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C’ETAIT AUTREFOIS DANS L’OUEST - WordPress.com...Paul et Pauline ont eu 8 filles qui ont eu à leur tour 25 enfants…Les cousins de la troisième génération se retrouvaient

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C’ETAIT AUTREFOIS DANS L’OUEST

Avant que tous les contemporains aient disparu et que les souvenirs se soient perdus, reparlons une fois encore de ce

qui s’est passé "autrefois" en Tunisie…

De qui parlons-nous ?

Si nous feuilletons un des "Livres d’Or" de la Tunisie, on y rencontre les noms de tout le bassin méditerranéen : Bède

Paul, Bel Khodja M’hamed, Bessis Mathilde, Camino Giuseppe, De Fiscowich y Gullop, Stenos Stylianos, Valensi

Gabriel et tant d’autres venus de tous les pays des bords de la Méditerranée ! Choisissons quelques personnes dont

nous voudrions suivre, un moment, le destin.

Les grands parents…

Il était une fois la modeste famille de Gabriel, horloger en Franche Comté qui décida d’émigrer en Argentine à la fin du

XIXe siècle. Une avarie de moteur du bateau oblige les passagers à débarquer à Tunis. Au début, tout est allé pour le

mieux. L’ancêtre Gabriel a même créé la Compagnie des Pompiers de Tunis. A sa mort, son épouse impotente a

délégué ses pouvoirs à son fils Paul, né en 1878. Encre très jeune,l est devenu chef de famille.

En même temps qu’il poursuivait ses études au collège Sadiki jusqu’au Brevet Supérieur, il partait le matin très tôt

nourrir un élevage de cochons. Après ses études, on lui proposa la gérance d’une succursale de l’établissement Félix

Potin au Kef. Beau garçon et travailleur, il fit la conquête d’une très jeune fille Claudine ou Pauline qu’il épousa en 1905.

Paul et Pauline déjà âgés…

Pour faire "marcher" son commerce, Paul allait du Kef à Kasserine avec une "araba" chargée de ses marchandises,

accompagné d’un charretier tunisien.

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Très vite, Paul et Claudine eurent trois filles : Gabrielle, Renée et Suzanne. Durant la "Grande Guerre" de 1914-18,

Paul est appelé en France dans l’artillerie. En son absence, Claudine une belle jeune femme de 24 ans, dut élever ses

3 enfants et faire prospérer son commerce, seule, dans une ville de garnison peuplée de "Joyeux" (condamnés de droit

commun versés dans l’armée !)

Le Kef d’hier et de 2008

Quand Paul revint de guerre après avoir été blessé, il devint le premier président de la municipalité du Kef. Avec l’équipe

municipale il s’occupa de la ville qu’il dota de lampadaires à gaz, puis électriques et amena l’eau courante dans les

maisons du quartier nord de la Medina après avoir "rénové" les anciennes citernes romaines. Il fit ériger un petit

monument : la "Fontaine de la Victoire" en l’honneur des combattants de 14-18. Dans les dernières années de ses

mandats municipaux, vers 1945, il a fait établir les plans de l’actuelle Municipalité, construite depuis.

La "Fontaine de la Victoire" et la Municipalité

Voilà une vie bien remplie. Paul et Claudine ont pris leur retraite au début de la deuxième guerre mondiale. Ils se sont

retirés dans la petite maison du "Jardin" achetée en face de la "Fontaine de la Victoire".

Le "Jardin de grand père" d’hier et d’aujourd’hui (ce qu’il en restait en 2006) rasée depuis pour laisser place à un nouveau bâtiment…

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Les enfants…

Paul et Pauline ont eu 8 filles qui ont eu à leur tour 25 enfants…Les cousins de la troisième génération se retrouvaient

au Kef qui est devenu en quelque sorte le "fief" de la grande famille.

