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Revue des Questions Scientifiques, 2010, 181 (3) : 341-371 À propos des médecines traditionnelles en Afrique Centrale. par Théophile Godfraind Université catholique de Louvain [email protected] Introduction La santé humaine est liée à l’évolution darwinienne des espèces patho- gènes et à celle de leurs vecteurs ainsi qu’aux modifications des conditions de l’environnement naturel et social. La Médecine occidentale basée sur la science biomédicale s’adapte rapidement au changement des maladies. En re- vanche, les savoirs traditionnels basés sur l’empirisme et nécessitant une mise à jour très longue n’ont pu se transformer au rythme des modifications de la pathologie. Toutefois les termes et les objets de la médecine traditionnelle africaine ont persisté pendant plusieurs siècles tout en voyant parfois leur si- gnification modifiée en fonction du temps, ainsi que le montre la comparai- son entre les descriptions ethnographiques du xix e et celles du xx e siècle. Cette médecine traditionnelle qui prend en compte le rôle de l’environnement naturel a sauvegardé la démographie de la population africaine malgré le bou- leversement causé par la traite des noirs mais n’a pu contenir les perturbations engendrées depuis la période coloniale qui ont été amplifiées par les migra- tions internes survenant après l’indépendance politique des colonies euro- péennes. Ces migrations sont associées à une altération du niveau sanitaire des populations autochtones accompagnée d’une explosion démographique. Malgré la multiplicité des ethnies africaines (Michiels & Laude, 1946) la force de la croyance animiste a suscité une culture commune basée sur la re-

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Revue des Questions Scientifiques, 2010, 181 (3) : 341-371

À propos des médecines traditionnelles en Afrique Centrale.

parThéophile Godfraind

Université catholique de [email protected]

Introduction

La santé humaine est liée à l’évolution darwinienne des espèces patho-gènes et à celle de leurs vecteurs ainsi qu’aux modifications des conditions de l’environnement naturel et social. La Médecine occidentale basée sur la science biomédicale s’adapte rapidement au changement des maladies. En re-vanche, les savoirs traditionnels basés sur l’empirisme et nécessitant une mise à jour très longue n’ont pu se transformer au rythme des modifications de la pathologie. Toutefois les termes et les objets de la médecine traditionnelle africaine ont persisté pendant plusieurs siècles tout en voyant parfois leur si-gnification modifiée en fonction du temps, ainsi que le montre la comparai-son entre les descriptions ethnographiques du xixe et celles du xxe siècle. Cette médecine traditionnelle qui prend en compte le rôle de l’environnement naturel a sauvegardé la démographie de la population africaine malgré le bou-leversement causé par la traite des noirs mais n’a pu contenir les perturbations engendrées depuis la période coloniale qui ont été amplifiées par les migra-tions internes survenant après l’indépendance politique des colonies euro-péennes. Ces migrations sont associées à une altération du niveau sanitaire des populations autochtones accompagnée d’une explosion démographique. Malgré la multiplicité des ethnies africaines (Michiels & Laude, 1946) la force de la croyance animiste a suscité une culture commune basée sur la re-

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lation entre les vivants, les ancêtres et les esprits de la nature suite à la média-tion des sorciers. La médecine traditionnelle s’insère dans la culture des peuples dont elle intègre différentes manifestations. De ce fait elle échappe à l’analyse purement rationnelle. Pour en saisir la nature, il importe d’aborder les particularités des cultures africaines, d’examiner les changements de la démographie, de reconnaître l’importance de la tradition orale, de voir com-ment l’action coloniale a perturbé le milieu de vie des populations et enfin d’aborder les savoirs spécifiques des guérisseurs africains et la mise en évi-dence objective de leur connaissance du milieu naturel. Un tel projet ne pour-rait qu’être brièvement esquissé dans le cadre de cet article dont les sources comprennent une expérience personnelle des médecines traditionnelles ac-quise lors de mon séjour à l’Université Lovanium de 1958 à 1964 (Théophile Godfraind, 2007a, 2007b) et les informations glanées dans divers écrits cités dans le texte . Faute d’information suffisante, je n’aborderai pas la situation actuelle découlant de l’utilisation de la terminologie traditionnelle par les dif-férentes sectes pentecôtistes qui pullulent à Kinshasa.

La diversité culturelle et la culture africaine

La culture est classiquement considérée comme un savoir à la possession duquel peuvent accéder les individus et les sociétés grâce à l’éducation, aux divers organes de diffusion des idées, des œuvres, etc. Les sociologues la défi-nissent comme étant ce qui est commun à un groupe d’individus. La signifi-cation qu’en a donné l’UNESCO dans la Déclaration de Mexico de 1982 peut se résumer comme suit :

Dans son sens le plus large, la culture peut être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractéri-sent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les  arts  et  les  lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de va-leurs, les traditions et les croyances. Ce «réservoir commun» évolue dans le temps par  et  dans  les  formes des  échanges.  Il  se  constitue  en manières distinctes d’être, de penser, d’agir et de communiquer. Selon l’UNESCO, la culture, notion qui embrasse le monde naturel comme le monde créé par l’homme, est autant tournée vers le présent et l’avenir que vers le passé.

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Les ethnologues originellement limités aux seules cultures et sociétés ‘primitives’ ou ‘archaïques’ appliquent maintenant leurs méthodes aux socié-tés complexes et organisées à grande échelle. Ils décrivent la manière dont s’articule et se gère la vie des groupements humains en interaction avec leur environnement afin de répondre à des besoins essentiels que sont la reproduc-tion, l’alimentation, la sécurité, le déplacement. Ces recherches suggèrent l’existence de déterminants sociologiques communs à toutes les civilisations humaines. Ces universaux se développent dans un contexte propre à chaque groupe humain. Ainsi se construit la diversité culturelle constituant l’environ-nement global dans lequel les êtres humains vivent et fonctionnent dans le monde contemporain. Reconnaissant la diversité culturelle comme “héritage commun de l’humanité” et considérant sa sauvegarde comme étant un impé-ratif concret et éthique inséparable du respect de la dignité humaine, l’assem-blée générale de l’UNESCO a adopté à l’unanimité lors de sa 31e session la ‘Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle’. Cette 31e session s’est réunie à Paris le 2 novembre 2001 dans le contexte très particulier des attentats du 11 septembre 2001. C’est dire l’importance accordée par tous les gouvernements du monde à ce texte fondateur se voulant garant de l’avenir de l’humanité.

L’histoire de Tintin au Congo illustre cruellement l’ignorance manifes-tée à l’époque de la colonisation par la majorité des Belges et même des autres Européens pour tout ce qui touche à la richesse de la culture africaine. Il y avait bien eu l’admiration d’artistes tel Pablo Picasso pour l’esthétique des masques africains, mais cet engouement fut considéré comme une passade au regard des pauvres conditions sanitaires des colonies d’Afrique. Bien des choses ont changé depuis que les ‘arts premiers’ ont leur musée et que de grands antiquaires exposent des oeuvres africaines anciennes. Pourtant la Mé-decine européenne avait rapidement fait siennes plusieurs substances natu-relles africaines ramenées par les explorateurs du xixe siècle. Je ne citerai ici que la yohimbine qui est encore en vente sur plusieurs sites du Web pour sou-lager le dysfonctionnement de la libido masculine, bien que supplantée par le Viagra, le Levitra et le Cialis dont l’action est bien établie dans les troubles de l’érection d’origines diverses. La gravité de la malaria, celle de la lèpre et celle de la trypanosomiase témoigneraient-elles de l’inefficacité des médecines afri-caines, pour autant que ces dernières eussent existé ? On ignorait pour quelle raison ces pathologies mortelles proliféraient au début du xxe siècle et com-

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ment, malgré elles, l’Afrique était encore peuplée après avoir fourni des mil-lions d’esclaves noirs en bonne santé pour remplacer du xvie au xixe siècle les Amérindiens défaillants dans les plantations d’Amérique (Thomas, 1997). Beaucoup de questions restent sans réponse, mais on ne peut nier l’existence de Médecines Africaines, même si on n’en distingue plus que des vestiges. Pour en faire l’étude, il convient de les considérer dans leur cadre sociétal et écologique.

