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INTRODUCTION AUGUSTIN ANASSE Université de Bouaké (Côte dIvoire) MARC BIDAN Université de Nantes (France) ALIDOU OUEDRAOGO Université de Moncton (Canada) GWENAËLLE ORUEZABALA Université de Nantes (France) JEAN-MICHEL PLANE Université Paul-Valéry Montpellier 3 (France) Alternatives africaines en management Entre frugalité et agilité A «lombre dun caïlcedrat géant de Bamako, on trouvait encore, il y a quelques années, un bricoleur malin que les experts des Nations unies appelaient le docteur Mobylette. Chaque matin de bonne heure, il installait sa caisse à outils au pied de larbre. Le bonhomme avait calculé quavec 2 000 francs CFA (3 euros) par jour, il pouvait facilement subvenir à ses besoins comme à ceux de sa famille. Une fois la somme empochée, il cessait de travailler, son frère prenant le relais sous le caïlcedrat. Après lavoir longuement observé, quelques spécialistes du développe- ment proposèrent au docteur Mobylette de voir les choses en plus grand, douvrir un atelier dans la capitale, dadopter des horaires xes, et, au bout du compte, de se retrouver à la tête dune véritable entreprise. Le docteur Mobylette mit peu de temps pour donner sa réponse. Il remercia mais refusa, estimant quun tel chambardement dans lusage de la caisse à outils reviendrait à voler le travail de son frère. » (Fottorino et al., 1992). DOI: 10.3166/rfg.2020.00455 © 2020 Lavoisier

Alternatives africaines en management

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DOI: 10

I N T RODUC T I ON

AUGUSTIN ANASSEUniversité de Bouaké (Côte d’Ivoire)

MARC BIDANUniversité de Nantes (France)

ALIDOU OUEDRAOGOUniversité de Moncton (Canada)

GWENAËLLE ORUEZABALAUniversité de Nantes (France)

JEAN-MICHEL PLANEUniversité Paul-Valéry Montpellier 3 (France)

Alternatives africainesen management

Entre frugalité et agilité

A« l’ombre d’un caïlcedrat géant deBamako, on trouvait encore, il y aquelques années, un bricoleur

malin que les experts des Nations uniesappelaient le docteur Mobylette. Chaquematin de bonne heure, il installait sa caisseà outils au pied de l’arbre. Le bonhommeavait calculé qu’avec 2 000 francs CFA(3 euros) par jour, il pouvait facilementsubvenir à ses besoins comme à ceux de safamille. Une fois la somme empochée, ilcessait de travailler, son frère prenant le relais

sous le caïlcedrat. Après l’avoir longuementobservé, quelques spécialistes du développe-ment proposèrent au docteur Mobylette devoir les choses en plus grand, d’ouvrir unatelier dans la capitale, d’adopter des horairesfixes, et, au bout du compte, de se retrouver àla tête d’une véritable entreprise. Le docteurMobylette mit peu de temps pour donner saréponse. Il remercia mais refusa, estimantqu’un tel chambardement dans l’usage de lacaisse à outils reviendrait à voler le travail deson frère. » (Fottorino et al., 1992).

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Cette conception de la gestion de l’entre-prise par le docteur Mobylette, largementpartagée et comprise en Afrique, peutparaître incongrue et déstabilisante danscertains contextes. En l’occurrence dans lecontexte occidental, certains se demandentsi « L’entreprise africaine » existe vrai-ment ? Si l’on peut raisonnablement tenterd’en cerner ses contours et son managementsouvent invisible ? L’invisibilité du mana-gement, l’existence de variables « irration-nelles », une gestion par l’ambiguïté et desrelations sociales complexes et parfoisambivalentes… tels sont quelques traitscaractéristiques résultant d’observationsdirectes et/ou participantes réalisées parles auteurs de ce dossier spécial pendantplus d’une dizaine d’années. Pour autant,existe-t-il des alternatives africaines enmanagement ? Comment peut-on les iden-tifier ? Sont-elles crédibles et dans quellemesure peuvent-elles être transposablesd’un contexte à un autre ? Peuvent-ellesapporter des solutions novatrices en cestemps extrêmement troublés par la pandé-mie de la Covid-19 ? Confrontée à une crisesanitaire sans précédent depuis la SecondeGuerre mondiale, à des défis de plus en pluscomplexes et variés et face aux économiesoccidentales et asiatiques encore dominan-tes mais désormais ébranlées, l’Afriquesubsaharienne développe des stratégiesentrepreneuriales affirmées, souvent origi-nales. La crise sanitaire liée à la Covid-19que le monde traverse conduira probable-ment à un changement de raisonnementvoire de paradigme quant à la mondialisa-tion : on ira peut-être dans le sens de ladémondialisation et de la réindustrialisa-tion : les relations entre le monde occiden-tal, l’Asie et l’Afrique s’en trouverontinévitablement bouleversées ne serait-ce

que du point de vue des chaînes logistiquesqui pourraient peut-être se rapprocher encoredavantage entre l’Europe et l’Afrique. Autotal, la résilience qui résultera de cette crisesans précédent impactera aussi bien lesécosystèmes d’affaires que les méthodes demanagement qui devront certainementapporter des réponses plus originales. Cesquestions et bien d’autres se posent avecd’autant plus d’acuité car le continent africainconnaît l’essor d’un véritable écosystèmeentrepreneurial dynamique qui constituesimultanément un outil durable de créationd’emplois et d’activités mais aussi un ressortessentiel au développement. De façon géné-rale, la dynamique économique et entrepre-neuriale enAfrique subsaharienne est de plusen plus spectaculaire, médiatisée, ancréemais aussi variée. Par exemple, selon lerapport 2017 « Women’s Entrepreneurs-hip » produit par le GEM (Global Entre-preneurship Monitor), l’Afrique est devenule premier continent de l’entrepreneuriatféminin avec une proportion de 27 % defemmes qui créent et développent desentreprises. De façon surprenante, onobserve que 70 % de ces femmes nebénéficient d’aucun financement. Une telledynamique entrepreneuriale est difficile àanalyser tant les dimensions cachées etoriginales semblent importantes et finale-ment à ce jour peu discutées. En ce sens, lerapport du GEM 2017 précise que trois payssortent du lot. Il s’agit du Kenya, du Nigeriamais aussi de l’Afrique du Sud, pays parfoisappelés « start-up nations » qui recueillent laplupart des 560 millions de dollars investisdans ces nouvelles formes d’entreprisesfondées sur des principes organisationnelsoriginaux.Malgré l’attrait de terrains de recherchepotentiellement féconds en Afrique

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subsaharienne – et en particulier s’agissantd’organisations de petite taille – les cher-cheurs en gestion ont délaissé pendantlongtemps ce champ d’investigation (Tid-jani et Kamdem, 2010). Depuis plusieursannées, une communauté d’enseignants-chercheurs francophones s’est progressive-ment constituée à la suite de taux de succèsplus élevés aux différents concours del’agrégation en sciences de gestion enparticulier durant les deux dernières décen-nies. Les contributions que l’on observe deplus en plus sur « l’entreprise africaine »(par exemple Worou, 2011 ; Nkakleu,2016 ; Hounkou, 2015) révèlent souventune « prééminence de pratiques informellessocialement ancrées dans la culture commu-nautaire » et la présence de pratiques degestion du personnel hybrides (Nyobe etPlane, 2020) même si le modèle arbitrairefondé sur le mode informel, des critèresintuitifs ou implicites, une formation sur letas et un management autoritaire et/oupaternaliste semble l’emporter sur le modèleobjectivant du point de vue des pratiquesRH en particulier au sein de petitesentreprises (Pichault et Nizet, 2000). Non-obstant, ces entreprises africaines sont aussicapables d’innovations organisationnelles,de flexibilité et de performances étonnantesdans des domaines d’activités assez variés(télécommunications, secteur minier, sec-teur des services et du divertissement, etc.).En effet, les agents économiques le plussouvent partent de ce qu’ils ont pourélaborer chemin faisant une aventure entre-preneuriale. Il se passe quelque chose de trèsparticulier, de spécifique et de passionnant àrelever en Afrique subsaharienne sur le plannotamment de l’entrepreneuriat effectual(Sarasvathy, 2001). Les considérations quisuivent et ce dossier consacré à

