9
 Allotransplantation de face : étude anatomique, techniques de prélèvement partiel ou total de face, indications potentielles en clinique humaine Face allotransplantation: anatomical study, potential partial and total facial allografts harvesting and clinical application A. Paraskevas * , F. Ingallina, J.-P. Meningaud, L. Lantiéri Service de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, hôpital Henri-Mondor, université Paris-XII, 51, avenue du-Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France MOTS CLÉS Transplantation de face ; Anatomie ; Prélèvement facial ; Indications Résumé Les auteurs ont évalué les modalités de prélèvement des tissus de la face dans le but de les transplanter, en faisant des dissections sur 15 sujets. Ont été développés des modèles anatomiques de prélèvement des deux tiers inférieurs et de la totalité de la face. Afin de pou- voir réaliser un prélèvement rapide, avec un minimum de traumatismes tissulaires et de dévascularisation des nerfs, leur approche était d effectuer un prélèvement de toutes les par- ties molles de la face, de pleine épaisseur, avec les muscles et leur innervation. Les vaisseaux étaient disséqués à leur origine au niveau de l artère carotide externe et de la veine jugulaire interne. L étude de lanat omie vasc ulaire dans les prélè vemen ts par tran sillu mination et radiographie a montré quil existait des réseaux anastomotiques riches et suffisants, autant dans le prélèvement partiel que dans le prélèvement total de la face. Un autre point impor- tant dans cette étude était la restauration de la face du donneur. Un masque confectionné en résine permet cette restauration de façon très satisfaisante et rapide. Après avoir inter- changé et étalé les tissus mous des prélèvements faciaux sur les structures osseuses, les traits faciaux observés ne ressemblaient pas vraiment aux caractéristiques initiales du donneur ou du receveur, étaient obtenus des traits faciaux plutôt mélangés. En conclusion, les résultats de cette étude montrent quune allotransplantation des tissus composites de la face est réali- sable dun point de vue technique et pourrait engendrer des résultats fonctionnels et esthéti- ques utiles dans des cas cliniques sélectionnés qui sont discutés. © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Face transplantat ion; Abstract The authors evaluated the technical aspects of harvesting facial tissues in order to perfo rm a faci al allotrans plant ation by cond uctin g dissections in 15 fresh cada vers . They developped anatomical models of harvesting the inferior two thirds and the totality of the Annales de chirurgie plastique esthétique 52 (2007) 485 493 * Auteur correspondant.  Adresse e-mail :  [email protected] (A. Paraskevas). 0294-1260/$ - see front matter © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.anplas.2007.06.003 available at www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/annpla

Allotransplantation de Face Lantieri

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Allotransplantation de Face Lantieri

5/9/2018 Allotransplantation de Face Lantieri - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/allotransplantation-de-face-lantieri 1/9

 

Allotransplantation de face : étude anatomique,techniques de prélèvement partiel ou total de face,indications potentielles en clinique humaine

Face allotransplantation: anatomical study, potential

partial and total facial allografts harvestingand clinical applicationA. Paraskevas*, F. Ingallina, J.-P. Meningaud, L. LantiériService de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, hôpital Henri-Mondor, université Paris-XII,

51, avenue du-Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France

MOTS CLÉS

Transplantation deface ;Anatomie ;Prélèvement facial ;Indications

Résumé Les auteurs ont évalué les modalités de prélèvement des tissus de la face dans le butde les transplanter, en faisant des dissections sur 15 sujets. Ont été développés des modèles