Dans tous les domaines, y compris le domaine médical qui nous importe ici le terme culture comprend l’ensemble des formes de croyance et de com-portement ayant reçu une sanction sociale parce que les membres d’un groupe humain déterminé les ont assimilés. Les actions de Gro Harlem Brudtland qui a été Directrice Générale de l’OMS de 1998 à 2003 s’inscrivent dans le respect de la diversité culturelle. Dans un Rapport resté fameux, elle a forma-lisé le concept de développement durable selon lequel il n’existe pas de sépara-tion entre l’organisme humain et son environnement ce qui prend le contre-pied du paradigme mécanistique développé en Occident depuis la Re-naissance. Ce nouveau paradigme rejoint les modèles proposés par les cosmo-logies les plus anciennes issues d’observations empiriques constituant la base des cultures dites ‘primitives’ auxquelles il prétend rendre leurs lettres de no-blesse. Dans cette optique, l’OMS propose d’inclure les tradipraticiens dans les programmes de prévention sanitaire. Le terme tradipraticien provient de la contraction de l’expression anglaise traditional practitioner qui se différencie du terme medical practitioner ou médecin dans la culture française. L’OMS a adopté la dénomination ‘tradipraticien’ pour éviter les termes  : sorcier, féti-cheur, guérisseur qui ont un sens péjoratif amoindrissant les personnes qui possèdent les savoirs traditionnels et les mettent en pratique. L’inclusion des tradipraticiens dans les programmes de prévention sanitaire correspond-elle à une prise de position de politique populiste ? Le passé précolonial est-il garant de son efficacité ? Peut-on l’établir sur des bases objectives fournies par la dé-mographie ou d’autres critères  ? À ces questions, seul l’avenir amènera des réponses pertinentes. En effet, les témoignages personnels de patients satis-faits ne peuvent être considérés comme des preuves suffisantes de l’efficacité d’une pratique médicale. Dans le cas du traitement d’une maladie, il y a lieu de préciser le nombre de personnes l’ayant essayé, combien en ont ressenti les effets bénéfiques, combien ne virent aucune amélioration, bref, de distinguer si le traitement est plus efficace qu’une absence de traitement ou qu’un place-

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bo. Les témoignages personnels ne peuvent se substituer au fondement scien-tifique.

La démographie africaine.

La démographie africaine peut-elle contribuer à la validation des méde-cines traditionnelles ? Elle a subi l’influence non seulement de facteurs intrin-sèques propres à la population déterminant le taux de fécondité féminine mais aussi de facteurs extrinsèques propres à l’environnement naturel déter-minant le niveau alimentaire et le risque infectieux dû aux conditions favori-sant l’abondance des organismes réservoirs ou vecteurs de pathologies diverses comme la malaria et la trypanosomiase, sans oublier les infections virales aux conséquences redoutables. Mais en outre, elle a été fortement altérée jusqu’à la fin du xixe siècle par la traite des noirs qui laisse une trace indélébile dans l’histoire et la mémoire de l’Humanité (Thomas, 1997). La traite des noirs amena des esclaves dans différentes régions du globe par trois voies princi-pales  : la voie transatlantique, la voie saharienne et la voie orientale. Jusqu’à présent le nombre d’Africains déportés pendant quatre siècles d’esclavage ne peut être défini avec précision. Comme on ne connaît pas le nombre de ceux qui sont morts en route, le nombre actuel d’afro-américains ne permet que des spéculations sur le nombre d’hommes et de femmes qui ont subi ce sort dégradant. Dans l’état présent des recherches historiques, environ 12 millions auraient été déportés par la voie atlantique, 8 millions par la voie saharienne et 5 millions par la voie orientale. Tenant compte des victimes collatérales qui n’ont pas survécu aux razzias multiples, aucun élément objectif ne permet actuellement de contredire formellement l’affirmation orale véhiculée en Afrique selon laquelle ce trafic a fait un nombre plus considérable de victimes. Une telle affirmation résulte de l’ampleur des conséquences désastreuses de la traite sur la culture, l’économie et les structures des sociétés africaines. En Afrique, la tradition orale est une source d’information aussi précieuse que les archives écrites européennes ainsi que le rapporte Daniel P. Biebuyck à propos de son expérience chez les Lega (Biebuyck, 2002). Si les archives écrites, sou-vent inaccessibles, sont la mémoire des esclavagistes avant tout, l’exploitation systématique de la tradition orale pourrait permettre aux peuples victimes de la traite de faire une réappropriation de leur histoire par un véritable travail de mémoire. Quoi qu’il en soit, le nombre de déportés est à rapporter à la popu-

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lation mondiale qui se chiffrait entre 400 millions à un milliard d’individus à l’époque historique de ces évènements, alors qu’elle avoisine 7 milliards de nos jours.

Selon diverses sources, l’évolution démographique africaine a chuté à la fin du 19ième siècle qui marque le début de la colonisation systématique et la fin de la traite négrière pour connaître une augmentation explosive après la déco-lonisation. Tout ceci confirme les vues exprimées par Catherine Coquery-Vi-drovitch, selon laquelle la démographie africaine est la plus contrastée mais aussi la plus mal connue du monde (Coquery-Vidrovitch, 1992). D’un point de vue médical, cette évolution ne permet pas d’envisager sur une base démo-graphique quel aurait été l’impact des médecines traditionnelles ou des méde-cines occidentales dans l’état de santé général de la population.

La tradition orale.

Les traditions africaines se sont transmises par la culture orale dont Jacques Biebuyck n’a cessé de souligner la richesse et la fécondité chez les peuplades qui ont échappé à l’action destructrice exercée sur leur culture par la colonisation débutante. Même en gardant une grande richesse d’expression, la tradition orale ne représente pas nécessairement la pureté originelle, c’est ce que Claude Levi-Strauss souligne dans Tristes Tropiques en rapportant que les traditions orales n’échappent pas à l’adultération suite à la rencontre avec d’autres cultures : ‘À ma grande déception, les Indiens du Tibagy n’ étaient donc, ni complètement des « vrais indiens » ni, surtout, des « sauvages ». Mais en dé-pouillant de sa poésie l’ image naïve que l’ethnographe débutant forme de ses ex-périences futures, ils me donnaient une leçon de prudence et d’objectivité. En les trouvant moins intacts que je n’espérais, j’allais les découvrir plus secrets que leur apparence extérieure n’aurait pu le faire croire...’ (Levi-Strauss, 2008).  La situa-tion observée au Brésil pourrait être transposée à l’Afrique où comme les Amérindiens, les noirs d’Afrique ont eu très tôt des contacts éphémères avec la civilisation européenne. Effectivement, le navigateur portugais Diego Cam atteignit l’embouchure du fleuve Congo dès 1482. Il découvrit deux grands royaumes : les royaumes KaCongo et Loango couvrant les zones au nord et à l’est du fleuve, vassaux du royaume du Kongo. Celui-ci contrôlait les terres situées près de l’embouchure du fleuve jusqu’au fleuve Cuanza au sud. Ceci permit l’établissement de comptoirs portugais qui périclitèrent au cours du

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xvie siècle à cause d’un plus grand intérêt porté à l’exploration du continent américain. La région fut redécouverte par Stanley et Brazza au début du xixe

siècle.