« l’entreprise africaine » tendent à étayerla thèse selon laquelle il s’agit effectivementd’étudier « ce quelque chose de trèsparticulier » sous l’angle des innovationsfrugales et parfois des ruptures (ou innova-tions radicales) que l’on peut observer.L’objet de recherche ne serait donc pas leculturalisme, ni même l’institutionnalismemais plutôt des situations de managementcontextualisées et ancrées dans des réalitéslocales. La finalité serait d’essayer dedévoiler et d’expliquer des mécanismescomplexes conduisant à des équilibressociaux ou à des performances pouvant êtreassez variables. L’effectuation apporte éga-lement un nouvel éclairage sur le frugalismeet sur lamanière de concevoir le processus dedécision et l’agilité de l’entrepreneur africain(voir l’entretien réalisé avec S. Sarasvathyproposé dans ce dossier). Ce dernier fixe sesobjectifs en fonction de ses moyens souventlimités et de ce qu’il est vraiment. C’estprobablement en essayant de décortiquer ceprocessus assez opaque que l’on comprendramieux cette façon de réussir et son chemi-nement. En effet, la plupart des dirigeantsafricains réussissent sans avoir suivi leprocessus dit linéaire et classique de créationet de développement d’une affaire (étude demarché, business plan, etc.). Le processusque l’on observe est beaucoup plus heuris-tique, plus personnel également et est fondésur des ressources plus ou moins disponiblesque le dirigeant est capable demobiliser ainsique sur les opportunités qui se présentent.Ce dossier spécial a aussi pour objectif deprésenter et d’investiguer cette dynamiqueet d’en souligner les dimensions cachéeset alternatives en particulier sur le plan de lagestion et du management. Au fond, quellesleçons peut-on tirer du management encontexte des entreprises africaines de petite

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taille ? Que valent ces connaissances sur leplan épistémologique et dans quelle mesurepeuvent-elles être transposables et ensei-gnables auprès de publics variés ? Quelssont les concepts et les mécanismesoriginaux qui semblent ressortir des situ-ations de gestion africaines observées sur unterrain souvent opaque mais complexe,riche et captivant ? Ce dossier chercheégalement, au travers des quatre articlesproposés, à contribuer à une meilleurecompréhension des réalités de terrainvécues par les acteurs généralement associésà l’entreprise africaine et ainsi de soulignerl’intérêt d’un enrichissement des connais-sances dans ce domaine. Sur le planmanagérial, le but recherché pour les auteursest de fournir à ces acteurs des pistes deréflexion et des leviers d’action importantspour contribuer au développement de laperformance de ces entreprises. En ce sens,cet article introductif cherche à élaborer unétat des lieux quant aux réflexions menéespar les chercheurs sur cette problématique,tout en proposant plusieurs éclairagespermettant de mieux agir en situation degestion. Ainsi, dans la première partie de cetarticle, deux approches structurant lesrecherches dans le champ investi, sontmises en évidence. Dans une seconde partie,et avant de présenter les contributions à cedossier, nous partirons à la recherched’alternatives africaines en management.

I – ÉTAT DES APPORTSDES CHERCHEURS EN SCIENCESDE GESTION SUR « L’ENTREPRISEAFRICAINE »

Sur le plan théorique, la question del’applicabilité des approches et des prati-ques globales de management dans les

entreprises africaines a souvent été unepréoccupation pour les chercheurs quis’intéressent aux pays émergents (Hoskis-son et al., 2000). Dans le contexte d’unegrande diversité culturelle et de la mondia-lisation, deux perspectives ont souvent étéopposées : la convergence et la divergence.La première postule l’existence de modèlesuniversels de gestion transcendant lesfrontières et mis en œuvre par assimilation.On est dans la perspective d’un modèleuniversaliste suivant lequel il existe desprescriptions standard applicables, assimi-lables et transposables à tous les contextes.La seconde est la perspective bien connuedéjà de la contingence. Elle présente deuxvisions. Dans la première, plus culturaliste,les entreprises africaines doivent puiser dansleurs valeurs et leur organisation sociétale,pour ériger les fondements d’unmanagementafricain propre (Bourgoin, 1984 ; Delalande,1987 ; Kamdem, 2002 ; Hernandez etKamdem, 2007). L’idée de bâtir un mana-gement africain singulier et distinctif estséduisante mais elle semble ignorer que laculture est une variable dynamique et doncqu’elle évolue au contact avec les autrestypes d’environnement. La seconde visionpostule que le management à l’occidentaledoit s’adapter et se transformer dans lecontexte africain, dans une sorte d’hybrida-tion ou de métissage entre les méthodesoccidentales et les valeurs africaines. Dans leprolongement de cette vision, Kiggunduet al. (1983) ont effectué une revuecomparative des recherches portant sur lesthéories du management. Ils y indiquent quedans le processus de transfert de compéten-ces, quand le noyau technique de l’organisa-tion en constitue le point central, le transfertdes théories des pays développés vers ceuxen développement ne pose généralement

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aucun problème. En revanche, lorsque lepoint central du transfert de compétences viseune relation entre l’organisation et sonenvironnement, l’application des théoriesoccidentales rencontre de sérieuses résistan-ces. Les différences et les décalages culturelssemblent incontournables et les gestionnairesdoivent inévitablement s’adapter aux spéci-ficités et à la culture locale. Trancher entre cesdeux perspectives est loin d’être aisé etdépend probablement du projet de recherche(applicabilité des pratiques de gestion occi-dentales versus appropriation des théories dela gestion). En ce sens, Hafsi et Farashashi(2005) montrent que les approches occiden-tales du management s’appliquent de plus enplus dans les entreprises africaines (apport dela théorie de la convergence) notamment àcause des pressions institutionnelles induitespar la mondialisation et par les organisationsinternationales telles que le FMI, la Banquemondiale ou encore les agences de l’ONU.Ces pressions de facto et de jure s’incarnentsous forme de normes, de lois et derèglements qui s’imposent à toutes les formesd’entreprises. Ainsi, les particularités del’environnement local tendent à s’estomperface aux lois, normes et processus inter-nationaux qui s’imposent à tous (apport de lathéorie institutionnelle).

1. « L’entreprise africaine »par les concepts de frugalité et d’agilité

Sur le plan conceptuel, plusieurs conceptssont, ici, mobilisés à titre indicatif. D’abord,celui de la frugalité qui a émergé récemmentdans la littérature académique mais quisemble correspondre à des pratiques liées àla simplicité et à la sobriété répanduesdepuis longtemps dans différentes régionsdu monde. Parler de frugalité consiste à

admettre l’idée stimulante qu’il est possiblede « faire mieux avec moins ». Plusieurspublications ayant connu un large succès, enparticulier les ouvrages de Radjou et al.(2013) et de Radjou et Prabhu (2015) surl’innovation frugale, ont fortement contri-bué à la popularité de ce concept et soulignél’intérêt de « savoir et pouvoir faire mieuxavec moins ». Généralement, ces travauxsur les innovations frugales sont abondam-ment cités. Appliqués à des situations demanagement africaines, il est aussi possibled’avancer l’idée d’innovation inversée dansle sens où les pays en développementpeuvent aussi apporter une innovation dansun pays développé.La réflexion sur les innovations frugales etles observations que l’on peut faire enAfrique subsaharienne permettent de parlerde la « débrouillardise » (« Jugaad » sui-vant le terme indien) dès lors que l’on estdans le cadre d’un produit moins cher quel’on met sur le marché et qui présente lacaractéristique d’être fondé davantage sur« l’ingéniosité et le bon sens que sur leprogrès technologique ». En Inde parexemple, plusieurs fabricants locaux detéléphones portables ont su développer unavantage concurrentiel face aux géants dudomaine, en inondant le marché de télé-phones bon marché qui fonctionnent avecdes batteries de très longue durée (plus de 2semaines). Ces entreprises qui pratiquentdes stratégies de coûts agressifs répondenttoutefois aux besoins de populations pau-vres avec un accès limité à l’électricité. Ellesopèrent par simplicité dans la mobilisationdes ressources et la réalisation des objectifsdès lors que les acteurs ont recours àl’informel, à des réseaux affinitaires, àdiverses formes de solidarité mais aussi àdes stratégies de contournement des

