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Approches psychothérapeutiques dans les douleurs inexpliquées chez l’enfant et l’adolescent

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Page 1: Approches psychothérapeutiques dans les douleurs inexpliquées chez l’enfant et l’adolescent

Table ronde

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.Archives de Pédiatrie 2014;21:113-114

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Approches psychothérapeutiques dans les douleurs inexpliquées chez l’enfant et l’adolescentR. AmourouxInstitut de psychologie, université de Lausanne, Géopolis, CH-1015, Lausanne, Suisse

*Auteur correspondant e-mail : [email protected]

Les douleurs inexpliquées (DL)

La notion de douleur inexpliquée peut renvoyer autant à une pathologie douloureuse, généralement chronique, dont le retentissement semble disproportionné, qu’à un trouble

fonctionnel où la douleur est au premier plan  [1]. Au-delà de ces questions nosographiques, ce type de plainte chez l’enfant et l’adolescent est un motif fréquent de consultation chez le médecin traitant et le pédiatre. Selon les cas, on leur proposera un traitement médicamenteux et/ou un traitement non médi-camenteux. Parmi les traitements non médicamenteux, ce sont principalement les approches psychologiques qui ont montré leur efficacité.

1. Douleur chronique chez l’enfant et l’adolescentLa prévalence de la douleur chronique est importante chez l’en-fant et l’adolescent :• céphalées : 8-83 %,• douleurs abdominales : 4-53 %,• lombalgies : 14-24 %,• douleurs musculo-squelettiques : 4-40 %,• douleurs multiples : 4-49 %,• autres douleurs : 5-88 % [2].La douleur peut affecter la vie sociale, scolaire et familiale de l’enfant [3]. Ces enfants ont des niveaux d’anxiété et de dépres-sion supérieurs à la norme [4] et ont plus de risque à l’âge adulte d’être douloureux, d’avoir des plaintes somatiques multiples et des troubles psychiatriques [5].

2. Quelle est l’efficacité des psychothérapies dans la douleur chronique chez l’enfant ?Depuis le milieu des années 1990, plusieurs revues de la litté-rature et de méta-analyses ont été menées concernant l’effi-cacité de la psychothérapie dans la douleur chronique. En 2012, Eccleston, et al. ont identifié 37 études randomisées contrôlées (ERC)  [6]. Les enfants qui bénéficient de ces traitements ont

presque 3 fois plus de chances (risque relatif = 2,9 ; intervalle de confiance  =  2,25-3,73) d’obtenir une amélioration clinique significative (diminution de plus de 50  % de l’intensité de la douleur). Ces résultats permettent de justifier et d’encourager l’utilisation de la relaxation, de l’hypnose, du biofeedback et, plus généralement, de l’approche comportementale et cognitive dans la douleur chronique et, par extension, dans les douleurs inexpli-quées. Pourtant, malgré l’ensemble de ces solides éléments de preuve, ces approches sont sous-utilisées en France en dehors de certaines consultations spécialisées.

3. Quelles sont les principales approches psychologiques dans la douleur chronique ?

3.1. Psychothérapies d’inspiration psychanalytique (PIP)

Les PIP sont des psychothérapies généralement longues qui se centrent sur le rôle de l’histoire personnelle dans la perception des symptômes et l’expérience de la souffrance psychique. Elles s’appuient sur l’hypothèse de l’inconscient freudien où « ce qui fait symptôme » est l’expression d’un désir refoulé.Dans la douleur chronique, il s’agit de prendre en compte le sens qu’une douleur peut avoir pour un sujet dans son histoire person-nelle. Il arrive fréquemment que la plainte douloureuse actuelle répète des expériences négatives passées. Ainsi, il peut être judicieux de ne pas se focaliser sur la seule actualité de la plainte qui pourrait amener le patient et son thérapeute à passer à côté d’éléments essentiels pour la compréhension de ce qui se joue.

3.2. Relaxation

Le principe général de la relaxation consiste en une détente mus-culaire et psychologique obtenue par des exercices progressifs. L’enfant apprend d’abord à décontracter les bras, puis les jambes, les muscles fessiers, ceux du dos… Il existe différentes méthodes comme le training autogène de Schultz, la méthode de Jacobson, de Jean Bergès [7]. Dans la douleur chronique, l’objectif peut être de modifier le rapport au corps. L’expérience de « bien-être » liée à la pratique de la relaxation permet d’assouplir l’association fré-quente entre corps et douleur chez les douloureux chroniques.