La lecture de ‘The notes on the folklore of the Fjort’ rédigées par Richard Edward Bennet (Bennet, 1898) et publiées en 1898 par O. Nutt (London) pour la Folk-Lore Society de Londres est une source inestimable d’informa-tion à propos de l’histoire orale d’une large zone côtière à l’embouchure du Congo comprenant le Royaume Loango qui a connu cette première rencontre du xve siècle avec les navigateurs portugais. Cette zone du Bas-Congo com-prend actuellement l’Enclave de Cabinda et une partie de la République du Congo Brazzaville. R.E. Bennet était un commerçant anglais qui séjourna 17 années chez les Bacongo dont il apprit la langue et les coutumes. Il est l’auteur de plusieurs autres livres qui ont enrichi les recherches sociologiques et an-thropologiques sur les cultures d’Afrique de l’Ouest. L’ouvrage contient 32 récits traditionnels traduits par R.E Bennet de la langue parlée par les habi-tants du Fjort vers l’Anglais. Ce sont des contes pittoresques et des proverbes moraux vraisemblablement destinés à l’éducation des enfants des dignitaires des royaumes locaux. L’introduction écrite par Miss Kinsley, une ethnologue professionnelle, et le premier chapitre de l’ouvrage relatent l’origine du Royaume KaCongo. Ces textes font référence aux écrits de missionnaires et de voyageurs des xviie et xviiie siècles. Ils fourmillent de notes sur les cou-tumes culturelles traditionnelles. Dans le Fjort, la religion est animiste et in-timement associée à la présence de fétiches qui auraient été amenés par KaCongo et Loango les fils du Grand Fumu Kongo lors de la prise de posses-sion de leurs royaumes respectifs. Ces fétiches sont appelés Nkissi nsi ou l’es-prit de la terre, l’esprit qui demeure dans la terre. Nkissi est la puissance mystérieuse de la végétation, des médecines et des fétiches. Il existe un fétiche par village. Les Nganga sont des sortes de prêtres. Nganga nsi est le maître de la maisonnée, Nganga nkissi est attaché au fétiche, il distribue des charmes sous forme de totems de bois contenant des médecines ou sur lesquels sont fixés des aiguilles ou des clous et qui ont le pouvoir de tuer les ennemis ou de protéger leur propriétaire. Le Nganga bilongo est l’homme médecine aussi traduit par chirurgien, il garde le secret de sa pratique. Nzambi-Mpungu est le créateur, c’est la divinité dominante qui a en charge chaque communauté. Elle a son sanctuaire dans chacune d’entre elles où elle est représentée par le Nkissi qui donne au Nganga Nkissi sa puissance sur les éléments. Ainsi les

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missionnaires chrétiens sont dénommés Nganga Nzambi. Mpungu désigne le gorille considéré comme l’ancêtre de l’homme. La mort est le plus souvent attribuée à un empoisonnement et le Nganga Nkissi est chargé d’organiser une ordalie pour distinguer le ou les coupables, ce qui entraîne de nombreux décès supplémentaires.

Ces quelques lignes tentent de résumer une pensée complexe, elles mon-trent que les habitants du Fjort vivaient en communion avec les esprits envi-ronnants dont la présence parmi les vivants était renforcée par l’action des Nganga. Leur croyance rapportée par Bennet en un Dieu créateur pourrait constituer un souvenir de la première évangélisation des xve et xvie siècles puisque Nzambi le Dieu créateur est associé au Mpungu, le gorille considéré comme ancêtre de l’homme. La conversion des crucifix en fétiches animistes vient à l’appui de cette hypothèse qu’aucun élément objectif ne permet de ré-futer.

Persistance du rôle des Nganga.

De cet animisme rapporté par Bennet et des pratiques qui en découlent, que reste-t-il cent ans plus tard après Stanley, Léopold II, les missionnaires, l’administration coloniale et la décolonisation ? La relation à la réalité, c’est à dire la reconnaissance d’un monde extérieur distinct de soi est une caractéris-tique de la pensée occidentale. Il n’en va pas de même chez les Africains qui confessent un monde irréel peuplé de divinités et de génies où cohabitent les ancêtres, c’est à dire les morts qui ne sont pas vraiment morts puisqu’ils in-fluencent le monde des vivants. Il est possible que ce soit la pratique rationa-liste qui mène l’Européen à dissocier le Soi du monde extérieur. Dans la culture occidentale, l’individu est considéré comme une personne indépen-dante, en revanche, dans la culture africaine, la notion d’autonomie indivi-duelle n’est pas un modèle culturel d’identification, la personnalité de l’Africain traditionnel est le ‘Moi’ de groupe structuré représenté par la fa-mille et le clan. Pour le psychanalyste européen, l’africain est à un stade ar-chaïque de son développement, alors que pour l’africain, l’européen qui s’identifie en dehors du groupe a un comportement à tendance schizophré-nique (Laplantine, 1988). La relation à la maladie provient d’une attitude ancestrale persistante dans la population africaine qui considère que les mala-dies peuvent être dues à un des trois facteurs suivants : Dieu, la sorcellerie ou

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les ancêtres mécontents. Celles dues à Dieu ont une cause impersonnelle et surviennent dans le monde naturel. Les autres sont dues à des causes person-nelles (les ancêtres ou les sorciers). La maladie justifie l’action des sorciers dont le rôle est d’établir une relation entre le monde des esprits et le monde social  ; les sorciers n’appartiennent complètement à aucun de ces mondes. Une telle personnalisation de la cause des maladies n’est pas commune dans le monde occidental contemporain où les maladies sont considérées comme étant des évènements naturels. L’analyse des procédures suivies par les nganga montre que la croyance animiste est à la base de leur action dès le premier contact avec le malade, au cours de son traitement, ainsi qu’à l’occasion des ordalies pratiquées pour confondre les ensorceleurs responsables de la mala-die.

Les croyances animistes décrites dans le Fjort par Bennet ont persisté jusqu’ à la fin du xxe siècle tant dans le Bas-Zaïre que dans le Nord-Est de l’Angola comme l’ont rapporté respectivement J.M. Janzen (Janzen, 1995) et Rodrigues de Areia (M. L. R. d. Areia, 1988). Rodrigues de Areia est Profes-seur au Département d’Anthropologie de l’Université de Coïmbra, il a sé-journé dans les année 1974-75 dans le Nord-Est de l’Angola chez le Cokwe (aussi orthographié Tshokwe). Cette ethnie est très remarquable au point de vue culturel et artistique (figure 1). La médecine traditionnelle y joue un rôle éminent car les Tshokwe y ont recours au même titre qu’à la médecine occi-dentale. Le dualisme médical des Tshokwe n’a rien d’exceptionnel car il se rencontre aussi en Europe où des patients s’adressant à la médecine universi-taire ont également recours à des pratiques alternatives. Le devin qu’ils nom-ment ‘tahi’ est investi par la société du pouvoir de reconnaître la cause des malheurs et des maladies. Sa fonction principale est de distinguer si la maladie est due à la présence d’un hamba (esprit d’ancêtre) ou à une autre cause. Pour cela il observe et lit les tupele (symboles divinatoires). Les tupele, au nombre d’une centaine au moins, sont des objets naturels ou fabriqués qui sont conser-vés dans un panier divinatoire et qui ont chacun une signification symbolique spécifique. Le savoir du devin est transmis au fils de la fille de sa soeur (M. R. d. Areia, 1976). La lecture des tupele est pour les Tshokwe analogue à la lec-ture de la température ou a l’analyse d’une radiographie du malade par le médecin européen (le nganga-buka). On assiste à un réel synchrétisme médi-cal dans lequel il ressort que le nganga-buka est mieux à même de soigner certaines situations par exemple des blessures. Toutefois, le nganga-buka ne

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réussit pas toujours et, dans ce cas, la médecine traditionnelle a la préférence. La collaboration des deux agents est souhaitée par d’aucuns à l’OMS, mais peu d’indications sont actuellement en faveur d’une telle stratégie.

Figure 1 – Masque Tshokwe (hauteur 23 cm)Masque mwana-pwo (jeune femme). Masque en bois incarnant un esprit féminin et représentant la mère et la femme tshokwe idéale. Ce masque représentait les ancêtres

féminins dans les cérémonies de fécondité. (collection privée)

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Chez les Bakuba le devin (nganga nkissi) recourt à des fétiches divina-toires de forme animale (figure 2). ces animaux étaient supposés communi-quer avec les esprits. En émettant des incantations, les Nganga exerçaient un mouvement de va-et-vient avec le bouton à friction qui s’arrêtait quand l’oracle indiquant la cause de la maladie pouvait être prononcé. Bien que la mise en évidence de la cause de la maladie fasse appel à des pratiques magiques aléa-toires, le traitement porte sur la correction des symptômes à l’aide de prépara-tions objectivement actives d’origine végétale ou animale.

