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CADRE CONCEPTUEL ET REVUE DE LA
LITTERATURE
Ignace POLLET
Jan VAN ONGEVALLE
Sylvain SHOMBA
Ingrid MULAMBA
Recherche commissionée par l’Observatoire de l’Economie Informelle en
République Démocratique du Congo
Remarque : ce rapport a été produit en préparation de l’enquête chez les travailleurs dans
l’économie informel à Kinshasa dans le cadre de l’Observatoire de l’Economie Informelle en
République Démocratique du Congo
Publié par
KU Leuven
HIVA ONDERZOEKSINSTITUUT VOOR ARBEID EN SAMENLEVING
Parkstraat 47 bus 5300, 3000 LEUVEN, België
www.hiva.be
© 2017 HIVA KU Leuven
3
Observatoire de l’Economie Informelle
en République Démocratique du Congo
Cadre conceptuel et revue de la littérature
Remarque : ce rapport a été produit en préparation de l’enquête chez les travailleurs dans l’économie
informel à Kinshasa
1. Introduction: pourquoi un observatoire de l’économie
informelle?
L’ Observatoire de l’économie informelle en RDC est une initiative de la Chaire de Dynamique
Sociale (CDS-UNIKIN), conceptualisé avec l’assistance de HIVA KU Leuven, et financé par le
programme d’études et d’expertises (PEE) de la Coopération Technique Belge (CTB). Le but du
projet est d’établir un corpus de connaissances, compétences, capacités sur l’économie
informelle en RD Congo. De ce corpus, résultera (1) une base de données fiables et
représentatives et une méthodologie qui permettra de la mettre à jour, (2) des publications
et journées d’étude, (3) des ressources humaines spécialisées sous forme d’une équipe de
chercheurs qui travaille en permanence sur le sujet, et (4) un réseau d’utilisateurs
(gestionnaires, politiciens, centres de recherche scientifique, responsables de la société civile
et de la coopération internationale).
La notion de secteur informel, telle qu’identifiée par Keith Hart et de multiples programmes
de recherche du Bureau International du Travail (BIT), couvre des réalités assez diverses, ayant
comme point commun le non-enregistrement d’activités qui génèrent des revenus et/ou de
la valeur ajoutée. Différentes études (De Herdt et Marysse, 1996, OECD, 2012, Herderschee
et al. 2011, BIT, 2014) distinguent les activités suivantes: 1) des activités de subsistance,
assurant à la famille sa survie quotidienne dans un contexte d’insuffisance ou d’absence d’un
revenu formel; 2) la petite production marchande réalisée par des microentreprises; 3) des
activités d’un ordre de grandeur significative restant cachées, pour raisons d’évasion fiscale
ou pour en dissimuler l’origine criminelle.
En RDC, plus de 80% de la population active est obligée de trouver une occupation dans la
subsistance du secteur informel, dont l’ensemble des activités ne représentent que 20% du
PNB (Herderschee, p.76). Dans une société dominée par l’économie informelle, les risques et
défis sont multiples. Les conditions de travail souvent déplorables et l’incertitude permanente
sur sa propre source de revenus, dégradent non seulement le niveau de vie de chaque
personne, mais ont aussi tendance à détériorer les relations dans les communautés
concernées. En outre, les impôts perdus, l’éducation non achevée (laissent de grandes parties
de la société sans diplôme ou qualification) tout comme le manque de régulation dans les
affaires. Ceci représente autant de raisons de ne pas accepter l’économie informelle comme
une réalité incontournable, même si la plupart des acteurs de cette économie n’ont pas
d’autre choix.
4
Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que l’économie informelle assure une certaine
production, un commerce, une offre de services et une source de revenus qui permettent à
des millions de personnes vulnérables de survivre. Elle porte en soi un potentiel énorme pour
permettre de développer les capacités et les initiatives d’une population qui se retrouve dans
un contexte ayant un système scolaire faible et un marché de travail limité et peu réglementé.
En prenant avantage des atouts de l’économie informelle, le Gouvernement congolais, comme
indiqué dans le DSCRP 2, vise à mener des études en vue d’explorer les opportunités dans la
perspective d’un passage de l’économie informelle à l’économie formelle. De telles études
sont essentielles pour apprécier les conséquences que peut avoir une quelconque
intervention politique, économique ou sociale sur cette partie de l’économie.
La constitution d’une base de données empiriques, le renforcement de la connaissance des
mécanismes de l’économie informelle et des recherches menées dans ce domaine
apparaissent alors indispensables. L’ensemble de ces activités sont désignées sous le titre
d’observatoire de l’économie informelle. Le développement d’un tel observatoire constitue
l’objet de la présente proposition.
Dans la phase préparatoire, un ensemble de sources secondaires devrait permettre de
récolter les idées dominantes quant aux valeurs, opportunités, contraintes et défis que
constitue l’économie informelle dans un pays comme la RDC. Cette phase permettra de
cartographier le contexte institutionnel et législatif dans lequel le secteur informel fonctionne.
En plus, cette phase préparatoire servira à élaborer la méthodologie pour la recherche
empirique et informera les chercheurs sur la constitution de l’échantillonnage le plus
représentatif en tenant compte de tous les aspects de la problématique.
Les sections suivantes aborderont plus en détail les quelques éléments qui ont été introduits
dans les passages ci-dessus, notamment : les concepts, définitions et catégories pertinentes
(section 2), la dimension, l’étendue et les tendances, en général, ainsi qu’en RDC (section 3),
les différentes idées, interprétations et discussions autour du concept de l’économie
informelle (section 4), les options pour la politique gouvernementale, ainsi que pour la société
civile et les bailleurs de fonds pour approcher, instrumentaliser ou même changer les sociétés
où l’économie informelle joue un rôle significatif (section 5), et les défis méthodologiques en
constituant un observatoire qui devrait fournir au gouvernement, aux bailleurs de fonds et à
la société civile des connaissances valides, fiables et robustes sur ces réalités que sont
l’économie informelle et l’emploi informel (section 6).
