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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 333, Série I, p. 617–622, 2001 Analyse mathématique/Mathematical Analysis Calcul pseudo-différentiel et équations d’évolution non linéaires sur les variétés compactes Mohammed AASSILA Institut de mathématique, Université de Fribourg, Pérolles, CH-1700 Fribourg, Suisse Courriel : [email protected] Résumé. En utilisant les calculs pseudo-différentiel et para-différentiel introduits par J.-M. Bony [1], nous étudions les équations incompressibles et isotropiques de Navier–Stokes. On montre l’existence en temps-court et l’unicité des solutions pour données initiales arbitraires avec régularité super-critique. On utilise le calcul pseudo-différentiel pour étendre notre analyse aux variétés riemanniennes compactes. 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS Pseudo-differential calculus and nonlinear evolution equations on compact manifolds Abstract. By using the pseudo-differential and para-differential calculus introduced by J.-M. Bony [1], we study the incompressible isotropic Navier–Stokes equations. We prove the short-time ex- istence and uniqueness of solutions for arbitrary data with supercritical regularity. We ex- ploit pseudo-differential calculus to extend the analysis to compact Riemannian manifolds. 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS Abridged English version We study the solutions of the incompressible isotropic Navier–Stokes equation: t u(t, x) ν u(t, x)+ u(t, x) ·∇u(t, x)+ p(t, x)= f (t, x), div u(t, x)=0, u(0,x)= u 0 (x), where u(t, x) represents the velocity of the fluid at the position x and time t, ν is the viscosity coefficient, and p is the pressure. Existence and regularity results for this class of equations were obtained in [5] when the initial data belong to certain space N s p,q,r of negative index s. Similar results can be found in [4] concerning the spaces B E α . Our aim here is to give a unifying approach and to extend the analysis to compact manifolds. We prove the short-time existence and uniqueness in N s p,q,if: Note présentée par Jean-Michel BONY. S0764-4442(01)02106-1/FLA 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés 617

Calcul pseudo-différentiel et équations d'évolution non linéaires sur les variétés compactes

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 333, Série I, p. 617–622, 2001Analyse mathématique/Mathematical Analysis

Calcul pseudo-différentiel et équations d’évolutionnon linéaires sur les variétés compactesMohammed AASSILA

Institut de mathématique, Université de Fribourg, Pérolles, CH-1700 Fribourg, SuisseCourriel : [email protected]

Résumé. En utilisant les calculs pseudo-différentiel et para-différentiel introduits par J.-M. Bony [1],nous étudions les équations incompressibles et isotropiques de Navier–Stokes. On montrel’existence en temps-court et l’unicité des solutions pour données initiales arbitrairesavec régularité super-critique. On utilise le calcul pseudo-différentiel pour étendre notreanalyse aux variétés riemanniennes compactes. 2001 Académie des sciences/Éditionsscientifiques et médicales Elsevier SAS

Pseudo-differential calculus and nonlinear evolution equations oncompact manifolds

Abstract. By using the pseudo-differential and para-differential calculus introduced by J.-M. Bony[1],we study the incompressible isotropic Navier–Stokes equations. We prove the short-time ex-istence and uniqueness of solutions for arbitrary data with supercritical regularity. We ex-ploit pseudo-differential calculus to extend the analysis to compact Riemannian manifolds. 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

Abridged English version

We study the solutions of the incompressible isotropic Navier–Stokes equation:

∂tu(t, x)− ν∆u(t, x) + u(t, x) · ∇u(t, x) +∇p(t, x) = f(t, x),

divu(t, x) = 0,

u(0, x) = u0(x),

whereu(t, x) represents the velocity of the fluid at the positionx and timet, ν is the viscosity coefficient,andp is the pressure.

Existence and regularity results for this class of equations were obtained in [5] when the initial databelong to certain spaceNs

p,q,r of negative indexs. Similar results can be found in [4] concerning thespacesBEα. Our aim here is to give a unifying approach and to extend the analysis to compact manifolds.

We prove the short-time existence and uniqueness inNsp,q,∞ if:

Note présentée par Jean-Michel BONY.

S0764-4442(01)02106-1/FLA 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés 617

M. Aassila

(i) n/p− 1 < s< 0 or n/p< 0 for arbitrary initial data,(ii) s = n/p− 1 for data satisfying an extra condition.

