince sera de retour à Buzenval dans les pre

« miers jours de septembre, et si vous voulez m'infor

« mer devotre retour, je pourraivousinformer du mo

« ment où vouspourrezvoir Son Altesse.

« J'espère aussi que vos efforts vont être couronnés

« de succès, et que,souspeu de jours, degrandes me

«sures seront prises pour assurer à notre Ordre cette

«splendeur que nos ennemisveulent lui enlever.

«Croyezà mes sentiments affectueux et fraternels.

« Signé : CLAUDE. »

Je m'occupai du travail que j'avais conçu pendant

les deux mois que je passai aux Pyrénées. Rentré à

Paris au commencement de septembre, j'adressai au

prince une lettre dans laquelle je lui annonçais quej'a

vais préparéet que j'étais prêt à lui remettre :

Page 81: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 84 -

1° Le projet de décret portant convocation d'unCon

grès maçonnique universel ;

2° Leprojet d'un autre décret portant création d'une

Commission chargée de dresser le programme du Con

grès;

5° Le projet de lettre à adresser à tous les GG.'.

O0.·. etGrandes LL. .. étrangères; -

4° La nomenclature de toutes ces GG.". LL.°. et

GG.·.OO. . -

Une nouvelle lettre du F. .. Claude me fit savoir que

le prince se rendraità Paris le lendemain, et qu'il me

recevrait dansson hôtel de la ruedeTivoli,à dixheures,

ou bien à trois, dans l'hôtel duG. .. O. .

Je me rendis rue deTivolià l'heure indiquée, et, là,

je dis au prince que le but de mon idée était de propa

ger sur les deux hémisphères, au moyen du congrès

projeté, et lesprogrès acquis, et ceuxà acquérir encore,

en faveur de la fraternité et de l'humanité.

Le prince me dit qu'il avait donné son assentiment

à toutes mes propositions. Le décret fut en effet rendu

et envoyé à toutes les GG. .. LL. .. et GG. .. O0.·.

étrangers.

DixGG. ..OO. .. répondirentà cet appelen envoyant

des députés. Vingt-deux FF.*., qui étaient en grande

partie membres du Conseil duG. .. M. ., firent partie

de la réunion. Le Congrès s'ouvrit sous la présidence

de prince Grand Maître, qui, dansune allocution aussi

fraternelle que savante, prononça ces paroles remar

quables : -

Page 82: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 85 -

« MM.-. TT... CC... FF..., nous allons travailler

« en commun; nous allons chercherà détruire quel

« quesimperfections, qui se sont glissées dans notre

« Ordre; et quelle institution n'en a pas? Faisons-le

« sous l'inspiration de cette pensée, qu'on n'obtient

« de véritable amélioration, de véritable progrès,

« quepar des mesures sages, bien mûries et bien in

« diquéespar l'expérience: nous arriverons ainsià ce

« que nous souhaitons tous ardemment : le bien. »

Les FF... De Rosenthal, député des Pays-Bas,

Donoughmore,député d'Irlande, Maccoucan, d'Écosse,

Dinuviddé, de Richmont (États-Unis), prirent succes

sivement la parole, et leurs discours, empreints de la

plustouchante fraternité, exprimèrent cette noble assu

rance,que les LL.·. et OO.*. étrangers, dont ils étaient

les organes, s'unissaient de cœurà toutes les pensées,à

tous les vœux, à tous les efforts duG.°.O... de France

pour augmenter *a prospérité de notre belle Institu

tion.

Le Congrès nomma une Commission permanente ,

chargée de recevoir les propositions ou observations

relatives à unprochain Congrès, dont le lieu et l'é

poque seraientfixés ultérieurement.

Pourquoi ce louable projet n'a-t-il pas eu de suite?

Les événements ultérieurs ont prouvé que la Maçonne

rie française a subi de terribles épreuves qui ont em

pêché qu'on s'occupât d'un prochain Congrès; quant à

celui actuellemcnt rassemblé, il se termina parun ban

quet splendide, dans lequel je récitai,à la grande sa

Page 83: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

-- S6 -

lisfaction de l'assemblée, l'Ode suivante, intitulée : le

Congrès universel :

O IDE

RÉCITÉE PAR L'AUTEUR

AU C0NGRES MA(0MNIQUE UNIVERSEL DE 1855

De chants nobles etpurs quelle sourceféconde *

Quel spectacle nouveau! Mille peuples divers,

Réunis pourfêter legrand réveil du monde,

Du monde qui brise ses fers !

Ellefleurit enfin lagrande période (1)

Qui compte six mille ansautour d'ellegroupés!

De l'antique progrès elle invoque le code,

Les peuples sont émancipés! -

Oui,legrandjour paraît : legrand siècle commence :

Abjurant toute haine et se donnant la main,

Les enfants d'Albion sesont jointsà la France

Pour affranchir legenre humain.

(1) LesChaldéens et les Egyptiens appelaient grande période l'inter

valle qui s'écoulait entre les invasions périodiques de la mer sur

chaque hémisphère. -

Suivant les astronomes chaldéens, cet intervalle était de 36,000 ans,

parce que, suivant eux, la révolution du mouvement rétrograde du

calcul des fixes se faisait à raison d'un degrépar siècle.

Les Égyptiens, qui avaient adopté le même système, avaient trouvé

que ce mouvement ne se faisait que tous les 26,000 ans.

Les astronomes modernes, qui ont découvert et établi la théorie

des absides, ont calculé que leur révolution se faisait tous les 20,900

ans, de manière que l'hémisphère austral et l'hémisphère boréal se

raient envahis successivement par les eauxde la mer tous les10,450 ans.

Nous publierons une notice explicative à ce sujet, si le progrès ma

çonnique s'établit, ainsi que nous avons lieu de l'espérer, par l'adop

tion des cahiers des grades révisés,

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- 87 -

Leurs drapeaux, réunis dans les champs de lagloire,

Ont ensemble abrité leurs valeureuxguerriers ;

L'Europe les seconde, et déjà la victoire

1Les a couronnés de lauriers.

Les artistes aussi n'ontplus qu'unepatrie;

C'est la France aujourd'hui qui fête leurs travaux,

Et sur son heureux sol les arts et l'industrie

Sont plutôt amisque rivaux.

Mais quel est ce palais où brille une lunière,

Devant qui le soleil lui-même doit fléchir ?

Profane, éloigne-toi! respecte une barrière

Qu'en vain tu cherchesà franchir.

-

Mais non,demeure : apprends quel est le sens mystiquc

Du mot qui de ce lieu décore le portail:

Sache que dans ce mottout est allégorique,

Sous le symbole dutravail.

Ce temple est l'atelier de laMaçonnerie,

Où,prenant en pitié les torts dugenre humain,

L'homme vienttravailler à se faire une vie

Qu'ailleurs il chercherait en vain.

Les sages répandussur les deux hémisphères,

D'un mandat solennel chacun d'eux revêtu,

Viennenty célébrer le plus douxdes mystères,

Celui d'honorer lavertu. -

Quoi deplus merveilleux! quoideplusadmirable

Que ces représentants de vingtpeuples divers,

Saluant d'un respect, d'un amour ineffable,

Le Créateur de l'univers !

Page 85: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 88 -

Étpuischez chacun d'eux, charité,tolérance,

Amour de lapatrie et de l'humanité;

Hors du temple, voilà lesvertus qu'il encense ;

Ici c'est la fraternité.

Le travail des Maçons sur les deuxhémisphères

Cherche,parsa sagesse,à se purifier;

Vous donc qui leur forgez des tortsimaginaires,

Cessez de les calomnier.

Voussurtout, hommesvains, vous qui par l'ignorance

Voulezà votre joug asservir les mortels,

Qui,sur le despotisme et sur l'intolérance

Bâtissez vos plans criminels,

Réprimez les désirs dontvotreâme est empreinte,

Par lafraternité laissez-vous enflammer;

Au lieu de rechercher le pouvoir par la crainte,

Aimez, etfaites-vous aimer.

Vainement votre orgueiIsurvos trames se fonde;

Non, vous neferezpas reculer le progrès;

Rien ne peut étouffer sa lumière féconde :

J'en aipour garant ce Congrès.

Mais s'il n'estpascompris, ce conseilpacifique,

Qu'un criplus éloquentsoit du moins écouté.

Maîtres de tous les rits, qu'un mailletsympathique

Frappe le coup de l'unité !

LI.

Oratorio projeté.

J'avaispréparé aussi un oratorio, dont la musique

avait été composée par le F.°. Malibran; cet oratorie

Page 86: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 89 -

était intitulé : Les Cinq Voyages mystérieux. ll rela

tait le passage de la Maçonnerie de l'Égypte au désert,

du désert à Jérusalem, de Jérusalem à la Grotte de

Finghal, et d'Écosse au Temple d'Isis, à Paris.

L'oratorio se terminait par une apothéose avec

chœur.Voici les couplets qui devaient être chantés dans

le Temple d'Isis, et qui terminaient l'oratorio.

AIR : Aussitôt que la Lumière, etc.

Au palais de la Lumière

Lorsque je fus introduit,

Et quej'ouvris la paupière,

Après une longue nuit,

Je me dis : Voici le Temple

De Socrate et de Caton,

Puisque c'est à leur exemple

Que travaille un Franc-Maçon.

CIIOEUR.

Je me dis:Voici le Temple, etc.

Dédaignant l'éclat suprême,

Quoiqu'il en soit revêtu,

L'homme ici vient de lui-même

Au devant de la vertu.

La haine et la médisance

N'ysoufflentpas leur poison;

L'amitié, la bienfaisance

Sont les lois du Franc-Maçon.

CHIOEUR.

La haine et la médisance, ctc.

Page 87: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 90 -

Dans ce monde l'apparence

N'est point la réalité,

Ettoujours dans l'opulence

N'est pas la félicité.

Dans nos LL.°. solitaires,

Point d'erreurs, point de soupçons,

Tous les hommes y sont Frères,

Puisqu'ils sont tous Francs-Maçons.

CHOEUR.

Dans nos LL.*. solitaires, etc.

Sijamais dans la nature

Je vois un être accompli,

Si par l'âme la plus pure

Son cœur se trouve embelli,

Vainement dans le mystère,

Voudrait-il cacher son nom ,

J'irais lui dire : Mon Frère,

« Tu dois être Franc-Maçon. »

CHOEUR,

Vainement dans le mystère, etc.

Et nous que dans cette enceinte,

D'où les méchants sont bannis,

Par une alliance sainte,

Un seul mota réunis,

Que notre âmesoit ravie !

Répétonsà l'unisson :

Le plus grand bmen de la vie

Est celui d'étre Maçon.

CHOEUR.

Que notre âme soit ravie, etc.

Des circonstances malheureuses firent avorter l'exé

cution de cet oratorio.

Page 88: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 9l -

LII.

1tévision des Cahiers symboliques.

Une sollicitude plus réelle occupait le prince G. .

M. .. : c'était la révision des Cahiers des grades, et

d'abord desgrades symboliques.

« Parmi lesvœux que nous ont exprimés les LL.·.

« et divers Maçons, depuis notre avénement, » disait

le prince dans un de ses décrets, « celui qui nous a le

« plus frappépar son insistance et son universalité, et

« auquel, par conséquent, nous tenions, entre tous

« autres, à donner satisfaction, c'est qu'il fût procédé

« à la révision des Cahiers des grades symboliques.

« L'accomplissement de cette tâche était environné

« de difficultés, et il n'a fallu rien moins que le con

« cours empressé et le dévouement plein de zèle des

« Maçons les plus illustres de l'Ordre, que nous

« sommes heureux de remercier ici, pour atteindre le

« résultat désirépar notre sollicitude »

La Commission qui fut chargée de cette révision a

trouvé dans cesparoles le prix le plus doux de sestra

vaux, et le dédommagement des peines qu'elle a eues

àsurmonter les obstacles.

Ces obstacles durèrent quatre ans; et il fallait,pour

vaincre celui qui était le plus important,un événement

terrible, que nous croyons devoir relater.

Ce que nous tenions le plus à faire disparaître des

Page 89: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 92 -

grades symboliques, c'était le serment qu'on faisait

prêter au récipiendaire, de consentir à avoir lagorge

coupée, le cœur arraché, le corps brûlé, et les cendres

jetées au vent, s'il venait à trahir le serment qu'on

allait lui faire prêter.

Quelquesvieux Maçons, entichés de vénération pour

l'ancienne routine, ne voulaient consentir à aucune

modification, par respect pour l'antiquité de ce ser

ment, qu'ils disaient être représentépar le signe maç..

Nous avions donc complétement échouésur ce point,

lorsqu'un événement fatal vint porter la désolation

dans tous les cœurs : l'archevêque de Paris, Monsei

gneur Sibour,fut assassiné derrière l'autel, oùil venait

de donner la bénédiction,par un prêtre de son diocèse,

et ce prêtre se trouvait devant la Ccur d'assises.

Enprésence de cefait, je dis à la Commission :

« Supposons, MM... FF..., que l'assassin, qui est

« devant ses juges, allègue pour sa défense que celui

« qu'il a frappé d'un poignard faisait partie d'une

« société dont tous les membres se donnaient, en y

« entrant, le droit de mettre à mort celui d'entre eux

« quiviendrait à trahir son serment ;

« Supposons que l'assassin de l'archevêque ajoute

« que telle était la position de Monseigneur Sibour

« lorsqu'il l'a frappé, et qu'ainsi il n'a fait qu'user de

« son droit; -

«Supposons enfin qu'on demandeà l'assassin quelle

« était cette société qui exige un pareil serment, et

« qu'il réponde : C'est la Franc-Maçonnerie.

Page 90: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 93 -

« Je vous le demande, quel est celui d'entre vous

« qui oserait avouer qu'il fait partie de cette institu

« tion? »

Ce raisonnement frappa tellement tous les esprits,

qu'aucun membrede la Commission n'osa le conbattre,

et que la suppression du sermentfutvotée à l'unani

mité.

Une amélioration non moins importante, et dont je

pris également l'initiative, se fit dans la révision du

grade de Maître : ce fut la suppression de la scène

scandaleuse dans laquelle le Vén. .. était forcé dejouer

un rôle odieux, en lançant un coup de maillet sur la

tête du Compagnon, qui était censéfrappé d'un coup

mortel, et qu'on plongeait immédiatement dansun cer

cueil.

Cette épreuve aurait suffi, si elle eût été connue

d'avance, pour empêcher tout homme raisonnable de

solliciter la maîtrise.. -

Aussi la Commission approuva-t-elle à l'unanimité

lapropositionque je luifis de supprimer cette épreuve,

et de la remplacer par celle qui existe aujourd'hui, ce

qui amenait dans les hautsgrades une révision toute

naturelle, ainsi que nous allons l'expliquer.

LIII.

Révision des hauts grades.

Ce n'est que le 1er mars 1858 que le prince Grand

Maître rendit le déeret qui nommait une Commission

Page 91: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

chargée de réviser les hautsgrades, et de les mettre en

concordance avec lesgrades symboliques.

Je fus chargé de préparer cette révision, dont je

m'occupai dansun voyage que je fis aux Pyrénées.

A mon retour de ce voyage qui dura trois mois , je

convoquai la Commission pour lui donner connaissance

de mon travail.

Je lui soumis d'abord le grade de Rose-Croix.

J'avaisfait disparaître tout ce qui se rapportait soit

aux idées religieuses, soit auxscènes de vengeance; je

ne doutais pas que la Commission n'adoptât et ma

pensée et son mode d'exécution. Et, en effet, malgré

un incident que je ne veux point rappeler, pour ne

blesser personne, la Commission adopta mon projet,

quifut envoyé à l'Institut dogmatique, pour l'exami

ner en dernier ressort.

Ce fut le F. .. Desanlis qui fut chargé de faire cet

GX8lIIlGIl,

Les événements de la révolution maç.°., qui sepré

parait retardèrent le rapport de ce F. .. , qui, sauf

quelques expressions qu'il jugea convenables de mo

difier, accepta complétement mon travail.

Mais les événements ne permirent pas qu'on s'en

occupât, et l'Institut ayant été supprimé, je retirai

mon manuscrit, sur lequel se trouvaient les légers

changements indiqués par le F.*. Desanlis.

C'est le même travail que j'ai produit à la Com

mission nommée par le nouveau G. .. M. ., le général

Mellinet, et que la Commission a adopté.

Page 92: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

LIV.

Woyage aux Pyrénées.

J'ai dit que c'est dansun voyage aux Pyrénées que

j'avais préparé la révision dugrade de Rose-Croix.

C'est dans le même voyage que je composai les

strophes suivantes, que je place ici, parce qu'on a

bienvoulu s'identifier avec le malheur qui me les avait

inspirées.

IMPRESSION D'UN V0YAGE AUX PYRÉNÉES.

ÉLÉGIE.

Les voilà donc ces belles Pyrénées

Aux cimes d'or et d'albâtre et d'azur!

J'ai donc revu ces masses couronnées

D'un ciel si beau, d'un air toujours sipur !

Jadis, malgré leurs brumes nébuleuses,

Je m'élevaisjusqu'aux pics les plus hauts,

Escaladant ces roches orgueilleuses,

Pour découvrir quelques aspects nouveaux.

Là, sous mes pieds, la voix de la tempête

De ses éclats effrayait les vallons,

Et le soleil, au-dessus de matête,

Animaittout de ses brillants rayons.

Page 93: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 96-

Je descendais, d'une course légère,

Du haut des monts,jusqu'auxpremiers coteaux,

Etsur un lit de mousse et defougère

D'un calme heureuxje goûtais le repos.

Là,je voyais,franchissant mille entraves,

Et dans lesflots sans cesse seplongeant,

Bondir, rouler et s'engouffrer lesgaves,

Enveloppés d'unegaze d'argent.

O souvenirs de mesjeunes années,

Pendant longtempsvous me sembliez si beaux!

Mais aujourd'hui, mes belles Pyrénées,

Vous ne m'offrez que de pâles tableaux.

Pourquoi ces lieux,si chersà majeunesse,

Cesfraisvallons jadis tant admirés

Ont-ils remplimonâme de tristesse,

Etpour moiseul se sont décolorés?

Pourquoi ces monts,jadis si pleins de charmes,

Dont chaque site offre un plaisir nouveau,

M'ont-ils surprisà répandre des larmes,

Triste et rêveur, sur les bords d'un ruisseau?

Unjour, hélas ! sur cette même rive,

O souvenir si douxet si cuisant !

A contempler cette onde fugitive

Nous étions deux.je suis seulà présent!!!

Page 94: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 97 -

LV.

Èlévation du princeMurat à la dignité de Grand

Cordon de la Légion d'honneur.

Dans l'intervalle des deux décrets relatifs à la révi

sion desgrades symboliques et des hautsgrades, l'Em

pereur conféra auprince Murat le Grand Cordon de la

lLégion d'honneur; j'en fusinformépar une lettre que

m'adressa le F... Heullant, Grand Maître adjoint,pour

m'inviter à mejoindre au Comité qui devait présenter

sesfélicitations auprince.

J'improvisai le compliment ci-après, queje lui remis

à cette présentation.

CoMPLIMENT.

« Honneur ! honneurà vous,Très-Illustre Grand Maître,

« Avous, qu'on aimetant dès qu'on peut vous connaître,

« A vous, de qui le nom,type de lagrandeur,

« Voit encore aujourd'hui s'accroître sa splendeur !

« Prince, en vous décorant, le chef de lapatrie

« Décore aussi le chefde la Maçonnerie ;

« Il sait que, grâce à vous, etgrâce à vos travaux,

« La lumière domine où régnait le chaos,

« Que sousvos lois, usant d'une liberté sage,

« Le Maçon de ses droits peut faire un noble usage,

« Toujoursprompt àvoler au secours du malheur,

« Lorsqu'il peut, de sa main, calmer une douleur.

7

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- J8 -

« Maitre illustre, voilà de quel peuple fidèle

« Brillait sur votre front la couronne immortelle,

« Couronne de vertus, quanddu chefde l'État

« Lajustice éclairée en rehausse l'éclat.

« Souffrez, prince, souffrez qu'ausein de nos mystères,

« Vos enfants, les élus de ce peuple de frères,

« Voustémoignent leurjoie.... Heureux si leur Nestor

* Pouvaitplus dignementvous l'exprimer encor !

LVI.

C'réation de l'Institut dogmatique.

Quelle source d'instruction n'eût pas été une ins

titution ayant pour but de faire progresser le Dogme,

d'améliorer le Rite, enfin de rehausser l'éclat de la

Maçonnerie! Ce but était toute l'idée du prince Grand

Maître lorsqu'il créa cette Institution; mais les condi

tions sous lesquelles on devait y être admis me pré

sentèrent de si graves inconvénients, que je crus de

voir adresser au Conseil du Grand Maître, à qui le

projet avait été soumis, les observations suivantes :

« TT. .. CC. .. FF. .,

« Pénétré du désir d'arracher la Maçonnerie fran

« çaise à l'état d'inaction où elle se trouve plongée ,

« notre Ill. .. G. .. Maître a suivi avec empressement

« l'idée d'un Institut dogmatique qui serait composé

« de Maçons possédant au moins le 51° degré.

« Cette idée, qui a été développée dans un pro

« gramme fort habilement élaboré, rendra-t-elle à

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- 99 -

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l'Institution cette force qui lui manque, pour com

battre avec succès le génie malfaisant qui cherche

à la paralyser?

« Pour décider la question , jetons un coup d'œil

rapide sur le projet.

« L'Institut dogmatique serait composé d'un nom

bre illimité de membres, possédant au moins le

51e degré.

« Il aurait pour but de moraliser la Maçonnerie, de

surveiller les LL.°., de répandre l'instruction et les

Lumièresparmi les Vén. .. et surveillants des divers

Atel. .. , lesquels seraient admis à cet effet aux

séances trimestrielles.

« Pourraient être membres de l'Institut les Maçons

de la province, pourvus au moins du 51° degré;

leurs fonctions et attributions seraient de se mettre

en contact avec les LL. ., et de devenir intermé

diaires entre elles et le Grand Maître, et même, au

besoin, auprès de l'autorité,

« La contribution annuelle serait de 200 francs

pour chaque membre de l'Institut.

« Voilà quelles seraient les bases de cette nouvelle

création.

« Cette Institution semble, aupremier abord,devoir

être féconde en heureux résultats. Une Académie

est composée des Maçons les plus instruits, aux

leçons de laquelle viendront se former les Officiers

chargés de diriger les travaux des Atel.·. maç. ..

C'est sans doute une Institution très-séduisante au

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- 100 -

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premier coup d'œil, mais si on l'examine de près,

l'illusion disparaît, et les inconvénients seprésentent.

« D'abord le titre indique une institution destinée

à enseigner les dogmes de la Maçonnerie.

« Ces dogmes sont tous écrits dans la Constitution

maç. .. : ce sont l'existence de Dieu, l'immortalité

de l'âme, l'amour de l'humanité, la tolérance reli

gieuse, l'obéissance aux lois. -

« Eh bien ! nous le demandons, est-il un seul de

ces dogmes qui ne soit pas, non-seulement ensei

gné, mais imposé même aux candidats dans les

premiers grades symboliques? Pense-t-on que le

Maçon, quel qu'il soit, parce qu'il sera paré soit du

cordon de juge, de commandeur ou de prince, en

saura plus que le Maçon modeste, qui n'aura reçu

que legrade de maître ?

« D'un autre côté, nous demanderons dans quel

gradese tiendront les séances instructives de l'Insti

tut. Serait-ce dans le 51° degré? Mais dans ce cas,

aucun des Vén. .. ou surveillants qui ne posséderait

pas ce grade ne pourraity assister, et l'objet prin

cipal de la réunion ne serait pas rempli.

« Serait-ce à l'un des grades symboliques?Mais

alors pourquoi exiger que pour être membre de

l'Institut, on soit pourvu de grades supérieurs?

C'est non-seulement inutile, mais mêmedangereux,

ainsi qu'on peut s'en convaincre en examinant de

près ce projet.

« Le 51°grade, appeléTribunal des neuf, donne

le titre de juge à chacun de ses membres, et le

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– 10l -

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charge de visiter les Atel.., de surveiller leurs

travaux; ils'appelle aussi inspecteur, commandeur,

inquisiteur.. Est-ce là un grade maçonnique?

« Ensuite le droit d'inspecter et de surveiller les

travaux des LL. .. et d'être intermédiaire entre elles

et le Grand Maître, n'est-il pas un danger, plutôt

qu'une sauve-garde ? N'existera-t-il pas entre le

surveillant et les surveillés une rivalité, qui peut

être dangereuse?

« Quant à la contribution annuelle de 200francs,

en supposant que quelques Maçons veuillent s'y

soumettre, ce ne sera que les riches, et l'on sait

que ce n'est pas là généralement que se trouve la

science maç...

« Au lieu de résoudre le problème du progrès,

l'Institut proposé ne nous paraît propre qu'à com

pliquer les embarras qui peuvent exister.

« Nous concevrions une pareille création si les Ri

tuels des hauts grades avaient été révisés, comme le

voulait la Constitution de 1849, et mis en harmonie

avec les gradessymboliques. Alors on aurait pu re

chercher avec fruit l'origine réelle de notre Institu

tion, les vicissitudes qu'elle a subies, en sonder l'es

prit, faire servir les lumières qu'on en retirerait au

développement de l'intelligence, enfin à rendre

l'homme meilleur et plus heureux,à mesure qu'ilse

rait plus éclairé.

« Mais dans la situation anti-maçonnique où sont

les hau's grades actuels, les prendre pour base

d'un Institut maç.·., destiné à perfectionner la Franc

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- f02 -

« Maçonnerie, c'est, selon nous, placer une mine sous

« l'édifice. Gare à l'explosion ! »

Nos observations ne furent pas écoutées; l'Institut

fut créé avec la charge imposée à chaque membre de

payer 200fr. d'entrée, et une contribution annuelle de

100 fr .

Lespaiements furent promis; maisils ne se réalisé

rent pas, et,à la première occasion, cetle Institution a

été supprimée par des motifs que nous nous abstenons

de rapporter.

Ce n'est pas qu'il n'y ait eu, dans le sein de l'Insti

tut, des lectures importantes, Moi-même, j'y lus une

dissertation en vers sur l'immortalitéde l'âme. Le F. ·.

Desanlis en fut si content, qu'il me pria de porter cette

dissertation dans la tenue du Conseil de la Clémente

Amitié dont il était le Président, ce queje fis sans dif

ficulté, accoutumé que j'étais à l'indulgence de mes

FF. .. Cette lecture me valut le titre de membred'hon

neur du Conseil, que le F. .. Desanlis me donna dans

la même séance.

Je produis ce petit poème auxpièces justificativesr

Inº é).

LVII

Archives du G.°. O.'.

Les archives du G. ·. O. .. étaient dans un état pi

toyable, surtout lorsqu'elles furent transférées de la rue

des Maburins au nouveau temple maç. .. de la rue

Cadet.

Page 100: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

L'illustre G. .. M. ., qui me nomma archiviste, vint

m'installer lui-même dans le nouveau local, où il me

désigna la pièce dans laquelle il voulait que les livres

de la bibliothèque et les dossiers des LL. .. fussent ran

gés et classés.

LVIII

LL'hérésie du lDante.

Pendant que j'étais occupé de ce travail, on m'ap

porta une brochure intitulée : Hérésie du Dante, of

ferte au G. .. O. .. par son auteur, M. Aroux, et je fus

chargé de faire sur cette brochure un rapport au G. .

M. .. en son Conseil.

Pour faire ce rapport, ilmefallut analyser la Divine

Comédie du Dante, et j'eus recours aux nombreux

écrits que ses critiques, jaloux de sa gloire, avaient

répandus sur toute la surface duglobe, parce que la

Divine Comédie avait pénétrépartout.

Un examen approfondi de la brochure de M.Aroux

mefit comprendre le véritable motifqui l'avait inspirée.

Il y avait une quinzaine d'années que M. Aroux

avait fait imprimer une traduction en vers de la Divine

Comédie ; mais le public avait été assez indifférent pour

cette nouvelle traduction, et cela se conçoit lorsqu'on

se rappelle que cette œuvre sublime avait eu quatre

vingts éditions dans les diverses parties de l'Europe.

