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Le Praticien en anesthésie réanimation (2009) 13, 326—331 MISE AU POINT Anesthésie en neuroradiologie interventionnelle : traitement des anévrismes intracrâniens Anaesthesia for interventional neuroradiology. Intracranial aneurisms treatment Guillaume Taylor a,, Raphaël Blanc b , Jean-Michel Devys a a Département d’anesthésie-réanimation urgences, fondation Adolphe-de-Rothschild, 25-29, rue Manin, 75019 Paris, France b Service de neuroradiologie interventionnelle, fondation Adolphe-de-Rothschild, 25-29, rue Manin, 75019 Paris, France Disponible sur Internet le 6 novembre 2009 MOTS CLÉS Anévrismes intracrâniens ; Embolisation ; Hémorragie cérébroméningée Résumé Le traitement endovasculaire des anévrismes intracrâniens se fait par déploiement de coils dans le sac anévrismal par la méthode du remodeling. De plus en plus souvent cette technique est associée au déploiement de stent dans la lumière du vaisseau porteur. Cela induit un risque ischémique, thrombose de stent ou embols distaux. Ces complications sont prévenues par une anticoagulation à fortes doses associée à une préparation par aspirine et clopidogrel. Il existe en contrepartie un risque hémorragique qui doit être anticipé à la consul- tation d’anesthésie en dépistant des hémorragies occultes, digestives en particulier, et préparer une éventuelle transfusion. En cas de rupture d’anévrisme pendant le traitement, le rôle de l’anesthésiste réanimateur est central dans le diagnostic et la prise en charge. Pour le trai- tement endovasculaire des anévrismes rompus la règle est la stabilité hémodynamique à tous les temps de l’anesthésie pour éviter un resaignement en cas d’hypertension artérielle et une ischémie cérébrale en cas d’hypotension. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Intracranial aneurism; Vascular embolisation; Summary Intracranial aneurisms can be treated by radiologists by coiling using the remode- ling technique. Intravascular stents are now being associated in a majority of cases. In these patients there is an increased risk of stroke by stent thrombosis and emboli. These adverse events must be prevented by a high dose anticoagulant therapy during the procedure and a preoperative treatment with aspirin and clopidogrel. On the down side this medication can cause severe haemorrhage, which should be anticipated. Preoperative evaluation should focus Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Taylor). 1279-7960/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pratan.2009.09.009

Anesthésie en neuroradiologie interventionnelle : traitement des anévrismes intracrâniens

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ISE AU POINT

nesthésie en neuroradiologie interventionnelle :raitement des anévrismes intracrâniens

naesthesia for interventional neuroradiology. Intracranial aneurismsreatment

Guillaume Taylora,∗, Raphaël Blancb,Jean-Michel Devysa

a Département d’anesthésie-réanimation urgences, fondation Adolphe-de-Rothschild,25-29, rue Manin, 75019 Paris, Franceb Service de neuroradiologie interventionnelle, fondation Adolphe-de-Rothschild,25-29, rue Manin, 75019 Paris, France

Disponible sur Internet le 6 novembre 2009

MOTS CLÉSAnévrismesintracrâniens ;Embolisation ;Hémorragiecérébroméningée

Résumé Le traitement endovasculaire des anévrismes intracrâniens se fait par déploiementde coils dans le sac anévrismal par la méthode du remodeling. De plus en plus souvent cettetechnique est associée au déploiement de stent dans la lumière du vaisseau porteur. Celainduit un risque ischémique, thrombose de stent ou embols distaux. Ces complications sontprévenues par une anticoagulation à fortes doses associée à une préparation par aspirine etclopidogrel. Il existe en contrepartie un risque hémorragique qui doit être anticipé à la consul-tation d’anesthésie en dépistant des hémorragies occultes, digestives en particulier, et préparerune éventuelle transfusion. En cas de rupture d’anévrisme pendant le traitement, le rôle del’anesthésiste réanimateur est central dans le diagnostic et la prise en charge. Pour le trai-tement endovasculaire des anévrismes rompus la règle est la stabilité hémodynamique à tousles temps de l’anesthésie pour éviter un resaignement en cas d’hypertension artérielle et uneischémie cérébrale en cas d’hypotension.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

