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La terminologie, une discipline en évolution : le passé, le présent et quelques prospectives M. Teresa Cabré Institut Universitari de Lingüística Aplicada (IULA) Universitat Pompeu Fabra (Barcelone) Texte traduit par Marie-Claude L’Homme 1. Introduction 1 Le présent article trace un portrait chronologique de la terminologie : il rappelle à grands traits les faits saillants du passé; examine la situation actuelle et fait quelques prospectives. La terminologie sera envisagée ici comme une discipline centrée sur un objet, à savoir l’unité terminologique. Nous tiendrons également pour acquis que les domaines du savoir – la terminologie ne fait pas exception – naissent, se définissent et se précisent en fonction de facteurs sociaux et politiques existant dans les contextes qui ont favorisé leur émergence et que ce sont ces facteurs qui expliquent les différentes manières d’aborder un objet scientifique. Quelques remarques préliminaires serviront à situer notre propos. Premièrement, nous aborderons le présent, le passé et l’avenir en tenant compte des spécificités de la situation actuelle de la terminologie caractérisée par des remises en question et des efforts de repositionnement de ses modèles théoriques. Le passé sera envisagé, par conséquent, comme l’ensemble des facteurs qui ont mené à ce contexte. En outre, nous aborderons l’avenir de la terminologie de manière prospective en faisant ressortir les éléments qui, à notre avis, permettent de donner une idée de l’évolution, des changements et des renouveaux envisageables. 1 Une première version de ce texte a été publiée dans la revue Debate.Terminologico 1, 2005. Nous remercions l’auteure ainsi que les éditeurs de la revue de nous avoir permis d’en publier une version française.

Cabré, La terminologie, une discipline en évolution

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Cabré, La terminologie, une discipline en évolution

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  • La terminologie, une discipline en volution :

    le pass, le prsent et quelques prospectives

    M. Teresa Cabr

    Institut Universitari de Lingstica Aplicada (IULA)

    Universitat Pompeu Fabra (Barcelone)

    Texte traduit par Marie-Claude LHomme

    1. Introduction1

    Le prsent article trace un portrait chronologique de la terminologie : il rappelle grands traits

    les faits saillants du pass; examine la situation actuelle et fait quelques prospectives. La

    terminologie sera envisage ici comme une discipline centre sur un objet, savoir lunit

    terminologique. Nous tiendrons galement pour acquis que les domaines du savoir la

    terminologie ne fait pas exception naissent, se dfinissent et se prcisent en fonction de

    facteurs sociaux et politiques existant dans les contextes qui ont favoris leur mergence et

    que ce sont ces facteurs qui expliquent les diffrentes manires daborder un objet

    scientifique.

    Quelques remarques prliminaires serviront situer notre propos.

    Premirement, nous aborderons le prsent, le pass et lavenir en tenant compte des

    spcificits de la situation actuelle de la terminologie caractrise par des remises en question

    et des efforts de repositionnement de ses modles thoriques. Le pass sera envisag, par

    consquent, comme lensemble des facteurs qui ont men ce contexte. En outre, nous

    aborderons lavenir de la terminologie de manire prospective en faisant ressortir les lments

    qui, notre avis, permettent de donner une ide de lvolution, des changements et des

    renouveaux envisageables.

    1 Une premire version de ce texte a t publie dans la revue Debate.Terminologico 1, 2005.

    Nous remercions lauteure ainsi que les diteurs de la revue de nous avoir permis den publier

    une version franaise.

  • Deuximent, afin de bien dcrire les diffrences existant entre les trois poques qui

    nous intressent, nous envisagerons la terminologie selon quatre points de vue : 1) la

    terminologie comme besoin social; 2) la terminologie comme pratique destine satisfaire les

    besoins engendrs par cette exigence; 3) la terminologie comme application ou ensemble de

    ressources gnrs par la pratique et; enfin, 4) la terminologie comme domaine du savoir.

    Nous prfrons aborder la terminologie comme domaine du savoir plutt que comme

    discipline, car le terme discipline renvoit une forme dinstitutionalisation dun domaine de

    connaissances reconnu socialement. Toutefois, cette prise de position ncarte pas demble

    laspect disciplinaire. Ce dernier peut tre pris en compte dans lexplication des diffrentes

    tapes de lvolution de la terminologie.

    Troisimement, notre avis, lvolution de la terminologie sarticule autour de deux

    tendances, savoir lidal et le rel. Si notre point de dpart tait la terminologie de lidal

    , nous aurions circonscrire, caractriser et analyser ce quoi nous aimerions que la

    terminologie ressemble, mme si ce modle ntait pas tout fait confirme la ralit.

    Quatrimement, un portrait du pass, du prsent et de lavenir de la terminologie ne

    prsuppose pas des lignes de dmarcation trs nettes entre chacune des poques. Il nentrane

    pas non plus linvalidation des principes et fondements valables au cours de lune des poques

    envisages. Lvolution dune science ne se droule jamais de manire rectiligne et rarement

    de manire ordonne. Dans tous les cas, elle rsulte plutt, pour tout phnomne ou objet

    quelle dcrit, dun ensemble complexe de changements structurs dont la reprsentation peut

    varier.

    Il importe de rappeler que le fait daborder le pass nentrane pas ncessairement une

    rupture totale avec le prsent. De notre point de vue, il sagit plutt de dcrire une poque au

    cours de laquelle a rgn une certaine conception de la terminologie. Cette conception, tout

    comme celle qui rgne actuellement et celle qui rgnera dans lavenir, sappuie sur des

    lments qui dfinissent la terminologie en fonction des quatre points de vue voqus ci-

    dessus et que nous rappelons brivement :

    La terminologie comme besoin social ;

    La terminologie comme pratique;

    La terminologue comme application ou ensemble de ressources;

  • La terminologie comme domaine du savoir.

    2. Le pass

    Lpoque dore de la terminologie, que nous situons dans la premire moiti du XXe sicle,

    est marque par la prdominance en Europe des travaux dE. Wster, qui nous devons

    dimmenses efforts pour la reconnaissance disciplinaire et politique de la terminologie. Cette

    reconnaissance sest dploye dans les trois secteurs suivants :

    sociopolitique;

    acadmique;

    scientifique.

