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Contrôle Non Destructif des ouvrages d'arts: Un point de vue français sur l'organisation, les besoins et les développements en cours Jean-François LATASTE Université Bordeaux 1, I2M, CNRS-UMR 5295, B18, avenue des facultés, 33400 Talence, France – [email protected] Résumé Dans les pays industrialisés tels que la France ou le Québec, bon nombre d'infrastructures ont été construites en  béton armé et datent de la deuxième moitié du XXème siècle. Ces structures peuvent présenter aujourd’hui des signes d'altération, d'endommagement, qui nécessitent des travaux plus ou moins lourds. Le contexte actuel fait qu’il est souvent plus avantageux de réhabiliter les ouvrages défaillants plutôt que d’en construire des neufs. L’intérêt est dans un premier temps économique, mais aussi environnemental si on considère la réduction du volume des déchets qui en résultent (tant au niveau des gaz émis lors des chantiers que des déchets solides finaux). Nous présentons ici l’état des préoccupations liées à l’auscultation des ouvrages, et plus particulièrement aux contrôles non destructifs (CND). Dans un premier temps un état de l’art sur l’organisation des CND est  proposé. Il s’agit de situer le CND dans le paysage de la gestion des ouvrages : cerner leurs potentiels, leurs intérêts et leurs limites. La question des différents acteurs est aussi évoquée, en soulignant particulièrement les attentes des gestionnaires, celles des ingénieurs et celles des évaluateurs. Enfin quelques développements récents sont présentés dans le domaine des CND, présentant ainsi ce que pourrait être la nature des réponses données par le CND à court et moyen termes. 1. Introduction  Nombre d’ouvrages français date nt de la période de reconstruction de la France après-guerre, et des trente années de prospérité économique qui suivirent. D’autres sont encore plus anciens et ont été érigés au début du siècle. Tous ces ouvrages ont vieilli et des altérations apparaissent avec le temps. Le contexte actuel fait qu’aujourd’hui il est souvent plus avantageux de réhabiliter les ouvrages défaillants plutôt que d’en construire des neufs. L’intérêt est dans un premier temps économique, mais aussi environnemental si on considère la réduction du volume des déchets qui en résultent (tant au niveau des gaz émis lors des chantiers que des déchets solides finaux). En France, les moyens nécessaires à la remise en état du réseau national (routes, équipements et ouvrages) sont estimés à plus de 2000 M€ et les moyens alloués par l’Etat pour le renforcement des ouvrages d’art du réseau national sont d’environ 100 M€/an( 1 ). Au Québec, On trouve dans l’actualité récente plusieurs cas d’accidents liés au vieillissement des structures en béton armé (cas de l’effondrement sur l’autoroute Ville-Marie en aout 2011( 2 ), ou le cas du Viaduc de la Concorde en 2006( 3 ) par exemple) qui traduisent l’importance de l’enjeu. 1  http://www.senat.fr/rap/r07 196/r07196.html  2  http://www.ledevoir.com/politique/quebec/328507/effondrement surlautoroute villemarielebetonencoremontredudoigt 1

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  • Contrle Non Destructif des ouvrages d'arts: Un point de vue franais sur l'organisation, les besoins et les

    dveloppements en cours

    Jean-Franois LATASTE

    Universit Bordeaux 1, I2M, CNRS-UMR 5295, B18, avenue des facults, 33400 Talence, France [email protected]

    Rsum

    Dans les pays industrialiss tels que la France ou le Qubec, bon nombre d'infrastructures ont t construites en bton arm et datent de la deuxime moiti du XXme sicle. Ces structures peuvent prsenter aujourdhui des signes d'altration, d'endommagement, qui ncessitent des travaux plus ou moins lourds. Le contexte actuel fait quil est souvent plus avantageux de rhabiliter les ouvrages dfaillants plutt que den construire des neufs. Lintrt est dans un premier temps conomique, mais aussi environnemental si on considre la rduction du volume des dchets qui en rsultent (tant au niveau des gaz mis lors des chantiers que des dchets solides finaux). Nous prsentons ici ltat des proccupations lies lauscultation des ouvrages, et plus particulirement aux contrles non destructifs (CND). Dans un premier temps un tat de lart sur lorganisation des CND est propos. Il sagit de situer le CND dans le paysage de la gestion des ouvrages : cerner leurs potentiels, leurs intrts et leurs limites. La question des diffrents acteurs est aussi voque, en soulignant particulirement les attentes des gestionnaires, celles des ingnieurs et celles des valuateurs. Enfin quelques dveloppements rcents sont prsents dans le domaine des CND, prsentant ainsi ce que pourrait tre la nature des rponses donnes par le CND court et moyen termes.