eurisms can be treated by radiologists by coiling using the remode-

KEYWORDS Summary Intracranial an

Intracranialaneurism;Vascularembolisation;

ling technique. Intravascular stents are now being associated in a majority of cases. In thesepatients there is an increased risk of stroke by stent thrombosis and emboli. These adverseevents must be prevented by a high dose anticoagulant therapy during the procedure and apreoperative treatment with aspirin and clopidogrel. On the down side this medication cancause severe haemorrhage, which should be anticipated. Preoperative evaluation should focus

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (G. Taylor).

279-7960/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.pratan.2009.09.009

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Anesthésie en neuroradiologie interventionnelle 327

Intracranialhaemorrhage

on diagnosis of occult bleeding. Anaesthetists have a pivotal role in the diagnosis and treatmentof intra procedural aneurism ruptures. For patients treated after an aneurysm rupture the soleaim of the anaesthetist is to control blood pressure. Hypertension can lead to devastatingrebleeding, on the other hand low blood pressure can lead to cerebral ischemia.© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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L’anévrisme est la malformation vasculaire intracérébrale laplus fréquente, présente chez 1 à 5 % de la population. Elleconstitue la première cause d’hémorragie méningée [1]. Letraitement des anévrismes peut se faire à froid pour prévenirla rupture ou après une hémorragie méningée pour prévenirla récidive. Bien que les techniques d’embolisation soientassez semblables dans ces deux situations, les impératifsanesthésiques sont sensiblement différents.

Traitement endovasculaire des anévrismesintracrâniens

Il existe actuellement trois techniques d’embolisation d’unanévrisme :• la technique de coiling : il s’agit de l’embolisation simple

par coils, petits ressorts métalliques qui vont combler unepartie du sac anévrismal afin d’y diminuer le flux sanguinet y provoquer une thrombose. Elle s’adresse aux ané-vrismes à collet étroit. La procédure comprend un bilanartériographique, suivi d’une acquisition tridimension-nelle permettant une étude très précise de la topographiede l’anévrisme. Le radiologue choisit l’incidence de tra-vail, c’est-à-dire la meilleure orientation du faisceau derayons X par rapport à la tête du patient pour dégagerau mieux le collet anévrismal. Le patient devra demeu-rer totalement immobile pour que cette orientation soitconstante durant la procédure ;

• la technique de remodeling : elle est utilisée pour le trai-tement des anévrismes à collet large. Le déploiementdes coils dans le sac anévrismal se fait avec une protec-tion de la lumière du vaisseau porteur par un ballonnet.La difficulté de la technique réside en la constitutiond’une masse de coils stable dans l’anévrisme même aprèsdégonflage du ballonnet. Le résultat recherché est uneembolisation de l’anévrisme associée à une reconstitutionou « remodelage » d’une lumière artérielle anatomique(d’où l’appellation remodeling) [2]. Au décours de cesprocédures, la surface de contact entre le flux circulantet les coils est plus grande qu’avec une technique clas-sique, exposant théoriquement à un plus grand risque decomplication thromboembolique ;

• la technique de stenting : les indications de pose de stentdans le vaisseau porteur se multiplient et permettentl’embolisation d’anévrismes sans collet ou à haut risquede recanalisation jusque-là inaccessibles au traitement

endovasculaire. L’embolisation par coils se fait à traversles mailles du stent préalablement déployé dans le vais-seau porteur. De nouveaux stents à mailles très fines sonten cours d’évaluation et pourraient permettre l’exclusiondes anévrismes sans recours au coiling.