Vous ne pouvez pas imaginer la joie de Paul recevant ses gendres, les maris de ses filles ainées, lui qui n’avait eu que

des femmes dans sa maison ! René né au Kef, Jacques venu de France et Marcel d’origine algérienne. C’était de longs

déjeuners sous la tonnelle couverte de géranium lierre du jardin. Il a eu des gendres aussi entreprenants que lui : René

qui a servi la justice tant qu’il a pu, au point de la faire rendre à la table de sa salle à manger. Les Juges et Procureurs

arrivant de France ne comprenaient pas les règles régissant les (encore) nomades de la région. Jacques, en tant que

topographe, a arpenté toute la Tunisie jusqu’à être Inspecteur du Cadastre. Marcel cultivait une petite propriété à la

sortie du Kef et faisait ses moissons, aidé de ses neveux et de leurs amis dont l’aîné avait 14 ans ! La Surprise des

gendarmes, venus de France, en rencontrant des adolescents conduisant un tracteur ou chassant sur LEURS terres

(celles de l’oncle) avec de vrais fusils !

Marcel, originaire du Jebel Aurès en Algérie, engagé dans la deuxième division blindée du Général Leclerc en 1943 a

toujours nourri une grande fierté de la photo de sa décoration par le général lui-même ! Il avait "l’esprit de famille" assez

fort pour décider d’aller chercher à Sousse, en pleine guerre, au printemps 1943, sa belle-sœur et ses enfants et les

ramener au Kef à travers le champ de bataille de Haffouz / Pichon dont les carcasses de blindés américains et allemands

fumaient encore !

Paul devant son magasin au Kef accompagné de 3 de ses filles (avant la première guerre mondiale)

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Une des rares photos des "filles de Paul et Pauline" (Il en manque une…) Au premier plan les grands parents et les 8 premiers petits-enfants (Il y en a eu 25)

et une Réunion de famille au "jardin"

Les petits enfants…

Dignes descendants des générations précédentes, ils considéraient le Kef comme leur territoire. Elevés "virilement" par

la grand-mère Claudine (qui avait la main leste), ils savaient qu’un garçon ne pleure pas et en cas de mauvaise chute,

ils ravalaient leurs sanglots en essuyant le sang et la poussière maculant leurs genoux et leurs coudes écorchés avec

un peu de salive !

En ces temps de guerre, leurs jouets étaient des boites de conserves ou un ballon composé d’une boule de papier

entourée d’anneaux découpés dans une vieille chambre à air "empruntée" au garage Sachetti. Mais quelles parties de

foot dans les oliviers qui cernaient l’Internat et la Municipalité !

L’épreuve d’initiation était l’escalade de la Carrière – il n’y en a qu’une près de l’hôpital. Parfois un gamin dégringolait

d’une hauteur de 4 à 5m de rochers presque à pic. Il n’allait pas se plaindre, expliquant comme il pouvait sa chemise

ou son short déchiré. "On est sur terre pour gagner son paradis" enseignait la grand-mère.

La ville du Kef bâtie sur les pentes du Jebel Dir, vue de la route de SAKIET

Mais le comble des plaisirs était de dévaler les rues, toutes en pente, d’El Kef sur des "charrettes à roulements" : une

espèce de caisse équipée de 2 roulements à l’arrière et d’un roulement à l’avant qui pouvait pivoter. Ben Hur n’était pas

notre "cousin" ! Jusqu’à ce que, dans un virage, la charrette aille heurter les pattes d’un mulet montant au marché : la

colère du conducteur voyant sa bête affolée, lancée au galop et semant la marchandise ! Parfois, les charrettes

manquaient un virage et atterrissaient en contrebas de la route, dans le poulailler du grand-père qui "fessait" à grands

coups de ceinturon cette bande de garnements déchainés.

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Une mère avait pensé imposer une sieste à son rejeton aux heures chaudes de l’été. Lui, au 1er étage d’une maison

rue d’Alger, montait sur la fine balustrade en fer forgé du balcon et sautait dans les branches de l’arbre voisin pour aller

jouer. Il revenait par le même chemin jusqu’à ce qu’un jour, sa mère, défaillante de peur, le surprenne et lui fasse jurer

de ne plus recommencer. Parole donnée, c’était sacré !

Lors de batailles épiques contre les gamins d’un autre quartier, toute la bande (italiens, tunisiens, français) hurlait

d’abord "Sidi Abdelkader maana" ce qui signifie : "Sidi Abdelkader avec nous" et allait échanger force "horions" avec

les adversaires du jour.

