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© Masson, Paris, 2004 REV. PNEUMOL. CLIN., 2004, 60, 1S22-1S23 Question de A.-B. Tonnel Il semble y avoir un risque accru d’exacerbation avec la colonisation des bronches par de nouvelles souches bactériennes ; est-ce un sérotype, par exemple d’Haemo- philus, différent ou s’agit-il surtout de souches bacté- riennes très différentes, en d’autres termes suffit-il de peu de choses ou faut-il, au contraire, un changement majeur de la flore microbienne ? Réponse de P. Devillier Selon l’étude de Sethi dans le NEJM, il n’est pas nécessaire de révolutionner la flore bactérienne pour géné- rer une réponse inflammatoire ou une exacerbation, mais un simple changement de souche d’une même espèce bac- térienne, s’il s’accompagne d’une augmentation de la pathogénicité de la bactérie, peut déclencher une exacer- bation ; pour l’Haemophilus, un simple variant antigé- nique, qui lui permet d’échapper à la pression immune générée par des réponses antérieures, peut lui permettre de révéler une pathogénicité qu’il n’avait pas avant de varier au niveau antigénique. Donc, parfois, de simples varia- tions antigéniques suffisent pour augmenter le risque d’exacerbation ou modifier la colonisation bactérienne et induire, in fine, une perturbation qui peut se traduire au long cours par une augmentation du risque d’exacerbation. Question de l’auditoire Est-il illusoire de penser à évaluer la charge micro- bienne chez les BPCO et peut-on éradiquer, avec un anti- biotique, la flore microbienne ? Réponse de P. Devillier Lorsque l’indication est bien posée, il semble y avoir un bénéfice significatif à utiliser une antibiothérapie ; je ne dispose pas de données concernant l’éradication de la flore microbienne ; il semble toutefois que la réduction de la charge bactérienne soit un élément qui accélère la guérison. Un patient qui réduit spontanément sa charge bactérienne, indépendamment de tout traitement, a une réduction de ses paramètres inflammatoires dans l’expec- toration, bien plus rapide que le patient qui lui, pour des raisons de réponses immunes moins adaptées, maintient une charge bactérienne plus importante et pour lequel les critères inflammatoires ne se réduisent pas à la même vitesse. La corrélation entre la réduction de la charge bac- térienne, la réduction de l’inflammation et la réduction des scores cliniques existe, mais n’est pas majeure ; il y a donc toujours un décalage qui est probablement lié, non plus cette fois-ci à un problème d’inflammation, mais aux comorbidités et à la sévérité initiale qui ont été évo- quées par d’autres intervenants ce soir. J.-C. Meurice apporte un commentaire aux deux questions Pour la première, il y non seulement probablement une modification de la sensibilité de certains germes, mais il y a aussi le fait que pour une pathologie dont le trouble ventilatoire obstructif va s’aggraver, cette aggra- vation va s’accompagner de nouveaux germes de plus en plus sévères. Pour la deuxième, il n’est pas nécessaire d’avoir une éradication complète du germe, mais plutôt de travailler sur l’amélioration de la fonction respiratoire de ces patients, puisque nous savons maintenant que pour les patients dont la fonction respiratoire est la plus faible, il y aura une colonisation ou une atteinte par des germes les plus sévères. Question de Y. Grillet En tant que pneumologue libéral, je suis assez effrayé par les chiffres cités concernant la mortalité après une exa- cerbation (42 %) ; le recrutement doit avoir une influence ; de quels malades s’agissait-il ? Réponse de J.-C. Meurice Ce sont des patients hospitalisés, donc pris en charge par des centres hospitaliers spécialisés et donc les plus sévères. Il est certain que par rapport à la pratique quo- tidienne, on peut être effrayé par ces chiffres, mais dans la réalité ce qui a été montré sur le plan épidémiologique est que l’exacerbation est un tournant dans la maladie qui entraîne une aggravation nette de la mortalité. Commentaire de I. Annesi-Maesano En cas de pollution atmosphérique, les particules aug- mentent et la mortalité par cause respiratoire également ; lorsqu’il y a des pics de pollution, ce lien est établi. QUESTIONS-RÉPONSES