5
2. Terminologie, concept, taxonomie
Les termes souvent utilisés dans ce cadre sont : économie informelle, secteur informel, emploi
informel. Si le terme économie informelle sert plutôt comme connotation, le terme secteur
informel peut être clairement défini comme l’ensemble des activités économiques exécutées
par des unités de production (entreprises, groupements ou personnes) qui ne sont pas
enregistrés conformément aux dispositions de la législation nationale (Williams 2015, p.366).
L’emploi informel, cependant, a été bien défini par le Bureau International du Travail lors
d’une Conférence Internationale des Statisticiens de Travail (2003). L’emploi informel peut se
situer dans le secteur formel, le secteur informel ainsi que les ménages. Il inclut les types
d’emploi suivants :
- Travailleurs à leur propre compte occupés au sein de leurs propres entreprises du
secteur informel;
- Employeurs occupés au sein de leurs propres entreprises du secteur informel;
- Travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise familiale;
- Membres de coopératives informelles de production;
- Salariés qui exercent un emploi informel, qu’ils soient employés par des entreprises du
secteur informel ou formel, ou par des ménages comme travailleurs domestiques
rémunérés.
Les salariés sont considérés comme ayant un emploi informel lorsque leur relation d’emploi
n’est pas soumise – par la loi ou en pratique – à la législation nationale du travail, l’impôt sur
la revenu, la protection sociale ou d’autres droits liés à l’emploi (p.ex. congés payés
annuellement) (OECD, 2002; BIT, 2002; BIT 2012).
Le concept ainsi que la définition pouvait s’articuler différemment si on focalise sur les
entreprises (unités de production) plutôt que sur les personnes, ce qui est le cas si l’économie
informelle est étudiée comme source de croissance plutôt que comme instrument de
réduction de la pauvreté. Reprenant une taxonomie élaborée par l’OCDE, Benjamin & Mbaye
(2012, p.20) font la distinction entre l’économie souterraine, l’économie illégale et l’économie
familiale. L’économie informelle dans le sens large du mot comprend toutes les activités qui
ne sont pas ou qui ne sont que faiblement enregistrées. Dans la plupart des cas, le propriétaire
est un ménage ou un individu dont le patrimoine n’est pas dissociable de celui de la firme.
Beaucoup d’entreprises de petite taille ne sont pas nécessairement de mauvaise volonté sur
ce plan, mais elles voient leurs capacités limitées à se conformer aux exigences liées au régime
fiscal du réel. Assez souvent, elles sont assujetties à un impôt forfaitaire en lieu des impôts
ordinaires sur le revenu.
En combinant ces critères basés sur à la fois l’emploi et l’entreprise (secteur), le concept
d’informalité exigera toujours une explicitation qui répondra aux buts exacts de la
considération (recherche, gestion, estimation de l’ampleur etc.). Dans ce contexte, le tableau
ci-dessous – basé sur les œuvres du BIT (2002) et de Jacques Charmes (1999) pourrait être
utile :
6
Tableau 1 : Taxonomie de l’informalité
Unités de production par type
Emplois par statut
Trav. à propre compte Employeurs Trav. familiaux
Salariés Membres des coopératives de production
Informel Formel Informel Formel. Informel Informel Formel Informel Formel
Entreprises secteur formel
1 2
Entreprises secteur informel
3 4 5 6 7 8
Ménages 9 10
Légende :
Emploi qui par définition, n’existe pas dans ce type d’unité de production L’emploi formel
L’emploi informel
Clarifier le concept de l’informalité ne sert pas seulement à obtenir de critères de définitions
qui permettent d’estimer la présence, la dimension et l’intensité de l’emploi informel. Il sert
aussi à soutenir et matérialiser des objectifs politiques. L’étude de Keith Hart en 1973 sur le
secteur informel à Accra, montrait que la dichotomie emploi/chômage qui était courant dans
l’approche occidentale mènerait à des fausses observations et par conséquence des fausses
conclusions quand on essaye de comprendre les réalités du marché de travail en Afrique. Entre
ces deux catégories (emploi et chômage), se trouve le secteur informel, qui ne correspond pas
exactement au segment pauvre de la société ni au segment illégal, bien qu’il y a pas mal de
chevauchements. En fonction du point de vue pris ou de l’objectif de l’étude menée,
l’informalité pourrait être considérée comme un moyen d’évasion fiscale, un signe
d’entreprenariat, une source de subsistance, ou une moquerie des conditions de travail
comparée aux étendards du concept de travail digne. On peut assumer qu’aucune de ces
appréciations soit entièrement correcte, ni entièrement fausse. Pour des statisticiens qui
tentent de produire des chiffres pour un ensemble de pays, le concept de l’économie
informelle forme un vrai cauchemar et beaucoup d’énergie est dépensée pour mesurer d’une
façon comparable dans une diversité de circonstances. Le défi pour les enquêtes dans le cadre
de notre Observatoire sera de trouver un moyen efficace d’identifier en sélectionnant des
personnes avec un emploi informel afin d’exposer les problématiques liées avec leur situation
et les aspects dont les gestionnaires devraient tenir compte.
Dans la section suivante, nous présentons les données quantitatives disponibles ainsi que
qualitatives (caractéristiques) autant qu’elles ont été documentées et confirmées en Afrique,
en général, et en RDC, en particulier.