    Pour Wster, un objet dtude trouve sa justification dans une forme de pertinence

    sociale : autrement dit, il doit sagir dun objet pour lequel un groupe social manifeste de

    vritables besoins. Par consquent, il fait lobjet de demandes manant de professionnels qui

    cherchent des solutions ces besoins. Mme si lappellation terminologue navait pas encore

    fait son apparition dans les annes 1950, Wster a argument avec vigueur en faveur dune

    formation de professionnels de la terminologie. Leur tche consisterait laborer des

    dictionnaires spcialiss (appels dictionnaires techniques) perus alors comme des ouvrages

    incontournables une poque o la technique et les technologies se dployaient dans de

    nombreux secteurs dactivit.

    Les terminologues pouvant raliser ce travail devaient tre, selon Wster, des

    spcialistes dun domaine, puisquils taient les seuls possder les connaissances ncessaires

    pour relever des termes adquats. Comme nous le verrons ci-dessous, cette optique permet de

    mieux comprendre les raisons pour lesquelles Wster privilgiait une dmarche

    onomasiologique, dmarche selon laquelle les connaissances dun sujet prcde la slection

    des dnominations. Il est vrai que si le travail terminologique procde dune structure

    conceptuelle et quil sagisse par la suite dattribuer des dnominations de rfrence chacun

    des concepts prsents dans la structure (ce genre de travail aboutissant une compilation des

    formes normalises pour chacun des concepts), seuls les spcialistes des domaines concerns

    peuvent sacquitter de ces tches. La dmarche rsume dans les lignes qui prcdent est celle

    qua adopt Wster lui-mme en laborant son dictionnaire de la machine-outil, dictionnaire

    qui a servi formuler sa thorie de la terminologie.

  • La reconnaissance sociale de la terminologie, reconnaissance obtenue grce aux

    efforts de Wster et dfinie en fonction de son rle communicatif (cest--dire comme outil de

    communication entre spcialistes), a men la dfinition de deux objectifs fondamentaux. Le

    premier concerne la reconnaissance du rle central jou par la normalisation en terminologie.

    Cet objectif sest ralis concrrement lOrganisation internationale de normalisation (ISO)

    lorigine de la cration du Comit technique 37. Ce comit, dont Wster a t le secrtaire,

    sest occup et continue de le faire de ltablissement de principes de travail en

    terminologie et de la reprsentation des donnes terminologiques. Le second objectif concerne

    la cration dun centre international de terminologie. Il sest ralis sous la forme dun

    programme de terminologie lUNESCO, programme qui a donn lieu la cration du centre

    de documentation en terminologie INFOTERM Vienne. La direction du centre a galement

    t confie Wster.

    Wster avait conscience quil serait nettement plus difficile de faire reconnatre la

    terminologie sur le plan acadmique. Lajout de nouvelles matires aux programmes dtudes

    universitaires constitue une source permanente de conflits. La rsistance manifeste lgard

    de nouvelles disciplines qui peuvent se faire concurrence sobserve encore aujourdhui. Les

    linguistes dits purs ne voient dans la terminologie que son aspect applicatif : pour eux, elle

    est rduite une srie de tches touchant llaboration de dictionnaires spcialiss, tches qui

    nexigent pas, selon certains, de grandes connaissances en linguistique. Cette vision rductrice

    a relgu la terminologie aux programmes dorientation professionnelle, comme la traduction

    ou la documentation. quelques rares exceptions, la terminologie ne figure dans aucun

    programme de formation en linguistique ou en philologie. La seule russite de Wster dans ce

    domaine a t la cration dun cours de terminologie gnrale lUniversit de Vienne, cours

    quil a dispens et qui existe encore aujourdhui.

    Enfin, pour confrer la terminologie une reconnaissance scientifique, Wster a

    emprunt la seule voie possible : doter la terminologie dune thorie qui justifierait son statut

    comme discipline. Cette thorie a t dnomme, par les disciplines de Wster, Thorie

    gnrale de la terminologie (TGT) afin de lopposer ce que Wster appellait les thories

    propres chaque spcialit.

    Cette srie de dcisions ont contribu la consolidation et limplantation de la TGT

    dont lensemble des principes logiques nous sont apparus dans toute leur complexit aprs de

  • nombreuses annes de rflexion. Cette rflexion nous a permis de constater la cohrence de la

    TGT par rapport aux principes de dpart sur lesquels elle repose et dexpliquer les raisons

    pour lesquelles Wster lui a donn cette forme. Wster a fond sa thorie sur la dmarche

    quil a adopte pour laborer son dictionnaire et cela a dtermin la fois le point de vue

    adopt sur lobjet terminologique et les principes fondamentaux de la terminologie.

    Reprenons un a un les lments qui ressortent de la discussion qui prcde :

    Le point de dpart de la dmarche adopte par Wster pour raliser le Dictionnaire de

    la machine-outil est sa connaissance approfondie du sujet. Ses connaissances du

    domaine lui ont permis de construire une structure conceptuelle sur laquelle il pouvait

    ensuite greffer des dnominations. La dmarche tait donc, puisquil tait spcialiste,

    onomasiologique.

    Cette dmarche a eu une consquence importante : Wster a pos le principe de la

    primaut du concept par rapport la dnomination et a dfini le concept comme objet

    central de la terminologie sans le sparer, toutefois, de la dsignation.

    Les donnes sur lesquelles Wster a appuy ses observations et dont il a dcrit les

    caractristiques correspondent aux donnes de son dictionnaire qui avait une finalit

    bien dfinie (faciliter la communication internationale entre professionnels et

    permettre une communication interlinguistique sans ambigut). Autrement dit, lobjet

    sur lequel Wster a appuy ses observations a donn une orientation trs prcise sa

    thorie : il ne reprsente pas lensemble des situations de communication spcialise,

    ni mme toutes celles qui interviennent entre experts.

    Les principes de la TGT reposent donc sur les observations faites partir du

    Dictionnaire de la machine-outil, sur un cadre dfini par la dmarche et la

    mthodologie adoptes pour raliser ce dictionnaire, et, surtout, sur sa finalit

    normalisatrice.