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contraintes (élimination des intermédiaires,entrepreneuriat effectual, prise en comptedes « règles de terrain » et des « gens d’enbas », etc.).Ensuite, le concept d’agilité est un construitplus ancien qui est souvent présenté commeune capacité pour une entreprise ou uneorganisation à « bouger avec justesse »,c’est-à-dire à mieux affronter les difficultéset à saisir les opportunités issues d’unenvironnement de plus en plus instable etturbulent. Néanmoins, ce concept demandelui aussi à être contextualisé et opération-nalisé, voire revisité à l’aune d’une pro-fonde transformation numérique selonSambamurthy et al. (2003) tant les repré-sentations des gestionnaires peuvent variernotamment sur ces dimensions de réactivité,de flexibilité, de rapidité, de technicité, decompétence et de talent. L’agilité estenvisagée dans le modèle de l’entrepriseafricaine comme la capacité à se dévelop-per et à saisir des opportunités malgré desruptures et des changements imprévisibles(émergence d’un virus mondialisé dévas-tateur, phénomènes climatiques, évolutionde la mode ou même des mœurs, etc.).C’est une « capacité de mouvement per-tinent individuel et collectif » (Barrandet al., 2018). En général, les auteurs parlentde stratégies frugales dès lors que cesentreprises africaines sont liées par descontrats implicites dans des contextescommunautaires au sein desquels il n’y apas de plans formels, de procédures écriteset une logique de pérennisation plutôt quede croissance. On relèvera aussi l’impact réeldu profil psychologique du dirigeant surla croissance des PME au Cameroun(Boubakary et al., 2017), en Côte d’Ivoire(Hernandez, 1997 ; Hernandez et Kamdem,2007), au Bénin (Sogbossi, 2010) ou

au Gabon (Ndoume Essingone, 2014 ;Mamboundou, 2009). Sur le plan de l’agilité,le dirigeant est souvent capable de saisirdiverses opportunités, peut chercher à essai-mer dans une autre ville (Libreville puis Port-Gentil et Franceville ou encore Oyem auGabon en Afrique centrale par exemple) ouencore chercher à se diversifier en fonctiondes évolutions de l’environnement danslequel il se trouve. Par exemple, on a puobserver l’évolution d’une Business Schoolvers une transformation digitale avérée etmaîtrisée. Sur le plan de la gestion deshommes, on parlera du modèle arbitraireagile de GRH (Nizet et Pichault, 2007)caractéristique d’un management paterna-liste (Hernandez et Kamdem, 2007), d’unegestion discrétionnaire par préférence où lerecrutement peut souvent se faire par parentéplutôt que par compétence, l’importance dela communauté créant des obligations fami-liales qui sont souvent une exigence commu-nautaire mais qui fait toujours l’objetd’adaptation au fil de l’eau.

2. « L’entreprise africaine »par une approche épistémologiqueet méthodologique singulière

Sur le plan épistémologique, les recherchessur la gestion en Afrique s’inscriventsouvent dans des paradigmes très différents.À côté de travaux fondés sur une conver-gence internationale de la gestion et dumanagement du fait de la globalisation, denombreuses recherches adoptent une appro-che culturaliste, voire même proposent cet« autre chose » que nous cherchons à saisirà savoir la description d’un systèmecohérent de management africain. Certainsauteurs débouchent sur la notion d’hybri-dité. D’autres travaux plutôt anglophones en

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sciences de gestion privilégient une approchedite « postcoloniale » tendant à souligner leseffets de domination subis par le continent etproposent de fonder une épistémologieafricaine seule à même de comprendre etd’appréhender les réalités locales (voirl’article de F.Y. Livian dans ce dossier).Sur les plans méthodologique et empi-rique, il est également important de tenircompte des profondes spécificités africai-nes. Celles-ci créent en effet des conditionsparticulières à la recherche en gestion, àl’action, à l’observation et plus générale-ment à la collecte et à l’analyse desinformations – faiblesse des donnéesstatistiques, informalité des règles, oralitédominante, cartographie des pouvoirs,manque d’accès au terrain, etc. – quipeuvent stimuler le déploiement de métho-des originales adaptées aux contextes. Encohérence avec plusieurs initiatives acadé-miques appréhendant et discutant la ges-tion et le management en contextesafricains (CAM 2017, CIL 2018 et 2019,ACIST 2018, AFAM 2018, AIMS 2019,AIM 2020, etc.), ce dossier s’interrogeaussi implicitement sur la valeur desconnaissances produites par les chercheurssur les entreprises africaines. Il reste centrésur les alternatives africaines en manage-ment qui oscillent entre frugalité en termesde moyens pratiques et agilité en termes demodes d’action et d’appropriation. Parexemple, la gestion des entreprises et desorganisations en Afrique – qu’elles soientformelles, informelles ou hybrides – faitl’objet de regards, de représentations etd’analyses parfois contradictoires.– Pour les uns, les handicaps structurels, ladomination des multinationales occidenta-les (et plus récemment encore chinoises,indiennes et asiatiques) ainsi que les

spécificités culturelles africaines empêchentun vrai développement et enferment lesentreprises africaines dans un rôle secon-daire et marginalisé.– Pour les autres, la forte croissancedémographique et économique du conti-nent, ainsi que ses richesses naturelles sontporteuses de grands espoirs et en fait un« eldorado des investisseurs » (Le Monde,2012). Le continent accueille ainsi desentreprises souples et innovantes, au seinde sociétés « où se joue l’avenir dumonde »(Mbembe, 2016).– Pour beaucoup, sans nier ou sous-estimerles réelles poches de croissance et deréussites entrepreneuriales, il reste indis-pensable néanmoins de souligner le lanci-nant problème de la distribution desrichesses créées localement et donc le peude bénéfice qu’en tirent des populationslocales qui restent encore largement ruraleset précarisées (Jacquemot et Brunel, 2014).C’est pourquoi une approche pragmatique,concrète et ancrée, proche des réalités socio-économiques, technologiques et managé-riales de l’organisation en Afrique permet-trait probablement d’éviter les diagnosticsparfois trop tranchés et de montrer larichesse, la diversité et la complexité deces évolutions qui ont émergé récemment(Mbembe, 2016).Plus spécifiquement encore, sur le planméthodologique, cette forte activité créativeimpose aussi de repenser, de discuter etfinalement d’élargir le modèle de manage-ment en Afrique, selon des modes spécifi-ques qui sauraient capitaliser sur les retoursd’expériences en montrant l’inadaptationdes pratiques et principes de gestion àl’occidentale aux particularités culturellesafricaines. Par ailleurs, épistémologique-ment parlant, il s’agit finalement de mettre

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en perspective théorique, conceptuelle,méthodologique et empirique, un manage-ment qui apparaît plus pragmatique et plusancré et qui reste centré sur les acteurs, leursréseaux, leurs stratégies, leurs projets, leursperceptions et leurs représentations, leursimaginaires, leurs dynamiques et, pluslargement, sur des écosystèmes d’affaires.En définitive, les travaux de recherchemenés en sciences de gestion sur, dans ouautour de « l’entreprise africaine », révèlentla diversité des problématiques traitées etmême des cadres théoriques mobilisés(culturalisme, institutionnalisme, sociologiede l’action, de la régulation conjointe ou dela traduction, etc.), et aussi la richesse d’unchamp de recherche assez aventureux etencore à investiguer.