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© Masson, Paris, 2004 REV. PNEUMOL. CLIN., 2004, 60, 1S22-1S23

Question de A.-B. Tonnel

Il semble y avoir un risque accru d’exacerbation avecla colonisation des bronches par de nouvelles souchesbactériennes ; est-ce un sérotype, par exemple d’Haemo-philus, différent ou s’agit-il surtout de souches bacté-riennes très différentes, en d’autres termes suffit-il depeu de choses ou faut-il, au contraire, un changementmajeur de la flore microbienne ?

Réponse de P. Devillier

Selon l’étude de Sethi dans le NEJM, il n’est pasnécessaire de révolutionner la flore bactérienne pour géné-rer une réponse inflammatoire ou une exacerbation, maisun simple changement de souche d’une même espèce bac-térienne, s’il s’accompagne d’une augmentation de lapathogénicité de la bactérie, peut déclencher une exacer-bation ; pour l’Haemophilus, un simple variant antigé-nique, qui lui permet d’échapper à la pression immunegénérée par des réponses antérieures, peut lui permettre derévéler une pathogénicité qu’il n’avait pas avant de varierau niveau antigénique. Donc, parfois, de simples varia-tions antigéniques suffisent pour augmenter le risqued’exacerbation ou modifier la colonisation bactérienne etinduire, in fine, une perturbation qui peut se traduire aulong cours par une augmentation du risque d’exacerbation.

Question de l’auditoire

Est-il illusoire de penser à évaluer la charge micro-bienne chez les BPCO et peut-on éradiquer, avec un anti-biotique, la flore microbienne ?

Réponse de P. Devillier

Lorsque l’indication est bien posée, il semble y avoirun bénéfice significatif à utiliser une antibiothérapie ; jene dispose pas de données concernant l’éradication de laflore microbienne ; il semble toutefois que la réductionde la charge bactérienne soit un élément qui accélère laguérison. Un patient qui réduit spontanément sa chargebactérienne, indépendamment de tout traitement, a uneréduction de ses paramètres inflammatoires dans l’expec-toration, bien plus rapide que le patient qui lui, pour desraisons de réponses immunes moins adaptées, maintientune charge bactérienne plus importante et pour lequel lescritères inflammatoires ne se réduisent pas à la même

vitesse. La corrélation entre la réduction de la charge bac-térienne, la réduction de l’inflammation et la réductiondes scores cliniques existe, mais n’est pas majeure ; il y adonc toujours un décalage qui est probablement lié, nonplus cette fois-ci à un problème d’inflammation, maisaux comorbidités et à la sévérité initiale qui ont été évo-quées par d’autres intervenants ce soir.

J.-C. Meurice apporte un commentaire aux deux questions

Pour la première, il y non seulement probablementune modification de la sensibilité de certains germes,mais il y a aussi le fait que pour une pathologie dont letrouble ventilatoire obstructif va s’aggraver, cette aggra-vation va s’accompagner de nouveaux germes de plus enplus sévères.

Pour la deuxième, il n’est pas nécessaire d’avoir uneéradication complète du germe, mais plutôt de travaillersur l’amélioration de la fonction respiratoire de cespatients, puisque nous savons maintenant que pour lespatients dont la fonction respiratoire est la plus faible, ily aura une colonisation ou une atteinte par des germesles plus sévères.

Question de Y. Grillet

En tant que pneumologue libéral, je suis assez effrayépar les chiffres cités concernant la mortalité après une exa-cerbation (42 %) ; le recrutement doit avoir une influence ;de quels malades s’agissait-il ?

Réponse de J.-C. Meurice

Ce sont des patients hospitalisés, donc pris en chargepar des centres hospitaliers spécialisés et donc les plussévères. Il est certain que par rapport à la pratique quo-tidienne, on peut être effrayé par ces chiffres, mais dansla réalité ce qui a été montré sur le plan épidémiologiqueest que l’exacerbation est un tournant dans la maladiequi entraîne une aggravation nette de la mortalité.