    Ces explications permettent de mieux comprendre que la TGT :

    o sest construite en marge dune conception linguistique2;

    2 Wster a justifi cette sparation en allguant que les thories linguistiques de lpoque ne

    tenaient pas compte de certains aspects essentiels permettant de distinguer les termes des units

  • o a appuy son caractre distinctif par rapport la linguistique sur les hypothses

    que chacune fait sur les langues;

    o a pos la sparation du concept et de la dsignation et la primaut du concept

    sur la dsignation;

    o a plac sur le mme plan la dnomination dun concept par un terme (cest--

    dire la dnomination linguistique) et la dnomination non linguistique;

    o a justifi la fonction particulire de la terminologie qui peut intervenir sur

    lvolution normale des termes en les normalisant3;

    o a mis laccent sur lattention exclusive accorde la forme crite des termes (la

    seule forme de normalisation prvue par les normes internationales) et a cart

    la forme orale, pourtant privilgie en sciences du langage;

    o a fait limpasse sur la combinatoire des termes4;

    o a fait limpasse sur les aspects diachroniques des concepts et des termes5.

    lexicales de langue gnrale. Nous supposons, bien que cela ne soit pas dit explicitement, quil

    faisait rfrence la smantique et la pragmatique qui permettraient de fait de caractriser les

    units terminologiques. Dans notre propre conception de la terminologie, nous nenvisageons

    pas les termes comme des units en marge du lexique. Au contraire, nous dfendons lide

    selon laquelle il sagit dunits lexicales possdant une valeur spcialise. Le caractre

    terminologique se dfinit alors comme une valeur attribue aux units du lexique. Cette valeur,

    qui est fondamentalement smantique et fixe par un classement conceptuel dexpert, est

    active en fonction de facteurs pragmatiques.

    3 En fait, lintervention sur lvolution des langues et tout fait habituelle dans toute opration

    de planification linguistique. Citons, par exemple, le cas de lhbreu moderne.

    4 La combinatoire des termes est aujourdhui lun des aspects les plus tudis. Certains travaux

    se penchent sur la phrasologie (phrasologie de spcialit); dautres dcrivent les collocations

    dont font partie les termes. Le lecteur peut se reporter Lorente et al. (1998), Bevilacqua

    (2004), Lorente (2001) et Vidal (2004).

  • La dmarche adopte par Wster dans la formulation de sa thorie explique galement

    le fait que la rgle en terminographie consiste appliquer une dmarche

    onomasiologique (du concept la dnomination) et que toute dmarche

    smasiologique (de la dnomination au concept) soit carte et relgue au domaine

    de la lexicographie orientation linguistique.

    Enfin, la dmarche de Wster explique le caractre homogne des produits

    terminographiques salignant sur des normes internationales. Il sagit de glossaires

    plurilingues vocation de normalisation ; outils qui conviennent aux spcialistes qui

    sont la recherche de la forme dnominative normalise dans leur langue ainsi que ses

    quivalents dans dautres langues galement normaliss.

    3. Le prsent

    Les changements sociaux qui sont survenus au cours du XXe sicle, et plus prcisment

    durant la seconde moiti du sicle, ont remis en cause de nombreuses valeurs que lon tenait

    pour acquises auparavant et ont entran une redfinition de lorganisation sociale, politique et

    conomique traditionnelle. Certains de ces changements ont eu un impact profond sur les

    systmes de communication, le statut des langues et la valeur de la terminologie spcialise

    sur le march du savoir.

    Parmi les facteurs les plus importants qui ont modifi notre conception de la thorie et

    de la pratique de la terminologie, mentionnons les suivants :

    Laccroissement des communications multilingues touchant des langues de statut

    sociopolitique et de famille linguistique distincts et intervenant entre pays dont les

    cultures et le dveloppement conomique et technique ne sont pas les mmes.

    La diversification des situations de communication spcialise, elle-mme entrane

    par des besoins varis quant transmission des connaissances spcialises.

    5 Le caractre essentiel des aspects diachroniques a retenu lattention dans des travaux plus

    rcents (voir Temmerman 2000).

  • La multiplication des sujets faisant lobjet dchanges internationaux; ce facteur

    rsulte dun accroissement important de la place occupe par le savoir et dune

    diversification des contenus spcialiss. En outre, les sujets dintrt ne se limitent

    plus aux sciences dites dures et aux techniques : ils concernent galement les sciences

    et activits humaines et sociales.

    La diffusion du savoir spcialis par des moyens de communication de masse et la

    gnralisation de la formation spcialise tous les niveaux dtude.

    Lapparition et limplantation des technologies dans tous les secteurs professionnels.

    Paralllement, dautres changements importants touchant le statut social et politique

    des langues se sont produits pendant la seconde moiti du XXe sicle. Parmi ceux-ci,

    mentionnons les deux suivants : 1) limportance accorde par les tats aux langues parles sur

    leur territoire comme instruments daffirmation nationale; 2) la participation effective de

    lappareil politique au dveloppement du corpus des langues officielles et la promotion de

    leur utilisation au moyen de politiques linguistiques. Ces politiques sont conues pour

    gnraliser lemploi dune langue nationale dans toutes les sphres de communication au sein

    dun pays. Elles contribuent galement au dveloppement de programmes visant laborer

    des terminologies et mettre la disposition des usagers des moyens adapts la

    communication spcialise. La promotion dune langue nationale au rang de langue dusage

    nexclut pas quen situation de communication internationale on adopte la mme langue ou

    quon choisisse une autre langue fonctionnelle. On peut facilement en dduire que, dans ce

    contexte, le dveloppement de produits terminologiques sest accru de manire spectaculaire

    dans toutes les langues et a contribu indirectement lpanouissement de la terminologie

    comme domaine du savoir.

    Sans prtendre lexhaustivit, nous pouvons ajouter que les changements

    scientifiques et techniques font galement partie des facteurs qui participent au tournant

    pistmologique emprunt par la terminologie et ses applications.

    Parmi les changements de nature scientifique qui ont touch le statut pistmologique

    de la terminologie directement, il convient de mentionner limpulsion donne par la

    linguistique, cest--dire louverture la pragmatique et la smantique. Lorsque Wster a

    conu sa thorie de la terminologie, la linguistique tait domine par le structuralisme. Le

    paradigme ne permettait pas de prendre en compte la nature distinctive de termes qui doit

  • sappuyer sur des aspects pragmatiques et smantiques et non sur des aspects grammaticaux.

    La linguistique gnrative et transformationnelle, qui a domin partir de la fin de la

    premire dcennie du XXe sicle jusquaux annes 1970, nautorisait pas plus la prise en

    compte du caractre spcifique des units terminologiques ou des diffrences existant entre

    les termes et les autres units lexicales dune langue.