7
3. Dimension et caractéristiques
Dans son rapport ‘La transition de l’économie informelle vers l’économie formelle présenté à
l’occasion d’une Conférence Internationale du Travail, le BIT résume les chiffres pertinents
pour comprendre la dimension de l’informalité dans les économies en voie de
développement :
“15. Selon les dernières estimations, les emplois non agricoles dans l’économie informelle représentent 82 pour cent de l’emploi total en Asie du Sud, 66 pour cent en Afrique subsaharienne, 65 pour cent en Asie de l’Est et du Sud-Est (à l’exclusion de la Chine), 51 pour cent en Amérique latine, et 10 pour cent en Europe orientale et en Asie centrale (BIT: Women and men in the informal economy: A statistical picture, op. cit. Economie informelle et processus de formalisation: Le défi du travail décent ILC.103/V/1). (…)
16. Si l’on prend en compte l’agriculture de subsistance, la proportion d’emplois dans l’économie informelle est encore plus élevée que les chiffres précités. La predominance des emplois agricoles varie d’une région à l’autre. Par exemple, elle est moindre en Amérique latine et dans les Caraïbes (18 pour cent de l’emploi total) ainsi qu’en Europe orientale et en Asie centrale (17 pour cent) qu’en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, où plus de la moitié de l’emploi total est dans l’agriculture (54 et 57 pour cent respectivement) (BIT: Women and men in the informal economy: A statistical picture, op. cit.).
17. Dans la plupart des pays pour lesquels des données ventilées par sexe sont disponibles, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être employées dans des activités non agricoles du secteur informel. En Afrique subsaharienne, 74 pour cent des emplois (non agricoles) des femmes sont informelles contre 61 pour cent des emplois des hommes; en Amérique latine et dans les Caraïbes, 54 pour cent contre 48 pour cent; en Asie du Sud, 83 pour cent contre 82 pour cent; et dans les zones urbaines de la Chine, 36 pour cent contre 30 pour cent (BIT: Women and men in the informal economy: A statistical picture, op. cit.). La féminisation de la pauvreté et la discrimination fondée sur le sexe, l’âge, l’appartenance ethnique ou le handicap signifient également que les groupes les plus vulnérables et marginalisés sont plus susceptibles de se retrouver dans l’économie informelle.
18. Dans toutes les régions en développement, le travail indépendant représente une part plus grande de l’emploi informel (non agricole) que de l’emploi salarié (Résolution concernant la Classification internationale d’après la situation dans la profession (CISP) adoptée par la 15e CIST en 1993. Voir: http://laborsta.ilo.org/applv8/data/icsef.html). Il représente près du tiers de l’emploi non agricole total dans le monde, et jusqu’à 53 pour cent de l’emploi non agricole en Afrique subsaharienne, 44 pour cent en Amérique latine, 32 pour cent en Asie et 31 pour cent en Afrique du Nord”
(source : BIT, 2014, p.6-7)
8
En République Démocratique du Congo, le taux de l’emploi informel apparaît d’être encore
nettement plus élevé qu’aux autres pays de l’Afrique Subsaharienne. Herderschee e.a. (2011,
p.78), se basant sur une des données de l’INS ramassées dans un nombre de communes de la
région de Kinshasa, estime que 70% de l’emploi se situe dans le secteur informel, comparé à
12% dans le secteur formel privé et 17% dans le secteur public. L’enquête comptait 540.000
entreprises non-enregistrées, bien pour 692.000 emplois, la plupart dans le commerce
(63.2%), suivi par l’industrie (manufacture & réparage – 14.8%) et les services (12.7%). La
plupart des entreprises n’ont pas de personnel, à part de l’entrepreneur qui donc peut aussi
être qualifié comme travailleur à propre compte.
L’enquête 1-2-3 de 2004 (INS) compte une population dans l’âge actif de 34 millions, dont 21
millions d’actifs, 776.000 de chômeurs (définition de BIT) et 13.2 millions de non-actifs, c’est-
à-dire qui dépendent du revenu d’autres pour leur survie. Parmi les actifs, la répartition par
secteur institutionnel était la suivante :
Tableau 2 : Répartition des actifs par secteur institutionnel en RDC (source : INS enquête 1-2-3, 2004)
Total (national) Milieu métropolitain Kinshasa
Milieu rural
Secteur informel 91% 71% 95%
Secteur public 7% 17% 5%
Secteur privé formel 2% 11% 0%
Total 100% 100% 100%
L’enquête 1-2-3 de 2012 donne une image nettement plus détaillée (voir INS, 2014; Makabu
Ma Nkenda e.a. 2014). Sur la population de plus de 10 ans, les actifs représentent 56% de la
population, soit 28.8 millions d’individus (au travail ou au chômage). Du point de vue secteur
institutionnel, c’est le secteur informel qui comme toujours occupe la première place, à savoir
88.6% des actifs travaillant. Le secteur agricole informel occupe 59.7% de la main d’œuvre.
Tableau 2 : Répartition des actifs par secteur institutionnel en RDC (source : INS enquête 1-2-3, 2012)
Kinshasa Milieu urbain (en dehors de Kinshasa).
Milieu rural Total
Secteur informel agricole
1.6% 23.4% 77.5% 59.7%
Secteur informel non agricole
61.1% 54.7% 17.3% 28.9%
Secteur privé formel 15.1% 5.7% 0.4% 2.8%
Secteur public 22.2% 16.2% 4.7% 8.6%
Total 100% 100% 100% 100%
9
La deuxième phase sur le secteur informel de l’enquête 1-2-3 (2012) a permis de dénombrer
environs 3,4 millions d’unités de production informelles dans l’ensemble des centres urbains
de la RDC. Ces données permettent de bien caractériser le secteur informel en milieu urbain.