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Ces trois techniques nécessitent une prévention dea thrombose artérielle, dont le risque augmente aveca durée et la complexité de la procédure (sten-ing > remodeling > coiling simple). Cette prévention reposeur l’anticoagulation et l’utilisation d’agents antiagrégantslaquettaires :l’anticoagulation repose sur l’utilisation d’héparine nonfractionnée à fortes doses : bolus initial de 5000 UIaprès la(es) ponction(s) artérielle(s), relais IVSE par 35 à50 UI/kg par heure. L’anticoagulation est monitorée au litdu patient par la méthode activated clotting time (ACT)pour un objectif de deux à trois fois le témoin, soit 250 à300 secondes. L’indication d’une antagonisation en fin deprocédure est variable en fonction du risque thrombo-tique et sera discutée au cas par cas ;l’anti-agrégation plaquettaire utilise seul ou en associa-tion :◦ l’aspirine, (250 mg IVD après la ponction arté-

rielle) pour toutes les procédures d’embolisationd’anévrismes à froid,

◦ le clopidogrel en cas de pose de stent. Le délai d’actionde la prise orale étant de quelques heures, deux straté-gies sont utilisées, soit 75 mg/j pendant une semaine,soit une dose de charge de 150 à 300 mg la veille del’intervention. L’administration per procédure d’unedose de charge via une sonde orogastrique en cas depose de stent non prévue doit rester exceptionnelle,

◦ l’abciximab (Reopro®) qui est un agent anti GPIIb-IIIa, utilisé en traitement curatif des thromboses destents ou des thromboses artérielles, est un inhibi-teur de l’adhésion plaquettaire et s’utilise in situ enintra-artériel dès le diagnostic de thrombose débutante(bolus de 2 mg sans dépasser la dose de charge de0,25 mg/kg). Dans certains cas de thrombose complèterattrapée par angioplastie, il peut être nécessairede poursuivre une perfusion intraveineuse continue à0,125 �g/kg par minute sans dépasser 10 �g/min pen-dant 12 heures. L’efficacité des ces trois antiagrégantsplaquettaires peut faire l’objet d’un monitorage simpleet rapide, utilisé depuis deux ans en cardiologie eten cours de validation en neuroradiologie interven-tionnelle (Rapid platelet function assay, VerifyNow®,Accumetrics).

Certaines complications thrombotiques graves, commees occlusions de vaisseaux porteurs en aval du polygonee Willis, peuvent nécessiter une thrombolyse in situ par

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TPA (Actilyse ) après échec des autres thérapeutiques. Lesaibles doses utilisées localement entraînent rarement unisque hémorragique important. Dans les cas d’hémorragieséningées préalables, le risque de récidive du saignement

névrismal devient majeur.

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omplications periopératoires

a durée de la procédure, les matériels utilisés àotentiel traumatique sont sources de complicationsschémiques et hémorragiques, ce d’autant qu’une anti-oagulation et une antiagrégation agressives auront éténstituées.

émorragies intracérébrales

n cours de procédure, le diagnostic de rupture d’anévrismest soit direct par le neuroradiologue qui observe unextravasation de produit de contraste, soit indirect pare médecin anesthésiste qui observe une tachycardie etne hypertension artérielle réactionnelles à la douleur oune hypertension artérielle associée à une bradycardieréflexe de Cushing) en cas d’hypertension intracrâ-ienne.

Toute variation hémodynamique brutale encours de traitement endovasculaire doit faire

suspecter une rupture anévrismale et conduire àune vérification par le radiologue.