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4. Conclusion

Les approches psychothérapeutiques (TCC, relaxation, biofee-dback, hypnose) sont des traitements efficaces de la douleur chronique chez l’enfant et l’adolescent. Par ailleurs, même si ce point n’a pas été développé dans cet article, plusieurs études ont souligné l’importance de la dimension familiale de la prise en charge, notamment en ce qui concerne les douleurs chroniques et inexpliquées [10].Le médecin traitant et le pédiatre jouent un rôle clef dans l’orien-tation des patients douloureux chroniques vers les profession-nels des approches psychologiques. La manière d’adresser à un « psy » fait en effet partie intégrante de la démarche de soins. La prise en charge psychothérapeutique ne doit d’ailleurs pas signer la fin du suivi médical. Dans les cas complexes, la consultation conjointe entre somaticien et « psy » est souvent indispensable.

Références[1] Cathébras  P., Troubles fonctionnels et somatisation. Comment

aborder les symptômes médicalement inexpliqués, Masson, Paris, 2006.

[2] King  S, Chambers  CT, Huguet  A. The epidemiology of chronic pain in children and adolescents revisited: a systematic review. Pain 2011;152:2729-38.

[3] Palermo TM. Impact of recurrent and chronic pain on child and family daily functioning: a critical review of the literature. J Dev Behav Pediatr 2000;21:58-69.

[4] Knook LM, Konijnenberg AY, Van der Hoeven J, et al. Psychiatric disorders in children and adolescents presenting with unexplai-ned chronic pain: what is the prevalence and clinical relevancy? Eur Child Adolesc Psychiatry 2011;20:39-48.

[5] Fearon  P, Hotopf  M. Relation between headache in childhood and physical and psychiatric symptoms in adulthood: national birth cohort study. BMJ 2001;322:1145.

[6] Eccleston C, Palermo TM, Williams AC, et al. Psychological thera-pies for the management of chronic and recurrent pain in children and adolescents. Cochrane Database Syst Rev 2012;12:CD003968.

[7] Berges J, Bounes M. La relaxation thérapeutique chez l’enfant. Paris : Masson 1996.

[8] Olness  K. Hypnose et hypnothérapie chez l’enfant. Bruxelles. Satas 2006.

[9] Palermo  TM. Cognitive-Behavioral therapy for chronic pain children and adolescent. New-York: Oxford University Press 2012.

[10] Eccleston C, Palermo TM, Fisher E, et al. Psychological interven-tions for parents of children and adolescents with chronic illness, Cochrane Database Syst Rev 2013;8:CD009660.

3.3. Hypnose

Dans une perspective de thérapie, le terme d’hypnose peut renvoyer à trois domaines  : un état «  psychophysiologique  » particulier [8]. Certains parlent de « transe », d’« état modifié de conscience », ou encore de « veille paradoxale ». Un ensemble de méthodes permet d’approcher cet état. Les moyens sont très variés, depuis la fixation d’un point lumineux jusqu’à l’hypnose conversationnelle. Un rapport spécifique s’instaure entre deux personnes pendant la séance. Il existe également de nombreux termes pour désigner ce rapport  : suggestion, rôle, «  transe commune »…Dans la douleur, l’objectif peut être de réinterpréter les sensa-tions douloureuses en s’appuyant sur les capacités d’imagination du patient. Une sensation de brûlure peut par exemple donner lieu à un voyage « imaginaire » dans un désert le temps d’une séance d’hypnose.

3.4. Biofeedback

Le biofeedback permet de prendre conscience et de contrôler cer-taines fonctions physiologiques (rythme cardiaque, rythme res-piratoire, tonus et activité musculaire…). Grâce à des électrodes reliées à un ordinateur, l’enfant peut visualiser sur un écran les variations des fonctions physiologiques. Une interface ludique permet de visualiser sa progression dans un labyrinthe  : plus l’enfant se détend, plus il va avancer. À l’inverse, une expérience de stress va le stopper net dans sa progression.Dans la douleur chronique, le biofeedback peut être utilisé pour accompagner l’apprentissage de la relaxation et de l’hypnose, ou pour expérimenter « concrètement » les liens entre le corps et l’esprit [8].

3.5. Thérapeutiques comportementales et cognitives (TCC)

Les TCC sont des psychothérapies généralement brèves qui s’ap-puient sur l’étude des liens entre les émotions, les pensées et les comportements. Dans ce type de thérapie, on utilise fréquem-ment la relaxation, le biofeedback et l’hypnose en l’associant à un travail sur les représentations et les croyances qui posent problème. On peut notamment mettre en évidence certaines attitudes qui renforcent voire accentuent la plainte. C’est le catastrophisme – la tendance à la rumination, à la résignation et à la généralisation – souvent observé chez les patients doulou-reux chroniques [9].