Figure 2 – Animal divinatoire avec son bouton à friction (long. 35 cm).Ces animaux étaient réputés pour leur capacité à communiquer avec les esprits. En émettant des incantations, les nganga exerçaient un mouvement de va-et-vient avec

le bouton qui s’arrêtait quand l’oracle pouvait être prononcé. (Objet de l’Empire Bakuba, collection privée)

John M. Janzen, Professeur d’anthropologie à l’Université du Kansas à Laurence (USA) et expert des groupes organisateurs de la thérapie (Lay the-rapy management groups), a recueilli avec son Collègue le Dr Med Arkinstall des données sur des patients du Bacongo à la fin des années 1960. Le premier objectif était de voir comment s’organisait la thérapie dans le bas Zaïre quand le retour à l’identité africaine prônée par Mobutu avait permis la résurgence

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des thérapeutiques traditionnelles. Ils ont pu observer leur mise en pratique. Ils confirment les observations de Bennet sur le rôle des nganga et leur liaison à un ou plusieurs nkissi. Leur rapport comporte quelques différences séman-tiques avec ce que Areia relate à propos des Tshokwe. Ainsi chez les Bacongo le nganga buka n’est pas un médecin occidental mais un herboriste qui ne maîtrise pas la force des esprits des plantes comme le nganga nkisi. Il existe plusieurs nganga non-magiciens tels le nganga lufu, le forgeron, le nganga mbwa, celui qui possède un chien etc. Seul le nganga nkissi est initié et pos-sède le pouvoir de capturer les esprits et de les localiser dans un objet matériel. Ceci montre que les concepts rapportés par Bennet sont restés intacts malgré la colonisation. Ces informations ont été rapportées à Janzen par Nzoamam-bu un nganga nkissi qui tenait son initiation de sa grand mère laquelle la te-nait aussi d’un ancien de sa famille et ainsi vraisemblablement jusqu’au xviiiesiècle. Nzoamambu a décrit la procédure suivie pour traîter le lubanzi, douleur thoracique latérale qui peut être d’origine superficielle ou profonde. Le nganga commence en neutralisant la ‘volonté mauvaise’ (mfunia) engen-drée par la maladie dans le corps du patient. Si ses incantations ne sont pas efficaces, il prend le nkisi na Kongo, un sac en tissu de rafia contenant plu-sieurs substances irritantes qu’il fait inhaler, puis masse la zone douloureuse avec le même sac. Finalement, il fait absorber la potion d’extrait de lemba-lemba (une acanthacée aux propriétés multiples, principalement sédatives dont la composition chimique n’a pas été identifiée). En cas d’échec, il pro-cède à des scarifications et frictionne à l’aide d’un sac en raphia contenant un mélange de plantes préparé au mortier avec de l’huile de palme. Si une telle procédure avec des irritants vasodilatateurs peut soulager une crampe muscu-laire, elle ne peut qu’être inopérante pour un lubanzi interne causé par une pneumonie, mais le nganga ne parle que de ses succès!

Une autre relation de thérapeutique par médecine traditionelle a été rap-portée par André Gide en 1927 (Gide, 1927). Au cours de sa pérégrination en Afrique centrale, Gide a été accompagné comme c’était l’usage à l’époque par des subalternes africains servant de traducteur et de domestique. Il a particu-lièrement apprécié l’aide de Adoum qui l’a escorté dans son périple. Je ne puis que reprendre le texte savoureux qui permet d’illustrer un des aspects des traitements locaux par les médecines traditionnelles.

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26 ou 27 février

On se lève dès 5 heures 1/2 ; mais vers 7 heures, quel breakfast! Porridge, canard froid, rognons d’am’raï, flan, fromage, le tout arrosé d’un thé excel-lent. Adoum continue à traîner la jambe; sa plaie au dessus du pied ne se cicatrise pas; elle semble empirer au contraire. Après s’ être entendu dire par des mé-decins français qu’ il avait la vérole, alors qu’ il ne l’avait pas, il a perdu confiance et ne veut plus recourir qu’ à la médecine indigène. Un vieux noir (assez sympatique, ma foi) lui vend pour deux francs une poudre d’ herbes, qu’ il sort d’un petit sachet. Adoum répand sur le vif de la plaie cette sale poussière. Le lendemain le pied ne va pas mieux; et hier soir, descendus à terre nous voyons le pauvre garçon assis sur le sable, jambe malade ensevelie sous une épaisse couche de boue et de crottin. Ce matin, le tirailleur qui nous accompagne obtient qu’Adoum use de certain jus végétal qu’ il préconise. C’est un latex visqueux dont le tirailleur apporte quelques gouttes sur une pierre. Adoum en badigeonne sa plaie et cela le cuit affreusement.

5 mars

Après la compresse de bouse de vache, Adoum a posé sur ses plaies la bouillie d’ herbes tièdes extraite de l’estomac d’un cabri qu’on vient de tuer. C’est, dit-il ensuite, la première chose qui lui ait fait vraiment du bien. Je consens à le croire. Et ce matin, en effet, ses plaies (il en a une à mi-jambe et l’autre à la cheville) ont un peu meilleur aspect. Le bol ali-mentaire du cabri a formé croûte, préservant des fâcheux contacts. Je lui propose d’aller se faire panser à l’ infirmerie; mais il n’en veut rien savoir. Aucune confiance dans notre médecine de blancs. Il sort de son mouchoir une poudre infecte (c’est ce qu’est devenu le bol alimentaire, séché) qu’ il avait en réserve, se saupoudre les plaies après les avoir lavées à l’eau chaude, sous les yeux de notre garde et d’un vieil Arabe qui le conseillent.

Comme Gide ne parle plus de cette plaie pendant le reste de son voyage, on peut supposer que ce traitement a été efficace.

La politique coloniale et la santé des populations

Dans son ouvrage relatant son long voyage de plus de dix mois en 1925, à travers l’Afrique équatoriale française et le Congo belge, André Gide, s’atta-

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cha à la description de la faune et de la flore exotiques. N’étant pas ethnolo-gue, il posa tant sur les noirs que sur les blancs un regard oscillant entre préjugés inhérents à l’époque colonialiste et approche humaniste influencée par son admiration pour le communisme russe dont il avait une image idéa-lisée qu’il abandonna après avoir perçu la réalité de l’Union soviétique. Il rapporte notamment les paroles amères d’un médecin français à propos du mépris des compagnies coloniales pour la santé des africains : « Le Docteur nous parle longuement de la Compagnie Forestière, qui trouve le moyen, nous dit-il, d’ échapper aux sages règlements médicaux, éludant les visites sanitaires et se moquant des certificats pour tous indigènes qu’elle recrute de village en village et elle forme les groupements « bakongos » à son service; d’où propagation de la maladie du sommeil incontrôlable. Il considère que la Forestière ruine et dévaste le pays. Il a envoyé à ce sujet des rapports confidentiels adressés au Gouverneur, mais convaincu que ceux-ci restent embouteillés à Carnot (dont, faute de person-nel administratif, Nola dépend provisoirement), de sorte que le Gouverneur continue d’ ignorer la situation ».

Le livre de Gide est la première critique française de l’exploitation des ressources humaines exercée par les entreprises coloniales qui, le plus souvent, opéraient en transgressant les règles définies par l’Etat français, ce faisant soit en trompant soit en soudoyant les préposés de l’administration d’Etat. Les écrits de Gide ont été violemment contestés par les dirigeants de ces compa-gnies au travers de communiqués de presse et de rapports remis aux autorités politiques. À supposer que ces Français de 1920 eussent témoigné du même comportement que beaucoup de nos contemporains du xxie siècle, ce litige aurait donné lieu à des procès interminables devant des juridictions succes-sives. Le livre d’André Gide ‘Voyage au Congo suivi de le retour du Tchad’ a exercé une influence considérable sur la jeunesse intellectuelle de l’époque en France. Ainsi, Jean Daniel fondateur du ‘Nouvel Observateur’ déclara récem-ment y avoir puisé ses premiers élans anticolonialistes (Savigneau, 2010).