La prise en charge de la rupture d’anévrisme est urgentet stéréotypée. Elle associe :une antagonisation immédiate et dose pour dose del’héparine recue au cours des quatre dernières heures parsulfate de protamine ;un tamponnement interne par inflation d’un ballon-net dans le vaisseau porteur et embolisation rapide del’anévrisme ;un traitement de l’hypertension intracrânienne : osmo-thérapie par mannitol 20 % ou sérum salé hypertoniqueà 20 %, 6 à 8 g en 20 minutes. Ce traitement se fera aumieux avec un monitorage du doppler transcrânien avecun objectif d’index de pulsatilité (IP) inférieur à 1,20. Unedérivation ventriculaire externe (DVE) peut être néces-saire en urgence en cas d’hypertension intracrânienne(HTIC) réfractaire à l’osmothérapie ou d’inondation ven-triculaire. Une transfusion plaquettaire en urgence seracependant indispensable pour ces patients ayant recu del’aspirine et parfois du clopidogrel ;une réanimation postopératoire : ces patients devrontbénéficier de la prise en charge médicale spécifiquede l’hémorragie méningée. Ils sont en effet expo-sés aux risques classiques d’hydrocéphalie en casd’hémorragie intraventriculaire, de récidive du saigne-ment si l’anévrisme n’est pas sécurisé et de vasospasmedans tous les cas.

émorragies extracérébrales

es hémorragies sont fréquentes mais de gravité trèsariable, elles doivent faire l’objet d’un dépistage systé-atique :un hématome au(x) point(s) de ponction. Evoqué devant

une douleur, une masse, une ecchymose ou une hémor-ragie extériorisée chez les patients ayant recu de fortesdoses d’héparine associée à des antiagrégants multiples.Ils nécessitent une compression manuelle prolongée. Ilfaut savoir que l’utilisation d’un système d’occlusion du

G. Taylor et al.

point de ponction (Angioseal®) n’écarte pas le risqued’hématome ;un hématome rétropéritonéal. C’est un hématome pro-fond qui complique les ponctions hautes, en iliaque oules migrations de guide entraînant des lésions de petitesbranches collatérales du réseau iliofémoral. Son diag-nostic est difficile et en général retardé. Il doit êtreévoqué devant une douleur abdominale associée à uneinstabilité hémodynamique. Un petit hématome au pointde ponction est parfois observé mais il est inconstant.Le niveau d’hypovolémie et le choc hémorragique sonttoujours beaucoup plus importants que ne le laisse sup-poser la taille visible de la partie superficielle de cethématome. Un scanner injecté en urgence pour identi-fier le site de l’hémorragie active orientera efficacementl’artériographie et l’embolisation à la colle du site hémor-ragique ;un hématome dans un autre territoire artériel que celuide la ponction fémorale. Plus rare, il résulte d’une migra-tion de guide dans une artériole d’un des réseaux où sedéroule la navigation. Il doit être recherché en cas de chochémorragique sans signe d’hématome rétropéritonéal ;une hémorragie sans rapport avec la procédure deneuroradiologie interventionnelle (NRI). Lésion révéléepar le traitement anticoagulant/antiagrégant. Exemple :hémorragie digestive haute ou basse ;une épistaxis. Favorisée par les traumatismes mêmeminimes des fosses nasales : pose de sonde nasogastrique,sonde thermique naso-œsophagienne, aspiration nasale àl’extubation. Elles peuvent survenir en peropératoire ouen postopératoire et nécessitent en général un méchagepar un ORL.

Le traitement de ces complications hémorragiques gravesepose sur l’antagonisation de l’héparine, la compressionanuelle et la réanimation du choc hémorragique par rem-lissage, transfusion, et soutien vasopresseur. L’objectife pression artérielle moyenne (PAM) se situera vers0—70 mmHg. Chez les patients porteurs de stents, la lutteontre la thrombose est permanente, justifiant une absencee transfusion plaquettaire et des objectifs de PAM plus éle-és à 80—90 mmHg. En cas d’utilisation d’anti GpIIb-IIIa,e risque hémorragique devient majeur, il faut immédiate-ent anticiper une transfusion, l’ablation de la voie d’abord

émorale est par ailleurs contre-indiquée pendant 24 heuresrisque de transfusion supérieur à 50 %).