II – À LA RECHERCHED’ALTERNATIVES AFRICAINESEN MANAGEMENT… QUELQUESPISTES

L’intérêt croissant que présente le continentafricain et les interrogations théoriques etconceptuelles qu’il soulève justifie l’en-gouement de plus en plus de chercheurspour cette thématique. En ce sens, plusieursperspectives et prolongement à ce dossierspécial semblent envisageables dès lors quel’on parle d’alternatives africaines enmanagement.

1. Enrichir l’analyse par une meilleureprise en compte de l’agircommunautaire et des intelligenceslocales

Afin de mieux appréhender la réalité de lasociété africaine et de son organisationsociale au sein de laquelle l’entreprise

occupe une place significative, il convientde revenir aux enseignements des travauxfondateurs de Ferdinand Tönnies, sociolo-gue et philosophe allemand (1855-1936) età sa théorie des deux volontés. PourTönnies, l’unité de base de la vie en sociétéest la relation sociale, ce qui implique uneforte interdépendance entre les acteurs.Cette relation sociale est fondée sur larencontre de deux volontés, la communautéet la société mais s’appuie sur une analysefondée autour de types psychiques collectifs(Tönnies, 2010 [1912]). Pour Tönnies lesrapports sociaux reposent sur des fonde-ments psychiques. Ces rapports sont consti-tués de relations entre ce qu’il appelle des« volontés humaines », volontés envisagéescomme l’ensemble des mécanismes quimotivent l’attitude des individus les uns àl’égard des autres. En ce sens, la volontés’exprime de deux façons selon Tönnies ;une volonté organique (naturaliste) dans lesens où elle exprime directement un besoinvital, spontané voire impulsif et intuitif chezl’homme par opposition à une volontéréfléchie (domination de la pensée et de laraison sur les autres états de l’être). Volontéorganique d’un côté (la passion, l’impul-sion, le don, la générosité, etc.), volontéréfléchie de l’autre (le calcul, le rationnel,l’opportunisme, etc.), on le voit bien,l’apport de Tönnies est de montrer que cesdeux volontés inspirent à l’activité humainedes conduites différentes sinon contradictoi-res pouvant conduire ainsi à deux types derapports sociaux : les relations communau-taires et les relations sociétaires. De façongénérale, pour Tönnies, l’opposition de lacommunauté et de la société repose surl’idée que le tissu social ne se résume passeulement à de simples rapports contrac-tuels entre les individus. D’autres liens,

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notamment familiaux, préexistent et per-durent. Ils ont leur raison d’être et deman-dent à être pris en compte. En ce sens, lanotion des relations communautaires deTönnies est éclairante pour mieux enrichirl’analyse de l’entreprise africaine dans lesens où elle se caractérise par la proximitédes hommes, le partage des intérêts, lachaleur des rapports. Tönnies décrit ainsi unsentiment d’appartenance à la même col-lectivité qui domine à la fois la pensée et lesactes des personnes. Fondée sur l’union et lacoopération, la communauté inclut le sang(la famille, le clan, la parenté, et.), le lieu(voisinage, village, petites collectivités,etc.) mais aussi l’esprit (consensus autourd’idées ou de sentiments). Au total, lacommunauté est une organisation socialeobéissant à une logique bien précise ets’opposant d’un point de vue idéal typique àla logique sociétaire. Bref, l’individun’existe pas au sein d’une communauté.Le clan, la famille, l’esprit de communautésont des traits caractéristiques que lesauteurs de ce dossier observent empirique-ment en Afrique. Par exemple, ce qui sepasse dans la famille, on le retrouve dansl’entreprise. Le chef de famille est aussi lechef d’entreprise et la forme verticale,hiérarchique, valorielle aussi est dominantedans l’entreprise africaine de petite taille.Cependant, la mondialisation et ses effets etl’influence de l’Occident (du « nord »)induisent aussi de nouveaux comporte-ments : montée de l’individualisme, ducalcul économique, de la recherche duprofit, des comportements opportunistes,etc. En Afrique, le modèle de la commu-nauté est aussi caractéristique du monderural (éloignement des villes, le personneldes entreprises est souvent composite,soumis à de fortes contraintes locales,

etc.). Généralement, on cherche à adapteravec une certaine agilité l’organisation dutravail à la situation locale : répartition dutravail par ethnie, roulement ethnique dansle recrutement des jeunes, distribution de lapaye en espèces, etc. Sur le plan théorique,Livian (Livian et Reynaud, 2003) suggèresouvent de mobiliser le cadrethéorique de la régulation conjointe (Rey-naud, 1989) qui convient bien pour montrerles tensions entre les règles officielles,formelles, qui viennent d’en haut et lesrègles autonomes (qui viennent d’en bas) etles accommodements. Par ailleurs, on aaussi souvent observé des contournements,des ruses ou de séductions (stratégiesd’acteurs) incompréhensibles vus du« nord » mais cohérentes du point de vuede l’intelligence des acteurs (souvent « lesgens d’en bas ») et de leurs rationalitésinvisibles (voir l’analyse du cas Naomi dansPlane, 2008, 2019). En définitive, il sembleque dans beaucoup d’entreprises commu-nautaires, les règles « de terrain » l’empor-tent souvent sur « les règles officielles ».

2. Considérer l’imaginaire,la spiritualité et leurs impactssur les organisations africaineset les stratégies d’acteurs

Avec le développement de réflexions sur les« dimensions oubliées » dans l’analyse desorganisations (Chanlat, 1990), les questionsde l’imaginaire et de la « vie psychique »font l’objet de travaux relativement récents(par exemple l’analyse en termes de« fantômes organisationnels », Bazin etLeclair, 2019). La sorcellerie et le mysti-cisme constituent des réalités pour lesacteurs des organisations africaines.Comme le montre très bien dans ce dossier

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le texte de Biwolé-Fouda, l’imaginairesorcellaire et, plus globalement, le mysti-cisme peuvent constituer des ressourcesidiosyncratiques qu’un entrepreneur parexemples au Cameroun, au Gabon, auSénégal, au Bénin ou au Togo peut chercherà développer pour asseoir sa positionconcurrentielle compte tenu de son histoirepersonnelle, de sa spiritualité et de son vécu.La sorcellerie est omniprésente en Afriquesubsaharienne (Kamdem et Tedongmo,2015). Suivant ces auteurs, il est possibled’avoir en Afrique une lecture socio-anthropologique du pouvoir dans l’organi-sation. En rapport étroit avec le mondeinvisible ou même mystique, l’univers de lasorcellerie est caractéristique du « systèmesymbolique de croyances et de représenta-tions collectives ». Certes, celui-ci estpresque introuvable pour le chercheur engestion. Cela dit, au Cameroun comme danstoute l’Afrique subsaharienne, la sorcellerieest une pratique courante mais « en parler,c’est déjà en faire » (Favret-Saada, 1977) cequi explique une culture du silence, dusecret et du sacré autour des pratiquessorcellaires, souvent envisagées comme desrecours en vue de faire face à desoppositions, des concurrences, des compé-titions ou même des conflits. L’organisationafricaine semble constituer un lieu où lasorcellerie prend la forme « d’un art demettre en scène les rapports sociaux »(Abéga et Abé, 2005). Dans son texte,Biwolé Fouda identifie plusieurs types derecours à la sorcellerie : le recours offensif(ensorceler), le recours défensif (désensor-celer) et l’indifférence (neutralité). Enrésumé, il existerait des forces invisiblesextérieures aux hommes et capables d’avoirune influence considérable sur leur deveniret sur la vie psychique de l’organisation

(Enriquez, 1992). Par ailleurs, la religion etla spiritualité occupent une place de plus enplus importante dans les recherches ensciences de gestion (Henley, 2016 ; Honore,2014). Certains succès entrepreneuriauxs’expliquent par les impacts de la religionet des mouvements spirituels. Par exemple,Simen et Agne (2015) montrent quel’acceptation des pratiques religieusescontribuent à améliorer la productivité dansles entreprises sénégalaises. La proliférationen Afrique de mouvements spirituels assezvariés, de la religiosité aussi s’expliqueraitpar la volonté des personnes de lutter contredes forces mystiques considérées commeparticulièrement agissantes. Pour finir sur cepoint, rappelons que l’organisation socialeafricaine est complexe ; elle a ses proprescodes, ses croyances profondes qui rejail-lissent profondément sur le sociétal.

