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    B iodiversit

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    B iodiversitDynamique biologique

    et conservation

    Christian LvqueDirecteur de Recherches mrite lIRD

    Jean-Claude Mounolou

    Professeur mrite de luniversit Paris-Sud-Orsay

    2e dition

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    Illustration de couverture : Photojojo, Fotolia

    Dunod, Paris, 2008 Dunod, Paris, 2001 pour la prcdente dition

    ISBN 978-2-10-053802-7

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    unodLaphotocopienonautoriseestundlit.

    Table des matires

    INTRODUCTION 1

    CHAPITRE 1 POURQUOI SINTRESSER LA DIVERSIT BIOLOGIQUE ? 7

    1.1 Que recouvre le terme biodiversit? 8

    1.2 Les multiples visages de la biodiversit 9

    1.2.1 La biodiversit produit de lvolution 91.2.2 La biodiversit en tant que ressource alimentaire 111.2.3 La biodiversit marchande 111.2.4 Les biotechnologies 121.2.5 La biodiversit protger 131.2.6 La biodiversit dont on ne veut pas 13

    1.2.7 Biodiversit et socit 14

    CHAPITRE 2 LA DIVERSIT BIOLOGIQUE : UN TAT DES LIEUX 17

    2.1 La classification du vivant et ses principes 17

    2.1.1 Les niveaux dorganisation du monde vivant 182.1.2 Les hirarchies taxinomiques: la recherche

    dun ordre volutif et fonctionneldans la diversit des espces 19

    2.1.3 La notion despce 232.1.4 cosystmes 25

    2.2 Linventaire des espces 26

    2.3 La systmatique, linformatique et Internet 29

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    VI Table des matires

    2.4 Mesurer la diversit biologique 31

    2.5 La distribution gographique de la diversit biologique 32

    2.5.1 La diversit taxinomique des milieux aquatiques 342.5.2 Les gradients dans la rpartition spatiale 36

    2.5.3 La relation surface nombre despces 39

    2.5.4 Une organisation cologique: les biomes 40

    2.5.5 Une organisation taxinomique:les rgions biogographiques 41

    2.5.6 Les zones de grande diversit ou hotspots 43

    CHAPITRE 3 LES MCANISMES LUVRE DANS LA DIVERSIFICATIONDU MONDE VIVANT 47

    3.1 Comment dfinir la vie? 48

    3.1.1 La chimie lorigine de la vie 49

    3.1.2 Le gnome 50

    3.1.3 Comment la vie est-elle apparue sur Terre? 51

    3.2 Comment naissent les espces? 54

    3.2.1 Les mcanismes de la spciation 55

    3.2.2 Modes de spciation 55

    3.2.3 Gradualisme et/ou quilibres ponctus 56

    3.3 Les extinctions 57

    3.4 Ladaptation: une proprit fondamentale des organismes vivants 60

    3.4.1 Diversit gntique et adaptation des Eucaryotesaux changements de lenvironnement 60

    3.4.2 Les extraordinaires capacits dadaptationdes Procaryotes 63

    3.5 Quelques grandes tapes dans la diversification du monde vivant 65

    3.5.1 Les grandes lignes volutives et leurs relations 65

    3.5.2 Des unicellulaires aux pluricellulaires 67

    3.5.3 Lexplosion de la diversit biologique au Cambrien 67

    3.5.4 De la mer la terre: un passage russi 68

    3.5.5 La longue histoire des vertbrs 71

    3.5.6 Lhomme: un primate qui a russi? 72

    3.6 Lvolution de la vie est-elle prdtermine? 74

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    Table des matires VII

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    CHAPITRE 4 DYNAMIQUE DE LA DIVERSIT BIOLOGIQUEET CONSQUENCES DES ACTIVITS HUMAINES 79

    4.1 Paloenvironnements et diversit biologique 814.1.1 Les systmes terrestres nord europens 814.1.2 Les forts tropicales humides 874.1.3 Les systmes aquatiques continentaux 89

    4.2 Lhomme et lrosion de la diversit biologique 90

    4.2.1 Le mythe du bon sauvage 914.2.2 La disparition des grands mammifres

    la fin du Plistocne: lhomme est-il en cause? 914.2.3 Lrosion actuelle de la diversit biologique 93

    4.3 Dynamique de la diversit biologique et pressions anthropiques 96

    4.3.1 La pression dmographique 974.3.2 Utilisation des terres et transformation des paysages 974.3.3 Les introductions despces et les invasions biologiques 1004.3.4 La surexploitation 1054.3.5 Actions combines des activits humaines:

    la disparition des poissons Cichlids du lac Victoria 1064.3.6 Les non-dits 107

    4.4 Changement climatique 108

    CHAPITRE 5 DIVERSIT BIOLOGIQUE ET FONCTIONNEMENTDES SYSTMES COLOGIQUES 113

    5.1 La diversit biologique: un systme dynamique 1145.2 Fonctions des espces dans les cosystmes 115

    5.2.1 Les espces cls 1155.2.2 Les organismes ingnieurs 1165.2.3 Groupes fonctionnels: complmentarit et redondance 1175.2.4 Le cas des espces rares 117

    5.3 Hypothses concernant le rle des espces dans le fonctionnement

    des cosystmes 1175.4 Les relations de voisinage entre espces 119

    5.4.1 La comptition 1205.4.2 Les relations de coopration: commensalisme

    et symbiose 1205.4.3 Le parasitisme 121

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    VIII Table des matires

    5.5 Chanes et rseaux trophiques 123

    5.5.1 Producteurs-consommateurs-dcomposeurs:

    flux de matire et dnergie 1245.5.2 Les thories top-down et bottom-up 1265.5.3 Thorie des cascades trophiques 127

    5.6 Diversit des espces et production biologique 128

    5.7 Diversit biologique et stabilit des cosystmes 130

    5.8 Rle de la diversit biologique dans les cycles biogochimiques 132

    5.8.1 La fixation biologique de lazote 132

    5.8.2 Minralisation de la matire organique 1335.8.3 Stockage long terme des lments minraux 1345.8.4 Recyclage et transport des lments nutritifs

    par les consommateurs 134

    5.9 Rle des communauts biologiques 135

    5.9.1 Importance des micro-organismes dans la structureet le fonctionnement des rseaux trophiques plagiques

    en milieu aquatique 1355.9.2 Les ripisylves et le fonctionnement des cours deau 1375.9.3 Rle des communauts des sols 139

    5.10 Diversit biologique et dynamique de la biosphre 140

    5.10.1 Composition de latmosphre 1405.10.2 Contrle de lvapotranspiration dans le systme

    sol-plante-atmosphre 141

    5.11 Cohsion cyberntique des cosystmes: le rle des rseauxde communication 142

    CHAPITRE 6 DYNAMIQUE DE LA DIVERSIT BIOLOGIQUE ET CONSQUENCESEN MATIRE DE SANT 145

    6.1 La complexit des relations htes-parasites 146

    6.1.1 Le cas de lOnchocercose humaine 146

    6.1.2 Le cas du paludisme 147

    6.2 Les pathologies mergentes 148

    6.3 Activits humaines, diversit biologique, et sant humaine 154

    6.3.1 Les changes intercontinentaux 1556.3.2 Les nouvelles technologies lies au mode de vie 156

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    Table des matires IX

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    6.3.3 Leutrophisation des eaux et la prolifrationdalgues toxiques 157

    6.3.4 Les allergies 158

    6.4 Phnomnes dadaptation des agents pathogneset de leurs vecteurs aux moyens de lutte 159

    6.4.1 Rsistance aux antibiotiques 1596.4.2 Rsistance aux pesticides 160

    6.5 Substances dintrt mdical et diversit biologique 162

    6.5.1 Les pharmacopes traditionnelles 1626.5.2 Diversit biologique et industrie pharmaceutique 162

    6.5.3 Biotechnologies 164

    6.6 Maladies et changements climatiques 165

    CHAPITRE 7 LES RESSOURCES GNTIQUES ET LES BIOTECHNOLOGIES 167

    7.1 La domestication de la Nature: une longue histoire 168

    7.2 Crer et slectionner des espces utiles 169

    7.3 Gestion et diversit des ressources gntiques 1707.4 La rvolution biotechnologique et les OGM 176

    7.4.1 La transgnse 1767.4.2 Les applications dans le domaine agricole 1787.4.3 Comment prvenir les risques lis aux OGM? 179

    7.5 Droits de proprit sur les ressources gntiques 182

    7.5.1 Lengagement international de la FAO 183

    7.5.2 La Convention sur la diversit biologique 1847.5.3 Les catalogues 1857.5.4 Le Certificat dobtention vgtale (COV) 186

    7.6 Brevets sur le vivant: un dbat ouvert 187

    CHAPITRE 8 LA NATURE UTILE : VALEURS ET USAGESDE LA DIVERSIT BIOLOGIQUE 189

    8.1 Notions de biens et services fournis par les cosystmes 1908.2 Bases thoriques de lvaluation conomique

    de la diversit biologique 193

    8.2.1 Valeurs dusage et de non-usage 1938.2.2 Biens conomiques et biens gratuits 1948.2.3 Appropriation et/ou libre accs la diversit biologique 195

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    X Table des matires

    8.3 Donner un prix la diversit biologique? 196

    8.3.1 Que vaut lensemble des cosystmes? 197

    8.3.2 Des infrastructures naturelles 1988.4 Les usages de la diversit biologique 199

    8.4.1 Usages alimentaires des ressources vivantes 1998.4.2 Les produits de lextractivisme 2008.4.3 Le bois 2018.4.4 Les perspectives industrielles des biotechnologies 2028.4.5 Animaux et plantes dornements 2058.4.6 cotourisme 206

    CHAPITRE 9 LA CONSERVATION DE LA DIVERSIT BIOLOGIQUE 207

    9.1 Pourquoi protger la diversit biologique? 209

    9.2 Approches de la conservation 211

    9.2.1 Conservation in situ et ex situ 2119.2.2 Conserver les espces ou les cosystmes? 212

    9.2.3 Quelles priorits en matire de conservation? 2129.2.4 Si on parlait dargent? 214

    9.3 Les aires protges 214

    9.3.1 Des parcs nationaux contre les mfaits de lhomme 2149.3.2 Protger la Nature avec lhomme 2169.3.3 cologie de la rconciliation ou jardin plantaire? 2189.3.4 LEurope et la biodiversit: Natura 2000 2199.3.5 Des rserves pour protger les ressources marines 2209.3.6 Linconnue du changement climatique 221