omplications thromboembolique cérébrales

a mise en contact du flux sanguin circulant avec du maté-iel étranger expose à un risque de thrombose et d’ischémie.e risque est plus élevé après pose de stents mais il existeussi pour les anévrismes à large collet après remodeling.out déficit neurologique ou trouble du comportement post-pératoire doit faire redouter une complication ischémiquet faire discuter une artériographie de contrôle en urgence.n recherchera :

une thrombose de l’artère porteuse de l’anévrisme. Sonretentissement clinique est très variable en fonction dusite. Ses conséquences peuvent aller jusqu’à l’accidentvasculaire cérébral (AVC) malin engageant le pronosticvital ;
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Anesthésie en neuroradiologie interventionnelle

• des thromboses partielles du stent responsables de migra-tions emboliques d’aval ;

• une dissection artérielle compliquant les procédures denavigation endovasculaires. Elles peuvent rarement deve-nir occlusives ;

• des occlusions de branches latérales après déploiementde stents ;

• certaines occlusions artérielles sont volontaires, la plusfréquente étant l’occlusion de l’artère porteuse del’anévrisme, seul traitement possible de certains ané-vrismes disséquants plus souvent situés sur l’artèrecérébelleuse postéro-inférieure (PICA). Cette occlusionentraîne une ischémie cérébelleuse de faible étenduesans syndrome de masse mais peut aboutir à une apraxiehomolatérale.

Le traitement de ces occlusions est en priorité endovas-culaire et vise à lever l’obstruction artérielle localementpar angioplastie intrastent en cas de thrombose complète,par perfusion in situ d’anti GpIIb-IIIa en cas de thrombosepartielle de stents, par angioplastie et stenting en cas dedissection artérielle. Les dissections proximales en amont dupolygone de Willis imposent par ailleurs un soutien hémody-namique pour optimiser la perfusion du territoire d’aval parle réseau anastomotique. Les embolies distales ou les throm-boses de branches latérales de stent ne peuvent bénéficierd’un traitement endovasculaire pour des raisons techniques.Le sauvetage du territoire ischémié repose sur les anasto-moses leptoméningées, sollicitées par des objectifs initiauxde PAM de 110 à 120 mmHg (30 à 40 % au-dessus de la PAM debase) pour optimiser cette perfusion de secours. Le niveaude PAM sera adapté en fonction de l’évolution clinique.

Spécificités de la prise en chargeanesthésique

Les nouvelles techniques d’angiographie numérisée parsoustraction et surtout d’acquisition tridimensionnelleimposent une immobilité stricte du patient pendant le bilanartériographique et la procédure d’embolisation elle-même.L’anesthésie générale avec intubation orotrachéale est doncindispensable. Les techniques de sédation simples décritesdans des publications anciennes ne sont plus à l’ordre dujour [3].

L’évaluation préopératoire

Elle est centrée sur les risques hémorragique (carte degroupe complète, recherche de pathologies à risque de sai-gnement), ischémique (clopidogrel préopératoire en cas destent), mais aussi urétral (sondage urinaire et anticoagu-lation) et rénal (injection de fortes doses de produit decontraste), Le risque cardiaque est a priori modéré saufhémorragie majeure extracrânienne et n’impose pas debilan particulier.

En peropératoire

Le monitorage comprend obligatoirement une mesure conti-nue de la pression artérielle sanglante pour permettre ledépistage immédiat d’une variation hémodynamique bru-

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329

ale ainsi que les prélèvements répétés nécessaires auonitorage de l’anticoagulation et l’antiagrégation. Le

ite radial doit être préféré pour laisser les deux sitesémoraux aux neuroradiologues. Un sondage vésical nonraumatique est indispensable pour ces procédures sousnticoagulants, parfois longues qui s’accompagnent souvent’apports hydrosodés importants du fait des purges designes artérielles. La gestion des complications décrites ci-essus doit être anticipée : matériel médical et chirurgicale traitement d’une hypertension intracrânienne, matérielt logistique permettant une transfusion sans délai.