3. Améliorer la compréhensionde la culture pour mieux appréhenderles modes de gouvernanceet le management stratégique

De nombreux travaux sur le fonctionnementdes entreprises africaines insistent sur lepaternalisme comme mode de gouvernanceencore dominant. Celui-ci demeureaujourd’hui très caractéristique notamments’agissant des petites organisations ; le chefd’entreprise est en même temps le chef defamille, de clan, etc. Il semble décider detout… On retrouve un fonctionnementfamilial dans la plupart de ces entreprisesen Afrique subsaharienne. La verticalité estliée à la structure de la société africaine oùl’on va du plus petit au plus grand(importance de l’âge, du droit d’ainesse,etc.). Dans cette perspective, le chefd’entreprise prend inévitablement des

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décisions arbitraires, souvent discrétionnai-res (il peut parfois faire preuve de favori-tisme, etc.). Cependant, il n’existe pas uneculture africaine homogène et identiquemais des cultures africaines car l’environ-nement écologique, les traditions locales,les religions, l’expérience coloniale, lerapport à la modernité, etc. sont autant defacteurs qui ont façonné différemment lespeuples africains (Kamdem, 2002). Si ceconstat est vrai, il n’en demeure pas moinsqu’il existe un substrat culturel commun auxpeuples africains. Ainsi, les travaux d’Hofs-tede (1980, 2010) ont montré que les peuplesafricains tendent à être plus hiérarchisés,autoritaires, paternalistes et loyaux enversleurs groupes d’appartenance. Ouedraogo etAtangana-Abé (2014) ont analysé récem-ment les adaptations nécessaires à la cultureafricaine qui permettent de faciliter lacompréhension de leur gouvernance ainsiquede leur gestion stratégique.Ces adaptionssont ainsi déclinées à travers six logiques : lalogique depouvoir, la logiquede solidarité, lalogique de la parenté symbolique, la logiquede l’arbre à palabres, la logique polychro-nique et la logique fataliste. La logique depouvoir consiste à revenir à ce qu’étaitl’Afrique traditionnelle : des communautésorales qui accordaient une importancecapitale à l’expérience cumulée, où lepatriarche était le plus ancien, le plus informé(Balandier, 1967). L’unité de base était lafamille. Ainsi, quand des familles s’asso-ciaient et mettaient en commun leursintérêts, elles formaient un village dont lechef était le premier parmi ses pairs. Cedernier était chargé d’attribuer d’importan-tes responsabilités à ceux qu’il estimaitaptes et jugeait de leur performance endernière analyse (Asso, 1976). Finalement,il existait un chef traditionnel animiste ou

islamisé qui exerçait un pouvoir sacré etsurtout quasiment incontestable. La logiquede solidarité s’apparente au mode de viedans les villages en Afrique. C’est unschéma de régulation sociale avec unconseil des sages. Ce ne sont pas desindividus avec qui vous avez affaire, maisdes communautés avec des déléguéscommunautaires. Les gens passent par cesrelais pour être représentés. Cela instaure unrapport de force particulier qui se conciliemal avec la vision occidentale qui veutqu’un contrat ou un engagement soit passé àtitre individuel. Au total, cette logique semanifeste par un système de droits etd’obligations que les membres de l’organi-sation ont les uns envers les autres. Il s’agit,pour le groupe, de l’obligation d’assurercollectivement la protection et l’épanouis-sement de chacun de ses membres. Ellecontribue à assainir le climat social, àstimuler l’implication des employés et àfavoriser une certaine productivité. Lessalariés considèrent alors leur entreprisecomme une seconde famille et la productionde richesses comme un effort collectif(Ouedraogo et Atangana-Abé, 2014). Latroisième logique est celle de la parentésymbolique.Que ce soit auBurkina Faso, auCameroun ou au Bénin, la parenté symbo-lique – plus connue sous le nom de parenté àplaisanterie – est une pratique légendaire quiexiste entre les ethnies, les clans et lesindividus de générations différentes. Ellepeut parfois contribuer au déploiement de lastratégie dans la mesure où le dirigeant a sutisser des liens entre les membres del’organisation qui ne sont pas nécessairementde nature biologique. Le rôle du dirigeantconsiste alors à recréer au sein de sonorganisation cette forme de parenté enassimilant l’organisation à une grande famille

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qui transcende les liens de parenté réels entrecertains de ses membres. En conséquence,beaucoup de choses entreprises doivent êtreinévitablement parrainées ; la gestion et lasélection des personnes se font le plussouvent par parrainage (un réseau, unecommunauté, un frère, un parent, etc.). Plusparticulièrement au sein des petites unités deproduction, les gens sont généralementadoubés par d’autres (logique de parentésymbolique).La quatrième logique est celle de l’arbre àpalabres. Palabrer est une coutume derencontre et de création ou de maintien delien social ; la palabre est une véritableinstitution sociale à laquelle participe touteou partie de la communauté d’un village. Lalogique de l’arbre à palabres est unecoutume qui permet de régler un conten-tieux sans que les protagonistes ne soientlésés. En Afrique, on se réunit au pied del’arbre à palabres pour discuter des déci-sions importantes à prendre pour l’avenir dela communauté (Chevrier, 2005). Finale-ment, on est presque dans la perspectived’un modèle discursif ou à la rigueur d’une« organisation dialogique » même si l’ap-proche ici est plus verticale. L’arbre àpalabres est une sorte de forum informelmais hiérarchisé où tous les problèmes de lacité se discutent sans tabou. Les sagesécoutent, discutent et analysent les pro-blèmes dans toutes leurs dimensions etprennent les décisions dans respect de lacohésion sociale du groupe (Bourgoin,1984 ; Kessy, 1998). La logique polychro-nique correspond à une culture qui n’ac-cepte pas bien d’être soumise au diktat dutemps. Celui-ci n’est pas perçu commedevant être géré ou mesuré; il est néanmoinsanalysé en référence à des événements ou àdes manifestations de la nature (Kessy,

2010) : les saisons, les épidémies, le chantdu coq ou du rossignol, le lever du soleil ouson coucher, etc. Cette logique polychro-nique favorise l’adhésion et la recherche deconsensus. Rien ne sert de précipiter leschoses, de prendre une décision dansl’urgence en attendant que les conséquencessuivent. Les acteurs au développement enAfrique et les réflexions autour de lagouvernance savent que sans patience, riende concret et de productif ne peut se faire enAfrique (Musambi, 1996). Si l’on veut parexemple construire une école dans unvillage, et pour peu que la construction nesoit pas dans les normes de la région, ilfaudra longuement tenir une palabre pourobtenir l’intérêt, puis l’adhésion des villa-geois. De façon très empirique, on peutparfois avoir l’impression que les Africainsdonnent souvent l’impression de se mouvoiravec lenteur et en même temps de ne pasvraiment savoir anticiper. Pour finir, on peutaussi évoquer la logique fataliste (sixièmelogique). En effet, on peut rencontrer dans laculture de certains pays africains, despersonnes qui utilisent l’expression « siDieu le veut » ou « Inchallah ». À l’origine,ces expressions traduisent une humilité etune modestie face à la volonté de Dieu. Elles’exprime ainsi : « je m’engage à réaliserquelque chose, tout en sachant que lavolonté de Dieu est plus forte ». Malheu-reusement, cette attitude d’humilité aparfois été détournée au profit d’un fata-lisme irresponsable. Ce dernier inhiberaitl’esprit d’entreprise et saperait, par le biaisde l’absence de responsabilité, la confiancemutuelle, deux attitudes essentielles pour ledéveloppement (Gendreau, 1998 ; Kabou,1991 ; Ouedraogo et Atangana-Abé, 2014).On le sait, la culture en Afrique est unconcept compliqué (Hounkou, 2015) et il