Pour tâcher de fairesortir la sienne des magasins de

son libraire, M. Aroux avait imaginé d'interpréter

l'œuvre du Dante dans un sensinconnu jusqu'alors, et

Page 101: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 04 -

defaire de l'illustre poëte un révolutionnaire, un socia

liste, un hérétique: tel est le titre que portait un com

mentaire de cinq cents pages, que M.Aroux dédia au

pape actuel Pie IX. -

Mais malgré sa dédicace, le commentaire subit le

sort de la traduction, et l'auteur enétait pour ses avan

ces, lorsqu'il imagina de rendre la Maçonnerie soli

daire de sa rancune contre la papauté.

Il publia un écrit dans lequel il reconnaissait l'erreur

dans laquelle lespapes étaient tombés, « en croyant la

« Maçonnerie dirigée contre le christianisme, tandis

« qu'elle n'est opposée en réalité, disait-il,qu'à l'Église

« romaine, dont les chefs ne s'abusant pas sur lapor

« tée réelle de l'Institution maç. ., l'avaient frappée

« mainte fois d'excommunication. »

Ainsi,suivantM. Aroux, les papes qui ont lancé des

excommunicationscontre la Franc-Maçonnerie,ne l'ont

fait que parce qu'ils ont cru qu'elle menaçait non

pas la religion catholique, mais l'Eglise qu'ils lui ont

substituée, et qu'ils ont appelée l'Eglise romaine, ce

qui fait, selon M. Aroux, que ce sont les papes et non

pas les Francs-Maçons qui sont les hérétiques.

Cela explique l'idée qu'eutM. Aroux d'offrir au G. .

O. .,pour être déposé dans sa bibliothèque,un exem

plaire de son œuvre intitulée : l'Hérésie du Dante.

Mais alors on se demande pourquoiM.Aroux, appelant

le Dante hérétique, révolutionnaire et socialiste, n'a

pas expliqué la nature de cette hérésie, qui, au lieu

d'accuser Dante, aurait placé sur sa tête une couronne

encore plus belle que celle quiy brillait déjà.

Page 102: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 105 -

«Aquelles erreurs l'amour-propre ne nous entraîne

t-il pas? L'écrit de M. Aroux fut déposé dans la bi

bliothèque. »

LIX

Achèvement duTemple maç..

Pendant que le prince Grand Maître s'occupait de la

prospérité morale de la Maçonnerie, l'édifice matériel

s'élevait avec rapidité. Le marteau retentissait de toutes

parts, et le Temple s'élevait rapidement sur les débris

de l'édifice.

Toutefois, le travail ne s'accomplissait pas sans ex

citer les murmures de quelques mécontents, qui rail

laient soitpar jalousie, soit par d'autres motifs.

Ils disaient hautement que cette entreprise était un

acte de folie, et que les LL. .. qui devaient en suppor

ter la dépense nepouvaient pas manquer de se dissou

dre, parce que la génération actuelle ne verrait pas la

fin de cette entreprise gigantesque.

Mais que peuvent la haine, l'envie et les autres mi

sérablespassions, contre les hautes conceptions dugé

nie? Le Grand Maître avait dit : Qu'un Temple digne

de la Maçonnerie française soit élevé, et ce temple

existait.

Il faut le dire aussi, les ouvriers l'avaient merveil

leusement secondé;il avait frappéun coup de maillet,

et ce coup, répétépar les surveillants sur les deux co

lonnes, avait excité ce zèle, cette activitéqui donnent

Page 103: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– l06 -

lavie au travail. Animés du même esprit,ils s'écriaient

en chœur :

Recodantvelera !

Nova sint omnia,

Corda,voces et opera!

Aussi, en bien moins de temps qu'il n'en faut pour

faire un Compagnon,unTemple immense a été élevé;

il renferme de vastes et de spacieux locaux dans les

quels peuvent siéger et l'Assemblée législative, et tous

les Atel.·. de Paris, quelque nombreux qu'ilssoient, et

le Conseil, et la bibliothèque, et les archives, et les

bureaux.

Ces immenses travaux si laborieusement entrepris,

si rapidement terminés, n'avaient pu ê're conçus que

par un Maçon pénétré desgrandes idées du progrès,

d'un Maître qui n'avait pas craint de dire en arrivant

au pouvoir :

« Le G. .. O. ., représentant tous les Maçons de la

« France, doit avoir, à lui appartenant, un local assez

« vaste pour contenir le nombreux personnel créé par

« la Constitution, ainsi que les nombreuxvisiteurs at

« tirés par l'importance de ses travaux. » (Circulaire

du29 mars 1852.)

Et maintenant quelles charges la Maçonnerie a-t-elle

contractées pour élever à ce haut degré de splendeur le

Temple dont elle est propriétaire? Quelles charges?

le voici :

(

Page 104: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- l07 -

Un corps de bâtiment, élevé sur la rue, rapportera

dans quelques années . .. . . . . . .. 12,000fr.

(Il en rapporte maintenant 10,000) -

Les cotisationstemporaires des LL ·. 18000 »

La grande salle, construite sur une

partie dujardin, est louée . . . .. . . 25,000 »

Les locaux occupéspar le G. .. O. .. 20,000 »

Total. . . . . 75,000fr.

Ainsi, un local, acheté ily a dix ans au prix de

450,000fr.,vaut aujourd'hui un million et demi!

Qui donc apayé et l'achatprimitif et les travaux qui

lui ont donnéune telle plus-value?C'est, ilfaut bien le

reconnaître, la haute conception du prince G. .. Maître,

qui a opéré ce miracle. Oui, les quatre branches de

revenu que nousvenons de signaler assurent, d'une

manière certaine, et les intérêts et l'amortissement, soit

du capital primitif, soit des travaux exécutés, de telle

sorte que dans moins de vingt anstout sera soldé.

Glcire donc et reconnaissance éternelle auprince qui

a donné à l'Ordre maçonnique une si grande preuve

d'amour et de dévouement, et qui a assis sa prospérité

sur une base inébranlable ! C'est pour lui exprimer

les sentiments dont j'étais pénétré que je lui dédiai

l'Ode quejeproduis n° 1 despièces justificatives.

LX.

Tolérance maçonnique.

Si jamais on adressa aux hommes des paroles im

mortelles, ce fut sans doute le jour où retentit dans le

Page 105: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 108 -

monde cette parole si sublime, si douce : Aimez-vous

les uns les autres! --

Cette parole sainte, la Maçonnerie l'a recueillie, et

en a fait la base de sa doctrine, ayant appris par elle

qu'en dehors de l'humanité, il existait un principe su

périeur, celui qui a tout créé , par qui tout est con

servé, et qui a prononcé cette sainte parole.

L'existence de Dieu a été le point de départ de la

Franc-Maçonnerie, pour asseoir sa doctrine; mais si

cette doctrine a produit le culte pur et simple par le

quel les Francs-Mlaçons rendent hommageà Dieu, sans

oracles, sans pontifes, de quelle surprise n'est-on pas

saisi quand on voit de quelle manière, dans le monde

profane, des hommes se disant religieux prétendent

l'adorer !

Le pontife qui règne sur les chrétiens, le pape

actuel, entraîné par les vociférations de quelques fré

nétiques, avait, par une lettre de 1846, confirmé la

bulle que quelques-uns de ses prédécesseurs avaient

lancée contre les Francs-Maçons, bulle qui n'était

applicable qu'aux sujets de l'État romain, ainsi que

nous l'avons démontré, et qui cependant a occasionné

tant de désastres , même dans les contrées les plus

éloignées.

L'un des fanatiques du siècle, l'évêque de l'île Mau

rice,à peine installé sur son siége, publia un mande

ment dans lequel, après avoir dit que le Christ n'était

point venu au mondepour apporter la paix, mais le

glaive, il avait lancé l'excommunication contre tous les

habitants de l'île qui pratiqueraient la Franc-Maçonne

Page 106: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– l09 -

rie, ou qui, lui ayant appartenu, ne déclareraient pas

solennellement s'en séparer.

Par suite de ce mandement, la sépulture religieuse

avait été refusée à plusieurs Maçons, qui avaient cru

devoir rester fidèlesà une doctrine baséesur la morale

de l'Évangile.

Les familles de ces FF..., doublement regrettés,

eurent la pensée de faire demander au clergé de la

cathédrale de Paris un service funèbre, dans lequel se

raient récitées, pour eux, les prières que leur évêque

leur avait refusées.

Cette demande,transmise au clergé de Notre-Dame,

par le F.-. Descombes, trésorier du Sénat, fut accueil

lie favorablement. -

LXI.

Cérémonie funèbre dans I'église de Notre-IDame,

en faveur des Maçons exeommuniés par I'évêque

de l'île Maurice.

Une cérémonie funèbre et solennelle fut indiquée

pour le 20juillet 1858; la Maçonnerie françaiseyfut

invitée, et le prince Grand Maître fit convoquer extraor

dinairement,pouryassister, et le G.·.O.·., et les mem

bres duConseil, et lesVén. .. de Paris et de la banlieue.

« Cette imposante cérémonie, dit le Bulletin duG. .

« O. ., révéla au monde profane un phénomène du

« caractère le plus élevé. Ily avait là trois cents Ma

« çons,graves, recueillis, et dans une attitude qui dé

« mentait hautement les accusations d'impiété dont

Page 107: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

« leurs calomniateurs prétendent les salir, mais qui,

« en protestant de leurs sentiments religieux, affirment

« que poureux la religion est indépendante et prescrit

« la tolérance. »

Mais, le croira-t-on? on a osé flétrir cette preuve

admirable des sentiments les plus maç.. et les plus

religieux par une calomnie à laquelle on n'a pas

craint de mêler le clergé de Paris lui-même ; on a osé

dire que, pour obtenir la cérémonie funèbre dont il est

question, le G. .. O. .. avait dépensé une somme de

six mille francs ?

Le clergé avait donc étésuborné, et le G. .. O. .

avait été le suborneur ! La calomnie, la hainepeuvent

elles aller si loin !

LXII.

Charité maçonnique ou Maison de Secours

dlun G.°., O.°.

En prenant la direction du Gouvernement maç. ".,

le prince G... M.·. avait adresséà toutes les LL.°. une

circulaire qui faisait connaître et sa haute intelligence

et la noblesse de son cœur.

Répétons ses nobles paroles :

« Prêter l'oreille, disait-il, à tous les gémissements

« de quelque part qu'ils se fassent entendre, offrir

« une main secourable à toutes les infortunes, soula

« ger toutes les misères, en quelque lieu qu'on les

« rencontre; en un mot, verser des bienfaits sur l'hu

« manité tout entière : voilà notre mission.

Page 108: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– | 1 | -

Tel était le langage du prince.

Cette auguste mission, le Grand Maître l'a-t-il rem

plie?Quipourrait en douter lorsqu'on lit dans les Sta

tuts généraux de l'Ordre, rédigés par ses soins, les

prévisions relatives à la Maison de Secours ?

Jusqu'à l'avénement duprince Murat, les revenus de

cette Maison n'étaient qu'éventuels; ils ne consistaient

qu'en dons volontaires et en subsides insignifiants ;

aussi, en 1856, au lieu d'avoir aucune réserve, cette

maison était-elle endetlée de7 à800 francs.

Grâce à la sollicitude du G... M.°., secondée par la

Commission qui fut nommée à cette époque, non-seu

lement on a distribué à toutes les infortunes des se

cours supérieurs à ceux qu'on donnait auparavant,

mais on est parvenuà luifaire une caisse, dans laquelle

se trouvaient, lors de la révolution de 1861, trois

cents actions de la Société civile, rapportant 1,500fr.

de rente, hypothéqués sur l'immeuble du G... O... !!!

Arrivons maintenant à un événement désastreux.

LXIII.

Hndemnité au représentant du G. .. M..

Le F. .. Rexès,il faut le dire, avait sacrifié plusieurs

années à seconder le G... M. .. dans sa sollicitudepour

l'érection du Temple ; mais, par suite de circonstan

ces particulières, il crut devoir donner sa démission

de représentant du G. .. M.·.

Le prince, par un décret du 2 décembre 1859,

accepta cette démission; mais il invita le F. .. Rexèsà

Page 109: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 1 |2 -

continuer ses fonctions jusqu'à ce qu'il eût pourvu

à son remplacement.

On arriva ainsi au mois de juin 1860; et, dans la

séance du 11 dudit mois, qui était présidée par le

F. .. Rexès, ceF... exposaque le prince était résoluà ne

plus se trouver dans la nécessité de demanderà quel

ques FF...un dévouement etune abnégation complets;

et attendu que la situation financière du G. .. O. .. lui

permettait d'accorder uneindemnité, exigée par l'im

portance des travaux, aux FF... qui secondaient le

G.. M.°., celui-ci invitait le Conseilà lui indiquer le

chiffre auquel il croyait devoir fixer cette indemnité.

Le Conseil reconnut lajustice d'unetelle demande, et

fixa l'indemnitéà accorder à9,000fr. par an.

Le prince adopta ce chiffre ; mais, prévoyant les

murmures qu'une telle mesure ne pouvait pas man

quer de provoquer, et les inconvénients dont elle serait

entourée, en plaçant le représentant du Grand Maître

dans une fausse position, si c'était à lui que l'indemnité

était accordée, je crus devoir lui adresser la lettre sui

Vante : -

« Paris, 11 juillet 1860.

« Monseigneur,

« Avant que Votre A. R. fût élevée à la dignité de

G.-. M. .. de la Maçonnerie française, l'Institution était

d'autant plus facile à administrer que son budget an

nuel ne s'élevait que de 20 à 25,000fr., destinés à

rétribuer quelques employés, à payer un loyer et à

faire quelques actes de bienfaisance.

Page 110: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 1 13 -

« Aujourd'hui que ce budget dépasse 200,000fr., et

qu'il repose principalement sur une vaste propriété,

dont l'administration exigeune surveillance continuelle,

et impose une grande responsabilité, est-il étonnant

que le T. .. C... F. .. Rexès se soit trouvé dans la né

cessité de donner sa démission?

« Éclairépar l'expérience, votre A. R. a décidé,en

l'acceptant, que les fonctions rempliesjusqu'au21juin

par le F. .. Rexès seraient désormais confiées à un

membre de votre Conseil, et qu'elles seraient rétribuées

à raison de 9,000 fr.par an, conformémentàune dé

cision de votre Conseil.

« Rien de plusjuste, Monseigneur, qu'une telle déci

sion ; car, comme vous le dites fort bien , il ne peut

pas convenir à la dignité de la Maçonnerie, de de

mander à l'un deses membres le sacrifice de ses forces

àntellectuelles et de sa liberté, alors que l'état de ses

finances permet d'entrer dans la voie de la compen

sation.

« Mais qu'il me soitpermis de vous le dire,Monsei

gneur, l'exécution de votre décision présente degrandes

difficultés ; soit que votre choixtombe surun Frère

tout à fait indépendant et par sa fortune et par sa po

sition sociale, soit que vous nommiezun F. .. dont le

travail est nécessaire à sa famille, dans l'un comme

dans l'autre cas, le F. .. nommé sera fort malà l'aise,

soit vis-à-vis du Conseil, soit vis-à-vis d'une Assem

blée dont tous les membres remplissent des fonctions

gratuites dans l'Ordre, et sont par conséquenttoutà

fait indépendants.

- 8

Page 111: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– i l 4 -

« Pour vaincre la difficulté, voici, Monseigneur.

une idée qui peut mettre votre A. R. sur la voie de

la solution.

« Dans la pensée que Votre A. R. doit, par suite

de la retraite du F. .. Rexès, être dans unegrande

perplexité, au sujet de son remplacement, que nous

jugeons tous devoir être très-difficile, et dans cette

pensée aussi qu'un sentiment, peut-être exagéré, de

dignité empêcherait le remplaçantd'accepterune situa

tion où il serait rétribué, j'ai cru pouvoir, Monsei

gneur, me permettre de vous faire part d'une idée

qui peut-être vous donnerait le moyen de conserver

à l'Ordre lesservices si utiles d'un F. .. quenous aimons

tOuS.

« Il me semble que Votre A. R.pourrait confier la

direction de toutes les affaires duG. .. O. .. à une com

mission de trois membres pris dans le sein du Conseil,

sous le titre deCommission administrative du G. ·. O. .

de France.

«Cette Commission serait présidée par un Grand

Maître Adjoint, qui serait chargé de la haute direction

de toutes les parties duservice.

«Ses trois collègues, sous le simple titre d'adminis

trateurs, seraient chargés d'étudier toutes les affaires

susceptibles d'un examen sérieux.

« La Commission s'assembleraitunefoisparsemaine

pour délibérersur les affaires qui lui seraient soumises.

« LeG. .. M. .. Adjoint se rendrait tous les jours au

G. .. O. ., où il resterait de 2jusqu'à 5 heures.

«Ni les uns ni les autres ne recevraient aucunein

Page 112: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

-- 1 15 -

demnité, mais il leur serait alloué des jetons de prè

sence, dont la valeur serait de 20 fr. Ce qui ferait,

pour le G. .. M. .. Adjoint environ 500jetons par an,

soit. .. , . .. . .. . .. . , 6,000 fr.

«Chaque administrateur aurait aussi

environ 50 jetons par an, soit pour les

trois 150jetons,valant . . . . .. 5,000

« Ensemble, . .. . 9,000 fr.

«Somme égaleà celle votée par le Conseil.

« L'usage des jetons de présence existe dans toutes

les grandes administrations, et partout il est consi

déré comme une rémunération honorifique, et non pas

comme un salaire.

« Il est vraiqu'au lieu de 9,000fr., leG. .. M. ..Ad

joint n'aurait que 6,000 fr., mais au moyen de cette

réduction, sa dignité ne serait point affaiblie, son

amour-propre n'éprouverait aucune atteinte.

« J'ai l'honneur d'être, etc. »

Le prince crut ne devoir pas s'arrêter à ces obser

vations, et par décret du 17 du même mois de juillet,

il désigna le F... Rexès pour exercer les fonctions

de représentant particulier duG. .. M. .., lui accordant

le traitement de 9,000 fr. voté par le Conseil.

Ce décret, ainsi que je l'avais prévu, fit jeter les

hauts cris; il fut le point de départ de l'opposition qui

se leva contre le prince; il devint ensuite l'un des

prétextespar lesquels elle se manifesta.

Je ne ferai pas ici l'historique des événements qui

Page 113: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 1 1 6 -

eurent lieu lorsque les pouvoirs du prince allaient

expirer; le souvenir en est trop pénible, ne le réveil

lonspas.

LXIV.

Expiration des pouvoirs du G.°.M.°.

Je ne relaterai ni les pamphlets qui furent répandus

ni l'intervention même des journaux politiques.

Je dirai seulement que les ennemis du prince réu

nirent tous leurs efforts pour le renverser, au mo

ment de l'élection, et que, devantune opposition aussi

acharnée, le prince prit la résolution irrévocable de se

retirer.

Devant les événements et le tumulte qui se passaient

auG. .. O. ., l'autoritéintervint, et renvoya l'élection

au 24 octobre suivant.

LXV.

Nomination des FF... IBoubée et Desanlis pour

administrer le G.°. O.°. pendant la retraite du

G.°. M.°. jusqu'à l'expiration de ses pouvoirs.

Je fus chargé, par un décret spécial, d'exercer les

fonctions de Grand Maître,de concert avec le F. .. De

sanlis, jusqu'à l'époque de l'élection.

Voici le décret duGrand Maître, en date du 29juil

let 1860,ainsi que la lettre de notification.

Page 114: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

-- - 117 -

GrandOrient de France.

SUPRÊME CONSEIL POUR LA FRANCE ET LES POSSESSIONS FRANÇAISES,

Paris, 1er août 1860.

lll. .. etT. .. C.°. F.°.,

« Nous avons la faveur de vous adresser sous ce pli

copie d'un décret du G.-. Maître de l'Ordre, qui vous

investit detrès-hautes ettrès-honorables attributions.

«A raison des nouvelles fonctions quivous incom

bent, nous comptons avoir la faveur de vous voir pro

chainement au Grand Orient.

« Dans cette pensée, nous vous présentons, Ill... et

T.•. C.•. F.°., la nouvelle assurance detous nossenti

ments d'estime et d'affection fraternelles.

« Le Représentantparticulier du Grand Maître,

Grand Officier d'honneur de l'Ordre,

« Signé: RExÈs. »

DÉCRET.

« Nous, prince Lucien Murat, Grand Maître de

l'Ordre Maçonnique en France ; -

«Considérantque, malgré lesavertissements de toute

nature que nous n'avons cessé de donner à la Maçon

nerie, touchant le but plein de dangers vers lequel on

cherche à l'entraîner, l'esprit et les tendances anti-ma

çonniques des meneurs trouvent encore des soutiens

dansun certain nombre de Frères honnêtes, mais abu

Page 115: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- l 18 -

sés, ce qui rend notre intervention personnelle tout à

fait désagréable ; -

«Voulant cependant que laMaçonneriesoit respectée

dans son caractère et ses principes, qu'elle ne soit pas

laissée sans défense devant l'audace de ses ennemis, et

qu'une juste répression atteigne les fauteurs de désor

dres ;

« Vu l'art. 32 de la Constitution,

« Avons décrété et décrétons :

«ART. 1er.-Les lll... FF...Boubée et IJesanlis sont

délégués par nous, avec pleins pouvoirs pour exercer,

d'accord avec le Conseil du Grand Maitre et notre re

présentant particulier, l'Ill... et respectable F. .. Rexès,

les attributions de l'autorité suprême, jusqu'au jour

où, notre mandat étant expiré, notre successeur devra

être élu. -

ART. 2. -Nous nous réservons toutefois, lorsque

nous le jugerons nécessaire dans l'intérêt de l'Ordre, de

rentrer dans l'exercice de notre autorité, mais sans

outrepasser la limite de durée des pouvoirs que nous

noussommesimposés en acceptant lagrande maîtrise.

ART.5. -Notre représentant particulier est chargé

de la notification du présent décret.

« Donnéà notre châteaude Buzenval, le 29 juillet1860 (È..v.'.)

« Le Grand Maître de l'Ordre maçonnique en France,

Signé : LuCIEN MURAT. »

Par le Grand Mlaître :

Le Représentant particulier,

( rand Officier d'honneur de l'Ordre,

RExÈs.

Page 116: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

-- l 19 -

Quelques jours après, je reçus du F. .. Desanlis

la lettre suivante : -

LXVI,

LlBémission du F.". besanlis.

« Mon T. .. C. .. F. .., j'ai la faveur de vous infor

« mer que j'ai adresséà notre Ill... G.·. M. .. ma dé

« mission des pouvoirs qui m'avaient été confiés. Je

« vous invite à en donner connaissance au Conseil.

«J'ai la faveur d'être, etc.

Signé : DESANLIs.

Quels étaient les motifs qui avaient engagé le F. .

Desanlis à prendre cette étrange résolution? Aurait

il été suborné par les ennemis du prince, dont les

manœuvres et les espérances lui avaient été communi

quées? Le F. .. Desanlis ne me fit aucune confidence,

et me laissa seul à la tête de l'administration.

LXVII.

Nomination d'une Commission de cinq membres,

approuvée par le MIinistre de l'intérieur.

Nevoulantpasassumer sur moi seul la responsabi

lité que j'avais partagée avec le F. .. Desanlis, je

proposai immédiatement au prince de nommer une

Commission de cinq membres, qui serait chargée

Page 117: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

-- I20 -

d'exercer le pouvoir dirigeant jusqu'à la nomination

d'un G.•. M.•.

Ainsi que je l'avais demandé, le prince composa la

Commission des FF.•. :

DoUMET, qui était G.-. M. .. adjoint ;

JANNIN, qui était grand dignitaire ;

BoUBÉE,

DARRAGoN,

RExÈs, qui était le représentant particulier.

qui étaientGG.. Offic... d'hon..;

Le premier acte de cette Commission fut de porter

sa nomination, pour la faire régulariser, à la connais

sance du Ministre de l'intérieur, qui lui fit immédiate

ment la réponse suivante :

« Paris, Ie 30 octobre 1860.

« A messieurs les Membres de la Commission

« chargée de l'administration de la Franc-Maçonne

« rie du G. .. O. .

« Messieurs, j'ai reçu, avec la demande que vous

« m'avez adressée, pour être autorisés à vous réunir

« à l'hôtel du G.°. O. ., les Statuts généraux de

« l'Ordre maç.., quisont en ce moment l'objet de mon

«( 6X8I16Il. -

« En attendant que je soisà même d'accorder une

« autorisation régulière auG.°. O.°.,je vous invite d

« conserver les attributions qui vous ont été confiées

« par décret de Son Altesse le prince Murat. Vous

-----------

Page 118: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- |21 -

« pouvez, en conséquence,vous réunir pour remplir le

« mandat dont vous êtes investis.

« Je vousprie de vouloir bien m'indiquer, le plus

« tôt possible, les LL.. de votre obédience que vous

« jugerezdevoir être autorisées. »

Dès ce moment, les ennemis du prince changèrent

de tactique; ce ne fut plus sur lesjournauxpolitiques

qu'ils s'appuyèrent, c'est le Conseil de l'Ordre qu'ils

associèrent à leurs batteries; et, d'accord avec lui, ils

suscitèrent à la Commission tous les obstacles qu'ils

purent inventer.

l,XVIII.

Nomination, en 1861, du maréchal Magnan, par

I'Empereur, à la dignité de G. .. M. .

Enfin, le Moniteur du 2janvier 1861 annonça la

nomination faite par l'Empereur du maréchal Magnan

comme Grand Maître de la Maçonnerie française du

G.'. 0.°. de France. -

LXIX.

Communication de tous les grades au maréchal

Magnan par la Commission.

Le maréchal Magnan n'était pas Franc-Maçon; la

Commission se rendit près de lui pour le féliciter et

Page 119: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– l22 -

lui offrir de lui conférer les divers grades de la Maçon

nerie, aujour, à l'heure et dans le lieu qu'il luiplai

rait de fixer lui-même.

ll fut convenu que ce serait le lendemain, à trois

heures, dans le local duG. .. O. . -

Le maréchalfut exact : tous lesgradesjusqu'au55°

luifurent communiqués; il en témoigna sa satisfaction

à tous les membres de la Commission, et il leur donna

l'accolade fraternelle, qu'il accompagna des paroles les

plus bienveillantes pour chacun d'eux.

Enfin, il ajourna sa seconde entrevue au jour qu'il

indiquerait, après qu'il aurait reçu le décret de sa no

mination.

Ce décret parut dans le Moniteur troisjours après;

mais, au lieu d'un message, le maréchal adressa, non

pasà la Commission, mais aux employés du G.°.O.°.,

un adjoint qu'il avait nommé, et qui, sans s'occuper

de la Commission, donna aux employés, du ton im

périeux qui lui était habituel, l'ordre de tenir le local

prêt pour l'installation du nouveauGrand Maître, qui

devait avoir lieu le lendemain.

LXX.

lIngratitude envers la Commission.

La Commission, qui ne se doutait de rien, attendit,

le lendemain, le maréchal, dansson cabinet.

Le maréchal arrivc, en effet, à l'heurc indiquée; il

Page 120: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 123 -

est conduit directement danstout autre local que celui

oùil était attendu par la Commission, et son installa

tion a lieu, en présence et aux applaudissements des

membres du Conseil du G.°. M.°., de ces hommes ré

solus qui, après avoir hautement protesté contre toute

nomination qui ne serait pas le produit de l'élection,

étaient venus se courber aux pieds d'un Grand

Maître nommépar l'Empereur, colorant leur contra

diction intéressée de ce prétexte commode, qu'en con

tinuant leurs fonctions sous un tel chef, ils ne fai

saient que s'incliner devant le pouvoir. (Circulaire du

18janvier 1861.)

LXXI

Réintégration du F... ElBoubée à la dignité de G. .

Off.°. d'honneur du G.°. O. ..par le maréchal avant

sa mort, et confirmation par le général Mellinet,

elu à sa place.

Nous n'ajouterons qu'une chose à ce que nous avons

ditsur la manière dont s'opéra cette étrange révolution,

c'est que les membres de la Commission avaient été

indignement calomniés auprès du maréchalMagnan; et

ce qui le prouve, c'est que l'un des Grands Maîtres

adjoints par lui nommés fut révoqué quelque temps

après, et queje fus rétabli, par un décret spécial du

maréchal, dans la dignité de G. .. Officier d'honneur

duG. ..O. , de France.

