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L’impératrice Mathilde (1102-1167), petite-fille de Guillaume le Conquérant et épouse de Geoffroy Plantagenêt, décide d’ériger l’abbaye du Vœu en 1145, selon le plan bénédictin. Elle y installe une congrégation de chanoines de l’ordre de Saint-Victor. Les bâtiments claustraux et l’église sont achevés en 1181 et consacrés en présence d’Henri II Plantagenêt, fils de l’impératrice Mathilde. Entre-temps, l’abbaye est devenue puissante grâce à sa réunification, en 1165, avec celle de Saint-Hélier de Jersey. A son apogée, au XIII e siècle, le domaine est alors constitué de propriétés (forêts, domaines agricoles, maisons, églises…) situées dans plus de 70 paroisses de la Manche, des îles anglo-normandes et d’Angleterre. Ses revenus proviennent de rentes, d’acquisitions avec contre-partie et de revenus seigneuriaux. Jusqu’à la guerre de Cent Ans (1337-1453), l’abbaye est prospère, avec une quarantaine de religieux répartis sur ses domaines de la Manche. Mais la guerre provoque l’effondrement de ses revenus financiers. L’abbaye et ses propriétés subissent de nombreuses dégradations dues aux armées anglaises et françaises. En 1583, le régime de la commende est mis en place à l’abbaye : les abbés ne sont plus élus par les membres de la congrégation mais nommés par le souverain, et reçoivent, en principe, le tiers des revenus de l’établissement (certains abbés toucheront néanmoins jusqu’à 14/15 e de ces revenus). Ce mode de gestion provoquera l’irrémédiable déclin de l’abbaye cherbourgeoise. Les guerres de religion qui déchirent la France de 1562 à 1598 affaiblissent encore l’abbaye du Vœu. En raison de sa situation géographique stratégique, Cherbourg est l’objet de toutes les convoitises : à trois reprises, les protestants du comte de Montgomery, appuyés par les Anglais, tentent de s’emparer de la ville, sans succès. Ils s’attaquent alors à l’abbaye qu’ils pillent et incendient. Après les importants ravages causés par les guerres de religion et la commende, les Anglais s’attaquent à nouveau à Cherbourg en 1758, lors de la guerre de Sept ans. Ils saccagent et pillent une dernière fois, laissant l’abbaye dans une situation très préoccupante. Les chanoines sont pratiquement sans ressource et ne sont plus que huit. En 1774, la vie régulière y est abolie. En août 1783, le duc d’Harcourt, gouverneur de Normandie et commandant de Cherbourg venu superviser les grands travaux maritimes de la ville, s’installe dans l’abbaye transformée en résidence administrative et en caserne pour les soldats affectés à l’exécution des travaux. Les bâtiments seront ensuite utilisés par la Marine, comme hôpital (1793-1850), puis comme caserne et, enfin, comme magasin d’habillement au début du XX e siècle. Le 20 août 1913, la partie ancienne est classée Monument Historique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée allemande occupe les lieux. En juin 1944, l’abbaye est ravagée par un incendie : un obus tiré de l’arsenal détruit une partie du bâtiment et fragilise la voûte de la salle capitulaire qui s’effondrera quelques années plus tard. Afin que le site ne soit pas déclassé, la conservation des Monuments Historiques entreprend des travaux de déblaiement en 1950. La ville de Cherbourg acquiert l’ensemble le 29 mars 1961 et réalise, depuis 1964 et sous la direction des Monuments Historiques, des consolidations et restaurations des vestiges : reconstitution des fenêtres, des voûtes et de la toiture du réfectoire (achevée en février 1983), mise hors d’eau des cuisines et de l’hôtel d’Harcourt, consolidation de la façade nord de l’église et de la salle capitulaire, aménagement des abords de l’édifice en jardins, construction à l’emplacement approximatif du logis abbatial d’une conciergerie-salle d’exposition (1996-2000). Parallèlement, plusieurs campagnes de fouilles archéologiques ont été entreprises, notamment en 1994 où une exceptionnelle plate-tombe du XIII e siècle a été découverte. The abbaye du Vœu was built in 1145 by empress Mathilde (1102-1167), grand daughter of Guillaume the Conqueror. It was immediately occupied by a congregation of canons from the Saint-Victor order (see further). The congregation stayed until 1774, braving the many wars between France and Great Britain, the lootings, the fires… In 1774, the Duc d’Harcourt, governor of Normandy and commander of Cherbourg, moved into the abbey transformed in an administrative residence. From 1793 to 1850, the abbey was used as a military hospital before becoming, at the beginning of the 20 th century, a clothes shop. Since 1964, the Cherbourg city, who bought the abbey in 1961, reinforces and restores the remains. < Renseignements pratiques < Rue de l’Abbaye - 50100 Cherbourg-Octeville < Ouverture de l’Abbaye < Les samedis et dimanches en juillet et août, de 14h à 18h (sauf jours fériés). Accès libre. < Visites guidées < En juillet et août (sauf jours fériés), la Ville de Cherbourg-Octeville organise des visites guidées gratuites, commentées par des guides conférenciers. Accès libre et sans réservation. Renseignements au 02 33 87 89 13 La vEritable histoire de l abbaye du Vœu Photos : JM Enault, Ville de Cherbourg-Octeville - Imprimé sur papier recyclé L’Abbaye de la Reine Mathilde Du Du