Quelques indicateurs :
- Deux unités de production sur trois sont dans le secteur du commerce;
- 62.9% des unités dans le commerce sont dirigés par les femmes qui occupent 64.2%
des emplois dans ce secteur (55% des emplois dans l’informel au total);
- Précarité des conditions de travail : 56.4% des unités de production sont sans local
professionnel spécifique et 37.4% sont exercés à domicile; plus de 96% des employés
n’ont pas de contrats écrits. Seulement 6.9% sont salariés. Par contre, la prestation est
considérable, à une moyenne de 52 heures par semaine, pour une rémunération
mensuelle moyenne de 62.740 CDF (environs 65 USD);
- Caractère atomisé : 82.3% des unités de production sont réduites à une seule
personne;
- Un quart d’actifs informels est composé par des jeunes, qu’on trouve surtout parmi les
salariés, les apprentis et les aides familiaux (donc moins parmi les travailleurs pour
propre compte);
- Le capital moyen se situe à 152.000 CDf (156 USD), constitué le plus souvent de terrain-
local, de véhicule, de machines, d’outillage et de mobilier. 22.7% des unités de
production ne possèdent pas de capital pour l’exercice de leurs activités
- Le secteur informel s’appuie surtout sur lui-même comme fournisseur.
L’approvisionnement auprès du secteur formel ne représente que 8% des matières
premières consommées.
(source : INS, 2014, p.23).
Ces remarques reflètent pour un certain degré les résultats d’une étude transversale de
l’institut AIAS en neuf pays de l’Afrique Subsaharienne, la RDC ne faisait pas partie (Tijdens
e.a., 2015). Dans l’ensemble d’emplois informels, les femmes sont majoritaires, bien que c’est
surtout le cas chez les emplois sans localité spécifique ou à domicile, et chez les aides familiaux
(voir l’étude WIEGO - Chen, 2012). A côté de l’aspect ‘genre’, l’âge aussi joue un rôle.
L’informalité se montre plus dominant chez les groupes de moins de 30 ans ou de plus de 60
ans. Une troisième caractéristique de la main d’œuvre dans l’informel est le niveau bas
d’éducation : 64% ont atteint le niveau secondaire, 8% ont obtenu un diplôme au-dessus du
niveau secondaire, et 28% ne sont pas allés jusqu’au bout de l’école secondaire. En dehors de
cela, les emplois informels se situent surtout dans les microentreprises. Un bon nombre de
chercheurs, pour des raisons de facilité, finit par définir les entreprises de moins de cinq
employés comme appartenant au secteur informel, ainsi que l’ensemble des agriculteurs
(Tijdens e.a., p.871).
D’autres études (p.ex. Erero, 2012) essayant de connecter le secteur informel avec les
paramètres de l’économie connue semblent intéressantes du point de vue théorétique mais
n’apportent pas assez d’éléments pratiques pour être utilisées directement dans
l’Observatoire projeté à Kinshasa (RDC).
10
4. Comment interpréter l’économie informelle? Visions et débats
entre chercheurs.
Depuis que Hart (1973) a montré que l’économie informelle n’est pas un épiphénomène mais
devrait être considérée comme un secteur sociétal qui tient ses propres fonctions et
mécanismes, un tas de visions, théories et explications ont été élaborées pour mettre en
évidence la vraie nature de l’informalité. En constatant que chaque approche porte une valeur
en soi et que l’une n’exclue pas nécessairement les autres, on pourrait grouper quelques
visions qui ont été dominantes dans les débats1.
La vision syndicaliste qui a trouvé son expression dans l’ensemble de recommandations du
BIT, considère l’emploi informel – présent dans les secteurs informel et formel – davantage
comme une infraction répréhensible de tout ce qui représente le travail digne, notamment
dans les domaines de conditions et circonstances de travail, et du droit des travailleurs de se
réunir. Bien que beaucoup de travailleurs du secteur informel travaillent pour leur propre
compte, les syndicaux préfèrent d’assumer qu’ils sont en effet des faux indépendants qui
n’ont pas d’autre choix que de porter tous les risques liés à leurs activités.
Une autre vision ‘anti-informel’ qui pourrait être décrite comme légaliste part du principe que
l’économie ne peut se développer à condition que tous les acteurs respectent les règles et
paient les impôts, qui sont nécessaires pour établir les leviers communs pour les
investissements et la croissance économique (vision trouvée p.ex. chez le McKinsey Global
Institute). L’économie informelle en évitant les taxes et les règlements constitue donc une
fuite dans le système économique.
Opposé à cela, des économistes qui se trouvent dans le camp néo-libéral comme H. De Soto
(1989) considèrent l’économie informelle comme un réservoir inexploité d’entreprenariat. Les
règles, la bureaucratie, le régime fiscal ou les cartels économiques ont, toujours dans cette
vision, une tendance d’empêcher des initiatives fraiches et jeunes d’être mises en œuvre. Bien
contestée dans les cercles tiers-mondistes, cette vision est partagée par les protagonistes de
l’économie disruptive comme on le connait actuellement sous forme de platformes digitales
(Uber, E-shopping, Airb&b, …).