Page 121: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- l24 -

Comment cette révolution avait-elle été opérée ?

Quels en furent lesinstigateurs? Nousgarderons le si

lence sur ces questions, par une raison toute simple :

c'est que nous avons tout oublié, et que nous ne pu

blions que nos souvenirs. Nous dirons seulement, et

c'est par là que nousterminerons ces mémoires, que

le prince Murat n'a pas oublié les hommes qui lui ont

été dévoués, et que, le 19 novembre 1865,il a eu la

bonté de m'adresser la lettre suivante, que je conser

verai précieusement, et que je crois devoir mettre

sous les yeux de mes lecteurs.

((

((

LXXII.

Lettre duprince Lueien Murat à l'auteur de ces

Mémoires.

« Mon cher Boubée,

« J'ai lu avec plaisirvos vers et la lettre par la

quelle vous me les avez envoyés (c'était l'Ode que

je lui avais dédiée et que je produis sous le n° 4).

Rien n'estplus honorable que le sentiment qui vous

a inspiré; en lisant votre ode, j'ai éprouvéune fois

de plus le regret que l'influence des hommesde votre

mérite n'ait pas pu prévaloir au sein de la Franc- *

Maçonnerie.

« Le souvenir de ces braves Maçons qui sont restés

fidèlesà l'esprit fraternel de leur Institution seratou

jours cher à mon cœur; et quine sait que parmi

euxvous occupez le premier rang?

Page 122: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 125 -

« Quant aux conflits que vous me rappelez,je les

« ai oubliés : je suis aussi indifférent pour l'ingrati

« tude que sensible à l'endroit de la solide et constante

« amitié.

« Recevez, mon cher Boubée, l'assurance de toute

« mon estime et de mon affection bien sincère.

« LUCIEN MURAT. »

Leprince Murat m'avait élevéà la dignité deGrand

Officier d'honneur de l'Ordre par un décret en date

du 25 mai 1860.

LesTT... Ill... GG.. MM.., le maréchal Magnan,

et le général Mellinet n'ont pas été moins bons pour

moi. Ils m'ont confirmé dans cette dignité, le premier

parun décret en date du 7 novembre 1861, le second

par un autre décret en date du 17 mai 1865.

Voici ces trois décrets, dans lesquels se sont fondus

tous mes souvenirs maçonniques.

1er DÉCRET.

Grandl Orient de France.

sUPRÊME CoNSEIL poUR LA FRANCE ET LES PosSESSIONS FRANÇAISES.

A la Gloire du G.°. A.°. de l'Un. .

Nous, prince Lucien Murat, Grand Maître de

l'Ordre Maçonnique en France;

Attenduque le mandat duF. .. Boubéecomme mem

bre de notre Conseil est expiré;

Page 123: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- l26 -

Considérant que cet Ill... Frère n'a cessé pendant

toute sa carrière de donner à l'Ordre les témoignages

les plus éclatants de dévouement, et qu'il lui a rendu

les services les plus réels, tantparses travaux littéraires

que par les beaux exemples de sa vie maçonnique et

profane ;

Voulant conserver au gouvernement de l'Ordre le

concours précieux des lumières de cet Ill.°. F.°., et

donnerun témoignage de notre estime et de notre af

fection à ce doyen de la Maçonnerie française ;

Vu les art. 51 et 54 de la Constitution ;

Avons décrété et décrétons :

ART. 1°r.-Le F.°. Boubée, membre du G... Col

lége des Rites et de l'Institut dogmatique, est élevé à

la dignité de GrandOfficier d'honneur de l'Ordre.

ART. 2.- Notre représentantparticulier est chargé

de la notification du présent décret.

Donnéà l'O... de Paris, le 25 mai 1860

Le Grand Maitre

de l'Ordre Maçonnique en France,

Signé : LUCIEN MURAT.

Par le Grand Maître :

Le Représentant particulier du Grand Maitre,

Grand Officier d'honneur de l'Ordre,

Signé: RExÈs.

Page 124: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 127 -

2° DÉCRET.

Grand Orient de Franee.

sUPRÈME CONSEIL PoUR LA FRANCE ET LES POSSESSIONS FRANÇAIsEs .

O.°. de Paris, le 7 novembre1861.

A l'Ill. .. F. .. Boubée, 55e.

Ill. .. etT. .. C. .. F. .,

J'ai la faveur de vous adresser ci-joint ampliation

du décret de notre T. .. Ill... Grand Maître, qui vous

nomme Grand Officier d'honneur de l'Ordre.

Je suis heureux de porter à votre connaissance ce

témoignage d'estime de notre Ill... Chef, et vous prie

d'agréer, avec mes félicitations bien sincères, l'assu

rance de messentiments affectueux.

Pour le Grand Maître adjoint, chargé de l'adminis

tration, en congé,

Le Grand Maître adjoint,

Chargédes relations avec les GG.e.OO.°. étrangers,

LENGLÉ.

3e DÉCRET.

Grand Orient de France.

sUrRÈME CONSEIL POUR LA FRANCE ET LES PossESSIONs FRANÇAISES.

Orient de Paris, 17 mai 1865.

J'ai la faveur de vous adresser ci-joint ampliation

du décret de notre T.-. Ill. .. Grand Maître, qui vous

nomme Officier d'honneur.

Je suis heureux d'avoir à porter à votre connais

----- _ - _ ____------ ----------------------------------- -- . -

----

---- -----------

--T -- ------------ - - ----- ----------------- - --

Page 125: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 128 -

sance ce témoignage d'estime de notre T. .. Ill. .. Chef,

et de sa haute appréciation de votre zèle et de vos

Lum... maçonniques.

Agréez, Ill. .. et T... C.·. F. ., avec mes sincères

félicitations, l'assurance de mes sentiments bien frater

nels.

Le Grand Maitre adjoint,

LENGLÉ.

J'ai oublié de rappeler que,dans l'intervalle qui s'é

coula de la nomination du maréchal Magnan au jour

de son installation, je lui remis, sur sa demande, outre

un exemplaire de mes Études philosophiques et ma

çonniques, un exemplaire de mon Ode à la Vapeur,

quej'avais prononcée quelquesjours auparavant dans

le sein de la L. .. Jérusalem des Vallées égyptiennes,

pièce qui avait été accueillie avec enthousiasme, et

dontun de mes collègues de laCommission avait parlé

au maréchal, lorsque nous lui conférâmes les grades,

aussitôt après sa nomination.

Qu'on me permette de produire cette pièce, au mo

ment où le câble transatlantique vient de permettre à

l'Europe de donner en réalité la main à l'Amérique,

ainsi que mon Ode l'avait prévu.

Pièce justificative n° 5.

Je produis aussi, sous le n°6, à la demande de

plusieurs FF.., le poëme de Misraim, quifut publié

en 1845, et dont il ne me reste plus qu'un seul exem

plaire.

---------

Page 126: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

PIÈCES JUSTIFICATIVES

NNo 11.

DE L'ORIGINE

" ET

DE L'ÉTABLISSEMENT DE LA MAçoNNERIE

EN FRANCE

D'unetrop longue nuit dissipez le nuage,

Et nosderniers neveux béniront votre ouvrage.

(Init. d'Homère aux mystères maç..)

Une société répandue sur toute la surface duglobe,

quise perd dans la nuit des siècles, quifut souventtour

mentée, qu'on a toujours calomniée, et qui brille enfin

aujourd'hui,sous laprotection du plusgranddessouve

rains, d'un immortel éclat, une telle société doit né

cessairement attirer les regards des amis de la philo

sophie, et exciter les recherches des sectateurs de la

vérité. Quelle est-elle? quelle est son origine? com

ment et depuis quand s'est-elle introduite parmi nous?

Voilà les premières questions qui s'offrent naturelle

ment, quand on a franchi la barrière quisépare l'ordre

maç.·. du reste de la société, et cet ordre ne peut que

gagnerà leur développement,puisqu'il est destiné,par

9

------- -- -- --------- --

Page 127: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 130 -

son essence, à passer les hommes au creuset des épreu

- ves pour les rendre meilleurs et plus heureux.

On peut définir la Maç.. le point de réunion d'une

classe d'hommes, unis entre eux par les liens de l'es

time et de l'amitié. Lien consolateur! institution su

blime!ton culte, en France, ne date pas de plusieurs

siècles; quelques années ont à peine éclairé tes autels

parmi nous; mais ton existence n'en est pas moinsan

tique ; ton image n'en remonte pas moins au berceau

des sociétés.

En effet, les premières créatures quifurentjetées sur

ce globe, après avoir satisfait au premier mouvement

de leursâmes, après avoir payéun tribut de reconnais

sance à celui qui les avait tirées du néant, durent s'a

percevoir bientôt qu'elles ne pouvaient vivre dans l'i

solementsans compromettre leur existence; elles durent

éprouver ce besoin impérieux du cœur qui ne puise de

félicité réelle que dans la sympathie et dans le rappro

chement. Or, puisque l'amitié, ce sentiment délicieux,

est la première base de la Maçonnerie, son principe

fut évidemment gravé dans le cœur dupremier homme

qui sortit des mains du G. .. A. .

Quoi qu'il en soit, l'ère maçonnique compte 5,808

ans (1). De là on paraît en droit de conclure que la

Maçonnerie existe réellement depuis cinquante-huit siè

cles, et ce système n'est pas sans vraisemblance. Si,

après leur chute, nos premiers parents eurent nosgoûts

et nos besoins, la terre étant nue et dépouillée, il est

(1) Ceci était éerit en 1808.

Page 128: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 131 -

certain qu'ils durent être d'abord livrés aux plus hor

ribles privations. Mais quand leur postérité eut acquis

de l'accroissement, l'industrie, appuyée du secours des

bras, dut nécessairement adoucir la rigueur de leur

sort, et cette époque remonte à Tubalkin, qui le pre

mier forgea le fer et coula les métaux. Son siècle, qui

doit être cher à tous les hommes et particulièrement

auxMaçons, fut celui de la naissance des arts, et vit

s'élever les deuxfameuses colonnes de l'antiquité, dont

l'une était de pierre, pour résister à l'eau, l'autre de

brique, pour résister au feu, deux éléments qui,selon

la prédiction d'Adam, devaient opérer la destruction

du genre humain. Gardons-nous cependant d'adopter

l'opinion qui fait descendre les Maçons des manœu

vriers qui élevèrent ces deux colonnes, ou de ceux qui

dans la suite bâtirent la tour de Babel, les pyramides

égyptiennes, ou même le temple de Salomon. Cette

opinion a pu naître du titre sous lequel nous sommes

désignés; mais l'ordre maçonnique ne doit pas plussa

naissance à des manœuvriers que l'ordre de la Jarre

tière ne doit la sienneà des tisserands. Sans doute que

ces ouvriers qu'on voudrait nous donner pour ancêtres

pouvaient exécuter matériellement de superbes pièces

d'architecture; mais leur génie fut sans doute trop

étroit pour embrasser l'étendue immense d'un édifice

dont la perfection n'est pas atteinte depuis tant de siècles.

Si parmi les Maçons, les uns aiment à se perdre

dans l'obscurité de leur origine, si d'autres s'énor

gueillissent de compter cinquante-huit siècles, il en est

qui, persuadés, comme la plupart des femmes, que la

Page 129: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– I32 -

jeunesse n'ôte rien au mérite, sont bien aises de se re

trancher quelques centaines d'années, et ne veulent

descendre que de Noé.Quoique la vérité ne gagne rien

à leur système, il ne fait du moins aucun tort à la mo

rale. L'arche dans laquelle fut sauvé le genre humain

n'est, disent-ils, que le symbole de l'âme agitée sur la

mer des passions, et échappant au déluge des vices. Ils

appuient encore leur opinion sur la fameuse tour de

Babel, quifut construite par les descendants de Noé,

pour leur servir, au besoin, de point de réunion; ils

ytrouvent beaucoup d'analogie avec les signes mysté

rieux qui réunissent les Maçons, dans quelques lieux

de la terre qu'ils se trouvent dispersés.

Après Noé, le premier fondateur qu'on donne à la

Maçonnerie est Nemroc, un de ses descendants. On dit

qu'il fut le premier qui bâtit des villes, et il passepour

avoir été le premier roi.

Quoi qu'il en soit, il est vrai de dire que les deux

peuples les plusfameux dans l'histoire maçonnique sont

les Égyptiens descendus de Cham, et les Juifs descen

dus de Sem, deux des enfants de Noé. L'Égypte porte,

en effet, dans l'Écriture, le nom de Méraim ou Mis

raim, un des descendants de Cham, et les Juifs re

connaissentpour leur père Abraham, fils de Tharé,

issu de Sem. Cherchons donc dans l'histoire de ces

deux peuples le seul flambeau qui peut nous diriger

dans le labyrinthe où nous nous sommes engagés.

Les Égyptiens sont le peuple dont il nous reste les

notions les plus étendues et les plus anciennes. Leur

Page 130: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 133 -

histoire, qui nous est transmise par les Grecs, se divise

en tempsfabuleux, temps héroïque et tempsvrai. C'est

le premier de cesâges quia donné naissance aux mys

tères d'Isis, sifameux dans les annales de cepeuple.

Tout ce qu'on démêle de vrai dans la fable de cette

déesse, c'est que la sagesse d'Osiris et les vertus de son

épouse leur firent décerner les honneurs divins par un

peuple qui avait perdu de vue les vérités primitives

pour se jeter dans l'idolâtrie, et qui s'était abruti au

point de se croire lui-même formé du limon qui ferti

lisait ses champs. Il fallait pour cela donner à l'idole

une origine surnaturelle, et la superstition avait accré

dité celte fable.

Dans la suite des temps, les sages qui ne s'étaient

pas laissé aveugler par les ténèbres de l'ignorance,

mais qui n'auraient pu fronder impunément les opi

nions vulgaires, imaginèrent du moins d'en faire leur

profit. A cet effet, ils s'emparent de l'opinion établie,

ils dressent à Isis des autels dont ils deviennent les

prêtres; ils environnent son culte d'emblèmes symbo

liques, figurant les idées extravagantes de ce peuple,

et dont ils connaissent seuls le sens secret. En même

temps,ils fondent une école où ils n'admettent que les

hommes lesplus éprouvés, à qui ils puissent sans dan

ger communiquer la science des vérités anciennes et

de celles qu'ils avaient puisées eux-mêmes dans leurs

méditations. Tous ceux qui étaient initiés dans leurs

mystères devenaient les enfants de la lumière; mais le

nombre en était très-petit; il eût été dangereux depro

diguer ces connaissances à des hommes qui n'en eus

Page 131: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- i34 -

sent pas été dignes : et la crainte de heurter un peuple

qu'il était si facile de gouverner par ses préjugés de

vait rendre très-circonspects ces sages dont la sûreté ne

reposait que sur leur secret. Aussi les épreuves les

pussévères précédaienttoujours la réception des initiés.

Ilfallait braver tous les éléments, et se montrer maître

de toutes ses passions, avant que d'être introduit dans

les secrets mystères. Ce fut avec ces précautions que

cessages firent de leurs écolesun foyer de lumières qui

se communiquèrentà la Grèce,à Rome, et se répandi

rent ensuite cheztous les peuples de l'univers.

En rapprochant la Maç.. égyptienne de celle d'au

jourd'hui, on voit que notre but et notre secret sont les

mêmes que ceux des anciens philosophes.Comme eux,

nous nous isolons du commerce des hommes,pourpra

tiquer, dans le silence, desvertus que la dépravation

semble avoir anéanties; comme eux, nous cherchons la

trace des vérités éternelles dans un sentier que lestor

rents desvices n'ontpas encore fait disparaître; comme

eux , enfin , nous enveloppons nos principes et notre

morale dans des figures symboliques qui ne sont pour

le profane que desimagesgrossières, vides de sens et

d'intérêt. Ainsi, chez eux, une figure demi nue dont la

tête était rasée à droite était le symbole parlant du

soleil, qui ne se découvrejamais en entier au mêmemo

ment à tout l'univers; les cheveux coupés dontil ne lui

restait que la racine indiquaient que cet astre inépui

sable a la faculté de renaître ; ses ailes marquaient la

rapiditédesa course; l'urne suspendue à sa main droite

annonçait qu'il est la source de tous les biens ; et le

Page 132: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 135 -

bàton augural qu'il portait à sa main gauche était

l'emblème heureux de la sollicitude avec laquelle il

prévient les besoins des mortels.

Isis, balançant sursesgenouxson fils Horus, étaitun

des hiéroglyphes lesplusingénieux et les plusvrais des

Égyptiens.Ce groupe est l'image du gouvernement et

du peuple. Peut-on mieux peindre la confiance de ce

dernier dans l'autorité qui le gouverne, que par la sé

curité avec laquelle un enfant repose sur les genoux

de sa mère?

Le peuple, s'appuyant sur le sceptre de la loi, était

représenté sous la forme d'un géant aveugle, marchant

à l'aide d'un long bâton, surmonté d'un œil ouvert.

Une langue etune main dansun même cadre étaient

pour les profanes les deux objets capables de fléchir les

dieux; la langue par les prières, la main par les of

frandes, et les initiésyvoyaient d'un seul trait les deux

facultés qui ont mis l'homme au-dessus de tous les êtres

animés, le tact et la parole. Un serpent qui mord sa

queue et qui se tue lui-même, était l'emblème du mé

chant qui doit être un jour la victime de ses crimes ;

une pie déchiquetantune feuille de laurier était l'image

de la calomnie quipersécute les sages et les savants. La

bonne foi était peinte par une figure tendant la main

gauche ; enfin cette langue parlante, que les prêtres

d'Égypte portèrentà sa perfection, avait le mérite de

l'éloquence la plus sublime et la plus savante précision ;

elle était de tous les temps, de tous les peuples, et ce

qu'elle exprimait n'était pas susceptible d'être dénaturé.

Page 133: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– f36 -

Ce fut à l'ombre de ces symboles figurés que le dépôt

des vérités premières fut intact, et que l'on força le

peuple à révérer la Divinité et à respecter ses droits,

sous les images les plus grossières et sous les formes

les plus superstitieuses.

Après avoirtracé l'origine et l'aperçu de la Maçon

nerie égyptienne, je devrais peut-être en suivre tous les

détails;je devrais dire comment les hiérophantes d'Hé

liopolis rendaient au soleil l'hommage le plus majes

tueux et le plus digne de cegrandflambeau du monde,

en faisant de son temple une sphère vivante, où l'œil

enchanté découvrait tout le mécanisme de la nature

dans ce qu'elle a de plus imposant. Je devrais parler

des recherchesque les prêtres de Memphis avaient faites

de la science numérique, et dire comment le nombre

ternaire était sacréchezeux, ainsi que chez les Maçons.

Passant ensuite au collége deThèbes, rappeler quelles

précautions ses prêtres avaient établies, et par quelles

épreuves ils s'assuraient des initiés qui voulaient con

naître les derniers secrets. Puis, parcourant successi

vement tous les peuples qui avaient formé l'école

égyptienne, les gymnosophistes deMéroë, les Mages de

l'Inde, les cénobites de Brachmé, nous trouverionssans

cesse l'image vivante de la Maçonnerie chez ces sages

uniquement occupés à l'étude des lois, des arts et de la

morale, tantôt entretenant le commerce des hommes

pour les rendre meilleurs, tantôt vivant seuls et isolés,

semblables, dit Pythagore, au laboureur qui ensemence

son champ,sans daigner s'apercevoirque dans les bois

voisins des milliers d'insectes, armés les uns contre

Page 134: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- l37 -

les autres, s'affament ou se dévorent dans leurs aveu

gles animosités. Mais les bornes qui me sont pres

crites me forcent de franchir les mystères de ces peu

ples antiques, pour nous rapprocher de la Maçonnerie

Salomonique, qui doit principalement intéresser les

Maçons d'aujourd'hui.

Ne nous arrêtons pasà la naissance du peuple juif

ni aux malheurs qui l'ont accablé dans l'empire de Pha

raon; maisfaisons avec lui le passage de la mer Rouge,

et suivons-le dans le désert où fut construite l'arche

fameuse, qui donna naissance au temple célèbre destiné

à la recevoir. Là, dans un sol aride, sans ressources,

sans provisions, nous voyons ces Arch... courageux

élever cette arche qui devait être leur point de rallie

ment, leur bouclier contre leurs ennemis, et quipro

duisit des miracles depatience, de travail etde soumis

sion. Moïse, qui les dirigeait, profita du séjour de son

peuple dans cette terre sauvage pour établir legouver

nement, fixer les fêtes, régler les cérémonies, et préparer

le peuple à la conquête de la terrepromise. Cette con

quête employa sixans; elle se termina sous la conduite

de Josué, et les Israélitesentrèrent enfin dans cette terre

qui n'aurait eu rien de remarquable sans l'enthousiasme

d'un peuple qui avait mistoute safélicitéà la posséder;

disons que ce fut à cet enthousiasme dégénéré en fana

tisme qu'on dut, dans la suite, l'idée du templefameux

votépar David et construit par Salomon.

Il serait sans doute inutile de rappeler à des Maçons

les circonstances diverses qui accompagnèrent la cons

truction de ce temple, le nom desprincipaux ouvriers,

Page 135: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 138 -

l'ordre et la distribution des travaux, ordresi admirable

et si dignedugrand architecte quiyprésidait. Il devint

le centre d'unité où les Israélites allaient porter leurs

vœux et leurs offrandes: il devint le nœud sacré de la

chaîne qui unissait les Hébreux. Aussifurent-ilsinvin

cibles tant qu'ils vinrent s'y rallier; mais lorsque la

division s'introduisit parmi eux, ils furent attaqués,

vaincusà plusieurs reprises ; leur temple fut souvent

pillé et profané, jusqu'à ce que Vespasien, ayant suc

cédé à Néron dans l'empire de Rome, leur déclara la

guerre, brûla la ville, détruisit le temple et extermina

leurs armées.

La ville de Jérusalem n'existait plus depuis deux

siècles, lorsque le grand Constantin, ayant embrassé

le Christianisme, la répara, et fit rétablir le temple

avec ses propres débris. Pour prévenir la confusion

parmi les ouvriers, les architectes adoptèrent l'ordre

et les divisions qui avaient été suivis par Salomon.

L'entreprise fut menée à sa fin et le temple fut donné

aux chrétiens, qui en jouirent pendant quelque temps;

mais les Sarrasins s'étant par la suite emparés de la

ville, il ne leur fut plus permis de célébrer leurs mys

tères ; les persécutions recommencèrent : les chré

tiens furent forcés de dissimuler leur état; plusieurs

même embrassèrent la religion de leurs persécuteurs.

Alors ceux qui étaient demeurés fidèlesà la foi de leurs

pères durent se méfier de leurs ennemis et se mettre

en garde contre leur vigilance. Leurs mesures durent

être d'autantplus sévères qu'ils avaient toutà craindre

de ceux qui avaient trahi leur Dieu. lls se trouvèrent

--

Page 136: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 139 -

dans le cas des sages de l'Égypte : à leur exemple, ils

imaginèrent deformer une société secrète, dontle motif

apparent serait de rappeler les travaux de leurs pères,

lors de la construction du temple, mais dont le but

réel tendrait à éviter toute surprise. Cette construction

leur fournissait une allégorie bien rassurante; le nom

de Maçons, qu'ils prenaient, les mettaità l'abri de tout

soupçon, et la distribution des ouvriers par classes

leur donnait le moyen de s'assurer de ceux quise pré

senteraientpour être admis.

Ce n'était qu'après avoir pris toutes les précautions

dans les deuxpremiers grades qu'on leur accordait la

maîtrise ; chaque grade avait,pour se reconnaître, des

mots et des signes particuliers, puisés dans l' histoire

de la construction du temple. Les maîtres seuls étaient

admis dans la chambre secrète. Tant que cette cham

bre était fermée, les apprentis et les compagnons en

étaient écartés ; ils en ignoraient les travaux et veil

laient à lagarde du temple. Les uns étaientplacés aux

portes, d'autres se tenaient sur le toit. On annonçait

que cedernier poste était rempli, en disant : Le temple

est couvert: et ces mots : Il pleut, exprimaient qu'il

ne l'était pas, oubien que des profanes en approchaient.

Ce fut avec ces sages précautions que ces pieux Ma

çons évitèrent les persécutions de leurs ennemis et les

vexations des infidéles.

Telfut, pendant plusieurs siècles, le but de la Ma

çonnerie Salomonique, reléguée pour ainsi dire à Jéru

salem. Tel était son état, lorsque les Papes, assis sur

le trône de l'ancienne capitale du monde, proposèrent

Page 137: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 1 40 -

aux rois de la chrétienté de former une coalition pour

arracher cette ville des mains desSarrasins.

A leur voix, les croisades sont prêchées par tout le

monde chrétien. Rois, prêtres, nobles, roturiers, cita

dins,villageois, tout s'arme, tout part : deux cent mille

hommes, dirigés par Godefroy de Bouillon, seprésen

tent devant Jérusalem et s'en rendent maîtres; le culte

est rétabli, etpendant quelques années il brilla de toute

sa splendeur.

Cependant les Croisés, s'étant liés avec les chrétiens

qui étaient à Jérusalem, apprirent d'eux les moyens

qu'ils avaient employésjusqu'alorspour se livrerà leur

culte; des associations se formèrent, sous le nom de

Maçons libres, à l'imitation des ouvriers habiles qui

avaient autrefois construit le temple. De retour dans

leur patrie, ils rapportèrent avec eux le récit de tous

les exploits qui avaient accompagné cette expédition ;

ce qui intéressait le sépulcre, principal objet de leur

voyage, n'était pas oublié:ils racontaient partout avec

détail, et les persécutions que les chrétiens éprouvaient

avant leur arrivée, et les précautions qu'ils avaient

été forcés de prendre pour échapperà la vigilance des

infidèles.

Les Croisades avaient en même temps donné nais

sanceà un corpsfameux dans les annales de l'histoire.

Les gentilshommes qui s'étaient distingués par leurs

exploits obtinrent des potentats, dont ils étaient les su

jets, le titre de Chevaliers, et formèrent un corps qu'on

désigna sous le titre de Chevalerie militaire. Quel

ques-uns, animés par un zèle religieux, se soumirent

Page 138: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 141 -

à une règle moitié ecclésiastique, moitié militaire, et

leur association fonda la Chevalerie régulière : d'autres,

enfin, que leur naissance excluait du premier rang, et

qui n'étaient pas assez pieux pour entrer dans le se

cond, établirent ce qu'on appelle la Chevalerie sociale.

Cette dernière branche, qui se propagea comme les

deux premières, mais qui n'avait aucune règle fixe, se

noya dans le torrent des extravagances dont elle fut la

source. Il n'en futpas de même des deux autres corps.

Les Chevaliers de l'ordre Teutonique attestent encore

la gloire et la splendeur de la Chevalerie militaire,

et les Templiers, qui formaient une partie de l'ordre

régulier, et quifurent victimes de la cupidité de Phi

lippe le Bel et dupape ClémentV,occupent dans l'his

toire la place dueà leurpuissance et à leurs malheurs.

La Chevalerie fut en vogue principalement dans le

treizième siècle. Les souverains toléraient cet esprit

belliqueux, parce qu'ils n'auraient pu, sans compro

mettre la tranquillité de leurs États, contrarier les goûts

de leurs sujets. Mais les mœurs s'adoucirent peu à

peu; legoût des lettres remplaça cette frénésie, et l'on

vit seformer, du sein de ces corporations, des établis

sements utiles, dont les monarques se déclarèrent les

protecteurs.

