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COMHART Comit pour lhistoire de larmement terrestre

LES ARMEMENTS DE DEFENSE ANTI-AERIENNE PAR CANONS ET ARMES AUTOMATIQUES

par les ingnieurs gnraux Ren LESAVRE et Michel de LAUNET

Ouvrage dit par le Centre des hautes tudes de larmement Division Histoire de larmement 2007

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Comit pour lhistoire de larmement terrestre Plan gnral ddition des travauxOuvrages dj publis ( la fin de lanne 2007) : Tome 1 : I - Rle de ltat-major de l'arme de Terre dans l'laboration et la ralisation des programmes d'armement. II - Les matriels de l'arme de Terre en 1945, par le gnral Petkovsek. Paris, Cedocar, 1999. Tome 2 : Organisation et moyens, par lingnieur gnral Dufoux. Paris, Cedocar, 1999. Tome 3 : Centre de recherches en deux volumes 3-1 : Le laboratoire central de larmement, par lingnieur gnral Cav. Paris, Cedocar, 1999. 3-2 : Les autres centres de recherche, par lingnieur gnral Fayolle. Paris, Cedocar, 1999. Tome 4 : Centre dessais et dvaluation, par lingnieur gnral Fayolle. Paris, Cedocar, 1999 Tome 5 : Relations internationales, par lingnieur gnral Robineau. Paris, CHEAr/DHAr, 2003. Tome 7 : Matriel du Gnie, par lingnieur gnral Brindeau, puis lingnieur gnral Mallet. Paris, Cedocar, 2000. Tome 8 : Armement de petit et moyen calibre, sous la direction de lingnieur gnral Lesavre, et spar en trois volumes 8-1 : Les armements dinfanterie, par lingnieur gnral Rogier. Paris, CHEAr/DHAr, 2006. 8-2 : Larmement automatique de moyen calibre, par lingnieur gnral Bailly. Paris, CHEAr/DHAr, 2007. 8-3 : Les armements de dfense antiarienne par canons et armes automatiques, par les ingnieurs gnraux Lesavre et de Launet. Paris, CHEAr/DHAr, 2007. Tome 9 : Armement de gros calibre, par lIGA Michel Tauzin. Paris, CHEAr/DHAr, 2007. Tome 10 : Armements antichars. Missiles guids et non guids, par M. Stauff (), puis par MM. Guillot et Dubernet. Paris, CHEAr/DHAr, 2002. Tome 11 : Systmes de missiles sol-air, par lIGA Collet-Billon () puis lIGA Bienvenu. Paris, CHEAr/DHAr, 2002. Tome 13 : Premiers travaux sur l'arme nuclaire, par lIGA Paul Bonnet. Paris, Cedocar, 2000. Hors srie en deux volumes : Propulsion, dtonation, pyrotechnie. Une histoire des poudres entre 1945 et 1975, par lingnieur gnral Toche. Paris, SNPE, 1995.

Ouvrages en prparation

Tome 12 : Tlcommunications, dtection, guerre lectronique, systmes informatiques.Tome 14 : Dfense NBC.

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Note gnrale dintroductionLe Comit pour lhistoire des armements terrestres (ComHArT) a t cr en 1986 et a poursuivi ses travaux depuis cette date, en sefforant de suivre le programme initialement tabli par son premier prsident, lingnieur gnral Michel Marest. Celui-ci a dfini lesprit dans lequel devaient tre labors les diffrents documents dans les lignes suivantes, crites en dcembre 1996: Au milieu des annes 1980, quelques personnalits du monde industriel ayant contribu par leur crativit au renouveau de larmement en France partir de 1945, exprimaient leur intrt pour la rdaction de lhistoire de ce renouveau et en faisaient part au dlgu gnral pour larmement. Laboutissement des rflexions sur ce sujet fut la dcision du 26 mai 1986 du dlgu gnral pour larmement de crer un Comit pour lhistoire de larmement terrestre dans la priode 1945-1975 La prsidence de ce Comit mtait confie, avec pour tche initiale den dterminer la composition de manire disposer des comptences ncessaires pour traiter dans les meilleures conditions lensemble des thmes du plan de travail envisag. Ces thmes, qui constituent la trame de rdaction de lhistoire de larmement terrestre, se rpartissent en deux familles : - ceux regroups sous lappellation aspects gnraux , traitant dune part du rle de ltat-major de larme dans llaboration des programmes darmement, dautre part du rle de la DEFA (Direction des tudes et fabrications darmement, puis DTAT, Direction technique des armements terrestres), des problmes dorganisation et de moyens, des centres de recherche, dessais et dvaluation, ainsi que ds relations internationales, lesquelles se sont dveloppes sous plusieurs formes aprs la libration ; - ceux relatifs lquipement de larme de terre, traitant, aprs un rappel de la situation en 1945, des systmes et matriels classs par finalit demploi, des quipements utilisation diversifie, et mme de constituants cest le cas des poudres et explosifs - qui ont une incidence primordiale sur lvolution des caractristiques techniques et oprationnelles des armes et systmes darmes, quel que soit le milieu dutilisation (Air, Mer, Terre). Le traitement de chacun de ces thmes a t confi un des membres du Comit, officiers gnraux pour les thmes o larme de terre a t directement implique, ingnieurs gnraux de larmement et personnalits civiles minentes de lindustrie darmement pour les autres thmes, chaque responsable disposant dune totale autonomie pour constituer sa propre quipe de travail. Chaque document ouvrage ou article- a son propre style dcriture, reflet de la personnalit de son rdacteur, mais, sur le fond,les diffrents documents ont des affinits qui tiennent aux recommandations faites ds le lancement des travaux : - pour tous les thmes, la gense des affaires et les objectifs fixs, les ides cratrices, les initiatives prises, les rsultats atteints doivent tre mis en relief ; lorsque cela est encore possible, les tmoignages des personnalits ayant assum des responsabilits importantes durant la priode considre seront recherches et-3-

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des fiches biographiques seront tablies pour des personnalits de haut rang ayant agi de manire dterminantes au cours de leur carrire ; pour les thmes de la deuxime famille (systmes, matriels, quipements ) la prsentation doit tre dominante technique : on traitera non seulement des oprations programmes, que des actions aient t menes leur terme (adoption et production) ou stoppes (analyse des checs), mais galement des actions engages sur linitiative de la direction technique dans cette priode 1945-1975, dont certaines furent des russites au plan national ; on mentionnera galement les initiatives prises pour des adaptations dquipements franais des matriels trangers en vue de lexportation. Ingnieur gnral Marest *** Notre regrett camarade na pu animer jusqu son terme la ralisation de cet ambitieux programme. Dautre part, les alas de lexistence ont fait que plusieurs des sujets envisags, et non des moindres, nont pu tre traits dans les dlais et les conditions prvues, et des ramnagements ont du tre dcids. Enfin, le temps passant, il na pas paru opportun de se tenir strictement la limite de 1975, dautant que, pour les priodes les plus anciennes du crneau de temps initialement envisag, il devenait difficile de faire appel aux tmoignages directs des acteurs de lpoque. Dans le plan gnral ddition initialement tabli, et tel quil figure en tte des premiers tomes dits, les Armements de petits et moyens calibres, objets du tome 8, sont confis lingnieur gnral Lesavre. Celui-ci a constitu son quipe de travail et rparti les tches en trois sous-ensembles les petits calibres les moyens calibres les canons anti-ariens La partie relative aux armes de petits calibres ayant pris du retard, il a t dcid de la confier lingnieur gnral Michel Rogier, qui a effectu ce travail avec beaucoup de diligence. La partie traitant des moyens calibres est luvre de lingnieur gnral Maurice Bailly. Finalement, Ren Lesavre et le comit ont prfr ne pas raliser un tome 8 unique, mais plutt procder ldition de trois fascicules spars, signs de leurs auteurs respectifs. Le premier relatif aux petits calibres est du lingnieur gnral Rogier. Le deuxime, qui traite des moyens calibre est loeuvre de lingnieur gnral Bailly. Le troisime fait lobjet du prsent fascicule.

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Prsentation du fasciculeLa dfense antiarienne par canons et armes automatiques

Le texte de cet ouvrage est redevable pour lessentiel aux contributions de Claude LIBOIS et leur exploitation par Ren LESAVRE. Mais on a aussi utilis les cours professs lENSAR avant 1960 par les ingnieurs militaires JUND et JOYAU, et surtout les manuscrits laisss par Marcel DERAMOND qui traite des conduites de tir et plus particulirement leurs composantes optiques, en entrant profondment dans les dtails techniques de conception et de ralisation. Mais la mort ne lui a pas laiss le temps de mettre au point son ouvrage. En particulier la partie consacre prcisment aux viseurs et correcteurs destins au tir anti-arien est reste ltat dbauche. Le Comit ne dsespre pas, malgr la difficult, de faire connatre un jour son remarquable travail, qui, de toute faon restera en ltat dans les archives du ComHArT. Mais tant donn limportance de ces conduites de tir dans les systmes de lutte antiarienne, on sest permis de puiser dans ces esquisses, en se limitant toutefois aux grands principes, laissant ventuellement au chercheur la tche dentrer, avec Marcel DERAMOND, dans les dtails techniques La contribution de Michel de LAUNET consiste donc, pour lessentiel, la mise en forme des matriaux numrs ci-dessus. Il a t aid dans cette tche par les conseils du gnral de Corps darme BILLARD, du gnral AUZANNEAU, de lingnieur gnral Jacques de BERNARDI . Il leur adresse ses remerciements. Enfin, les auteurs et le Comit souhaitent exprimer toute leur gratitude lquipe du dpartement dhistoire du Centre des hautes tudes de larmement, son chef, lingnieur gnral Jean-Pierre MOREAU, et tout spcialement Patrice BRET, son secrtaire scientifique, qui supervise ldition des documents, avec laide de Franoise PERROT. Michel de Launet Dcembre 2006

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Prface

En 1945, larme franaise a t rarme par les USA. Elle dispose pour la lutte antiarienne de matriels amricains, depuis lafft de mitrailleuse de 12.7 jusquau HAWK qui quipe les armes d lOTAN. De notre dfaite de 1940 la France ne retient quun des aspects de la blitzkrieg mene par larme allemande : la prminence du char, et ne note pas la puissance multiplicatrice du binme char-avion. De plus la force potentielle de laviation tactique sovitique ne semble pas inquiter outre mesure le corps de bataille alli en Europe. Pourtant, en 1944, cest bien la suprmatie arienne qui emporte le succs de la reconqute. Certes le commandement compte sur lefficacit suppose dune dfense arienne base davions, mais quel prix ? Pendant toute la dure de la guerre froide une force arienne tactique de front est dveloppe et maintenue un niveau de disponibilit par les armes du Pacte de Varsovie (6.500 avions de combat et 1.380 hlicoptres dattaque). Les rflexions portent dans ce domaine sur les succs de larme vietnamienne qui russit interdire tout vol basse (ou moyenne) altitude de laviation US. On prconise alors la LATTA o, en particulier sous limpulsion du gnral DELAUNAY (CEMAT de lpoque) le nombre important de mitrailleuses et darmes de petits cabre des forces de manuvre sera utilis pour contrebattre cette menace. Un systme sol-air, le HAWK, a pu dmontrer une seule fois son efficacit pendant la priode de la guerre froide (au Tchad). Depuis le dbut de la deuxime guerre mondiale, les progrs de lavion avaient t spectaculaires : la vitesse et laltitude de vol staient considrablement accrues. La porte efficace utile de lartillerie antiarienne se rduisait au fur et mesure que saccroissaient les capacits de manuvre et dvasive des avions. Une tude technique du SHAPE concluait que la porte utile dun canon est de 2.000 mtres, quel que soit le calibre . Malgr le dveloppement de matriels tout fait remarquables (canons et conduites de tir), force est de constater que lartillerie est de plus en plus dpasse, et peu peu simpose lide quun systme de dfense contre avions base de missiles autopropulss guids doit pouvoir protger le corps de bataille. Ce sera le ROLAND et une autre histoire.