1. Introduction

Considérons l’équation de Navier–Stokes dansRn dans les cas incompressible et isotropique :

∂tu(t, x)− ν∆u(t, x) + u(t, x) · ∇u(t, x) +∇p(t, x) = f(t, x), (1)

divu(t, x) = 0, (2)

u(0, x) = u0(x), (3)

oùu(t, x) est la vitesse du fluide à la positionx et à l’instantt, ν le coefficient de viscosité etp la pression.En appliquant la projection de LerayP à (1)–(3) on obtient :

∂tu(t, x)− ν∆u(t, x) + Pdiv(u⊗ u)(t, x)(t, x) = 0, (4)

u(0, x) = u0(x). (5)

Les solutions faibles peuvent être obtenues en réécrivant (4) comme une équation intégrale :

u(t, x) = et∆ u0(x)−∫ t

0

e(t−s)∆Pdiv(u⊗ u)(s, x)ds,

et alors on montre que, dans un espace fonctionnel adapté, le membre de droite est une contraction.Dans sa thèse, Cannone [2] a introduit des espaces adaptés aux équations de Navier–Stokes. Ce sont des

espaces fonctionnelsE avec la propriété :

∥∥ψj(D)(fg)∥∥

E� ηj ‖f‖E ‖g‖E, ∀ j ∈ Z,

où {ψj(ξ)} est la partition de l’unité de Littlewood–Paley subordonnée à une décomposition dyadiquedeR

n, et les nombresηj sont tels que∑

j 2−|j|ηj <∞. Il a obtenu l’existence en temps-court et l’unicitéd’une solution. Karch [4] a étendu le travail de Cannone en construisant pour chaqueE des espacesauxiliaires de distributions :

BEα ={f ∈ S′ : ‖f‖BEα = sup

t>0

{tα/2

∥∥et∆ f∥∥

E

}<∞

}, α � 0,

et il obtient l’existence en temps-long de solutions pour des données initiales assez petites. En 1993,Kozono et Yamazaki [5] ont introduit une nouvelle classe d’espacesNs

p,q,r et Nsp,q,r (homogène et non

homogène), où1 � q � p < ∞, s ∈ R, r ∈ [1,∞]. Ils sont définis respectivement comme des espaces deBesov homogènes et non homogènes avec espace de base les espaces de MorreyMp

q etMpq au lieu deLp.

Dans cette Note, notre objectif est de présenter une approche unifiée en utilisant le calcul pseudo-différentiel et para-différentiel introduits par J.-M. Bony [1]. On étend aussi notre analyse pour traiterles équations de Navier–Stokes sur les variétés compactes. Comme indiqué par Ebin et Marsden dans [3],les équations de Navier–Stokes doivent être modifiées dans ce cas pour tenir compte de la courbure.

2. Espaces fonctionnels

On commence par donner une caractérisation équivalente des espacesNsp,q,r et BEα en utilisant la

décomposition de Littlewood–Paley. Posons∆j = ψj(D), alors on a :

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Calcul pseudo-différentiel et équations d’évolution non linéaire

PROPOSITION 2.1. – SoitE un espace fonctionnel de Banach tel que la norme a un degré d’échelleγ > 0. Alors, une norme équivalente dansBEα est donnée par:

∥∥f∗∥∥BEα = sup

j∈Z

{2−jα‖∆jf‖E

}.

Comme conséquence de la proposition 2.1, on identifieNsp,q,∞ avecBE−s pours < 0 et E = Mp

q , cequi donne une réponse à une question posée par Karch [4] :

N−αp,q,∞ = BEα,

si E = Mpq . On a donc une norme équivalente dans l’espaceNs

p,q,∞, s < 0, très utile pour étudier leséquations paraboliques semi-linéaires :

‖f‖Nsp,q,∞ ≈ sup

t>0

{t−s/2

∥∥et∆ f∥∥

Mpq

}.

Pour l’espaceNsp,q,r avec1 � q � p <∞, s < 0, on a :

‖f‖Nsp,q,∞ ≈ sup

0<t�1

{t−s/2

∥∥et∆ f∥∥

Mpq

}.