Pendant que lesgentilshommes se livraient auxexer

cices de la chevalerie, les Croisés, sous le titre de

Maçons libres, avaient des réunions particulières où

ils se plaisaient à rappeler les grades par lesquels les

chrétiens de la Palestine étaient obligés de passer,pour

parvenir à la chambre secrète. Bientôt l'enthousiasme

Page 139: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 142 -

maçonnique remplaça la fureur de la chevalerie, les

idéesse développèrent, le projet de donner un accrois

sement aux réunions des Maçons libres plut aux sou

verains; il fut protégé, encouragé, et il se répandit

chez tous les peuples. Ce fut à cette époque,vers le

milieu du treizième siècle, sous le règne d'Édouard en

Angleterre, de Jacques I° en Écosse, que Jean, fils de

Philippe de Valois, érigea en France l'ordre de l'Étoile,

dont le siége principal fut établi dans le palais de

Saint-Ouen, dit autrefois Clichy, Les chevaliers por

taient au cou une chaîne de cinq chaînons entrelacés,

de laquelle pendait sur l'estomac une étoile d'or à

cinq raies. Le roi était le grand maître de l'ordre. Il

n'y eut d'abord que trente chevaliers, choisis dans les

familles les plus distinguées; mais le nombre s'en

accrut bientôt. On y fut admis ensuite sans distinction

de naissance; et cet ordre, qui subit plusieurs déve

loppements, peut être regardé, sinon comme le prin

cipe, du moins comme le moteur principalde lasplen

deur et de l'éclat dont la Franc-Maçonnerie a brillé en

France depuis cette époque jusqu'à nos jours.

Après avoir parcouru rapidement le tableau histo

rique de l'institution maç..,jetons égalementun coup

d'œil sur ses bases,sur ses dogmes,sur ses principes.

Nous allons les trouver tous écrits dans les emblèmes

ingénieux que les Francs-Maçons ont empruntés des

patriarches de la Maçonnerie. Nous avonsvu, en effet,

en parlant des Égyptiens, comment ils avaient su ca

cher des vérités précieuses, sous des figuresinintelli

giblespour tous ceux qui n'étaient pas initiés à leurs

Page 140: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– l 43 -

secrets. Il en est de même de la Maçonnerie Salomo

nique. Lepremier objet qu'elle présente est l'ensemble

accompli de ce fameux édifice dont l'histoire a per

pétué le souvenir. L'architecture, qui remplace chezles

Maçons cette bâtisse pratique, est consacrée, sous cet

emblème, au temple qu'ils élèvent à la vertu, ouvrage

qui doit être parfait danstous ses points. La Charitéen

taille les pièces; elles sont liées par l'Amitié, ce ciment

de l'union et de l'harmonie, et l'édifice est soutenupar

la Discrétion et la Fidélité.

A la porte du temple on trouve deux colonnes à

l'instar de celles que Salomon avait fait élever dans le

parvis. L'histoire, en noustransmettant leurs noms, ne

nous a pas fait connaître leur véritable signification.

On trouve seulement dans les commentaires du troi

sième livre des Rois, que le mot hébreu J.·., de la

première colonne, répond au mot latin stabilitas, par

où on a voulu faire entendre qu'elle avait été élevée

par Dieu lui-même, et que le mot B.-. de la seconde,

répond au mot fortitudo; ce que les Maçons expri

ment en disant : Ma force est en Dieu. Au reste, il

n'est pas indifférent d'observer que cette dernière co

lonne porte le nom de cet homme pieux et charitable

qui ordonna à ses moissonneurs de laissertomber des

épis dans son champ, de manière que Ruth pût en ra

masser sans honte. Ceux qui sont assez heureux pour

faire le bien peuvent apprendre par là qu'il faut épar

gner aux infortunés la confusion de demander et de

recevoir des secours.

Entrés dans le temple, les premiers objets quifrap

Page 141: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 1 44 -

pent nos regards sont les rayons brillants de cet astre

divin qui préside sans cesse à nos travaux. La Maçon

nerie,mèrede toutes les vertus, pouvait-elle être mieux

représentée que par le Soleil,père de la nature?

Mais comment s'empêcher d'admirer les mouve

ments divers des architectes Maçons? Ici, comme à

Memphis, et comme dans le temple de Salomon, les

maîtres commandent, et les compagnons exécutent les

travaux dégrossis par les apprentis.. Subordination

admirable ! qui aurait dû détruire de fond en comble

l'absurde calomnie qui, à diverses époques, a accusé

les Maçons de se soustraire à l'autorité, ou de cons

pirer contre le pouvoir. Les Maçons conspirer contre

l'ordre établi! Eux qui, dans toutes les circonstances,

ont donné les preuves les moins équivoques de leur

amour pour la paix des États et pour le bonheur du

genre humain..... Et, sans chercher des époques re

culées, qu'on cite uneseule L. ., je ne dispasen France,

mais dans tout l'univers, qui n'ait pas accueilli avec

allégresse, et célébré avec enthousiasme l'heureuxévé

nement qui avait mis fin aux derniers troubles politi

ques de l'Europe (1)? L'ivresse des Maçonsfut telle à

cette époque, que, dans plusieurs cités, ils oublièrent

la rigueur avec laquelle ils enveloppent tous leurs tra

vaux dans le mystère, et les journaux anglais même

rapportèrent « qu'à la première nouvelle de la dernière

« paix, les Francs-Maçons avaient suspendu sur la

« coupole de leur T.-.. leur élégant pavillon, dont les

(l) La paix d'Amiens.

Page 142: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 145 -

« ondulations, réfléchies par les rayons du soleil, pré

« sentaient le coup d'œil le plus agréable. »

On demandera sans doute comment une société qui

ne nuit à personne, et qui peut être utile à tout le

monde, apu trouver des critiques et des persécuteurs.

Lespersonnages distingués qui en ont été les chefs et

les soutiensà diverses époques suffiraient pour sajus

tification, si elle ne portait avec elle-même les moyens

de repousser les attaques de ses détracteurs. Les Ma

çonspeuvent dire avec orgueil et vérité qu'il n'existe

pasun seul coin du globe où leurs travaux ne soient

consacrés par des bienfaits. Sans leur secours, la fa

mine de 1772 eût dévoré des milliers de familles dans

la Saxe. A Prague, ils ont établi un hospice pour les

pauvres et les orphelins. A Rensbourg,àStetin,àMit

tau,à Berlin,ils ontfondé desbibliothèques publiques ;

à Meningengen, ils ont institué un séminaire pour y

former des maîtres d'école ;à Dresde,à Brunswick,ils

ont rendu des services signalésà la jeunesse, en con

courantà son instruction. En France, il n'est pas de

jour où des milliers de malheureux ne bénissent des

mains généreuses et inconnues qui soutiennent leur

existence. Mais pourquoi dévoiler une partie de ces

mystères?pourquoi diminuer le prix des bienfaits en

les divulguant?N'espéronspasimposer silence aux dé

tracteurs de la Maçonnerie. Après avoir épuisé ce pré

cepte de don Bazile : La calomnie, docteur, la calom

nie, ilsfinirontpar se retrancher derrière cette maxime

de Desfontaines, quand il voulait se justifier de ses

diatribes contre l'abbé Prévost : Alger meurt de

- ----- --_ ----------

10

Page 143: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 146 -

faim, quand il est en paix avec tout le monde.

De tout ce que nousvenons de dire, on peut con

clure que la Maçonnerie a été de tous les temps, qu'il

a existé des Maçons partout où ily a eudes âmessen

sibles, et que si la vertu est àjamais exilée de la terre,

nos temples deviendront son refuge. Pour moi,je l'a

voue avec vanité,je bénirai jusqu'à ma dernière heure

l'instant heureux qui me rendit membre d'une si belle

société;je m'enorgueillirai sans cesse de lui appartenir,

etje croirai avoir acquis le plus précieux de tous les

titres sije parviens à mériter celui de zélé Maçon.

Page 144: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

COPIE DE LA PLANCHE

. TRACÉE

PAR LE F.'. PIGAULT MAUBAlLLARt,

Président du Jury de Littérature maç. .. de la R. .. l. '. de Saint

Louis des Amis Réunis,à l'O. .. de Calais,

ET ADRESSÉE

AU F... Ils o Une ÉE,

S. · .. p, · , R. · .. C. · ., lPremier Surv.*.. de la R.*. E. ' , de

l'Age d'or,à l'O. * .. de Paris,

O... de Calais, le 8e jour du 5e mois de l'an 5808

(8 mai 1808).

S,°. S. •. S.°.

T.°. C. .. ET R.°. F. .. ,

C'est avec une grande satisfaction queje m'empresse

de vous prévenir que votre intéressante pièce de prose

a obtenu le prix et la couronne, et que le bijou et le

bref vont être envoyésà notre représentant le R. .. F. .

Thory, ex.°. V.°. de la R.°. L.°. de Saint Alexandre

d'Ecosse, qui s'entendra avecvotre V. ..pour vous les

remettre dans le sein de votre atel. .. dansune séance

solennelle, convoquée ad hoc. Votre pièce, dont sans

Page 145: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

doute vous avez une copie, devra y être lue avant la

délivrance du prix et du bref.

Je suis chargé, de la part du Jury, de vousinviter

à pousser vos recherches sur la partie suivante de ce

discours : Vous semblezvouloir y rattacher la M...à

l'ordre de l'Étoile ; mais vous ne prouvez pas que cet

ordre fut maçonnique,et aucun des ouvrages que nous

avons consultés ne le prouve. ll est pourtant essentiel

et très-intéressant, pour raisons à nous connues, d'é

claircir ce pointà fond, et d'une manière qui ne laisse

aucun doute.... Veuillez donc couronner l'œuvre, en

poursuivantvos recherches, et nous faire part du ré

sultat.

Votre charmant Cantique, le Portrait d'un Franc

Maçon, avait obtenu l'accessit; maisil a dû être écarté

du concours, en vertu de l'article du Programme qui

dit qu'on ne pourra concourir pour plusieurs prix, à

peine d'être déchu du concours.

Le Jury, rendant justice à la beauté de ce Cantique,

en a ordonné l'impression à la suite du procès-verbal.

Avant l'ouverture du billet qui vous a fait connaître,

on avait écrit aux FF...Gavauxpour en avoir la mu

sique pour lejour de la fête, afin de pouvoir l'yfaire

chanter; ils n'ont pas répondu, et on a été réduit à le

lire. Il faut que ce Cantique vaille autant pour pouvoir

se passerde l'appui de la musique.Veuilleznous la faire

passer de suite. -

Sitôt que le procès-verbal de la Fête contenant les

pièces couronnées aura étéimprimé, on s'empressera

devous l'envoyer, ainsi qu'à votre R.°. L. .

Page 146: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

-T------------___ __

Voilà donc deux de nos prix dans la R. .. L... de

l'Age d'Or; ony en aurait vu un troisième si nos ré

glements ne s'y étaient opposés.

Agréez, T. .. C... F.-., mes sincères félicitations de

vos succès. Nous regrettons que votre muse ne se soit

pas occupée du premier prixen vers: l'échantillon que

vous nous en avez envoyéprouve quevotre succès au

rait été complet.

Veuillez être persuadé des sentiments fraternels avec

lesquels j'ai la faveur de voussaluer par lesN.°. M. .,

et de me dire,

T. •. C. . et R.°. F.°.,

Votre très-dévoué F. •.

PIGAULT MAUBAILLARG.

Page 147: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

V o e

ÉTUDE SUR CETTE QUESTION :

« Quelle influence la Maç.. doit-elle exercer sur l'état

« social de la Femme? »

Pour résoudre cette importante question, il est né

cessaire avant tout de jeterun coup d'œilgénéralsur le

sort de la femme dans les diverses parties du globe,

depuis la créationjusqu'à nosjours; de voirsous quels

peuples et sous quelles législations la femme a le plus

joui de ses droits, et s'il est vrai que ce soit chez les

peuples les plus avancés en civilisation qu'elle a été le

moins opprimée;il en résultera nécessairement que,

par l'influence de laMaç.., lafemme doit êtreun jour

définitivement émancipée.

Nous dironspeu de chose de la situation de la femme

dans les temps anti-diluviens; suivant le livre de

Moïse, le seul qui nous ai fait connaître ces temps,

tous les fléaux qui fondirent à cette époque sur l'hu

manité auraient été occasionnés par la femme. C'est

en cédant auxtentations du serpent qu'elle aurait déso

béi à Dieu; c'est en cédant à Eve qu'Adam aurait

partagé sa faute; et bien qu'il prévit, comme le dit

Milton, la punition qui était réservée à sa désobéis

Page 148: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- l51 -

sance, il se serait immolé à l'amour et d l'amitié

malheureuses..

C'est, en effet, par suite de cette désobéissance

qu'Adam et Éve auraient été chassés du paradister

restre; de là toutes les douleurs et toutes les infirmités,

puisque, jeté sur une terre qui ne produisait que des

ronces et des épines, l'homme ne put désormaispour

voir à sa subsistance qu'à la sueur de son front, et la

femme enfanter que dans les cris et la souffrance; d'où

il suit qu'Ève se serait placée dans cette situation

pénible d'avoir à rougir sans cesse devant Adam, et

d'être réduiteà chercher, par toutes sortes de complai

sances,à adoucir le mal qu'elle lui avait occasionné;

ce qui expliquerait, jusqu'à un certain point, la supré

matie de l'homme et l'assujettissement de la femme,à

cette première époque de la création.

Le livre de Moïse ajoute que les enfants d'Adam

s'étant multipliés, et sa postérité cédant à ses mauvais

penchants, plutôt qu'à la volonté de l'Eternel, Dieu,

justement irrité de la conduite des hommes, aurait ré

solu de les faire tous périr dans un déluge universel ;

qu'un seul obtint grâce devant lui; que ce fut Noé

qui,ayantconservé la foi et le culte de ses pères, aurait

été sauvé, ainsi que sa famille, dans une arche, dont

Dieu lui-même lui aurait tracé les dimensions, et dans

laquelle il aurait mis ses trois fils, Sem, Cham et

Japhet, ainsi que leursfemmes et leurs enfants, et un

couple de tous les animaux qui vivaient sur la terre à

cette époque.

Après que le déluge fut passé, et que les eaux se

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------------- --

- ---- -------

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- 152 -

-- -- =---- --

furent retirées, la terre se peupla de nouveau. Quel

fut le sort de la femme pendant les premiers siècles de

cette époque post-diluvienne? L'histoire appelle ces

siècles les temps fabuleux, pendant lesquels l'homme

vécut dans un état de sauvagerie, et se prévalut de sa

force poursoumettre la femmeàses caprices, ou plutôt

à ses besoins; car, dans l'état sauvage, l'homme n'est

qu'une brute, qui ne connaît de l'amour que la partie

physique;unbesoin pressant le rapproche de lafemme,

le besoin satisfait l'en sépare.

La femme fut-elle plus heureuse quand la civilisa

tion commença à s'établir? Hélas! non; carà mesure

qu'un pays se civilisait, c'est l'homme qui yfaisait

les lois, et il les faisait toutes à son avantage. C'est

ainsi que dans la Grèce, qui fut habitée peu de temps

après le déluge par les descendants de Japhet, lafemme

ne fut considérée par Cécrops, qui institua le mariage,

que comme un meuble dont il était permis au mari de

trafiquer.

Il en était de même chez les Scythes et chez les

Mèdes, où la polygamie était permise, aupoint qu'un

homme qui nepossédait pas au moins sept femmes ne

jouissait d'aucune considération. -

Quesi,dans d'autres climats, la femme,à cette épo

que, exerçaquelque empirepar sesattraits; cet empire

luifut d'autant plus funeste, que ces attraits étaient plus

puissants. Lajalousie couvrit deprisons toutes les cités

de la Chine, de la Tartarie, de la Perse et du Japon ;

elle y riva les fers de la beauté, qui, semblable aux

fleurs dont l'éclat est si passager, ne sortait de l'escla

Page 150: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 153 -

vage que pour aller sécher et périr dans le mépris et

la misère. -

Tel est encore aujourd'hui le sort desfemmes dans

ces climats, où la clôture et la servitude sont consa

crées par les lois. Une moitié du genre humain est

esclave de l'autre; une multitude de femmes, renfer

mées dans la même prison, n'ont des sens que pour

un seul homme, qu'elles sont contraintes d'aimer par

amour-propre, absorbant toutes les heures de leur exis

tence dans les intrigues, les haines, et les rivalités.

Il est vrai que dans la Chine, cette terre isolée du

reste du monde, le sort des femmes n'est pas aussi

cruel; mais il n'en est pas moins assujetti à une

affreuse tyrannie. La fille à marier est tenue dans une

retraite absolue et loin de tous les yeux, jusqu'à ce

que, demandée en mariage, le marché soit conclu

entre les parents respectifs; ce n'est que lorsqu'on est

d'accord qu'on lève le voile de la mariée, et que les

futurs époux se voient pour la première fois. Le pre

mier coup d'œil fixe le sort de la pauvre fille, dont les

journées, consacréesà l'oisiveté,sont désormais parta

gées entre les soins de sa toilette et le plaisir de fumer

unepipe d'un tabac très-doux, dont la provision est

renfermée dans une bourse richement travaillée, que

les Chinoises portent à leur côté, comme un bijou né

cessaire à leur parure, et cela,pour briller seulement

devant des femmes, car seules elles peuvent se voir et

se rendre des visites.

Si de l'Asie nouspassonsà l'Afrique, nous trouvons

partout les femmes livrèes à un esclavage plus ou

Page 151: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- |54 -

moins rigoureux; mais il est des contrées où leur sort

est aggravé par le fanatisme, qui les force à monter

avecun enthousiasme qu'entretient le point d'honneur

sur le bûcher de leurs maris et de mourir avec eux.

Plus nous nous rapprochons de l'Europe etplus nous

trouvons de l'amélioration dans le sort de la femme.

Arrêtons-nous aux deux peuples qui brillent le plus

dans l'histoire; nous voulons parler des Grecs et des

Romains. Chez lespremiers, les lois avaient tellement

adouci le sort desfemmes, que les mœurs se mirent en

contradiction avec les lois; celles-ci avaient proclamé

la sainteté du mariage, et cependant l'histoire nous

montre la corruption publiquement honoréeà Athènes.

Aspasie exerça sur Périclès un tel ascendant, qu'elle

créa une corporation de courtisanes, pour le suivre

dans son expédition contre Samos, et leurs faveurs

furent si bien récompensées, dit Alexis le Sabéen,

qu'on leurpermit d'élever un temple àVénus.

Dans le troisième âge de la Grèce, les mœurs furent

plus sévères: mais cette austérité amena la destruction

d'Athènespar Sylla. Ce Romain, fameuxpar ses actes

de cruauté, ayant assiégé la ville, apprit queses habi

tants, railleurs par nature, s'étaient permis quelques

plaisanteries sur les mœurs de sa femme;furieux, il

jura de s'en venger, et lorsqu'il se fut rendu maître de

la ville, non-seulement il la livra au pillage, mais il fit

passer au fil de l'épée lesfemmes et les enfants, et il fit

vendre, comme esclaves, tous les hommes qui avaient

échappé au fer de ses soldats. Depuis cette époque, ce

malheureux peuple tomba, de chute en chute, sous le

Page 152: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

-- 155 -

joug des sultans, et il subit jusqu'au commencementdu

siècle où nous vivons, le sort affreux que l'Alcoran

réserveà tout ce qui n'est pas soumisà sa loi.

Si nous tournons nos regards vers Rome, avant

qu'elle fût la maîtresse du monde, nous voyonsbien

Romulus ajouter aux lois qu'il avait faites celle du

mariage; mais les femmes y étaient si maltraitées,

qu'il ne leur était pas permis de quitter leurs maris,

sous quelque prétexte que ce fût,tandis que les maris

pouvaient les répudier, et même les punir de mort, si

elles étaient convaincues d'adultère, d'empoisonne

ment, d'avoir fait de fausses couches, ou même seule

ment d'avoir bu du vin en trop grande quantité.

Plustard, et lorsque Rome eut été érigée en répu

blique, nousvoyons les dames romaines se livrer dans

leurs maisons à tous les soins domestiques, pendant

que leurs maris s'occupaient dans les camps du soin

d'étendre la grandeur romaine ; mais nous voyons

aussi, lorsque cette ville, à l'apogée de sa gloire, subit

le joug des empereurs, l'inégalité des rangs et desfor

tunes opérer une révolution complète dans les mœurs ;

les vices furent plus puissants que les lois, et la dépra

vation arrivaà tel point, que Néron osa prononcer en

public l'éloge d'une femme dont il avait été l'amant,

l'épouxet l'assassin, d'une femme qui, dit Tacite, avait

tout hors les mœurs : cette femme était Poppée ...

Les mœurs étaient si corrompues à cette époque, que

lesphilosophes eux-mêmes refusaient auxfemmes cette

vertu si douce, qui fait tout à la fois leur charme et

leur défense, cette retenue, la plus belle des craintes

Page 153: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 1 56 -

après celle de Dieu, a dit Chateaubriant; en un mot,

la pudeur : cette vertu n'était qu'un vain mot suivant

la secte des Cyniques, et l'union la plus tendre pou

vait être rompue, au gré de l'une ou de l'autre des

parties.

Rome régnait alors sur tous les peuples soumisà

sonjoug, et les Juifs eux-mêmes venaient de subir la

loi de ces maîtres du monde, lorsque le dogme si doux

de la Liberté, de l'Égalité et de la Fraternité fut pro

clamé chez eux par l'Évangile. Ce dogme étendit son

empire non-seulement sur les actions, mais encore sur

les consciences. Il prescrivit à ses adeptes de s'aimer

et de se secourir réciproquement, et l'on vit alors le

sexe le plus faible, mais aussi le plus aimant,tourner

vers la bienfaisance cette vertu que la nature lui avait

donnée en échange de la force, et consacrer ses soins

au soulagement de toutes lesinfortunes ; la femme n'est

plus, comme dans les temps antérieurs, ni maîtresse

ni esclave; elle inspire les sentiments les plus nobles,

et elle devient la compagne de l'homme, dans sesplai

sirs comme dans ses dangers.

Mais, hélas! il faut le dire aussi, à peine la sain

teté de l'Évangile eut-elle opéré, en faveur desfem

mes, le miracle de les élever, sinon au-dessus, du

moinsau niveau des hommes,à peine le christianisme

les eut-il réhabilitées, à peine enfin, d'esclaves, de

servantes qu'elles étaient, les eut-il fait les com

pagnes, les égales de l'homme, qu'il seforma une autre

religion, qui les fit descendre bien plus bas, et qui les

plaça entre l'homme et la brute. L'Alcoran ne considère

Page 154: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 157 -

en effet la femme que commeun instrumentde plaisir ;

etpartout où le culte de Mahomet parvint à s'établir,

dans la Turquie, dans la Perse, aux îles Barbaresques,

dans la plusgrande partie de l'Afrique, non-seulement

l'esclavage de la femme fut maintenu, mais l'espoir .

d'une meilleure vie, même après celle-ci, ne lui fut

pas même laissé. La Prédestination est le dogmeprin

cipal de l'Alcoran, et d'après ce dogme non-seulement

la terre,durant la vie, mais même le ciel, après la mort,

tout appartient exclusivement à l'homme; c'est à lui,

à lui seul qu'est due la domination dans ce monde, et

la béatitude dans l'autre ; tel est le secret du destin.

Quant à la femme, il n'en est pas question dans les

plaisirs dont les théologiens de l'islanisme font de si

charmantes descriptions. Ily est dit seulement que les

bienheureux musulmans reposeront sur de riches tapis,

avec des vierges célestes, dont les yeux brillants ne

s'ouvriront que pour regarder ceux auxquels elles

sont destinées, et qui n'auront d'autre soin que celui

de leur procurer des plaisirs sans lassitude et sans

ennui. - -

On voitpar là avec quel dédain la femme est traitée

dans les pays soumisà l'empire de Mahomet, dont la

religion est malheureusement répandue presque dans

tous les pays orientaux.

Mais elle a fait de vains efforts pour s'établir dans

les régions tempérées, où l'institution de la chevalerie

vint d'abord venger les femmes de l'espèce d'abjection

à laquelle l'Alcoran avait voulu les réduire. A cette

époque, les femmes exerçaient un empire presque ab

Page 155: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 158 -

solu;jamais elles ne furent plus tendrement aimées.

Fières d'une institution où l'on ne craignait pas de

braver la mort pour elles, elles prouvèrent souvent

qu'elles en étaient dignes; on les a vues, pleines d'un

noble enthousiasme, combattre avec leur défenseur et

s'illustrer par des traits d'héroïsme. L'histoire nous a

transmis, entre autres faits éclatants, celui des femmes

de l'île de Chypre, qui, ayant été faites prisonnières,

en défendant leur île, et étant emmenées sur un vais

seau, pour être renfermées dans le sérail de leurvain

queur, conçurent et exécutèrent, dans la traversée, le

dessein de mettre lefeu auxpoudres, et de faire sauter

le vaisseau qui les transportait,pour ne pas subir l'es

clavage auquel elles étaient condamnées.

Une révolution d'un autre genre s'opéra en même

temps par les femmes en France, en Angleterre et en

Italie, où,pour faire sortir ces contrées de la barbarie,

les femmes voulurent sortir de leurinfériorité. L'infor

tunée Héloïse d'abord ouvre les portes de la civilisation

au xIIe siècle; mais le cloître la dévore. Dans le siècle

suivant, l'inimitable Clotilde de Surville, qui fit le

charme de son siècle, n'a trouvé depuis ni émules ni

imitateurs. Puis vinrent cette Marguerite de Navarre,

- dont les œuvres seront toujours un modèle de grâce et

de naïveté,et cette voluptueuse Louise Labbé, quiparla

si bien le langage passionné de l'amour, qu'elle est,

a-t-on dit, le seul de nos poëtes que nous puissions

opposer à Sapho. Et ces deux demoiselles de Colage

et de Gourmay, qui s'immortalisèrent la première par

son joli poëme de Judith, et la seconde par ses in

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- 159 -

nocentes et spirituelles épigrammes. Puis la France

s'enrichit des contes de M"° Lecouvreur; des élé

gies de Mme de Lasuze, des madrigaux de M"° de

Scudéry, des idylles de Mme Deshoulières; enfin, les

productions en peinture, engravure, en musique et en

poésie de Mlle Chéron, brillent sur le Parnasse fran

çais, comme cette multitude d'astres rassemblés dans

la voie lactée, qui, tous, répandent le même éclat,

sans que nous puissions dire quel est le plus brillant,

En Angleterre, nous trouvons, outre Mlle Philips

et la comtesse de Vinschelson, ladi Montaigne, à qui

nous devons les Progrès de la poésie en Angleterre,

ouvrage charmant et plein d'érudition, où l'auteur,

après avoir loué la Grèce,pour avoir produit les pre

miers lauriers quidevaient couronner la tête d'Homère,

après avoir comparé la rapidité desvers de Pindare à

celle des héros quivolaient dans la carrière,après avoir

peint Anacréon, couronné de roses, et couchénoncha

lamment sur des fleurs, après avoir enfin felicité l'Italie

d'avoir produit Horace et Virgile,tourne ses regards

vers l'Angleterre et la loue d'avoir produit Schakes

peare, Spenser, Cauwlay, Milton, Addisson, Pope

et tant d'autresgénies, qui, pour être moins illustres,

n'en sont pas moins la gloire de leur patrie.

En Italie, nous voyonsd'abord Modeste Pozzo, cette

savante vénitienne, qui, dans son poëme de Floridor,

quoique non achevé, a célébré sa patrie en faisantpré

dire la naissance et la grandeur de Venise, commeVir

gile, dans son Enéide, avait fait prédire la naissance

et la grandeur de Rome.

Page 157: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 160 -

En second lieu, Marguerite Sarrochia, qui nous a

prouvé dans sa Scanderbeïde (poëme en 14 chants)

combien cet auteur réunissait à la force du style un

cœur sensible et bienfaisant, et les connaissances les

plus étendues.

Puis encore Isabelle Andreiny, de Padoue,si ten

dre dans sa pastorale de Mirtile, et surtout dans sa

cantate de Héro et Léandre.

Ainsi à l'époque dont nous parlons, les femmes se

distinguaient dans les lettres, de manière à rivaliser

avec les hommes, et cherchaient mêmeà les surpasser.

« La fièvre de briller et de faire ce qu'on appelle le bel

esprit fut portée par ellesà un tel excès, dit Thomas,

qu'elles finirent parimaginer unjargon où des mots bi

zarres suppléaient auxidées qu'on n'avait même pas ;

elles créèrent des expressions qu'on admirait d'autant

plus qu'elles étaient moins connueset moins comprises.

Pourn'être pas commun, on devenait ridicule; mais ce

ridicule fut si sévèrement blâmépar Molière et par Boi

leau, que les femmes furent réduites à cacher leur

esprit. Aucune ne voulut plus êtrefemme savante,pour

ne pas entrer dans la secte des Précieuses Ridicules.