A l’autre extrême du champ idéologique, on pourrait distinguer une vision marxiste ou
structuraliste qui considère l’économie informelle comme une stratégie du capitalisme
globalisé (échappant tous aux lois nationales) qui augmente son profit en exploitant un
prolétariat non-organisé pour leur fournir des biens et services à très faibles coûts. Prédit déjà
en 1989 par des théoriciens comme Castells, cette vision s’exprime plutôt dans le sens
critique. Meagher e.a. (2016) rejette l’idée que la soi-disant inclusion globale mènerait vers
une réduction de pauvreté et essaye de mettre en évidence que l’économie globale impose
l’informalité et une marginalisation perpétualisée pour de grandes parties de la population
dans les pays avec un gouvernement faible. Dolan & Rajak (2016), dans la même série
d’articles, démystifient l’économie informelle comme l’émergence de la ‘base de la pyramide
(la thèse de Prahalad).
1 La section qui suit est basée sur les lectures combinées de Chen (2012), La Porta (2014) et Vlamink (2016).
11
Le point commun entre De Soto et les structuralistes est qu’ils voient – pour des raisons
différentes – des liens entre les économies formelles et informelles. Par contre, la vision
dualiste sur l’économie informelle (p.e. La Porta 2014) insiste que tels liens sont rares, quasi
inexistants, tant en termes de chaines de valeur qu’en termes de mobilité de ressources
humaines. Autrement dit, l’économie informelle n’est autre qu’une stratégie de survivre. Par
manque de richesses naturelles, de capital, d’éducation et de savoir-faire, ceux qui entrent
dans l’économie informelle n’en sortent jamais, à part quelques exceptions qui à la suite de
leur caractère spectaculaire reçoivent une proportion mythique. La Porta montre que les
entreprises informelles sont nombreuses mais toutes sont de très petite taille. Selon La Porta,
c’est ni l’évasion fiscale, ni la peur pour des règlements bureaucratiques, ni les tactiques du
capitalisme global qui forcent l’informel de rester dans l’informalité mais le manque des
moyens et de l’efficacité pour pouvoir accroître au-dessus du niveau de simple subsistance.
Cela ne veut pas dire que tous ceux qui sont pauvres dans l’économie informelle, sont
vulnérables dans le sens de ne pas être capables de tenir le coup en circonstances adverses.
Du fait que l’économie informelle se nourrit par l’omniprésence d’une main d’œuvre, à chaque
jour plus abondante, la transition vers une économie plus avancée sera découragée et la
ségrégation entre ces deux économies se reconfirme constamment. Seule la croissance au
niveau du pays peut faire diminuer l’importance de l’économie informelle. Cependant, les
efforts pourraient se concentrer sur les effets négatifs pour ceux qui sont impliqués pour
mieux les former en termes d’entreprenariat et de maitrise de compétences, et les réunir pour
défendre leurs intérêts.
D’autres approches, entre autres dans une tradition plutôt anthropologique, insistent que le
degré d’informalité d’une économie correspond au degré de fragmentation ethnique (Dreyer
Lassen, 2007). Plus la loyauté ethnique ou même familiale est grande, moins les acteurs
informels voudraient que des étrangers profitent de leurs efforts et de leur réussite, et par
conséquence, moins ils sentiront le besoin d’avoir des règles de jeu universalistes. Vue les
problèmes pour trouver des indicateurs et des moyens de tester, cette idée est plutôt
proposée que prouvée. Néanmoins, elle nous avertit de ne pas simplifier les mécanismes qui
maintiennent une économie dans l’informalité et de tenir toujours compte du contexte local.
12
5. Que faire face à l’économie informelle? Défis et opportunités
pour le gouvernement et les bailleurs de fonds
Si on passe au niveau pratique, la question se pose quel comportement afficher vis-à-vis de
l’économie informelle? Vue sa dimension et son importance pour la survie de beaucoup de
millions de personnes, ni le gouvernement, ni la société civile, ni les partenaires internationaux
ne peuvent négliger l’effet qu’exerce leurs actions directement ou indirectement sur
l’économie informelle et les gens qui en sont le sujet. La littérature nous apprend à cet effet
qu’on pourrait adapter une stratégie qui envisage soit l’existence de l’économie informelle
elle-même, soit les conséquences défavorables de l’économie informelle ou l’emploi informel.
Faut-il essayer de formaliser l’économie informelle? La question n’est pas seulement si cela
est possible, mais aussi si cela est sans plus souhaitable. Sur la question de la possibilité, les
avis ont tendance de différer. Tandis que ceux avec un background économiste (p.ex. La Porta,
2014) sont d’opinion que l’informalité ne pourrait s’éteindre d’une façon "naturelle" à cause
d’une croissance économique, ceux avec un background plutôt juridique sont convaincus de
la nécessité d’en finir avec l’informalité, à cause de tant d’infractions sur le plan fiscal et social.
Les documents de la main du BIT et de l’ITUC prennent une position qui pourrait être décrite
comme volontariste : formaliser doit être possible, parce que tellement souhaitable.