Lorsqu’un soutien hémodynamique est nécessaire aprèsne complication thrombotique ou pour prévenir une throm-ose de stent, la pose d’une voie veineuse périphériquequipée d’une valve anti-retour et spécifique aux catécho-amines est transitoirement préférable à la pose d’une voieentrale, hasardeuse sous fortes doses d’anticoagulants etntiagrégants.

urveillance postopératoire

on rôle est le dépistage précoce des complicationsschémiques et hémorragiques. Elle s’effectue toujoursnitialement dans une unité de surveillance continue, médi-alisée 24 heures sur 24 et doit être confiée à une équipenfirmière expérimentée. Le contrôle régulier, au minimumoutes les trois heures, du ou des points de ponctions fémo-aux est systématique et sera d’autant plus rapproché quees patients auront recu plusieurs antiagrégants. Le dépis-age des complications ischémiques parfois d’apparitionetardée passe par une surveillance neurologique rappro-hée comportant au minimum l’évaluation de l’état deonscience, de la motricité et du langage.

as particulier des hémorragies méningéesur anévrismes rompus

epuis les résultats de l’étude ISAT publiée en 2002 [4],e traitement endovasculaire est considéré comme unelternative sûre et efficace au traitement chirurgical parlip des anévrismes après hémorragie sous-arachnoïdienneHSA). Tous les centres prenant en charge des patientsouffrant d’hémorragie méningée possèdent désormais unlateau technique permettant l’embolisation en urgence’anévrismes rompus.

Le taux de mortalité global après HSA demeure élevée,e l’ordre de 40 à 50 % à 30 jours. Parmi les patients arri-ant vivants à l’hôpital, la quasi-totalité des décès peuttre attribuée à des épisodes de récidive du saignement oue vasospasme. Le risque de récidive de saignement est de% au cours des premières 24 heures puis de 1 % par jour auours des 21 jours suivants. Le risque global de resaignementst de l’ordre de 30 % en l’absence de traitement spécifiquee l’anévrisme [5]. L’occlusion de l’anévrisme responsablee l’HSA est donc toujours indiquée et doit être effectuée

u plus tôt. Le choix entre traitement chirurgical et traite-ent endovasculaire dépend de l’anatomie de l’anévrisme

yant saigné, de l’existence d’un hématome intracérébral,e la gravité de l’HSA ainsi que de l’état clinique du patient.’expérience et les habitudes des équipes de neurochirurgie

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t de NRI jouent un rôle prépondérant. Les indications res-ectives de ces deux approches thérapeutiques ne font pasartie des objectifs de cette revue.

Au moment de la rupture initiale de l’anévrisme, uneommunication existe entre la lumière de l’anévrisme etes espaces sous-arachnoïdiens. L’issue brutale de sang arté-iel sous pression provoque une augmentation de la pressionntracrânienne (PIC), responsable de la céphalée brutalearactéristique de l’HSA, la PIC augmente jusqu’à égalera PAM et donc annuler la pression de perfusion cérébralePPC) [6]. La baisse transitoire de la PPC jusqu’à des valeursrès faibles permet l’arrêt spontané du saignement anévris-al et entraîne alors malaise ou un coma chez les patients.

orsque le saignement est arrêté, un caillot se forme auond du sac anévrismal et un gradient de pression s’installentre l’anévrisme et les espaces sous-arachnoïdiens c’est laression transmurale (PTM) avec PTM = PAM — PIC. Une aug-entation brutale de la PTM expose à un risque accru de

écidive du saignement. Deux situations peuvent la favori-er : l’augmentation brutale de la PAM ou la baisse rapidee la PIC. La PPC est déterminée par la même équation :PC = PAM — PIC.

Deux objectifs apparemment contradictoirescoexistent donc avant l’occlusion de

l’anévrisme : maintenir la PTM basse pourlimiter le risque de resaignement et maintenirune PPC dans des limites physiologiques pourassurer une oxygénation cérébrale en rapport

avec le métabolisme neuronal.