L'esprit pédantesque fut remplacé par cette amabilité

et ces grâces légères qui prennent naissance dans la

nature plutôt que dans l'instruction; mais cette amabi

lité elle-même avait disparu,comme un hors-d'œuvre,

à la fin du règne de Louis XIV. »

Elle se ranima cependant avec la nouvelle cour, mais

cefut avec d'autres mœurs ; le voile qui avait été jeté

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- 161 -

sur la galanterie fut déchiré, et la corruption gagna

toutes les classes. -

Tel était l'état de la société, lorsque la Maç... fut in

troduite en Franceau commencementdudernier siècle.

Elle eut pour but principal de rétablir les principes si

purs de la morale évangélique; elle voulut que le Ma

çon vît un Frère dans tout individu qui partagerait ses

- principes; que les adeptes ne rivalisassent qu'à faire le

bien; que chaque Maçon jugeât les autres d'après lui

même, et qu'il fit pour eux tout ce qu'il voudrait

qu'ils fissent pour lui. Elle vint ranimer ce sentiment

intime quiintéresse notreâmeau sort des malheureux,

sentiment qui, par dessus tout, est le partage des

femmes; elle voulut enfin que la fraternité réunît sous

ses drapeaux tous les hommes qui seraient innocents

d'action, d'esprit et de cœur.

Aussilorsque cette religion épurée eut pris racine en

France, et s'y fut pour ainsi dire acclimatée, vit-on

sans étonnement les femmes réclamer leur part destra

vauxque son culte imposait, comme aussi leur part

des droits qu'elle avait rétablis. Mais nous devons le

dire, au blâme de nosprédécesseurs, sa réclamation ne

fut accueillie qu'aubout d'un demi-siècle (1).

Cette justice, quoique tardive, porta bientôt ses fruits.

La duchesse de Bourbon futnomméeGrande Maîtresse

de l'Ordre, et, en 1777, elle présida, escortée de toute

la noblesse de la cour, la première fête d'adoption.

(1) La Maçonnerie fut introduite en France en 1725; les LL. .. d'a

doption n'y furent autorisées par le G. · .. O.· .. qu'en 1774.

| 1

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- 162-

Cette fête fut donnée dans la L.°. de la Candeur; le

troncde bienfaisanceyproduisitenvironsix millefrancs,

qui furent employés à rendre à la liberté les prison

nierspour dettes etpour mois de nourrice.

Des fêtes semblabes se renouvelèrent de temps en

temps, et procurèrent aux FF... et aux SS.., assez

heureuxpoury assister, le bonheurde goûter les dou

ceurs de la fraternité, tout en pratiquant les préceptes

si douxde la philanthropie. En 1805, on vit l'impéra

trice Joséphine marcher sur les traces de la duchesse

de Bourbon; c'est la première souveraine couronnée

qui ait assisté aux assemblées maç.. Ce fut dans un

voyage qu'elle fit à Strasbourg, où elle honora de sa

présence une fête d'adoption qu'y donna la L. .. des

Francs-Chevaliers de Paris, réunie aux autres LL..

de cette ville.

De 1805à 1814, la Maç°. d'adoption brilla dans

Paris duplusvif éclat. Les LL.. de Sainte-Caroline,

des Chevaliers de la Croix, des Militaires réunis,

d'Anacréon et de l'Age d'or se signalèrent par des

fêtes, où se rendit tout ce que Paris avait de plus dis

tingué; mais lesgouvernements qui se succédèrent,au

lieu de protéger et d'encourager la Maç.., se conten

tèrent de la tolérer. Aussi, depuis cette époque, les

LL.. d'adoption ont-elles été peu cultivées; toutefois,

enfin, l'institution existe; c'est même à elle que la Ma

çonnerie doit aujourd'hui son plusgrand éclat.

De cette revue rétrospective de l'état de la femme

aux diverses périodes, et dans les diverses contrées du

monde, on peut conclure que ses droits ne sont réelle

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- - 163 -

ment respectés que dans les pays où la Maç.. a péné

tré, et dans les familles où elle est honorée. Est-ce en

effet dans ces familles qu'un époux recevra de sonbeau

père, en épousant la fille de celui-ci, le droit odieux

d'être brutal envers elle, et de la frapperd'une manière

ignoble? Est-ce dans ces familles qu'il se trouvera des

monstres ayant le droit et usant de ce droit, de passer

une corde au cou de leursfemmes, et de les traîner sur

la place publique pour lesyvendre comme un vil bé

tail? Est-ce dans les familles des Francs-Maçons que

l'hypocrisie pourra faire croireà lafemme que son mari

offense le ciel parce qu'il fait partie d'une Société qui

suit dans toute sa pureté la morale de l'Évangile, et

qu'après avoir exalté l'imagination de cette malheureuse

femme, et l'avoir excitée à se venger, l'hypocrite abri

tera cette vengeance sous le manteau de la dévotion ?

Non, lesMaçons et surtout les Maçonsfrançais connais

sent trop le prix du présent que Dieu fit à l'homme

quand il lui donna une compagne si remplie d'intelli

gence,pour la dégrader, l'abaisser ou latromper ainsi.

La vérité les éclaire; elle parle à leur cœur; elle leur

dit que si tous les hommes sont leurs frères, toutes les

femmes leur sont sœurs; que s'ils traitent avec plus

de bienveillance l'homme qui s'est rapproché d'euxpar

l'initiation maç.., ils nepeuvent pasfaire moinspour la

femme qui s'est élevée au-dessus des préjugés, pour se

joindreà eux, etpour les aiderà pratiquer l'exercice

sidoux de la bienfaisance. Ils savent enfin que la Ma

çonnerie estun creuset, aufond duquel l'homme vient

déposer les erreurs et les préjugés du monde, afin de

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- 1C4 -

s'épurer; que cette sublime Institution, dont les dogmes

sont ceux de l'Évangile primitif, est une association

dans laquelle la femme vient reprendre sa dignité, et

qu'enfin c'est là que se trouve la solution dugrandpro

blème du progrès social.

Et qu'on ne dise point que ce n'est là qu'un para

doxe; nous sommes arrivés à cette grande période qui

doit faire et quifait de tous les peuples un seulpeuple

de frères, et ce progrès est dûà la Maçonnerie. Imitant

les Maçons quiviennent au secours de tous leurs FF.'.

malheureux, quel que soit leur pays, quelque religion

qu'ils professent, quelle que soit la forme dugouverne

ment qui les régit, n'avons-nous pas sous nos yeux,

lorsqu'une partie de la terre est envahie par un fléau

cruel, le spectacle consolant de tous les Maçons se coa

lisant pour venir au secours des victimes? Les prin

cipes maçonniques ont pénétré dans toutes les masses,

et notre religion, qui consiste principalement à voler

au secours de tous les malheureux, est devenue la reli

gion universelle.

Eh bien! cette même religion maç.. veut que la

femme soit aimée et respectée; qu'admise à partager

nos travaux, elle jouisse dans nosTemples de la pléni

tude de ses droits; en un mot, qu'elle soit émancipée

dujougdes erreurs et des préjugés; et cela n'est-ilpas

juste? Est-il un seul Maçon qui ne sache que lafemme

est l'ange consolateur de la terre; qu'étant la source

d'où découle legenre humain, c'est au milieu des souf

frances, en perspective même de la mort, qu'elle rem

plit sa mission sainte; que devenue Inère, elle est sans

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– 165 -

cesse occupée du soin de diriger ses enfants sur la

route de la vertu, et que lorsqu'elle a rempli tous les

devoirs de la vie, on la trouve encore, au moment où

l'un des siens doit en sortir, au chevet de son lit, rete

nant les larmes qui l'étouffent, commandant même un

sourireà ses lèvres,pour tromper l'inquiétude du mo

ribond? Et lorsque enfin celui-ci se sent glisser dans la

tombe, s'il peut encore ouvrir sa paupière, c'est pour

marier son regard avec celui de l'ange qui veille, et ne

tomber qu'avec l'idée consolante qu'ilvivra encore dans

SOIl COBUlI'. -

Et lesfemmes,à quinousdevons tant, seront traitées

par nous en esclaves ! Non, la Maç... d'adoption a re

levé leurs droits, et comme cette Institution divine ne

saurait être une lettre morte, partout où elle pénétrera

elle aura pour effet de verser sur la femme la considé

ration, les égards et l'affection qui sont dus à son es

sence età ses vertus.

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N° 33,

L'IMMORTALITÉ DE L'AME.

DOGME DE 1'INSTITUTION MAÇONNIQUE.

AVANT-PROPOS.

L'heure approche oùje dois rendre un compte sévère

Et du bien et du mal que j'aifaitici-bas :

Les neuffois dix hivers que j'aipassés sur terre

Me disent queje suis auxportes du trépas.

Le pas franchi, souventje me demande

Et de l'âme et du corps quel sera l'avenir...

Que ta bonté, Dieutout-puissant, estgrande !

Un songe me l'apprend : je n'ai qu'à te bénir.

SONGE ET RÉVÉLATION.

L'arbre de laforêt reprenait sa parure,

Le rossignol sa voix, le ruisseauson murmure;

Le champ avec orgueil étalait ses moissons,

De son aile zéphyr caressait les buissons.

Et fière des petits qui lui venaient d'éclore,

La fauvette à ses chants préludait dès l'aurore;

Le printemps renaissait.....

Sur un lit de gazon,

Mollement étendu,je voyais l'horizon

Parseméde soleils, dont sa lumière immense

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- 168 -

Du Dieu qui les créaproclame la puissance ;

Soleils qui, répandus de l'Ourseà l'Éridan,

Sont comme les vaisseaux quipeuplent l'Océan.

Soudain par le sommeil, dansun rêve élancée,

Un triste sentiment vint saisir ma pensée.

Je voyais les humains,à la mort condamnés,

Connaitre leur destin, sitôt qu'ils étaient nés,

Etje disais : « Pourquoi, lorsque Dien créa l'homme,

« Ne le traita-t-il point, comme il traite l'atome,

« Qui, rampant ou volant, naît, meurt et disparaît,

« Commes'éteint aussi le roi de la forêt?

« Mais atome ou lion, parcourantsa carrière,

« Se doute-t-iljamais de son heure dernière ,

« Tandis qu'à peine né l'homme connaît son sort,

« Et sait que chaquepas le conduit à la mort?

« Pourquoipossède-t-il cette affreuse science ?

« Pourquoi fut-il doté de cette intelligence,

« Qui, lorsque autour de luitout ignore safin,

« Fait à lui seul, hélas! connaître son destin?

« Connaissance fatale! oh ! lorsque la justice

« De quelque criminel ordonne le supplice,

« Tout en fixant le jour, et l'instant, et le lieu,

« Le fait-elle savoir au malheureux?... et Dieu,

« Qu'on dit et la justice et la clémence même,

« Pour nous seuls dérogeant à sa bonté suprême,

« Aggrave de la mort le supplice cruel,

« Sur l'homme,goutteàgoutte, en déverse le fiel,

« Et de son sort futur lui donnant connaissance,

« Faitde lui le bourreaude sa propre existence !

« Non, non, Dieu n'est pasjuste, et c'estun donaffreux

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- 469 -

« Que celui qu'il nousfit...

-Arrête, malheureux,

« Cesse d'outrager Dieu parun reproche injuste ! »

Dit, saisissant mon bras, avec son bras robuste,

Un être merveilleux, queje n'avais pointvu,

Et qui du haut du ciel, près de moidescendu,

S'était précipité, d'un mouvement rapide.

– « Insensé, me dit-il, quelle fureurte guide?

« Dieu, dis-tu, n'est pasjuste?ingrat! quand il voulut,

« En lui donnant la mort, que l'homme la connût;

« Quandil lui révéla queseul dans la nature

« Il saurait que la fin de toute créature

« Estde rendreà la terre un corps d'elle sorti,

« Et qu'ainsi de son sort l'homme fût averti.

« Tandis que tout restait plongé dans l'ignorance,

« Ne le remplit-il pas de tant d'intelligence,

« Qu'ilpût connaître et voir au delà deses yeux

« Les sublimes clartés qui brillent dans les cieux ?

« Si Dieu, dans sa sagesse, éleva ton génie

« Aupointde concevoir sapuissance infinie,

« A-t-il pu, juste et bon,te dire, en te montrant

« D'un côté tant de biens, de l'autre le néant :

« Mortel que j'ai créé dans unjour de délire,

« Pourêtre maître et roi de tout ce qui respire,

« Des dons que je t'ai faits tu nejouiras pas,

« Une fosse est ouverte, au-devant de tes pas ;

« C'est là qu'il faut aller; c'est là qu'il faut descendre,

« Carc'est pourn'être plusquepoussière et quecendre

« Que je t'ai mis au monde, et qu'enfin de tes yeux,

« Pour me jouer de toi, j'ai rapproché les cieux..

(

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- 170 -

« Non, Dieu n'apastenu cet indigne langage ;

« Ne lui prête donc pointun dessein qui l'outrage. »

–Maispourquoi me montrer un abîme entr'ouvert ?

« N'eût-il pas mieuxvalu que d'un voile couvert....

«-Homme présomptueux, crains d'être téméraire.

« -Je ne redoute point l'éclat de la lumière ;

« Prouve-moi que j'ai tort...

«-Soit :viens, approche, il faut

« Que,par ce tube aidé,tupénètres là-haut;

« Plus loin que ton soleil ; enfin que tu connaisses

« Du Dieu quite créa les immenses richesses ;

« Regarde.-Qu'ai-jevu? l'espace illimité

« Ne fuitplus, chaque point estun monde habité !

«-Si,dansquelquesdegrés, plusieurs milliers d'étoiles

« Ates faibles regards apparaissent sans voiles,

« Si chacune est un monde, ou plutôtun soleil

« Danstous ses attributs à ton astre pareil,

« D'un légitime orgueil tu ne peux le défendre ;

« Puisque enfin la raison doit te faire comprendre

« Que des mondes,pareilsà celui quetu vois,

« Comme luisont peuplés,suivent les mêmes lois.

« Et que serait-ce doncsi, rompant les limites

« Qu'à tes débiles sens la nature a prescrites,

« Tupouvais contempler tant deglobes divers,

« Quijusqu'à l'infini remplissent l'univers?

« Devantl'immensité d'une tellepuissance,

« Mesure maintenant ta chétive existence.

« Auprès d'un Dieu si grand, qu'es-tu,faible mortel,

« Pour oser ette plaindré, et blâmer l'Éternel ?»

ll se taità ces mots, et son regard m'annonce

(

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-- 171 -

Qu'avant d'aller plus loin il attend ma réponse.

Que pouvais-je lui dire? Interdit, alarmé,

Je sentais trop, hélas! que j'avais blasphémé.

Mais, lui, me rassurant : « Dansta frêle existence,

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Si de Dieu, me dit-il, tu renfermais l'essence?

–Quedites-vous?-Comprends ce fait essentiel :

Tout corpsvient de la terre et toute âme du ciel.-

Grand Dieu!Sepourrait-il/?-Oui,tonâmeest divine;

Mais où donc sur la terre en serait l'origine ?

Oùserait-elle née? En quel lieu? dans queltemps?

Ce n'est ni dans le sol ni dans les éléments.

Lefeu, la terre ou l'air forment-ils la mémoire,

Le don de réfléchir, le désir de la gloire,

Le plaisir des succès, le chagrin des revers ?

L'âme seule ressent ces sentiments divers.

Et lorsque sur ceglobe, où tout n'est que matière,

Le corps inanimé rentre dans lapoussière,

Heureuse d'obtenir son élargissement,

L'âme retourne au Ciel,son premier élément,

Au ciel, où, la prenant neuve, quoique immortelle,

Dieu, qui la revêtit d'une écorce charnelle,

Ne l'asservit ainsi qu'afin de l'éprouver,

Afin qu'elle devînt digne de s'élever

Jusqu'au séjour divin où sa toute-puissance

Atoutes les vertus donne leur récompense,

Lorsque des passions secouant les liens,

Elle s'élance enfin aux champs aériens.

Celles que corrompît le vice de l'usure

Ne peuventpas monter au delà de Mercure.

D'autres, que le plaisir énerva lentement,

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- 172 -

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« Al'orbite deMarsterminent leur voyage.

Au delà de Vénus arrivent rarement.

Et celles qu'anima la fureur du carnage,

« Quelques-unes, roulant au centre de l'Éther,

« Ne peuvent dépasser Saturne ou Jupiter.

« Que sidans d'autres corps, au sein de ces planètes,

« Cesâmes quelquejour deviennentplus parfaites,

((

Elles pourront alors aspirer au bonheur

« D'arriver sans obstacle au ciel du Créateur.

Mais celles qui,toujours exemptes de souillure,

Ont dans sa pureté conservé leur nature,

« Qui surent, au milieu d'un monde corrompu,

((

((

« D'un culte pur et doux honorer la vertu,

« Quifurentici-bas, modestes, bienfaisantes,

« Sans haine, sans orgueil, et surtout tolérantes,

« Celles-là, sans effort, s'élèvent jusqu'au lieu,

« Qui n'a d'autre soleil que le trône de Dieu,

«. Etgoûtentprès de lui cette gloire immortelle,

(C

Réservée aux élus de la troupe fidèle. »

Le fantôme,à ces mots, disparaîtà mesyeux.

Tandis que mes regards le suivent dans les cieux,

Qu'il plane, en s'élevant, au-dessus de la terre,

Jemesens ébranlé parun coup de tonnerre.

Soudain je me réveille, et, plein d'un saint effroi,

Devant le Dieu quivient de se montrerà moi,

Je m'incline, et vers lui dirigeant mapaupière,

« Grand Dieu! puisque mon corps n'est qu'unpeu de

[poussière,

« Que monâme est divine, et que, d'après ta loi,

« C'est le Ciel qui l'attend, rends-la digne de toi.

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- 173 -

« O mon Dieu! fais qu'auseinde ta grandeursuprême,

« Elle puisse t'aimer comme tuveux qu'on t'aime.

« Esprit universel, toi dont la majesté

« Remplit de l'univers l'espace illimité;

« Toi,par qui la fleurs'ouvre aux baisers de la séve,

« Et qui couvre de flots le sable de la grève,

« De ce sable, ômon Dieu!je suisà peine un grain ;

« Maisje suisémané de ton souffle divin;

« C'estpar toi que je sens, et c'est partoi quej'aime;

« Fais-moiparticiperà ta gloire suprême;

« Dujoug despassions,Seigneur, délivre-moi!

« Afin que, libre,pure et soumise à ta loi,

« Monâme, en s'élevant à travers tous ces mondes,

« Que paternellement sans cessetu fécondes,

« Puisse,par un effet de ton amour divin,

Jouir de taprésence et d'un bonheursans fin, »

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N\° 4 .

ODE MACONNIQUE

- nÉDIÉE -

A S. A. LE PRINCE LUCIEN MIUIAT,

Grand-Maître de l'Ordre Maç, * .. en France

Fille de l'Hélicon, vierge chaste et timide,

Qui m'inspiras desvers dès mesplusjeunes ans,

Au déclin de mesjours deviens encor mon guide,

Et de ton souffle pur ranime mes accents.

Muse ! daigne prêterà mes chants poétiques

Les sons harmonieux de ta divine voix!

Fais vibrer de ton luth les cordes harmoniques,

Pour chanter avec moi les vertus pacifiques

D'un Maçon qui naquit sous la pourpre des Rois.

Sur les rives duNil, plage toujours chérie,

Où la nature veille, en songrand appareil,

Sur le berceau sacré de la Maçonnerie,

S'élevait autrefois le Temple du Soleil.

De l'astre tous les ans on célébrait la fête ;

Et lorsque les rayons de son disque naissant

Frappaient le globe d'or qui surmontait le faîte,

Et qu'ilsse reflétaient sur la foule muette,

Mille cris s'élançaientvers le Dieu bienfaisant.

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- 176 -

Mesfrères, de ce jour la fête solennelle

Du bonheur quegoûtaient nos illustres aïeux

Est le digne pendant et l'image fidèle :

Peut-on le méconnaître à vos transports joyeux?

A l'astre créateur quifécondait leur vie,

Nos maîtres adressaient leursvœuxet leur encens...

Vers le prince éclairépar qui se vivifie

L'esprit conservateur de la Maçonnerie,

Vous aussi, voustournezvos cœurs reconnaissants !

Victimes oujouet d'un préjugé vulgaire,

En butte aux envieux, auxméchants,auxjaloux,

CeTemple où nous siégeons, ce soleil qui l'éclaire,

Ce parvis protecteur, rien, rien n'étaità nous.

Apeine tolérés,un souffle fanatique,

Qui malheureusement maintes fois s'exhala,

Un soupçon malveillant,une erreur politique,

Pouvaient anéantir notre culte mystique.

Un sauveur estvenu : ce sauveur le voilà !

Oui,prince, c'est par toi que la Maçonnerie

Va reprendre l'éclat de ses antiques temps ;

Sa splendeur,grâceà toi, ne seraplus flétrie,

Et ses nobles destins ne seront plus flottants.

D'un palais aujourd'hui l'Ordre est propriétaire (1),

Et nous l'occuperons protégés par la loi.

(1) Le prince Lucien Murat est le seul Grand Maître, en France, qui

ait donnéune existence légale à l'Ordre maç. · ., et qui l'ait mis dans

la position de pouvoir acheter et posséder un palais.

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. - 177 -

Arrière ! arrière donc, profane téméraire !

De toutes les vertus l'auguste sanctuaire

Repousse ta présence; il n'est pas fait pour toi.

Mais, prince, pour t'aider dans cette œuvre sublime,

Quiveut des ouvrierspar le temps éprouvés,

. Tu n'aspas oublié qu'autrefois dans Solyme,

Legrand roiSalomon prit lesplus élevés ; -

Qu'avant lui, dans Memphis, le sage Hiérophante

Des prêtres les plus purs composait son conseil ,

Et qu'enfin, sous nosyeux, active et scintillante,

Dutrône sidéral la pléiade brillante

Majestueusement roule autour du soleil.

Près detoi désormais, partageant tapuissance,

Des ouvriers savants et dignes de ton choix (l),

Prêtsà teseconder de leur expérience,

De tes travaux aussi partageront le poids.

Et ce poidssera doux., notre enceinte sacrée

Réunira bientôt tous les Rites divers ;

Ainsi qu'à l'union,à lapaix consacrée,

Lespeuplesyviendront, et le règne d'Astrée

D'un bonheur assuré dotera l'univers.

(1) L'Ill.". F. .. Berville, avocat général près la Cour impériale de «

Paris, 1er Grand Maitre adjoint.

L'Ill. ". F. *. Desanlis, avocat, 2e Grand Maître adjoint.

L'Ill. ". F. *. Bugnot, architecte, Président du G.· .. O. : .. et repré

sentant particulier du G. · .. M.· .

12

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- 178 -

Digne fils d'un héros qui se couvrit de gloire

En affrontant la mortà travers les combats,

Tu n'as pas, comme lui, moissonné la victoire ;

Mais par d'autres cheminstu marches sur ses pas.

Lier,par un saint nœud, tous les Maçons de France,

Dansun Temple construit par la Fraternité!.

Prince, conduis à bien cette entreprise immense,

Et portésur l'élan de la reconnaissance,

Tu rejoindras ton pèreà l'immortalité.

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LA DÉCOUVERTE DE LA VAPEUR.

ODE

Lue par l'auteur dans la R. .. L. .. Jérusalem des Vallées Égyptiennes,

dont il est le vénérable d'honneur, ad vitam, lejour de l'installation

du F.* .. LAURENS dans la dignité de Vénérable élu,

Le chaos, confondant les éléments divers,

Régnait, silencieux, sur l'inerte matière ;

D'un seulde ses regards, Dieu lance la lumière,

D'innombrablesSoleils animent l'univers.

Devant l'œuvre éclatantde la toute-puissance

Incline-toi, faible mortel !

Et que ton cœurvers l'Éternel

Elève les transports de ta reconnaissance !

De l'un de ces Soleils, suspendus dans les cieux,

Comme d'un fer bouillant quand le marteau le frappe,

Enpétillants éclats l'étincelle s'échappe,

La terre s'élança, globe ardent, radieux,

Qui,subissant le joug d'une force attractive,

Remplit longtemps de ses rayons,

Roulants comme des tourbillons,

Le cercle limité de sa course captive.

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· -180

Commedu vase d'or s'évapore l'encens,

Portant auCréateur nosvœux et nos hommages,

Ainsi sur l'horizon montèrent les nuages,

Quand leglobe eutperdu ses feuxincandescents :

Leur masse s'éleva, d'une course rapide,

Dans lesplaines dufirmament,

Et, condensée incessamment,

Elle redescendit au sein du sphéroïde.

Pourquoi, depuis lejour, où, sur l'aile du vent,

L'homme vits'élever cette subtile essence,

N'en avait-iljamais recherché la puissance?

C'est que, longtemps esclave, il fut longtemps enfant.

Jamais des malheureux, flétris par l'esclavage,

L'intelligence ne grandit ;

Tout à leurs yeux reste petit;

Les fers ne sont-ils pas les langes du bas âge?

La Francevit,unjour, de son peuple opprimé (1)

Une secte grandir, et loin de sa patrie

Transporter ses foyers, ses arts, son industrie ;

Son génie étouffait, il était comprimé.

Tels on voit ces oiseaux, se fiant à leurs ailes,

Quand le nord lance les frimas,

Aller, dans de lointains climats,

Chercher des jours plus doux, et des nuits moins

- [cruelles].

(1) La France vit un jour de son peuple opprimé

- Une secte grandir.

' Ce fut la secte des Protestants, persécutée sous le règne de

Louis XlVe

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- 181 --

Unde ces exilés (1), de qui l'esprit penseur,

Pour nourrir les humains, agrandit la science,

Papin (2) dans la vapeur découvre une puissance,

Et d'un vaste secret il se croit possesseur.

Il n'abandonne plus cette noble pensée,

Qui, d'avenir riche trésor,

Comme une rivièreà flots d'or,

Deson vaste cerveau s'est un jour élancée.

Un piston dansun tube est entré sans effort ;

Peut-il se relever et tomber de lui-même?

Tel est le merveilleux, l'incroyable problème,

Que Papin croit résoudre,à l'aide d'un ressort

Dont un travail récent lui découvrit le germe;

Ce ressort, ce puissant moteur,

Il l'a vu dans le digesteur (5);

L'eau,qui bout, le produit : lavapeur le renferme.

(1) Papin.

Denis Papin, néà Blois, en 1647, s'exila pour fuir la persécution, et

dans son exil il inventa la marmite octoclave, dans laquelle on fait dis

soudre les os pour les réduire en gélatine. -

(2) Papin dans lavapeur découvre une puissance.

Ce fut en 1690 que Papin, avant tout autre, découvrit la possibilité

de faire marcher une machine aqueuse et à piston au moyen de la

Vapeur. -

(3) Ce ressort, ce puissant moteur,

Il l'a vu dans le digesteur.

La marmite octôclave fut nommée le digesteur, et elle a conservé

C0 InOm, - -

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- 182 -

Il allume un brasier, sous un vase d'airain ;

La vapeur saisit l'eau dans le tube enfermée ;

L'eau bout, l'air se dilate, et la vapeur formée

Soulève le piston, qui remonte soudain :

Levase retiré, la vapeurse condense,

L'agile ressort se détend,

Et le piston, qui redescend,

De l'air, qui le comprime, éprouve l'influence.

Mais, dans cejeu, Papin aperçoit un danger.

Si la réaction se faisait trop attendre;

Et que l'air s'agrandît, au lieu de se détendre !

De sa prison ardente il faut le dégager.

N'a-t-on pas vu souvent, dans le fort de l'orage,

Alors que de nombreux éclairs

De leurs feux sillonnaient les airs,

La foudre, avec fracas, déchirer le nuage?

Afin de prévenirun dangereux essor,

Papin (1),parune issue agile, obéissante,

Parvient à diriger la force menaçante;

Qui soudain se dissipe, et se reforme encor:

Crainte, obstacle, danger,tout vient de disparaître :

Papin,par un heureux succès,

Avu couronner ses essais,

Et d'une force immense il est enfin le maître.

(1) Papin, par une issue agile, obéissante.

La soupape de sûreté; elle fut inventée par Papin,

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- l83 -

Bientôt d'un appareil, sur les ondesvoguant,

Son génie inventifa tracé le modèle ;

Il veut que la Puissance, àson ordre fidèle (1),

Remplace des rameurs le travail fatigant.