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existe certainement d’autres dimensions àexplorer et à discuter. Par exemple, lesdimensions sociales et relationnelles peu-vent avoir de réels impacts sur le « systèmed’action concret » d’une organisation (lavisite d’un beau-père peut amener ledirigeant à tout interrompre pour le recevoir,etc.). La division sexuelle du travail et lerôle particulier des femmes dans l’économie(l’entrepreneuriat féminin en particulier,Glidja, 2019 ou encore le rôle de lapolygamie et des relations homme/femme,etc.) ont aussi des impacts considérables surl’organisation sociale.Cependant, les six dimensions mises enévidence permettent de mieux interpréter lesmodes de gouvernance et les styles deleadership parfois bien difficiles à décryptersans ces codes (Nkakleu, Plane, Tchankam,2017 ; Nyobe et Plane, 2020). En somme,ces réflexions indiquent qu’il y a certaine-ment lieu d’intégrer le raisonnement de lacontingence mais aussi de la synergique(Hampden-Turner et Trompenaars, 2000 ;Barmeyer, 2008) pour contribuer à l’amé-lioration des modes de gouvernance, del’équilibre social à respecter et de laperformance globale (Sogbossi, 2010). Eneffet, la synergie culturelle s’avère êtrel’approche appropriée pour tenter d’arrimerles divergences culturelles dans une démar-che de management stratégique. SelonBarmeyer (2008), cette approche tente deprendre en considération les aspects positifsrelatifs aux divergences culturelles afin depermettre un ajustement mutuel de valeursopposées. Pour Hampden-Turner et Trom-penaars (2000), cette approche de lasynergie culturelle cherche à réconcilierdes oppositions culturelles pour créer unevaleur ajoutée à la rencontre interculturelle.Elle pourrait conduire à l’élaboration de

modèles de gestion à valeur ajoutée enarrimant plus harmonieusement des valeursa priori opposées comme celles du partageou de la performance. Par exemple, il doitêtre possible de réconcilier la politique derémunération basée sur des valeurs departage avec les principes d’équité large-ment soulignés dans les modèles demanagement à l’occidentale ou encore devaloriser la socialisation des salariés parleurs relations de travail comme c’estparfois le cas au Cameroun (Kamninget al., 2020). De même, on doit être capablede réconcilier les valeurs liées au partageavec l’idée de la performance collectived’équipes de travail occidentales. De tellessynergies peuvent mener à des solutionsconstructives au sujet de possibles opposi-tions culturelles, notamment dans le numé-rique (Bidan et al., 2020).

4. Les contributions des auteursà ce dossier

Le texte proposé par Y.-F. Livian constitueune contribution qui expose l’intérêt et leslimites de trois pôles théoriques utilisablespour situer une recherche en contexteafricain. En premier lieu, le pôle culturalistequi semble rester dominant et qui analyseles modèles de management africaincomme hiérarchisés, paternalistes, ethni-ques, communautaires et spirituels. Lapersonne est intégrée dans un ensembleplus ou moins cohérent dont elle n’est passéparable. Ces modèles sont décrits commefondé sur la solidarité, le collectivisme, ladisponibilité et l’empathie. D’une certainemanière, les culturalistes évoquent un« modèle circulatoire » (Mutabazi, 2006)caractérisé par des échanges globaux sym-boliques, spirituels mais aussi économiques

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et sociaux dominés par la recherche du biencommun à la communauté. Livian évoquecomme principale limite à ce modèle sonessentialisme conduisant à élaborer desmodèles fictifs n’ayant que peu d’emprisesur la réalité. Enfin, le courant de la« crossvergence » est évoqué comme unehybridation des convergences et des diver-gences culturelles, c’est-à-dire « unecombinaison dynamique associant des for-ces socio-culturelles et l’idéologie généraledu business international » même si les« transpositions managériales » semblentl’emporter sur les pratiques « indigènes ».En deuxième lieu, le pôle institutionnalisteexprime l’idée suivant laquelle les organi-sations africaines et leur gouvernanceseraient ici façonnées par les normes, lesrègles, le système de formation, les lois et ledroit international. Livian évoque à justetitre les travaux de Whitley (1999) et lanotion de « business system » permettantde mettre en évidence les normes et valeursdominantes, le rôle des États-nations, lastructure de financement des entreprises,etc. L’idée principale est de monter l’encas-trement du management à l’intérieur d’uncadre d’analyse sociopolitique plus largemais cette approche ne permet pas de biensaisir les idéologies, routines ou contraintesinformelles davantage circulaires mais pou-vant avoir un impact très fort sur lesentreprises et les organisations. Enfin eten troisième lieu, Livian suggère un pôlepostcolonial qui pense la recherche encontexte africain à partir d’une inégaliténord/sud et le retournement qu’elle devraitprovoquer chez des penseurs ou desintellectuels cherchant des grilles d’analyseou des « modes de pensée plus autonomeset d’égale valeur à ceux importés del’extérieur et mieux adaptés aux contextes

locaux ». Fondé sur le rejet des conceptionsoccidentales du monde, il y a lieu selon lestenants de ce courant de chercher d’autresapproches plus « indéterminées » et davan-tage ancrées dans la conception africaine del’homme en société. Ce courant postcolo-nial dans les recherches en managementremet totalement la doxa des gestionnaireset vise à décoloniser des notions longtempsprésentées comme universelles. Cependant,une telle approche est également probléma-tique tant elle cherche à « essentialiser » lescultures et à minimiser l’impact du mondeglobal sur les méthodes de management et lagestion. Par ailleurs, comme le soulignejustement Livian, l’Afrique est un continentcaractérisé par une dynamique de lamobilité et de la circulation et les repré-sentations que les africains ont de leurentreprise et de leur mode de gestion sontinévitablement composites et le produitd’un « cosmopolitisme et des valeursd’autochnie » (Mbembe, 2000 cité parLivian). Opposant d’une certaine manièreAfrique et Occident, ce courant postcolo-nialiste pose enfin des problèmes épistémo-logiques quasiment insolubles car ils’agirait d’imaginer une science de lagestion qui ne serait que locale.Au total, l’apport de Livian est de montrer lapertinence de ces trois pôles pour réaliser unerecherche en contexte africain. Ces pôlesprésentent l’intérêt de mener à une approcheapprofondie du terrain africain, privilégiantune dimension collective et relativisant lepoids des modèles. Ils s’opposent ainsi à une« vision technocratique de la gestion » etpermettent une meilleure compréhension dece qui se joue dans les rapports de force voirede domination ou encore dans l’analysecritique des écosystèmes d’affaires et desreprésentations qu’ils suscitent. Sur le plan