L’argument se focalise surtout sur l’aspect souhaitable : protection sociale, contrat sécurisé et
conditions de travail améliorées pour les travailleurs (et les faux indépendants), sécurité
juridique et accès au capital et aux services publics pour les entrepreneurs. Néanmoins Chen
(2012, p.15) montre que la formalisation ne pourrait être un processus de longue durée qui
rencontrera des résistances et ne servira pas chez tout le monde. Quand l’ITUC voit des projets
de renforcement institutionnel des syndicats, le BIT pousse les gouvernements d’adapter les
principes de travail digne dans tous ses aspects, et d’en tirer les conséquences. Cependant,
d’un point de vue réaliste, des mesures punitives vers les entreprises non-enregistrées
risquent de supprimer les activités actuellement remplies par le secteur informel et de créer
des grands vides en ce qui concerne les biens, les services, les marchandises pour des millions
de personnes. Le secteur formel ne peut pas effectuer une offre à une échelle et un prix pareil
que peut le secteur informel. La population ne dispose pas du pouvoir d’achat pour se
déplacer vers une offre, certes de meilleure qualité mais aux prix élevés. Ceci est illustré par
exemple dans une étude de cas sur des fabricants de briques au Rwanda, où le gouvernement
a forcé les fabricants indépendants (se trouvant dans l’informalité) de se grouper en
coopératives enregistrés (Ansoms, 2013, p.245). Les conséquences se sont montrées
catastrophiques pour leur emploi. On a assisté à un effondrement du secteur traditionnel, à
une absence d’une offre des produits inabordable et une implosion de certaines économies
locales. Pour la situation à Kinshasa, Shomba (2016) donne un aperçu d’un vrai caléidoscope
des activités exécutées de façon informelle, qu’on ne peut pas imaginer de survivre dans un
contexte ‘formalisé : vente de paillottes, gérance de parking, vente de fruits saisonniers,
charge batterie, taxi-humain, taxi moto (wewa), moulin à manioc, location de l’équipement
musical, les cambistes, les khadafis qui vendent le carburant par litre, jardinage, feuilles
emballage chikwange, entrepôts etc.
13
L’autre piste mérite aussi d’être considérée : diminuer ou anéantir les conséquences
défavorables de l’économie informelle. On peut chercher à améliorer les conditions de
fonctionnement des entreprises du secteur informel (sécurité, hygiène, infrastructure,
transport…) et à augmenter les compétences pour gérer de telles entreprises (en installant
des systèmes d’apprentissage ou de formation professionnel) (Van Adams et al. 2013, p.12).
Aussi peut-on renforcer des organisations et des groupements de base qui représentent des
travailleurs informels. Ces organisations devraient connaitre une certaine réussite dans leur
stabilité institutionnelle, dans leur lobbying et plaidoyer, et dans la qualité de services qu’elles
offrent à leurs membres (Vlamink et al. 2016, p.23). Cette réussite devrait être rayonnante,
diffusée, afin de créer un effet multiplicateur.
Ci-dessus ne sont que quelques exemples d’approches que les intervenants pouvaient
adapter, baser sur leur propres convictions, leur mission et leur stratégie, mais aussi –
espérons – sur les aperçus qu’on a pu déduire sur les priorités locales, le contexte spécifique
et l’articulation avec l’ensemble des acteurs – tout cela basé sur la recherche scientifique.
C’est dans cette fonctionnalité que l’Observatoire voudrait s’inscrire.
14
6. Défis méthodologiques pour capter l’économie informelle en RDC
Un cadre méthodologique envisage d’accommoder un ensemble d’attentes, qui peuvent se
résumer comme 1°: le but exact de la recherche, 2° les possibilités pour entrer de façon
systématique dans les champs (c.à.d. de questionner des répondants sélectionnés), et 3° les
contraintes au plan des finances et du calendrier.
L’observatoire devrait avoir comme ambition de couvrir la diversité des activités et des
situations de l’économie informelle afin de fournir des recommandations pratiques aux
gestionnaires concernés. Elle doit relever ce qui pousse les gens à exécuter une profession ou
une activité dans l’informel, quelles en sont les conséquences sur le plan personnel, familial,
professionnel, économique et social. Elle doit capter les attitudes de ceux qui sont dans le cas,
et les motifs qui dirigent leur comportement, en vue de changements possibles: sont-ils prêts
à se réunir dans des syndicats, des coopératives ou de fédérations? veulent-ils continuer à
travailler pour leur propre compte ou sont-ils servies mieux dans une situation de salariat?
accepteront-ils des mesures gouvernementales pour introduire un minimum de régulation?
et payer pour un minimum de sécurité et stabilité dans leur vie professionnelle?
Dans leurs manuels l’OECD et le BIT suggèrent d’approcher l’économie informelle par une
combinaison de deux phases, en partant avec une enquête de ménages en vue des sources de
revenu et des dépenses. Sous de circonstances idéales, les résultats de cette enquête
permettront de construire un échantillon d’entreprises informelles qui pourront être
enquêtées dans une deuxième phase. Cependant, une enquête des ménages ainsi qu’une
enquête sur la population active sont des initiatives coûteuses. En outre, l’INS Congolaise a
déjà fait à plusieurs reprises des enquêtes 1-2-3 qui ont livré les idées et descriptions du
secteur informel, comme nous les avons résumées dans un chapitre précédent. D’autres
embouteillages pour construire un échantillon représentatif des entreprises informelles sont
1° qu’elles ne sont souvent pas connues ou reconnaissables comme entreprises (aucune
indication dans la rue ou sur le bâtiment), 2° qu’il s’agit souvent des occupations secondaires,
3° que pas mal des entreprises n’ont pas une localité fixe (vendeurs, réparateurs, chauffeurs…)
et 4° qu’une enquête peut rencontrer une méfiance dans le quartier et une gêne chez le
répondant pour révéler certaines informations (pauvreté, profession minable, dettes à payer,
peur des amendes fiscales, activités qui ne supportent pas la lumière…).
Dans une étude commandée par la Banque Mondiale en Afrique de l’Ouest, Benjamin en
Mbaye (2012, p.44) décrit deux obstacles principaux pour l’échantillonnage. Premièrement, il
manque une base de sondage qui se montre exhaustif et fiable. Pour remédier à ce problème,
les chercheurs pourraient assumer tous que les acteurs économiques se trouvent quasiment
dans l’informel et qu’il suffisait de sélectionner les répondants sur base d’une ou deux
questions : est-ce que l’entreprise qui vous emploie (ou de laquelle vous êtes le propriétaire)
est régulièrement enregistrée et tient régulièrement ses comptes? Ici se montre le deuxième
obstacle : les enquêtés vont – par ignorance, par méfiance ou par incompréhension – souvent
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faillir de donner une réponse correcte. Le chercheur ou l’enquêteur sera dans ce cas, obligé
de déterminer lui-même si le répondant mérite d’être sélectionné.