L'appareil est créé : c'est une double roue,

Tournant sur un axe d'airain,

Et d'avance il voit le marin

Rire du bruit des flots, dont la vapeur se joue.

Que dans le sein des mers mugisse l'ouragan ;

Les vaisseaux désormais braveront la tempête,

Et contre sa fureur ils dresseront leur tête :

Une force invincible a dompté l'Océan.

Mères,femmes, enfants,plus d'angoisse mortelle ;

Le marin par vous attendu

Aujour fixé sera rendu :

La vapeur a promis, lavapeur est fidèle.

Cités ! ne craignez plus qu'un barbare ennemi

Contre vos bastions usant d'un droit infâme,

Dirige et le bitume, et le fer, et la flamme ;

Trop longtemps de ce droit l'Univers agémi;

Au lieu de se livrer aux fureurs de la guerre,

Les peuples se visiteront,

Les rivalités cesseront,

Et la paix désormais régnera sur la terre.

(1) Il veut que la Puissance,à son ordre fidèle,

Remplace des rameurs le travail fatigant.

Ce fut lui, en effet, qui, le premier, entrevit la possibilité de substi

tuer aux rames des roues muespar la vapeur; il construisit à cet effet

un bateau modèle, qui servit de guide au travail de ses successeurs.

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- 184--

Est-ce un frivole espoir qui m'éblouit?... Non, non.

Par un magique essor, de l'un à l'autre pôle,

Sur un tissu de fer glissera la parole (1),

Commeunglobe de feu glisse sur l'horizon.

Et n'est-ce pas la paix qu'un tel miracle annonce?

Peuples! dans un pressant danger,

L'éclair, quivient d'interroger,

Revient au mêmeinstant, porteur de la réponse.

Mais quelle autre merveille enchante mes regards !

D'un souffle impétueux, quelle est cette puissance,

Qui, bienfaisante fée, a semé l'abondace,

Fait grandir l'industrie, et féconde les arts?

Danstoutes les cités, son haleine brûlante,

Avant de rentrer dans les cieux,

Laisse desgages précieux

Des prodiges nouveaux que sans cesse elle enfante.

Maintenant que les fils de l'active Albion

Saisissent de Papin la machine-modèle ,

(1) Surun tissu de fer glissera la parole.

C'est vers le milieu du siècle dernier qu'un physicien allemand eut

le premier l'idée d'employer l'électricité pour communiquer instanta

nément la pensée à distance. Les essais qu'il tenta sur une petite

échelle, et qui depuis furent continués, à différentes époques, en

France, en Angleterre et même aux États-Unis, prouvèrent que la

chose n'était pas impossible, mais ce n'est que de nos jours qu'ils

ont donné un résultat miraculeux.

Ce n'est que dans ces derniers temps que les lignes de fer ontper

mis de faire les expériences en grand, et ont donné toutes les facilités

et sûretés désirables pour la conservation et l'entretien des fils con

ducteurs,

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- 185-

Que Savery(1), que Watt(2) s'enrichissent par elle,

Que même elle ait grandisous la main de Fulton(5);

Que ses fils, si puissants sur l'empire de l'onde,

Armés qu'ils étaient du trident,

Aient salué le souffle ardent

Quifait de la vapeur la maîtresse du monde;

Que dansses intérêts, toujours si palpitants,

Londres sur deswagons ait marché la première (4),

Et que ses chars, roulant dans une double ornière,

S'élancent, fendent l'air, et dévorent le temps :

Les mortels étonnés, admirant son audace,

Ases succès applaudiront,

Et les peuples s'empresseront

De suivre, avectransport, la route qu'elle trace.

(1) Savery. - -

Savery était un capitaine de la marine anglaise qui perfectionna la

machine-modèle de Papin, et qui découvrit le moyen de condenser

la vapeur à volonté. - -

(2) Watt. - -

JamesWatt naquità Grenach (Écosse) en 1736. Il composa desma

chines ditesà double effet, c'est-à-dire qui recevaient la vapeur dessus

et dessous alternativement. Il s'enrichit par ces machines, et il mourut

en 1819,à Heathfied, oùil s'était retiré.

(3) Fulton. - -

Fulton naquit, en 1765, dans la Pensylvanie (États-Unis), où il per- .

fectionna la machine de Papin.

(4) Que dans ses intérêts, toujours si palpitants,

Londres, par la vapeur,voyage la première.

L'Angleterre réclame la priorité des bateauxà vapeur en faveur de

Jonathan Hull et de Patrick Miller, dont les essais sont antérieurs à

ceux de Fulton : mais la France revendique à meilleur droit la palme

pour Papin, qui le premier en eut l'idée, et qui l'exécuta, pour ainsi

dire, en construisant sa machine-modèle,

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- 186 -

Mais le GrandCitoyen, dont les nobles travaux

Atous ces mouvements ouvrirent la carrière,

Fut le fils de la France, et la France en est fière ;

Dans l'œuvre dugénie il n'eut point de rivaux ;

Et quand de lavapeur elle écrira l'histoire,

L'impartiale Vérité

Doit dire à la Postérité :

Watt, Fulton, àvous l'or; Papin,à toi la gloire.

Toujours de ses enfants honorant les succès,

La France en a gardé la mémoire fidèle,

Soit que dans les combats leur sang coulât pour elle,

Soit que leurfront ceignît les palmes de la paix.

Déjà de ses héros, des chefs de ses batailles

Un sage (1) a réuni les traits ;

Il a voulu que leurs hauts faits

Fissent revivre encor lespompes de Versailles.

Votrenom à la gloire est aussi réservé;

Desgrands hommes aussivous grossirez les listes.

Poëtes, Magistrats, Législateurs, Artistes,

Le siècle pacifique est enfin arrivé,

Et ce siècle sera le règne des merveilles.

Au lieu de verseràgrandsflots

Le sang des peuples, ses héros

Au bonheur des humains consacreront leurs veilles.

(1) Déjà, de ses héros, des chefs de ses batailles

Un sage a réuni les traits....

C'est le roi Louis-Philippe qui a créé,à ses frais, le muséum de

Versailles,

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- 187 -

Cet avenir déjà du ciel est descendu ;

Et l'espace et le tempset les lieux se confondent ;

Le Midi touche au Nord, les peuples se répondent.

France!à l'un de tes fils cegrand bienfait est dû.

Pour ce fils inspiré, reine auguste desgloires!

Saisis ton immortel burin,

Et grave le nom de Papin

Dans le noble palais, si fier de tes victoires.

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MISRAIM

POÈME EN QUATRE CHANTS

CHANT PREMIER

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RAa

Le poëte invite sa museà célébrer le triomphe de Misraïm.

Il repousse le culte que quelques peuples ont rendu au Soleil.

ll invoque le Tout-Puissant, seul créateur des mondes et des cieux.

Un rayon lumineux lui apprend que,pourpercer la nuit des temps,

il faut recourir aux livres de la révélation.

Ces livres enseignent qu'en créant l'homme, Dieu le fit Maçon,et lui

imposa des devoirs.

Les descendants d'Adam se livrèrent aux travaux Maç.* .; mais la

masse des hommes finit par se pervertir, et Dieu l'effaça de la terre

par le déluge. -

Noé seul fut sauvé; Dieu fit une nouvelle alliance avec lui, et ses

fils se partagèrent la terre. Le centre échutà Cham,père de Misraïm.

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CHIANT PREMIER

PREMIÈRE ÉPOQUE.

Depuis l'origine du monde , jusqu'à Misraïm.

O toi ! qui, t'animant d'une sainte chaleur,

Chantas la liberté, la gloire et le malheur (1),

Chaste fille du ciel, muse laborieuse,

Faisvibrer de nouveau ta lyre harmonieuse ;

Dusommet du triangle apprendsà l'univers

Du puissant Misraïm quels furent les revers,

Et deses oppresseurs flétrissant la mémoire,

Ranimetes accords,pour célébrer sa gloire.

Misraïm dans son temple est rentré : désormais

La gloire et Misraïm sont unisà jamais.

Il guide nostravaux, il préside aux mystères,

Ou de l'humanité déplorant les misères,

Lorsque partout le vice étouffe la vertu,

Le Maçon se console et n'est point abattu.

(1) Voir à la fin, pour les notes,

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-- 192 -

Plus d'un peuple te croit le maître dutonnerre,

Astre générateur, quifécondes la terre,

Depuis que,pour dompter le chaosténébreux,

Dieu lança son regard surton corps nébuleux (2),

Et queson œilimmense, embrassant l'écliptique,

Projeta dans tes flancs l'étincelle électrique !

Tous les astres épars dans les champs de l'éther,

Apparurent alors, comme brille l'éclair,

Quand, d'un rapide choc, s'abordent deuxnuages,

Prêtsà lancer au loin la foudre et les orages.

La terre aussiparut; et cédant à son poids,

Desglobes gravitants elle subit les lois ;

Parcourant son orbite, elle resta captive

Dans l'ovale tracéparta force attractive;

Et sur elle tesfeuxprojetés constamment

Ralentirent l'effet de son rayonnement,

Mais quand elle eut tournédes milliards d'années,

Quandtoutes les vapeurs, de son sein émanées,

Eurent, en s'élevant, absorbé ses rayons,

Elle devint enfin ce que nous la voyons.

D'un seul regard de Dieu la terre est donc sortie;

Mais toi, brillant flambeau, de quels lieux est partie

Ta masse qui reluit,parmitant de soleils,

Comme toi radieux,à ta gloire pareils?

T'es-tu créétoi-même?Oh!non : car les étoiles,

Qui brillent dans la nuit et décorent ses voiles,

Ont aussi leur orbite, et sont, ainsi que toi,

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– 193 -

Des corps soumis aujoug d'une éternelle loi,

Entraînant avec eux, dans leurs plans elliptiques,

Des astres suspendus, suivant leurs écliptiques ;

Mais ils n'ont rien crée.. Qui donc a fait ce ciel,

Ces mondes, ces soleils?C'est Dieu, c'est l'Éternel.

Ah! c'esttoi que j'invoque, auteur de la lumière !

De tes divins rayons éclaire ma carrière,

Créateurtout-puissant desglobes et des cieux !

Ta majestésuprême est cachée à nosyeux;

Mais du nord au midi, du couchantà l'aurore,

Le Maçon te connaît, te bénit, ett'adore.

Sur ton pacte avec lui les siècles ont passé,

Mais que le souvenir n'en soit point effacé,

Dieu puissant ! qu'il revive, et qu'il fasse connaître

Que dès les premiersjours tufus notre grand maître,

Et qu'aux rives du Nil, ministre de ton choix,

Misraïm transporta tes primitives lois ! -

- «Si,voyant le soleil, au-dessus desa tête,

« De tous ses mouvements l'homme fit la conquête,

« C'est parce que de l'art l'ingénieuxsecours

« Lui permit d'observer sa distance et son cours,

« Ainsi, faible mortel, des premiers jours dumonde

« Situveux éclaircir l'obscurité profonde,

« Frappe aupalais dutemps; songrand livre tracé,

« Par l'art révélateur, t'instruira dupassé.»

MM.. FF.., le Très-Haut exauce ma prière : -

Un éclair lumineux a frappé mapaupière ;

43

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- 194 -

J'ouvre le livre d'or, écoutez, écoutez

De ce livre sacré lesgrandes vérités.

Quand Dieu, de l'univers traçant le plan suprême,

Fit l'homme intelligent, et semblable à lui-même,

Il lui dit : « Tupourras t'élever jusqu'à moi ;

« Mais ilte faudra suivre et respecter ma loi,

« Ilfaudra, si tuveux obtenir ton salaire,

« M'imiter, travailler, obéir et te taire (4).

« Il faudra m'imiter, c'est-à-dire vouloir;

« Car dansta volonté j'ai placéton pouvoir (5).

« Ilfaudra travailler : j'ai travaillé moi-même

« Sixjours, et je me suis reposé le septième.

« Tu devras obéir : pourrais-tu faire un pas,

Sides yeuxexercés ne te dirigeaient pas?

Enfin,je te prescris un absolu silence.

Icitout me répond de ton obéissance :

« Le jour où tuvoudrais méconnaître mes lois,

« De toi, de tes enfants, je confondrais les voix,

« Bientôt ne pouvantplus vous entendrevous-mêmes,

« Vos bouchescontre moivomiraientdes blasphêmes(6)

« Etvous me forceriez, en devenant ingrats,

« A lancer le tonnerre au devant devos pas, »

(

(

((

(

((

(

Du maître souverain telle fut la parole,

Parole impérissable, et ce premier symbole

Futgravé dans le cœur dupremier des humains,

Du patriarche Adam : puis, Dieu mit dans ses mains

L'équerre, le compas, le niveau, la truelle,

Symboliques outils de droiture immortelle,

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– 195 -

Afin qu'il construisît,sur les plans éternels,

Auxvices des cachots, aux vertus des autels.

Devotre ordre sacrételle fut l'origine,

Enfants de Misraïm! Danssa bonté divine,

C'est Dieu même, c'est Dieu, qui fit l'homme Maçon,

Quand il créa le monde, et c'est avec raison

Que les livres sacrés et l'histoire fidèle

Donnentà ce grand fleuve une source si belle.

Aupatriarche Adam,premierConservateur,

SuccédaSeth, sonfils,profond observateur,

Qui des astres errants sous la céleste voûte,

Mesura la distance et découvrit la route :

Une double colonne,à mots mystérieux,

Apprità ses enfants les merveilles des cieux (7).

C'est parson fils Enos que les dogmes austères,

Antique fondement de nos sacrés mystères,

Consolèrent la terre, et c'est lui quigrava

Dans le Delta sacré, le nom de Jéhova.

Aussi pieux que lui, de la lampe divine

Caïnan, fils d'Énos, nous transmit l'origine ;

C'estpar ses descendants que le feu se soutint,

Toujours vif, toujourspur, jusqu'à cet homme saint,

Le père des croyants, le second Patriarche,

Qui sauva sa famille, en construisant cette arche,

Ce vaisseau de salut, ce Théba protecteur,

Qui des flots élevés heureuxtriomphateur,

____-_ -_ -------------- -------------------------

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– 196 -

Quand ils dominaient tout,de l'unà l'autre pôle,

De la destruction préserva laparole.

Pour avoir mérité ce traitement affreux,

Qu'avaient donc fait, hélas! ces mortels malheureux?

Dédaignant les leçons de l'austère sagesse,

Desvices corrupteurs ils savouraient l'ivresse ;

Et dugrand Jéhova méconnaissant la voix,

Ils blasphémaient son nom, et méprisaient ses lois.

L'Éternel irrité voulut,dans sa colère,

Par un grand châtiment, épouvanter la terre,

Afin que cet exemple auxsiècles à venir,

Du pouvoir de son bras transmît le souvenir.

Il ordonne, et brisant leurs barrières compactes,

La milice céleste ouvre les cataractes ;

Les flotsimpétueux s'élancent dans les airs ;

Et les mers, et les lacs, et lesfleuves divers,

Se gonflant, s'élevant de leurs grottes profondes,

Joignent aux eauxdu ciel leurs ondes furibondes,

Enveloppent le globe, et ce vaste cercueil

De tout le genre humain couvre etpunit l'orgueil ;

Tout périt (8)... Noé seul, dans l'arche protectrice

Rendgrâceà l'Éternel, et bénit sa justice.

Devant le tabernacle, où brûle un pur encens,

Prosterné nuit et jour, ainsi que ses enfants,

Il gémit, il attend, il espère,il implore..

Et maintenant, mortels! oserez-vous encor

Braver le Créateur, affronter son courroux,

------------- -------------------------*

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- 197 -

Nier son existence? Enfin, oserez-vous,

Quand d'un souffle il produit ce cataclysme immense,

L'offenser, et douter de sa toute-puissance ?

De son pouvoir divin les merveilles des cieux,

Ces milliers de soleils, qui brillent à vosyeux,

N'étaient-ils pas d'ailleursune preuve assez claire ?

Mais enfin le pardon succède à la colère;

Signe heureux de clémence, un arc auxsept couleurs

Apparaîtà Noé, dont il sèche les pleurs ;

Dans les mers,dans les cieux, les ondessont rentrées ;

De leurjoug oppresseur les terres délivrées

Reprennent leurs parure, et, d'un bec entr'ouvert,

La colombe revient, portant un rameau vert.

Noé sortà ce signe, et courbévers la terre,

Il adresse auTrès-Haut sa fervente prière ;

Sa famille célèbre un triple alleluia,

Qui monte jusqu'au trône, où règne Jéhova ;

Sur l'arc consolateur la parole sacrée

Est descendue aussi de la voûte azurée,

Et ce gage éternel de paixet de bonheur,

Les enfants de Noé le placent sur leur cœur.

De leur fraternité ce sera le symbole ;

Ils vont se séparer : maispar cette parole,

Ettoujours et partout ils marcheront d'accord:

Japhet porte ses pas vers les plages du Nord,

Le Midi dugrand Sem recevra la lumière,

Et Cham, quivers le centre a tourné sa bannière,

Sur les rives du Nil plante ses pavillons.

C'est ainsi que Noé, ce père des Maçons,

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- |98 -

A, dans tous les climats, répandu nos mystères,

Et les maçons, par lui, sont un peuple de frères.

FIN DU PREMiER CHANT.

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CHANT DEUXIÈME.

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----- ------- *

rR Au

Misraïm arrive en Egypte, etil y rallie les peuplades errantes dans

les marais du Nil.

Il laisse les profanes adorer le Soleil, et ne confie qu'à des initiés

les secrets de la haute science.

Les rois qui luiont succédéprotègent ses institutions, et l'on accourt

de tous les climats, pour puiser la sagesse et les lumières en Egypte.

Salomon se rend à Memphis pour se faire initier; il consulte les

prêtres du sacré collége sur la construction du temple que son père

a voué à l'Eternel.

ll prend les trois premiers grades du rit de Misraïm, pour recon

naître, à l'aide des signes, des mots et des attouchements, les

apprentis, les compagnons et les maîtres qui doivent être occupésà la

construction du temple.

Le temple est construit:Salomon rend grâce à l'Eternel, et s'endort

du sommeil desjustes.

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CHANT DEUXIEME.

SECONDE ÉPOQUE.

Depuis Misraïm jusqu'à Salomon.

Au nord, comme au midi,sousSem et sous Japhet,

Tandis que desMM.°. l'ordre saint triomphait,

D'un fleuve, débordésurune agreste plage,

Les descendants de Cham occupaient le rivage (1),

Et Misraïm trouva dans ces sauvages lieux

Les tristes rejetons de sespremiers aïeux.

Ralliés par ses soins à la Maçonnerie,

Le Nil est devenu leur commune patrie (2);

Bientôt par leurs travaux, le fleuvevagabond

Se resserre, et devient un réservoir fécond,

Quijetant sur le sol un limon salutaire,

Fait du riche Delta le grenier de la terre.

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-202-

Plus tard, Thèbes, Memphis étalent dans les airs

Destemples, qui seront l'orgueil de l'univers (5),

Et dont les murs sacrés, attirant tous lessages,

Desplus lointains climats recevront les hommages.

Mais le feu le plusvif, ouprofane ou sacré,

S'évapore bientôt s'il n'est point concentré.

Le prudent Misraïm, sous des hiéroglyphes,

Confia ses secretsà de sages pontifes,

Qui ne les révélaient aux profanes mortels

Que sous la sainteté desserments solennels.

Chaque cité d'Égypte eut alors son symbole ;

L'éloquente Memphis, reine de la parole,

Adopta,pour le sien, la Pie, oiseau jaseur ;

Thèbes, quijusqu'au ciel levait son front penseur,

De l'Aigle,à l'œil de feu, décora sabannière ;

Canope, qui du Nilcouronnait la carrière,

Avait choisi le Vase, où brûle unpur encens,

Comme pour rendre hommageà ses flots bienfaisants,

Et le Sphinxvigilant était l'heureux emblême

Des sages, qui veillaient sur l'Égypte elle-même.

Ces sages, préparés dans Héliopolis

Aux secrets solennels de Thèbes et de Memphis,

Gardaient le feu divin; mais dans chaque vallée,

Le roi majestueux de la voûte étoilée

Avait aussi son temple, où ses rayons sacrés,

Étaient, avec respect, par la foule adorés,

Et c'était vers cet astre, honoré d'âge en âge (4),

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– 203 -

Et non vers l'Éternel, dont il était l'ouvrage,

Que s'élevaient les vœux et l'encens des mortels :

Toujoursà l'égoïsme on dressa des autels.

Après tant de bienfaits, au sein de la lumière,

Misraïm, dans Memphis, termina sa carrière; .

Mais son nom par l'oubli ne fut point effacé;

Déjà quatre mille ans sur sa cendre ont passé,

Et pendant ce longtemps, son ombrevénérée,

Comme celle d'un Dieu, fut toujours adorée.

Au règne glorieux du puissant Misraïm

Succéda dans Memphis le sage Patruszim (5);

C'est ce roi, qui suivi de ses braves cohortes,

Non loin des murssacrés de la ville aux cent portes(6),

De cesgéants altiers, de cesgrands monuments,

Qui bordent le désert, creusa lesfondements (7).

L'Égypte, déjà belle, et déjà florissante,

SousOzymandias, fut encore pluspuissante.

PremierConservateur, ce monarque vaillant

Construisit, près du Nil, un palais si brillant,

Qu'ilsurpassait en tout lesplus rares merveilles ;

Vers la célébrité comme il portait ses veilles,

Il rassembla d'Hermès les livres précieux,

Etpar lui Misraïm s'assit au rang des dieux.

D'un cercle d'or, couvert de riches pierreries,

Il ceignit son tombeau; de vastesgaleries,

Où le cours du soleil se traçait jour parjour

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- 204 -

De l'uneà l'autre année, en formaient le contour,

Et sa statue enfin, de grandeur colossale,

Portait ces motspompeux, écrits d'or et d'opale :

«Je suis plusque tout autre, et plus grandet plus roi,

« Qui me démentira doit faire plus que moi. »

A ce roi fastueux plusieurs rois succédèrent ;

Son orgueilleux défi, quelques-uns l'acceptèrent,

Euchoréus porta sa couronne à Memphis;

Un autre de son nom dota le lac Mœris;

Sésostris, ce géant de grandeur et d'audace,

Domptal'Éthiopie, et la Perse et la Thrace;

Enfin le roi Cæthès chassa de ses États

Le prince qui ravit Hélène à Ménélas (8).

Tous ces rois protégeaient la doctrine sacrée.

Toujours cachée au peuple, et toujours vénérée;

Maisdeux rois aveuglés, Chéops et Chéfrenès,

Se livrant à l'instinct de leursgoûts effrénés,

Voulurent la détruire, et leurmain sacrilége

Des fils de Misraïm menaçait le collége, :

Quand des mystères saints unjeune initié,

Sethos, fils d'Azoroth, autrône associé,

Au prix de tous ses droits, après plusieursvoyages,

Parvintà conserver les trois aréopages ;

Lefeu divin brilla pendant près de mille ans,

Et dans le livre écrit de ses nombreux enfants,

Misraïmput compter Pythagore, Socrate,

Thalès, Platon, Homère, Épicure, Hypocrate,

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-- 205 -

Et mille autres encor, dont le nom respecté

Est écrit au burin de l'immortalité.

Pendant qu'aux bords du Nil, ces ouvriers célèbres

Dérobaient la lumière aux siècles des ténèbres

D'autresinitiés, sur les bords africains,

Rassemblaient autourd'eux des peuples inhumains,

Adoucissaient leurs mœurs, et des leçons austères

Propageaient la science, et fondaient nos mystères.

Saba, que construisit de Cham unpetit-fils,

Devint, dans l'art sacré, l'émule de Memphis,

Et dans ces régionssauvages, athéistes,

Mœroés'illustra par sesgymnosophistes.

Cependant du feu saint la lueur s'étendit,

Desplaines de Memphis aupalais de David,

De ce roi que le ciel marquaparmi les sages,

Comme un fanalbrillant dans l'océan des âges.

Guidéparses rayons, cet illustre M.°.,

Voulut, en expirant, que sonfils Salomon

Offrità Jéhova,danssa magnificence,

Un gage solennel de sa reconnaissance,

Un temple dont l'éclat éblouît l'univers,

Et qui par sa grandeur imposât aux pervers.

lLe savant Bedarrid, dont Beda fut l'ancêtre (9),

De Carriath alors se trouvait le grand-Maître.

L'illustre Éléanam brillait dans Bethléem,

Hyram éclairait Tyr, BoozJérusalem.

= =

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- 206 -

Le jeune Salomon de ces maîtres habiles

Réclame le concours et les conseils utiles ;

Il leur dit ses projets, et, d'après leur avis,

Afin de mieuxs'instruire, il se rendà Memphis ;

Là, lespontifes saints, aufond du sanctuaire,

Conservaient avec soin le travailséculaire,

Le chef-d'œuvre d'Énos, le précieux Delta,

Qu'aux rivages du Nil Misraïm transporta.

Salomon s'initie auxsublimes mystères;

Déjà de la vertu les principes austères,

Dès ses plusjeunes ans, avaientsaisi son cœur;

Il touchaità cet âge où tout plan de grandeur

Électrisait son âme, et malgré sa jeunesse,

Cette âme était formée aux lois de la sagesse.

Dès qu'ils furent instruits des grands projets du roi,

Les sages de Memphis,se fiant à sa foi,

Remettent dans ses mains, d'un accord unanime,

Du patriarche Enos le monument sublime,

Et sous cet étendard, deux cent mille ouvriers (10)

Vont dans Jérusalem former leurs ateliers.

Un serment les retient sous une règle austère;

Lesunsforgent le fer, d'autrestaillent la pierre,

D'autres enfin,soumis aux lois d'Adhoniram,

Vontfaçonner le bois dans les forêts d'Hyram (11).

Les trois premiers degrés du rite misraïmite

De cet ordre nouveau formèrent la limite :

Les maîtres au milieu recevaient leur tribut,

- --- -------------

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- 207 --

Les apprentis au nord, les compagnonsau sud,

Et quand desplus zélés l'œuvre extraordinaire

Paraissait mériter un surcroît de salaire,

De degrés en degrés cesvertueuxMM..,

De la haute science apprenaient les leçons ;

Mais de l'ordre sacré la Puissance Suprême

Pouvait seule accorder cette faveur extrême.

Telfut d'Adhoniram le rite primordial,

Enfant de Misraïm, mais non passon égal ;

Par cet ordre parfait, dans la septième année,

Du temple duTrès-Haut l'œuvre fut couronnée (12);

Le précieux Delta fut dans le Saint desSaints

PlacéparSalomon, et de ses propres mains ;

Pendant sept fois neufjours, mille cris de victoire

Duprodige nouveau célébrèrent lagloire;

Le peuple avec transport visita le saint lieu,

Où partout ressortait la majesté de Dieu ;

De mille alleluia les voûtes retentirent;

- D'accord, par trois fois trois, mille maillets battirent ;

Hyram par Salomon fut comblé de bienfaits,

Et tous deuxautombeau descendirent en paix.

l'IN DU DEUXIÈME CHANT.

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- ------

------------- --------- -------

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- n--- ------- ---------- - ----------

CHANT TRO IS IEMI E.

-

*14

Page 207: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

à Au p

L'Egypte est envahie et ravagée par Cambyse, qui du Nil se porte

sur l'Éthiopie.

Les initiés de Thèbes le précèdent à Saba. Ils préparent une défense

passive, en brûlant tout, et en conduisant le peuple dans l'intérieur de

l'Ethiopie. Cambyse est forcé de se retirer, et il trouve la mort sous

les murs d'Ecbatane,près du Mont-Carmel.

Plus tard, les Romains parviennent à s'emparer de l'Egypte ; ils sont

vaincus à leur tour par les Sarrazins, et ceux-ci chassés de Jérusalem

par les Croisés, etde l'Égypte par Napoléon.

Plusieurs guerriers, adeptes d'IIyram, entrent dans les Pyramides

avec ce dernier conquérant, et demandent à s'initier aux grands

mystères de la Maç. ' ..

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CHANT TRoIsIEME.

TROISIÈME ÉPOQUE. -

Depuis Salomon jusqu'à Napoléoni.