anatomiques de prélèvement des deux tiers inférieurs et de la totalité de la face. Afin de pou-voir réaliser un prélèvement rapide, avec un minimum de traumatismes tissulaires et dedévascularisation des nerfs, leur approche était d’effectuer un prélèvement de toutes les par-ties molles de la face, de pleine épaisseur, avec les muscles et leur innervation. Les vaisseauxétaient disséqués à leur origine au niveau de l’artère carotide externe et de la veine jugulaireinterne. L’étude de l’anatomie vasculaire dans les prélèvements par transillumination etradiographie a montré qu’il existait des réseaux anastomotiques riches et suffisants, autantdans le prélèvement partiel que dans le prélèvement total de la face. Un autre point impor-tant dans cette étude était la restauration de la face du donneur. Un masque confectionnéen résine permet cette restauration de façon très satisfaisante et rapide. Après avoir inter-changé et étalé les tissus mous des prélèvements faciaux sur les structures osseuses, les traitsfaciaux observés ne ressemblaient pas vraiment aux caractéristiques initiales du donneur oudu receveur, étaient obtenus des traits faciaux plutôt mélangés. En conclusion, les résultats

de cette étude montrent qu’

une allotransplantation des tissus composites de la face est réali-sable d’un point de vue technique et pourrait engendrer des résultats fonctionnels et esthéti-ques utiles dans des cas cliniques sélectionnés qui sont discutés.© 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS

Face transplantation;

Abstract The authors evaluated the technical aspects of harvesting facial tissues in order toperform a facial allotransplantation by conducting dissections in 15 fresh cadavers. Theydevelopped anatomical models of harvesting the inferior two thirds and the totality of the

Annales de chirurgie plastique esthétique 52 (2007) 485–493

* Auteur correspondant.  Adresse e-mail : [email protected] (A. Paraskevas).

0294-1260/$ - see front matter © 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.

doi:10.1016/j.anplas.2007.06.003

av ai l abl e at w w w . s c i e n c e di re c t . c om

j ou rn al h om e page : w w w . e l s e v i e r. c om /l oc at e /an n pl a

Page 2: Allotransplantation de Face Lantieri

5/9/2018 Allotransplantation de Face Lantieri - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/allotransplantation-de-face-lantieri 2/9

 

Face anatomy;Face allograft;Indications

face. The approach consisted in harvesting the totality of the facial soft tissues including themuscles and their innervation, in that way harvesting is fast and associated to minimal tissulartrauma. The vessels were dissected at their origin at the level of the external carotid arteryand the internal jugular vein. The vascular anatomy within the facial flaps was evaluated bytransillumination and radiographic (Rx) studies and the authors concluded that the vascularnetwork is rich and sufficient in both partial and full size face transplants. Another important

aspect of that study was the restauration of the donor’

s face. This was achieved in a fast andaesthetically satisfying way with the use of a resin mask. After switching the facial soft tissueson the bony structures of the different subjects, the facial appearence that they observed wasrather mixed. In conclusion, that study showed that a face allotransplantation is sound from atechnical point of view and could achieve good results in selected cases which are discussed.© 2007 Publié par Elsevier Masson SAS.

Introduction

L’anatomie de la face est bien connue et a été décrite lar-

gement. En revanche, le prélèvement chirurgical de la facepour être transplanté est un sujet qui a été abordé dans peude publications [1–20]. Dans notre département, nous avonseffectué des recherches pour développer des modèles ana-tomiques de « lambeaux libres de la face » avant de réaliserune allotransplantation de la face chez l’homme.

Les questions auxquelles nous voulions répondre étaientles suivantes :

● est-ce qu’un tel prélèvement est fiable d’un point devue vasculaire ?

● Est-ce que les muscles et les nerfs peuvent être transfé-rés pour rendre le lambeau libre facial fonctionnel ?

● Comment réaliser le prélèvement de façon simple,rapide, reproductible et compatible avec le prélèvementdes autres organes ?

● Quelle est la meilleure façon de restaurer rapidement levisage du donneur après le prélèvement ?

● Quel serait le résultat morphologique final ?

Matériel et méthodes

Quinze cadavres frais ont été disséqués pour réaliser cetteétude qui a comporté trois parties.

Possibilités de prélèvement de différentes partiesde face

Dans la première partie, cinq cadavres ont été utilisés pourétudier les possibilités de prélèvement de différentes par-ties de face.

Ces dissections ont consisté à disséquer et évaluer lesdifférentes structures anatomiques de la face, leurs rela-tions et les différents plans chirurgicaux.