Abbaye du Voeu Cherbourg-Octeville

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Plaquette de présentation de l'abbaye du Voeu à Cherbourg-Octeville, Normandie, France

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Page 1: Abbaye du Voeu Cherbourg-Octeville

L’impératrice Mathilde (1102-1167), petite-fille de Guillaume le Conquérant et épouse de Geoffroy Plantagenêt, décide d’ériger l’abbaye du Vœu en 1145, selon le plan bénédictin. Elle y installe une congrégation de chanoines de l’ordre de Saint-Victor. Les bâtiments claustraux et l’église sont achevés en 1181 et consacrés en présence d’Henri II Plantagenêt, fils de l’impératrice Mathilde.Entre-temps, l’abbaye est devenue puissante grâce à sa réunification, en 1165, avec celle de Saint-Hélier de Jersey. A son apogée, au XIIIe siècle, le domaine est alors constitué de propriétés (forêts, domaines agricoles, maisons, églises…) situées dans plus de 70 paroisses de la Manche, des îles anglo-normandes et d’Angleterre. Ses revenus proviennent de rentes, d’acquisitions avec contre-partie et de revenus seigneuriaux. Jusqu’à la guerre de Cent Ans (1337-1453), l’abbaye est prospère, avec une quarantaine de religieux répartis sur ses domaines de la Manche. Mais la guerre provoque l’effondrement de ses revenus financiers. L’abbaye et ses propriétés subissent de nombreuses dégradations dues aux armées anglaises et françaises.En 1583, le régime de la commende est mis en place à l’abbaye : les abbés ne sont plus élus par les membres de la congrégation mais nommés par le souverain, et reçoivent, en principe, le tiers des revenus de l’établissement (certains abbés toucheront néanmoins jusqu’à 14/15e de ces revenus). Ce mode de gestion provoquera l’irrémédiable déclin de l’abbaye cherbourgeoise.Les guerres de religion qui déchirent la France de 1562 à 1598 affaiblissent encore l’abbaye du Vœu. En raison de sa situation géographique stratégique, Cherbourg est l’objet de toutes les convoitises : à trois reprises, les protestants du comte de Montgomery, appuyés par les Anglais, tentent de s’emparer de la ville, sans succès. Ils s’attaquent alors à l’abbaye qu’ils pillent et incendient.Après les importants ravages causés par les guerres de religion et la commende, les Anglais s’attaquent à nouveau à Cherbourg en 1758, lors de la guerre de Sept ans. Ils saccagent et pillent une dernière fois, laissant l’abbaye dans une situation très préoccupante. Les chanoines sont pratiquement sans ressource et ne sont plus que huit. En 1774, la vie régulière y est abolie. En août 1783, le duc d’Harcourt, gouverneur de Normandie et commandant de Cherbourg venu