    Le premier changement qui, notre avis, reprsente le premier pas vers une

    reconnaissance linguistique de la terminologie est la revalorisation de la composante lexicale

    dans les cadres thoriques grammaticaux, transformationnels ou non transformationnels. Ce

    changement a contribu un regain dintrt pour le lexique en tant que tel et non uniquement

    comme lment ncessaire la description de la syntaxe. Toutefois, cest lmergence du

    fontionnalisme linguistique et, plus tard, lapplication au langage des thories cognitives

    dabord proposes par la philosophie et la psychologie qui ont permis la thorie de la

    terminologie de prendre un tournant dcisif. Ces deux derniers paradigmes offrent la

    terminologie un cadre qui se prte bien la description des termes en raison des aspects

    smantiques et pragmatiques qui sont pris en compte. Cette diversification des centres

    dintrt au sein de la linguistique a permis la discipline dtendre ses analyses au texte (et

    de plus sarrter la seule phrase), daborder les similitudes et les diffrences existant entre

    les textes spcialiss et gnraux et de tenir compte du contexte linguistique dans lequel

    voluent les units terminologiques.

    Le dveloppement spectaculaire de la linguistique base sur corpus a galement

    contribu lmergence dune terminologie descriptive. Les analyses qui sappuient sur des

    donnes extraites de corpus permettent non seulement de disposer dune masse critique de

    donnes slectionnes adquatement pour dcrire lun ou lautre phnonme, mais galement

    dobserver et de faire des gnralisations que le seul recours lintuition ne permet pas de

    dgager. De plus, les corpus ont eu un impact important sur le travail terminologique.

    Auparavant ralis au moyen de mthodes artisanales, il intgre dsormais des technologies

    de manire plus ou moins importante menant ainsi la dfinition de nouvelles mthodes de

    travail.

    Afin de mieux comprendre les nouvelles possibilits quoffrent actuellement dautres

    disciplines la terminologie, il convient de mentionner la place de plus en plus importante

    occupe par lanalyse du discours, importance amplifie par la prise en compte des textes

  • considrs dans leur contexte communicatif. Lanalyse du discours permet galement

    dexaminer la corrlation existant entre les units linguistiques grosso modo entre units

    lexicales et combinaisons dunits lexicales et les contraintes communicatives.

    Enfin, ce panorama des facteurs ayant contribu au changement quont connu le

    positionnement scientifique et les applications de la terminologie serait incomplet si nous

    occultions limportance de la revalorisation de la nature fondamentalement sociale des

    langues et du rle symbolique quelles jouent dans les communications nationales et

    internationales, notamment avec les revendications en faveur du multilinguisme propre la

    politique europenne actuelle.

    De leur ct, les sciences cognitives ont acquis une importance croissante sur la scne

    scientifique tout au long de la seconde moiti du XXe sicle. La distinction entre pense et

    activit crbrale ainsi que la possibilit dappuyer des hypothses sur le language et les

    langues sur des bases neurophysiologiques ont permis de poser les problmes dans une

    perspective purement mentaliste et de les vrifier au moyen de donnes empiriques. Ainsi, un

    nouveau courant de psychologie cognitive se dveloppe en marge de la philosophie de la

    science. Il forme la base sur laquelle peut se construire la linguistique cognitive et, plus

    spcifiquement, la grammaire cognitive. Laspect conceptuel de la terminologie trouve ainsi,

    dans les postulats du cognitivisme, un cadre plus adquat pour dcrire les caractristiques

    fondamentales du concept spcialis et des structures conceptuelles ainsi que des arguments

    pour appuyer la thse de Wster selon laquelle le concept prvaut sur la dnomination.

    Cependant, si dun ct, les sciences cognitives cautionnent la thorie wstrienne, de

    lautre, elles en invalident certains fondements : par exemple, le caractre fixe du concept, la

    monosmie du terme et, enfin, la structuration universelle des notions dans les domaines du

    savoir. Dautres avances remettent en cause le postulat selon lequel la terminologie doit

    dabord soccuper des concepts et ensuite des dsignations, et permettent den formuler des

    critiques. Mentionnons la thorie du prototype et son pouvoir explicatif quant la

    catgorisation de la ralit et ladhsion des linguistes et spcialistes de lanalyse du discours

    lgard du constructivisme comme explication de la catgorisation et son recours la

    gradualit face la catgorisation. Enfin, limportance quont acquis les aspects culturels au

    sein du constructivisme, mais galement dans dautres cadres thoriques dans lanalyse de

  • phnomnes linguistiques ont fourni dautres arguments aux dtracteurs de la terminologie

    conue Vienne au dbut du XXe sicle.

    Paralllement aux changements qua connus la linguistique (cest--dire lapparition

    des nouveaux paradigmes voqus ci-dessus), les sciences de linformation se sont galement

    dveloppes considrablement, notamment en raison de lintgration des nouvelles

    technologies. Ces dernires ont entran une demande croissante doutils linguistiques et de

    techniques faisant appel au traitement de la langue. La facilit avec laquelle on peut

    dsormais stocker linformation qui a pourtant t un des plus sujets les plus proccupants

    du sicle dernier a donn lieu dautres proccupations, savoir ladquation, une tche

    spcifique, des outils mobiliss et lefficacit des traitements. Outre les mthodes

    linguistiques, des mthodes statistiques et des techniques dapprentissage automatique sont

    dsormais couramment utilises en traitement automatique de la langue.

    En terminologie, ces changements ont eu de profondes consquences sur le travail

    dlaboration de glossaires. Ils ont compltement boulevers la chane de travail ainsi que la

    mthodologie utilise. En effet, le volume norme de textes quil est dsormais possible de

    tlcharger partir dInternet permettent de construire des corpus portant sur toutes les

    thmatiques. Des outils de traitement automatique peuvent tre utiliss pour exploiter ces

    corpus, y localiser la terminologie, lextraire et la placer dans des bases terminologiques. Les

    systmes dextraction automatique dinformation peuvent galement se concentrer sur les

    contextes les plus utiles pour dcrire un terme, cest--dire sur ceux qui renferment des

    fragments de dfinition, des variantes dnominatives ou, encore, lexpression dune relation

    smantique comme la synonymie, lhyperonymie et lhyponymie. Si ces outils sont

    correctement intgrs dans une mme plateforme, on peut concevoir un poste de travail qui

    facilite grandement le travail dlaboration de glossaires spcialiss.