Gnral de corps darme BILLARD

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SommaireChapitre 1 Introduction Chapitre 2 Les matriels de DCA avant 1945 et pendant la guerre 39-45Armes de tous calibres de la France, des allis, des allemands La batterie de 75 Mle 32

Chapitre 3 Les canons anti-ariens de gros calibre aprs-guerreLe 90 US Les dveloppements de SFAC Le PHF 90

Chapitre 4 Les canons BOFORS de 40 et de 57Evolution des 40L60 Le correcteur de tir LPR Le 57 marine Le 40L70 et son poste de commandement

Chapitre 5 Les moyens calibres de 1945 1958Les canons de 20 mm et leurs affts Lafft Consortium Le HSS 831 Lunit lgre de DCA

Chapitre 6 La dfense anti-arienne de 1958 1970Les missiles Hawk, Crotale, Roland Le bitube de 30 mm sur AMX 13 puis AMX 30 (tourelle SAMM) Les canons de 20 mm (tourelles SAMM/TGS 530 et SAMM / TGS 521)

Chapitre 7 Aprs 1970Armes de 30 mm Export de bitube de 30 sur AMX Armes de 20 mm Modernisation des affts 53T1 et 53T2 Lafft pointage intgral Les tourelleaux -Le VADAR Affts de 20 mm pour larme de lair Tourelleaux et tourelles de 20 mm - Lance-roquettes Javelot

Chapitre 8 EpilogueTentatives dexportation- Le Magic Place du canon dans la Dfense AA Martha

PLANCHES (liste pages suivantes) ANNEXES (liste page suivante) Orientations documentaires Index

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Table des planchesPlanche 1 Planche 2 Planche 3 Planche 4 Planche 5 Planche 6 Planche 7 Planche 8 Planche 9 Planche 10 Planche 11 Planche 12 Planche 13 Planche 14 Planche 15 Planche 16 Planche 17 Planche 18 Planche 19 Planche 20 Planche 21 Planche 22 Planche 23 La batterie de 75 mm modle 32 Le matriel de 105 FLAK allemand et le Kommandogert 40 Le temps mort de manuvre Pice 90 US et son domaine defficacit La batterie de 90 US et le poste central M 7 Canon SFAC antiarien de 105 Projet SFAC de 90 Bitube Lappareil de prparation de tir PHF 90 Radars de la batterie franaise de 90 Batterie de 40 L 60 avec poste M5 Pice Bofors de 40 L 60 Le correcteur de tir LPR Pices Bofors de 57 L 60 et 40 L 70 Tlpointeur calculateur pour 40 L 70 Afft quadruple pour mitrailleuse de 20 HS 404 Bitube HS 831 sur chssis AMX 13 Bitube HS 831 sur chssis AMX 30 Afft antiarien tract lger 53 T 2 Tarasque pointage intgral VADAR 76 T 2 Cerbre Tourelleaux Toucan I et Toucan II Javelot Le VDA et le systme RA 20 TA 20 dElectronique Marcel Dassault

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Table des annexesAnnexe 1 Annexe 2 Annexe 3 Annexe 4 Annexe 5 Annexe 6 Annexe 7 Bref historique de la DCA jusquen 1945 Les correcteurs de tir lectro-mcaniques Le PHF 90 : principes de fontionnemen Service des tudes de Levallois (fin des annes 40, annes 50) Les correcteurs de tir Galileo Les fuses Pozit en 1954 Chronologies parallles des missiles et des canons)

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Chapitre 1 Introduction----- * -----

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La dfense anti-arienne avait dj, avant et pendant la deuxime guerre mondiale, atteint un degr de sophistication significatif. A cette poque le seul moyen de lutte contre lagresseur arien tait le canon, de plus ou moins gros calibre, et il se posait un problme bien spcifique : il sagissait datteindre avec lobus, objet ni guid ni autodirig, un autre objet mobile, lavion, et donc ; partir de la connaissance de la position actuelle de lavion au dpart du coup et de la balistique de lobus, connue elle-mme par les tables de tir, de dterminer la position future de lavion , o, en principe, lobus devait le rencontrer, et qui dterminait les paramtres de pointage de la pice dartillerie. Il faut faire ici une remarque importante concernant la position future de lavion : aprs le dpart du coup et pendant toute la dure de trajet de lobus de la pice jusqu la position future de lavion, celui-ci continue voluer sans que cette volution puisse tre prise en compte dans la dcision de pointage du canon. Il est donc ncessaire de faire une hypothse : la plus naturelle (1) est de supposer que lavion va poursuivre sa trajectoire en ligne droite et vitesse constante (seul le K40 allemand avait la possibilit dintroduire une correction dans le cas o la trajectoire serait manifestement suivant un cercle). Cette extrapolation dduisant lavion futur de lavion actuel est loin dtre ngligeable : pour un avion volant 150 mtres par seconde, ce qui est relativement lent (540 km/h) mme pour lpoque davant guerre, et une dure balistique de lobus de 3 secondes ( 3000 mtres, cest un minimum) lavion parcourt 450 mtres, ce qui le mettrait loin en dehors de la zone ltale de lobus. Tel tait alors le problme majeur de la DCA, pour employer le terme dsormais dsuet Dfense Contre Avion qui avait cours lpoque et qui a t supplant par Dfense Anti-Arienne. Ce problme devait persister dans les annes daprs-guerre, avec, pour le rsoudre, des techniques qui paraissent aujourdhui bien antiques, puisquon ne disposait pas des moyens de calcul auxquels nous sommes dsormais accoutums, et que le radar nen tait encore qu ses dbuts. Ce problme de dtermination de lavion futur devait disparatre avec larrive des missiles, qui, tlguids ou autoguids, peuvent modifier leur trajectoire jusqu limpact sur la cible, ou le passage proximit de celle-ci. Les premiers missiles anti-ariens firent leur apparition vers 1960 avec le Hawk, mais ils taient pressentis ds 1945, ce qui eut une influence dterminante sur les dcisions de dveloppements de canons. Ceux-ci, de toute faon, devaient se rvler insuffisants pour prendre partie, longue porte des avions volant de plus en plus haut et de plus en plus vite. La place des canons de DCA devait ainsi voluer en fonction des mises en services de nouveaux missiles, tels que, pour se limiter aux matriels franais,

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Un des soucis prdominants aprs-guerre tait la dfense contre des bombardiers oprant haute altitude. Lhypothse selon laquelle ils voluaient en ligne droite et vitesse constante avait t mise avant la guerre, mais elle avait t confirme par lexprience du conflit qui venait de sachever

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Roland, Crotale ou, plus rcemment, Mistral. Ceux-ci font lobjet du tome 11 des documents du ComHArT rdig par lingnieur gnral Didier BIENVENU. Nous nen traiterons donc ici qupisodiquement, dans la mesure o ils interfrent avec les dveloppements des systmes canons0103

Mais revenons-en aux canons de Dfense anti-arienne (D.A.A.). Les missions qui leur sont imparties prsentent une grande varit. Il y a lattaque grande distance davions voluant haute altitude ; son traitement tait dvolue aux canons de gros calibres (75 mm et au-del). Il y avait aussi la dfense rapproche, contre des avions hostiles relativement proches, voire trs proches. L sest trouv le domaine darmes plus lgres tels que canons automatiques de 20 et 30 millimtres. On a estim parfois que les missiles devaient les liminer de la panoplie des armements anti-ariens terrestres. Lexprience montre que, encore la fin du vingtime sicle ils avaient encore conserv une utilit. Cela est manifeste encore aujourdhui dans ce quil est convenu dappeler lautodfense. Ces armes sont alors le plus souvent polyvalentes, utilisables aussi bien contre avions que contre blinds lgers avec ventuellement des munitions adaptes lobjectif. Les caractristiques de ces armes de moyen calibre et le droulement des programmes les concernant sont dvelopps dans le fascicule du tome 8 du ComHArT consacrs aux armes de moyen calibre rdig par MAURICE BAILLY. Nos naurons donc ici complter ces donnes que par ce qui est spcifique de leur emploi dans le combat anti-arien, en particulier les conduites de tir ou la conception des affts ou des tourelles. Quelles sont donc les autres contraintes imposes par la dfense antiariennes rapproche, tant entendu que le tir lointain a chapp partir de 1960 au domaine des canons ? Il y a dabord la vitesse de raction. Larme doit tre en mesure de prendre parti un aronef hostile qui se dmasque tardivement. Do des affts et des tourelles de plus en plus nerveux. Il y a ensuite la recherche de cadence de tir leve : lavion, en effet, ne se trouve porte que pendant un espace de temps trs court. Intervient enfin la mobilit, puisque larme doit pouvoir suivre les units de combat quelle est cense protger. Cet aspect, videmment, est voqu dans le tome 6 des travaux du ComHArT (vhicules blinds et tactiques) Enfin mais la liste est-elle exhaustive?- il convient de sintresser aux munitions adaptes aux objectifs traits, et cet aspect concerne dailleurs aussi bien les canons que les missiles. Ces derniers, comme juste aprs la guerre les canons de gros calibre (en fait 90 mm et 105 mm) sont capables demporter une charge militaire suffisante, telle quils nont pas besoin daller jusqu limpact sur leur cible, contrairement au obus de moyen calibre qui ne peuvent disposer de fuses de proximit et ne fonctionnent que par impact. Notons que toutes las armes dont il est question ici comportent dans leur munition une charge explosive. Les armes plus lgres, telles que les mitrailleuses de 12.7, ne sont pas considres (2). Si elles ont pu encore avoir un rle dans lautodfense jusquen 1939, les progrs raliss par les avions la fin de la guerre ont rendu leur utilisation tout fait marginale. Toutefois il

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Le concept de LATTA (lutte antiarienne toutes armes) remit en cause cette assertion. Il est dvelopp dans la thse de M. Augustin cite en bibliographie. Toutefois ceci neut aucune incidence sur la conception des armements dont il est question ici.