En abordant la relation entre la politique médicale et l’action coloniale belge, on ne peut passer sous silence la réflexion sur la politique indigène du gouvernement belge menée par Mgr Jean de Hemptinne rédacteur en 1928 d’un Rapport sur l’avenir de la Colonisation belge (Hemptinne, 1928). Mgr Jean de Hemptinne à l’époque Préfet apostolique du Haut Katanga envisagea le modèle politique à appliquer au Congo Belge : d’une part on pouvait laisser fonctionner les sociétés traditionelles africaines indépendamment des coloni-

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sateurs et d’autre part, on pouvait les subordonner à l’ordre colonisateur de façon à les éduquer vers une conception plus élevée de l’existence humaine. Mgr de Hemptinne prévoyait que dans la seconde alternative il ne faudrait pas cinquante ans pour que la population indigène demande son indépen-dance. C”est pourtant cette seconde alternative qui fut suivie par le colonisa-teur. L’Histoire montre que la prédiction de Mgr de Hemptinne se vérifia dans les délais prévus.

La mise en oeuvre de la seconde alternative a amené des conséquences épidémiologiques désastreuses. En effet, la réorganisation de la société indi-gène a nécessité le déplacement des villages en vue de la constitution d’agglo-mérations importantes permettant une gestion plus aisée de la population. Il en a résulté un véritable bouleversement écologique. Dans le Manianga, ré-gion typique du Bas-Congo, les villages traditionnels étaient bâtis au sommet des collines, en dehors des marécages, dans des zones désherbées et exposées aux vents. L’eau provenait de puits artésiens. L’organisation traditionnelle mi-nimisait l’influence des réservoirs et des vecteurs de pathologies comme la malaria, la biharziose et la trypanosomiase qui ont connu un développement explosif quand les habitations ont été construites près des zones marécageuses et que l’eau domestique a été prélevée dans les cours d’eau. L’observation em-pirique avait permis aux Africains d’échapper aux dangers de la nature! Le mode de vie au xxe siècle des pygmées dans la forêt équatoriale et celui des Bushmen dans le Kalahari donnent une information précieuse sur la situa-tion des populations africaines dans la période précoloniale. Les pygmées se nourrissent essentiellement des produits de la chasse et de la cueillette alors que les bushmen habitent des villages d’agriculteurs-éleveurs où ils vivent en autosubsistance. Ces existences traditionnelles évoquent les époques paléoli-thiques et néolithiques. Elles montrent comment la terre africaine pouvait nourrir ses habitants dans la période précoloniale. Les cultures les plus répan-dues étaient les céréales, tel le mil, dont des restes ont été découverts dans les fouilles archéologiques de Niani. Par ailleurs ces fouilles ont confirmé les données de la tradition orale en révélant que Niani a connu une vie culturelle intense pendant plus de 1 000 ans depuis le xe siècle de notre ère (Cornevin, 1998).

Il n’est pas justifié de dénigrer les médecines traditionnelles parce qu’elles sont inopérantes face à la malaria et aux autres grandes endémies qui semblent bien être causées par les déplacements de population liés aux activités générées

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par la colonisation au cours du xixe siècle et au début du xxe siècle. N’a-t-il pas fallu attendre le début du xxie siècle pour que le monde occidental prenne progressivement conscience du désordre écologique causé par l’activité hu-maine ? De limité au début du xixe siècle, ce désordre acquiert une dimension planétaire au début du xxie siècle.

La connaissance des plantes.

Tous les ethnologues oeuvrant en Afrique centrale ont observé que les indigènes possédaient une large connaissance de leur environnement naturel et qu’ils l’avaient codifiée. Ainsi, Daniel Biebuyck rapporte que les Lega ont acquis des connaissances étendues sur les plantes et les animaux et que ce sa-voir est partiellement synthétisé en un système symbolique complexe. Ce sa-voir est intégré dans des activités importantes de la vie culturelle. Ainsi, lors des iniations du Bwami, les objets sacrés (masongo) comprennent des reliques et des exsudats animaux, des plantes et certains minéraux. Rien n’est choisi au hasard. Les espèces animales sont le pangolin, l’oryctérope, le crocodile des forêts, l’antilope Boocercus eurycerus, le chat sauvage (Profelis aurata). Les arbres et leurs produits sont l’Autranella Congolensis, le Pentachlethra macro-phylla, le Canarium scheiwnfurtii, Pachpodanticum (Biebuyck, 2002).

Les guérisseurs de la tribu des Wanienga ont nommé à Daniel Biebuyck pas moins de 178 plantes à usage médicinal. Une bonne cinquantaine d’entre elles a pu être recueillie et soumise à une identification botanique par les cher-cheurs de l’IRSAC à Lwiro ainsi qu’en témoigne le rapport signé par G. Trou-pin en date du 21 avril 1957. Un document administratif en langue portugaise m’a été remis à Lovanium le 25 novembre 1960 par Paul Raymaekers. Ce document daté de 1949 établit que le Père Joaquin Martins a recueilli 29 plantes médicinales indiquées par les guérisseurs de la région de Cabinda. L’identification botanique de ces plantes médicinales recueillies à la fin des années 1940 et au début des années 1950 montre que les Nganga utilisaient des critères objectifs permettant de caractériser diverses espèces végétales. Dans son ouvrage de 1978, Janzen publie une liste de 183 plantes médicinales avec leur nom vernaculaire qui ont été recueillies par son Collègue le Dr Ar-kinstall. L’identification botanique de la plupart d’entre elles a été réalisée par le Professeur C. Evrard de Lovanium alors UNAZA.

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Sans microscope ni autre instrument scientifique, vivant dans le Kivu ou le Bas-Congo, régions éloignées l’une de l’autre de près de 3.000 km, n’ayant aucun lien direct, ces populations ont développé une identification objective de centaines de végétaux croissant dans leur environnement, y discernant les types de plantes mâles et femelles. Bien qu’on ne puisse parler à leur propos de culture scientifique, on se doit d’admirer leur savoir botanique.

Les propriétés biologiques des plantes médicinales africaines

Les extraits des plantes médicinales connues par les Nganga produisent des effets identifiables et mesurables par les méthodes utilisées dans la re-cherche pharmacologique. Les enquêtes des ethnologues du xxe siècle ont permis d’identifier plusieurs plantes douées d’activité biologique utilisées comme remèdes dans la médecine traditionnelle. Ces relevés renseignent très rarement les plantes à partir desquelles sont préparés des poisons servant pour les ordalies, pratiques fort communes dans ces sociétés africaines. Pourtant les relations des explorateurs du xixe siècle abondent de récits relatant le recours aux esprits pour établir la culpabilité d’un criminel ou innocenter un suspect. Ces esprits sont la puissance mystérieuse des plantes, des médecines et des fétiches à laquelle font appel les nganga. La religion animiste mène à une conception de la vie et de la mort qui diffère de celle de l’Européen du xxie siècle. Chez les animistes, les ancêtres ne sont pas vraiment morts parce qu’ils ont désigné un enfant qui héritera de leur force vitale et leur consacrera un culte. Chaque individu n’est qu’un maillon d’une chaîne de générations. Cette conception confère aux Africains une capacité étonnante d’adaptation à des situations nouvelles dont notamment témoigne la résistance des peuples congolais à la situation tragique de leur pays en ce début de siècle.