    9.4 Une utilisation durable de la diversit biologique 222

    9.4.1 Le dveloppement durable 2229.4.2 Les savoirs traditionnels 2239.4.3 Lamnagement du territoire 225

    9.5 La conservation ex situ 225

    9.5.1 Les jardins botaniques 2269.5.2 Les parcs zoologiques 227

    9.6 La biologie de la conservation 228

    9.6.1 Fragmentation des habitats 2299.6.2 Rintroductions despces 2309.6.3 cologie de la restauration 231

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    Table des matires XI

    9.7 Lapproche prventive: le bilan de sant des cosystmes 233

    9.7.1 Sant et/ou intgrit des cosystmes 234

    9.7.2 Les indicateurs biotiques 2359.8 Les perturbations, des allies de la conservation? 236

    9.8.1 Le feu 2379.8.2 Cyclones et temptes 238

    9.9 Les conventions internationales 239

    9.10 Quelques mesures concernant la conservation des espceset des milieux naturels en France 241

    9.10.1 Les inventaires patrimoniaux 2419.10.2 Les protections rglementaires des sites naturels 2419.10.3 Droit du paysage 2429.10.4 La matrise foncire 2429.10.5 Le trop-plein juridique? 243

    EN GUISE DE CONCLUSION 245

    POUR EN SAVOIR PLUS (BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE) 249

    INDEX 255

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    Introduction

    En moins dun sicle, notre perception de la Nature et du monde vivantsest profondment modifie. On en trouve des tmoignages dans les

    comportements sociaux et dans les manuels denseignement.Dans le monde population majoritairement rurale du dbut du

    XXe sicle, limportant est de survivre. Les prdateurs et les ravageursdes cultures sont encore nombreux et, dans le domaine agricole, lesrcoltes sont incertaines. Lhomme, en Europe ou sous les tropiques(cest la grande priode coloniale), a encore des prdateurs redoutables.Nature et animaux sont souvent perus comme hostiles. Ainsi, dans lesmanuels scolaires franais, jusquau milieu du XXe sicle, les animaux

    sont classs en nuisibles et utiles. La destruction des nuisiblesest un vritable enjeu conomique national pour favoriser le dvelop-pement agricole. Presque tous les insectes sont nuisibles, il faut leurfaire une guerre acharne lit-on dans un des manuels scolaires quicherchent prparer les enfants la vie active.

    Cette attitude tait tout fait lgitime car lhomme subissait danssa vie quotidienne des nuisances insupportables, notamment dans ledomaine agricole (ravageurs des cultures) ou de la sant (malaria par

    exemple). Dans ce contexte psychologique, il nest pas surprenantquil y ait eu des dbordements. Les rapports sociaux par rapport auxrapaces, par exemple, illustrent la fois une ignorance de la Nature etde son fonctionnement, une psychose vis--vis des espces sauvages,et une exaltation de la suprmatie de lhomme sur la Nature. Lesrapaces, des brigands! Tous ces oiseaux-l sont des brigands et

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    brigands et demi. Il suffit quils soient un peu nuisibles pour que je lessupprime. (extrait du Chasseur franais, 1924).

    Que font les scientifiques pendant cette priode? Ils collectent,inventorient, dressent des listes des espces animales et vgtales dansdiffrentes rgions, suivant en cela la tradition des cabinets de sciencesnaturelles. Ils participent galement leffort national de lutte contreles ravageurs de cultures.

    Aprs la Seconde Guerre mondiale, les comportements vont se modifierlentement: lurbanisation et lindustrialisation se sont dveloppes.De nombreux citoyens sloignent du monde rural. Lapparition des

    insecticides permet de penser qu plus ou moins brve chance onpourra contrler les insectes nuisibles tels que le doryphore, le criquet,le hanneton, mais aussi les moustiques. Le DDT dont on a dnoncplus tard les consquences cologiques, est alors le produit miracle quiva enfin pouvoir librer lhomme dune partie des servitudes de laNature, ouvrant la voie une production agricole mieux contrle.Cest galement cette poque que se dveloppe la Rvolutionverte avec une agriculture intensive base sur des semences hautrendement mais qui ncessitent des apports importants en engrais et eninsecticides.

    Au dbut des annes 1970, les qualificatifs de nuisibles etdutiles donns aux animaux disparaissent des manuels scolaires.On remet mme compltement en question cette classification. Cestgalement partir des annes 1960 que se dveloppe la science cologi-que qui construit nos connaissances, non plus sur les espces, mais sur lefonctionnement des systmes naturels et sur les interrelations existantentre les diffrentes espces animales et vgtales qui constituent lescosystmes.

    Dans les annes 1980, lhomme occidental qui a maintenant dominla plupart des prdateurs (ou soi-disant prdateurs) et qui possdeles technologies adaptes une production agricole contrle et inten-sive, est enfin parvenu ses fins selon la mentalit qui prvalait audbut du sicle: il est en passe de saffranchir des contraintes de laNature. La situation nest pourtant pas idyllique car une nouvelleperception de la Nature se fait jour dans les socits occidentales. Sousla pousse de mouvements cologiques (il sagit de lcologisme, pasde lcologie scientifique) un sentiment de culpabilit se dveloppepar rapport la destruction des espces qui a t encourage dans lesdcennies prcdentes. Les grandes ONG de conservation de la Nature

    jouent un rle important dans cette sensibilisation du public la dispa-rition despces phares, surtout les mammifres et les oiseaux. Dautre

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    Introduction 3

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    part le citoyen voit dans la Nature un lieu de repos, de loisirs, deressourcement. Il revendique tout la fois une Nature attrayante

    (de beaux paysages), accueillante (pas trop de moustiques), vivante(des animaux et des vgtaux observer). Lintensification de lagri-culture avec les consquences cologiques dun usage immodr despesticides et des engrais, ou la destruction de paysages bocagers, estremise en cause. On commence parler denvironnement au dbut desannes 1970. Lagriculteur, autrefois force vive de lconomie natio-nale et jardinier de lespace naturel, est marginalis et accus, parfoisavec raisons, de dtruire les paysages, la faune et la flore. Paralllement,dans le monde tropical, la destruction de surfaces importantes de fortsconsidres comme de hauts lieux de la Nature vivante, suscite uneraction des milieux scientifiques et conservationnistes. Lhomme estmis en accusation: de par ses activits incontrles, il est responsable delrosion de la diversit biologique la surface de la Terre. On a inventle terme biodiversit pour qualifier cet impact des activits humainessur les espaces naturels et les espces quils hbergent. Cest une proc-cupation mondiale qui culmine la Confrence de Rio sur le dvelop-pement durable en 1992. Le dbat se dplace du niveau scientifique au

    niveau politique.Et les vnements senchanent: il est urgent dagir pour conserver

    la diversit biologique si nous ne voulons pas tre les acteurs et lestmoins dune nouvelle extinction de masse. Pour cela nous avons besointout la fois de connaissances scientifiques et de volont politique afinde prendre des mesures appropries. On signe des conventions, on credes rserves, on tente une mise en application un peu simpliste du prin-cipe de dveloppement durable. Pour certains, lthique est un puissant

    levier: nous devons conserver pour nos enfants le monde que nousavons reu en hritage. Pour dautres, il faut trouver des argumentsplus pragmatiques: la diversit biologique est prsente comme uneressource conomique de premire importance, tout la fois rservoirde gnes et de molcules usages agricoles, pharmaceutiques et indus-triels. La marchandisation du vivant ouvre des perspectives conomiquesavec les biotechnologies et les brevets sur le vivant. Il est donc logiqueque de tels enjeux conduisent prendre des mesures de conservation

    dune richesse encore trs partiellement valorise.Paralllement, chez les scientifiques, les recherches et les centres

    dintrt se diversifient. Le squenage des gnes et la biologie mol-culaire amnent une connaissance de plus en plus intime du mondevivant, et reposent la question de lorigine de la vie mais, cette fois,avec des connaissances et des outils qui permettent dapporter des

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    rponses concrtes. Les biotechnologies offrent de nouvelles perspectivesdutilisation du monde vivant par ingnierie gntique des organismes.Les enjeux conomiques sont considrables mais de nouveaux question-nements dordre thique et scientifique quant aux limites et aux condi-tions dutilisation des organismes gntiquement modifis (OGM) se font

    jour. Grce aux progrs de la gntique et aux nouvelles connaissancesacquises en palontologie, la grande aventure de lvolution connat unregain dintrt de la part du grand public.

    Quant linventaire des espces, il se poursuit sur des bases renou-veles, et avec de nouveaux outils (cologie, physiologie, biologiemolculaire, bases de donnes, etc.). Alors que pendant longtemps onenvisageait la vie dans le cadre troit des contraintes exerces par sonenvironnement physico-chimique, on sait maintenant grce lcologieet la palontologie quelle a largement contribu le modifier et le faonner. Le monde vivant joue un rle actif dans la dynamique desgrands cycles biogochimiques dont certains sont responsables desquilibres climatiques.

    La conservation de la diversit biologique pose sur le plan oprationneldes questions dordre technique et social. La mise en application desprincipes du dveloppement durable, point central de toute politiquede conservation, ncessite de trouver des compromis entre la protectiondes espces et le dveloppement.

    En moins dun sicle, le comportement des socits occidentales parrapport la Nature sest donc profondment modifi. De la volontinitiale de matriser une Nature hostile, ce comportement sest progres-sivement orient vers une approche plus respectueuse de la vie par larecherche dun quilibre entre la satisfaction des besoins de lhumanitet le fait de ne pas dtruire la diversit du monde vivant. La Nature atoujours un rle utilitaire, mais il sagit maintenant de la protger pourpermettre une meilleure exploitation des ressources quelle ne nous apas encore rvles. Ce changement dattitude est le rsultat de moti-vations tout la fois thiques, esthtiques, conomiques et cologiquesqui agissent conjointement et dont il est bien difficile dvaluer la partrespective.

    Simultanment, nous vivons sur le plan scientifique une priode parti-culirement exaltante. Les progrs des connaissances sur le mondevivant nont jamais t aussi rapides. Nous repoussons les frontires delinfiniment petit, tout en dveloppant les outils permettant dexplorerla Plante dans son ensemble, et de rechercher des traces de la vie danslUnivers. Le prisme de la diversit biologique nous permet dautrepart de renouveler le dbat des relations de lhomme avec la Nature, y

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    Introduction 5

    compris celui des origines de lhumanit. Cest une situation tout faitopportune pour transgresser les barrires des disciplines acadmiques,pour associer les sciences sociales aux sciences de la Nature dans larecherche de solutions sur lavenir de la diversit biologique dontlhomme est une des composantes. Car lavenir de biodiversit ne sersout pas un problme technique; il dpend des choix conomiqueset politiques que les socits seront amenes faire dans les dcennies venir. Il dpend en quelque sorte de lattitude de chaque citoyen.