    1. Introduction

    Nombre douvrages franais datent de la priode de reconstruction de la France aprs-guerre, et des trente annes de prosprit conomique qui suivirent. Dautres sont encore plus anciens et ont t rigs au dbut du sicle. Tous ces ouvrages ont vieilli et des altrations apparaissent avec le temps. Le contexte actuel fait quaujourdhui il est souvent plus avantageux de rhabiliter les ouvrages dfaillants plutt que den construire des neufs. Lintrt est dans un premier temps conomique, mais aussi environnemental si on considre la rduction du volume des dchets qui en rsultent (tant au niveau des gaz mis lors des chantiers que des dchets solides finaux). En France, les moyens ncessaires la remise en tat du rseau national (routes, quipements et ouvrages) sont estims plus de 2000 M et les moyens allous par lEtat pour le renforcement des ouvrages dart du rseau national sont denviron 100 M/an(1). Au Qubec, On trouve dans lactualit rcente plusieurs cas daccidents lis au vieillissement des structures en bton arm (cas de leffondrement sur lautoroute Ville-Marie en aout 2011(2), ou le cas du Viaduc de la Concorde en 2006(3) par exemple) qui traduisent limportance de lenjeu.

    1http://www.senat.fr/rap/r07196/r07196.html2http://www.ledevoir.com/politique/quebec/328507/effondrementsurlautoroutevillemarielebetonencoremontredudoigt

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  • Face cette problmatique les matres douvrage sont la recherche dlments permettant une vraie politique de gestion des travaux. Les matres duvres en charge des travaux ont leur disposition plusieurs outils leur permettant dapprocher ltat de louvrage. Nous prsentons dans cet article les techniques de Contrles Non Destructifs (CND), leurs intrts, leurs avantages et limites et les futurs dveloppements dj en cours.

    2. Dfinition des CND

    2.1. Pourquoi ausculter ?

    Lauscultation dun ouvrage est un ensemble dexamens et de mesures spcifiques destins tablir un diagnostic de ltat dun bti. Dans labsolu le premier intrt dune auscultation est de vrifier la viabilit immdiate dun ouvrage, sassurer que louvrage est sr [1]. La notion de risque lie une construction doit rester au premier rang des proccupations du gestionnaire. Mais il existe plusieurs raisons susceptibles de motiver une auscultation :

    sur un ouvrage a priori sain, il peut sagir destimer, de vrifier ou de contrler les caractristiques de la construction,

    sur un ouvrage suppos endommag, lauscultation peut tre utilise pour dtecter lextension de cet endommagement,

    sur un ouvrage visiblement endommag, on peut faire appel lauscultation pour caractriser cet endommagement.

    2.2 Limites des mthodes destructives

    La collecte des informations est ltape ncessaire ltablissement du diagnostic dun bti. Le prlvement dchantillons pour analyses ou tests en laboratoire est la solution la plus fine pour dcrire le matriau, tant donn lensemble des techniques possibles, et leur prcision. Toutefois il existe quelques rserves cette manire de procder :

    Linformation obtenue est lchelle du prlvement : or il existe plusieurs chelles pour ltude dun difice. On peut en tudier soit (figure 1) :

    1. la structure : il sagit alors schmatiquement dtudier les lments de dimensions suprieures au mtre (poutres, dalles,...)

    2. le matriau lchelle macroscopique : cest dire les dimensions comprises entre le mtre et le millimtre et pouvant tre lorigine de dsordres (tels que les fissures, dlaminages, nids de cailloux, dfauts qui peuvent altrer les fonctions mcaniques de louvrage, ou dtanchit par exemple). Ces dfauts peuvent expliquer des dsordres lchelle de louvrage.

    3http://www.cevc.gouv.qc.ca/UserFiles/File/Communiques_de_presse/Communique_117.pdf

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  • 3. les caractristiques microscopiques du matriau : celles infrieures au millimtre telle la porosit, les interfaces ptes granulats, ou la nature de leau interstitielle. Elles sont dtermines en laboratoires pour la plupart.