Pour les équations qui ne sont pas paraboliques, motivés par le travail de Vishik [7] sur les équations d’Eulerdans les espaces de Besov, on exhibe un développement en ondelettes des éléments deNs

p,q,r et Nsp,q,r , ce

qui nous permet d’obtenir :

Nn/pp,q,r ↪→ BMO pour

{1 � r � 2,2 � q � p <∞.

3. Analyse pseudo-différentielle et analyse para-différentielle

Par la proposition 2.1, on étend les résultats de [5] à une plus large classe d’espacesBEα, on a :

PROPOSITION 3.1. – Soitm ∈ R. Supposons queα > 0 et α >−m. SoitN � n/2�+ 1. SiP (ξ) estune fonctionCN surR

n� {0} telle que

∣∣∂|α|P/∂ξα∣∣ � A |ξ|m−|α|, ∀ |α| � N,

alors

P (D) : BEα −→ BEα+m

est un opérateur linéaire borné.

Le résultat principal de ce paragraphe est le :

THÉORÈME 3.2. – Soitp(x, ξ) ∈ C�∗Sm

1,δ, oùm ∈ R, δ ∈ [0,1] et C�∗ est l’espace de Hölder–Zygmund.

Alors

p(x,D) : Ns+mp,q,r −→ Ns

p,q,r

si 0 < s < , 1 � q � p <∞, r ∈ [1,∞]. Notons queδ peut être égal à1 et donc le cas para-différentiel estinclus.

Dans le casδ < 1, c’est-à-dire qu’on peut prendre, dans le théorème 3.2,s négatif mais petit, on a :

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M. Aassila

COROLLAIRE 3.3. –Sous les hypothèses du théorème3.2, supposons en particulier queδ < 1. Fixonsγ ∈ ]δ,1[ ; alors, pour0 < ε < (γ − δ)t, on a

p(x, ξ) : N−εp,q,r −→ N−ε

p,q,r.

En utilisant le calcul para-différentiel introduit par J.-M. Bony [1] pour étudier l’optimalité de larégularité des solutions des équations aux dérivées partielles non linéaires, et en considérantF (u1, u2) =u1u2 (car le terme non linéaire dans les équations de Navier–Stokes est quadratique), on montre uneestimation du type Moser

‖u · v‖Nsp,q,r

� c(‖u‖L∞ ‖v‖Ns

p,q,r+ ‖u‖Ns

p,q,r‖v‖L∞

),

ce qui nous permet d’étudier le cas oùNsp,q,r est une algèbre de Banach. On a :

PROPOSITION 3.4. –L’espaceNsp,q,r est une algèbre de Banach pour:

(i) s > n/p, 1 � q � p <∞, si r ∈ ]1,∞], ou(ii) s � n/p, 1 � q � p <∞, si r = 1.

4. Analyse sur les variétés

On considère la cas simple oùM est une variété compacte (régulière) et sans bord. On définit les espacesNs

p,q,r surM par les partitions de l’unité et les coordonnées locales, ou intrinsèquement par les fonctionsde

√−∆. On a :

THÉORÈME 4.1. – Soients ∈ R, 1 < q � p < ∞ et r ∈ [1,∞]. Soit {ψj}, j > 0, une partition deLittlewood–Paley de l’unité. Alors une norme équivalente dansNs

p,q,r(M) est donnée par

‖f‖∗Nsp,q,r(M) =

∥∥{2js

∥∥ψj(√−∆)f

∥∥Mp

q(M)

}∥∥�r .

En utilisant les idées de Triebel [6], on peut aussi définirNsp,q,r(M) par interpolation. On a :

PROPOSITION 4.2. – Pours ∈ R, r ∈ [1,∞] et 1 < q � p <∞, on a

Nsp,q,r(M) =

((Id−∆)−s1/2Mp

q(M), (Id−∆)−s2/2Mpq(M)

)r,θ

,

oùs1 �= s2, θ ∈ ]0,1[ et s = (1− θ)s1 + θs2.

5. Équations de Navier–Stokes

Pour le problème (4)–(5), on a :

THÉORÈME 5.1. – Soient1 � q � p, p > n etn/p− 1 < s < 0. Alors, pour toutu0 ∈ Nsp,q,∞, il existe

T > 0 et une unique solution faibleu de(4)–(5)sur [0, T [×Rn tels que

sup0<t�T

t1/2−n/(4p) ‖u(t, ·)‖M2p2q

� K,

u ∈ L∞((0, T ),Nn/p−1

p,q,∞),

u ∈ C∞((0, T ),Rn

).