Pour respecter les buts de l’observatoire, tout en tenant compte des conditions
méthodologiques (diversité du champs, validité et fiabilité des résultats tirés des entretiens)
et les contraintes au niveau de temps et fonds disponibles, une approche pragmatique
consisterait à identifier des secteurs qui sont à la fois accessibles et où une forte présence
d’économie informel pourrait être attendue, et de sélectionner un échantillon de répondants
là-dedans à l’aide d’un portier (gate-keeper), c.à.d. une personne-clé qui connait le secteur et
qui pourra introduire les enquêteurs chez les répondants. On peut imaginer comme secteurs
des localités (quartiers) avec beaucoup de petits ateliers, des marchés publics, des cités ou
des points de transport publics (gares de minibus ou des beach où les gens attendent le bac
etc.). Un secteur ne doit pas nécessairement coïncider avec une localité mais pourra aussi être
une branche d’activités (p.ex. taxi-motos), les suiveurs d’une église, ou les anciens-élèves
d’une école de formation professionnelle2. Dans un contexte où presque 90% des actifs
appartiennent au secteur informel, le mécanisme de sélection peut se limiter à éliminer ceux
qui sont clairement et entièrement occupés dans le secteur formel.
Approfondir le mécanisme de sélectionner des secteurs et des répondants de manière juste
dans la métropole Kinshasa, et élaborer un questionnaire global ou des questionnaires
spécifiques par catégorie d’enquêtés constitueraient des tâches les plus urgentes afin de
démarrer cet observatoire.
2 Vu que le CTB a un intérêt spécifique dans l’économie informel à cause de leur travail dans l’éducation technique et professionnelle, il pourrait être intéressant de réserver une partie de l’échantillon aux anciens élèves de ces cours. Aussi le VVOB qui travaille dans le domaine d’éducation technique pourrait être un acteur intéressant à contacter dans ce cadre.
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7. Cadre méthodologique
Outre l’accès à des sources secondaires, l’Observatoire se donne la mission d’effectuer une
enquête inaugurale à Kinshasa qui, probablement, sera suivie par d’autres prochainement à
Kinshasa même dans d’autres provinces et villes de la RDC.
L’enquête inaugurale devrait fournir des réponses aux 5 questions de recherche suivantes:
1° Description et cartographie explicative : où se situe le secteur informel (étendue,
intensité, enclavement) et que signifie-t-il pour les personnes qui en dépendent comme
activité économique : simplement survivre de jour au jour; augmenter le profit en évitant de
payer des impôts; effectuer des activités illicites (trafic, contrebande); ou initier des
nouvelles activités sans être perçu comme tel?
2°Détection des problématiques : quelles sont les problèmes revenants pour ceux qui se
trouvent dans le secteur informel ou dans un emploi informel? Ces problèmes devraient être
décrits d’une façon qui permettrait aux gestionnaires (Etat, autorités municipales, société
civile, bailleurs de fonds) d’en tenir compte dans les stratégies, surtout sur le plan de la
réduction de la pauvreté, de l’amélioration des conditions de travail digne, de
l’établissement des systèmes de protection sociale et de garantie du respect pour les droits
de l’homme.
3° Potentiel de représentation de la population active qui se trouve dans l’informalité : sont-
ils organisés ou membre/adhérents d’un organisme qui prétend les représenter? sont-ils
prêts à s’organiser? quelle est la force et le degré de couverture de ces organismes? quelle
est leur stratégie en termes de voix, plaidoyer, lobbying et trouver des alliances (syndicats,
fédérations des métiers indépendants, …)
4° Valorisation et capitalisation des innovations économiques et sociales provenant du
secteur informel; ainsi que les mécanismes et conditions potentielles pour stimuler
l’entreprenariat et l’auto-emploi (p.ex. offres de formations professionnelles, conditions
indispensables vers la formalisation, …)
5° Mesures politiques : y-a-t ’il des mesures qui pourraient être établies pour mettre
directement en pratique les réponses trouvées aux questions 1/2/3/4. Ceci exige que
l’Observatoire et cette enquête spécifiquement ne s’enferment pas dans un « tour d’ivoire »
académique mais soient ouverts aux gestionnaires sous forme d’un processus de dialogue
permanent.
L’organisation de l’enquête a besoin d’une préparation profonde au niveau de l’échantillon
et des guides d’entretien.
L’échantillon pourra, vue les contraintes expliquées dans la-section précédente, s’effectuer
en deux étapes. Dans une première étape, un nombre (8 à 10) de secteurs seront
sélectionnés. Un secteur pourrait être une description topographique (marché de légumes,
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point d’attente pour bus/bac, quartier où se trouvent les réparateurs de voitures ou
machines…), ainsi qu’un secteur d’activités (les cambistes, les taxi-motos, les distributeurs de
pain, les vendeurs de makala ou charbon de bois etc.). Le critères pour la sélection
pourraient être :
- La signifiance (le poids) dans l’ensemble d’activités économiques (éviter de
sélectionner des secteurs trop marginales ou obscures);
- La pertinence en termes de programmes et pratiques des bailleurs de fonds : y-a-t-il
(dans le passé ou dans l’avenir) des actions qui pourraient être menées (par ex
formation professionnelle) pour augmenter les compétences et capacités de ceux qui
travaillent dans ces secteurs. En pratique, la sélection pourrait être faite en
collaboration avec l’Institut National de Préparation Professionnelle3 (INPP,
http://www.inpp.cd/
- L’accessibilité : les secteurs sélectionnés doivent être représentés par des
organisations ou des réseaux quelque soit leur statut (fédération, représentant,
porte-parole, personnes de confidence, etc.). Le rôle de ce représentant sera double :
(a) introduire l’équipe de chercheurs dans la réalité du secteur par voie d’une
interview semi-structurée (qualitative), et (b) assister l’équipe de chercheurs dans la
sélection des répondants (accessibles, identifiables, représentatifs, ajoutant à la
diversité dans le secteur, donnant un plus-value probable à l’ensemble des données
recueillies).