superviser les grands travaux maritimes de la ville, s’installe dans l’abbaye transformée en résidence administrative et en caserne pour les soldats affectés à l’exécution des travaux.Les bâtiments seront ensuite utilisés par la Marine, comme hôpital (1793-1850), puis comme caserne et, enfin, comme magasin d’habillement au début du XXe siècle.Le 20 août 1913, la partie ancienne est classée Monument Historique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée allemande occupe les lieux. En juin 1944, l’abbaye est ravagée par un incendie : un obus tiré de l’arsenal détruit une partie du bâtiment et fragilise la voûte de la salle capitulaire qui s’effondrera quelques années plus tard. Afin que le site ne soit pas déclassé, la conservation des Monuments Historiques entreprend des travaux de déblaiement en 1950. La ville de Cherbourg acquiert l’ensemble le 29 mars 1961 et réalise, depuis 1964 et sous la direction des Monuments Historiques, des consolidations et restaurations des vestiges : reconstitution des fenêtres, des voûtes et de la toiture du réfectoire (achevée en février 1983), mise hors d’eau des cuisines et de l’hôtel d’Harcourt, consolidation de la façade nord de l’église et de la salle capitulaire, aménagement des abords de l’édifice en jardins, construction à l’emplacement approximatif du logis abbatial d’une conciergerie-salle d’exposition (1996-2000).Parallèlement, plusieurs campagnes de fouilles archéologiques ont été entreprises, notamment en 1994 où une exceptionnelle plate-tombe du XIIIe siècle a été découverte.

The abbaye du Vœu was built in 1145 by empress Mathilde (1102-1167), grand daughter of Guillaume the Conqueror. It was immediately occupied by a congregation of canons from the Saint-Victor order (see further). The congregation stayed until 1774, braving the many wars between France and Great Britain, the lootings, the fires… In 1774, the Duc d’Harcourt, governor of Normandy and commander of Cherbourg, moved into the abbey transformed in an administrative residence. From 1793 to 1850, the abbey was used as a military hospital before becoming, at the beginning of the 20th century, a clothes shop.Since 1964, the Cherbourg city, who bought the abbey in 1961, reinforces and restores the remains.

< Renseignements pratiques <

Rue de l’Abbaye - 50100 Cherbourg-Octeville

< Ouverture de l’Abbaye <

Les samedis et dimanches en juillet et août, de 14h à 18h (sauf jours fériés). Accès libre.

< Visites guidées <En juillet et août (sauf jours fériés), la Ville de Cherbourg-Octeville

organise des visites guidées gratuites, commentées par des guides conférenciers.

Accès libre et sans réservation.Renseignements au 02 33 87 89 13

La vEritable histoire de l abbaye du Vœu

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Page 2: Abbaye du Voeu Cherbourg-Octeville

< L’origine de l’abbaye

La légende dit que l’impératrice Mathilde, prise dans une violente tempête au large de Cherbourg, aurait promis de faire ériger un édifice religieux voué à la Vierge sur le lieu où son bateau accos-terait. Ce lieu aurait pris le nom de Chantereyne en raison de la requête d’un des marins de son navire : « chante, reine, voici la terre ». Une belle légende forgée au XVIIe siècle pour donner un nouvel élan religieux à la région, à l’aide de faits merveilleux.

En fait, l’abbaye du Vœu a été érigée sur un terrain marécageux, à proximité du ruisseau – indispensable à la vie d’une commu-nauté – Chantereyne, nom provenant de cantu ranarum, « lieu où coassent les grenouilles ».

Il est possible que l’impératrice Mathilde ait voulu renouveler le vœu que ses grands-parents, Guillaume le Conquérant et la reine Mathilde, auraient fait en 1063 : lors d’une visite à Cherbourg, Guillaume le Conqué-rant tombe gravement malade et promet de fonder un établissement religieux à Cherbourg s’il guérit. Après sa guérison, il fonde la collégiale du château. Mais les chanoines installés n’auraient pas fait preuve d’une grande élévation spirituelle. Mathilde aurait donc fait construire une nouvelle abbaye dans l’esprit de renais-sance religieuse de l’Eglise du XIIe siècle.