    Figure1.Leschellesdtude:Structure,lmentdestructure,matriau

    Les grandeurs issues de mesures sur carottes sont locales : elles ne peuvent tre gnralises sans hypothse supplmentaire. De plus sans information pralable, la localisation du prlvement est ralise au hasard, donc dans des zones pas forcment reprsentatives.

    Il nest pas toujours possible de raliser des prlvements : soit pour des raisons daccessibilit, soit pour des raisons de sensibilit de louvrage (une centrale nuclaire par exemple ne peut subir sans prjudice de dgradation lie un carottage).

    2.3 Intrt des mthodes dEvaluation Non Destructives (END)

    Les dveloppements effectus dans des domaines tels que la gophysique permettent de mesurer dans les sols des caractristiques voisines de celles considres pour ltude des btons. Ces techniques sont adaptes aux conditions de mesures sur site, elles sont gnralement rapides mettre en uvre, et dun cot raisonnable [2]. Lensemble des ces atouts permet de les utiliser en continu lors de ltude douvrages de grandes dimensions.

    Il sagit en gnral de mesurer des grandeurs physiques locales, pour ensuite en dduire des proprits mcaniques qui leur sont directement lies. Les techniques dEvaluation Non Destructive (END) sont utilises pour obtenir des informations de diffrentes natures. Les possibilits de ces mthodes vis vis des dsordres sont :

    la dtection (reprer une altration des caractristiques du matriau) la localisation (prciser le site de laltration par rapport la zone

    ausculte), ltendue (prciser les limites gomtriques de cette altration), la caractrisation (dterminer le type daltration observe), la quantification (donner limportance de laltration, par exemple :

    caractriser louverture dune fissure, ou le degr dactivit dune corrosion darmature),

    le suivi dans le temps (tre capable dobserver une ventuelle volution dans le temps de la gravit ou de ltendue de laltration, au cours de mesure successives).

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  • Afin dobtenir linformation la plus complte et tant donnes les possibilits de chacune des mthodes, lexploitation des rsultats peut tre faite de diffrentes manires. On les combine souvent dautres sources afin den faciliter linterprtation ou den enrichir le contenu :

    Travail en relatif : il permet de suivre lvolution des caractristiques du matriau sur une surface, sur une population douvrages identiques, motivant ainsi la localisation de prlvements afin de les rendre plus pertinents tout en limitant leur nombre (Figure 2). La mesure en relatif peut aussi tre ralise dans le temps permettant un suivi de la cintique du dsordre.

    y = 0,0125x 6 - 0,4522x 5 + 6,2934x 4 - 42,85x 3 + 149,49x 2 - 255,13x + 327,14

    y = 0,1243x 6 - 4,3249x 5 + 56,565x 4 - 349,59x 3 + 1057,1x 2 - 1555,8x + 12394

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    rsistivit apparente

    RADAR RESISTIVITE

    Zone humide

    Figure2.profildemesureradaretrsistivitslectriquesurunchevtredepontdterminationdelazonehumide

    Travail en couplage avec dautres CND : la combinaison de donnes issues de diffrentes mthodes peut permettre de limiter les hypothses et daffiner linterprtation.

    Travail en couplage avec des mthodes destructives ou semi-destructives : la technique CND permettant des mesures relatives, un recalage des valeurs par rapport une donne absolue (dtermine gnralement par un essai destructif) permet de quantifier les valeurs en tout point de la surface ausculte.

    Les mthodes dauscultation non destructives sont donc souvent intgres dans une stratgie dauscultation rflchie, qui combine les rsultats de mesures dautres sources dinformation.

    3. Identification des besoins et des outils

    3.1. Les besoins des matres douvrage

    Les donnes permettant lvaluation de ltat dendommagement dun ouvrage sont multiples. On peut classer les informations recherches classiquement en 4 catgories selon leur nature ou leur origine :

    Caractristiques de louvrage

    mesure de lpaisseur de bton 4

  • mesure de lenrobage des aciers positionnement du ferraillage passif / actif dimensionnement du ferraillage passif / actif

    Caractristiques de matriau

    valuation de la rsistance mcanique du bton dtermination de la porosit dtermination du degr dhumidit relative