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ne faut pas oublier lapparition dune menace nouvelle avec lhlicoptre. Dabord essentiellement moyen de reconnaissance et dobservation il fut vite dot darmes offensives canons, missiles antichars et il opre relativement courte porte, basse altitude, ce qui lui permet dutiliser le terrain pour ce masquer etc. Cest une arme des Armes de Terre, et non des armes de lAir, mais avec des caractristiques particulires.0107

On a donc not que lvolution des armes antiariennes a t fortement conditionne par le dveloppement des missiles. Simultanment, dune part ces armes ont mis profit des progrs technologiques et sont devenues plus performantes, et dautre part les avions hostiles, avec leurs armements ont eux aussi considrablement volu, tant dans leurs performances arodynamiques (vitesse, capacit de manuvre,) que par leurs armements dattaque au sol. Dans les annes prcdant la deuxime guerre mondiale, les avions volaient des vitesses de 500 700 km/h ; laltitude maximum de vol plafonnait entre 6000 et 8000 mtres pour les avions moteurs pistons. Larrive des racteurs la fin de la guerre (fin 1944) a permis des vitesses supersoniques pouvant atteindre 1 700 km/h et les altitudes maximales de vol ont progressivement t multiplies par un coefficient de lordre de 2. Pour des avions basse altitude (au dessous de 2 000 mtres) les vitesses plafonnaient toutefois vers 1 000 km/h ; et leurs efforts devaient surtout porter sur des possibilits de tir plus grande distance de la cible. Le canon restait donc en 1945 le seul moyen de feu de dfense sol-air, mais lvolution de la menace durant le conflit avait conduit augmenter - la puissance balistique des canons (calibre, vitesse initiale) pour lever le plafond dintervention - lefficacit des interventions en terme de probabilit de destruction Il a fallu pour cela sintresser la justesse des tirs (dispositifs de pointage, tlcommande des affts) , lautomaticit et la cadence des tirs, lefficacit terminale des obus (capacit en explosif et organisation des fuses) . Les fuses fonctionnant par impact pour les moyens calibres ont t rendues plus sensibles. Pour les gros calibre, les projectiles taient quips de fuses temps, ce qui ncessitaient une connaissance de la distance de la cible, sujtion qui fut leve la fin de la guerre grce aux fuses de proximit lectromagntiques. Ces diverses considrations nous imposent dans une certaine mesure lordre dans lequel aborder la description de ces armements. Nous commencerons donc par la modernisation des canons de gros calibre, qui devaient tre les premiers limins par les missiles HAWK, alors dailleurs quils devenaient inefficaces contre les avions modernes. Les techniques mises en uvre pour eux relvent, peut-on dire, de lhistoire ancienne. Aussi leur laissera-t-on une place importante, plus grande en tout cas que celle laquelle leur importance dans le temps devrait logiquement conduire. Il a paru utile de consacrer un chapitre au rappel de la situation des armements anti-ariens avant la guerre et ceux qui furent en service jusquen 1945. Cest lobjet du chapitre 2. Certains, les matriels de 90 mm et 40 mm des allis en particulier, furent en service dans larme franaise, et constiturent aprs la libration lossature des moyens de notre dfense anti-arienne. Ils servirent aussi aux services franais de point de dpart pour une rvision et un amnagement de

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nouveaux quipements souhaits par lEtat-major. Les objectifs suivants ont alors t fixs : - analyser et combler lhiatus (gap) existant entre les armements antiariens de 1939 et ceux correspondant aux techniques et aux besoins de 1945. - valuer les matriels amricains - valuer et utiliser court terme les meilleurs matriels allemands rcuprs : relev des tracs du 88 FLAK/PK41 par lAPX et lARE, et du 105 FLAK par lABS et lATS - reconstruire des moyens dtude dans le domaine du pointage, des conduites de tir, des calculateurs, des tlcommandes et des affts0111

La DEFA confia le pilotage de ces tudes au service Technique de Dfense Antiarienne (ST/DCA) dirig par lingnieur gnral JUND, responsable densemble, et qui sappuyait - dune part sur les bureaux cooprants par spcialit technique, notamment le bureau Artillerie (ST/ART) de lingnieur gnral CAROUGEAU, qui intervenait dans la dfinition des artilleries proprement dites et des munitions de 40 mm et 105 mm, et aussi le Bureau Optique (ST/OPT) pour la conception des conduites de tir - dautre part sur un tablissement de la Direction, la Manufacture dArme de Levallois (MLS) et son service tudes dirig par une quipe dingnieurs, dont Joyau, Rouiller, Libois, Samuel, Robelus, Burnichon, Migaux, Cornevaux, .. La MLS devait fusionner avec lAtelier de Puteaux, lequel devait plus tard tre intgr lAMX. - enfin sur dautres tablissements de la DEFA, les Ateliers de fabrication de Bourges (ABS), du Havre (AHE), de Roanne (ARE) , de Tarbes (ATS) , la Manufacture dArme de Tulles (MAT). De son cot la Section dEtude et de fabrication des Tlcommunications (SEFT) apporta son concours pour le dveloppement des lments lectroniques (radars, calculateurs). Les industries prives furent galement mises contribution, ou mme ont propos leurs propres initiatives, que ce soit au niveau des systmes: SAGEM, SCHNEIDER, ELECTRONIQUE MARCEL DASSAULT ; SAMM (Socit dApplication des Machines Motrices), : PRECISION MODERNE,. soit au niveau de sous-ensemble et quipements OPL, SOM.. Il ne faut pas non plus ngliger lapport des socits trangres BOFORS ou encore HISPANO-SUIZA et OERLIKON. Lhistorique des socits Hispano-Suiza et Oerlikon est rsum par MAURICE BAILLY (pages 14 18 du titre Armes de moyen calibre).

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Chapitre 2 Les matriels de DCA avant et pendant la guerre 1939-1945

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Jusquen 1945, la dfense contre avions base au sol (DCA) comportait - soit des canons de relativement gros calibre, suprieur ou gal 75 mm. La conduite de tir, centralise par batterie de 4 ou 6 pices, tait dj sophistique en 1939 dans la plupart des pays belligrants. Elle assurait chaque instant la mesure de la distance et des coordonnes sphriques de lavion ennemi, en dduisait sa position en coordonnes rectangulaires et son vecteur vitesse, puis calculait la position de lavion futur ainsi que le gisement et le site de chacun des canons de la batterie, et enfin dterminait le tempage de la fuse dtonateur - soit des canons de moyen calibre, du 57 mm au 12,7 mm, quips de dispositifs de vise plus sommaires collimateurs ou grilles avec illeton de vise, mais aussi quelquefois de correcteurs plus complexes, comme le correcteur LPR (Le Prieur-Ricordel) de la Prcision Moderne (PM), monts en 1939 sur la mitrailleuse anti-arienne Hotchkiss de 25 mm

Les canons de gros calibre0202

Pendant la premire guerre mondiale, la DCA en tait reste au stade embryonnaire. Et cela malgr les premires rflexions menes dans ce domaine, principalement sous limpulsion du gnral PAGEZY. Mais ds 1925, on stait proccup de la question, et devant laugmentation des vitesses et du plafond des avions on avait song accrotre la zone daction des matriels dartillerie en augmentant leur vitesse initiale. Des tubes de 75 allongs permettant dobtenir une vitesse de 700 mtres par seconde avaient t tudis par lAtelier de Levallois, ce qui avait conduit ladoption dun matriel, le 75 modle 1928 frein de bouche G.B. Diverses tudes furent ensuite entreprises partir de ce canon, et cest la solution ralise par lAtelier de Bourges (ABS) qui fut en fin de compte adopte sous la dsignation 75 anti-arien modle 32, don il sera question dans ce qui suit. Par ailleurs les Etablissements SCHNEIDER tudiaient une plateforme quatre flches, dont une formant timon pour les dplacements. Ce matriel, quip de la masse oscillante du 75 modle 28 de Puteaux, fut adopt son tour sous le nom de 75 C.A. modle 33. Ces mmes tablissements Schneider, qui avaient ralis pour la Marine vers 1932 un canon de 90 mm, dvelopprent vers 1936 une version terrestre de ce matriel qui fut adopt sous le nom de 90 C.A. modle 40, et mis en commande en grande srie aux ateliers du Havre (AHE) aprs les nationalisations de 1937. Mais larmistice, sept batteries seulement avaient t ralises

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Les principaux canons utiliss en France avant 1939 taient donc de calibre 75 mm. Ils tiraient avec une vitesse initiale de 900 mtres par seconde, une cadence de 12 20 coups par minute, selon les modles. Ces matriels, pourtant dj bien volus pour lpoque, taient en nombre trop faible, et on ne put gure se faire une ide de leur efficacit relle durant les hostilits. Et, bien videmment, lactivit dtude en DCA devait, aprs larmistice, tre mise en sommeil, alors que les belligrants allemands, britanniques ou amricains sefforaient de faire progresser la qualit de leurs moyens anti-ariens au fur et mesure que larme arienne de leurs adversaires respectifs se perfectionnait. Signalons donc - aux USA, le 90 mm M1A1 dont il sera question plus loin et un 119,4 mm - en Grande-Bretagne, le 94 mm (3,7 pouces) - en Russie, le 85 mm De leur cot, les allemands disposaient (cf. planche 2) - du 88 mm FLAK 36, du 105 FLAK 39, du 128 mm FLAK 40 - dun canon de 88 mm FLAK 41 qui avait la double capacit anti-arienne FLAK (Flugzeugabwehrkanone) et anti-char PAK (Panzerabwehrkanone) - ils possdaient aussi un 240 mm FLAK sur voie ferre Ces canons taient associs une conduite de tir, la Kommandogert 40, plus brivement dsigne par K40, entirement lectromcanique, tout comme, dailleurs, les matriels homologues des allis (3)

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Les armes de petit et moyen calibre0206

Pour les calibres plus petits, on utilisait en France au dbut de la guerre - les mitrailleuses de 12.7 et 20 mm pour la dfense trs rapproche - des canons de 25 et 50 mm pour la dfense rapproche Le canon de 25 mm franais constituait larmement le plus significatif. Il avait t mis au point entre 1932 et 1933 par la socit HOTCHKISS, puis amlior en 1939. Il fut adopt sous le nom de 25 CA modle 40. Il avait une vitesse initiale de 900 m/s et une cadence de 225 coups/minute Par ailleurs, sous la pression des vnements, la France avait adopt le canon de 20 mm OERLIKON , et en avait command en Suisse 400 exemplaires Du cot des allis, il faut mentionner les canons de la firme sudoise BOFORS. Amricains et Britanniques utilisaient le canon de calibre 40 mm et de longueur de tube 60 calibres (40L60). Sa vitesse initiale tait de 850 m/s pour un obus de 890 grammes pour 68 grammes dexplosif. Le modle dorigine tait tract (afft denviron 2.500 kg) et servi par deux pointeurs utilisant des grilles pour la correction de tir. Ds 1936, lAmiraut britannique avait quip ce canon dune commande lectro-hydraulique M1 permettant des vitesses angulaires de pointage denviron 20 degrs par seconde, ainsi que dune commande distance par poste optique et calculateur. En 1942, les USA construisaient pour ce canon une tlcommande

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Les conduites de tir allemandes furent les K35, K40, etc. toutes sur le mme principe. La K40 est la plus connue. On en trouvera une description dtaille dans le cours de Jund cit en bibliographie. Elle est voque dans lAnnexe 2

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hydraulique M3 plus rapide (environ 30 degrs par seconde). Ce canon se trouvait en nombre important dans les forces allies, et plusieurs centaines furent cds France la fin de la guerre. Nous en reparlerons au chapitre 5. Par ailleurs, des affts simplifis du point de vue chariot furent raliss de faon trs conomique en Grande-Bretagne pour la dfense des arodromes. Ces affts Mark III quips de pneus pleins ne permettaient quune vitesse de dplacement limite 20 km/h au lieu de 60 km/h.0209

En Allemagne, les armes utilises furent les canons de 20, 37 et 50 mm FLAK (Flugzeugabwehrkanone)