Pendant ces dissections, nous avons réalisé que, pourpouvoir faire un prélèvement rapide avec un minimum detraumatismes tissulaires et de dévascularisation des nerfs,

il faut faire un prélèvement de toutes les parties molles de

la face, de pleine épaisseur, avec les muscles et leur inner-vation.

Une fois le lambeau facial prélevé, il pourrait ensuiteêtre adapté à la situation clinique particulière du receveur

par exérèse de la peau et/ou d’autres tissus en excès.

Modèle de transplantation des deux tiers inférieursde la face

Dans la deuxième partie, nous nous sommes concentrés surl’indication spécifique de transplantation des deux tiersinférieurs de la face et nous avons étudié sur cinq cadavresd’une part, les aspects techniques du prélèvement et dutransfert et d’autre part, la restauration du donneur.

Le but de notre étude était de reproduire des situationscliniques et de nous préparer à la réalisation d’une allo-transplantation de face.

Pour chaque dissection, nous avons utilisé deux sujets etchaque face prélevée a été utilisée pour restaurer la pertede substance créée par le prélèvement facial de l’autresujet et vice-versa.

Le but était d’évaluer comment le masque facial s’adap-terait à la nouvelle structure squelettique et quel serait lerésultat esthétique obtenu.

Des photographies ont été prises avant et après chaque« permutation faciale », et ont été comparées.

La première étape de la procédure était de prendrel’empreinte de la face du donneur pour confectionner unmasque afin de pouvoir le restaurer après le prélèvement(Fig. 1).

La première couche était faite d’alginate, elle étaitensuite renforcée par des bandes de plâtre pour éviterqu’elle se fracture. L’empreinte pouvait alors être retiréeet utilisée pour accomplir une reproduction de la face dudonneur par un masque. Nous avons évalué et comparédeux méthodes différentes de fabrication du masque en uti-lisant deux matériaux différents : la silicone et la résine.

La dissection était réalisée une fois que l’empreinte dela face avait été prise.

Technique de prélèvement du complexe nasolabialL’incision débutait dans la région glabellaire, se dirigeaitvers le bas, le long de la face latérale du nez et en dehors

de l’artère angulaire ; elle se prolongeait sur le malaire le

A. Paraskevas et al.486

Page 3: Allotransplantation de Face Lantieri

5/9/2018 Allotransplantation de Face Lantieri - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/allotransplantation-de-face-lantieri 3/9

 

long du rebord orbitaire inférieur jusqu’à l’hélix, puis des-cendait en préauriculaire jusqu’à trois travers de doigt sousl’angle de la mandibule, et ensuite continuait vers l’avantpour rejoindre l’autre côté dans la région cervicale anté-rieure au-dessus du site de la trachéo(s)tomie.

La dissection commençait par un abord cervical pourrepérer les vaisseaux (Fig. 2). Les pédicules utilisés pourassurer la vascularisation du complexe nasolabial étaientles deux pédicules faciaux (artères et veines faciales) quiétaient prélevés de deux côtés à leur origine au niveau del’artère carotide externe et du tronc veineux de Farabeuf.

Le canal de Stenon était cathétérisé pour pouvoir le

situer par la palpation pendant la dissection.La peau et le muscle peaucier ( platysma) étaient incisés.

Le tiers postérieur du muscle sternocléidomastoïdien n’estpas recouvert de muscle peaucier, et le plan de dissectionse situait le long de son aponévrose. La veine jugulaireexterne et le nerf sensitif auriculaire étaient inclus dansle prélèvement.

Médialement, le lambeau cervical était soulevé jusqu’à1 cm du rebord mandibulaire, suivant strictement la faceprofonde du platysma.

Toujours par la voie d’abord cervicale, le muscle sterno-cléidomastoïdien était récliné en dehors, la veine etl’artère faciales étaient repérées. Ces vaisseaux étaientdisséqués à leur face profonde jusqu’à leur croisementavec le rebord inférieur de la mandibule.