Commentaire de I. Annesi-Maesano

En cas de pollution atmosphérique, les particules aug-mentent et la mortalité par cause respiratoire également ;lorsqu’il y a des pics de pollution, ce lien est établi.

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Question de l’auditoire

Sur l’usage des antibiotiques, il y a une étude japo-naise semi-récente qui s’adressait à une petite populationde patients, mais qui montrait que la prise de macrolidesà doses faibles régulièrement pouvait diminuer le risqued’exacerbation ; les mêmes auteurs avaient émis l’hypo-thèse que ce n’était pas par éradication bactérienne, maispar inhibition de la fixation du rhinovirus sur la muqueu-se ; ces études ont-elles été prolongées, répétées et quepeut-on en dire ?

Réponse de P. Devillier

Il y a tout un débat actuellement et ce sont surtout lesauteurs japonais qui se sont intéressés à ce sujet il y a unedizaine d’années ; la question est de savoir si la classe desmacrolides, qui est une classe extrêmement hétérogèneen termes chimique et en termes d’efficacité essentielle-ment sur les effets notamment anti-inflammatoires qu’onpeut supposer être ceux de certains macrolides et non detous, modifie la production de cytokines ; des concentra-tions suffisantes (le problème est de savoir si on atteintces concentration in vivo chez le patient) peuvent aumoins in vitro inhiber la production de cytokines par descellules épithéliales. D’autres exemples étaient évoquéspar J.-F. Cordier l’année dernière qui semblent suggérerque chez l’homme, les macrolides, hormis leur activitéantibactérienne pourraient avoir des effets anti-inflam-matoires bénéfiques.

Question de l’auditoire

On est étonné du délai indiqué pour la récupérationqui se situe autour de 3 ou 4 mois ; est-ce que cespatients ont été traités de façon “optimale” ?

Est-ce que les immunomodulateurs n’ont plus aucuneplace dans le traitement préventif de ces rechutes ?

Réponse de A.-B. Tonnel

En ce qui concerne le problème de la sévérité de cesexacerbations, on étudie la diminution de la qualité devie, c’est-à-dire le vécu du patient, et le retour au chiffre

antérieur ; celui-ci se fait vers la 12e semaine seulement,il y a donc un long retard à la récupération d’un certainbien-être ; la prise en charge a probablement dû être cor-recte.

Si on regarde les taux très importants de décès quel’on peut observer, il faut bien considérer qu’il ne s’agitque d’un petit “pool” de patients (2 400 patients dont3 % d’hospitalisés avec 10 % de décès au cours de l’hos-pitalisation et de 30 % à 40 % après un an).

Les immunomodulateurs vont être soumis rapidementà réévaluation ; on a tous le sentiment qu’il y a quelquechose, mais la preuve objective n’a pas été apportée.

Question de A.-B. Tonnel à I. Annesi-Maesano

Vous avez montré que dans les études observation-nelles les effectifs sont très différents ; on passe de 750à 22 000.

A-t-on le droit de faire une étude observationnelle àpartir d’une étude expérimentale ?

Est-ce que la validité de l’étude est fonction del’effectif ?

Réponse de I. Annesi-Maesano

On peut faire un calcul du nombre de sujets néces-saires pour essayer de répondre à une question, ce qui aété fait dans le cadre de la “sous-étude” de l’étudeISOLDE.

CONCLUSION

Ces différents exposés nous ont bien permis de com-prendre l’importance et la gravité des exacerbations dansles BPCO qui ne sont pas juste de simples incidents deparcours dans le cours normal d’une maladie ; il fautdonc s’atteler à les prévenir. Pour cela, aucun traitementà lui seul n’est efficace, mais la combinaison des diffé-rentes mesures de prise en charge (vaccination, réhabili-tation...) plus certaines thérapeutiques actuellement utili-sées devrait permettre l’amélioration de la prévention desexacerbations.

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