L’anesthésie est conduite pour obtenir :l’immobilité stricte pendant toute la procédured’embolisation, c’est donc une anesthésie généraleavec intubation orotrachéale ;la stabilité tensionnelle. Une hypertension au moment dela laryngoscopie entraîne une hausse de la PTM et exposeà un risque de saignement, une hypotension expose à unrisque de chute de la PPC et donc d’ischémie cérébrale.Deux stratégie d’induction sont actuellement proposéespar les équipes anglo-saxonnes [5] :◦ une anesthésie balancée associant hypnotique, anal-

gésique, ou agents hypotenseurs pour prévenir toutevariation brutale de la PAM aux temps douloureux(laryngoscopie, pose de la sonde vésicale. . .),

◦ un surdosage de l’anesthésie et de l’analgésie pourgarantir l’absence de toute réaction sympathiquequel que soit le niveau de stimulation nociceptiveavec association d’un médicament vasoconstricteur(néosynéphrine ou noradrénaline) pour prévenir unehypotension compromettant la PPC ;

la protection des voies aériennes supérieures. Les patientssont toujours à considérer comme ayant un « estomacplein ». Ils ont de fait souvent déjà vomi et parfois inhaléavant l’arrivée au bloc. Il convient donc d’appliquer uneséquence rapide mais particulière, comportant une injec-

tion de morphinique avant l’intubation, pour prévenirtout risque d’hypertension artérielle à l’induction. Lacurarisation paraît obligatoire pour obtenir les meilleuresconditions d’intubation et donc une laryngoscopie brève.Le curare est choisi pour assurer une paralysie rapide en

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G. Taylor et al.

moins d’une minute : succinylcholine en priorité ou curarenon dépolarisant à 3 ou 4 DA 95 (rocuronium 1,2 mg/kg parexemple) en cas de contre-indication à la succinylcholine(déficit moteur depuis plus de 24 heures en particulier).La manœuvre de Sellick est systématique pour réduire lerisque d’inhalation. L’anticoagulation efficace est effec-tuée selon le même protocole que pour les anévrismes« à froid ». En revanche, aucun traitement antiagrégantplaquettaire n’est administré en cas d’hémorragie ménin-gée.

érivation ventriculaire externe,ypertension intracrânienne etasospasme

’anesthésiste-réanimateur doit prendre en charge lesomplications spécifiques de l’HSA qui peuvent être déjàrésentes au moment de l’embolisation : hydrocéphalie,TIC ou vasospasme.

’hydrocéphalie

’hydrocéphalie est une complication précoce et fréquentees HSA qui peut menacer à très court terme les patients.e mécanisme peut être un défaut de résorption du liquideéphalorachidien (LCR) ou une obstruction du système ven-riculaire par un caillot. La pose d’une DVE s’impose enrgence avant embolisation chez les patients présentantne dilatation du système ventriculaire associée à uneégradation du score de Glasgow ou à une hypertensionntracrânienne au doppler transcrânien (IP > 1,4). La correc-ion de l’HTIC par la DVE avant embolisation de l’anévrismexpose à un risque théorique de récidive hémorragique parugmentation de la PTM [6]. Ce risque est particulièrementlevé lorsque le niveau de la DVE est faible (< 5 cmH2O). Leisque de resaignement ne paraît pas augmenté quand leiveau de drainage est maintenu entre 15 et 20 mmHg soit5 à 30 cmH2O [7]. La prévention du risque de resaignementasse donc par un contrôle continu du niveau et du débit derainage pendant la procédure.

’hypertension intracrânienne

hez les patient en grade IV ou V, il existe un risque d’HTICar œdème cérébral. La PIC est un des déterminants dea PTM de l’anévrisme et de la PPC. Les objectifs de sonontrôle peropératoire sont apparemment contradictoires :aintien d’une PTM faible pour limiter le risque hémor-

agique, maintien d’une PPC normale pour garantir unexygénation cérébrale optimale. Dans cette situation, laose de DVE et d’un capteur intraparenchymateux de PICoit précéder la procédure d’embolisation. En raison duisque hémorragique induit par l’anticoagulation, il est pré-érable d’attendre six heures entre la pose de capteur deIC et de la DVE et la procédure d’embolisation. Les objec-

ifs cérébraux spécifiques seront pendant la procédure lesuivants :

PIC toujours inférieure à 25 mmHg ;objectifs de PPC « suboptimaux » à 55—60 mmHg ou IP audoppler transcrânien inférieur à 1,4 ;

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Neurosurg 1973;39(2):226—34.