À la fin du xixe siècle les explorateurs français des régions situées au Nord du fleuve Congo ont décrit dans leurs récits de voyage l’épreuve du m’boun-dou organisée lors de cérémonies d’ordalie en vue de confirmer ou non la culpabilité d’un sujet accusé de faute grave. C’est le cas de Du Callu au milieu du xixe siècle et du Marquis de Compiègne quelques années plus tard. Ce dernier décrivit ce qu’il vit chez les Galwa et en pays nkomi. Le mboudou est pris à doses très élevées : on l’obtient en râpant dans un grande tasse l’écorce d’un petit arbuste appelé m’boundou comme le poison qu’il produit. L’écorce

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ainsi râpée est additionnée d’une assez grande quantité d’eau. Cette eau prend une teinte rougeâtre et entre en fermentation ; le m’boundou est alors prêt à être administré à celui qui va subir l’épreuve. Le breuvage ainsi préparé, voici comment les choses se passent, du moins chez les Gallois et les Inenga ainsi que le relate en 1875 le Marquis de Compiègne : […] le féticheur trace une raie sur le sable, à dix pas devant le patient, auquel il tend ensuite la coupe remplie de m’boundou  : celui-ci doit l’avaler d’un trait, puis à un signe du féticheur, se mettre en marche. Déjà le poison commence à produire son effet : ses yeux s’ injec-tent de sang et semblent prêts à sortir de leur orbite, sa figure se contracte et une torpeur invincible s’empare de lui. Et cependant, il rassemble toute son énergie dans un suprême effort et cherche à marcher en avant, car malheur à lui s’ il tombe avant d’avoir franchi cette raie tracée sur le sable par le grand féticheur : sa culpabilité sera prouvée aux yeux de ces barbares et une foule altérée de sang l’ égorgera, arrachera ses entrailles et découpera son corps en petits morceaux. Si au contraire, ses forces ne l’ont pas trahi tout de suite, s’ il passe la ligne fatale, il est déclaré innocent et la colère du peuple tombera alors sur son accusateur, si toutefois cet accusateur n’est pas l’Oganga (nganga personnel) du féticheur […] (Compiègne, 1875). Dans un ouvrage historique récent, Nicolas Métégué N’Nahà mentionne également la pratique du m’boundou (N’Nahà, 2006). Plusieurs autres relations de l’action du m’boundou existent dans la littéra-ture, telle celle de D. Schwebisch, médecin auxiliaire de 2e classe attaché à la mission Brazza qui écrivait de Libreville en date du 8 janvier 1884 à M. Paul Dufourcq délégué du ministère de l’Instruction publique. Ce rapport est in extenso sur internet à l’adresse donnée ci-dessous (Schwebisch, 1884) [....] Leur poison principal est tiré d’une plante qu’ ils nomment M’boundou, dont ils se servent très souvent les uns contre les autres. Pour eux personne ne meurt de mort naturelle mais bien empoisonné ou tué par un sort qu’un autre a lancé. En pareil cas, le sorcier, après une infinité de cérémonies magiques désigne le meur-trier. Celui-ci doit mourir ; de là des guerres et des haines interminables entre les hommes d’un même village ou des villages voisins et un prétexte excellent pour piller et faire des esclaves [......]

Pour les botanistes, le m’boundou n’est d’autre que Strychnos icaja ren-contré en Afrique centrale et très riche en différents alcaloïdes apparentés à la strychnine. Les effets de ces alcaloïdes expliquent l’intoxication.

Erythrophleum guineense est un classique des végétaux utilisés dans les ordalies ainsi que l’ont rapporté plusieurs missionnaires religieux et explora-

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teurs de la région du Zambèze dont le fameux David Livingstone (Cooper, 2006) qui ne doit pas sa célébrité à la seule interpellation de Stanley « Dr Li-vingstone, I presume ? » du 10 novembre 1871 à Ujijl, village africain sur les bords du lac Tanganika, mais surtout à ses actions médicales, ethnologiques et religieuses en faveur des Africains et à ses écrits relatifs à l’Afrique. Il dé-céda en 1873 à l’âge de soixante ans et ses restes ramenés en Angleterre furent inhumés dans l’abbaye de Westminster un an plus tard, témoignage de l’im-mense respect porté à son œuvre. Les propriétés pharmacologiques de l’erythrophleum ont été étudiées dès 1877 par Lauder Brunton Fellow de la Royal Society de Londres. Elles font encore l’objet de publications scienti-fiques qui indiquent que ces effets sont dus à l’action d’alcaloïdes (Clarke, 1971) et d’autres produits, des saponines et des glycosides cardiotoxiques.

Tous les explorateurs du xixe siècle rapportent la confiance absolue des Africains dans la véracité de la sanction résultant de l’ordalie. David Li-vingstone dans son ouvrage de 1857 ‘Missionary travels and Researches in South Africa’ rapporte plusieurs cas de cette croyance à l’ordalie (muavi en langage indigène) qui a causé la mort de personnes innocentes, au Chapitre 30, il décrit aussi l’ordalie par procuration :

[…] After a few hours we reached the village of Nyakoba. Two men, who accompanied us from Monina to Nyakoba’s, would not believe us when we said that we had no beads. It is very trying to have one’s verac-ity doubted, but, on opening the boxes, and showing them that all I had was perfectly useless to them, they consented to receive some beads off Sekwebu’s waist, and I promised to send four yards of calico from Tete. As we came away from Monina’s village, a witch-doctor, who had been sent for, arrived, and all Monina’s wives went forth into the fields that morning fasting. There they would be compelled to drink an infusion of a plant named “goho”, which is used as an ordeal. This ceremony is called “muavi”, and is performed in this way. When a man suspects that any of his wives has bewitched him, he sends for the witch-doctor, and all the wives go forth into the field, and remain fasting till that person has made an infusion of the plant. They all drink it, each one holding up her hand to heaven in attestation of her innocency. Those who vomit it are considered innocent, while those whom it purges are pronounced guilty, and put to death by burning. The innocent return to their homes, and slaughter a cock as a thank-offering to their guardian

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spirits. The practice of ordeal is common among all the negro nations north of the Zambesi. This summary procedure excited my surprise, for my intercourse with the natives here had led me to believe that the women were held in so much estimation that the men would not dare to get rid of them thus. But the explanation I received was this. The slightest imputation makes them eagerly desire the test; they are con-scious of being innocent, and have the fullest faith in the muavi detect-ing the guilty alone; hence they go willingly, and even eagerly, to drink it. When in Angola, a half-caste was pointed out to me who is one of the most successful merchants in that country; and the mother of this gentle-man, who was perfectly free, went, of her own accord, all the way from Ambaca to Cassange, to be killed by the ordeal, her rich son making no objection. The same custom prevails among the Barotse, Bashubia, and Batoka, but with slight variations. The Barotse, for instance, pour the medicine down the throat of a cock or of a dog, and judge of the inno-cence or guilt of the person accused according to the vomiting or purging of the animal. I happened to mention to my own men the water-test for witches formerly in use in Scotland : the supposed witch, being bound hand and foot, was thrown into a pond; if she floated, she was consid-ered guilty, taken out, and burned; but if she sank and was drowned, she was pronounced innocent. The wisdom of my ancestors excited as much wonder in their minds as their custom did in mine. […]

Au Nord de l’Afrique, dans le delta du Niger, une région autrefois dé-nommée Old Calabar, de nos jours Nigeria, les ordalies se pratiquaient avec des préparations de la graine d’une plante légumineuse (Physostigma veneno-sum) qui a la forme d’un haricot, d’où sa dénomination ‘fève de Calabar’ dont les sorciers faisaient ingurgiter des extraits comme poison d’épreuve (Schein-dlin, 2010). De nombreux travaux scientifiques ont permis de caractériser les effets du poison comme étant dus à un alcaloïde dénommé ésérine en souve-nir de la dénomination africaine (éséré), puis physostigmine à partir du nom scientifique de la plante. L’alcaloïde agit en bloquant l’action de l’enzyme cho-linestérase qui hydrolyse l’acétylcholine, rendant son action de très courte durée. L’inhibition de l’enzyme exalte les effets de l’acétylcholine et explique son action thérapeutique dans le glaucome et la myasthénie grave ainsi que ses effets toxiques. Quand le sujet vomissait après la prise de la potion, il était déclaré innocent. On a prétendu que les sujets convaincus de leur innocence

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ingurgitaient rapidement la boisson produisant une irritation massive de l’es-tomac. En revanche, le sujet coupable serait plus hésitant, buvant de petites gorgées, il évitait l’irritation gastrique mais résorbait la totalité du poison. La neutralité du sorcier dans la pratique de l’ordalie peut être mise en question parce que les fèves fraîches ont un effet émétisant plus prononcé que celui des fèves séchées. Cela n’enlève rien à leur croyance du rôle des esprits (nkissi) dans la sanction de l’ordalie.