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méthodologique, l’auteur nous invite àmettre l’accent sur l’analyse de réalitéslocales notamment par des méthodologiesqualitatives enmettant en avant la façon dontles africains gèrent le local et le global. Enfin,l’analyse critique des accommodements, descompromis ainsi que des « contournementset ruses » (Plane, 2000) permet de concep-tualiser différentes formes d’hybridation despratiques parfois inédites et sources d’équi-libre social ou même parfois de performancedans une organisations. Bref, c’est enassumant le composite (Mbembe, 2016) oumême le « métissage » (Laplantine, 2001)que l’on pourra tirer des enseignements desexpériences africaines afin qu’elle puissedevenir – dans le meilleur des cas – desalternatives africaines. Suivant Livian, laphilosophie africaine pourrait à la fois êtreune contribution à la pensée critique (rejetantl’universalisme des modèles) et développantenfin une « pensée d’appartenances multi-ples » qu’il y a lieu d’assumer pour mener àbien ce type de réflexion.Le texte de Geneviève Causse et de JeanBiwolé-Fouda développe les spécificités dece que serait le modèle de l’entrepriseafricaine subsaharienne en particulier dupoint de vue de ses capacités de frugalité etd’agilité comme facteurs explicatifs de sondynamisme. Les auteurs fondent leurraisonnement sur un postulat : l’entrepriseafricaine existe. Partant de l’idée de Koanda(2005) suivant laquelle il coexisterait troiscatégories d’entreprises : les entreprisescontrôlées, les entreprises publiques et lesentreprises communautaires, les auteursvont s’intéresser aux entreprises qui relèventsouvent du secteur informel et qui sont cesentreprises communautaires même si lesdeux premières catégories peuvent incluredes pratiques traditionnelles ce qui peut

aussi amener à parler des formes d’hybri-dation (Bakengela Shamba et Livian,2014). Ils font alors l’hypothèse quel’Afrique est un continent relativementhomogène au sein duquel il est possibled’élaborer un idéal type au sens de Weberde ce qu’est le modèle de l’entrepriseafricaine. L’entreprise africaine dont il estquestion ici présente les spécificités degestion de la petite entreprise telles qu’ellesont déjà été bien conceptualisées (Mar-chesnay, 1991). En ce sens, on peut repérerdans la plupart des cas dans l’entrepriseafricaine « communautaire », une omni-présence du dirigeant-fondateur, une sim-plicité du système d’information et degestion, un management de proximité, uneabsence de procédures ou du moins d’unebureaucratie ainsi que l’influence de l’âge duchef, de son milieu social d’appartenance etde son niveau d’éducation mais aussi deses expériences passées et des variablespsychosociologiques assez variées (besoinde réalisation de soi, besoin de pouvoir,aptitudes au leadership, etc.). L’entrepriseafricaine est alors envisagée comme étantfortement influencée par un contexte culturelprécis à savoir le rôle de la communautécaractérisé par une appartenance à desgroupes plus ou moins élargis comme lafamille, le village ou l’ethnie. Ces apparte-nances créent des devoirs mais ne sont passans contreparties : elles apportent de laloyauté, de la confiance et le respect des ainésnotamment. Aufinal, le chef d’entreprise agittel un chef de famille voire, dans beaucoup decas, tel un chef de village. Lemode de gestionen est fortement influencés. Les auteursdiscutent du « comportement organisation-nel » de l’entreprise africaine à partir desdeux concepts privilégiés dans ce dossierspécial : la frugalité et l’agilité. En premier

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lieu, les auteurs développent le concept defrugalité qui se définit par l’idée qu’il estpossible de « faire mieux avec moins ». Enmobilisant les travaux de Radjou et Prabhu(2015) sur les innovations frugales, lesauteurs développent aussi l’idée d’innova-tion inversée. La réflexion sur les innovationsfrugales et les observations que l’on peutfaire en Afrique subsaharienne permettent deparler de la « débrouillardise » (« Jugaad »suivant le terme indien) dès lors que l’on estdans le cadre d’un produit moins cher quel’on met sur le marché et qui présente lacaractéristique d’être fondé davantage sur« l’ingéniosité et le bon sens que sur leprogrès technologique ». Les multiplesobservations des auteurs en contexteindiquent que l’on est bien dans le cadred’une simplicité dans « la mobilisation desressources et la réalisation des objectifs »dès lors que les agents économiques ontrecours à diverses formes de solidarité et delogiques de contournement. En secondlieu, le concept d’agilité est envisagé dansle modèle de l’entreprise africaine commela capacité à se développer et à saisir desopportunités malgré des ruptures et deschangements imprévisibles (émergenced’un virus dévastateur, phénomènes cli-matiques, évolution de la mode ou mêmedes mœurs, etc.). C’est cette « capacité demouvement permanent individuel et col-lectif » (Barrand et al., 2018). Les auteursparlent de stratégies frugales dès lors queces entreprises africaines sont liées par descontrats implicites dans des contextescommunautaires au sein desquels il n’y apas de plans formels, de procédures écriteset une logique de pérennisation plutôt quede croissance. Sur le plan de l’agilité, lechef d’entreprise est capable de saisirdiverses opportunités, peut chercher à

essaimer dans une autre ville ou encorechercher à se diversifier en fonction desévolutions de l’environnement dans lequelil se trouve. Sur le plan de la gestion deshommes, on parlera du modèle arbitraire deGRH (Nizet et Pichault, 2007) caractéris-tique d’une gestion par préférences où lerecrutement peut souvent se faire parparenté plutôt que par compétences ;l’importance de la communauté crée desobligations familiales qui sont souvent uneexigence communautaire forte. La place dela confiance est centrale dans ce modèlearbitraire car porteur de flexibilité dans letravail et d’attachement à l’entreprise. Surle plan du marketing, les ventes deproximité sont souvent privilégiées ainsiqu’une approche très relationnelle. Dansles domaines de la comptabilité et de lafinance, il n’y a pas vraiment de séparationentre le patrimoine personnel du dirigeantet le patrimoine de l’entreprise. Au final,l’accent est davantage mis sur la perfor-mance globale que sur des ratios rarementformalisés. On retrouve aussi l’approche deMauss en termes de système de don et decontre-don avec la famille élargie voireparfois même le village. Sur le plan de lalogistique, beaucoup de décisions sontintuitives et les transports peu onéreux etune gestion des flux (taxis) et des stockspar la débrouillardise est très courante. Aufinal, les auteurs avancent l’idée auda-cieuse d’une « théorie des organisationsafricaines » revisitée et qui reposerait sursa propre rationalité. Celle-ci se justified’autant plus pour les entreprises typique-ment africaines (communautaires) au seindesquelles les frugalités observées condui-sent à beaucoup d’agilités dans les diffé-rents domaines de la gestion. Reste àpoursuivre l’exploration de ce modèle et à

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l’enrichir notamment à l’aune des trans-formations numériques qui s’opèrent.Le texte de Jean Biwolé-Fouda et HenriTedongmo Teko s’intéresse aux pratiquesde sorcellerie en matière de management dela petite entreprise au Cameroun et présentele phénomène comme « une dimensionoubliée » des recherches en management.Les auteurs se demandent dans quellemesure les pratiques de sorcellerie influen-cent la dynamique concurrentielle de petitesentreprises en contexte camerounais. Àtravers la prise en considération de variablesirrationnelles, ils interrogent les conceptsd’imaginaire sorcellaire et ses impacts surles organisations en termes de dynamiqueconcurrentielle. Ces pratiques sont généra-lement cachées et présentées comme cultu-rellement ancrées. Elles pourraient fournirde nouvelles clés de lecture pour appré-hender cette catégorie d’entreprises. L’ori-ginalité du texte réside bien dans la mise enrelation entre l’univers rationnel de ladynamique concurrentielle et celui plusirrationnel de la sorcellerie. L’ensembleest présenté ainsi comme deux universantinomiques n’ayant aucune relation entreeux. La sorcellerie est appréhendée dans letexte comme une « croyance selon laquellele malheur inexpliqué est dû à l’intentionmaléfique d’individus dotés de pouvoirsurnaturels » (Clément, 2003). D’une cer-taine manière, nous serions bien dans unesorte de management de l’invisible (uneinvisibilité du mal en l’occurrence ici)caractéristique du monde sorcellaire. Lesauteurs présentent ce monde comme spiri-tuel, fondé sur la puissance et destiné àrétablir un équilibre comportemental dansune logique de conquête et/ou de conserva-tion du pouvoir et de privilèges. En ce sens,la sorcellerie est étudiée dans l’article