COROLLAIRE 5.2. –L’espaceNsp,q,r est adapté aux équations de Navier–Stokes pour:

(i) s > n/p, 1 � q � p <∞, si r ∈ ]1,∞], ou(ii) s � n/p, 1 � q � p <∞, si r = 1.

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Calcul pseudo-différentiel et équations d’évolution non linéaire

En résumé, pour l’espace non homogèneNsp,q,∞ on a l’existence locale en temps et l’unicité si

n/p− 1 < s < 0, ous > n/p pour données initiales arbitraires telles que :

limsupj→∞

2j(n/p−1)∥∥ψj(D)u0

∥∥Mp

q< δ,

divu0(x) = 0.

Pour l’espace homogèneNsp,q,∞ on a existence locale en temps et unicité sin/p− 1 < s < 0 pour données

initiales arbitraires. Sis = n/p− 1, on a existence globale en temps pour données initiales assez petites.Sur une variété compacte, l’équation de Navier–Stokes « corrigée » est :

∂tu(t, x)−∆u(t, x)− 2PRicu(t, x) + Pdiv(u⊗ u)(t, x) = 0,divu(t, x) = 0,u(0, x) = u0(x),

(6)

où ∆ est le Laplacien de Hodge etRicjk = Ricijik est le tenseur de Ricci surM . SurRn, divSu = ∆u,

alors que sur une variété,divSu = ∆u+ 2Ricu, si divu = 0. On a le résultat suivant :

THÉORÈME 5.3. – Soient1 < q � p < ∞ et p > n. Alors, il existeδ, K > 0 tels que, pour toutu0 ∈Nn/p−1

p,q,∞ (M) vérifiant

limsupj→∞

2j(n/p−1)∥∥ψj(

√−∆)u0

∥∥Mp

q(M)< δ,

divu0(x) = 0,

il existeT > 0 et une solution faibleu de(6) sur [0, T [×Rn tels que

sup0<t�T

t1/2−n/(4p)∥∥u(t, ·)

∥∥M2p

2q(M)� K.

Idée de la démonstration du théorème5.3. – Soit1 < q � p <∞. Siu ∈ M2p2q(M), alorsP(div(u⊗u)−

2Ricu) ∈ N−1p,q,∞ avec

∥∥P(div(u⊗ u)− 2Ricu

)∥∥N−1

p,q,∞� c

(‖u‖2

M2p2q

+ ‖u‖M2p2q

).

Ce résultat est une conséquence des résultats du paragraphe 3. CommePRic ∈OPS01,0,

PRic : Nsp,q,r(M)−→Ns

p,q,r(M), ∀ s,

et ∥∥P(Ric(u⊗ u)− 2divu

)∥∥N−1

p,q,∞� c

(‖u⊗ u‖Mp

q+ ‖u‖Mp

q

)� c

(‖u‖2

M2p2q

+ ‖u‖M2p2q

)

carM2p2q ⊂ Mp

q ⊂ N0p,q,∞.

Références bibliographiques

[1] Bony J.-M., Calcul symbolique et propagation des singularités pour les équations aux dérivées partielles nonlinéaires, Ann. Sci. École Norm. Sup. 14 (1981) 209–246.

[2] Cannone M., Ondelettes, paraproduits et Navier–Stokes, Diderot Éditeur, Paris, 1995.[3] Ebin D.G., Marsden J., Groups of diffeomorphisms and the notion of an incompressible fluid, Ann. Math. 92 (1970)

102–163.

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M. Aassila

[4] Karch G., Scaling in nonlinear parabolic equations, J. Math. Anal. Appl. 234 (1999) 534–558.[5] Kozono H., Yamazaki M., Semilinear heat equations and the Navier–Stokes equation with distributions in new

function spaces as initial data, Commun. Partial Differ. Eq. 19 (1994) 959–1014.[6] Triebel H., Interpolation Theory, Function Spaces, Differential Operators, North-Holland, Amsterdam, 1978.[7] Vishik M., Incompressible flows of an ideal fluid with vorticity in borderline spaces of Besov type, Ann. Sci. École

Norm. Sup. 32 (1999) 769–812.

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