    En rsum, nous pouvons affirmer que les changements survenus au cours des

    dernires dcennies ont eu des consquences importantes sur la manire de concevoir

    linformation spcialise et sur les traitements adapts cette information :

    La valeur sociale attribue linformation spcialise a doubl en importance ;

    Le traitement automatique des textes spcialiss requiert de grandes quantits de

    termes disponibles ;

  • La dfense du multilinguisme dans les changes gnre des besoins en terminologie et

    en nologie ;

    Limportance accorde la communication spcialise a contribu lmergence de

    nouvelles professions langagires et force les professions langagires classiques

    sadapter de nouveaux environnements de travail.

    Ce nouveau contexte a entran une remise en question de la thorie de la terminologie

    et un examen de son aptitude rendre compte de cette complexit reprsentative et

    communicative. En outre, conformment ce repositionnement, nous pouvons affirmer que la

    terminologie nest plus considre comme une ncessit et une pratique homognes. On la

    peroit dsormais comme un ensemble de besoins qui exigent des pratiques distinctes et des

    applications adaptes. De lhomognit et de luniformit qui caractrise la production de

    glossaires terminologiques, nous sommes passs une diversification de produits

    terminologiques qui se dfinissent avant tout en fonction de leur adquation aux

    caractristiques discursives qui leur permettront de fonctionner socialement.

    Comme on peut sy attendre, ces changements ont men une rvision critique de la

    validiti des postulats de la thorique gnrale de Wster. Comme nous lavons vu, les

    critiques de la terminologie classique manent de trois secteurs diffrents :

    a) les sciences cognitives;

    b) les sciences du langage;

    c) les sciences de linformation.

    La philosophie et la psychologie cognitives ont dmontr quil tait extrmement

    difficile de tracer une ligne de dmarcation nette entre les connaissances spcialises et

    gnrales. En outre, elles ont montr que lacquisition de connaissances spcialises fait appel

    aux connaissances gnrales et ont mis en vidence le rle jou par les acteurs dans la

    construction du savoir partir du discours et lomniprsence de la culture (y compris la

    culture scientifique) dans la perception de la ralit.

    Les sciences du langage, et plus prcisment la linguistique et la sociolinguistique, ont

    remis en cause la division radicale entre la langue gnrale et spcialise. Elles ont galement

    dcrit les fondements sociaux des langues de spcialit et leur diversification interne et ont

    formul des hypothses permettant de construire des modles gnraux intgrant la fois le

  • gnral et le spcialis. Dans ce type de linguistique, la smantique et la pragmatique jouent

    un rle dterminant. En effet, les modles linguistiques adapts la terminologie doivent tenir

    compte, en plus de laspect formel du langage, de ses aspects cognitifs et fonctionnels. Enfin,

    la linguistique du texte et la linguistique de corpus offrent un cadre grammatical qui permet

    de repousser les limites de la linguistique structurale et des modles gnratifs standard

    centrs sur la phrase.

    Les sciences de linformation, quant elles, se sont concentres sur la mise au point de

    scnarios communicatifs divers et ont labor des modles sous forme de schmas, de

    situations ou de cadres qui tiennent compte de la communication spcialise. Dans ces

    modles, la communication spcialise nest plus envisage comme un cas de figure isol,

    mais comme une sries doptions spcifiques lintrieur dun mme schma. Par ailleurs,

    lanalyse du discours sintresse de plus en plus au discours spcialis ainsi qu sa

    reprsentation et sa diffusion sociales.

    3.1 Ractions de lapproche wstrienne

    La raction des cercles traditionnellement associs la diffusion des ides relatives la

    terminologie ne nest pas fait attendre. Dans un article intitul Socioterminology,

    Terminology Planning and Stardardization, Myking (2001) critique les contributions

    orientation sociolinguistique et les analyse en termes de ressemblances et de diffrences par

    rapport la thorie wstrienne. La conclusion quil tire cet examen est la suivante : la

    diffrence entre les ides mises par les disciplines de Wster et celles de ses dtracteurs se

    rsume au fait que les uns travaillent dans une optique monolingue alors que les autres se

    placent dans une perspective multilingue.

    notre avis, le constat de Myking constitue une simplication de la question. Il analyse

    la situation en dcrivant des positions polarises et les considre comme des dichotomies :

    a) Optique terminologique dont la vise est la planification linguistique par rapport une

    optique centre sur les spcialits;

    b) La recherche ponctuelle par rapport la recherche thmatique;

    c) La dmarche smasiologique par rapport la dmarche onomasiologique.

    De notre point de vue, limportance du mouvement de dissidence sexplique par des

    motifs qui vont beaucoup plus loin que des considrations pratiques. Elle repose sur les

  • conceptions distinctes, les prsupposs distincts et les principes fondamentaux distincts de

    chacune des optiques thoriques adoptes.

    Les dfenseurs de la thorie classique assurent que la TGT a intgr de nouveaux

    aspects sociaux et communicatifs, ce qui a contribu la formulation dune TGT beaucoup

    plus tendue. Toutefois, notre avis, il ne sagit pas tant de moduler une thorie existante que

    de dfinir un nouveau modle capable de rendre compte des donnes empiriques produites par

    une grande varit de situations et doffrir une base suffisamment large pour concilier des

    optiques distinctes et les priorits rvles par des exigences de nature diffrente. Il faudrait

    analyser les propositions thoriques de Wster et de ses disciples et sassurer quelles sont

    suffisamment tendues et reprsentatives des donnes terminologiques et de leur

    fonctionnement global pour voir sil convient de la dfinir comme une thorie unifie de la

    terminologie. Dans cette dialectique, la thorie classique, en raison de la cohrence interne,

    occupera une place trs importante. Toutefois, elle ne peut pas tre envisage comme un

    modle central quon enrichira dlments dfinis par dautres conceptions ou rendus

    ncessaires par dautres besoins.

    notre avis, la thorie labore par Wster, mme si elle nest pas uniquement

    prescriptive comme le prtendent ses dfenseurs , ne rend compte que dune partie des

    donnes terminologiques, savoir le contenu des dictionnaires spcialiss vocation de

    normalisation. Par consquent, la thorie qui sest construite partir de ces donnes est

    forcment oriente. La finalit dune thorie est de dcrire des donnes relles et

    reprsentatives. En outre, une thorie doit avec une cohrence interne et possder un pouvoir

    prdictif.