En raison des rapports avec la glande submandibulaire,la glande était prélevée avec les vaisseaux faciaux en conti-nuité. Les vaisseaux étaient sectionnés à leur origine etréclinés vers le haut (Fig. 3).

Ce geste protégeait le rameau labiomentonnier du nerf facial (ramus mandibularis ) qui croise la face externe desvaisseaux.

La face inférieure de la branche horizontale de la man-dibule était abordée, et les insertions osseuses du masséterétaient incisées pour aborder le plan sous-périosté.

L’incision cervicale se poursuivait en préauriculaire.Le nerf facial était repéré à sa sortie du trou stylomas-

toïdien, en suivant le cartilage du tragus, et il était dis-séqué dans sa portion parotidienne jusqu’à sa division enbranches temporale et cervicale. Ensuite, le nerf était sec-tionné à son origine, récliné vers l’avant, et la dissection sepoursuivait le long de sa face profonde ; elle emportaitdonc la glande parotide dans le prélèvement.

Les vaisseaux temporaux superficiels étaient ligaturés àleur sortie de la glande parotide.

Le muscle masséter était sectionné le long de ses inser-tions osseuses sur la branche montante et l’angle de lamandibule, et la dissection se poursuivait en sous-périosté. Le muscle masséter était donc aussi inclus dansle prélèvement (Fig. 4).

Dans le greffon nasolabial, les seuls rameaux nerveux quicontribuent à la mobilité des lèvres sont les rameaux zygo-matique et buccal (provenant de la branche temporofa-ciale) et le rameau marginal ou mentonnier (issu de la bran-che cervicofaciale). Ces trois rameaux étaient conservés aucours de la dissection alors que les autres rameaux du nerf facial étaient sectionnés.

La libération sous-périostée des fibres du masséter rejoi-gnait celle initiée dans la partie cervicale, le long de labranche horizontale.

À la partie antérieure de la branche horizontale, le nerf était repéré à son émergence du trou mentonnier et sec-tionné.

La dissection se continuait au niveau jugal le long de laface superficielle du buccinator . Dans ce plan, se trouve laboule de Bichat qui n’était pas prélevée (Fig. 5).

Au niveau de la glabelle et du malaire, l’incision étaitréalisée à l’aplomb du dessin (Fig. 2) jusqu’à l’os et la dis-section se faisait en sous-périosté à la rugine, avec désin-sertion des muscles zygomatiques qui étaient inclus dans leprélèvement.

Le muscle masséter était libéré, le long de ses insertionsle long de l’arcade zygomatique, en sous-périosté.

Le nerf sensitif sous-orbitaire était repéré et sectionné àsa sortie du trou sous-orbitaire.

Les cartilages triangulaires étaient sectionnés à la jonc-

tion avec les os propres du nez.

Figure 1 Prise de l’empreinte faciale avant prélèvement, sur

cadavre.

Figure 2 Dessin du prélèvement cadavérique et abord cervi-

cal.

Allotransplantation de face : étude anatomique, technique chirurgicale et indications potentielles 487

Page 4: Allotransplantation de Face Lantieri

5/9/2018 Allotransplantation de Face Lantieri - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/allotransplantation-de-face-lantieri 4/9

 

Une incision transfixiante était réalisée en suivant lecontour des orifices piriformes. Le septum nasal étaitensuite clivé dans le plan des orifices piriformes.

Une incision muqueuse, au niveau des vestibules supé-rieur et inférieur, permettait de rejoindre le plan de décol-lement sous-périosté et de libérer les lèvres supérieure etinférieure.

Le muscle buccinateur et la muqueuse jugale étaientensuite incisés de manière transfixiante par voie endobuc-cale. Cette incision rejoignait les incisions vestibulaires.Ainsi, le complexe nasolabial était totalement libéré(Fig. 6).

À chaque dissection, nous avons aussi évalué la longueur

et le calibre des différents vaisseaux et nerfs du donneur et

du receveur, ainsi que les possibilités de réaliser les anasto-moses vasculaires et nerveuses.