Le recours au surnaturel pour établir la culpabilité d’un criminel ou in-nocenter un suspect n’est pas propre à l’Afrique. En Europe, pendant le haut Moyen-Age, la pratique des ordalies, dénommées jugements de Dieu, s’est développée sous des formes très diverses : supplice du fer rouge ou de l’eau bouillante, duels judiciaires… Dans d’autres cultures, l’ordalie faisait appel à l’univers mystérieux des poisons. Ainsi, dans la loi bramhanique, l’épreuve consistait-elle à absorber le suc tiré de l’aconit. Malgré leur mise hors-la-loi par les autorités coloniales, les ordalies ont persisté au xxe siècle ainsi que j’ai eu l’occasion d’en prendre connaissance depuis Lovanium dans la période qui précéda la déclaration d’indépendance du Congo Belge (Théophile God-fraind, 2007b). Bien qu’isolés sur la colline dite ‘inspirée’, nous étions bous-culés par les événements politiques qui m’atteignirent au travers de mon intérêt pour les plantes médicinales. C’est ainsi qu’un samedi de novembre 1959, je reçus la visite d’un colonel pharmacien de la base de Kamina qui vint me remettre des échantillons d’une plante dénommée Bulembe en langage indigène. Les services de la police militaire avaient constaté sa collecte et sa préparation dans des tribus particulièrement insoumises à l’ordre colonial. Elle entrait dans la composition des poisons de flèche. Comme le climat poli-tique était particulièrement volatil, je requis de mon interlocuteur une de-mande officielle d’expertise à adresser également au Professeur Carlo Evrard en vue de l’analyse et de l’identification de la plante. En date du 5 février 1960, j’envoyai un rapport au Chef SS/ BAKA. La plante n’avait pu être iden-tifiée à cause de l’absence de fleurs, mais j’avais supposé qu’il pourrait s’agir de Strophantus et nous pûmes y trouver de fortes concentrations de Strophan-tines. Ainsi, j’ai réalisé que l’utilisation par les Africains de flèches empoison-nées qui avait été rapportée par les explorateurs du xixe siècle était encore bien vivace en 1960. Comme j’avais par ailleurs obtenu de sorciers africains opé-rant à Kinshasa la méthode très sophistiquée de préparation des poisons de flèche, je fus en mesure de fournir moultes recommandations à mon Confrère

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militaire. Les poisons de flèche ont traditionnellement servi pour la chasse ou la guerre. Leur connaissance était conservée par les nganga ndoki, les sorciers malfaisants qui à l’évidence n’avaient pas disparu en 1960 malgré quatre-vingts années de colonisation. La préparation des poisons de flèche fait appel à trois grands principes : l’excipient, le principe actif et l’adjuvant. L’excipent est constitué par le latex obtenu de diverses plantes. Son état liquide permet de préparer un mélange avec les autres ingrédients dans lequel on trempe la pointe des flèches. Après coagulation, l’ensemble reste solidaire. Il existe deux sources principales de principe actif : les graines de Strophantus Kombe et celles de Strychnos icaja dont on fait un extrait grossier. Dans le premier cas, l’extrait contient des strophantines et des saponines, dans le second de la strychnine. Les deux principes peuvent être associés. L’adjuvant consiste en un extrait de plante urticante. L’intoxication par ces flèches dépend de la concentration et des mélanges éventuels des principes actifs. Elle consiste en effets cardiotoxique et/ou convulsivant amenant l’asphyxie du sujet qui peut être rapide si la concentration des saponines hémolytiques est élevée. Les ex-traits urticants produisent une vasodilatation locale qui augmente la vitesse de résorption des principes actifs. Si le sujet échappe à la phase aiguë de l’in-toxication, il risque de présenter des complications de nature infectieuse car ces préparations ne sont pas stériles.

Dès ce moment, je fus consulté par les instances militaires sur des sujets où j’avais finalement acquis une compétence suite à mes lectures et aux infor-mations orales recueillies dans divers milieux dont un grand nombre me fu-rent confirmées par Mgr Bakole, Vice-Recteur de Lovanium. J’étais en mesure de dialoguer avec les guérisseurs congolais à propos de l’utilisation des plantes médicinales. J’avais dès lors acquis un certain prestige dans leur mi-lieu, vivant en quelque sorte une double vie à l’insu des instances académiques qui ignoraient qu’un munganga nkissi blanc habitait dans leurs murs. Je fer-mais les yeux quand un guérisseur venait dans mon laboratoire avec un frère de son village du Kasaï pour peser des boîtes d’allumettes contenant des dia-mants. Comme la police militaire avait des informateurs africains, je me de-vais de lui répondre sans plus exiger de réquisitoire officiel. C’est ainsi que j’ai été confronté à une question qui démontre combien l’expérience empirique des Africains leur permettait de maîtriser des problèmes toxicologiques fort complexes. Un matin, un des officiers vint me trouver avec une caisse pleine de fragments d’écorce marqués de signes cabalistiques aussi incompréhen-

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sibles que les hiéroglyphes avant Champollion. Ce matériel faisait partie d’une prise effectuée chez un sorcier congolais qui était en état d’arrestation parce qu’il était accusé d’empoisonnement. Aucune preuve de sa culpabilité n’avait pu être apportée avec certitude. L’argument en sa défaveur était qu’il participait à des ordalies après lesquelles mouraient les adversaires présumés de l’indépendance. Tous les participants, y compris le sorcier, consommaient les mêmes préparations. L’argument de défense du sorcier était qu’il allait d’ordalie en ordalie consommant ses préparations sans montrer de manifesta-tion d’intoxication. Dès lors, selon lui, ce ne pouvait qu’être les esprits qui punissaient les adversaires de l’indépendance. Les informateurs de l’officier avaient constaté que le sorcier consommait autant que les autres participants. Comme environ le tiers de participants mouraient dans l’ordalie, en fonction des lois de la statistique, le sorcier aurait dû être mort depuis longtemps. L’ori-gine des écorces était incertaine, mais, eu égard à leur couleur rouge, je sup-posai que les plus toxiques ne pourraient provenir que d’un arbre riche en alcaloïdes tel Erythrophleum guineense. Le test d’identification étant assez simple, il me fut aisé de reconnaître les écorces alcaloïde positives et par là de décoder les marques du sorcier. Je demandai à l’officier, qui allait confondre le sorcier en lui montrant qu’il connaissait la signification des signes, de l’inter-roger de manière à savoir comment il évitait l’intoxication. Ma stupéfaction fut grande quand j’appris que le sorcier gobait des oeufs au début de l’ordalie. Les albumines des oeufs pouvaient fixer les alcaloïdes et ainsi ralentir leur résorption. On ne peut être qu’admiratif devant cette maîtrise résultant d’ob-servations empiriques. La transmission de ce type de connaissance lors de pratiques initiatiques a permis de conserver jusqu’à nos jours l’usage médici-nal de produits naturels dans les régions tropicales et subtropicales.

L’examen des indications thérapeutiques des plantes à partir des relevés des ethnologues permet de les classifier en quelques catégories. Le plus grand nombre sont en relation avec le tube gastro-intestinal : antidiarrhéiques, anti-helminthiques, purgatifs. Parmi ces plantes, des euphorbiacées (B. Graz, 2005; J. Galvez, 1993) qui contiennent des flavonoïdes notamment la querci-trine qui à la dose de 50 mg/kg, diminue significativement le nombre de diarrhées provoquées par l’ingestion d’huile de ricin ou l’injection intrapéri-tonéale de prostaglandine PGE2 chez la souris et le rat . Des études cliniques ont montré que l’Euphorbia hirta est active dans l’amibiase intestinale, ce qui a amené la préparation de formes pharmaceutiques d’extraits commercialisés

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au Mali sous le nom de DYSENTERAL (A. A. Elujoba, 2005). L’usage de préparations officinales préparées à partir de produits naturels de la médecine traditionnelle s’inscrit dans la politique de l’OMS portant sur les tradiprati-ciens, politique amenée à améliorer les soins de santé avec une augmentation modeste de leurs coûts.

D’autres plantes sont utilisées dans la sphère cardiopulmonaire, tel Boe-rhavia diffusa remède contre la toux aux propriétés expectorantes. D’autres dans les maux de poitrine comme le pratique Nzoamambu qui utilise des principes urticariants pouvant s’avérer être des remèdes efficaces dans les crampes musculaires. Plusieurs remèdes servent pour leur action locale dans le traitement des abcès. Des préparations mythiques ont des effets aphrodi-siaques, d’autres galactogènes. Existent aussi des médecines ocytociques et d’autres abortives.