    Lobjectif de cet ouvrage est ainsi douvrir quelques perspectives enproposant au lecteur un tat des connaissances actuelles sur la diversitdu monde vivant et sur les diffrents problmes que soulvent saconservation et son utilisation durable.

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    Chapitre 1

    Pourquoi sintresser

    la diversit biologique ?

    Le concept de biodiversit, en tant que problme denvironnement,sest formalis au dbut des annes 1980, et sest concrtis lors de laConfrence sur le dveloppement durable de Rio de Janeiro en 1992,avec la signature de la Convention sur la diversit biologique (CDB).En cette fin de XXe sicle, les hommes prenaient conscience de leur

    impact sans prcdent sur les milieux naturels et des menaces dpui-sement des ressources biologiques. Le terme biodiversit, contractionde diversit biologique, a dailleurs t introduit au milieu des annes1980 par des naturalistes qui sinquitaient de la destruction rapide demilieux naturels, tels que les forts tropicales. Ils rclamaient alors quela socit prenne des mesures pour protger ce patrimoine. Do lamonte en puissance des questions relatives la gestion et la conser-vation de la biodiversit. Simultanment, on ralisait que la diversit

    biologique tait aussi une ressource conomique pour les industriesagroalimentaires et pharmaceutiques. De nouvelles questions de naturethique, lies la marchandisation de la biodiversit et aux prises debrevets sur le vivant, commenaient galement merger. Petit petitle concept, dabord restreint la protection de la Nature, sest ainsienrichi de dimensions sociales, conomiques, et thiques.

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    8 1 Pourquoi sintresser la diversit biologique ?

    1.1 QUE RECOUVRE LE TERME BIODIVERSIT?

    La biodiversit est devenue le cadre de rflexion et de discussion danslequel on est amen revisiter lensemble des questions poses par lesrelations que lhomme entretient avec les autres espces et les milieuxnaturels. Certains diront que la biodiversit est devenue un mdia-teur entre les systmes cologiques et les systmes sociaux. Quoiquil en soit, la question de la biodiversit a maintenant pris place parmiles grands problmes denvironnement global, comme le changementclimatique ou la dpltion de la couche dozone.

    Il est vident que le terme biodiversit est interprt diffremmentselon les groupes sociaux en prsence. Systmaticiens, conomistes,agronomes ou sociologues, ont chacun une vision sectorielle de labiodiversit. Les biologistes la dfiniront comme la diversit de toutesles formes du vivant. Lagriculteur en exploitera les races et varits travers des sols, des terroirs et des rgions aux potentialits multiples.Lindustriel y verra un rservoir de gnes pour les biotechnologies ouun ensemble de ressources biologiques exploitables (bois, pche, etc.).Quant au public, il sintresse le plus souvent aux paysages et auxespces charismatiques menaces de disparition. Tous ces points devue sont recevables, car le terme biodiversit recouvre effectivementdes proccupations de nature diffrente. Qui plus est, ces diffrentesdmarches ne sont pas indpendantes et poursuivent implicitement unmme objectif qui est la conservation des milieux naturels et des espcesquils hbergent.

    Le vocable biodiversit est donc un mot-valise qui recouvre desapproches de nature diffrente. On parle tout la fois de la biodiversitnaturelle et sauvage, des ressources naturelles comme le bois ou lepoisson, de la biodiversit cre par lhomme des fins agricoles oupour les biotechnologies. Aux problmes de la protection de la flore etde la faune sauvages, et de ses espces charismatiques, sont venussajouter ceux de la perte de la diversit des espces domestiques, puis

    La Convention sur la diversit biologique dfinit la diversitbiologique comme tant la variabilit des organismes vivants detoute origine y compris, entre autres, les cosystmes terrestres,marins et autres systmes aquatiques et les complexes cologiquesdont ils font partie; cela comprend la diversit au sein des espceset entre espces ainsi que celle des cosystmes.

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    1.2 Les multiples visages de la biodiversit 9

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    les questions de lappropriation du vivant par la prise de brevets, et dela protection juridique des ressources biologiques et des savoirs faire

    locaux voquer la biodiversit cest donc voquer tout la fois desquestions de nature cologique, thique et sociale.

    1.2 LES MULTIPLES VISAGESDE LA BIODIVERSIT

    1.2.1 La biodiversit produit de lvolution

    La recherche des causes et des conditions qui ont conduit la diversitdu monde vivant que nous connaissons actuellement est une proccu-pation ancienne des scientifiques. Les sciences de lvolution se posentla question des mcanismes biologiques et molculaires qui sont lorigine la diversit des espces et des cosystmes. Quelles sont lesinteractions entre les changements de lenvironnement biophysique etles phnomnes de diversification et de spciation? Des domaines

    dans lesquels nos connaissances progressent rapidement mais restentfragmentaires. Par ailleurs, il est ncessaire de poursuivre linventairedes espces entam au XVIIIe sicle par Linn en tirant parti des progrs

    Figure 1.1 Interactions entre les socits humaineset la diversit biologique.

    Socits humaines

    BIODIVERSIT

    Influencede

    l'homme,usages

    thique,valeurs

    attaches la

    biodiversit

    Dveloppementdurable

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    10 1 Pourquoi sintresser la diversit biologique ?

    mthodologiques nous permettant davoir accs au monde de linfini-ment petit, ainsi quaux mcanismes molculaires impliqus dans ladiversification du vivant. Nous entrons dans une nouvelle tape de lacomprhension du vivant avec en perspective laccs aux organismesinfiniment petits: un nouveau monde explorer.

    Les recherches sur la dynamique prsente et passe de la biodiversitnous conduisent galement une remise en perspective de lcologielongtemps base sur des principes dquilibre. La diversit biologique,

    Diversit biologique,biodiversit, biocomplexit

    Lusage inconsidr du mot biodiversit risque de susciter un dsin-

    trt, voire une dsaffection pour ce terme. Nous proposons doncde lutiliser plus spcifiquement pour parler des questions relativesaux interactions homme/Nature. Historiquement, le terme biodiver-sit sapplique lrosion du monde vivant rsultant des activitshumaines, ainsi quaux activits de protection et de conservation,quelles se manifestent par la cration daires protges ou par desmodifications des comportements en matire de dveloppement(concept de dveloppement durable).

    En ce qui concerne lensemble des activits qui relvent traditionnel-lement de linventaire et de la connaissance du monde vivant, leterme diversit biologique est parfaitement adapt et cest celuiqui sera privilgi ici.

    Un autre terme, celui de biocomplexit, cherche simposer dansla mouvance de la biodiversit. La complexit biologique rsultedes interactions fonctionnelles entre les entits biologiques, tousles niveaux dorganisation, et lenvironnement biologique, chimique,

    physique et humain tous les niveaux dagrgation, lhomme ycompris. La biocomplexit concerne tous les types dorganismes,des microbes aux humains, tous les milieux qui vont des rgionspolaires aux forts tempres et aux zones agricoles, et tous lesusages quen font les socits. Elle est caractrise par une dyna-mique non linaire et chaotique, des interactions diffrenteschelles spatio-temporelles, une apprhension du systme vivant dansson ensemble et non pas morceaux par morceaux, une intgration

    troite du social et de lconomique.

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    1.2 Les multiples visages de la biodiversit 11

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    on ne le soulignera jamais assez, est le produit du changement. Cest lavariabilit des facteurs de lenvironnement qui explique la diversificationdes espces. Cest lhtrognit des habitats qui favorise la richessespcifique. Mais, inversement, le monde vivant est aussi capable dagirsur son environnement physico-chimique en le modifiant.

    1.2.2 La biodiversit en tant que ressource alimentaire

    Toute notre alimentation est issue de la biodiversit. De lpoque olhomme vivait de chasse et de cueillette, il reste encore lexploitation desressources vivantes marines. La pche, cette dernire grande entreprise

    de cueillette, est pourtant menace actuellement par la surexploitationdes stocks.

    Mais cest dans le domaine de la domestication des plantes et desanimaux que le gnie humain a donn toute sa dimension. Lagricultureet laquaculture sont aussi lorigine des plus grands bouleversementsde la biodiversit. On a diffus de par le monde un ensemble despcesqui constituent, des degrs divers, la base de notre alimentation. Cettemondialisation, qui a dbut ds les dbuts de lagriculture, a profit

    tous les continents et a concern beaucoup dautres espces.Tout naturellement, ces espces introduites ont donn naissance

    nombre de races ou de varits adaptes aux contextes locaux. Lhommeen a cr des centaines, voire des milliers, et elles aussi sont en danger.Car lagriculture moderne qui a t mise en place aprs la secondeguerre mondiale (la Rvolution verte) nutilise que quelques varitsslectionnes haut rendement, marginalisant ainsi les races locales. Onredcouvre leur intrt patrimonial alors que beaucoup dentre elles

    ont disparu.

    1.2.3 La biodiversit marchande

    Les problmes lis la marchandisation de la biodiversit, notammentles gnes et les molcules utilises par les biotechnologies, constituentde nouveaux centres dintrt. Lors de la discussion de la CDB, lespays partenaires ont bien peru que lintrt des industriels pour ladiversit biologique constitue potentiellement une source de revenus.Lors de la Confrence de Rio en 1992, la discussion sest ainsi polarisesur les enjeux conomiques de la mise en valeur des ressources gnti-ques. Larticle premier de la CDB met dailleurs laccent sur le partage

    juste et quitable des avantages dcoulant de lexploitation des ressourcesgntiques, notamment grce un accs satisfaisant ces ressources,et un transfert appropri des techniques pertinentes, compte tenu de

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    12 1 Pourquoi sintresser la diversit biologique ?

    tous les droits sur ces ressources et aux techniques, et grce unfinancement adquat. La diversit biologique est maintenant consi-dre comme une matire premire qui intervient dans divers processusde production (pharmacie, cosmtiques, agroalimentaire, etc.). Elle appa-rat ainsi comme un capital naturel soumis une rgulation marchande,source potentielle de profits importants pour les pays dtenteurs desressources gntiques. Cest ce qui a pu faire croire aux pays du sudque leur biodiversit tait lor vert.

    Trs vite les pays vont saffronter sur ce terrain. Les ressources setrouvent en effet, pour lessentiel, dans les pays du Sud, alors que lesutilisateurs, qui sont les industriels des biotechnologies, sont le plussouvent reprsents par des multinationales du Nord. Les pays du Sudne veulent plus admettre lappropriation de leurs ressources sans contre-partie financire, et ils dnoncent les pratiques de la biopiraterie.