L’anatomie du réseau vasculaire dans le « lambeau librefacial » a été étudiée dans cinq prélèvements (trois totauxet deux partiels) par transillumination simple et par injec-tion intra-artérielle de matière radio-opaque (gel d’oxyde).Tous ces prélèvements ont été photographiés et radiogra-phiés (Fig. 9).

Modèle de transplantation totale de face

Dans la troisième partie, cinq sujets ont été utilisés pour

développer un modèle de transplantation totale de face.

Figure 3 Rapports de la glande submandibulaire avec les vaisseaux faciaux.

Figure 4 Dissection submandibulaire, dans le plan sous-périosté.

Figure 5 Plan de dissection le long de la face superficielle dubuccinator . On identifie le nerf labiomentonnier.

A. Paraskevas et al.488

Page 5: Allotransplantation de Face Lantieri

5/9/2018 Allotransplantation de Face Lantieri - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/allotransplantation-de-face-lantieri 5/9

 

Le tracé de l’incision pour le tiers supérieur de la faceétait une voie d’abord coronale comprenant le front enentier, il continuait vers le bas au niveau préauriculaire etensuite dans la région cervicale 5 cm en dessous du rebordmandibulaire et vers l’avant pour rejoindre le côté opposédans la région cervicale antérieure.

Le prélèvement commençait par la dissection des pédi-

cules vasculaires avec une approche cervicale.

La vascularisation du greffon facial total est sousl’influence principale des vaisseaux faciaux et des vaisseauxtemporaux superficiels.

Les artères et les veines étaient disséquées jusqu’à leurorigine, c’est-à-dire la carotide externe et le tronc veineuxthyrolinguofacial de Farabeuf.

Le prélèvement des deux tiers inférieurs de la face était

le même que décrit plus haut.

Figure 6 a : complexe nasolabial libéré (face superficielle) ; b : complexe nasolabial libéré (face profonde). Images cadavéri-ques.

Allotransplantation de face : étude anatomique, technique chirurgicale et indications potentielles 489

Page 6: Allotransplantation de Face Lantieri

5/9/2018 Allotransplantation de Face Lantieri - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/allotransplantation-de-face-lantieri 6/9

 

Pour le tiers supérieur, après l’incision coronale, la dis-section était faite d’arrière en avant, initialement dans leplan sous-galéal, et ensuite 5 cm au-dessus du rebord orbi-

taire supérieur en sous-périosté, afin de conserver et préle-

ver les pédicules vasculonerveux supratrochléaires etsupraorbitaires.

Les deux paupières étaient prélevées « en bloc », après

incision de la conjonctive au niveau du fornix supérieur et

Figure 7 a : greffon de face complète (face superficielle) ; b : greffon de face complète (face profonde). Images cadavériques.

A. Paraskevas et al.490

Page 7: Allotransplantation de Face Lantieri

5/9/2018 Allotransplantation de Face Lantieri - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/allotransplantation-de-face-lantieri 7/9

 

inférieur. L’aponévrose du releveur était identifiée et sec-tionnée, et elle était marquée avec un point pour êtrerepérée plus tard. Le sac lacrymal était sectionné à sa par-tie moyenne pour qu’une anastomose de calibre suffisantsoit réalisable.

Dans la région temporale, la dissection peut soit suivre laface superficielle du fascia temporal profond comme dans

une approche de type coronal classique, soit sa face pro-fonde en incluant donc le fascia temporal profond dans leprélèvement. Cette option nous semblait préférable parceque les branches frontale et zygomatique du nerf facialsont ainsi mieux protégées, et le fascia peut être utilisépour des points d’ancrage au receveur. Le plan devenaitsous-périosté en dessous de l’arcade zygomatique et rejoi-gnait la dissection du tiers inférieur de la face.

Nous avons pu ainsi prélever la totalité de la face avecles muscles, les nerfs et les vaisseaux (Fig. 7).

Résultats

Notre étude a montré qu’il était possible de prélever lesdeux tiers inférieurs de la face comprenant la totalité deslèvres et le nez sur les deux pédicules vasculaires faciaux.