On relève aussi des préparations traditionnelles qui agissent au niveau des papilles gustatives. D’abord à tout seigneur tout honneur : le sel qui fait partie intégrante du commerce depuis les débuts de l’humanité. Il en va de même en Afrique centrale où, avant la colonisation, le sel provenait souvent de cendres ou d’infusion de paille d’herbes au goût salé, donnant de la saumure après évaporation partielle de l’eau d’extraction. Des salines maritimes ont existé en Angola avant la colonisation portugaise qui a développé leur exploi-tation (Henriques, 2000). Parmi les modificateurs du goût, le cas de la mira-culine est exemplaire. Il s’agit d’une glycoprotéine isolée en 1968 à partir de Synsepalum dulcificum (Kurihara & Beidler, 1968). Cet arbuste porte des baies rouges de la taille des glands. Son usage chez les Africains a été rapporté par le Chevalier des Marchais au retour de son périple en Guinée entre 1725 et 1727. Le Chevalier des Marchais avait noté l’utilisation de ces petits fruits pour rendre les boissons et les mets moins acides et plus goûteux. Cette obser-vation tomba plus d’un siècle dans l’oubli chez les Européens jusqu’à sa redé-couverte en 1852 par le Dr WF Daniell (1817-1865) officier médical des troupes anglaises cantonnées en Côte d’Or qui s’intéressait aussi à la santé de la population locale. Daniell rapporta que ces baies n’ont pas de goût par elles mêmes, mais quand leur pulpe est appliquée sur la langue, les goûts acides deviennent sucrés, les citrons ont le goût d’orange. De ce fait, il qualifia les baies de fruit miracle. C’est en souvenir de cette qualification que le nom miraculine fut donné à la glycoprotéine purifiée en en 1968. L’action de la miraculine diffère de celle du steviol qui a un pouvoir sucrant jusqu’à 300 fois

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supérieur à celui du sucre, mais sans calories. Ce dernier est un glycoside ex-trait du Stevia utilisé depuis des siècles par les indiens guaranis mais méprisé par les occidentaux jusqu’au jour récent où les grandes compagnies multina-tionales vendant des boissons sucrées l’ont fait admettre par la Food and Drug Administration des USA.

Plusieurs remèdes traditionnels sont tombés dans l’oubli ou n’ont pas été explorés scientifiquement. D’aucuns ont connu un usage thérapeutique glo-rieux comme la physostimine et les dérivés du strophantus dont l’ouabaïne qui a fait la gloire des cardiologues mais est tombée en désuétude, elle n’est même plus reprise dans les dernières éditions du Répertoire commenté des médicaments (Maloteaux, 2009). D’autres remèdes traditionnels aux effets psychotropes bien établis sont utilisés à des fins non thérapeutiques. C’est le cas de l’ibogaïne alcaloïde du Tabernantha iboga dont des extraits étaient préparés lors les grandes cérémonies célébrant la rencontre des vivants avec leurs ancêtres. Ces cérémonies rituelles étaient organisées en vue de maintenir la communauté clanique et la fécondité de ses membres. Ceci impliquait le maintien de relations harmonieuses entre les vivants, les esprits de la nature et les ancêtres. Les effets psychédéliques de l’ibogaïne sont appréciés dans cer-tains milieux en Occident et ses effets stimulants en ont fait un agent dopant dans diverses épreuves sportives (T. Godfraind, Miller, & Wibo, 1986; Piotr Popik, 1995).

De grandes classes de médicaments proviennent des plantes médicinales connues depuis la plus haute antiquité ; leurs principes actifs ont été simple-ment extraits à l’instar de la morphine ou modifiés chimiquement après puri-fication comme l’acide salicylique qui a été acétylé pour donner l’aspirine. Récemment, la Badiane ou anis chinois (Illicium verum) qui fait partie de l’arsenal thérapeutique de la médecine traditionnelle chinoise a fait une entrée remarquée dans la médecine occidentale. Son principe actif est l’acide shiki-mique qui, soumis à une biofermentation par les bactéries E. Coli présentent normalement dans le colon, donne l’oseltamivir, la molécule active du Tami-flu® agent actif contre le virus de la grippe saisonnière et contre d’autres virus apparentés (Théophile Godfraind, 2007b). C’est à la suite de la découverte des propriétés antimalariques de l’artémisine à partir d’un vieux remède de la médecine traditionnelle chinoise que s’est développée la recherche de prin-cipes antimalariques à partir des remèdes africains aux effets antipyrétiques. C’est pourquoi l’équipe du Professeur L. Angenot de l’Ulg étudie les alca-

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loïdes de Strychnos icaja pour leur action vis-à-vis du plasmodium malariae (Muganga R, 2010). Comme cela le m’boundou trouvera une indication que D. Schwebisch, médecin auxiliaire de 2e classe attaché à la mission Brazza, n’avait pas soupçonnée.

Conclusions.

Tout est poison, rien n’est poison, ce qui fait le poison c’est la dose, cet adage de Paracelse peut s’appliquer aux remèdes des nganga. J’ai pu constater à l’en-tour des années 1960 qu’ils adaptaient les doses de leurs médecines en fonc-tion de critères objectifs selon qu’ils avaient affaire à un enfant, un adulte, une femme enceinte. De plus, ils n’avaient pas seulement recours à l’administra-tion orale (figure 3), mais également à l’administration rectale de leurs méde-cines. Pour cette voie, ils administraient des lavements avec des clystères en bois (figure 4). Ces derniers avaient un usage rituel lorsque les préparations aux effets psychotropes provoquaient des réactions émétiques. L’application cutanée était réservée au traitement local, les nganga pouvaient avoir recours à des scarifications pour en renforcer l’effet (voir plus haut l’anecdote Nzoa-mambu). L’orientation de la thérapie des nganga nkissi était le symptôme et la situation du malade dans le groupe social. Ceci les amenait à invoquer le rôle d’esprits malfaisants qu’il convenait de combattre pour améliorer l’état du malade. Sous l’angle de vue de la médecine occidentale, les guérisons surve-naient pour des affections évoluant spontanément vers le retour à la normalité.

La maladie peut être considérée sous l’aspect du malade et sous l’aspect du médecin (Laplantine, 1986). Dans le premier cas, c’est la maladie subjecti-vement éprouvée, ‘l’illness’ des anglo-saxons qui consiste dans la souffrance rapportée par le sujet. Dans l’autre cas, c’est la maladie scientifiquement ob-servée et objectivée, la ‘disease’ des anglo-saxons, objet de la pratique biomé-dicale qui tend à ramener intégralement la première à la seconde en réduisant la personnalité du malade au profit de l’examen technique. Ainsi la parole du malade perd son importance et est même devenue hors champ (Sicard, 2008) La douleur du malade est devenue un problème technique. Ceci mène à la perte de sa signification et amène la revendication de son oblitération absolue par des moyens chimiques. Dans cette pratique, le malade est isolé comme un objet de la technomédecine. Dans les sociétés africaines traditionnelles, l’in-dividu est fondu dans un groupe structuré. La guérison d’une maladie voulue

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par Dieu ou les esprits ou les ancêtres ne peut avoir lieu que dans ce groupe constitué par la famille ou le clan. Le traitement porte plus sur la maladie éprouvée que sur la maladie objectivée. Ces maladies éprouvées peuvent être l’expression de pathologies qui guérissent spontanément, d’autant mieux que les individus sont jeunes. C’est dans ce cadre qu’il convient d’évaluer ces médecines traditionnelles qui ne sont pas transposables comme telles dans notre monde occidental. Il nous en reste ce qui est objectivable, ce qui découle de cette observation empirique de la nature à partir de laquelle s’est constitué un savoir précieux dont je n’ai fait qu’esquisser certains aspects.

Figure 3 Coupe céphalomorphe

(hauteur 22 cm) utilisée pour boire le vin de palme. (Objet

de l’Empire Bakuba). (collection privée)

Figure 4 – Clystère (hauteur 32 cm)

Objet en bois de l’Empire Bakuba, utilisé pour administrer des préparations par voie rectale.

(collection privée)

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