    En affirmant la souverainet des tats sur leur diversit biologique,la convention entrine le droit de proprit sur le vivant et ouvre la voie la reconnaissance des brevets et llaboration des licences dexploi-tation. On a pu dire qu Rio le droit des brevets est sorti vainqueur dudroit de lenvironnement. Cest un changement radical par rapport lattitude qui avait prvalu depuis le dbut du XXe sicle considrant labiodiversit comme un patrimoine commun de lhumanit: chacunpouvait en faire usage sa guise, utiliser sa position sociale ou sonpouvoir conomique pour exploiter le vivant, et sen approprier certainesformes drives, comme les procds et produits de sa transformation.

    1.2.4 Les biotechnologies

    De nos jours, les biotechnologies apparaissent comme des technologiesde pointe exploitant des processus cellulaires ou molculaires pourcrer des produits et des services. La transgnse consiste transfrerune partie du patrimoine gntique dun organisme un organisme duneespce diffrente. Le caractre universel du code gntique facilite detels transferts. En dautres termes, lhomme peut maintenant envisagerde diriger lvolution en crant de nouveaux organismes vivants.Mais lutilisation qui est faite des organismes gntiquement modifis

    (OGM) suscite de vifs dbats dans la socit. Dans le domaine mdical,le vivant est en passe galement de devenir la matire premire privilgieavec les rcentes dcouvertes concernant les cellules-souches embryon-naires humaines.

    Les biotechnologies nous sont galement prsentes comme dessources majeures dinnovations dans beaucoup dautres secteurs: la

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    1.2 Les multiples visages de la biodiversit 13

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    lutte contre la pollution, la production dnergie ou la fabrication detextiles. La microbiologie industrielle utilise les capacits enzymatiqueset mtaboliques des micro-organismes pour la fermentation de matirespremires agricoles et la fabrication daliments (nologie, brasserie,fromagerie, etc.).

    1.2.5 La biodiversit protger

    Depuis longtemps les hommes se sont proccups de la disparition oude la quasi-disparition despces: celles de lauroch et du bison en

    Europe, du dodo de lle Maurice, du grand pingouin de lArctique, etdu pigeon migrateur amricain. Tous ces exemples qui concernent desespces souvent emblmatiques, sont le rsultat en grande partie dunechasse trop intensive. Mais avec les progrs technologiques et lancessit de conqurir de nouveaux espaces pour satisfaire les besoinsdune population en forte croissance, lhomme agit maintenant avecune ampleur sans prcdent sur les milieux naturels et la diversit dumonde vivant. Des milieux naturels disparaissent, des espces sontmenaces de surexploitation. la fin des annes 1970, des naturalistesont ainsi attir lattention sur la destruction rapide de certains milieuxtels que les forts tropicales. De manire plus radicale, le zoologisteamricain E.O. Wilson affirme que lhomme est la cause dune extinc-tion quivalente aux grandes extinctions du pass. Dautres nhsitentpas prophtiser la disparition de la vie sur Terre, et de lhomme avecelle, si lon ne fait rien pour inverser la tendance. Dans ce contexte, ilsagit de rechercher des stratgies de conservation afin de prserver unpatrimoine naturel qui constitue un hritage pour les gnrations futures.

    De fait, mme si le problme du partage des bnfices tirs delexploitation des ressources biologiques retient lattention, plus que laprotection des forts tropicale, la CDB apparat comme le premier accordinternational proposer une approche intgre de la conservation et delexploitation durable des ressources biologiques.

    1.2.6 La biodiversit dont on ne veut pas

    Le discours sur la biodiversit tenu par les ONG et les mdias etauquel souscrit une partie de la communaut scientifique ne parleque des aspects patrimoniaux de la biodiversit, et des moyens de laprserver. Ils marginalisent plus ou moins dlibrment le fait quelhomme, depuis ses origines, a eu lutter contre une partie de labiodiversit pour assurer sa survie. Maladies parasitaires, microbiennes

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    14 1 Pourquoi sintresser la diversit biologique ?

    ou virales, affectant lhomme, ses plantes cultives et ses animaux domes-tiques, espces prdatrices ou dangereuses, phobies, etc., sont autantde raison de chercher contrler, voire radiquer, certaines espces.Na-t-on pas qualifi le moustique de serial-killer. Dans ce domainela littrature reste souvent muette, les conservationnistes cartant dli-brment cette question de leurs discours, et le monde mdical ouvtrinaire, ignorant le plus souvent la thmatique biodiversit. Or, dansle domaine de la sant, on trouve dexcellents modles illustrant lescapacits dadaptation de la biodiversit aux nouvelles conditions crespar les comportements et habitats humains, ainsi quaux moyens delutte qui ont t dvelopps contre les pathognes.

    La lutte contre les pathognes et leurs vecteurs, ou contre les nuisancesdorigine animale ou vgtale, mobilise des moyens considrables. Onimagine mal interrompre les oprations de lutte et de contrle. Commentconcilier ces activits avec la conservation de lautre partie de la biodi-versit? Et, surtout, comment concilier les actions de conservation avecla protection de la sant humaine?

    1.2.7 Biodiversit et socitLe prambule de la CDB mentionne la responsabilit des hommes danslappauvrissement de la diversit biologique mais reconnat que ledveloppement conomique et social est une priorit pour les pays endveloppement et que les tats ont des droits souverains sur lutilisationet la conservation de leurs ressources biologiques. Cette Convention esten ralit un compromis politique entre diverses communauts dintrt.

    Ce qui est certain, cest quil ny a pas de mesure en matire deconservation qui ne soit voulue et accepte par la socit. Lusagecomme la conservation de la diversit biologique sont lorigine deconflits dintrts dont la rsolution dpend de choix en matire dedveloppement conomique et dutilisation des ressources biologiques,mais aussi de systmes de valeurs inhrents aux socits et dans lesquelsla diversit biologique occupe ou non une place.

    Les motivations peuvent relever dune dmarche thique quelle soitou non dinspiration religieuse: nous ne devons pas dtruire ce que laNature a mis si longtemps crer. Dans ce contexte, la conservation vade soi. Dans dautres cas, on cherche protger une ressource. Cestlobjectif par exemple de certaines aires marines protges qui sontmises en place pour protger les stocks de poissons. Ou bien encore, onpeut chercher protger des espces et des cosystmes dans une pers-pective conomique: cotourisme, ressources biologiques, etc. Certains

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    1.2 Les multiples visages de la biodiversit 15

    mettent en avant le rle fonctionnel de la diversit biologique dans lefonctionnement des cosystmes: rle des insectes pollinisateurs, rledes zones humides dans lpuration des eaux, etc.

    Cependant, si ONG et conservationnistes sont prompts dnoncerlaction de lhomme, on se doit den rechercher les causes et les moyensventuels dy remdier. La dmographie entrane presque automatique-ment des besoins plus importants en terres et en ressources. Dont acte.Mais deux autres facteurs ont galement un poids considrable: lapauvret et la recherche du profit court terme. Ainsi, les NationsUnies ont bien identifi la lutte contre la pauvret comme lun desobjectifs du prochain millnaire. Ceux qui ont faim sont moins enclinsque dautres se proccuper de la conservation des ressources naturelles.Il reste mettre en uvre un tel projet! Quant au profit court terme, ilest presque inhrent lconomie librale. De trs nombreux exemplesmontent que la biodiversit est menace tous les niveaux pour desmotifs qui relvent au mieux de lactivit conomique bien comprise,que de la cupidit, du braconnage ou de la corruption Des attitudesqui ne nous sont pas inconnues, mais qui restent difficiles matriser.Sans compter que, de manire plus subtile, les subventions accordes

    certaines activits ont un effet tout aussi pervers. Et l, en thorie, onpourrait agir!

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    18 2 La diversit biologique : un tat des lieux

    2.1.1 Les niveaux dorganisation du monde vivant

    Une des caractristiques du monde vivant est sa structuration complexeet hirarchise: les atomes sorganisent en cristaux (monde inanim)ou en molcules, et ces molcules sorganisent leur tour en cellulescapables de se reproduire (monde vivant). Les cellules peuvent sagrgeret cooprer pour constituer des organismes multicellulaires. Les indivi-

    dus, unis ou pluricellulaires, sorganisent en populations et en commu-nauts multispcifiques. Si lon prend en compte le milieu dans lequelvivent les organismes, on accde alors des ensembles de plus en pluscomplexes appels cosystmes, paysages et biosphre. Dans cette chellehirarchique les lments dun niveau dorganisation constituent lesunits lmentaires qui vont entrer dans la constitution du niveaudorganisation suprieur. chaque tape, mergent des structures etdes proprits nouvelles qui sont le rsultat des interactions entre les

    lments du niveau infrieur.Lunit lmentaire du monde vivant est lindividu, porteur dun

    patrimoine gntique propre. Lensemble de ses gnes constitue songnotype. Une bactrie contient environ 1 000 gnes, certains champi-gnons de lordre de 10 000. Il y en a un peu plus de 20 000 25 000chez lhomme.

    Lespce est lensemble des individus susceptibles dchangesgntiques fertiles et fconds (voir paragraphe 2.1.3) Une espce estsouvent rpartie en populations plus ou moins isoles qui peuvent, ounon, changer des individus et donc des informations gntiques. La

    population correspond lensemble des individus dune mme espcebiologique habitant un mme milieu. Cest ce niveau dorganisationque seffectue la slection naturelle. Des populations fragmentes inter-actives sont des mtapopulations.

    La taxinomie est la discipline scientifique qui consiste nommer,dcrire et classer les tres vivants. Cette science, trs formalise,

    obit aux instructions de codes internationaux de nomenclature.La systmatique quant elle a pour objectifs ltude de la diver-sit des organismes et la comprhension des relations entre lesorganismes vivants et fossiles, cest--dire leurs degrs de parent.Ce que lon appelle actuellement biosystmatique, est une approchemoderne de la systmatique qui fait appel des informations dediffrentes origines: morphologie, gntique, biologie, comporte-ment, cologie, etc.

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    2.1 La classification du vivant et ses principes 19

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    Les ensembles despces dlimits le plus souvent sur des bases taxi-nomiques constituent les peuplements ou les communauts. La biocnoseest lensemble des populations despces animales et vgtales qui viventdans un milieu donn.

    Le terme cosystme a t introduit par Tansley en 1935 pour nommerun systme cologique qui combine lensemble des organismes vivantset leur environnement physico-chimique. La Convention sur la diversitbiologique dfinit lcosystme comme un complexe dynamique formde communauts de plantes, danimaux et de micro-organismes, et deleur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment uneunit fonctionnelle. Cette dfinition lgale nest pas diffrente sur lefond de ce que lon trouve dans les traits dcologie.