    Caractristiques pathologiques

    dtection et localisation de vides et dhtrognits dimensionnement de vides et dhtrognits dtection et localisation dune fissuration (normale la surface) typologie des fissures (traversantes, actives...) dimensionnement dune fissuration (normale la surface) dtection et localisation dune microfissuration dimensionnement dune microfissuration dtection et localisation dune dlamination (parallle la surface) dimensionnement dune dlamination (parallle la surface)

    Caractristiques issues du vieillissement

    dtection et dimensionnement dune corrosion des aciers passifs / actifs dtection et dimensionnement de dpts en surface du bton (mousses ..) volution de la solution interstitielle volution microstructurale du bton (carbonatation par exemple)

    3.2. Les outils

    De la mme manire que les besoins peuvent tre dfinis, on peut tablir une liste des mthodes. Celle-ci est propose ci-dessous, par famille.

    Les inspections visuelles

    La plus simple et la plus immdiate des mthodes, linspection visuelle nen est pas moins une auscultation non destructrice dune surface. Les pathologies les plus courantes ont t dcrites afin daider la reconnaissance et au diagnostic [2]. La technologie est aussi venue soutenir cette mthode, en offrant des capteurs complmentaires de lil (camras et appareils numriques), des moyens denregistrement (pour un suivi dans le temps) ainsi que des procds danalyse dimage pour linterprtation. Le suivi topographique des ouvrages est aussi un moyendinspection qui va permettre de suivre dplacements ou dformation dun ouvrage dans le temps.

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  • Les mthodes soniques et ultrasoniques

    Les techniques dauscultation sonique sont largement utilises dans les domaines de la mtallurgie. Elles sont drives des mthodes gophysiques sismiques et reposent sur linterprtation soit en temps soit en frquence de londe rponse en fonction de londe mise (son ou choc). Les techniques sont : mesure de la vitesse de propagation du son, impact cho, mission acoustique, ultrasonic pulse velocity (UPV), ultrasonic pulse echo (UPE), analyse spectrale des ondes de surface, tomographie acoustique,

    Les mthodes radar et lectromagntiques

    Le principe repose sur lmission dune onde lectromagntique, et de lanalyse du signal induit. Ce sont les dveloppements des antennes hautes et trs hautes frquences qui ont permis la transposition de ces mthodes au gnie civil. Ce sont des mtodes particulirement bien adaptes aux mesures de gomtrie (paisseur, enrobage, dtection dinterface, )

    Les mthodes thermiques

    Il sagit de mesurer la rponse dun ouvrage aux variations de tempratures (naturelles ou artificielles). Les mesures sont effectues dans le domaine de linfrarouge. Ce sont des mthodes sans contact, adapte la dtection.

    Les mthodes lectriques

    Elles reposent sur la mesure des diffrences de potentiel, des intensits des courants ou de la capacit au sein du matriau, dus soit des ractions lectrochimiques dans le matriau, soit des sollicitations artificielles. Cette famille regroupe les mthodes suivantes : mesure de la rsistivit lectrique, mesure du potentiel de corrosion (potentiel darmature), mesure de la rsistance de polarisation. Beaucoup dapplication dans le domaines de la corrosion des aciers.

    Les mthodes radiographiques

    Il sagit des techniques classiques de radiographie : la surface ausculter est expose un rayonnement gamma, qui aprs avoir travers le matriau impressionne un film photographique. Des techniques de radiographie aux rayons X (nettement moins dangereuses) sont en dveloppement pour tre transposables in situ. On distingue les mthodes suivantes : gammagraphie, radiographie, radioscopie. Elles restent des mthodes lourdes mettre en uvre,notammet du fait des aspects reglemantaires.

    Les mthodes de mesure des dplacements

    On suit lvolution des dplacements et dformations au cours du temps sous sollicitations de service, ou artificielles. Ltude de la relation contraintes-dformation de la structure permet dvaluer ltat mcanique de louvrage. Ces techniques sont utilises notamment sur les ouvrages prcontraints pour lesquels efforts et dformations vont tre mesurs sur les cbles de prcontrainte. Les mthodes de cette catgorie sont : la shearographie et lholographie, ou

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  • plus localement la mthodes de larbalte, la mesure de la libration des contraintes, et la mesure des moments de dcompression.