Les vaisseaux faciaux du donneur étaient disséqués etprélevés à leur origine au niveau de la carotide externe etde la jugulaire interne, et de cette façon on pouvait tou-jours obtenir une longueur et une congruence des vaisseauxconvenables pour les anastomoses.

Les nerfs faciaux pouvaient toujours être disséqués àleur origine à la sortie du trou stylomastoïdien, en suivantle cartilage du tragus. Le nerf se retrouvait à quelques mil-limètres plus profond et plus bas que l’extrémité pointuedu cartilage du tragus.

Le plan de dissection entre les muscles masséter et buc-cinateur était relativement avasculaire et techniquementfacile à suivre.

Le plan de dissection au niveau de la mandibule et dumaxillaire supérieur, étant sous-périosté, permettaitd’identifier facilement les nerfs sensitifs infraorbitaires etmentonniers à leur sortie de l’os.

Pour le tiers supérieur de la face, la dissection était aussisimple et reproductible, les différents éléments anatomiquespouvant être identifiés et disséqués dans chaque cas.

Concernant la restauration de la face du donneur, lemasque en résine pouvait être confectionné en trois heures

approximativement. 60 minutes étaient nécessaires pouraccomplir une coloration convenable du masque (Fig. 8).

Le masque en silicone était très long à obtenir, et lesprothésistes ont besoin d’au moins dix heures pour laconfection et quatre heures pour la coloration.

Les résultats esthétiques étaient semblables avec l’utili-sation des deux matières. Le masque en silicone avait unetexture plus naturelle à la palpation, mais la durée de fabri-cation paraît trop longue pour être applicable en clinique.

Après avoir interchangé et étalé les tissus mous desprélèvements faciaux sur les nouvelles structures osseuses,les traits faciaux que nous avons observés ne ressemblaient

pas vraiment aux caractéristiques initiales du donneur ou

du receveur ; nous obtenions des traits faciaux plutôtmélangés.

L’étude de l’anatomie vasculaire dans les prélèvementspar transillumination et radiographie a montré qu’il existaitdes réseaux anastomotiques riches et suffisants, autantdans le prélèvement partiel que dans le prélèvement total

de la face (Fig. 9).

Discussion

Nos résultats montrent qu’une allotransplantation destissus composites de la face est réalisable d’un point devue technique et pourrait engendrer des résultats fonc-tionnels et esthétiques utiles dans des cas cliniquessélectionnés.

Un tel prélèvement est fiable d’un point de vue vascu-laire, et peut être réalisé relativement rapidement et de

façon standardisée.

Figure 8 Confection d’un masque en résine avant coloration,d’après étude cadavérique.

Figure 9 Radiographie du prélèvement cadavérique aprèsinjection de produit radio-opaque.

Allotransplantation de face : étude anatomique, technique chirurgicale et indications potentielles 491

Page 8: Allotransplantation de Face Lantieri

5/9/2018 Allotransplantation de Face Lantieri - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/allotransplantation-de-face-lantieri 8/9

 

Dans le modèle de prélèvement que nous avons décrit, ladévascularisation et le traumatisme des tissus dû à la dis-section sont minimes afin que la récupération fonctionnelleultérieure puisse être facilitée après anastomose du nerf facial. Dans notre modèle, ces anastomoses seraient réali-sées au niveau du tronc principal du nerf facial et, parconséquent, la régénération nerveuse à travers la greffeserait plus longue. Pendant cette période de temps, unestimulation électrique externe des muscles transplantésdevrait avoir lieu pour prévenir leur involution et fibrose.

D’autres auteurs ont préconisé de prélever seulement lapeau mais notre modèle est différent, les muscles de laface étant inclus dans le prélèvement avec leur innervationmotrice. Nous pensons que c’est la façon la plus sûred’obtenir un résultat fonctionnel par l’apport de muscles« sains » de par le prélèvement et la préservation des atta-ches cutanées des muscles de la mimique.