comme un processus de domination quasi-ment au sens de Marx. Sur le plan théorique,la théorie des logiques d’action est mobilisée(Amblard et al., 1996) dans le sens où elleinterprète les stratégies d’acteurs associéesaux situations de gestion. Les auteursmobilisent une méthodologie qualitative ets’appuient sur laméthode des cas. Troismini-cas d’entrepreneurs camerounais sont ainsianalysés à partir de trois types de situationface aux pratiques sorcellaires (offensive/défensive/neutre) et une enquête de terrain aété réalisée auprès de 60 entrepreneursopérant dans les secteurs du textile et del’habillement dans plusieurs marchés cen-traux au Cameroun. L’analyse des trois casproposés par les auteurs indique bien que lemarché est davantage un espace de rencontresentre dirigeants aux « trajectoires biographi-ques » variées ainsi qu’aux « imaginaires »réels. En ce sens, l’imaginaire sorcellaireapparaît comme une ressource idiosyncra-tique que l’entrepreneur développe pourasseoir sa position concurrentielle comptetenu de son histoire familiale, de sesréférences spirituelles et de son expériencepassée. L’agir sorcellaire est une pratique quisemble courante mais en parler, c’est déjà enfaire cequi expliqueune culture dusilence, dusecret et du sacré autour de ces actionsenvisageés comme des recours en vued’affronter des situations concurrentielles.Trois types de recours sont ainsi suggérés : lerecours offensif (stratégie d’ensorceleur), lerecours défensif (stratégie de désensorceleur)et l’indifférent (stratégie de neutralité).Finalement, la recherche proposée montrel’importance en Afrique subsaharienne d’unmanagement par l’invisible mobilisant dansbeaucoup de cas un monde magique, sacrédavantage que la rationalité technico-éco-nomique. Les matériaux qualitatifs de

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Biwolé-Fouda et Tedongmo Teko montrentl’importance des pratiques magiques etspirituelles et leurs impacts dans l’universtrès concurrentiel auquel sont confrontéesles petites entreprises.Le texte de Marielle A. Aka analyse la façondont les indicateurs caractéristiques desmécanismes de clan se manifeste dans lecontrôle de gestion de PME dirigées par desafricains en Côte d’Ivoire. L’auteure s’ap-puie notamment sur le cadre d’analyseproposé par Ouchi pour développer l’idéeque dans le mécanisme du clan, le contrôleformel est remplacé par une culturecommune produisant une socialisation quise manifeste notamment par un partage desvaleurs. S’agissant de l’entreprise africaine,l’auteure parle de clan caractérisé par unensemble d’acteurs développant des butscommuns et un partage d’attentes en termesde rôles et de comportements (la loyautéétant une valeur dominante). Aka discute dela PME africaine en Côte d’Ivoire par sonaspect communautaire mais aussi à partird’une stratégie intuitive et peu formalisée.Opposant de façon un peu schématique,l’entrepreneur individualiste et rationneloccidental à l’entrepreneur communautaireafricain (qui intègre une dimension sociale),l’auteure rappelle à juste titre les nombreu-ses solidarités ethniques, familiales, reli-gieuse ou claniques traversées par ces PMEivoiriennes. Au fond, l’entrepreneur estavant tout un chef de famille et les relationsd’emploi résultant souvent de liens deparenté. Dominés par des relations d’allé-geance entre les ainés et les autres, lesmembres du clan se sentent redevables deleur emploi ; suivant cette logique norma-tive, ils doivent en contrepartie obéissance,loyauté et respect. Suivant cette logique, lagestion du personnel est essentiellement

discrétionnaire et revêt inévitablement uncaractère arbitraire. L’analyse de l’enquêteréalisée par l’auteure dans l’environnementivoirien montre bien l’importance d’unegestion fondée sur la standardisation desvaleurs et des normes de comportement. Laméthodologie mobilisée est qualitative et letexte repose sur un échantillon de conve-nance de 40 entretiens réalisés auprès dedirigeants africains de PME ivoiriennes.L’analyse des résultats révèle la présencedes six indicateurs caractéristiques desmécanismes du clan selon l’approche deOuchi : procédures utilisées pour les recru-tements, méthodes de suivi des activités,maîtrise des actions des employés, compor-tement au travail des employés, sources demotivations des employés et sources desatisfaction des dirigeants. Finalement,l’auteure suggère que le contrôle de gestionen Afrique est très fortement dépendant dudirigeant dans les PME ivoiriennes et que lemécanisme du clan constitue un moyenefficace pour la prise de décision et laréalisation des buts de l’entreprise.Pour finir et avant de conclure, il y acertainement lieu d’élaborer un agenda derecherche peut être en vue d’un seconddossier consacré aux alternatives africainesen management tant le terrain est fécond.D’abord, il faudra probablement tirer desenseignements des effets et des solutionslocales imaginées en situation de manage-ment par les acteurs du développement del’Afrique subsaharienne. Ensuite, des inter-rogations pourront être suscitées par lesprobables transformations des chaîneslogistiques induites par la crise sanitaireprovoquée par la pandémie de coronaviruset ses impacts sur les approches de la gestiondes hommes et de structures. Enfin, il faudracertainement poursuivre la réflexion en

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cherchant à mesurer les effets de latransformation digitale en termes d’agilitéet de frugalité en particulier et en essayantaussi de croiser les regards de chercheursprovenant d’univers disciplinaires variés(sciences de gestion, sciences humaines etsociales, santé, etc.).

CONCLUSION

Compte tenu du foisonnement des idées etdes réflexions qui se développent consi-dérablement ces dernières années (parexemple, AIMS, 2019 au Sénégal ouencore IAS, 2019 au Cameroun), cedossier montre qu’il existe aussi parfoisdes divergences d’analyse assez importan-tes entre les chercheurs. Ce dossierconsacré à « l’entreprise africaine : entrefrugalité et agilité » vise à suggérer unagenda de recherche aux lecteurs de larevue et à encourager également lestravaux sur des objets et des champspouvant être divers (les TPE, les PME, lesONG, les églises, les hôpitaux, les grandsgroupes multinationaux et leurs logiquesd’action, etc.). Cet article introductif visaitaussi à rappeler les fortes contingenceslocales en Afrique subsaharienne : lemanagement par l’ambiguïté, l’invisibilitéde la gestion, l’importance des valeurset du sacré, l’esprit de communauté ausens de Tönnies, la dimension mystiqueet spirituelle, la dimension sociale de

l’entreprise, le rôle des clans, le rapportau temps et à la nature, les facteursanthropologiques, religieux et l’ethniciténotamment. Nous soulignons l’idée éga-lement qu’il convient d’encourager l’en-trepreneuriat effectual dans la mesure oùl’aversion au risque en Afrique franco-phone semble constituer encore unecontrainte assez forte. Au fond, le systèmeest peu entrepreneurial probablementparce qu’il y a encore un manque destructures d’accompagnement entrepre-neuriales. Les initiatives prises en ce senssont bien entendu à encourager (parexemple, la création récente d’un incuba-teur d’entreprises à l’université de Loméau Togo). L’hypermanagement du mondeoccidental est certes riche d’enseigne-ments pour les chercheurs en gestionmais présente finalement bien des limitescomme le montre certaines dérives de lamondialisation et de l’actualité pressanteliée aux conséquences de la Covid-19.Cependant, l’hypomanagement – fondésur une gestion implicite des choses et despersonnes – que l’on peut rencontrer enAfrique témoigne aussi à la fois de larichesse d’un champ de recherche fécondet de l’intérêt à approfondir les investi-gations. Ces travaux mobiliseront proba-blement des approches et desméthodologies moins conventionnelles etplus ancrées dans des environnementslocaux et dans des univers de sens variés.

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