A legend built in the 17th century to give new impetus to religion in the region tells that empress Mathilde, caught in a violent storm while crossing the Channel, promised she would build an abbey dedicated to the Virgin Marie where her boat would land. The legend says this place took the name Chantereyne in reference to one of the sailor’s request : « Chante, reine, voici la terre » (Sing, queen, here is the land)…

In fact, the abbey was built on a swamp, near a stream called the Chantereyne. A name coming from cantu ranarum « the place where the frogs sing ».

< Les chanoines de l’ordre de Saint-Victor

La communauté des chanoines réguliers a été créée au IXe siècle par le roi Louis le Pieux, selon les préceptes de saint Augustin (354-430). L’ordre des chanoines de Saint-Victor, fondé à Paris au XIIe siècle par Guillaume de Champeaux, est l’une des trois principales obédiences des chanoines réguliers.

Trente-cinq établissements augustiniens sont fondés en Normandie dont dix-sept abbayes parmi lesquelles celle du Vœu.

Les ordres augustiniens – et en particulier celui de Saint-Victor - sont, à l’époque de la fondation de l’abbaye, parmi les plus actifs dans le domaine de la réforme et du renouveau monastique voulus par Rome.

The community of the regular canons was created in the 9th century by king Louis le Pieux. Its members live a life dedicated to manual work and prayer but also contribute to propagating faith by serving in churches, cathedrals…

The Saint-Victor order was founded in Paris in 1108 by Guillaume de Champeaux and is one of the most active in the renewal of monastery life.

< L’abbaye du Vœu aujourd’hui

Plusieurs éléments architecturaux de l’abbaye ont été dispersés sur le territoire de la ville : des objets cultuels et œuvres d’art ont été placés dans les églises de la ville, en particulier à la basili-que Sainte-Trinité et à l’église Notre-Dame-du-Vœu. La grande cheminée de la maison abbatiale (XVIe siècle) a été installée dans la salle du conseil de l’Hôtel de Ville tandis que le portail occi-dental de l’église (XIIe-XIIIe siècle) se trouve aujourd’hui au jardin public.

Des vestiges des XIIe et XIIIe siècles subsistent encore : la façade ouest de l’église, la salle capitulaire (restaurée et l’une des plus belles du département datant de cette époque), les cuisines, le réfectoire (restauré), le cellier sous le réfectoire, des carreaux de mosaïque armoriés et une plate-tombe (présentée dans la salle d’exposition du logis abbatial).

Enfin, vous pouvez encore admirer la façade ouest de l’hôtel d’Harcourt (fin XVIIIe siècle) ainsi que le pavillon de l’hôpital (XIXe siècle).

Several architectural elements from the abbey have been spread out in the city : religious objects and art works have been set in the Cherbourg churches, particularly in the basilique Sainte-Trinité and in the Notre-Dame-du-Voeu church. The grand chimney from the abbey house has been placed in the city hall; and the church’s western portal is now in the public garden.

On site you can still see : the church’s western façade, the chapter house, the kitchens, the refectory, the cellar under the refectory, mosaic tiles with coats of arms, an exceptional burial stone, the western façade of the Harcourt hotel and the hospital building.

< La plate-tombe

Lors des fouilles de 1994, une plate-tombe complète a été découverte dans la nef de l’église abbatiale, dans un étonnant état de conservation. Cet élément architectural funéraire, situé à l’intérieur d’un édifice, est une dalle fermant la tombe, encastrée dans le sol. La plate-tombe de l’abbaye du Vœu est celle d’un prêtre de Querqueville, Guillaume Argène de Rai, et date de la fin du XIIIe siècle (entre 1280 et 1289). Elle représente un clerc tonsuré, revêtu des vêtements liturgiques du célébrant de la messe et tenant un calice. Des angelots maniant l’encensoir encadrent sa tête.

During the 1994 digs, an exceptional burial stone was discovered in the church’s nave. This stone used to cover Guillaume Argene de Rai’s, a Querqueville priest, grave.

Pavillon de l’hôpital provisoire de la Marine

Logis abbatial

Locaux Disciplinaires

Fouille 1994

Eglise

Cloître

Cellier

Salle capitulaire

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Entrée Réfectoire XIIIe s

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