    De toute vidence, une dmarche qui sappuie sur des donnes rattaches un

    dictionnaire, et a fortiori un dictionnaire dont la finalit est de normaliser, mnera

    invitablement aux conclusions suivantes : 1) la terminologie est systmatique et biunivoque;

    2) les termes sont parfaitement quivalents dune langue lautre, et; 3) les concepts

    lintrieur dun domaine sont prcis et universels, leurs dnominations peuvent tre dcrites

    formellement et contribuer ainsi la dfinition dune terminologie internationale.

    Toutefois, si nous observons les donnes terminologiques en discours, lieu o elles

    subissent des variations en fonction des registres fonctionnels distincts de la communication

    spcialise, elles seront forcment moins systmatiques, moins souvent univoques ou

  • universelles que celles qui ont retenu lattention de Wster. La raison de ce caractre moins

    stable est vidente : en discours spcialis oral et crit, la terminologie constitue un recours

    expressif et communicatif, et, conformment ces deux facteurs, le discours est marqu par

    une redondance ainsi quune variation conceptuelle et synonymique. En outre, on pourra

    constater de nombreuses infractions au principe dquivalence parfaite entre les langues. Cest

    prcisment ici, dans la nature des donnes observes, que se situe le point nvralgique de la

    dissension.

    Pour faire le point sur la valeur des propositions thoriques critiques par rapport la

    terminologie classique, propositions prsentes par les auteurs comme des thories

    alternatives, G. Budin (2001) a procd un examen comparatif de diffrents courants. Son

    examen tient compte de trois ensembles de propositions :

    a) La socioterminologie : dans ce premier courant, lauteur place le groupe de Rouen

    (Gaudin, 1993; 2003), la terminologie orientation sociale scandinave, la

    terminologie sociocognitive de Temmerman (2000) et quelques contributions

    individuelles comme celles de Boulanger (1995), de Cabr (1999) et dAntia (2000).

    a) La terminologie computationnelle : courant qui fait appel aux corpus textuels et qui

    intgre une composante de recherche applique en ingnierie terminologique. Ce

    courant sintresse la modlisation des donnes et des mtadonnes ncessaires au

    traitement de linformation terminologique et aux analyses sappuyant sur la

    linguistique formelle (par exemple, la Thorie Sens-Texte dIgor Meluk (Meluk,

    1997; Meluk et al., 1995))6. Lauteur cite ici Ahmad (1998), Heid (1999),

    Jacquemin, Bourigault et LHomme (1998) et Pearson (1998)7.

    b) Le paradigme autonome : courant qui se situe en sciences sociales (Riggs,1984).

    Nous croyons que le panorama dress par Budin ne reflte pas non plus la situation de

    la terminologie qui pourrait tre qualifie dalternative et cela, pour quatre raisons.

    Premirement, les contributions des deux premiers groupes ne sopposent pas : elles

    6 Les modles lexicaux de la Thorie Sens-Texte ont t appliqus la terminologie par

    LHomme (2005).

    7 Nous pourrions ajouter cette liste Kageura (2002).

  • reprsentent plutt (ou peuvent reprsenter) des volets distincts dune mme thorie. En effet,

    lutilisation de corpus pour extraire de linformation ne soppose pas loptique qui tient

    compte de la dimension sociale de la terminologie. Deuximement, Budin rassemble dans le

    premier groupe des optiques qui sopposent quant la manire denvisager lobjet de la

    terminologie et quant aux prsupposs sur lesquels elles sappuient. Troisimement, les

    travaux cits par Budin ne sont pas tous des propositions thoriques et encore moins des

    thories. La plupart dentre eux, notamment ceux du deuxime groupe, sefforcent

    damliorer des stratgies et des outils de traitement automatique et ne sintressent pas aux

    questions thoriques, du moins pas ouvertement8.

    3.2 Nos propositions

    Afin dapporter une contribution constructive llaboration et au dveloppement dune

    thorie de la terminologie, nous travaillons depuis 1996 une conception thorique

    suffisamment tendue pour rconciler diffrents points de vue sur le terme. Il sagit de la

    Thorie communicative de la terminologie (TCT) que nous prsentons comme une thorie

    linguistique des units terminologiques composante cognitive et communicative. Notre

    thorie, dont nous prsentons les grandes lignes ci-dessous, est dcrite en dtail dans Cabr

    (2003) (Le lecteur peut se reporter ce texte pour plus de dtails).

    Dune manire gnrale, la TCT est un cadre qui permet daccueillir les diffrentes

    conceptions de lunit terminologique, unit qui constitue lobjet central de toute thorie de la

    8 Il est vident que toute application sappuie explicitement ou implicitement sur des postulats

    thoriques, du moins quant lunit analyse. En effet, la majorit des linguistes conoivent

    lunit terminologique comme un signe compos dun signifiant et dun signifi.

    Lidentification automatique de ces units est ralise partir dune description de leur

    structure formelle. Ainsi, seules les units correspondant structurellement des units du

    lexique peuvent prtendre au statut dunit terminologique; ces units sont simples ou

    complexes et correspondent, sur le plan catgoriel, des noms, des verbes, des adjectifs et des

    adverbes. La slection des units possdant une valeur terminologique, sappuie sur des

    stratgies statistiques ou linguistiques plus ou moins raffines. La finesse du traitement du texte

    contribue sans conteste la qualit de lextraction.

  • terminologie. En TCT, cet objet est dfini comme une entit polydrique : autrement dit, on

    peut y accder en empruntant des voies diverses. Pour expliquer la varit des accs possibles

    lobjet terminologique, nous avons propos le modle des portes (Cabr 1999; 2003). Un de

    ces accs peut se faire au moyen de la linguistique : il convient alors daborder les units avec

    une thorie du langage qui intgre des aspects smantiques et pragmatiques afin de rendre

    lanalyse compatible avec une thorie de la connaissance et de la communication.

    Les principes fondamentaux de la TCT sont les suivants :

    La TCT tient pour acquis que lunit terminologique constitue lobjet central de la

    terminologie comme champ du savoir.

    Les units terminologiques sont polydriques (elles ont des proprits linguistiques,

    cognitives et sociocommunicatives).

    Laccs aux units terminologiques peut se faire par des portes diffrentes : la

    linguistique, les sciences cognitives et les sciences de la communication sociale.