La batterie de 75 mm modle 32 (Planche 1)0210

En septembre 1938, au moment de lalerte de Munich, des batteries de canons anti-ariens de 75 mm Mle 32 furent rpartis dans les forts entourant Paris. Il peut tre intressant de dcrire ces batteries, pour donner un aperu des matriels utiliss lpoque, en particulier de leurs conduites de tir. Elle comportait : un poste dcoute, dont le dtecteur acoustique tait constitu de quatre cornets disposs en moulin vent et distants lun de lautre de quelques mtres. Laxe commun de ces capteurs tait orientable en gisement et en site par un montage type thodolite. Ainsi le poste dcoute permettait une poursuite approche de la cible. Il manquait videmment de prcision, mais, en 1938, ctait le seul moyen de dtection touts temps dont on disposait ; un poste optique, avec sa lunette 12 x 70 monte aussi en thodolite. Il pouvait recevoir le gisement et le site donn par le capteur acoustique, affinait leurs valeurs si ltat du ciel le permettait, transmettait son tour au tlmtre le gisement et le site de la cible et la dsigner ainsi au tlmtreur un tlmtre stroscopique de base 3 ou 4 mtres et de grossissement 25 mont sur un pied, il tait orientable en gisement et site de manire pouvoir poursuivre la cible et mesurer sa distance un calculateur central, qui recevait les informations gisement, site et distance en provenance du poste dcoute ou du poste optique et du tlmtre, puis les transformait en lment de tir pour les pices dartillerie. Il tenait compte aussi de la parallaxe de chacune des pices de la batterie et des donnes balistiques (hausse, dure de trajet, vitesse du vent, ..). Les lments de tir sont le gisement et le site du canon, mais aussi le tempage de la fuse temps, dont le but tait de provoquer lclatement de lobus aprs le dpart du coup au bout dun temps calcul comme tant celui du passage du projectile proximit de sa cible. Ce tempage devait tre ralis avant lintroduction de la munition dans le tube, ce qui impliquait un dlai supplmentaire, appel temps mort de manuvre. Il sagissait du dlai ncessaire pour rgler la fuse temps, dintroduire la munition dans le canon et de fermer la culasse Le temps dextrapolation que devait prendre en compte le calculateur de tir tait augment dautant. La conception des calculateurs utiliss (mcanique ou lectrique) tait due M. RIBEROLLES. Les calculs taient effectus de manire analogique, par des dispositifs entirement mcaniques. On en trouvera la description dtaille de tels calculateurs dans le cours de JUND cit en bibliographie, et on donne en annexe 2

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quelques indications sur les dispositifs employs aussi bien dailleurs pour le poste associ batterie de 75 Mle 32 que dans le poste allemand K40 ou encore le M7 amricain dont il sera question au chapitre suivant. Le volume de ce calculateur davant-guerre tait de lordre du mtre cube. Les rsultats des calculs taient transmis aux pices ou la table traante sous forme de tensions lectriques lues sur des voltmtres. Les commandes en gisement et site des canons taient obtenues soit par moteurs, soit manuellement, en fonction des indications des voltmtres rcepteurs. Il ny avait pas de commande par asservissement.

Tir indirect et tir direct.0212

Cette conduite de tir, en ce dbut du XXIme sicle, soit 70 ans plus tard, peut paratre archaque et prendre beaucoup de place. Pourtant elle prsente un avantage de principe si naturel quil pourrait passer inaperu : celui de disposer dune vise et dune laboration du pointage indpendantes des mouvements du canon. Les spcialistes de DCA considrent quil sagit alors de tir indirect : le pointeur nutilise aucun instrument de vise fix sur lafft ou la masse oscillante. Pour ces spcialistes, dans le cas contraire, il sagit de tir direct. Le pointeur utilise alors un instrument de vise fix sur lafft du canon, et deux cas peuvent se prsenter 1- la vise est rendue, malgr cette fixation, indpendante du canon, par exemple en la gyrostabilisant, ce qui laccroche aux toiles , ou encore en imprimant au viseur une contre-rotation en gisement sil est fix lafft, ou deux contre-rotations (en gisement et site) sil est fix sur la masse oscillante (cas du viseur LPR du 40L60 modernis en 40AA 39-55). Cette fois on accroche la vise la terre. Le rsultat est alors tout fait quivalent celui du tir indirect. 2 la vise reste lie au canon, et contrairement aux deux cas prcdents, subit les dplacements du canon. Dans ce premier cas de tir direct, et comme dans la vise indirecte, le suivi de la cible par le tireur, ncessaire pour obtenir la tachymtrie angulaire, nest pas perturbe par les mouvements du canon, en particulier par le dcalage entre le canon et la ligne de vise du la correction-but. On vite ainsi tout pompage . On constate que dans une telle batterie anti-arienne de 75 mm davantguerre, la conduite de tir tait essentiellement assure par des composants optiques - le poste optique pour la dtermination du gisement et du site - et surtout le tlmtre stroscopique de grande base et de fort grossissement, instrument de trs haute prcision et dun prix lev. Malgr cela, il tait ncessaire de le rgler en distance au moyen dune mire.

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Chapitre 3 Les canons anti-ariens de gros calibre aprs guerre----- * -----

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Pour prendre partie longue distance et haute altitude des avions ennemis, larme franaise ne disposait aprs la deuxime guerre mondiale que des canons amricains de 90 mm. Ils devaient constituer, avec les 40 mm BOFORS dont il sera question au chapitre suivant, lossature de lartillerie anti-arienne de nos forces terrestres jusqu lapparition des premiers missiles

La batterie de 90 US (Planches 4 et 5)0302

La batterie de 90 mm DCA M1 A tait compose de quatre pices, dun appareil de prparation de tir M7 (A.PT-M7), dun radar SCR 584 et dun altitlmtre M1. Les canons amricains furent cds aux Franais partir de novembre 1943, mais en fait ces derniers ne reurent que trs progressivement les radars SCR 268 et SCR 584 (4). Le canon lui-mme tait construit par Wheeland Chevrolet et Oliver, et lappareil de conduite de tir par Sperry Gyroscope et Ford Motor. Le matriel tait lourd - 8,6 tonnes sur un seul essieu - long dplacer et mettre en uvre. Les canons de la batterie taient tlcommands partir dun poste de calcul, dabord lectromcanique (PC-M7) puis lectronique la fin de la guerre. Le canon tirait avec une vitesse initiale de 820 m/s, le chargement tait manuel et la cadence ne pouvait gure dpasse 15 coups par minute. Le projectile de 10 kg pouvait atteindre des avions volant 8.000 mtres daltitude. Un aperu plus complet des caractristiques de la pice dartillerie fait lobjet des planches 4 et 5. Lefficacit rsultait de leffet des clats (5) et le projectile tait conu en consquence. Il tait quip dune fuse fusante qui dterminait lclatement de lobus au bout du temps calcul comme tant celui de la rencontre avec la cible. Ce temps tait obtenu grce un mouvement dhorlogerie (6). Vers la fin de la guerre, on utilisa des fuses de proximit, dite encore fuses influence ou encore fuse pozit(7),

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Les amricains navaient commenc quiper leurs propres units en matriel dartillerie de 90mm que vers la fin de 1941. Les groupes franais de 90 ne toucheront leurs premiers radars quen 1945, deux ans aprs les units amricaines. On considrait que leffet de souffle tait inoprant

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Le tempage de la fuse fut trs vite ralise par des dispositifs chronomtriques dhorlogerie, les systmes pyrotechniques se rvlant trop imprcis pour lusage antiarien. Les premirs fuses de proximit utilises par larme franaise serontb des fuses amricaines montes sur les obus des canons de 90 mm US et qui avaient t mises au point au cours de la guerre 39-45 La dnomination de ces fuses de proximit la plus rpandue lpoque est celle donne ici : fuses Toutefois Pierre David , lors dune communication devant lacadmie de marine le 7 novembre 1945 -20-

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POZIT.

mises au point dabord, prcisment pour le tir anti-arien, avant dtre utilise pour le tir fusant au sol. Ces fuses permirent daugmenter significativement lefficacit du tir. Un statistique amricaine donne les chiffres suivants - un avion abattu pour 364 coups avec fuses tempes - un avion abattu pour 233 coups avec fuses pozit Elles prsentaient aussi lavantage de rduire trs sensiblement le temps mort de manuvre. Nanmoins la possibilit de prendre en compte celui-ci fut conserv dans les quipements daprs-guerre : on la trouve encore dans le PHF 90 adopt en France en 1952. Au sujet de ce temps mort de manuvre, et la faon dont il tait trait avec les canons amricains, comme dailleurs avec les canons allemands, on se reportera la planche 3.0304

Les batteries de 90 US furent utilises pendant le conflit algrien pour contrler la frontire tunisienne, donc pour le tir sol-sol. Elles furent rformes et dtruites lors du retour en France. Elles taient donc en service jusquen 1960, mais leur utilisation avec la nouvelle conduite de tir de DCA fut inexistante.

Les tudes franaises de nouveaux canons (Planches 6 et 7)0305

Ds 1945, la DEFA entreprenait ltude dun nouveau systme antiarien quip de canons automatiques de gros calibre : des bitubes de 90 mm et 105 mm nouveaux modles. Cette dcision sexplique ainsi - larme franaise disposait de nombreux canons de moyen calibre, surtout des 40L60 BOFORS, en provenance de larme US. Elle ne ressentait dons pas durgence pour ce type de matriel - laboutissement de ltude de missile PARCA ntait envisag qu relativement long terme, et par suite, pour la dfense longue porte on ne pouvait compter que sur les canons de 90 mm amricains La DEFA fit donc tudier par la SFAC (Socit des Forges et Ateliers du Creusot, groupe SCHNEIDER) - partir de 1948 un canon automatique de 105 mm. Les prototypes furent termins en 1953, mais ltude ne fut pas poursuivie ; - partir de 1951, un canon bitube de 90 mm. Les prototypes, puis les essais de tir et de tlcommande furent raliss et termins en 1955. Avec le matriel de 105, on cherchait accrotre par rapport au canon amricain le domaine daction. Dj les allemands avaient senti le besoin de progresser dans ce domaine par rapport leur matriel de base qutait le 88 FLAK, et ils avaient mis en service la fin des hostilits un 105 FLAK. Le matriel de 105 dont ltude tait confie la SFAC aprs guerre tirait sensiblement la mme vitesse initiale que le matriel allemand, soit 800 m/s, un projectile de 18 kg au lieu de 15 kg pour le matriel allemand. Bien quil eut le mme calibre et la mme vitesse initiale, le matriel franais projet tait cependant beaucoup plus puissant, car les dures de trajet du projectile tait nettement plus faible par suite dun meilleur coefficient balistique de celui-ci. Il tait organis pour pouvoir tre aliment automatiquement

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les appelle radio proximity fuse, soit plus brivement PROXIT. On trouve aussi la dsignation fuses influence.