Le fait de prélever les muscles est aussi bénéfique d’unpoint de vue vasculaire, puisque les perforantes musculocu-tanées sont conservées.

La dissection sous-périostée dans un plan avasculaire

  permet un prélèvement plus rapide et avec de moindres   pertes sanguines .

Les branches distales du nerf facial ne sont pas dissé-quées directement, et leur traumatisme est réduit. Celaest important car elles deviennent très fines avant d’entrerdans les muscles qu’elles innervent et leur dissection seraitlongue et compliquée, particulièrement en conditions réel-les. Le muscle releveur devrait être réparé avec soin, safonction resterait normalement la même, mais des ajuste-ments de sa longueur seraient probablement nécessaires.

Concernant la transplantation incluant le tiers supérieurde la face, les questions principales sont la récupérationfonctionnelle de l’orbiculaire et du muscle releveur, ainsi

que la production des larmes par la glande lacrymale.

Le drainage lacrymal serait possible en anastomosant lesac lacrymal à sa partie moyenne où son diamètre est maxi-mal. La conservation de la fonction de la glande lacrymaleest très douteuse, et des études supplémentaires sontnécessaires dans ce domaine.

Un autre point qui doit être discuté est la reconstructiondu donneur. Jusqu’à présent, le donneur pourrait êtrereconstruit facilement et rendu à la famille parce que les

organes internes sont cachés à l’

exception de la main quipourrait être remplacée par une simple prothèse.

Cela ne peut pas être le cas pour la face car il est trèsimportant de restaurer l’image du donneur pour sa famille.

La fabrication d’un masque en résine permet une recons-truction rapide (en trois à quatre heures) et acceptable dela face du donneur.

À la lumière de nos résultats expérimentaux, nousrecommandons de réaliser une greffe partielle du visage.Cette approche présente pour nous plusieurs avantages.Les risques en cas d’échec sont moindres et la « stratégie

de sortie » est plus facile.

La reconstruction des pertes de substance étendues desdeux tiers inférieurs de la face qui impliquent la totalité dumuscle orbiculaire (qui est circulaire) est très difficile.

De tels défauts sont observés le plus souvent dans destentatives de suicide par armes à feu, mais sont aussi obser-vés quelquefois chez des patients atteints de tumeurs mali-gnes ou de pathologies infectieuses.

La perte de substance implique en général le nez, lemaxillaire supérieur, les lèvres, la mandibule et le menton.Sa couverture nécessite habituellement le transfert libre detissus autologues, souvent en combinaison. Plusieurs opéra-

tions de révision supplémentaires sont en général nécessai-

Figure 10 Exemple de neurofibromatose panfaciale multi-opérée. a : aspect préopératoire de face ; b : vue de face postopéra-toire, six semaines après allotransplantation subtotale de face.

A. Paraskevas et al.492

Page 9: Allotransplantation de Face Lantieri

5/9/2018 Allotransplantation de Face Lantieri - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/allotransplantation-de-face-lantieri 9/9

 

res et, malgré tout, les résultats fonctionnels et esthéti-ques de la reconstruction restent pauvres.

De l’autre côté, l’allotransplantation totale de la facecomporte des risques élevés pour un avenir incertain. Laqualité de la récupération fonctionnelle, le devenir à

long terme de la greffe, l’impact psychologique sur lemalade restent des questions qui n’ont pas encore deréponse. La considération et la compassion pour cesmalades ne sont pas à elles seules suffisantes pour justi-fier la procédure.

Par conséquent, il est très important de développer desmodèles anatomiques solides pour optimiser les chancesd’une opération réussie qui pourrait aboutir à des résultatsesthétiques et fonctionnels utiles.

Les indications potentielles d’une allotransplantationsubtotale de face sont les grandes mutilations faciales inté-ressant soit le tiers médian centrofacial, soit une hémiface,

soit l’ensemble de la face comme dans les traumatismesbalistiques et les tentatives de suicide par armes à feu,

les brûlures panfaciales (au stade aigu ou au stade desséquelles) et certaines pathologies tumorales.