    Chaque porte dentre exige une thorie adapte qui doit partager le mme objet

    central (lunit terminologique) et sa conception polydrique. En outre, chaque thorie

    doit tre cohrente avec les thories adaptes aux autres portes dentre.

    Lanalyse des units terminologiques au moyen de la linguistique doit se faire partir

    de textes et de productions linguistiques orales et crites.

    Dans les textes, les units prototypiques servant reprsenter les connaissances

    spcialises sont les units terminologiques.

    Les termes sont des units dnominatives qui subissent des variations (polysmie et

    synonymie).

    Les units terminologiques servent exprimer les connaissances spcialises, rle

    quelles partagent avec les autres units linguistiques (morphmes, syntagmes et

    autres units syntaxiques).

    Les units terminologiques se caractrisent par rapport aux autres units linguistiques

    de trois manires : elles correspondent des units lexicales cest--dire quelles ont

    la mme structure morphologique ou syntaxique , elles entrent dans la structure

  • conceptuelle dun domaine et, smantiquement, elles reprsentent les units

    autonomes minimales de cette structure.

    Dans une thorie du langage, les units terminologiques ne sont pas conues comme

    des units distinctes des mots qui font partie du lexique dun locuteur. Au contraire,

    elles sont dcrites comme des valeurs spcialises attaches des units lexicales.

    Une unit lexicale nest ni terminologique, ni gnrale. Par dfaut, elle est gnrale et

    acquiert une valeur spcialise ou terminologique lorsque les conditions pragmatiques

    du discours sont runies pour activer son signifi spcialis.

    Toute unit lexicale peut devenir une unit terminologique, mme si cette valeur na

    jamais t active. Cette possibilit permet dexpliquer les mcanismes de

    terminologisation et dterminologisation.

    Le sens spcialis nest pas un ensemble dinformation prdfini et bien ferm; il

    sagit plutt du rsultat dune slection spcifique de caractristiques smantiques

    faite en fonction de chaque situation de communication9.

    Seule une thorie linguistique cognitive et fonctionnelle, cest--dire qui renferme des

    composantes smantiques et pragmatiques en plus dune composante grammaticale,

    peut dcrire le caractre spcifique des units terminologiques et rendre compte de ce

    que ces units ont en commun avec les autres units lexicales non spcialises. En

    outre, la pragmatique est indispensable pour expliquer lactivation de la valeur

    terminologique des units lexicales.

    9 Cette slection justifierait le fait que, dans une thorie du langage, il faudrait faire rfrence aux

    units terminologiques en tant quunits de signification spcialise (USS). Nous pouvons

    rsumer les ides qui prcdent en affirmant que le statut dunit terminologique applique

    une unit lexicale ne prexiste pas son utilisation dans une situation de communication

    dtermine. Cette optique permet de rendre compte de lintersection smantique entre les

    diffrentes acceptions dune mme unit lexicale en fonction de son utilisation dans diffrents

    domaines. Elle permet galement dexpliquer les mouvements des units lexicales entre le

    discours gnral et terminologique et leur dplacements dun domaine thmatique lautre.

  • 3.3 Examen de quelques questions fondamentales

    Lors quun colloque tenu Lisbonne en 2003, colloque auquel participait un grand nombre de

    spcialistes europens et canadiens pour dbattre des thories actuelles de la terminologie, un

    consensus sur les principes numrs ci-dessus semblait se dgager. Ainsi, nous avons pu

    observer un changement de perception quant aux principes fondamentaux de la terminologie

    comme domaine du savoir. Pour certains auteurs, ce changement est attribuable en partie

    lutilisation des nouvelles technologies qui ont contribu au dveloppement de la linguistique

    de corpus. Cette nouvelle manire daborder les donnes nous oblige partir des textes rels,

    produits par des spcialistes placs dans diffrentes situations de production et de

    transmission du savoir, et dextraire une information trs diversifie sur le discours spcialis.

    Les nouvelles technologies entranent galement une modulation des mthodes de travail et

    une redfinition des critres didentification des units terminologiques.

    Il est gnralement admis que ce nouveau contexte nous amne galement

    reconnatre que lanalyse des textes (en tant que discours) impose la prise en compte de leur

    dimension sociale. Ainsi, les units terminologiques ne peuvent plus tre perues uniquement

    comme des units de reprsentation et de transmission dun savoir prcis homognes et

    totalement contrles mais plutt comme des units dynamiques qui contribuent la

    construction des connaissances par leur utilisation en discours et qui ne peuvent tre

    totalement spares du bagage culturel du locuteur qui les produit.

    De mme, ce changement de perspective a entran une remise en question du

    caractre universel des concepts et du lien direct pos entre lobjet et le concept dans les

    domaines spciailiss. Tous les discours, y compris le discours spcialis, sont des

    constructions sociales.

    On saccorde galement pour dire que lobjet de la terminologie est de nature

    multidisciplinaire et que cela justifie le fait quil puisse tre abord par des disciplines

    diffrentes. Par consquent, la terminologie elle-mme se dfinit comme un champ

    multidisciplinaire ou comme un carrefour entre diffrentes sciences (Crossing of different

    sciences).

    Lors du colloque de Lisbonne, nous avons galement pu constater que certains auteurs

    remettait ouvertement en question la division entre termes et mots, du moins sur le plan

    formel. Ceux-ci proposent plutt de se focaliser sur le sens comme paramtre permettant de

  • faire le dpart entre les deux units. Ds lors quon propose d unifier les termes

    (traditionnellement, objet de la terminologie) et les mots (objet de la lexicologie) on remet

    forcment en question la sparation rigide entre la lexicographie et la terminologie. Selon

    (Martin et Heid 2001), le modle des cadres (frames) semble mieux adapt la prise en

    compte des proprits communes aux mots et aux termes tout en soccupant des

    caractristiques spcifiques des termes10.

    Enfin, on a soulign le fait que toute la polmique entourant les critiques lendroit de

    la thorie de Wster et, surtout, la division radicale entre la teminologie et le langage ainsi

    que le lien direct tabli entre lobjet et la dsignation se produit galement de manire

    rcurrente en philosophie.

    Ainsi, il apparat plus productif de nous concentrer sur la construction dun nouveau

    savoir en nous appuyant sur de nouvelles hypothses gnres par lobservation des

    donnes et par lutilisation de critres prcis et mesurables. Toutefois, la construction dun

    domaine de connaisances unifi repose sur des principes fondamentaux communs. En outre,

    mme si on peut envisager lintgration de conceptions distinctes au sein dun ensemble de

    principes fondamentaux, ces conceptions ne doivent pas se contredire entre elles.