Sous nos dogmes sacrés, le fléau de laguerre

Paraissait exilé du centre de la terre,

Depuis que Salomon, saintement inspiré,

Avaitbâti le temple auSeigneur consacré,

Du Niljusqu'au Jourdain, la divine science

En rayons bienfaisants étendait sapuissance ;

Les peuples réunis sous sonjoug paternel,

Jouissaient des douceurs du lien fraternel ;

Le feu de Misraïm brillait dans la Chaldée ;

Sa flamme pacifique éclairait la Judée,

Enfin la paix régnait, quand un monstre inhumain,

A qui l'ambition mit le fer à la main,

Dunombre et de la force arborant la bannière,

D'un nuage de sang obscurcit la lumière.

OThèbes ? ô Memphis ! malheureuses cités !

Ils sontpassés les jours de vos prospérités.

Le farouche Cambyse, usant d'un droit infâme,

Porte dans votre sein et le fer et la flamme;

Vos remparts démolis, vos palais consumés,

En brasiers dévorants vos temples transformés

Nepeuvent assouvir la rage qui le ronge ;

*

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Tigre altéré de sang, il le cherche,il s'y plonge ;

Et quand le peuple croit se soustraire au trépas,

Que la flamme vomit au devant de ses pas,

Du barbare irrité la rage s'est accrue ; -

Sa froide prévoyance, au bout de chaque rue

A d'avance placé desgroupes d'assassins ;

Toute issue est fermée, et les efforts sont vains;

Lesvieillards, les enfants, les filles et les femmes,

Tout ce qui ne futpas dévorépar les flammes,

Succombesous les coups d'une lâche fureur.

Quels cris ! quel désespoir! quelles scènes d'horreur !

L'enfant est égorgé sur le sein de sa mère,

Le sang du fils se mêle à celui de son père;

Partout la mort,partout, pour fuirun assassin,

Dufer sanglant d'un autre on sent percer son sein.

Droit fatal du vainqueur, code affreux de la guerre,

Quelgénie infernal vous lança sur la terre !

Enfin sur cestombeaux, depuis quinze cents ans(1),

Avec unjuste orgueil, bravant l'air et le temps,

Cambyse ose porter une main sacrilége.

Le barbare, escorté d'un farouche cortége,

Envahit leur enceinte, et les pontifes saints

Succombent sous les coups de ces vils assassins.

Mais ils seront vengés : montant unepolacre,

Quelques initiés ontpufuir le massacre ;

Aux sanguinaires coups la nuit les déroba,

Et s'étant dirigés vers les murs de Saba,

Les prêtres surent d'eux que le monarque impie

Etait prêt à marcher contre l'Éthiopie.

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– 2l3 -

Sur le danger qu'il court le peuple est éclairé,

Et le plan de défense aussitôtpréparé.

- Laguerre de Cambyse est celle d'un sauvage,

Résiste-t-on? la mort; cède-t-on? l'esclavage ;

On ne doit pas céder, il nefaut point mourir,

Mais au désespoir mêmeà l'instant recourir,

Et du monstre, à tout prix, arrêtant la furie,

Ausort qui la menace arracher la patrie.

D'abord, pour entraver ses soldats inhumains,

Tous les ponts sont détruits, on rompt tous les chemins,

Et puis on se retire.... et lorsque les esclaves

Pensent avoir franchi les plus fortes entraves,

Pour leursyeux étonnés quel spectacle effrayant !

Le feu de tout côté; les peuples en fuyant,

Ont laissé derrière eux l'horreur et l'épouvante;

Maisons, temples,palais, la flamme dévorante

Consume, détruit tout, et l'agresseur enfin,

Ne voit, de toute part, qu'un désert et la faim (2).

Sages conservateurs de la Maç..,

Vos conseils, vostravaux ont sauvé la patrie !

Le fierCambyse avu ses bataillons nombreux,

De leurs cadavres froids jonchant un sol poudreux,

La fuite devenir son unique ressource, ----

Vers legolfe Arabique il a repris sa course ;

Ausein de leursfoyers, sous des lauriers flétris,

Il espérait dessiens ramener les débris ;

Mais la mort, arrêtant sa carrière profane,

Le frappe de safaux sous les murs d'Ecbatane ;

-

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- 2l 4 -

Il meurt, laissant un nomàjamais exécré,

Et le Nil, malgré lui, revoit le feu sacré (5).

Cefeu, sous Alexandre et sous les Ptolémée,

Afourniconstammentsa flamme accoutumée ;

Il ne s'éteignitpas, même sous les Romains,

Lorsque de l'univers ces maîtres souverains

Eurent soumis l'Égypte à la ville éternelle,

Ettoujours lesMaçons aimeront Marc-Aurèle (4).

Mais toutpasse ici-bas, et l'empire romain

Disparaît à son tour sous le fer sarrazin,

Sous ce fer, qui,forgépardes hordes tartares,

Despeuples les plus doux fit des peuples barbares ;

Sous ce fer meurtrier, que les fils deJaphet

Transmirent, teint de sang, auxfils de Mahomet (5).

Enfin ce fer se rouille, et déjà les califes

Souffrent, sans l'empêcher, quenossages pontifes,

S'éloignant de leurs murs et de leurs minarets,

Aillent dans les tombeaux, aillent dans lesforêts,

Cacher de Misraïm la doctrine sublime,

Soitsur les bords duNil, soit aux rocs de Solyme,

Et nos conservateurs, dociles et discrets,

Aux barbares ainsi dérobaient leurs secrets.

e - « « • • e • e • - • • • e • • e e - e e - e

-

Pendantprès de mille ans l'esprit humain sommeille.

Au siècle de Léon enfin il se réveille (6);

Chassés de l'Orient, les arts consolateurs,

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- 2|5 -

Auprès des Médicistrouvent des protecteurs ;

Et leur reconnaissance, en prodiges féconde,

D'un temple sans rival dote Rome et le monde (7).

Le glaivejusqu'ici subjugua les humains ;

La foudre désormaisvagronder dans leurs mains(8);

L'homme, sans s'égarer,voguera vers le pôle (9);

Guttemberg sur l'airain fixera la parole (10);

- Et les peuples enfin, opprimés si longtemps,

A leur tour agresseurs, deviendront conquérants.

Déjà l'antique Gaule et la noble Allemagne,

Et la belle Italie, et l'héroïque Espagne,

Honteuses de gémir sous le joug sarrasin,

Contre la barbarie ontsonné le tocsin (11);

D'une sainte fureur, au nôm du ciel saisie,

L'Europe,àflots pressés, se jette sur l'Asie ;

Elle combat,triomphe, et ses bravesguerriers,

Les palmesà la main, rentrent dans leurs foyers :

Le drapeau fraternel de la Maç.°.

Flottera désormais au sein de leur patrie.

Des malheurs deSolyme intrépides vengeurs !

C'est d'abord survos pas que nos rites voyageurs

Entrèrent dans la France, et leurs flammes célestes

Vinrenty dissiper desimagesfunestes.

De ce fleuve, qui vit le divin Osiris,

Le malheurèux Orphée et le sage Sosis,

Point sacré, centre pur de la voûte étoilée,

Ils avaientpénétré dans la sainte vallée,

Où s'était élevé le temple de David ;

Page 213: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

--216-

Là, du parvis sacré, votre œil les entrevit ;

Mais il n'enput saisir qu'une faible parcelle ;

Du sageSalomon,la prudence fidèle

Des ouvriers du temple arrêtant les progrès,

Avait borné leur marche auxtrois premiers degrés.

Imitant sa sagesse et suivantson exemple,

Vous-mêmes, parvenus jusqu'au parvis du temple,

Vous ne franchissez point la porte du milieu,

Cette porte d'airain conduisant ausaint lieu ;

La foule quivous suit et quivous environne,

Vous l'arrêtez au pied de la double colonne

Qui borne le parvis; et là, vos ouvriers,

Aidés d'un mot, d'un signe et de leurs tabliers,

S'isolant sur deux rangs duprofane vulgaire,

Viennent de leurstravaux recevoir le salaire ;

Puis, quand ils sont payés, et que lejour s'enfuit,

Vous rentrez, pour gémir, dansunsombre réduit.

Tels sont les trois degrés de la Maç..,

Que les chefsprimitifs de la chevalerie

Trouvèrent dans Sion, et ces FF... pieux,

Qui n'avaient qu'un seul but,un but religieux,

Surl'arbuste fleuri de la rose croissante,

Greffèrent un rameaude la croixtriomphante;

C'est ce grade nouveau, qui régnantsur les trois,

Devint,dans l'Occident, le prince R. .. -- ... (15).

Des échelons, montant au quatre-vingt-dixième,

Quelques-uns cependant franchirent le neuvième ;

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- 2l7 -

C'est là qu'on les arma duglaive flamboyant ;

Ils devinrent alors chev.°. d'Or.°.,

D'Écosse, d'Hérédon ou de la Palestine,

Et se crurent savants dans la haute doctrine ;

Mais quoique sous des noms et dessignes pompeux,

Ils eussent réuni des adeptes nombreux,

- Travaillant isolés et sans expérience,

Ils n'atteignirent point la sublime science.

Ces antiques foyers oùs'épurent les cœurs,

Oùviennent s'engloutir les vices corrupteurs,

Que craignent les méchants, où les bons se rassurent,

Les chevaliers Croisésjamais ne les connurent ;

Pour les adeptesseuls avec soin éprouvés,

Par les doyens de l'ordre ils étaient réservés ;

Et les premiers éclairs de la Maç..

Vinrent seuls, sans chaleur, sillonner la patrie.

Lefoyer véritable était toujours celui

Où dugrand Misraïm l'astre pur avait lui.

ll brûlait nuit et jour, sous des maîtres rigides,

Sur les rives du Nil, au sein des Pyramides,

Lorsque sur le plateau, quide ces monuments

Surunrocher profond porte les fondements,

Suivide sesguerriers, Napoléon arrive.

Làgît le feu sacré sur sa terre native;

C'est là qu'il se dérobe auxvulgaires humains,

Parce qu'il s'éteindrait sous leurs profanes mains.

Le hérosvoit d'abord ces masses séculaires,

Leur régularité, leurs formes angulaires,

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- 218 -

Que des despotes seuls osèrent projeter,

Que des esclaves seuls purent exécuter.

Il contemple ces murs, dont l'immense structure (14)

Semble avoir eu pour but de vaincre la nature.

Ils'avance à travers mille et mille détours,

Qui toujours parcourus recommencent toujours.

Il atteintà la fin la chambre sépulcrale,

Où dormait de Chéops la dépouille royale.

Auprès de ce tombeau faiblement éclairé,

Sur un trépied d'orpur brûlait le feu sacré;

A lagarde des rois, dans ce lieu de silence,

Ungrand Conservateur veillait en apparence,

Maisil entretenait, dans la réalité,

Lefeu de la morale et de la vérité.

Le héros, qui cherchait un appui sympathique,

Remplit facilement son dessein politique (15),

Il atteignit son but; et quantà ses guerriers,

Du rite d'Adhoniram modestes ouvriers,

Comme ils n'avaient reçu qu'un rayon de lumière,

Ils brûlaient du désir de la voir tout entière.

Quand le tonnerregronde, ainsi quelques éclairs

Ases bruyants éclats préparent l'univers.

FIN DU CHANT TROISIÈME.

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CIIANT QUATRIÈME.

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RRA :

Les guerriers Adhoniramites demandent au grand Conservateur des

Pyramides d'être initiés aux mystères de Misraïm, et aidés par lui, ils

arrivent au sommet du triangle.

Différence entre le rit d'Adhoniram et la science de Misraïm.

Les temples de Misraïm s'établissent en France, et la P. · .. S. * .

appelle les FF. *. de tous les rites à l'union et à la fraternité.

Apothéose d'Erwin, architecte de la cathédrale de Strasbourg, et

régénérateur de la Franc-Maç. · ..

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CHANT QUATRIEME.

QUATRIÈME ÉPOQUE.

Depuis Mapoléon aux *yramides jusqu'à ce jour.

Parmi les visiteurs destombeaux séculaires,

L'ill.'.patriarche a reconnupourfrères

Quelques-uns desguerriers, qui des parvis sacrés

Avaient déjà franchi les troispremiers degrés,

Et qui, maîtres des lieux, où jadis Pythagore,

Homère,Salomon, et mille autres encore,

- Avaient de la sagesse encensé les autels,

Désiraient de marchersur leurspas immortels.

« Vers le foyer quibrûle au fond des Pyramides,

« Daignez, avaient-ils dit,guider nospastimides,

« Sage Conservateur, et que nosfaibles yeux

« Puissent envisager son éclat radieux !

« Nousvoulons, s'il se peut, doter notre patrie

« Des bienfaits malconnus de la Maç...,

« Et nous venons ici recevoir les leçons,

« Qu'ypuisèrent jadis tant d'ill... M.°.

« -Jeunes initiés de la moderne école,

« Le but oùvous tendez n'estpas un but frivole,

« Répond le Patriarche; ainsique ces enfants,

« Qui n'ont encore atteint que trois, cinq ou neufans,

« Si l'alt de faire un pas, ou d'assembler des lettres

Page 219: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 222 -

«(Forme tout le savoir, tout l'esprit de leurs maîtres,

Autour du cercle étroit, qui les retient captifs,

Ils tourneront en vain leurs regards attentifs ;

Quel que soit le degré de leur intelligence,

Ils nepourrontjamaisvaincre leur ignorance.

Mais poursuivant le cours de leurs premierstravaux,

Si ces jeunes enfants, sous des maîtres nouveaux,

« Du feu, dont l'étincelle ajailli sur leurâme,

« Avec persévérance, alimentent la flamme,

« Ils atteindront le but, et pourront, hommes faits,

« De leur zèle éprouvé recueillir les effets.

- « Et ce but, quel est-il? Quelle est cette lumière

« que vous tenez cachée au fonddu sanctuaire?

« Lui demande l'un deux, avec timidité.

- « Je suis loin de blâmer ta curiosité,

« Trop ardent néophyte !une telle science

« Ne se peut acquérir que par l'expérience ;

Et pour te dire tout, cette étude, cet art,

Nous ne pouvons jamais les livrer au hasard.

D'un vouloir réfléchi nous exigeons despreuves ;

Il faut nous assurer,par de longues épreuves,

Que cette volonté, constante en ses desseins.

« Avecun monde faux a rompu ses liens.

« Ce n'est que revêtu d'une robe nouvelle,

« Que l'homme peutgravir au sommet de l'échelle (1),

«- Et quand nous atteindrons ce point mystérieux

« Un horizon nouveau frappera donc nosyeux?

-«D'uneatmosphère impure,ô mes chers néophytes !

« Sivous pouvezun jour dépasser les limites,

« Au sommet du triangle assurervotre pied,

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- 223 -

((

Et de là, voyezl'homme : ilvous fera pitié. .

Vos yeux, en se tournant vers cette terreimmonde,

Vers ce globe fangeux, qu'on appelle le monde,

Verront l'ambition garrotter de ses fers

Les pauvres habitants de cepauvre univers,

Qui, de cette prison où fomentent les haines,

Pourse rendre importants,courent après des chaînes :

Grains de sable, agités quelque temps dans les airs,

Pour aller s'engloutir dans le gouffre des mers,

Bulles de vanités, dont l'éclat et l'enflure

Tombent dans le néant, à la moindre piqûre !

« Tels ne furent jamais les MM... éclairés

Quipurent parvenirà nos derniers degrés.

Vers l'extrême hauteur ils s'élevaient sans cesse,

Et quand ils arrivaient, la main de la sagesse

Les guidant, à travers mille écueils dangereux,

Les conduisait au port oùtendaient tous leursvœux.

Là, du limon impur, dont elle était souillée,

Leur âme, au même instant, se trouvait dépouillée ;

Et leurs yeux éclairés voyaient avec dédain,

Les malheureux débats du pauvre genre humain,

Heureux d'être à l'abri des embûches sans nombre

Que le monde trompeur avait ourdi dans l'ombre,

Et de goûter enfin les douceurs d'une paix,

Que les ambitieux ne connurent jamais.

Ainsi, quand la tempête, après de longs orages,

S'éloigne, en murmurant, sur l'aile des nuages,

Le soleil, qui succède au fléau destructeur,

Répand sur l'univers un feu consolateur.

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- 224 -

- « Du Puissant Misraïm Pontife vénérable,

« Quiprofessez si bien sa doctrine admirable,

« Duplus beaujourpour nous enfin l'aurore a lui.

« Sage Conservateur, prêtez-nous votre appui,

« Et pour parler enfin votre langue mystique,

« Aidez-nousàgravir l'échelle symbolique. »

Chacun des aspirants aussitôt se soumet

Amonter les degrés qni mènent au sommet;

Ils veulent arriverà cette autre atmosphère,

Où nul nuage impur n'obscurcit la lumière ;

Ils parviennent enfin au terme désiré,

Et transportés ainsi dans un monde épuré,

Comme au milieu des mers une immuable roche,

Brave, en le repoussant, le flot qui s'en approche,

Ils voient des passions les flots tumultueux

Vainement se mouvoir, s'agiter autour d'eux ;

Calmesà leur aspect, et froidsà leurs amorces,

Dans l'art mystérieux ils ont puisédes forces,

Qui leur font repoussertout désir effréné,

Et des vices trompeurs l'attrait empoisonné,

Nos héros sont enfin rentrés dans leurpatrie,

Respirant les parfums d'une nouvelle vie,

Ils veulent les répandre, et doter l'Occident

De l'immense bienfait d'un ordre indépendant ;

Des adepteszélés, des ouvriers habiles

Avaient déjà rendu leurs travauxplus faciles ;

Du fond de l'Ausonie ils avaient rapporté

Le rite de Misraïm, de lauriers escorté.

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' - 225 -

Dans le même dessein leurs cœurs se réunirent;

Ils firent un appel auxMM.-., et leur dirent :

(A des fils aveuglés,fussent-ils même ingrats,

Un bon père est toujours prêtàtendre les bras).

« de Misraïm, d'Hyram, deThèbes ou deSolyme,

« Qu'importe le drapeau? même esprit nousanime ;

« Offrir unjuste hommage à la divinité,

« Rendre l'homme meilleur, servir l'humanité,

« Voilà le but commun. Entrez dans notre temple :

« De nossages Doyens suivant le noble exemple,

« Vous nousverrez toujours dans le calme et la paix,

« Travailler augrand œuvre, et n'oubliant jamais

« De notrefondateur les leçons salutaires,

« Vous ne serezpour nous que des fils ou des frères.-

(

Puisse ce noble appel être enfin entendu !

Qu'Hyram, que Misraïm, types de lavertu,

De leurs rivalités repoussent la mémoire !

Ne sont-ils pas tous deux enfants de la victoire ?

Si du Nil sur nos bordsMisraïm fut porté,

Sur l'aile du courage etde la liberté,

Des héros d'Antioche et de la Palestine,

Les chevaliers d'Hyram tirent leur origine ;

Qu'Hyram et Misraïm rapprochent leurs autels,

Sous la même bannière ils seront immortels,

FIN DU QUATRIÈME ET DERNIER CHANT.

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NOTES

Première Époque.

(1) O toi qui, t'animant d'une noble chaleur,

Chantas la liberté, la gloire et le malheur.

Allusion au poème de l'auteur, intitulé : Épopée de la Révolution

française.

Voici comment s'exprime sur cet ouvrage le journal intitulé : la

Réforme :

« Résumer en un poème en dix chants tous les faits héroïques et

« politiques qui sillonnent notre histoire de 1775 à 1814, était une

c« lourde tâche, que l'auteur a remplie avec bonheur,

« Bannissant totalement l'esprit de parti, ne jugeant les faits qu'avec

« une stricte impartialité, il donne à chacun la part qui lui revient; il

« semble avoir adopté pour devise : Pitiépour l'infortune, Honneur au

« courage. » (Journal du 12juin 1845)

(2) Mais quand,pourvaincre enfin le chaos ténébreux,

Dieu lança son regard sur ton corps nébuleux.

our établir le système de la création du globe, Buffon avait sup

posé qu'une comête avait heurté le disque du soleil, et en avait déta

ché une parcelle, quiserait notre globe.

Ce système est aujourd'hui repoussé généralement, et l'on a admis,

comme plus vraisemblable, le système des nébuleuses, établi et déve

loppé par Laplace.

(3) Le Maçon te connaît,te bénit et t'adore.

Le premier principe des Maçons est de croire en Dieu et de l'adc

rer. J'ai ététémoin d'une réception dans laquelle le néophyte fut ren

voyé, parce qu'il fut soumis à l'épreuve de cette croyance, et qu'il ne

put pas la supporter.

(4) Il faudra,si tu veux obtenir ton salaire,

M'imiter, travailler, obéir et te taire.

Il n'estpas de M.* .. qui ne sache que telles sont les premières obli

gations que l'on contracte en entrant dans l'ordre.

(5) Car dans ta volontéj'ai placé ton pouvoir.

Lesfacultés principales de l'homme sont l'entendement et la volonté ;

l'entendement qu'il faut diriger vers la vérité, la volonté qu'il faut

plier à la vertu. L'un est le but de la logique, l'autre est celui de la

morale.

(Explication du Systèmé des connaissances humaines.)

(6) Bientôt ne pouvant plus vous entendre vous-mêmes,

Vos bouches contre moivomiraient des blasphêmes.

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- 227 -

Allusion à la tour de Babel : ce précepte du silence que les M.*.

doivent garder n'apas besoin d'être justifié, et l'on comprendra facile

mentpourquoije ne m'étends pas davantageà ce sujet.

(7) Une double colonne, à mots mystérieux,

Transmit à ses enfants les merveilles des cieux.

L'historien Josèphe parle de ces deux colonnes, qui existaient, dit

il, avant le déluge, et sur lesquelles étaientgravés, non-seulement les

phénomènes de l'astronomie, mais encore les principes de toutes les

sciences.

(8) Tout périt : Noé seul dans l'arche protectrice,

* Rendgrâce à l'Éternel et bénit sa justice.

Il n'est pas de vérité historique qui soit mieux prouvée que le

déluge,

Beroze, le Chaldéen, parle de l'arche qui s'arrêta, vers la fin du

déluge, sur une montagne d'Arménie.

Abydène, autre auteur Chaldéen, donne sur ce déluge quantité de

détails semblables à ceux qu'en donne Moïse.

Nicolas, de Damas, dit qu'au temps du déluge, il y eut un homme

qui, arrivant avec une arche, ou un vaisseau, sur une haute mon

tagne d'Arménie, échappa au déluge universel.

Lucien, Traité de la déesse syrienne, donne sur ce terrible évène

ment les mêmes circonstances quisont exposées dans la Genèse.

Varron parle du temps qui s'écoula depuis Adamjusqu'au déluge.

Les Chinois disent qu'un certain Puën Cuus échappa seul avec sa

famille au déluge universel.

Jean de Lart et Lescarbot rapportent la tradition constante du déluge

parmi les Indiens de l'Amérique.

Enfin Ovide (Métamorphoses, liv. 1) rapporte les mêmes circonstances

du déluge, en les appliquant à la mythologie grecque, et en mettant

Deucalion à la place de Noé. (Histoire universelle.)

Est-il possible de nier ce cataclysme, devant toutes ces autorités, et

devant les preuves géologiques qui existent sur toute la surface de la

terre?

Et si cela est, comment les hommes pourraient-ils méconnaître la

puissance infinie de celui qui, d'un mot, a pu la faire éclater d'une

manière si terrible?

Deuxième Époque.

(1) D'un fleuve débordé, sur une agreste plage,

Les descendants de Cham occupaient le rivage.

Après le mauvais succès de l'entreprise faite par Nemrod pour bâtir

la tour de Babel, Cham se dirigea vers l'Afrique, où l'on croit qu'il

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- 228 -

fut honoré comme un dieu, sous le nom de Jupiter Ammon. ll avait

quatre fils : Chus, Misraim, Phuth et Chanaan. .

Chus s'établit en Éthiopie, Misraïm en Égypte, où il fut accompagné

de son père; Chanaan dans le pays qui a porté son nom, et que les

Grecs appelaient Phénicie; enfin Phuth s'établit dans la partie de

l'Afrique qui est à l'occident.

(2) Le Nil est devenu leur commune patrie.

L'Égypte s'appela primitivement Misraïm, du nom du second fils de

Cham, qu'il ne fautpas confondre avec Mesram, frère de Nathras, fils

de Nacraüs, tous deux prêtres-rois de l'Egypte et successeurs dugrand

Hermès, sur lequel nous dirons quelques mots, puisque l'occasion s'en

présente, attendu que c'est lui qui a donné naissance à cette Maçonne

rie hermétique, qui, nalgré lui, a fait tant de dupes dans tous les siè

cles, par l'appât de découvrir la plerre philosophale.

Égyptien de naissance, Hermès fut nommé Thoth ou Phtath par ses

compatriotes; Thaut par les Phéniciens et Hermès Trimégistre par les

Grecs.

Voici en quels termes Alkandifait mention de lui :

« Du temps d'Abraham,vivait en Égypte Hermès ou Idris second :

« Que lapaixsoit avec lui! Il fut nommé Trimégiste,parce qu'il était

« prophète, roi et philosophe. Il enseigna l'art des métaux, l'astrolo

« gie, la magie, la science des esprits. Pythagore, Bentècle (Empé

« docle), Archélaüs le Prêtre,Socrate, orateur et philosophe, Platon,

« auteur politique, et Aristote le logicien, puisèrent leur science dans

« les écrits d'Hermès. »

Ce grandhomme eut de nombreux disciples, soit parmi lesprêtres

rois de l'Égypte, soitparmi les ambitieux, tant anciens que modernes

qui croyaient qu'il avait voilé l'art de faire de l'or, sous l'ombre des

énigmes et des hiéroglyphes. -

Mais lesphilosophesjudicieux ont pensé que le véritable objet de la

science hermétique avait été de cacher sous ces mêmes hiéroglyphes

l'unité de Dieu, qu'il eût été dangereux de démontrer à des peuples

trop attachés aux dieux de la fable ouà ceux qu'ils s'étaient créés eux

mêmes.

(3) Enfin,Thèbes, Memphis étalent dans les airs

Des temples quiseront l'orgueil de l'univers.

Ces magnifiques cités ont disparu sous le fer des Vandales, et la

capitale de l'Égypte est aujourd'hui le Caire.

« Le Caire, dit M. Denon, n'est qu'un tas de villages que l'on a ras

semblés, on ne sait pourquoi, les éloignant d'un beau fleuve pour les

rapprocher d'un rocher aride. » (Voyage en Égypte,p. 175.)

Ce que M. Denon feint de ne passavoir a été expliqué de la manière

suivante ;

Page 226: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 229 -

Le Caire s'appelait autrefois Meuré.-Cette ville étant tombée aupou

voir d'un roinommé Mohés, ce roi en fit gouverneur un esclave. Cet

esclave,pour tenir les peuples de son gouvernement dans la soumis

sion, fit bâtir tout auprès une forteresse,à laquelle il donna le nom de

Kaireh, qui était celui de la reine.

On bâtit ensuite tant de maisons du côté de la ville, qu'elles allèrent

jusqu'à Meuré, sous le nom de Kaïré. De là l'origine du nom de

Caire, que tous les peuples de l'Europe lui donnent maintenant, et

voilà aussi pourquoi cette ville s'est éloignée du Nil, pour se rappro

cher du rocher.

(4) Et c'était à cet astre honoré d'âge en âgo.

L'attribut qu'Ovide donne au soleil dans ses Métamorphoses est

celui-ci :

Omnia quae video,per quem videt omnia mundus,

Mundi oculus...

C'est à ce dieu et voyant et visible que les premiers peuples adres

saient leurs hommages, comme au seul Dieu vivant.

(5) Au règne glorieux du puissant Misraïm

Succéda dans Memphis le sage Pathrusim.

Misraïm passe pour être la souche des Pathrusim.

(Genèse, liv. XIv.)

(6) Non loin des murs sacrés de la ville aux centportes.

Pomponius Méla et d'autres auteurs entendent par les cent portes

autant de palais dont chacun pouvait, au besoin, mettre en campagne

20,000 combattants et 200 chariots.

(7) De cesgéants altiers, de ces grands monuments,

Sur les bords du désert jeta lesfondements.