    La biosphre (sensu stricto) est lensemble des organismes vivants quipeuplent la surface de la Terre. Nanmoins on dfinit aussi la biosphre(sensu lato) comme la pellicule superficielle de la plante qui renfermeles tres vivants, et dans laquelle la vie est possible en permanence. Cetespace comprend ainsi la lithosphre (corce terrestre), lhydrosphre(ensemble des ocans et des eaux continentales), et latmosphre(enveloppe gazeuse de la Terre).

    2.1.2 Les hirarchies taxinomiques:la recherche dun ordre volutif et fonctionneldans la diversit des espces

    La classification consiste reconnatre et dfinir des groupes outaxons cest--dire un ensemble dorganismes possdant en communau moins un caractre particulier et les classer dans des ensembleshirarchiss. Dabord base la Renaissance sur lide dune classifi-cation descendante (division a priori de grandes classes en sous-classe),la taxinomie a volu vers une classification ascendante qui consiste regrouper des taxa apparents en taxa dordre suprieur. La classifica-tion du monde vivant postule que les espces appartenant aux mmestaxa partagent un certain nombre de caractristiques morphologiques,biologiques et cologiques communes qui diffrent de celles dautrestaxa.

    Les naturalistes du monde entier utilisent un mme systme de nomen-clature gnrale propos par Linn pour nommer et classer les espces.Dans cette classification biologique, chaque rang de la hirarchiecorrespond un nom de taxon. la base, le systme binominal est consti-tu dun nom de genre suivi dun nom despce. Chacune des catgoriessupra-spcifiques (genre, famille, ordre, division, classe, phylum, etc.)

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    sert rendre compte des degrs de parent entre les taxons de ranginfrieur (voir tableau 2.1).

    On a utilis divers critres pour hirarchiser les taxons. La hirarchiephntique est fonde sur la similitude des formes ou des caractresmorphologiques entre les espces. La taxonomie numrique fait lhypo-thse que les organismes qui partagent des caractristiques communes(traits homologues) ont une histoire volutive similaire, sans prjugerpour autant de leur gnalogie. Cependant, les convergences morpho-logiques au cours de lvolution ont pu conduire des regroupementsdiscutables. Ainsi, les Dipneustes (poissons poumons fonctionnels telsque le Protopterus) sont plus proches morphologiquement du saumonque de la vache, mais ils ont avec la vache un anctre commun plusrcent quavec le saumon. Comment faut-il donc classer les Dipneustes?

    La hirarchie phylogntique est fonde quant elle sur la parentvolutive de groupes issus danctres communs. La classification cladis-tique (parfois appele classification hennigienne) part du principe quaucours de lvolution une espce ancestrale donne naissance deuxespces filles. Un groupe despce est dit monophyltique lorsquildrive dun seul anctre commun, alors quun groupe polyphyltiquecomprend des espces qui prsentent des ressemblances, mais nedescendent pas toutes en ligne directe dun anctre commun. Chez les

    TABLEAU 2.1 CLASSIFICATIONBIOLOGIQUEHIRARCHIQUEDETROISESPCESANIMALES.

    Niveau Espce 1 Espce 2 Espce 3

    Domaine Eucaryotes Eucaryotes Eucaryotes

    Rgne Animal Animal Animal

    EmbranchementArthropodes Arthropodes Chords

    Classe Insectes Crustacs Mammifres

    Ordre Diptres Dcapodes Primates

    Famille Nmatocres Carids Hominids

    Genre Aedes Homarus Homo

    Espce aegypti americanus sapiens

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    2.1 La classification du vivant et ses principes 21

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    Vertbrs actuels, le groupe des poissons est un ensemble polyphy-ltique. Par exemple les Actinoptrygiens (comme la truite) sont plusproches des Ttrapodes que des Chondrichtyens (raies, requins).

    Les mthodes de laphylognie molculaire reposent sur lhypothseque les espces les plus apparentes prsenteront des squences degnes qui se ressemblent plus quelles ne ressemblent aux squencesdu mme gne des autres espces. Le degr de diffrence entre lessquences de gnes dans des organismes diffrents peut tre utiliscomme une mesure de la distance volutive entre ces organismes. Larecherche de relations de parent entre organismes se fait ici sur les gnes

    et non plus sur les traits morphologiques. On peut donc comparer desorganismes aussi diffrents que les bactries et lhomme. Mais il nefaut jamais oublier que les phylognies ainsi tablies ne sont que desreconstructions hypothtiques du pass.

    Grce au dveloppement des outils de la biologie molculaire, laclassification phylogntique prend actuellement le pas sur la classifi-cation phntique. Les premires phylognies molculaires apparaissentdans les annes 1970 quand Carl Woese entreprend de reconstruire la

    phylognie des bactries en utilisant lARN ribosomique: ARNr 16Schez les bactries, puis lARNr 18S chez les Eucaryotes. Auparavant,on avait commenc dvelopper le squenage des protines par lectro-phorse pour dterminer la squence des acides amins. Une techniquequi a t largement utilise mais qui est supplante par le squenagedes acides nucliques, ADN et ARN.

    Au gr des nouvelles recherches et dcouvertes, la classification peuttre modifie afin de mieux reflter les diffrentes lignes volutives.

    Des changements sont parfois frquents, aussi bien pour les espcesactuelles que pour les espces fossiles. La taxinomie est donc une scienceen perptuelle volution. Par exemple, les Eucaryotes constituent ungroupe trs htrogne dans lequel on distinguait quatre grands ensem-bles: les animaux, les plantes, les champignons et un groupe mal dfini,les protistes. Les phylognies molculaires bases sur lARNr 18S ontpermis de mieux comprendre les relations de parent entre ces diff-rentes lignes. Plusieurs super-groupes ont t reconnus, suggrantque la pluricellularit est apparue plusieurs fois et indpendamment aucours de lvolution. Les plantes terrestres, les champignons, les alguesbrunes et les animaux ont chacun une origine volutive distincte. Leschampignons paraissent volutivement plus proches des animaux que desplantes. Nous sommes donc (toutes proportions gardes) plus prochesdune truffe que dune pquerette! Les algues ne constituent pas ungroupe monophyltique. Certaines se rapprochent de plantes terrestres,

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    dautres sont plus proches des protistes. En outre la majorit des ligneseucaryotes na pas de reprsentants pluricellulaires, ce qui sous-entendque lvolution nirait pas ncessairement dans le sens de la pluri-cellularit.

    Chez les Mtazoaires (figure 2.1), la vision classique dun arbrephylognique complexit croissante (figure 2.1A) est venue se substi-tuer une vision dans laquelle tous les groupes intermdiaires ontdisparu (figure 2.1B). Les Arthropodes seraient proches des Nmatodes,

    O placer les virus?

    Il existe des tres tranges, les virus. Ils sont constitus dun peude matriel gntique, ADN ou ARN, enferm dans une enveloppede protines. Il nexiste pas de gnes universels communs aux orga-

    nismes cellulaires et aux virus. Ils ne possdent pas de ribosomes,et donc pas dARNr et ne peuvent donc tre inclus dans larbreuniversel du vivant. Ils exploitent les systmes molculaires de leurshtes pour exprimer leur information gntique et se multiplier.

    Le biologiste Andr Lwoff en a donn une dfinition en 1957 quisert encore de rfrence: ce sont des organismes de petite taillequi nont quun type dacide nuclique (ADN ou ARN) en guisede gnome, qui ne possdent aucune des enzymes ncessaires

    pour produire de lnergie, qui sont incapables de se multiplier pardivision, et qui sont des parasites intracellulaires obligatoiresMalgr tout cela, il existe une trs grande diversit de virus quiconstituent une nigme pour les scientifiques.

    Aprs les avoir considrs comme la forme la plus lmentaire devie, on les a mme classs une poque parmi les substanceschimiques. Savoir si un virus est vivant, cest un peu se poser laquestion: quest-ce que la vie? Ce qui est certain est que les virus

    changent de linformation gntique avec les organismes vivants.Le gnome dun virus peut ajouter des gnes viraux au gnome delhte, et devenir en quelque sorte une partie de ce gnome. Quilssoient ou non vivants, les virus sont donc la frontire qui sparele monde vivant de celui de la biochimie. Certains scientifiquesles considrent actuellement comme des parasites qui utilisent lesmatriaux et lnergie dune cellule hte pour synthtiser les acidesnucliques et les protines qui leur permettent de se multiplier etde se propager.

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    2.1 La classification du vivant et ses principes 23

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    et les mollusques appartiennent un ensemble comprenant notammentles Brachiopodes, les Annlides et les Plathelminthes. Nos insectes quant eux sont probablement des crustacs qui se sont adapts au milieuterrestre. La phylognie molculaire fait apparatre que la simplicitapparente de certains groupes considrs pendant longtemps commeprimitifs (Plathelminthes, Nmatodes) serait en ralit le rsultat dunesimplification secondaire. De mme les microsporidies, dpourvues demitochondries, ont longtemps t considres comme primitives, alorsquil sagirait en fait de lignes tardives ayant perdu secondairementleurs mitochondries.

    2.1.3 La notion despce

    La notion despce est depuis longtemps un sujet de controverses, et ilnexiste lheure actuelle aucune dfinition entirement satisfaisante.

    Figure 2.1 Comparaison de deux phylognies des mtazoaires

    A: la phylognie traditionnelle o les clades successifs mergentpar ordre de complexit croissante.

    B: phylognie obtenue en utilisant des squences dARN 18S etde gnes Hox.

    Chords

    Hmichords

    chinodermes

    Brachiopodes

    Mollusques

    Annlides

    Arthropodes

    Nmatodes

    Nmertes

    Plathelminthes

    Ctnophores

    Cnidaires

    Spongiaires

    Chords

    Hmichords

    chinodermes

    Brachiopodes

    Mollusques

    Annlides

    Nmertes

    Plathelminthes

    Arthropodes

    Nmatodes

    Ctnophores

    Cnidaires

    Spongiaires

    A B

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    24 2 La diversit biologique : un tat des lieux

    Jusquau milieu du XVIIIe sicle, les systmaticiens avaient une concep-tion fixiste des espces: elles taient telles que Dieu les avait cres,

    en nombre limit. Le but de la taxinomie tait alors dinventoriertoutes les formes de vie existantes et de dcrire leurs caractres spci-fiques. Linn a formalis cette conception en matrialisant lespce parun individu type (holotype): lespce est un ensemble dindividusidentiques entre eux, et avec le spcimen type, cest--dire lexem-plaire ayant servi dcrire et caractriser lespce sur le plan morpho-logique. Ce typeest dpos dans un Musum o il sert de rfrence, ouen quelque sorte dtalon, pour des comparaisons ultrieures.