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par les deux cots de la bouche feu, grce deux normes barillets qui contenaient chacun dix cartouches de 105 mm. On esprait ainsi obtenir un srieux accroissement de la cadence de tir qui tait prvue de 30 coups par minute alors que le canon allemand nen tirait que 8 10. Quant lafft, selon ce quen rapporte lingnieur en chef JUNG en 1949, il tait envisag quil soit triflche, de faon permettre une mise en batterie et une sortie de batterie trs rapide, de lordre de 20 minutes. Pour arriver ce rsultat avec un matriel aussi lourd, il tait ncessaire de faire appel des moyens mcaniques et on avait prvu pour la commande des vrins de mise en batterie un moteur hydraulique. Lnergie de ce moteur devait tre fournie par un moteur essence individuel. Ce moteur tait ensuite utilis pour la tlcommande. Celle-ci comportait un systme daffichage du genre Selsyn asservissant le moteur hydraulique. Les vitesses de pointage prvues taient - en direction 30 degrs par seconde - en site 15 degrs par seconde Le poids du matriel devait tre trs lev tant donn lnergie la bouche, et il tait prvu de 13 15 tonnes.0307

Les tudes conduisirent en 1953 la ralisation dun matriel complet, de porte horizontale 17 km et dont le plafond pratique tait de 9.500 mtres. Ce matriel est prsent sur la planche 7, mais il y apparat que lon ntait pas parvenu raliser lafft tel quil tait envisag. De toute faon cette pice fut soumise des essais de tir lETBS, mais lexprimentation ne fut pas pousse son terme. Ce matriel en effet fut jug compliqu et peu mobile, susceptible dtre utilis seulement en dfense semi-fixe des points sensibles du territoire. Le besoin se faisait donc sentir de disposer dun matriel plus lger, plus mobile et moins complexe (8). Ce fut lobjectif ambitionn pour le canon de 90 bitube. Ce matriel bitube de 90 mm rsultait dune volution entreprise ds 1948 et qui devait aboutir la dfinition dun quipement en 1951. En effet la DEFA avait demand la Socit des Forges et Ateliers du Creusot (SFAC), du groupe Schneider, par lettre du 17 septembre 1948 (44 94 ST/ART), dtablir un avant projet de matriel de 90 mm DCA bitube sur afft automoteur chenille, et dont la masse ne devait pas excder 15 tonnes (9). La SFAC tablissait alors un projet utilisant un chssis du char AMX 13 (10), mais ne parvenait pas satisfaire toutes les spcifications. Finalement, il fut dcid de renoncer au chssis automoteur chenill dune part, et dautre part de se contenter dune vitesse initiale de 820 m/s en utilisant la munition amricaine de 90. La seule amlioration recherche sur le plan oprationnel tait donc laugmentation de la cadence de tir qui devait atteindre 110 coups par minute pour lensemble des deux tubes, avec un magasin contenant 58 coups. La dcision de lancer ltude intervint en 1951 (11). Le poids de la pice en

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Citation tire du rapport justificatif joint la lettre du 6 juin 1951 demandant ltablissement dun march de rgularisation destin couvrir les dpenses engages chez SFAC pour diffrents avant-projets Matriel de 90 mm tirant un projectile de 23,230 kg environ une vitesse initiale de 1 000 m/s, avec une cadence de tir leve et mont sur afft automoteur pouvant passer sur un pont militaire (avvant projet SFAC du 10 janvier 1949). Il y a lvidence une confusion sur le poids du projectile. Il sagit sans doute du poids total de la munition. A lpoque le projet du char de 12 tonnes tudi lAMX, qui devait devenir lAMX 13 Note 2645-EMA-G-ARMET du 19 fvrier 1951 -22-

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ordre de route atteignait 18 tonnes. Ce matriel fut conduit jusqu ltat de prototype et les essais de tir et de tlcommande furent raliss. Un aperu de ce matriel se trouve sur la planche 8, sous une forme propose par le constructeur avec un systme dalimentation quil avait brevet pour porter la capacit en magasin 80 munitions au total (12).0309

Finalement on renona au dbut des annes 60 lun et lautre de ces matriels, trop lourds et trop complexes. Certains les qualifirent de dlire dingnieurs. Des tmoins se rappellent les avoir vu Bourges, et ont pu encore les apercevoir alors quils taient quai prts tre envoy vers une destination inconnue. L on perd leur trace: ils ont sans doute t dtruits. Il convient de noter que, la mme poque, la Direction Technique des Construction Navales (DTCN) tudiait un canon de 100 mm en tourelle, qui fut fabriqu en srie (13). Les munitions destines ce canon sont toujours produites par GIAT-Industrie au dbut du XXI sicle (cf. Catalogue Satory 2004). Mais ce qui est possible sur un matriel naval, en particulier le systme dalimentation automatique, ne lest gure pour un matriel dartillerie de campagne de larme de terre

Les nouvelles conduites de tir Le PHF 90 (Planches 8 et 9)0310

Simultanment il fut confi la Manufacture de Levallois (MLS) ltude dune nouvelle conduite de tir susceptible de servir pour ces nouveaux canons, mais aussi de remplacer la conduite de tir des batteries de 90 mm amricaines. Elles devaient comporter des lments nouveaux, mais conserver la conception davantguerre. Cest le Service Central Optique de ladministration centrale de la DEFA qui tablit, vers 1946, le programme technique. A cet effet, deux tlmtres stroscopiques prototypes de grande base furent tudis et raliss, lun de 5 mtres de base par la SOM HP, lautre de 8 mtres par OPL. Ils devaient tre monts sur une tourelle alti-tlmtrique qui fut ralise par OPL et qui fut exprimente en 1951 ltablissement de Toulon (ETTN). Malgr de bons rsultats, elle ne sera pas adopte, pas plus que le poste optique de DCA command OPL en mme temps que la tourelle. Il en sera de mme de lappareil de prparation de tir (APT) tudi par la MLS en essayant de reprendre en les amliorant, avec le concours de M. RIBEROLLES, les principes de lappareil davant guerre (14), qui taient aussi ceux de la tourelle M7

On trouve au Centre dArchives de Chatellerault plusieurs documents relatifs ce canon , la plupart dorigine Schneider Le canon de 100 mm Marine a t fabriqu par Creusot Loire Industrie, qui devait plus tard tre runi GIAT Industrie. Il est entirement automatique, lalimentation tant assure depuis la soute. La munition , en position verticale est transfre de la soute la tourelle suivant laxe de rotation de celle-ci, puis un quart de cercle lamne dans laxe des tourillon, ce qui permet de la transfrer sur la masse oscillante. Un nouveau quart de cercle, solidaire de cette dernire, lamne dans laxe du canon, et le refouloir lintroduit alors dans la chambre. CLAUDE LIBOIS porte un jugement svre sur les premires ralisations de cet APT entirement mcanique : Tout tait runi pour causer une instabilit de ces servomcanismes. Lors des premiers essais globaux de ce prototype, tous les asservissements se mirent battre dans un grand bruit, et les pignons coniques furent arass en quelques heures.14 13

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amricaine. Entre temps en effet les rsultats obtenus par le radar COTAL et le calculateur PHF 90 avaient rendu obsoltes les quipements de conception ancienne. Ce sont pourtant ces quipements qui furent raliss pour les essais de la nouvelle conduite de tir franaise des batteries de 90 mm avec des canons US, au Kreider, un champ de tir situ Bou-Ktoub sur les hauts plateaux de lAtlas, environ 200 km au sud dOran. On pourra trouver dans les travaux de Marcel DERAMOND les descriptions dtailles de ces matriels optiques. Ils ne furent donc pas retenus, mais cet abandon conduisit, aprs 1950, des tudes de postes optiques simplifis, et, aprs un choix parmi les diffrentes options, la fabrication de 150 exemplaires environ.0311

Les amricains avaient donc livr aux franais des batteries comportant un appareil de prparation de Tir M7, dont la conception ne constituait pas un progrs sensible par rapport ceux connus avant guerre. Ils avaient par ailleurs ralis un appareil de prparation de tir plus moderne, le M9, mais les batteries franaises nen furent jamais quipes. Tout au plus y en eu-t-il un lEcole dApplication de Nmes, et il se rvla alors dun usage plutt difficile (15).Le besoin se faisait donc sentir de doter nos batteries anti-ariennes dun matriel de prparation de tir utilisant des techniques plus rcentes. Quant aux radars, il apparut rapidement quils pouvaient faire lobjet damliorations sensibles, et dailleurs nous avions l lopportunit de dvelopper dans notre industrie un premier matriel et dacqurir ainsi la matrise des technologies ncessaires. Ce fut lobjet du dveloppement qui devait conduire au radar COTAL. Les amricains acceptrent de soutenir financirement ce projet. Mais il en sera abondamment dans le tome 12 des travaux du ComHArT sous la plume de Paul ASSENS, ainsi que du radar dacquisition ACAL. Nous nous limiterons donc ici la description de lappareil de prparation de tir, le PHF 90, dont ltude fut entreprise ds la fin de la guerre, paralllement celle dont il a t question au paragraphe prcdent. Il sagissait dun calculateur analogique utilisant pour reprsenter les lments physiques du tir des grandeurs lectriques ou mcaniques. Mais alors que jusqu cette date on navait utilis que du courant continu ou de basse frquence (50 ou 1000 Hz) pour effectuer les calculs, la nouvelle technique utilisait un courant haute frquence (472 KHz). Les fonctions linaires, sinusodales, balistiques ou autres taient introduites dans le calcul au moyen de condensateurs cylindriques dune conception originale assurant une haute prcision (de lordre de 10-4) et de haute stabilit (de lordre de 10-5). Il ny avait pas de tubes lectroniques dans les chanes de calcul, mais seulement dans les lments annexes: gnrateur de haute frquence, amplificateurs dasservissement, . Diverses maquettes fonctionnelles furent ralises et exprimentes en laboratoire, et, en 1950, un projet dappareil de conduite de tir pour canons de 90 US tait tabli la Manufacture de Levallois. Le principe de ce calculateur est expos dans lAnnexe 3. Les coordonnes sphriques de lavion introduites dans le calculateur depuis le radar et/ou les appareils optiques

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Lappareil M7 ne permettait pas de tirer efficacement (en tir continue daccompagnement) sur des avions dpassant 150 m/s. Lappareil M7 modifi (M7 A1 B1 ou M7 A1 B2) permettait de tirer sur des avions atteignant 180 m/s. Les appareils M7, modifis ou non, ne commenaient extrapoler quen dea dune distance horizontale de 14 400 mtres. Cette limitation entranait une limitation de la zone daction balistique du canon. Quant lappareil M9 quavait reu lcole de Nimes, il ne paraissait gure oprationnel : seul un des instructeurs parvenait le faire fonctionner (tmoignage du gnral Billard)

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taient transformes en coordonnes cartsiennes. Un systme drivateur asservi en dduisait les composantes du vecteur vitesse de lobjectif vis, partir desquelles on dduisait le vecteur dextrapolation et par suite les ordres de pointage des pices, en tenant compte des parallaxes.0313