Leurs lectures préférées étaient "les Trois Mousquetaires" ou "le Bossu" de Paul Féval et cela aboutissait à une attaque,

épée en bois à la main, du mur d’enceinte du Contrôle Civil et à une poursuite dans les bureaux au grand désespoir du

Contrôleur qui retrouvait son fils dans la bande et des Spahis qui chassaient à grands coups de bottes la bande

déchainée hurlant : "Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira " t’a toi". Tant pis pour la liaison, préférable au hiatus.

A 14 ans, l’ainé conduisait une vieille voiture - une "B 12" Citroën - et un jour, une portière mal fermée a laissé échapper

un voyageur dans un virage serré du "bayad" en face de couches de calcaire blanc, à la sortie d’El Kef. Ils se sont

arrêtés, ont constaté que l’enfant n’avait pas de graves blessures apparentes et l’ont remis dans la voiture en chantant :

"C’est nous les "boujridiens" !

Les grottes de Sidi Mansour un terrain de jeu favori et La ferme de Bou Djerida en 2008…

Ils allaient à Bou Jerida, la ferme de l’oncle Marcel, leur paradis ! Certes l’oncle exigeait que ses neveux, tous des

enfants, se comportent comme des adultes : conduisent les tracteurs, contrôlent le rendement de la moissonneuse

batteuse, surveillent le "tarar" (le trieur des grains à la ferme) et même le soir fassent leur compte-rendu avant d’avaler

leur soupe au lait.

Que de fois, endormis à table, on nous a portés au lit. Mais combien de plaisirs, souvent liés à des imprudences comme

plonger de la lucarne du grenier au 1er étage dans un petit tas de paille posé par terre ou du haut d’un cheval lancé au

galop, plonger dans la paille laissée dans le champ par la moissonneuse batteuse, tirer les cailles qui se lèvent devant

la moissonneuse, descendre pour la ramasser et rejoindre en courant la moissonneuse. La caille était plumée mangée

grillée à la pause.

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Une fois, tous les gamins étaient très occupés à taper sur des obus volés aux dépôts américains voisins : c’était la

guerre. Ils voulaient en extraire la poudre pour en faire des feux d’artifice. La stupeur du grand-père réveillé de sa

sieste ! Il connaissait le danger d’un obus car il avait été artilleur. Chaque gamin reçut sa correction sans un cri, sans

mot dire, ils l’avaient méritée. Que dire d’une fuite éperdue à l’arrivée des propriétaires de la ferme voisine : les héritiers

de la "Baronne Escabas", de tous les gamins invités à venir s’y amuser par les enfants des propriétaires qui s’y

ennuyaient parce que trop "bien éduqués" par leurs parents.

Deux "générations" de petits enfants cohabitaient. Ils avaient parfois les mêmes "occupations" grâce à la gentillesse

des "grands" mais les "petits" avaient aussi leurs grands plaisirs comme d’aller découvrir le monde merveilleux de la

montagne dans le Jebel Dir sur le flan duquel la ville est bâtie… Visiter les grottes au péril de leur vie ou encore aller

dans la Médina pendant "les évènements" alors que Marcel, l’ancien combattant, l’avait absolument interdit.

Les sfaxiens…

Les "Sfaxiens" chez eux à l’école de natation à Sfax Alix sur "Bijou" à Trouan le Grand

Ces souvenirs du Kef évoqués par Alix ne peuvent occulter ceux des "Sfaxiens" qui n’ayant pas de voitures pour se

rendre plus souvent au Kef, ont recréé leur univers d’enfance autour de la mer… Des parties de pêche infinies et surtout

"l’école de natation" qui nous accueillait pendant les mois chauds de l’été…

Et les grandes vacances en France chez les cousins avec les découvertes d’une autre vie que la leur, celle des "gens"

d’un pays dont ils se revendiquaient mais ne connaissaient pas !

Pour situer cette bande de gamins, évoquons la remarque d’un ami de la famille : "Je n’ai jamais vu une telle

concentration de farfelus dans une même famille ! "…Avait-il tort ?

Tous ces souvenirs mériteraient un livre au lieu de ces quelques pages mais qui donc va l’écrire ? Certainement pas

ceux qui ne les ont pas vécu. Alors c’était un autre temps, dans un autre pays, vécu par une autre génération dont

beaucoup ont déjà disparu.