    Cette notion fixiste na pas rsist la dcouverte des mcanismesde lvolution (mutation, slection, drive gntique) et a fait placevers le milieu du XXe sicle au concept despce biologique fond nonseulement sur la ressemblance, mais galement sur linterfcondit desindividus constituant une population, et dont les descendants sont eux-mmes interfconds. Ainsi, lne et le cheval qui peuvent se reproduiresont des espces distinctes car leurs descendants ne sont pas fconds.Cest donc lisolement reproductif dun groupe dindividus qui en fait

    une espce, mais encore faut-il quon puisse le dmontrer. Il est en effetmatriellement impossible de croiser la plupart des formes sauvagespour vrifier, ou non, leur interfcondit potentielle. Il en rsulte unedifficult vidente pour appliquer le concept despce biologique. Enoutre, cette dfinition ne sapplique en toute rigueur quaux espces reproduction bisexue, et laisse en suspens la question pour les micro-organismes. Malgr les rserves que lon peut mettre son sujet oncontinue donc, quand cest possible, utiliser largement la description

    morphologique pour identifier les espces, en la compltant ventuel-lement par une description biochimique.

    Au sein dune mme espce on peut distinguer des ensembles, quelon qualifie de sous-espces, de races, de souches, de varits, etc. Ilnexiste pas de dfinition prcise et universellement admise de ces cat-gories infraspcifiques qui peuvent tre tablies sur des bases morpho-logiques, gographiques, ou encore gntiques. Ainsi reconnat-on parmiles nombreuses races danimaux domestiques des formes bien diffren-

    cies sur le plan morphologique. Mais la variabilit intraspcifique peutsexprimer de bien dautres faons, dans le comportement reproducteurou dans les modes de communication par exemple.

    Depuis peu, les outils de la biologie molculaire sont devenus desauxiliaires prcieux pour sparer les individus appartenant des espcestrs proches sur le plan morphologique: on parle despces jumelles

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    2.1 La classification du vivant et ses principes 25

    D

    unodLaphotocopienonautoriseestundlit.

    pour dsigner des espces biologiques ayant acquis un isolementreproductif mais qui sont encore difficiles distinguer sur la base deleurs seuls caractres morphologiques.

    2.1.4 cosystmes

    Le concept dcosystme est une notion abstraite: lassociation dunmilieu physico-chimique (le biotope) et dune communaut dtresvivants (la biocnose), cre un rseau dinteractions entre leurs lmentsconstitutifs. Dans la pratique cependant, les cologistes ont tendance

    assimiler les cosystmes des entits morphologiques ou biotiques,telles que les lacs, les bassins versants, ou les massifs forestiers intuiti-vement reconnues.

    Le fonctionnement dun cosystme est caractris par:

    desflux dnergie entre les organismes tels les vgtaux qui accumu-lent de lnergie solaire par photosynthse, les animaux herbivores quiutilisent cette nergie, et les dcomposeurs qui recyclent la matireorganique;

    des cycles biogochimiques qui rsultent de la circulation de la matiresous forme de substances alternativement minrales et organiques. Cescycles concernent en particulier leau, le carbone, loxygne, lazote,le phosphore, etc.;

    des chanes alimentaires qui structurent lcosystme en niveauxtrophiques. Les interactions de type trophique ou alimentaire sont les moteurs des flux dnergie et de matire.

    Lcosystme est une notion essentiellement dynamique: les flux,les cycles biogochimiques et les structures trophiques voluent enpermanence dans le temps et dans lespace. Un bon exemple pourillustrer ce phnomne est celui dun fleuve avec son lit mineur et saplaine dinondation: en fonction du cycle hydrologique, le niveaudeau modifie profondment le paysage ainsi que les interactions entreespces.

    La biosphre est lcosystme ultime. La prise en compte de facteursglobaux (changements climatiques naturels ou sous influence humaine,grands cycles biogochimiques, mondialisation des transferts desp-ces, etc.) en fait maintenant un niveau dtude pertinent. Les recher-ches sur le fonctionnement global du systme Terre sont devenues uneralit.

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    26 2 La diversit biologique : un tat des lieux

    2.2 LINVENTAIRE DES ESPCES

    La diversit biologique concerne tous les niveaux de lorganisation duvivant, des gnes aux cosystmes. Mais on parle le plus souvent de ladiversit des espces (en ralit la richesse en espces) car cest leniveau le plus simple apprhender.

    Botanistes et zoologistes ont entrepris, il y a prs de trois sicles, ladescription et linventaire des espces vivantes. Carl Linn dnombrait9 000 espces de plantes et danimaux au milieu du XVIIIe sicle. Deuxsicles et demi plus tard, avec plus de 1,8 million despces dcrites,nous savons que linventaire du vivant est loin dtre termin, surtoutdans les rgions tropicales. Nul ne sait en ralit quel est le nombre

    Les biocnoses:des ensembles alatoires ou structurs?

    Une question centrale de lcologie des cosystmes est de savoirsi lensemble des espces prsentes dans un milieu est le fruit duhasard (cest--dire une collection alatoire de populations qui ontrussi coloniser lcosystme et sy maintenir), ou le rsultatdune slection sur la base dune co-volution entre les espces,ainsi quentre les espces et leur environnement physico-chimique,de telle sorte quil existe un rseau dinterdpendance entre ces

    espces. Certains cologistes penchent actuellement pour la secondehypothse, mais ils ont nanmoins de nombreuses difficults pourmettre en vidence ces diffrents types dinteractions.

    En ralit, la dimension temporelle joue un rle important. Lorsquunnouvel habitat est cr, il y a colonisation par des espces oppor-tunistes et le peuplement est en grande partie alatoire. Avec letemps, il peut y avoir co-volution des espces et acquisition dundegr dinterdpendance plus important. Par exemple, les lacs nord

    temprs qui taient sous les glaces lors de la dernire priodeglaciaire il y a 15 000 ans, ont une faune peu diversifie, sansendmiques, qui rsulte dune recolonisation de proximit aprsla fonte des glaces. linverse, les grands lacs dAfrique de lEstqui existent depuis des millions dannes ont une faune riche enespces et en endmiques, avec des relations interspcifiquescomplexes qui rsultent dune longue co-volution.

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    2.2 Linventaire des espces 27

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    despces vivantes la surface de la Terre, mais il pourrait se situerselon les estimations entre 7 et 100 millions. Cette incertitude rvle

    ltendue de notre ignorance, ce qui est pour le moins fcheux quandon cherche dmontrer que les activits humaines suscitent unerosion sans prcdent de la diversit biologique Au rythme moyende 10 15 000 espces nouvelles dcrites chaque anne, il faudraencore plusieurs sicles pour complter linventaire!

    TABLEAU 2.2 ESTIMATIONDUNOMBREDESPCESACTUELLEMENTRECENSESETDUNOMBREDESPCESPROBABLES.

    Ce nombre despces probables est une extrapolation assez hypo-thtique, mais qui donne des ordres de grandeur quant larichesse du monde vivant.

    Groupestaxinomiques

    Nombre approximatifdespces recenses

    Nombre estimdespces

    Virus 4 000 500 000?

    Bactries 4 000 1 000 000?

    Champignons 72 000 1 2 000 000

    Protozoaires 40 000 200 000?

    Algues 40 000 400 000?

    Fougres 12000

    Plantes 270 000 320 000

    Animauxinvertbrs ponges

    CnidairesPlathelminthesNmatodesArachnidesCrustacsInsectesMollusquesAnnlideschinodermes

    100001000020000300009200055000

    100000085000120007000

    10000000

    400000750000150000

    8000000200000

    Animauxvertbrs

    PoissonsAmphibiensReptilesOiseauxMammifres

    290005800830099005400

    3000060008500

    100005500

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    28 2 La diversit biologique : un tat des lieux

    En ralit le niveau de connaissance est variable selon les groupestaxinomiques. Des recensements quasi exhaustifs ne sont disponiblesque pour un petit nombre de groupes zoologiques ou botaniques. Cestle cas pour les mammifres et les oiseaux qui sont actuellement connus plus de 95%. Le nombre des insectes par contre est trs certainementlargement suprieur celui pourtant considrable (1000 000) enregistr

    jusquici. Les insectes reprsentent prs des deux tiers des nouvellesdescriptions despces. Quant au nombre des champignons il pourraitse situer entre 1 et 2 millions et celui des nmatodes, petits vers parasitesde plantes et danimaux, serait de plusieurs centaines de milliers. Lessources des nouvelles espces sont essentiellement les rgions tropi-cales, les rcifs coralliens, les grands fonds marins, mais galement, soustoutes les latitudes, les milieux daccs difficile et les petites espces(faune du sol, miofaune marine) et les parasites. Un mtre cube de solde prairie tempre contient des milliers despces de micro-organismeset dinvertbrs dont on ignore le plus souvent le statut taxinomique etlactivit mtabolique.

    Pour dautres groupes, comme les bactries et les virus, chez lesquelsles scientifiques ont plus de mal caractriser les espces que chez les

    Lcologie molculaire

    Chez les bactries, la notion despce a longtemps t calque surcelle des autres groupes: lappartenance une espce tait dcideen fonction du nombre de caractristiques physiologiques et biochi-miques partages avec une souche type. Mais, dans de nombreux

    environnements, seule une proportion minime despces estsusceptible dtre isole et cultive, par rapport toutes celles quisont prsentes. La biologie molculaire permet et les mthodesdamplification PCR qui permettent une amplification et la dter-mination rapide de la squence de gnes partir dune petitequantit de cellules, ont permis daccder lADN bactrien desespces libres sans recourir aux cultures. On peut ainsi gnrer unvritable inventaire de la diversit molculaire qui nous a rvl

    une norme diversit de Procaryotes dans tous les environnements,y compris ceux possdant des caractristiques physiques et chimi-ques extrmes. Ces travaux montrent galement quune grandepartie de cette diversit ne relve pas de lignes dj connues,mais quil existe un nombre trs important de groupes jusqualorsinconnus et gntiquement loigns les uns des autres.

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    2.3 La systmatique, linformatique et Internet 29

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    vertbrs ou les insectes, le nombre est trs certainement bien suprieur celui connu lheure actuelle (voir encadr sur lcologie molculaire).Ainsi, en utilisant les techniques de biologie molculaire, on a montrque le picoplancton marin (organismes de trs petite taille entre 0,2 et2-3 microns) qui constitue la base de lcosystme plagique, recle denombreux groupes dEucaryotes non rpertoris. Le squenage delARN ribosomal dun chantillon de picoplancton du Pacifique a montrque la presque totalit des squences ne pouvaient tre rattaches celles dorganismes connus. On a dcouvert en particulier des espcesdalgues vertes primitives (les Prasinophytes) non isoles ce jour, etde nouvelles branches dans larbre des Protistes. Ce qui est galement

    nouveau est que la majorit des squences obtenues appartiennent des organismes qui sont soit des espces prdatrices, soit des espcesimpliques dans la dgradation de la matire vivante, fonction que lonpensait jusquici principalement assure par les bactries et non par desEucaryotes.