Le calculateur tait plac dans une semi-remorque qui tait agence de telle sorte que lofficier de tir pouvait depuis l diriger les quatre pices de sa batterie. Le PHF 90 tait donc aussi un poste de commandement. Un traceur de route tube cathodique indiquait tout instant les positions de lavion actuel et de lavion futur par rapport la batterie. Toutes les fonctions de commandement taient assures laide de voyants lumineux, de relais et de boutons. Un tableau synoptique donnait tout instant lofficier limage du fonctionnement de sa batterie. Depuis son pupitre de commande il donnait ses ordres aux diffrents lments qui composaient sa batterie : radars, tourelle optique, pices, et il recevait les comptes-rendus dexcution. Il pouvait choisir entre diffrents modes de fonctionnement, savoir: - acquisition: le calculateur et le radar de tir (COTAL) reoivent les donnes dacquisition - radar: site, gisement et distance sont donns par le radar et envoys au calculateur et la tourelle optique - mixte: la distance est fournie par le radar, site et gisement par la tourelle optique ; le radar est alors tlcommand en gisement et site - rgnr: site, gisement et distance sont rgnrs par le calculateur partir des lments acquis prcdemment, ce qui permet de tlcommandre le radar et la tourelle optique - semi-rgnr: site et gisement viennent de la tourelle optique, la distance est rgnre par le calculateur, le radar tant alors tlcommand. Le domaine demploi du calculateur PHF 90 tait le suivant : - distance: 0 32.000 mtres - site: de -10 91 - parallaxe: de -8.000 +8.000 mtres - vent balistique: 0 70 nud - vitesse initiale du projectile: 730 860 m/s - densit de lair de 80% 120% de la normale - temps mort de manuvre rglable de 0 4 secondes Ltude et la fabrication de ce matriel furent confies par la Manufacture de Levallois (MLS) la Compagnie Gnrale de Tlgraphie sans Fil (CSF). Le premier appareil de conduite de tir lectronique pour artillerie anti-arienne de 90 mm sortait en juillet 1952. Il fut adopt sous le nom APT-HF-90 Mle 52. Une commande de 150 de ces appareils fut passe la CSF, et les livraisons commencrent en 1954. En mme temps la production des radars COTAL par la Compagnie Franaise Thomson-Houston (CFTH) se droulait de telle sorte que, en 1955, 250 radars avaient t fabriqus et que toutes les batteries franaises en taient dotes. Par contre la production en srie du radar dacquisition ACAL ne fut jamais dcide. La France avait achet en 1953 des radars amricains AN TPS 1 qui assuraient ce rle. Avec ces nouveaux matriels , PHF 90, radars COTAL et poste optique simplifi pour la conduite de tir, la batterie de 90 fut mise en service dans une configuration qui ne diffrait gure de celle des batteries amricaines prsente sur la

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planche 6. Elle devait le rester jusqu larrive des missiles HAWK, mais il faut admettre que, avec les progrs raliss par les avions, son efficacit devenait de plus en plus douteuse. Les projectiles des canons antiariens de gros calibre0317

On ne peut conclure lvocation de cette artillerie antiarienne de 90 mm sans donner quelques indications complmentaires sur les projectiles utiliss, et en particulier leurs fuses. Comme on la dj signal, les obus taient tous dorigine amricaine. La France en avait t abondamment pourvue. Quant aux fuses qui dterminaient lclatement elles furent soit des fuses temps, soit la fin de la guerre des fuses de proximit radiolectriques (fuses pozit) Pour les fuses temps, les retards pyrotechniques furent assez vite abandonns, car trop imprcis, et on utilisa des fuses mcaniques mouvement dhorlogerie. Les fuses MTSQ 500 taient videmment elles aussi dorigine amricaines, mais il en eut un grand nombre qui furent fabriques en France. On estimait en effet ncessaire de les conserver concurremment aux fuses pozit, que lon considrait trop sensibles au brouillage ou la dception. Ces fuses pozit furent une dcouverte la libration pour les services franais, et on se proccupa den matriser la technique. Ce fut la SEFT qui en fut charge. Les difficults rencontres furent considrables, en particulier pour obtenir les tubes lectroniques suffisamment miniaturiss et capables de rsister sans dtrioration aux normes acclrations de lobus au dpart du coup. De plus laide de nos allis britanniques devait rapidement nous faire dfaut. En fin de compte, lEtat major , considrant sans doute que de toute faon la dure dexistence des canons antiariens de gros calibre tait dsormais limite, demanda la DEFA de ne plus consacrer deffort sur le difficile problme des fuses pour obus de DCA, mais de se consacrer au tir conte objectif au sol (tir fusant). La responsabilit de ces questions fut alors transfre, en 1952, de la SEFT au Service Technique de Saint Cloud. Cest trs vraisemblablement cette poque que fut rdig la SEFT la synthse sur le sujet que lon trouvera en Annexe 6.

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Chapitre 4 Les canons BOFORS de 40 et de 57----- * -----

Le matriel de 40 L 60 Bofors (Planches 10 et 11)0401

Il a dj t question au chapitre 2 des canons BOFORS 40 L 60 qui furent adopts par les allis ds avant 1939 et abondamment utiliss par eux pendant la guerre. La France na jamais fabriqu ni les armes ni les affts de 40 L 60, mais elle sest trouve dote de plus de 600 matriels fabriqus pendant les hostilits par les USA et le Canada. La France versa des royalties la socit sudoise BOFORS, en change dun droit dutilisation et de maintenance, mais sans que cela comporte une vritable licence au sens juridique. Cela concernait aussi bien les matriels BOFORS qui furent utiliss par lArme de Terre que ceux installs sur des btiments de la Marine Un certain nombre des matriels que reut la France taient quips de tlcommandes, mais les performances de celles-ci taient limites. Lquipement de conduite de tir consistait en un poste spar, le PC-M5, et un groupe lectrogne. Il ne permettait pas de poursuivre des avions rapides, voisins de la limite sonique. Les puissances du groupe lectrogne et des tlcommandes limitaient en effet les vitesses de pointage la moiti de ce quil aurait t ncessaire. Aussi, sur demande de lEtat-major, le service technique de la Manufacture de Levallois (MLS) entreprit une modernisation, dite deux pointeurs , puis une autre, un pointeur, en collaboration avec le CETI , Centre dEtude et dInventions, dirig par M. Ricordel, et avec la Prcision Moderne, prside par M. Laut

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Premire modernisation deux pointeurs (40AA 39/52)0403

Cette modernisation dbuta vers 1947 et comporta de grosses transformations : - La conduite de tir tait limine - Le groupe lectrogne tait modifi pour rendre son dmarrage tlcommand depuis lafft - Les groupes de tlcommandes taient transforms - Les chanes de pointage des anciennes tlcommandes amricaines taient transformes pour venir en assistance au pointage selon un principe dvelopp par le Massachussets Institut of Technology (MIT) pour les postes de pointage de calculateurs darmes de 40 mm et 90 mm. Ce pointage dit aid consistait en une addition, sur un diffrentiel, du mouvement venant du volant de pointage en position et du mouvement vitesse variable venant dun variateur de vitesse. Cette organisation permettait dobtenir des vitesses angulaires de poursuite de 40 degr par seconde en gisement, et des vitesses de ralliement approchant 80 degrs par seconde

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- La correction de tir tait ralise et fournie par un correcteur Le PrieurRicordel, grce laffichage par le servant correcteur de la vitesse estime de lavion et de la direction de son vecteur vitesse.0404

En raison des vitesses de pointage, il tait ncessaire que les chargeurs de quatre coups soient approvisionns dans un casier et chargs manuellement dans le canon depuis la plateforme tournante. Il y avait ainsi quatre servants sur cette dernire: deux pointeurs, un correcteur et un chargeur. Aprs des essais trs pousss, le matriel fut adopt sous la dnomination de 40 AA 39/52 et la modernisation adopte en 1949 fut applique entre 1951 et 1954 plus de 200 affts existants et qui taient munis lorigine de tlcommandes amricaines. A cette mme poque des approvisionnements de rechanges permirent de renouveler les pices dusure (tubes des canons, etc. .)

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Deuxime modernisation un pointeur (40 AA 39/55)0406

La premire modernisation avait concern tous les matriels de 40 L 60 dits modernes, c'est--dire dj pourvus dune tlcommande. Il restait dans les rserves du Service du Matriel plus de 400 affts qui en taient dpourvus. En 1952, le service des Etudes de la MLS fut charg dtudier une nouvelle modernisation de leur quipement. La construction hydraulique avait alors fait en France de gros progrs et la MLS prsenta un prototype comportant seulement deux servants, au lieu de quatre, sur la plateforme : un pointeur avec viseur Reille-Soult et un chargeur. Ce prototype intressa vivement la Section technique de lArme de terre (STAT), mais le viseur Reille-Soult parut insuffisant pour un matriel de ce calibre. Un nouveau prototype fut ralis avec un correcteur LE PRIEUR-RICORDEL, bas sur le mme principe que le correcteur de la modernisation prcdente deux pointeurs, mais selon une ralisation diffrente permettant une seule personne, le servant correcteur, dassurer la correction du tir, ce qui permettait de ne conserver, comme dans la premire proposition, que deux personnes sur la plateforme. La source dnergie tait place sur la partie tournante : un moteur thermique denviron 5 chevaux entranait deux pompes dbit variable commandes par un palonnier. Les moteurs hydrauliques taient fixs directement sur les pointages existants. Ceux-ci atteignaient des vitesses 100 degrs par seconde en gisement et 50 degrs par seconde en site. Le matriel fut adopt, la suite de nombreux essais, en 1955 sous la dsignation 40 AA 39/55.

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Le correcteur Le Prieur-Ricordel (Planche 12)0408

Le correcteur LPR (Le Prieur-Ricordel) tait connu et utilis avant 1939. Il tait produit par la socit La Prcision Moderne. Le principe consistait reproduire homothtiquement le polygone gauche de lespace dont les sommets sont : la pice dartillerie P, lavion actuel A0, lavion futur A, et le point A intersection de la verticale passant par A avec laxe du canon, de sorte que AA reprsente labaissement balistique du projectile. Ce polygone est matrialis par des tiges

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mtalliques. Il est mont sur la masse oscillante, le segment PA tant fix sur une poutre solidaire du canon (16). Sa longueur est donc fixe et il en rsulte que le facteur dhomothtie est proportionnel linverse de la distance de la pice lavion futur, grandeur a priori inconnue, ce qui implique des approximations quil ny a pas lieu de dtailler ici. Lavion est reprsent par une image solidaire dun plateau, et le servant, dune part aligne ce symbole paralllement lavion quil observe, et dautre part affiche la vitesse estime de cet avion. Le plateau est maintenu fixe en direction dans lespace par des systmes de contre rotation en azimut et en site, de sorte que lorientation estime de la trajectoire de la cible na pas tre retouche, si du moins celle-ci volue en ligne droite, suivant lhypothse habituelle du tir anti-arien. Labaissement balistique est introduit grce un camode et il est possible de prendre aussi en compte leffet du vent. . Les lments tant ainsi fixs, le tireur suit lavion dans sa lunette, et les dformations du polygone font en sorte que le canon se pointe, non paralllement la lunette, mais bien vers lavion futur corrig de la hausse. On pourra se reporter aux travaux de Marcel DERAMOND pour une description plus prcise et une discussion sur les approximations faites.