D’autres indications pourraient être des cas de neurofi-bromatose (Fig. 10) ou des malformations vasculaires trèsévoluées.

Il n’y a pas d’indication à notre avis dans les maladiescongénitales (fentes très évoluées par exemple) et en can-cérologie, du fait des risques du traitement immunosup-presseur.

Références

[1] Lehrman A. The miracle of St.-Cosmas and St.-Damian. PlastReconstr Surg 1994;94(1):218–21.

[2] Guimberteau JC, Baudet J, Panconi B, Boileau R, Potaux L.Human allotransplant of a digital flexion system vascularizedon the ulnar pedicle: a preliminary report and 1-year follow-up of two cases. Plast Reconstr Surg 1992;89:1135–47.

[3] Hofmann GO, Kirschner MH. Clinical experience in allogeneicvascularized bone and joint allografting. Microsurgery 2000;20:375–83.

[4] Strome M, Stein J, Esclamado R, Hicks D, Lorenz RR, Braun W,et al. Laryngeal transplantation and 40-month follow-up. NEngl J Med 2001;344:1676–9.

[5] Dubernard JM, Owen E, Herzberg G, Lanzetta M, Martin X,Kapila H, et al. Human hand allograft: report on first 6months. Lancet 1999;353:1315–20.

[6] Andrew Lee WP, Nguyen VT. Perspectives on hand transplanta-tion. Clin Plast Surg 2005;32(4):10.

[7] Hettiaratchy S, Buttler PE. Face transplantation-fantasy orthe future? Lancet 2002;360(9326):5–6.

[8] Mitz V, Ricbourg B, Lassau JP. Facial branches of the facialartery in adults. Typology, variations and respective cuta-neous areas. Ann Chir Plast 1973;18(4):339–50.

[9] Pinar YA, Bilge O, Govsa F. Anatomic study of the blood supplyof perioral region. Clin Anat 2005;18(5):330–9.

[10] Nakajima H, Imanishi N, Aiso S. Facial artery in the upper lipand nose: anatomy and a clinical application. Plast ReconstrSurg 2002;109(3):855–61 (discussion 862–3).

[11] Niranjan NS. An anatomical study of the facial artery. AnnPlast Surg 1988;21(1):14–22.

[12] Thomas A, Obed V, Murarka A, Malhotra G. Total face andscalp replantation. Plast Reconstr Surg 1998;102(6):2085–7.

[13] Wilhelmi BJ, Rang RH, Minvassaghi K, et al. First successfulreplantation of face and scalp on a single-artery repair:model for face entire scalp transplantation. Ann Plast Surg2003;30:535.

[14] Siemionow M, Unal S, Agaoglu G, Sari A. A cadaver study inpreparation for facial allograft transplantation in humans:part I. What are alternative sources for total facial defectcoverage? Plast Reconstr Surg 2006;117:864.

[15] Petit F, Paraskevas A, Minns AH, Lee WP, Lantieri LA. Facetransplantation: where do we stand? Plast Reconstr Surg2004;13(5):1429–33.

[16] Walton RL, Beahm EK, Brown RE, Upton J, Reinke K, Fudem G,et al. Microsurgical replantation of the lip: a multi-institutional experience. Plast Reconstr Surg 1998;102(2):358–68.

[17] Nath S, Jovic G. Total loss of upper and lower lips: challengesin reconstruction. Br J Oral Maxillofac Surg 1998;36(6):460–1.[18] Jallali N, Malata CM. Reconstruction of concomitant total loss

of the upper and lower lips with a free vertical rectus abdo-minis flap. Microsurgery 2005;25(2):118–20.

[19] Duncan GF. Epiprosthetic rehabilitation: patient’s acceptanceof a facial epithesis following tumor surgery. Recent results.Cancer Res 1994;134:201–4.

[20] Composite tissues allotransplantation (CTA) of the face (fullor partial facial transplant). Opinion of the French nationalEthic committee no 082.

Allotransplantation de face : étude anatomique, technique chirurgicale et indications potentielles 493