Indépendamment des pyramides, qui passent pour une des mer

veilles du mondes,il y avait à Thèbes quatre temples remarquables :

l'un d'eux, dit Diodore de Sicile, avait un mille et demi de tour, cin

quante coudées de haut, et des murs de quatre pieds d'épaisseur.

(8) Le prince, qui ravit Hélèneà Ménelas,

Fut par le roi Cœthès chassé de ses états.

Le ravisseur d'Hélène s'était réfugié en Égypte; il en fut chassé.

Hélène s'était retirée dans l'île de Rhodes, où régnait Polypc : elle

fut pendue par les servantes de ce prince. La guerre de Troie, dont

elle fut cause,fit périr, dit-on,826,000 Grecs et 676,000 Troyens.

(9) Le savant Bedarrid dont Beda fut l'ancêtre.

C'est de la tige de ces ill. · .. Maç.· .. que descendait le T. .. P. .. F.·.

Marc Bedarride,G.· .. C. · .. de l'ordre de Misraïm en France, et auteur

de l'ouvrage intitulé: De l'Ordre Maç. · .. de Misraïm (Voir la note 5e

du4e Chant). -

Page 227: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 230 -

(10) Etsous cet étendard, deux cent mille ouvriers

Vont dans Jérusalem former leurs ateliers,

Voici le détail des ouvriers qui furent employés à la préparation des

matériaux:

30,000 occupésà couper et à polir les bois de cèdre et de

sapin.

80,000 à extraire, tailler et polir les pierres.

70,000 à transporter les matériaux.

33,300 à l'intendance, la direction et la surveillance des

travaux.

16,700 forgerons, fondeurs et autres ouvriers,---- -

Total. 200,000

Ces deux cent mille ouvriers travaillant pendant sept ans à la

construction d'un temple, donnent déjà une idée gigantesque du

travail; mais c'est en l'analysant que l'esprit humain se trouve

confondu.

En effet, la hauteur du temple était de 120 coudées, estiméesà

2pieds l'une, ce qui faisait ensemble 240 pieds.

La façade orientale, soutenue par des remparts de pierres carrées

d'une grosseur énorme, était de 960pieds.

Ces remparts avaient 1,000 coudées de longueur dans le fond, et 800

à lapartie postérieure, avec 100 de large de plus.

Les énormes arcs-boutants qui soutenaient les remparts étaient de

la même hauteur, carrés sur le haut, larges de 50 coudées, et débor

daient aussi de 50coudées aux fondements.

Les pierres dontils étaient bâtis étaient, suivant Josèphe, longues de

quarante coudées, épaisses de 12, toutes en marbre, et siparfaitement

jointes, qn'elles semblaient ne former qu'une seule et même pierre,

ou plutôt un vaste rocher poli.

Suivant le même auteur, il y avait 1,453 colonnes de marbre de

Paros, et deuxfois autant de pilastres, d'une sigrande épaisseur, que

trois hommes pouvaient à peine les embrasser; leur hauteur et les

chapitaux étaient en porphyre et de l'ordre corinthien.

Les matériaux de cet étonnant édifice avaient été taillés et finis,

chacun suivant sa destination, avant d'êtrs conduits à Jérusalem, en

sorte qu'on n'entendit dans le temple aucun coup de scie, de marteau,

ni d'aucun autre outil.

Tous ces ouvrages se préparaient dansune vallée dite des Artisans.

Le fameux Tabernacle fut dressé dans le désert, par Besaléel et

Ooliab, deux fameux ouvriers, dont la science, dit l'Écriture, fut

inspirée de Dieu.

C'est près de Jéricho, dont le terrain était du meilleur argile,

Page 228: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 23l -

qu'Hyram jeta en fonte le mur d'airain, et les deux colonnes de

18 coudées de haut, quifurent placées au vestibule du temple, l'une

portant en relief la lettre J, l'autre la lettre B, initiales des noms de

deux des meilleurs ouvriers.

(11) D'autres soumis aux lois du sage Adhoniram,

Vont façonner les bois dans les forêts d'Hyram.

Hyram, roi de Tyr, avait une affection particulière pour le roi

David. Lorsque Salomon monta sur le trône,par la mort de son père,

Hyram lui envoya une ambassade pour lui faire les compliments

d'usage, et Salomon profita du retour des ambassadeurs pour écrire à

Hyram la lettre suivante : -

Le roi Salomon au roi Hyram, Salut.

« Le roi mon père avait un extrême désir de bâtir un temple en

« l'honneur de Dieu; mais il ne l'a pu, à cause des guerres conti

« nuelles où il s'est trouvé engagé, et qui ne lui ontpermis de quitter

« les armes qu'après avoir vaincu ses ennemis, et les avoir rendus ses

« tributaires. Maintenant que Dieu me fait la grâce de jouir d'une

« profonde paix, je suis résolu d'entreprendre cet ouvrage, qu'il a

«préditàmon père quej'aurais le bonheur de commencer et d'achever.

« C'est ce qui me fait vous prier d'envoyer quelques-uns de vos

« ouvriers, pour couper avec les miens,sur la montague du Liban, les

« bois nécessaires pour cet édifice ; car nuls autres,à ce que l'on dit,

« ne sont habiles, en cela, que les Sidoniens, et je les paierai le prix

« que vousjugerez raisonnable. »

Le roi Hyram reçut cette lettre avec joie, et y répondit en ces

termes:

Le roi Hyram au roi Salomon.

« Je rendsgrâce à Dieu de ce que vous avez succédéà la couronne

« du roi votre père, qui était un prince très-sage et très-vertueux, et

«je ferai avecjoie ce que vous désirez de moi;je commanderai même

« qu'on coupe dans mes forêts quantité de poutres de cyprès et de

« cèdres que je ferai conduire par mer, attachés ensemble, sur le

« rivage de tel lieu de vos états que vous jugerez le plus commode,

c« pour être de là transportés à Jérusalem. Je vous prie de vouloir

« bien, en récompense, permettre une traite de blé, dont vous savez

« que nous manquons dans notre île. »

Josèphe assure que les originaux de ces deux lettres se voyaient

encore, de sen temps, dans les archives desJuifs et desTyriens; elles

s'accordent parfaitement avec ce que l'Écriture rapporte sur le même

sujet. -

Salomon, satisfait des procédés du roi Hyram, lui accorda, en

reconnaissance, un présent annuel de vingt mille mesures de froment

et de vingt mesures d'huile. Outre le bois de cèdre et autres maté

Page 229: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 232 -

riaux, Hyram envoya à Salomon un homme fameux à Tyr par son

habileté à travailler en or, en argent et en autres métaux, pour

diriger cette grande entreprise. L'amitié d'Hyram ne se borna pas là :

il fournit les meilleurs bois du Liban, les plus habiles architectes

et ouvriers, et lui donna cent vingt talens d'or pour achever l'édifice.

(12) Grâce à ces ouvriers, dans la septième année,

De ce temple divin l'œuvre fut couronnée.

Ce fut l'an du monde 2992, et la quatrième année de son règne,

que Salomon organisa les ouvriers qui devaient concourirà l'élévation

du temple, et qu'il les divisa en trois classes, savoir : les apprentis, les

compagnons et les maîtres, suivant la classification des trois premiers

degrés du rite de Misraïm, auquel Salomon s'était fait initier en

Égypte.

Troisième époque.

(1) Enfin sur cestombeaux, depuis quinze cents ans.

Ce fut dans le dix-neuvième siècle du monde que fut construit, par

Ozymandias, le fameuxtemple souterrain qui sert de fondement aux

Pyramides, et ce fut l'an 3475 que Cambyse porta une main sacrilége

sur ces monuments immortels.

(2) . . . . .. et l'agresseur, enfin,

Ne voit, de toute part, qu'un désert et la faim.

Tel fut aussi la tactique des habitants de l'Égypte, lorsque les

Français en firent la conquête. Les villages, dit M. Denon, étaient

désertés à l'approche de l'armée, et les habitants emportaient tout ce

qui aurait pu l'alimenter.

(3) Et le Nil, malgré lui, revoit le feu sacré.

Zamoskis,Grec d'origine, et élève de Pythagore, se trouva dans les

Pyramides, où il avait reçu une augmentation de salaire, lorsque

Cambyse envahit les sépultures royales, qu'il en mit les habitants aux

fers, et qu'il les fit conduire captifs à Babylone. Zamoskis fut au

nombre des prisonniers; il se perfectionna dans cette ville célèbre,

parvint au sommet dutriangle, et revint ensuite aux Pyramides, dont

ilfut nomméG.* .. C. * .. -

(4) Et toujours les M. · . aimeront Marc-Aurèle.

La vertu de Marc-Aurèle est passée en proverbe. Sobre, austère,

affable,simple et modeste, sa vie est le commentaire le plus noble qui

aitjamais été fait des principes de Zénon.

Nous ne citerons de sa vie que ce qui se rattache à l'objet dont

nous nous occupons.

Marc-Aurèle était dans la Germanie, où il combattait dans le pays

des Quades, âu délà du Danube, lorsqu'il apprend qu'Avidius Cassius,

l'un de ses lieutenants, s'est révolté, et s'est fait nommer empereur à

Page 230: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 233 -

Antioche. Soudain, il suspend ses opérations militaires, et se dirige

vers la Syrie,pour aller au devant de Cassius, résolu de lui remettre

l'empire, si les dieux voulaient qu'il régnât à sa place.

Mais les dieux en ordonnèrent autrement. Il apprit en route que

Cassius avait été poignardé par un centurion. On lui apporta même la

tête de l'usurpateur. Marc-Aurèle détourna les yeux, et ordonna que

ces tristes restes fussent inhumés avec honneur.

II continua sa route vers la Syrie, et il passa en Egypte. Arrivé à

Alexandrie, il apprit que les habitants de cette ville avaient refusé de

se soumettre à Cassius, et lui étaient restés fidèles. Il accorda à cette

ville, où il vécut plutôt comme un citoyen et un philosophe que

comme un empereur, les plus grands priviléges, soit en faveur de sa

fidélité, soit à cause des institutions qui y florissaient, qui attiraient

en Égypte les sages de tout l'univers, et auxquelles il s'était fait

initier.

De là il se rendit à Athènes, où il se fit également initier aux

mystères de Cérès Eleusine.

Ces mystères avaientpour but de perfectionner l'homme par des

pratiques morales. On venait des contrés les plus éloignées pour s'y

faire initier.

Le respect pour la vertu y était en sigrande vénération, que Néron

n'osa pas s'yprésenter.

La discrétion y était si sévèrement observée, que la tête de Diagoras

fut mise à prix pour avoir révélé les secrets des mystères.

Le rite était calqué sur les cérémonies égyptiennes.

La doctrine reposait sur les éléments de la raison et de la sagesse.

(5) Sous ce fer meurtrier que les fils de Japhet

Transmirent,teint de sang, auxfils de Mahomet.

Tous les savants conviennent que les Mogols et les Tartares descen

dent de Japhet,troisième fils de Noé.

Et Comme les Turcs et les Tartares étaient originairement un seul et

même peuple, tout ce qui convientaux ancêtres des uns est applicable,

par cela même, aux ancêtres des autres.

(Hérod., liv. VII, chap. 18. -Gen., liv. II.)

(6) Au siècle de Léon.

Le pape Léon X eut l'honneur de donner son nom à son siècle,

. (7) D'un temple sans rival dote Rome et le monde.

L'Église de Saint-Pierre à Rome.

(8) La foudre désormaisgrondera dans leurs mains,

Invention de la poudre à canon,vers 1340.

(9) L'homme, sans s'égarer,voguera vers le pôle.

Invention de la boussole, en 1302.

Page 231: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 234 -

(10) Guttemberg sur l'airain fixera laparole.

lnvention de l'imprimerie vers 1340.

(11) Déjà l'antique Gaule.....

Contre la barbarie ont sonné le tocsin.

Les Croisades.

(12) De ce temple quivit le divin Osiris,

Le malheureux Orphée et le sage Sosis.

Cefut sous le nom d'Osiris que le roi Ozymandias plaça Misraïm au

rang des dieux.

Orphée,poète de Thrace, étant allé en Egypte pour sefaire initier, y

perdit Euridyce, qu'il avait épousée dans la Thessalie, et qui l'avait

accompagné aux Pyramides. Il composa, à l'occasion de ce malheu

reux événement, un hymne tellement mélodieux, que les PP. · .. lui

accordèrent l'initiation sans le soumettre aux épreuves rigoureuses, et

qn'ils firent tout ce qui dépendit d'eux pour le consoler.

Ozoroth, souverain d'Égypte, eut un fils, nomméSethos, qu'il sur

nomma Sosis, c'est-à-dire conservateur. Sosis renonça au trône, en

faveur de son frère, sous la seule condition que les institutions de

Misraïm seraient respectées, et qu'il en serait le Grand Conservateur

au sein des Pyramides.

(13) C'est ce grade nouveau qui, régnant sur lestrois,

Devint dans l'Occident le prince R. .. -- . · .

Le grade de la Rose croissantefut transformé en celui de P. ..R...--..

à l'époque des Croisades.

C'est le seul grade, avec les trois premiers, qui ait été prispar la

Maç.·. bleue dans les 90 de l'échelle mystérieuse de Misraïm.

(14) Il entre dans ces murs, dont l'immense structure

Semble avoir eupour but de vaincre la nature.

La plus grande des pyramides couvre de sa base sept arpents de

terrain; sa hauteur en a six, et la largeur de chacun des quatre côtés,

qui diminue à mesure que la pyramide s'élève, a 65 coudées ou 130

pieds.

Une inscription gravée sur cette pyramide apprenait que la dépense

faite en oignons, ail et raves, donnés pour vivres aux ouvriers,mon

taità seize cents talents d'or; que 360,000 hommesy furent employés

pendant vingt ans, et qu'il en coûta douze millions d'or pourtranspor

ter lespierres, les tailler et les poser.

« Le rapport le plus digne sous lequel on puisse envisager ces édi

fices, dit M. Denon, c'est qu'en les élevant, les hommes aient voulu

rivaliser avec la nature en grandeur et en éternité, et qu'ils l'aient fait

avec succès, puisque les montagnes qui avoisinent ces monuments de

leur audace sont moins hautes et non moins conservées. »

( Voyage en Égypte.)

Page 232: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

– 235 -

Si M. Denon assigne aux pyramides une origine purement orgueil

leuse, un auteur moderne (M. de Percigny) a adressé récemment à

l'Académie desSciences un ouvrage dans lequelil leur assigne un but

utile. Il cherche à établir que ces masses merveilleuses eurent pour

but de garantir la vallée du Nil des irruptions sablonneuses du désert,

cn opposant au courant aérien une résistance égale à l'excès de leur

vitesse.

Entre ces deux systèmes, qui peuvent également se soutenir, il en

existe un troisième qui nous paraît plus vraisemblable : c'est que les

pyramides devraient leur origine à une opinion superstitieuse. Les

Égyptiens avaient la folie de croire que, même après leur mort, l'âme

restait unie au corps,jusqu'au moment où ils commençaient à se cor

rompre. Cette extravagante opinion suggéra l'idée et la coutume d'em

baumer les corps et de les remplir de végétaux connus comme les

meilleurs préservatifs contre la putréfaction. Ce fut pour le même

. but qu'en construisant lespyramides, ony renferma les corps des rois

d'Egypte, qui, par ces précautions, devaient y !ouver une retraite

sûre et paisible.

(15) Le héros, qui cherchait un appuisympathique,

Remplit facilement son projet politique.

On se rappelle de la visite de Napoléon auxpyramides et de son en

tretien avec les muphtis et imans Suleynan, Ibrahim et Mohamed.

Nous croyons inutile de les rapporter, tout ce qui tient à la politique

étant d'ailleurs sévèrement exclu des mystères maç.* . de Misraïm.

Quatrième Époque.

(1) Ce n'est que revêtu d'une robe nouvelle

Que l'on peutparvenir au sommet de l'échelle.

Voici comment l'auteur de l'Égypte au XIXe siecle, M. Edouard

Gouin, raconte l'initiation de Platon aux mystères de la Maç.* .. égyp

tienne :

«Aux approches de la 95e olympiade, un pèlerin de la science vint

le long du Nil étudier la Théosophie, et demander la révélation des

pieux mystères, qui sur les nôtres possédaient l'avantage de n'être pas

sans clef.

« Les épreuves lui furent permises; il descendit aufond d'un puits

noir, communiquant avec des caveaux. Il poussa une grille d'airain qui

se referma aussitôt, non sans un glacial et sourd bruissement. La

torche à la main, il s'avança. Dépassant une seconde porte grillée, il

aperçut unegalerie d'arcades éclairées par des lampes; sur le fronton

se lisait cette phrase ; Tout mortel qui marchera seul et sans effroi

Page 233: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 236 -

dans l'enceinte sacrée, recevra la lumière, sera purifié par l'air et

l'onde, et initié dans les mystères secrets de la déesse Isis.

« Un appel d'en haut interrogea le néophyte pour savoir si le cœur

lui manquait, et le néophyte répondit : Non; et sans faiblir, il poursui

vit sa route.

« Devant une porte de fer parurent trois hommes armés, dont les

casques représentaient le museau d'un chien.

«Tu peux, lui dirent-ils, revenir surtespas; mais si,persistant dans

« ton dessein, tu recules ou détournes la tête, c'en est fait de toi. »

« Le néophyte répliqua: « J'irai en avant.»

« Une fournaise brûla béante: elle ne pouvait être traversée que sur

une grille très étroite ; au bout mugissaitun torrent: la rive ne pouvait

être gagnée qu'à la nage : le double péril fut résolument franchi. Le

plus terrible et le dernier de tous lui succéda.

« Un escalier de quelques marches menait à une lumineuse porte

d'ivoire qui s'ouvrait par deux anneaux étincelants. Le seuil abordé,

voici que le plancher tout à coup s'ébranla, comme sous la secousse

d'un impétueux tremblement de terre. D'énormes roues d'airain firent

mouvoir avec une incroyable rapidité de grosses et bruyantes chaînes.

La lampe tomba éteinte des mains du néophyte, quidemeura perdu au

sein du cataclysme ténébreux. ll ne cria point Grâce: un seul frisson

l'effleura.

« Il attendit.

« Le désordre, las de lui-même, céda la place au calme. Une porte,

invisible jusqu'à cette heure, livra passage dans une salle qu'illumi

naient des centaines de flambeaux: siégeaient là soixante prêtres cou

verts du byssus en étoffe de fin lin, portant, de même que les dieux,

des colliers d'une forme et d'une valeur proportionnées aux divers

grades. Le pontife orna l'initiéde la robe blanche, et lui présentantun

verre d'eau: « C'est le breuvage de Lethos. Bois l'oubli des sentences

mondaines. » -

« Vingt-quatre heuresd'un repos bien méritépréparèrent le néophyte

à une retraite de quatre-vingtsjours. Pendantcettepériode, et sixmois

encore, l'existence du Dieu créateur, ses noms, ses attributs, les

rayonnements de sa puissance infinie, à travers le soleil et les planètes,

les principes de haute morale et de philosophie religieuse furent

dévoilés au récipiendaire; puis on luiposa quelques questions: jamais

elles n'avaient été résolues avecune telle profondeur.On le reconduisit

aux lieux sacrés, où il jura de n'apprendre à aucun profane ce qu'il

avait vu et entendu, »

FIN DEs NoTEs.

( AP ) ,

Page 234: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

TABLE DES MATIÈRES.

PRÉAMBULE. .. . .. . . . . .. . .. . . . . .. . .. . .. . .. •

PREMIÈRE PARTIE.

L'Institution maçonnique ne doit passon origine aux maçons

pratiques. .. .. .. . . .. , . . .. . .. .. . .. . .. . .. . .. .

2. Origine du mot Franche-Maçonnerie . .. . . . . . . . .

3. Quelsfurent ses vrais fondateurs, . . . . . e - e - s -

4. La Chine fut son berceau. .. . .. . .. . . e • • • • • • • •

5. Son introduction en Égypte. . . . . . . .. . . . e s -

6. Son passage à Jérusalem. .. . .. . . • • • • e e s e - •

7. Adoption de quelques formules par les Templiers. .. . . .

8. Son passage de Jérusalem en Ecosse . . . . .. . .. . . . .

9. Création de l'ordre Saint-André du Chardon. . .. . . . .

10. Son passage d'Écosse en Angleterre, puis en France. . . .

11.

12,

13.

14.

15,

16

17

18.

DEUXIÈME PARTIE.

Fondation de la Franc-Maçonnerie en France , . .. . . . .

Nouvelle persécution sous Louis XV . .. . .. . .. . . .. . .

Bulle d'excommunication du papeClément XII . .. .. .

Le Châtelet continue ses persécutions . , . .. . . .. . . .

Établissement des LL.. Provinciales . . . . . . . . . . .

Introduction de l'Ecossisme en France. . . .. . . .. , . .

Création du chapitre de Clermont ct de celui des empereurs

d'Orient et d'Occident . . , . .. . .. . .. . . .. .. . .. . .

Introduction, en France, des 25 hauts grades apportés de

Berlin . .. .. . .. .. » . .. . .. .. . .. . .. . .. . . .. . .. . . 34

Page 235: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 238 --

19,

20.

21.

26.

Pouvoirs donnés au F. ", De Grasse de Tilly. . . , . . .. ,

Création du Suprême Conseil et ses débats avec le G. .. O.°.

de France . . e - s. - e s e - e - s e - e

La faction Lacorne nomme le duc de Chartres à la dignité

de G.*. M. " . .. . .. . .. . .. .. .. . - . .. . - - - -

. Nomination du duc de Chartres,à la dignité de G. .. M.°. .

. La Grande L. .. remplacée par le G. .. O. .. de France. . .

. Création de trois Chambres pour administrer l'Ordre . .. .

27.

28.

29,

30,

3l,

32.

33.

34.

35.

36.

37

Le G.'. O.'. prend les LL.'. d'adoption sous sa protection.

TR0ISIÈME PARTIE.

L'auteur se fait recevoir Franc-Maçon en 1795 . . , . . .

Création par l'auteur de la R. * .. L.". la Sincère Amitié,

à l'O.'. de Toulouse. . .. . .. . .. . . .. . .. . .. . .. ..

L'auteur obtient le prix du concours ouvert par la R.*.

L.· .. Saint-Louis des Amis réunis,à l'O. .. de Calais, sur

l'origine et l'établissement de la Maçonnerîe en France.

L. · .. d'adoption dans la R.* .. L. · .. de l'Age d'or,pour célé

brer le succès de son premier surveillant. . .. . .. .. . .

Nomination en 1814 de trois grands Conservateurs pour

remplacer le roi Joseph, Grand Maître de l'Ordre ma

çonnique. . . . . e e - s e - • • • • • • • • • e - s

lntroduction en France du Rite de Misraïm par les Frères

Bedarride . .. . . . s

Motifs pour lesquels l'auteur entra dans ce Rite, avec les

FF.". Muraire, Larrey, etc. . . . . . . . . . . - . .

Motifs qui le lui feront abandonner. .. . . . . . . . - « • •

Création de la R. .. L. .. Jérusalem des Vallées Égyptiennes,

par l'auteur . . . .. . . . .. . .. . .. . .. . e - « - - s

La Grande L. * .. Nationale. . .. . . . .. . . . - t - e e -

Belle conduite du G.*. O.*. et de ses GG,". MM.°, les FF.°.

Bertrand et Desanlis . .. . . . .. . . . . . .. . . . e a

Dissolution de la prétendue L.* . Nationale. . . .. . . . .

Belle conduite du G.* .. O." ., qui vient au secours d'un

des anciens membres de l'Assemblée nationale . : . .

Pages.

34

35

36

37

38

38

39

41

45

48

56

57

60

61

38.

61

Page 236: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

- 239 -

39.

40.

41.

42.

43.

44

45

46

Continuation des travaux du G. *. O." . .. .. .. » . .. . . .

Attaques violentes desjournaux contre les Francs-Maçons.

Le prince Lucien Murat. .. . .. . . . . .. . . . .. . .. . .

Manière extraordinaire dont il fut reçu Franc-Maçon. .. . .

Son élection à la dignité de G.* . M.* ., le 9janvier 1852.

Premier acte du 6..M. .. .. .. .. .. . e s - e -

Installation du G. *. M." . . .. . . .. . .. .. . .. . .. .. . .

QUATRIÈME PARTIE.

Notification à toutes les puissances maçonniques de l'avéne

ment du prince Murat à la dignité de G.· .. M. · .. de la

Maçonnerie française. . . . . .. . . . . .. . .. .. . . .

. Projet du G.* .. M. · .. d'élever unTemple appartenantà la

Maçonnerie française . . . .. . . . . . . . . . . . . .

. Achat d'un local pour un Hôtel maçonnique. . . .. . . .

Convent constituant. . . . . . . . . . . . . . . . .. . .

. Congrès universel. . . .. . . .. . . .. . . . . . .. . . . .

Oratorio projeté.. . . .. , . .. . .. . . . .. . . .. . . . .

. Révision des Cahiers symboliques . .. . . . . . . . . . .

. Révision des hauts grades. . . .. . . . . . .. . . . . . .

. Voyage de l'auteur aux Pyrénées. . .. . . . .. . . . . . .

. Elévation du Prince Murat à la dignité de grand cordon de

la Légion d'honneur . .. . . . . .. . . . . .. . . .. . .

Création de l'Institut dogmatique. . . . . . . . . . .. , .

. Archives du G.* .. O.* . . .. . . . .. . . . . . .. . .. . .

L'hérésie du Dante. . .. . . .. . . . .. . . .. , . . .. . .

. Achèvement duTemple maç.. . . .. . . . . . . . . . .

. Tolérance maç." . . . . .. . . .. . .. . . . . . .. . . . .

. Cérémonie funèbre, à l'église Notre-Dame en faveur des

maçons excommuniés par l'évêque de l'île Maurice. . .

2. Charité maçonnique ou Maison de secours du G. ' .. O, *, .

. Indemnité au représentant du G.* .. M." . . . . . .. , .. ,

. Expiration despouvoirs du G.* .. M.* . . . . . . . .. . . .

5. Nomination des FF.*. Boubée et Desanlis pour administrer

le G.* .. O. * .. pendant la retraite du G." .. M. " , jusqu'à

l'expiration de ses pouvoirs. . .. . . . . . . . . .. . .

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Page 237: 0736 Boubee Souvenirs Maconniques

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66. Démission du F. * . Desanlis. . .. . .. . . .. . . . . . . .

67. Nomination d'une Commission de cinq membres approuvée

par le ministre de l'intérieur. .. . .. . . .. . .. . . .. . .

68. Nomination,en 1861,du maréchal Magnan,par l'Empereur,

à la dignité de Grand Maître. .. . .. .. : . . . . .. . .

69. Communication de tous lesgrades au maréchal Magnan par

la Commission. . . . . . . . . .. . . . . . .. . . . .

70. Ingratitude envers la Commission . . .. . . . . .. . .. . .

71. Réintégration du F.· .. Boubée à la dignité de G.· .. Off. · .

d'Honneur du G.· .. O. * .. par le maréchal avant sa mort,

et confirmation par le général Mellinet, élu à sa place. .

72. Lettre du prince Lucien Murat à l'auteur de ces Mémoires.

Pièces justificatives.

No 1. De l'origine et de l'établissement de la Maçonnerie en

France. .. . .. . .. . .. .. .. .. . .. . . . .. . .. . .. . .

No 2. Étude sur cette question : « Quelle influence la Maç. · .

« doit-elle exercer sur l'état social de la Femme? » ..

No 3. L'immortalité de l'âme. .. .. . .. , . - • s - e - e -

No 4. Ode maçonnique. .. . .. . . .. . . . • • e - s - s -

No 5. La découverte de la vapeur. .. .. . . . .. . . • • • • •

No 6. Misraïm. Poème en quatre chants. . . . . . . . . . .

Chant premier. .. . .. . .. . . . . .. . . .. . .. . . .

Chant deuxième . . . .. . . . . . . . .. . .. . .. .

Chant troisième . . .. . . . . .. . . . . . .. . .. . .

Chant quatrième. . . . . . .. . .. .. . .. , . .. . .. .

Notes. .. . .. . .. .. . .. . .. .. .. .. .. .. . .. .. .. .. .. · · · · ·

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Paris.-Typographie A. LEBON, rue des Fossés-St-Victor, 5,

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