    4. Organisation gnrale de lauscultation

    Les paragraphes prcdents, prsentant les symptmes et les diffrentes mthodes dauscultation, illustrent ltendue du problme. Chaque cas a sa rponse, et il est dlicat de gnraliser des rgles dans le domaine de lauscultation des ouvrages. Il peut donc exister un problme de communication entre les diffrents intervenants sur ce type de travaux, considrant que matre douvrages, experts de lauscultation et calculateur ont des cultures distinctes. Structurer les diffrentes phases dune tude doit permettre de rsoudre en partie ce problme.

    4.1. Etude prliminaire lauscultation.

    Il est ncessaire, avant toute auscultation, de connatre louvrage. Ainsi lge, la destination initiale du btiment, ainsi que son utilisation effective sont des donnes qui permettront dmettre des hypothses quand au type de dsordres que lon peut trouver. Lvolution de lenvironnement autour de louvrage son utilisation et les travaux subis pendant son histoire sont aussi prpondrants. Cette tude doit servir retrouver les plans initiaux (plan de ferraillage, tude de fondations...), plan dexcution des ouvrages (PEO), ou dossier des ouvrages excuts (DOE), qui pour la plupart des ouvrages ne sont plus disponibles [2].

    Durant cette phase une visite du site savre utile afin de constater les conditions daccessibilit, lenvironnement,... . Ces observations, quoique trs pratiques, peuvent tre dterminantes dans le choix de la mthode dauscultation qui sera utilise ou mme dans le type de rparations envisager.

    Lune des difficults identifies sur ce type de projet est la multiplicit des oprateurs. Sur une question pose ( faut il faire des travaux sur louvrage ? ) chacun a son approche, ses objectifs, et ses rponses. De manire un peu caricaturale : le gestionnaire considrera limpact li la fermeture ventuelle de louvrage, et le mettra en relation avec les cots des travaux immdiats et plus long terme ; lexpert de lauscultation considrera les mesures les mieux appropries, leur nombre localisation et le type de rponses possibles concernant la caractrisation des altrations ; lingnieur structure considrera les valeurs des paramtres mcaniques qui lui faut, les sections daciers et les coefficients de scurit prendre en compte. Leurs cultures sont diverses et il faut donc prendre un soin particulier la phase de lexpression des besoins puis celle du rendu des rsultats. Les diffrents interlocuteurs ne pourront travailler efficacement que si leurs problmatiques respectives sont correctement dfinies. Le schma classique est le suivant :

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  • 4.2. Le devis

    Cette tape correspond lexpression des besoins et des objectifs du matre douvrage lexpert. A lissue de cette tape le gestionnaire du projet veut connatre lampleur des pathologies afin de pouvoir estimer le type de travaux entreprendre, la dure de chantier et le cot total de lopration. Lauscultation est avant tout un outil daide la dcision.

    Les tudes ont laiss apparatre que cette phase est primordiale et que toute ambigut sur la dfinition des donnes ncessaires la poursuite du projet est prjudiciable. Il existe deux approches ce problme :

    soit on prsume de la nature des dsordres que louvrage prsente et on choisit alors la technique que lon sait tre adapte cette recherche,

    soit, dans le cas dabsence dopinion sur la pathologie de louvrage, on choisit une mthode dauscultation en connaissant les domaines dapplication de celle-ci.

    Quel que soit le cas considr, ltablissement du programme dinvestigations le plus adapt au problme passe par une collaboration troite entre les gestionnaires et les experts, mais aussi les calculateurs. Lauscultation est finalement dfinie sous la responsabilit du matre douvrage [1].

    La diffrence de culture entre les intervenants du projet reste un problme majeur. Sur les chantiers importants, le gestionnaire peut dlguer son pouvoir de dcision une personne plus qualifie que lui dans le domaine de lEND, afin dexprimer les besoins de manire claire et de dfinir le programme dauscultation le plus adapt. La difficult reste entire pour les chantiers plus petits o la personne en charge de ce poste na pas forcment la capacit de le faire. La notion de superviseur est donc parfois voque par les diffrentes parties de ce type de projet ; cet intermdiaire (ayant la double culture ncessaire et restant neutre dans le projet) devant estimer les besoins dauscultation et la pertinence des mthodes choisies.

    4.3. La mesure et les rsultats

    Les techniques issues de la gophysique sont gnralement des techniques fines et sensibles beaucoup de paramtres. Lutilisation en bote noire de ces mthodes nest pas envisageable. Elles demandent que le manipulateur ait une connaissance des principes physiques de la technique afin den valuer la pertinence (ds la phase de mesure !) au vue des conditions environnantes. Les sources et la nature des biais possibles doivent tre estimes in situ.