    2.3 LA SYSTMATIQUE, LINFORMATIQUE

    ET INTERNET

    Nommer, classer et identifier les espces est un travail dlicat qui nces-site dutiliser: des collections de rfrence de spcimens types, en principe dposes

    dans des muses; des publications spcialises dcrivant les espces nouvelles; des faunes et des flores accompagnes de cls didentification qui

    synthtisent linformation disponible et donnent accs la connais-sance taxinomique.Il en rsulte que la connaissance des divers groupes taxinomiques a

    longtemps t le privilge dune poigne de spcialistes dont le nombrefluctue selon les politiques et les modes. On fait dailleurs le constat,un peu partout dans le monde, dune vritable crise en matire de recru-tement de systmaticiens. Dans un tel contexte, si lon veut acclrer leprocessus dinventaire de la diversit biologique qui ncessitera encoreplusieurs sicles, et utiliser au mieux linformation existante souventdisperse dans de nombreuses revues, il faut avoir recours des moyenspuissants et interactifs de gestion et de diffusion de linformation taxi-nomique.

    Linformatique est donc naturellement apparue comme loutil indispen-sable au stockage, la gestion et lanalyse de toutes ces informations.

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    30 2 La diversit biologique : un tat des lieux

    Si des progrs considrables ont t faits dans le domaine des logicielset des traitements informatiss, un systme informatique performanten matire de systmatique et dinventaires taxinomiques fait encorecruellement dfaut lheure actuelle. Paradoxalement, des moyensautrement plus importants ont t mis dans la connaissance des toileset lexploration de lespace que dans celle des organismes vivants quinous entourent.

    Pourtant des rfrentiels taxinomiques constitus de listes de nomsde rfrence et de leurs synonymes, sont en cours de constitution etconsultables sur Internet. Ils peuvent tre complts par des informa-

    tions sur la description des espces, leur rpartition gographique, lescollections dposes dans les grands musums, etc. Ainsi la collectionde poissons du Musum national dhistoire naturelle de Paris estconsultable sur Internet.

    Il existe de nombreuses bases de donnes soit rgionales soit pargroupe despces. Ainsi Fishbase traite de lensemble des poissons alorsque Titan sintresse aux Coloptres des bois, etc. Un objectif est demettre en rseau ces diffrentes bases pour avoir accs lensemble de

    linformation concernant la biodiversit. Le catalogue de la Vie (Cata-logue of Life) a pour projet dtablir un vritable annuaire du vivant. Ilsagit dune liste dynamique qui fournit des indications sur le nomscientifique en vigueur, les synonymes, la distribution, les rfrencesscientifiques correspondantes, etc. Et de nombreux autres projets ontvu le jour en vue de promouvoir la diffusion des connaissances ensystmatique. Par exemple le projet international Species 2000, leprojet Fauna Europaea et les bases europennes ERMS (European

    Register of Marine Species) ou CLEMAM. Soutenu par la NationalScience Foundation des tats Unis, le Tree of Life (Arbre de la Vie) sedonne pour objectif de cartographier lhistoire de lvolution de toutesles espces, passes et prsentes. Dautre part, le projet EOL, Ency-clopedia of Life, est officiellement lanc. Son objectif est de crerune encyclopdie en ligne recensant toutes les espces vivantes oudisparues. Le projet est de rassembler virtuellement toutes les donnesconnues sur toutes les espces et ainsi amliorer la comprhension dela vie sur Terre. Pour chaque espce, lobjectif est davoir au moins

    une photo, la classification (taxonomie) et une description incluantlhabitat et la rpartition de lespce sur la plante.

    Dans certains cas ces bases de donnes hbergent galement dessystmes daide lidentification des espces pour lusage des profes-sionnels et des amateurs. On assiste aujourdhui lmergence de lasystmatique assiste par ordinateur avec des programmes permettant

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    2.4 Mesurer la diversit biologique 31

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    de construire automatiquement des cls didentification, des diagnosesou des reconstructions phylogntiques, de faire des identifications, destocker et daccder des donnes varies dont celles des collectionsentreposes dans les muses.

    De manire gnrale lobjectif nest pas de constituer des bases dedonnes isoles et monstrueuses mais, grce Internet, dorganiser lepartage du savoir (bases de donnes rparties, logiciels, travail coop-ratif, etc.) et dassurer la compatibilit et la synergie entre les diffrentesinitiatives qui se font jour. Cest lobjectif du GBIF (Global Biodiversity

    Information Facility) du Forum Mgascience de lOCDE. Il a t cr

    en 2001 afin de prendre en charge un ensemble de tches qui permet-traient tous les utilisateurs daccder par Internet au stock mondial dedonnes primaires sur la biodiversit. La mission du GBIF est de faci-liter la numrisation des donnes primaires et leur dissmination lchelle mondiale, de telle sorte quune personne, quel que soit sonpays dorigine, puisse tirer profit de lutilisation de cette information.Pour ce faire, le GBIF offre un moteur de recherche portant sur desbases de donnes connectes au GBIF de manire standardise. Lespossesseurs de donnes peuvent connecter tout ou partie de leursressources au GBIF, mais restent matres de leurs donnes, quilscontinuent hberger et utiliser dans le cadre de leur travail.

    2.4 MESURER LA DIVERSIT BIOLOGIQUE

    Les opinions divergent sur la manire de mesurer la biodiversit. Il nya aucune mesure universelle et celles qui sont utilises dpendent enralit des objectifs poursuivis. Sur un plan thorique on devrait valuertous les aspects de la biodiversit dans un systme donn. Mais cestune tche pratiquement irralisable et il faut se contenter dune estima-tion approche en se rfrant des indicateurs qui peuvent concernerla gntique, les espces ou les peuplements, la structure de lhabitat, outoute combinaison qui fournit une valuation relative mais pertinentede la diversit biologique.

    La richesse en espces (le nombre despces) qui peut tre dterminepour lensemble des taxons prsents dans un milieu, ou pour des sous-ensembles de taxons, est lunit de mesure la plus courante, tel pointquon a parfois tendance assimiler abusivement biodiversit et richesseen espces. Certes, plus le nombre despces est lev, plus on a dechances dinclure une plus grande diversit gntique, phylogntique,morphologique, biologique et cologique. Pour certains groupes bien

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    32 2 La diversit biologique : un tat des lieux

    connus sur le plan taxinomique, la liste despces est relativement facile tablir.

    On a cherch complter ces indices par des indices de nature gn-tique et cologique. Il y a en gntique des analogues de ces indices dediversit spcifique: on parle galement de richesse (nombre dalllespour un mme locus) ou de rgularit (frquence relative des allles).Lautre voie est didentifier la diversit des habitats dans un cosystme,

    ou des cosystmes dans un paysage. On peut utiliser une dmarchevoisine de la taxonomie: reconnatre des entits, les nommer et les classerpour pouvoir comparer diffrentes situations et tenter de gnraliserles observations. Cette dmarche typologique a donn lieu plusieurscatgories de classification fondes sur les caractristiques floristiqueset faunistiques, les assemblages despces (phytosociologie), ou sur descaractristiques du paysage (corgions, structures phnologiques, etc.).Un exemple de typologie des habitats est le systme de classification

    CORINE des habitats europens.

    2.5 LA DISTRIBUTION GOGRAPHIQUEDE LA DIVERSIT BIOLOGIQUE

    La diversit biologique nest pas rpartie de manire homogne lasurface de la plante. Les naturalistes ont essay de mettre en videncedes grandes tendances ou patterns (mot qui na pas rellementdquivalent franais mais qui est parfois traduit par patron) dans ladistribution spatiale de la diversit biologique. Si lon recherche desunits cologiques, on peut mettre en relation les caractristiques duclimat et celles de la vgtation, ce qui conduit reconnatre de grandsbiomes (figure 2.2). Si lon value par contre le degr de ressemblance

    La diversit alpha est la richesse en espces au sein dun cosys-tme local.

    La diversit bta consiste comparer la diversit des espcesentre cosystmes ou le long de gradients environnementaux. Ellereflte la modification de la diversit alpha lorsque lon passe duncosystme un autre dans un site.

    La diversit gamma correspond la richesse en espces au niveaurgional ou gographique.

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    2.5 La distribution gographique de la diversit biologique 33

    D

    unodLaphotocopienonautoriseestundlit.

    Figure2.2

    Rpartitiondesprincipauxbiomes(basssurle

    sformationsvgtales)

    lasurfacedelaTerre.

    1.

    Toundra;2.

    fo

    rtboraledeconifres;3.fortcaducifolietempre

    ;4.

    forttropicalehumide;

    5.

    fortcaducifolietropica

    le;

    6.steppetemp

    re;7.savanetropicale;8.

    dsert;9.

    fortsclrophyllemditerranenne;10.

    c

    osystmemontagnard.

    11

    11

    11

    11

    11

    12

    CA

    TR E

    Q

    10

    10

    10

    13

    14

    CA

    10 7

    6

    6

    34

    2

    2

    31

    2

    12

    13

    14

    TR

    EQ

    12

    13

    1

    3

    14

    14

    10

    5

    4

    4

    2

    2

    4

    5

    5

    6

    6

    37

    8

    12

    12

    7

    7

    8

    6

    9

    6

    4

    4

    2

    2

    2

    4

    3

    35

    5

    6

    1

    1

    3

    3

    5

    2

    5

    5

    6

    11

    7

    1

    4

    6

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    34 2 La diversit biologique : un tat des lieux

    entre les flores et les faunes, on peut diviser la plante en rgionsbiogographiques. Dans lun comme dans lautre cas, cette dmarchetypologique sinscrit, elle aussi, dans un systme hirarchique, avecdes subdivisions qui sont fonction du degr de prcision recherch. loppos on peut galement chercher identifier des aires originales,particulirement riches en espces endmiques

    2.5.1 La diversit taxinomique

    des milieux aquatiquesEn milieu marin, on retrouve lensemble des grands phyllums connus ce jour, dont 15 sont exclusivement marins (chinodermes, brachio-podes, etc.) (tableau 2.3). Un seul, les Onychophora, nest connu quenmilieu terrestre. Il y a l une certaine logique si lon reconnat que lavie est ne en milieu aquatique.