Anesthésie en neuroradiologie interventionnelle

• osmothérapie titrée par mannitol 20 % ou soluté saléhypertonique pour contrôler toute HTIC et éviterd’augmenter le drainage du LCR (cf. supra) ;

• anesthésie intraveineuse exclusive par propofol ou mida-zolam, tous les agents halogénés et le protoxyde d’azoteayant un effet vasodilatateur cérébral à divers degrés ;

• contrôle des agressions cérébrales secondaires d’originesystémique (Acsos), ventilation en normocapnie avecmesure préalable du gradient entre ETCO2 et PaCO2,maintien d’une SpO2 supérieure à 95 %, contrôles itératifsde la glycémie capillaire pour les procédures prolongées.

Le vasospasme

Le risque de vasospasme existe entre cinq et 21 jours aprèsl’HSA. Rarement des patients adressés plus de cinq joursaprès l’HSA peuvent présenter l’association d’un anévrismenon sécurisé et d’un vasospasme. La gestion hémodyna-mique se trouve alors compliquée. Une baisse de la pressionartérielle systémique doit être plus particulièrement évi-tée pour prévenir tout risque d’hypoperfusion en aval duspasme. Les augmentations paroxystiques de la pressionartérielle sont par ailleurs moins à risque, puisque le spasmeatténue les variations de la PTM de l’anévrisme. Aucunniveau précis de PAM ne peut être conseillé a priori pendantla procédure. Le traitement du vasospame est un préalableà l’embolisation de l’anévrisme. Le meilleur niveau de PAMsera choisi en fonction des données de l’artériographie etadapté au cas par cas au cours de la procédure de manièreà obtenir une parenchymographie jugée satisfaisante parle radiologue. Le traitement endovasculaire du vasospasmepeut se faire de deux manières :• l’angioplastie des spasmes proximaux surtout en position

carotidienne et sylvienne, plus rarement cérébrale anté-rieure ;

• la perfusion de vasodilatateurs in situ, papavérine,nimodipine et/ou milrinone pour les spasmes distaux inac-cessibles aux techniques d’angioplasties et en associationavec ces dernières en cas de vasospasme diffus.

Pour les vasospasmes pris en charge à distance del’embolisation, le risque de resaignement est écarté.L’objectif de l’anesthésiste est de poursuivre la triple H thé-

rapie initiée en préopératoire en réanimation. Les objectifsde PAM de 120—130 mmHg sont atteints avec un soutien vaso-constricteur ou inotrope. Des chutes tensionnelles brutalesdoivent être attendues au moment de la perfusion in situ denimodipine et surtout de milrinone. Ce produit très vaso-

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ilatateur est susceptible de provoquer des hypotensionsrofondes. Il est conseillé d’anticiper en doublant la dose deatécholamine au moment de l’injection du vasodilatateur.

onclusion

epuis 15 ans, l’évolution des techniques de traitementndovasculaire des anévrismes intracrâniens a permis’étendre les indications à de plus en plus de patients. Cesechniques sont désormais utilisées en routine pour occlurees anévrismes rompus ou à froid. Le rôle de l’anesthésie vaien au-delà d’assurer simplement l’immobilité du patienturant la procédure. La connaissance des procédures per-et d’anticiper leurs complications potentielles dès laériode préopératoire et d’organiser un monitorage peropé-atoire ainsi que la surveillance postopératoire. En cas deomplications hémorragiques ou thromboemboliques céré-rales, il faut être préparé à gérer des urgences vitales etonctionnelles. La prise en charge des patients après rup-ure d’anévrisme est centrée sur la prévention du risque deesaignement et se fait dans la continuité de la neuroréani-ation.

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