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  • Les techniques de contrle non destructif requirent souvent un haut niveau de technicit pour une interprtation correcte des rsultats. La subjectivit de lingnieur charg de cette tche nest pas ngligeable. La part de lexprience est importante dans ce domaine.

    Il reste mettre en forme les rsultats de manire les rendre comprhensibles pour le gestionnaire ou utilisables par le calculateur (Figure 3).

    Informationmesure

    Rsultatsexploitables

    Matrialisationdeszonesendommages

    Figure3.Dtectionetlocalisationdedlamination

    Les moyens informatiques actuels laissent apparatre les possibilits de reprsentations graphiques claires. Il est toutefois difficile pour les experts de donner des valeurs dfinies fixes aux calculateurs alors que linterprtation des mesures gophysiques reste un domaine plein de nuances.

    Les modles de calculs sont alors exploits, diffrentes analyses des rsultats sont possibles, mais gnralement ce jour lexploitation des donnes vise zoner un ouvrage (dteminer des secteurs homognes, voire les noter par rapport des seuils tabli dans la littrature ou sur louvrage par des prlvements).

    5. Limites actuelles et perspectives

    5.1. Faiblesses des CND

    Les techniques de CND sont de plus en plus utilises car leur potentiel est de plus en plus vidents faces aux questions poses en terme dvaluation de ltat des ouvrages. Toutefois, elles inspirent encore parfois manque de confiance qui rside principalement dans leur faiblesses. Elles sont de trois natures principalement.

    La premire raison est purement pratique : les experts en CND, vers qui le matre douvrage peut se tourner pour avoir un avis sont rarement indpendants. Ainsi il y a toujours une crainte

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  • que le conseiller ait un interet suggrer une mthode plutt quune autre qui pourrait tre plus pertinente [3].

    La seconde raison est intrinsque aux techniques de CND : pour la plupart elles sont influences par un grand nombre de paramtre (teneur en eau du bton, temprature de lair, du matriau, tat de surface, diverses sources de bruit). Ainsi dans les cas les plus dfavorables linterprtation peut saverer particulirement dlicate voire impossible.

    Enfin la dernire raison est la nature des rsultats qui ncessitent gnralement un traitement puis une phase dinterprtation. Les techniques CND mesures des paramtres physiques qui sont relis aux paramtres recherches pour lvaluation, par lintermdiaire de lois de comportement (figure 4).

    fissure

    delaminations

    Figure4.cartographiedersistivitlectique

    Pour lever ces limites, et pour exploiter pleinement les potentiels de ces techniques la R&D pousuit les travaux dans diffrentes directions. En France des projets de recherche runissent diffrentes quipes autour du CND (notamment travers les projets ANR-SENSO4, ANR APPLET5, et ANR EVADEOS6, C2D2-ACDC7). Les nouveaux dveloppements en cours portent sur les points voqus ci-dessous.

    5.2. Amlioration de la reprsentativit des mesures

    Une question qui accompagne toujours une valeur de paramtre doit tre sa reprsentativit : quelle surface/volume puis-je tendre cette information ? , quelle est linformation que je peux lui rattacher ? . Lintrt des techniques de CND est gnralement quelles permettent de faire beaucoup de mesures, et donc dapprhender la variations de proprits. Leurs limites est la difficult parfois la rattacher au paramtre mcanique exploitable. Dans un premiers temps, il faut tre capable didentifier une variation significative de proprits, distinguer la variabilit de la mesure lies lappareillage, et au protocole, de la variation de proprit du matriau (information recherche figure 5). Ce travail sur les diffrentes chelles de variabilit est pris en compte au niveau de la mesure (ainsi que de lutilisation des

    4http://wwwlmdc.insatoulouse.fr/SENSO/accueilSENSO.htm5http://or.lcpc.fr/applet/6http://www.agencenationalerecherche.fr/programmesderecherche/energiedurable/villesetbatimentsdurables/ficheprojetbvd/?tx_lwmsuivibilan_pi2[CODE]=ANR11VILD0027http://www.lcnd.fr/presentation.html 10

  • rsultats pour lvaluation voire la prvision de la dure de vie rsiduelle du matriau, par des approches probabilistes).