    La question qui se pose maintenant est de savoir quelles sont ces principes communs

    (de mme, on peut se demander quel modle permettra dintgrer des conceptions distinctes).

    notre avis, ces principes se rsument aux deux suivants :

    Un objet central commun ;

    Cet objet central est polydrique.

    3.3.1 Quel est lobjet central de la terminologie ?

    Les rponses apportes cette question par les thoriciens de la terminologie divergent. Pour

    les uns, lobjet central de la terminologie est le concept envisag comme une entit

    10 Fait curieux, une seule communication argumentait en faveur dune conception de la

    terminologie adapte aux exigences sociales dun contexte particulier. Ce contexte dcrit bien

    la situation des pays nordiques qui sappuient sur une version modre de la thorie

    wstrienne. Lappel ce modle se justifie dans un contexte o le travail terminologique sert

    la planification linguistique.

  • universelle qui prvaut sur le terme; ce dernier nest quune tiquette servant dnommer le

    concept. Pour les autres, lobjet central est le terme envisag comme une unit dote la fois

    dune forme et dun contenu.

    Cette divergence quant lobjet central de la terminologie na pas forcment de trs

    grandes consquences pour les applications de la terminologie, car celles-ci se justifient en

    fonction de leur adquation une tche spcifique (elles sont conues, rappellons-le, dans un

    contexte prcis et ont pour fonction de remplir des exigences dtermines).

    Il est certain que, pour les spcialistes en situation de production de connaissances

    nouvelles, le concept prvaut la dnomination. Mme lorsquils crent une nouvelle

    dnomination, celle-ci est associe un sens existant. Pour dautres spcialistes, toutefois,

    comme les traducteurs ou les lexicographes, la terminologie repose sur le terme.

    3.3.2 Comment concilier ces deux options ?

    Notre proposition consiste envisager ces deux options, non pas comme des options

    polarises, mais plutt comme des lments intgrs au caractre polydrique du terme. Il

    sagit, en fait, de deux des facettes du terme et font partie intgrante dune mme entit.

    Afin de rendre compte de lunicit de lobjet de la terminologie tout en acceptant quil

    ait deux facettes distinctes, il convient de faire appel un modle qui les intgre sans les

    opposer entre elles. Ce modle doit tre suffisamment flexible pour accueillir les diffrentes

    perspectives auquel un objet commun peut donner lieu. De mme, il doit pouvoir dcrire cet

    objet qui, rappelons-le, reste toujours le mme partir de diffrentes facettes, tout en

    respectant son caractre multidisplinaire. Cest la raison pour laquelle nous avons adopt le

    Modle des portes . Par ailleurs, notre avis, la Thorie communicative de la terminologie

    nous permet de concilier ces perspectives.

    4. Quelques prospectives sur lavenir de la terminologie

    Au risque de commettre quelques erreurs, nous tenterons dexaminer quelques-unes des voies

    qui pourront tre empruntes par la terminologie dans les annes venir. Les prospectives que

    nous esquissons ici sont, bien entendu, teintes de subjectivit.

    Premirement, nous croyons quune thorie de la terminologie se consolidera au cours

    des prochaines annes. Les diffrentes propositions bauches jusqu maintenant

  • sarticuleront autour dune thorie options multiples. Dans cette thorie, le modle de

    Wster se dfinira comme lune des options possibles (cest--dire une thorie des

    connaissances (une thorie cognitive) restreinte aux domaines dont lobjectif est de

    normaliser). On peut galement envisager ltablissement de liens entre les propositions tout

    en leur permettant de conserver leur spcificit quant la manire daborder lobjet

    terminologique. En outre, il importera de respecter la cohrence interne de lensemble des

    options. Pour parvenir consolider une thorie de cette nature, il importera de placer les

    units terminologiques au centre du doamine de connaissances, mme si, pour les dcrire et

    les expliquer, on peut privilgier leur composante linguistique, cognitive ou

    sociocommunicative sans exclure les autres.

    Deuximement, les technologies stendront lensemble du travail terminographique

    reli llaboration de glossaires. Nous croyons quau cours des prochaines annes nous

    cesserons dutiliser des outils informatiques isols et nous assisterons la construction de

    plateformes de travail intgres. Ces plateformes permettront de raliser un glossaire

    automatiquement ou semi-automatiquement, des premires tapes de sa conception jusqu

    son dition, sans bouger de son poste de travail.

    Troisimement, nous croyons que la disponibilit des ressources sous forme

    numrique et les outils de traitement automatique donneront lieu la cration de portails

    virtuels de connaissances. Ceux-ci donneront accs des textes, de la terminologie, de la

    documentation, des images et du son auxquels nous pourront avoir recours pour accder

    de linformation et crer de nouvelles ressources. Une bonne dfinition de nos besoins en

    matire dinformation ainsi que lidentification de notre profil en cette matire suffiront pour

    obtenir des donnes en ligne.

    Quatrimement, la notion dadquation des ressources terminologiques se superposera

    dautres caractristiques qui ont servi valuer jusqu maintenant la qualit de la

    terminologie : adquation des profils dinformation bien dlimits, adquation fonctionnelle

    aux besoins que prtend combler une ressource et, enfin, adquation cognitive la densit et

    au niveau de connaissances propres chaque situtation.

    Cinquimement, la terminologie, en plus dtre une ressource elle-mme, sera de plus

    en plus envisage comme lun des lments centraux dans dautres tches : laboration de

    systmes de rsum automatique, reprsentation graphique des connaissances, rcupration de

  • documents. Dune manire gnrale, elle sera incontournable dans la construction de

    systmes de traitement automatique de la langue.

    Enfin, la veille automatique scientifique et technique qui cherche reprer des

    concepts et des termes nouveaux donnera un nouvel lan aux travaux de nologie. Ceux-ci

    cherchent doter les langues dune terminologie qui leur appartient ds lors quun nouveau

    concept apparat dans un domaine et viter le recours systmatique lemprunt.

    Nous concluerons en soulignant limportance de lmergence des optiques nouvelles

    de la terminologie au cours de vingt dernires annes. notre avis, seules la discussion et

    largumentation permettent de faire avancer les connaissances.

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