- La pérennité de types d’activités.
La sélection des répondants dans les secteurs doit s’effectuer d’une façon qui respectera à la
fois la représentativité et l’optimalisation des aperçus et des compréhensions. A cette fin, le
représentant indiquera la base de sondage duquel les chercheurs vont tirer l’échantillon
d’une vingtaine de personnes. Pour maitriser ce processus, les critères suivants seront suivis
de préférence :
- Sont exclus : mineurs en dessous de 15 ans, chômeurs et pensionnés, ceux qui ne
travaillent pas (au moment de l’interview) pour raisons de maladie, handicap ou
autres motifs, ceux qui ont leur emploi principal dans le secteur public, ceux qui ont
leur emploi principal comme travailleur avec un contrat régulier dans le secteur
privé;
- Sont inclus : ceux qui ont leur emploi principal comme travailleur dans le secteur
privé, sans contrat écrit, sans payant d’impôts sur leur revenu exact, mais avec une
compensation pour la prestation (soit régulière ou irrégulière, soit sous forme d’un
salaire ou en nature). Ils forment la catégorie 1 de l’échantillon : les employés dans le
secteur informel.
- Sont également inclus : ceux qui travaillent pour leur propre comptes (les
indépendants avec ou sans personnel4), qui ont un revenu en vendant des biens (sur
3 A Limete (Kinshasa) - directeur : Maurice Chikwia 4 Techniquement on peut faire distinction entre les employeurs (avec personnel) et les auto-emplois. La famille aidant n’est pas considéré comme personnel.
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un marché ou ailleurs) ou offrant des services aux clients, et qui ne payent pas
d’impôts sur leur chiffre d’affaires exact (ce qui veut dire qu’ils ne payent pas
d’impôts ou bien qu’ils payent sur base forfaitaire). Leur établissement appartient à
eux-mêmes, ou à un membre de famille proche (époux, épouse, enfant, parent, frère
ou sœur). Ils forment la catégorie 2 de l’échantillon : les indépendants
(entrepreneurs) dans le secteur informel.
Un problème peut se constituer en déterminant quelle occupation du répondant serait
valide en termes d’emploi principal’ : est-il l’emploi officiel ou l’emploi qui génère la plus
grande partie du revenu, p.ex. une institutrice à mi-temps qui donne des cours privés dans
son temps libre. Vu l’objectif de l’étude, on pouvait compter la source de revenu comme
critère pour déterminer l’occupation comme ‘principale’. Résoudre des cas inattendus et
complexes face au problème de l’éligibilité sera néanmoins la responsabilité des chercheurs
qui pèsera sur les arguments dans le cadre de l’objectif de la recherche.
Les chercheurs et enquêteurs seront instruits d’utiliser le guide d’entretien qui leur sera
remis et expliqué avant le briefing. Ce guide d’entretien comprendra le but et l’objectif de la
recherche, les questions de recherche, la façon de sélectionner et approcher les répondants,
le comportement souhaitable durant les enquêtes, et les questionnaires à utiliser. Les grands
chapitres de ces questionnaires sont :
Face au représentant(s) des secteurs (questionnaire semi-structuré)
- Description des activités, emplois et modes de vie dans le secteur;
- Estimations des catégories selon le statut (employés, indépendants, autres…; formel,
informel), genre, âge, professions;
- Problèmes typiques sur les domaines de circulation d’argent, subsistance, sécurité;
- inspection et contrôles (fiscales, hygiène établissements, emploi, autres,...);
- Potentiel du secteur : i) innovations économiques et sociales provenant du secteur
informel; ii) Les mécanismes et conditions pour stimuler l’entreprenariat et l’auto-
emploi (p.ex. offres de formations professionnelles, conditions indispensables vers la
formalisation, …);
- Relations de pouvoir et de dépendance (qui décide des emplacements, des heures
d’ouverture, de l’accès, des prix, de la qualité…)?;
- Présence et signifiance des associations, d’unions, des fédérations;
- Actions, démarches ou plaidoyers qui dans le passé ont (pas) menés aux
améliorations
- Base de sondage et sélection de répondants
Face au répondant (questionnaire structuré/pré-codé
- Situation personnelle et familiale, niveau de vie
- Situation d’emploi (détermination emploi principal, statut, localité, organisation dans
le temps, lien de l’activité avec la formation du répondant)
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- Employés :
o Conditions de travail (temps de travail, protection, revenu ou rémunération
vis-à-vis des besoins);
o Circonstances de travail;
o Relations de travail (avec l’employeur);
o Position sur le marché du travail;
o Association et représentation.
- Indépendants :
o Situation fiscale et registration;
o situation vis-à-vis des clients;
o Circonstances de travail;
o Problèmes liés à l’exploitation d’un établissement;
o Association et représentation.
Les interviews prendront place sur base individuelle, à un endroit qui est confortable pour le
répondant.
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