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    110

    115

    120

    125

    130

    135

    140

    Rs

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    Figure5.Variationsdesrsistivitslectriquessurunvoileenbtonarm(APPLET)

    Le second point porte sur le calage entre la donnes directes mesures en un point (rsistance en compression partir dun prlvement carott par exemple) et la mesure physique (rsistivit lectrique, vitesse de londe, amplitude radar) obtenue en tout points de louvrage mais qui ne sert pas lingnieur calcul (Figure 6). Les mthodologies de calibration sont donc ltude afin de les optimiser pour limiter le nombre de prlvements tout en assurant un niveau de confiance suffisant (et connu !).

    Ainsi les travaux en dveloppement portent dun part sur lidentification dune variation significative de proprits mesures en CND, dautre part sur le calage des donnes CND et des paramtres mcaniques values ponctuellement.

    ObservableCourbe recale par les points de mesure sur site ou sur carotte

    Courbe rfrence (BDD) ou autre indicateur

    Paramtre

    Figure6.Schmadeprincipeduneprocduredecalagedesdonnes(ACDC)

    5.3. Combinaison et fusion de donnes

    Les techniques CND offrent une large gamme de sensibilit aux paramtes physiques. Lutilisation de diffrentes mthodes permet davoir une meilleure image de louvrage que celle obtenue avec un seul outil. Soit que les donnes des diffrentes techniques soient complmentaires (porosit ET rsistance mcanique par exemple), soit que les mesure

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  • permettre de corriger les biais et donc dobtenir une image plus fidle du paramtre recherch (par exemple, correction des effets de la variations dhumidit dans le cas de lvaluation de la porosit).

    La technique SonReb (dvelope dans les annes 80) par exemple, proposait dj de combiner la mesure de la vitesse des ondes dans le bton, et les valeurs de rebond mesures au marteau Schmidt pour dterminer le manire non destructive la rsistance en compressin du matriau. Dans ce mme esprit, les travaux rcents portent sur plus de techniques de CND (rsistivits, vitesse du son, radar, rebond, ) et pour la dtermination de plus de paramtres (porosit, rsistance en compression, teneur en eau et en chlorure, ). Lobjectif est damliorer la qualit du diagnostic par lutilisation de plusieurs techniques CND redondantes ou complmentaires (figure 7).

    Figure7.Fusiondedonnes(ACDC)

    5.4. Dveloppement des techniques CND

    Les recherches menes pour le dveloppement des techniques reprsentent aussi un volet qui permet aux outils de couvrir de nouveaux champs dinvestigations. Les mthodes de plus en plus performantes autorisent des diagnostics de plus en plus adapts aux besoins.

    Plusieurs voies sont exploites :

    Le dveloppement propre des techniques adaptes de nouveaux objets, avec de meilleures caractristiques mtrologiques (par exemple : la caractrisation de lorientation des fibres mtalliques dans les btons de fibres, ou ltude des fissures).

    Le dveloppement de nouveaux modes de traitement pour optimiser la caractrisation des objets, des altration (par exemple : lutilisation des rseaux de neurones pour dterminer par radar le diamtre des aciers)

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  • 13

    Le dveloppement technologique pour lamlioration des cadences de mesures, ou de lergonomie (par exemple : le dveloppement dautomates permetant de raliser une ou plusieurs mesures a la fois).

    Conclusion

    Les mthodes CND sont un outil adapt au contexte actuel de la gestion du patrimoine. La gamme de rponses quelles offrent permet de traiter la plupart des cas en terme de diagnostic de structure. La qualit du rsultat dpend autant de la bonne dfinition du projet que de la maitrise des outils disponibles. Les dveloppements en cours qui abordent la maitrise de la mesure, les mthodologies dinvestigation et de traitement, ainsi que le dveloppement des mthodes garantissent, lapproche CND, de devenir encore plus pertinente.

    Rfrences

    [1] Instructiontechniquepourlasurveillanceetlentretiendesouvragesdart(2mepartie)Fascicule03,Directiondesroutes,MinistredelEquipement,1998

    [2] Diagnosticdesouvragesenbtonarm:tatmthodesprvisionsduvieillissementJournesdtudesdelacommissionConstructionBtimentduCEFRACOR,StRmylsChevreuse,1213octobre1998.

    [3] DevelopmentprioritiesforNonDestructiveExaminationofconcretestructuresinnuclearplantOECDNEA,1998.