    Prs de 230 000 espces ont t dcrites en milieu marin, ce qui nereprsente que 15% environ de la biodiversit connue, en dpit du faitque les ocans occupent 70% de la surface du globe. Il y a cela deuxexplications possibles qui ne sont pas contradictoires: le milieu marinest moins explor, mais galement moins htrogne que le milieuterrestre; les phylums qui ont colonis le milieu terrestre se sont beau-coup plus diversifis, lexemple des insectes. Cest le long des ctesque 70% des espces sont recenses. Les rcifs coralliens, qui sontlquivalent en milieu marin des forts tropicales noccupent que 0,5%de la surface de la plante. Ils hbergent par contre environ un tiers des

    espces marines dcrites.Le monde marin nous rserve encore des surprises. Rappelons la

    dcouverte faite il y a maintenant 30 ans, de la faune des sourceshydrothermales! De nombreuses espces nouvelles, la biologie trsparticulire, ont t dcouvertes, dont le fameux ver de Pompi quivit dans des tubes fixs la paroi des fumeurs noirs.

    Espces endmiques. Les espces sont dites endmiques lorsquellesne se rencontrent quen un lieu donn, et nulle part ailleurs. Onparle souvent dendmisme dans un contexte gographique: les

    centaines despces de poissons cichlids qui peuplent les grandslacs dAfrique de lEst (Victoria, Malawi, Tanganyika), ou les trois-quarts des espces de mammifres de Madagascar. Le phnomnedendmisme est li lisolement gographique de taxons quivoluent ensuite en systme clos.

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    2.5 La distribution gographique de la diversit biologique 35

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    unodLaphotocopienonautoriseestundlit.

    TABLEAU 2.3 DISTRIBUTIONDESGRANDSPHYLUMSDE MTAZOAIRESAVECUNEINDICATIONDELARICHESSEENESPCEPARTYPEDHABITAT (DAPRS MAYR, 1994).

    Domaines

    Phylums

    benthiquemarin

    plagiquemarin

    eau douce terrestre

    Annlides *** * ** ***

    Arthropodes *** *** *** ***

    Brachiopodes **

    Bryozoaires *** *

    Chaetognathes * *

    Chordata *** *** *** ***

    Cnidaires *** ** *

    Ctnophores *

    chinodermes *** *

    chiuriens **

    Gastrotriches ** **

    Hmichords *

    Kamptozoaires * *

    Kinorhynques **

    Loricifres *

    Mollusques *** ** *** ***

    Nmatodes *** *** ***

    Nmertes ** * * *

    Onychophores *

    Phoronidiens *

    Placozoaires *

    Plathelminthes *** * *** **

    Pogonophores **

    Spongiaires *** *

    Priapulides *

    Rotifres * * ** *

    Sipunculiens ** *

    Tardigrades * ** *

    Total 26 11 14 11

    endmiques 10 1 0 1

    * < 100 ; 1 000 > ** > 100 ; *** > 1000.

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    36 2 La diversit biologique : un tat des lieux

    Mais les monts sous-marins, ces montagnes dorigine volcanique quislvent en pentes abruptes plusieurs centaines de mtres au-dessusdes fonds ocaniques sans atteindre la surface, sont galement desmilieux dune exceptionnelle richesse biologique. On en recense plusde 30000 dissmins dans lensemble des ocans et environ 10000 dansle seul Ocan Pacifique. On y a dcouvert en particulier des espcesque lon appelle vulgairement des fossiles vivants appartenant desgroupes que lon croyait disparus depuis le Msozoque, lpoquedes dinosaures.

    Un inventaire des espces animales peuplant les eaux douces et saum-tres vient dtre ralis. On compte ce jour environ 120 000 espcesconnues (sur les 1 800 000 dcrites) dans des milieux qui noccupentpourtant que 0,01% de la surface de la plante. Les insectes reprsententplus de la moiti de la diversit spcifique des macro-invertbrs. Et,paradoxalement, plus de 40% des espces de poissons connues habitentles eaux douces malgr leur faible superficie.

    2.5.2 Les gradients dans la rpartition spatiale

    Dans leur qute dun ordre de la Nature les scientifiques ont essaydidentifier des facteurs qui expliqueraient la rpartition spatiale actuel-lement observe. La recherche de gradients est une manire de mieuxcomprendre cette organisation de la diversit biologique.

    a) Gradients latitudinaux

    Un phnomne assez gnral en milieu terrestre et aquatique continental,est lexistence dun gradient latitudinal: la richesse en espce augmentedes ples vers lquateur pour la plupart des groupes taxinomiques.Autrement dit la diversit biologique est bien plus grande sous lestropiques que dans les rgions tempres. Ce phnomne est particu-lirement marqu pour les plantes. Pourtant, pour certains groupes commeles Nmatodes du sol, il semble y avoir une situation inverse, avec uneplus grande richesse spcifique aux hautes latitudes.

    Dans les milieux marins, lexistence dun gradient latitudinal a tmise en vidence en milieu plagique, ainsi que pour la faune benthiquede substrat dur. Mais le phnomne est controvers pour dautres groupes,et mme parfois inverse. Ainsi, les macro-algues sont plus diversifiesen milieu tempr quen milieu tropical. Il en est de mme pour lesoiseaux de mer qui se nourrissent de poissons et de crustacs. Celapourrait signifier que les diffrents groupes dorganismes marins ne sontpas sensibles aux mmes facteurs de distribution que ceux du milieu

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    2.5 La distribution gographique de la diversit biologique 37

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    terrestre. Enfin, dans lhmisphre sud, il napparat pas de gradientlatitudinal bien marqu et la richesse en espces marines de lAntarctiqueest particulirement leve.

    On a cherch bien entendu expliquer les gradients latitudinaux enmilieu terrestre en voquant le fait que les rgions tropicales occupentune surface plus importante que les rgions tempres ou froides.Lexistence dune proportion despces endmiques beaucoup plusgrande en zone tropicale quen zone tempre est probablement aussila consquence de la variabilit du climat: les alternances glaciations/dglaciations, tous les 100 000 ans environ au cours du Quaternaire,ont beaucoup plus perturb les zones froides et tempres o elles onteu un effet dessuie-glace sur la diversit biologique, alors que lesclimats des zones tropicales ont permis la prennisation long termedcosystmes, mme si ceux-ci ont pu connatre des variations parfoisimportantes. Dans les rgions tempres, les espces doivent dvelopperde coteuses adaptations (au gel par exemple) pour faire face lavariabilit climatique. Les conditions relativement plus stables, la foissur le plan saisonnier et sur le long terme, dans les zones tropicales,auraient laiss le temps de nombreux organismes de se spcialiser et

    doccuper les diffrentes niches cologiques disponibles.Dautres hypothses ont galement t avances: ainsi les zones

    tropicales o les ressources en nergie disponible sont les plus impor-tantes seraient les plus productives, ce qui faciliterait la coexistence denombreuses espces.

    b) Gradients longitudinaux

    Dans le domaine marin, un gradient longitudinal bien tabli est celuide la diversit des coraux dont la plus grande richesse spcifique estobserve dans larchipel indonsien. Elle diminue ensuite vers louest, demanire irrgulire dans locan Indien (avec une exception dans lamer Rouge pour certains groupes) et elle est plus faible dans les Carabes.

    c) Gradients altitudinaux

    La zonation altitudinale est une forme dorganisation de la diversitbiologique qui nous est familire dans les zones de montagne o lonpeut observer, sur des surfaces limites, un changement rapide de lastructure des peuplements avec laltitude. La temprature et la pluvio-mtrie sont les principaux facteurs physiques structurants de ce gradient.Pour certains taxons la richesse spcifique diminue simplement aveclaltitude, alors que pour dautres la richesse spcifique a la formedune courbe en cloche.

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    d) La profondeur

    En mer, on distingue le domaine plagique qui correspond aux espceset communauts qui vivent dans la masse deau, et le domaine benthiquepour les organismes qui vivent sur et dans le sdiment ou sur les substratsdurs. De manire gnrale, la diversit biologique est plus leve dansles milieux benthiques que dans les milieux plagiques, et en milieuctier (o la diversit des habitats est plus grande) quen milieu hauturier.

    Elle sorganise autour de quelques grands domaines: Leplateau continental qui est la zone ctire stendant jusqu une

    profondeur moyenne de 200 m. On y trouve lessentiel des organismesbenthiques et les rcifs coralliens qui sont lquivalent, toutes propor-tions gardes, des systmes forestiers tropicaux pour la biodiversitmarine.

    Figure 2.3 a Courbe schmatique de la distributionde la richesse en espces aux diffrentes latitudes.

    Cest le schma observ en particulier pour les amphibiens, lesreptiles, etc.

    Figure 2.3 b Changements dans la richesse en espcesen fonction de laltitude.

    1: schma de diminution progressive observ pour les chauves-souris du parc national de Manu (Prou); 2: schma de distributionen dme observ pour les oiseaux terrestres dAmrique du Sud.

    nombredes

    pces

    Nord 0 Sud

    latitude

    no

    mbredespces

    2

    1

    altitude

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    Le talus continental se prolonge par le domaine bathyal qui prsenteune richesse spcifique maximum entre 1000-1500 m pour les commu-nauts plagiques, et 1 000-2 000 m pour le mgabenthos.

    Le bassin ocanique proprement dit est form par laplaine abyssaleentre 4 000 et 6 000 m de profondeur avec des fosses plus profondes,mais aussi des crtes mdio-ocaniques (2 3000 m). Jusqu unepoque rcente on pensait que la vie tait peu abondante dans locanprofond. Depuis on a mis en vidence la grande richesse en espcesdes sdiments profonds, dont la plus grande partie nest pas dcriteavec prcision.

    2.5.3 La relation surface nombre despces

    Il existe une relation empirique bien connue des cologistes entre lasurface dune le et le nombre despces observes sur cette le. Ellesexprime le plus souvent par lquation dArrhnius:S = cAz, o S est le nombre despces, A la surface, c et z sont desconstantes. La notion dle sapplique aussi bien aux les ocaniquesquaux les continentales savoir les sommets de montagnes, les lacsou les bassins hydrographiques isols les uns des autres.

    Des relations entre la surface dun systme insulaire et la richessespcifique dun groupe ont t mises en vidence de nombreusesreprises. Il existe cependant des diffrences en fonction des provincesbiogographiques qui ont connu des histoires diffrentes. Dans lexem-ple prsent sur la figure 2.4 qui concerne des fleuves africains et desfleuves europens, on a mis en vidence dans chacune des provincesbiogographiques, lexistence dune bonne relation entre la surface du

    bassi