Le matriel de 57 L 60 (Planche 13)0409

En 1948 et 1960 respectivement, lAPX, sous la conduite de LAURENS, fut charg de piloter la fabrication sous licence des canons anti-ariens 57 L 60 et 40 L 70 mis au point par la socit BOFORS la fin de la deuxime guerre mondiale. Ces matriels, extrapols du canon 40 L 60, faisaient partie dune famille patiemment dveloppe par le constructeur sudois, et incluant notamment un canon de 90 mm. Ils prsentaient des caractristiques communes : - masse oscillante quilibre quel que soit le site - jection des douilles en fin de recul, chargement en dbut de rentre en batterie et mise feu avant la fin du retour en batterie Ces deux matriels taient stables, vibrant peu, et, malgr leur complexit, robustes et fiables. Leurs caractristiques sont donnes dans le tableau ci-aprs, avec le rappel de celles du 40 L 60. Matrielcalibre Longueur du tube Poids du projectile Vitesse initiale Cadence de tir Poids masse oscillante Poids afft complet

40 L 6040 mm 60 calibres 890 g dont 68 dexplosif 850 m/s 120 cps/min.

40 L 7040 mm 70 calibres 960 g dont 115 dexplosif 1.000 m/s 240 cps/min. 525 kg 4.800 kg

57 L 6057 mm 60 calibres 3.000 g 850 m/s 120 cps /min pour lensemble des 2 tubes 4.500 kg Sur btiment naval

2 .500 kg

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Le canon de calibre 57 mm tait destin la Marine. Son objectif tait dquiper de matriel de DCA ses navires en construction, notamment les porteavions. La DCAN tudia et ralisa une tourelle bitube et son systme dapprovisionnement. Larme elle-mme tait constitue dun tube chemis, refroidiDeramond dsigne cette poutre par le terme faux canon

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par circulation deau, dune culasse coin vertical et dun rcuprateur ressort. Le mcanisme de chargement prenait la munition dans laxe des tourillons et la conduisait laide dun secteur en quart de cercle au refouloir de chargement. La ncessit de loger 19 munitions dans ce secteur avait entran quelques contraintes dans le trac de lobus au dtriment de son coefficient balistique. Le mcanisme de chargement tait command, ainsi que toutes les autres fonctions et la mise feu, par le mouvement de la bouche feu. Le frein hydraulique de recul et de retour en batterie comportait un rglage permettant dajuster la cadence de tir en jouant sur le temps de rentre en batterie. La porte maximale thorique tait de 13.000 mtres, et la porte maximale pratique contre avion de 3.500 mtres.0411

La masse oscillante double BOFORS fut fabrique dans les ateliers de la DEFA au Havre (AHE) pour le tube et sa chemise et Puteaux (APX) pour le mcanisme de culasse. La SAGEM reut la charge de la bote de culasse, du secteur dalimentation, du refouloir et des quilibreurs, lAPX ayant la responsabilit du montage gnral de la masse oscillante et des tirs de recettes. Le matriel fut prouv dans un premier temps au polygone de Tarbes puis au champ de tir de Ruelle. La navalisation du matriel consistait utiliser la masse oscillante BOFORS sur un afft marine tudi au Service technique des constructions et armes navales (STCAN) , et dont la fonderie de Ruelle (ECAN Ruelle) devait assurer la fourniture et le montage. Les projectiles arrivaient sur lafft par un avaleur venant de la soute et taient installs sur les caisses dalimentation par les servants. Puis lavance des cartouches vers la chambre se faisait automatiquement. Cent soixante dix-huit (178) matriels furent construits de 1954 1960. Ils ont t monts sur le croiseur COLBERT qui reut six tourelles bitubes et sur six escorteurs descadre et 9 escorteurs rapides, chacun quip de trois tourelles bitubes. La conduite de tir tait assure par une tourelle tlpointeur stabilise en roulis et tangage. Ces quipements sont rests en service jusqu la fin des annes 70. Destins la dfense anti-arienne rapproche, leurs principales caractristiques taient les suivantes - cadence 120 coups minute - masse du projectile 3 kg - vitesse initiale 865 m/s - masse totale de la munition 6, 4 kg - masse oscillante 4.000 kg - masse du matriel sans masque 15.200 kg - 80 cartouches en rserve pour chaque canon - porte maximale 13.000 mtres - porte pratique en tir contre avion 5.000 mtre De son cot lEMAT demanda en 1952 que soient tudies les possibilits demploi du calibre57 mm en DCA terrestre partir du matriel BOFORS, mais avec tlcommande et alimentation automatique. Les tudes furent conduites vers 1954 pour un monotube et un bitube sur chariot. Elles conduisirent la ralisation de maquettes probatoires en bois, mais les dimensions et les poids atteints les condamnrent pour un usage terrestre au profit du 40 L 70, plus lger.

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Matriel de 40 L 70 (40 AA 51 T 1) (Planches 13 et 14)0414

En 1948 donc, la France avait acquis la licence du matriel 40 L 70Bofors, et la DEFA fut charge dtudier les possibilits de doter larme franaise dun matriel plus moderne et plus performant que le 40 L 60. Le nouveau matriel sudois (cf. Planche 14) tait videmment plus lourd que le 40 L 60 (5 tonnes au lieu de 3), mais il tait dot dun canon de longueur 70 calibres permettant de tirer avec une vitesse initiale de 1.000 m/s et une cadence de 240 coups/minute un projectile denviron 1 kg comportant 115 grammes dexplosif. Il tait quip de tlcommandes hydrauliques avec amplificateurs lectroniques dont les performances taient particulirement intressantes. Mais il tait ncessaire de reprendre compltement le dessin de lafft pour adapter aux normes franaises lquipement lectrique et la tlcommande. En 1953/54 le service technique de la MLS fut charg, conjointement avec la SEFT (17), des tudes du systme darme et de lorganisation de lunit de tir qui comprenait deux canons tlcommands avec possibilit de commande locale motorise, et un poste de conduite de tir constitu - dun radar COTAM de conception originale pour la dtection, lacquisition, la poursuite et le tir - dun poste de conduite de tir avec calculateur PHF 40 - de commandes dinterface permettant un lissage volu du pointage (pointage rgnr de Thomson-Csf) - dun groupe lectrogne En ce qui concerne loptique de cette conduite de tir, elle a t rduite au viseur binoculaire L879 monte sur le calculateur PHF 40 pour affiner le pointage en direction du radar (18). Le calculateur utilisait les mmes techniques que le PHF 90, mais pour raliser des oprations moins labores. Par contre on avait introduit une nouvelle possibilit originale : le mode de fonctionnement rgnr pouvait tre utilis de faon partielle et dose, en appui de la poursuite par les instruments (cf. Annexe 3). Lensemble radar, calculateur, viseur tait intgr sur un mme chssis tract, comme le montre la planche 15. Deux cent soixante trois (263) matriels furent construits de 1954 1960, la masse oscillante par lAPX et lafft par la SAGEM Argenteuil o seffectuait la rception. Cet ensemble, dune technicit remarquable se rvla trs efficace au cours dessais dune batterie Toulon. La France devint pays pilote pour la fabrication de cet afft par les pays de lOTAN. En 1953/1954, le service technique de la MLS avait transforma lafft standard BOFORS tlcommande lectro-hydraulique en afft tlcommande

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La SEFT, Section dtude et de fabrication des tlcommunications, tablissement de la DEFA, prit plus particulirement en charge le radar. Il en sera question dans le tome des travaux du comHArT relatif ces quipements de dtection. Le PHF 40 fut appel parfois tlpointeur. Les cplans de la jumelle de DCA L879 se trouvent au Centre des archives de Chatellerault. Les prototypes sont au muse de Saumur (n 1060 et 1061)18

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lectrique avec le concours de la socit de Mcanique et dElectronique (SME) dirige techniquement par M. LEHMAN. Ce matriel BOFORS-MLS tait destin concourir en vue de la standardisation OTAN du 40 L 70 dans une comptition avec lafft standard BOFORS et un afft BOFORS-GALILEO. Mais la standardisation fut abandonne et la comptition neut pas lieu. Une autre variante, alimentation automatique, systme DELBARD, du bureau ST/ART de la DEFA fut tudie et ralise en prototype.0419

Malgr les qualits de lensemble BOFORS-MLS, le programme 40 L 70 fut abandonn vers 1958 cause de la lourdeur et du cot de la batterie. Ctait aussi lpoque o les missiles guids laissaient entrevoir des performances prometteuses. Les canons et affts furent stocks et par la suite, dpourvus de leur conduite de tir, vendus en quasi-totalit lInde (19). Certains affts toutefois trouvrent une utilisation imprvue, au Centre dessais des Landes, pour supporter des camras rapides (300 images/seconde) destines filmer le dcollage des missiles. Signalons enfin quun prototype de systme antiarien, utilisant un canon de 40L70 mont sur chssis AMX13 avait t ralis par la DEFA. On prvoyait pour lui une conduite de tir dote dun radar, driv des radars COTAM, embarqu sur le vhicule Mais il lui fut prfr le systme bitube de 30 mm mont sur le mme chssis qui fait lobjet dun expos au chapitre suivant.

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CLAUDE LIBOIS rapporte dans sa note : Cet ensemble, dune technicit remarquable se rvla trs efficace au cours dessais dune batterie Toulon, mais le cot dun tel quipement fit abandonner ce programme au moment o les engins tlguids laissaient entrevoir des performances prometteuses.

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Chapitre 5 Les armes de moyens calibres de 1945 1958----- * -----

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La France pouvait donc disposer avant 1950 des matriels dont il a t question aux chapitres prcdents : le 90 amricain dont la DEFA entreprenait de moderniser la conduite de tir, et des canons BOFORS dont on disposait dune assez large dotation. Pour les moyens calibres par contre, tout ou presque restait recrer. La conception des matriels davant la guerre ne pouvait tre reconduite, la menace arienne ayant considrablement volu. Et de plus, comme le fait remarquer Maurice Bailly (page 20), les comptences franaises dans ce domaine des armes de calibre 20, 25 ou 30 mm taient en 1939 assez limites Pour ce qui concerne le dveloppement des armes elles-mmes (canons et munitions) on se reportera au titre 2 de ce tome 8, rdig par Maurice Bailly. Dans ce chapitre et les suivants, il ne sera donc question que de ce qui est spcifique, pour ces armes de moyen calibre, lutilisation en dfense anti-arienne. Il convient de noter, au demeurant, que presque toujours ces armes sont polyvalentes, destines aussi bien traiter les objectifs terrestres que des avions ou hlicoptres Alors que lon se proccupait du renouveau de ces armes, on sest intress trs tt aux exigences que devaient satisfaire les affts. Ds le dbut des annes 1950, des maquettes en bois furent ralises en bitubes de 20 mm et monotubes et bitubes de 30 mm. De trs nombreux essais systmatiques furent conduits en 1951-1952 par la Section technique de lArme de Terre (STAT) sur la base dOrange et lEtablissement dExpriences techniques de Toulon (ETTN) dans le but de dterminer les possibilits dacquisition et de poursuite par un pointeur. Les essais taient conduits en visant des avions, piston ou raction, avec camra monte sur le tube. Ces essais ont dmontr quaucun rsultat acceptable ne pouvait tre obtenu si le pointeur devait assurer par sa propre force leffort manuel de pointage en mme temps que la prcision de la poursuite. Ces rsultats ont conduit rechercher la motorisation des affts, y compris pour les monotubes de 20 mm. Mais lacquisition dun avion volant basse altitude (en dessous de 1.000 mtres) ncessite, le pointeur tant assis son poste, un temps de mise en action de la commande du moteur de lordre de 3 secondes. Une accumulation de puissance permettant un dmarrage instantan tait donc ncessaire. En ce qui concerne les correcteurs de tir, il appart que pour le 20 mm un viseur optique simple assurait une prcision acceptable pour des dures de trajet utile nexcdant pas 1,5 secondes. Pour le 30 mm par contre, o les dures de trajet peuvent dpasser 3 secondes, le correcteur devait tre plus labor, du moins pour lev tir sur objectif dfilant. En dfinitive, lorganisation suivante fut retenue pour toutes les tudes : - autonomie complte de lafft avec son pointeur unique

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- source dnergie porte par lafft avec deux possibilits : soit fonctionnement silencieux sur accumulation hydraulique ou lectrique permettant au moins cinq poursuites successives, soit recharge de laccumulateur hydraulique ou lectrique par un groupe gnrateur thermique - recherche dun temps minimal raisonnable de prise en poursuite dun avion se prsentant 180 degr de la direction de veille. Cette recherche a conduit des vitesses possibles de pointage en gisement de lordre de 90 degrs par seconde2. Au-del, les gains de temps sont disproportionns en face de laugmentation de la puissance de pointe, et des acclrations plus fortes ne permettent pas au pointeur de stabiliser rapidement la vise sur lobjectif lors de la dclration.

Limmdiat aprs guerre: le HS 404 (Planche 15)0506

Dans limmdiat aprs guerre, on voit rapparatre le canon Hispano-Suiza HS 404, de calibre 20 mm qui avait t dvelopp avant 1939 (cf. Bailly pages 16 18 et 21 25), et qui fut nouveau fabriqu en France pendant une courte priode en 1945 (20). Lafft en est dcrit par R. JUND dans son cours de DCA lENSAr de 1949: Sur cet afft sont monts quatre canons ports par un berceau unique dans le mme plan, et lgrement dcals deux par deux pour permettre limbrication des chargeurs et avoir ainsi un matriel plus rassembl. Le berceau est mont sur deux flasques en tle qui peuvent pivoter sur un socle fixe. Le matriel est parfaitement quilibr et tous les montages sont effectus roulements billes, de faon que les commandes soient aussi douces que possibles et que lon puisse atteindre par pointage main les vitesses ncessaires pour suivre des avions faible distance. Le matriel est point main par deux servants, un en site, lautre en azimut. Il est muni dun correcteur de tir Le prieur dun modle dj utilis avant guerre, mais adapt aux nouvelles vitesses des avions. Le tout peut tre mont soit sur un socle fix terre, soit sur un camion ou un vhicule tout terrain. Ce matriel est prsent sur la planche 16 avec quelques donnes chiffres

Reprise des tudes par la DEFA (armes de 20 mm)0507

Au dbut des annes 50, la seule arme de moyen calibre disponible en France tait le canon allemand 20 MG 151 (cf. Bailly pages 18 20). Cest donc avec ce canon, appel par la suite 20-151, que furent ralises presque toutes les tudes daffts pour arme de 20 mm de lpoque 1945-1960. Suivies par la Manufacture de Levallois, trois configurations ont t tudies successivement Dabord en 1950, un quadritube de 20 mm. Un ensemble de quatre armes tait plac sous une tourelle protge, dite PM 512 de La Prcision Moderne, dont la masse tait denviron 2.300 kg, et qui tait monte sur un camion GMC 6x6 ou sur un chariot quatre roues remorquable. Le pointage tait effectu grce deux variateurs hydrauliques monoblocs et une accumulation lectrique 24 Volts. Les 20 affts construits furent prsents sur camion au dfil du 14 juillet 1951, et ensuite utiliss

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Cf Bailly 2-5 in fine, page 18. ce fut avant que Hispano-France abandonne les activits armement en France, pour les concentrer Genve dans Hispano-Suisse -35-

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la dfense des tours hertziennes Paris-Lille et Paris-Lyon de 1955 1970, jusqu leur retrait du service0509

Ensuite en 1953, on dveloppa un bitube de 20 mm qui resta ltat de prototype. Les deux armes taient montes dans une tourelle protge porte sur un afft tripode install sur un chariot deux roues qui portait galement 300 munitions en caisse. Le poids total tait denviron 1.800 kg. Le pointage tait effectu avec deux variateurs hydrauliques monoblocs et une accumulation lectrique 24 Volts Une troisime configuration, en 1952-1953 connut enfin un vritable dveloppement, avec le monotube de 20 mm sur un afft que lon prit lhabitude de dsigner par afft Consortium. La socit HISPANO-SUIZA avec son canon HS 820 avait ralis un matriel monotube trs lger (environ 700 kg) servi par un seul pointeur disposant de deux volants, dun correcteur grille, et dun chargeur de 40 50 munitions. Lafft tripode tait soulev, pour le dplacement, par un chariot deux roues tractable par une jeep. Ce matriel parut trs intressant pour linfanterie et le tir terre, mais son pointage pour lusage en DCA ntait pas efficace. Le service des tudes de la MLS remplaait alors les deux volants de pointage main par deux moteurs hydrauliques contrls par des distributeurs actionns par un manche type bte cornes. Lalimentation hydraulique tait assure par une pompe entrane par un petit moteur auxiliaire (AB 6/VAP) et un accumulateur olopneumatique. Une maquette sommaire fut prsente la STAT, lEMAT et dans le cadre des prsentations europennes du camp de Mailly pour le Communaut europenne de dfense (CED). Elle retint lattention du gnral Blanc, chef dEtat-major terre, et trs vite, il fut demand la DEFA dapprofondir ce projet dafft monotube en utilisant une arme 20 MG 151 et un viseur Reille-Soult Sous la direction du service des tudes de la MLS, trois industriels furent retenus pour ce projet : - SAGEM, o, sous la direction de M. Stauff, fut tudi un matriel avec pointage en hauteur main et un pointage en direction par pdalier - CETI/PM (Centre dEtude Techniques et dInventions et Prcision Moderne) qui tudia un afft driv de lafft Hispano-Suiza modifi MLS - Socit industrielle La Varenne (groupe Drouard) qui se consacra au mme genre dafft que le prcdent. En 1951, Orange et Toulon, une exprimentation approfondie, ralise conjointement avec la STAT, permit une tude compare des performances de pointage de plusieurs matriels, avec en particulier : - les trois affts prototypes ci-dessus (SAGEM, CETI/PM, La Varenne) - un afft Hispano-Suiza avec pointage aux deux pieds au sol - le matriel de 40 L 60 modernis deux pointeurs Cette exprimentation rvla la ncessit dun pointage aux moteurs pour obtenir une efficacit satisfaisante. Ds la fin de lexprimentation, lEMAT demanda la DEFA de raliser 200 affts selon des caractristiques combinant les avantages de chacun des trois monotubes de 20 mm prototypes. Pour ce faire, les trois industriels SAGEM, CETI/PM et La Varenne constiturent un Consortium sous la direction du bureau dtude SAGEM pilot par STAUFF, les fabrications devant tre attribues parit chacun des trois industriels. En un temps record denviron 15 mois, le prototype fut conu, essay et adopt. Les 200 exemplaires furent prts la fin de 1953.

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Une des fonctions de ces affts tripodes Consortium qui devaient recevoir la dsignation officielle 53 T1, tait dassurer lautodfense anti-arienne des units faiblement blindes. Mais entre temps les conceptions de dfense de linfanterie avaient volu, et les 200 matriels furent stocks lEtablissement du matriel du Mans. Quelques dizaines furent utiliss en Algrie et les autres furent plus tard modernises, comme nous le verrons au chapitre 7, dabord dans les annes 1970 en 53 T1 avec un canon de 20 mm 693 et ensuite en 53 T2 avec le mme canon mais avec des conceptions totalement nouvelles (cf infra chapitre 7). Ajoutons que tous ces prototypes nouveaux ont t tudis sur la base des munitions de 20 mm de lpoque, dont les portes maximales utiles taient de 1.200 mtres 1.500 mtres et dont le poids dexplosif variait de 8 15 grammes. Il sagissait des munitions Hispano-Suiza, Oerlikon , ou MG 151 (20x82) dorigine allemande.

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Les affts bitubes et monotubes de 30 mm de Hispano-Suiza HS 831 (1953-1964)0515

Les systmes de dfense anti-arienne base de canons de 30 mm ne font leur rapparition en France qu partir de 1954-55, quand les services franais sintressrent au canon HS 831 de la socit Hispano-Suiza, alors installe en Suisse. La DEFA en avait acquis la licence de fabrication en 1954-55, et 200 exemplaires avaient t commands Hispano-Suiza en 1955. Ils furent livrs de mars 1956 fin 1957. En mme temps la fabrication de cette arme tait lance en France sous le pilotage technique de la Manufacture dArmes de Tulle (MAT) Ladoption de ce canon avait t prononce dbut 1955 sous lappellation 30 mm HSS 831 A. On se reportera au texte de Maurice Bailly pour la gense de cet armement en France. Cette adoption faisait suite une srie dexpriences menes sur des affts prototypes raliss en 1952 et adapts pour la circonstance. Les canons qui avaient t soumis aux essais taient des armes Oerlikon, les matriels Hispano-Suiza HS 604 et HS 830 (21), le canon allemand MG 151, et un prototype de lAtelier de Mulhouse (AME) le 5 CGF (22). Paralllement, au cours de ces annes 1953-54 lEtat-major sorientait, pour des raisons oprationnelles vers un calibre au moins gal 30 mm . Les munitions de 30 mm ont en effet une efficacit considrablement plus leve que celle de 20 mm (rapport 1.5 au cube, soit 3,3), et, malgr une cadence de tir infrieure (environ 600 coups/minute au lieu de 750 900 coups/minute pour le 20 mm) les probabilits datteinte et de destruction sont plus leves dans un volume plus important. Cest ainsi que la munition de 30 mm Hispano HS 831 donnait une porte utile maximale de 2.500 3.500 mtres, avec un poids dexplosif denviron 25 40 grammes. Valeurs quil faut comparer avec celles donnes plus haut pour les armes de 20 mm.

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Le HS 830, aprs ds modifications mineures, devint le HS 831

Le 5 CGF devait tre rapidement limin de la comptition : Bailly crit Il sagit dun canon classique conu par lquipe moyen calibre de lAME dans lesprit du prolongement du canon allemand MG 151.... .. Concentrs sur le canon de 30- avion, les quipes de Mulhouse nen taient quau dbut des dmarches . Le 5 CGF fut rapidement limin -37-

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Aprs ltude de deux affts de 30 mm, lun bitube, lautre monotube rests au niveau de prototypes en 1953 et quips tous deux dun viseur correcteur optique, la DEFA lanait ltude dune Unit lgre de DCA conue comme un systme darme complet autour dun tube de 30 mm . Ceci donna lieu trois tudes. Deux restrent sans suite, la troisime fut pousse plus avant. Les deux tudes avortes en 1953 consistaient: - la premire en un afft bitube, o deux armes de 30 mm remplaaient les armes dorigine allemande de la tourelle quadritube de 20 mm MG 151, tourelle protge denviron 2.300 kg dj mentionne supra (alina 0509). - la deuxime en un afft monotube de 30 mm qui remplaait la tourelle bitube de 20 mm MG 151, tourelle protge denviron 1.800 kg dj mentionne supra (alina 0510) et qui tait reste elle-mme ltat de prototype La troisime tude, qui fut confie la SAGEM, dbouchait donc sur le systme baptis unit lgre de DCA . Elle comprenait dune part une tourelle bitube monte sur un camion 6x6 BERLIET avec un groupe lectrogne et une caisse de munition de rserve, et dautre part un poste de conduite de tir avec un tlmtre radar, qui tait situ distance et reli par cble. Trois modes de pointage taient prvus : 1- tlcommande distance par la conduite de tir, avec co