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1 Michèle Gardré-Valière et Michel Valière Chansons en regard 10, rue du 8 Mai 86160 Gençay [email protected]

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Michèle Gardré-Valière et Michel Valière

Chansons en regard 10, rue du 8 Mai 86160 Gençay [email protected]

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Chansons en regard

par

Michèle GARDRÉ-VALIÈRE et Michel VALIÈRE

***

Rossignolet du bois joli Toi que tu-z-y chantes le jour et la nuit

Tu dis dans ton chant dans ton joli chant

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« Voici le printemps Que toutes les filles vont changer d’amant »

En changerai-z-y moi aussi d’amant

Moi qui en ai un si beau un si charmant Et de temps en temps tenais agrément

De mon fidèle amant De mon fidèle amant que mon cœur aime tant

Allons-y belle dans ton jardin

Nous la cueillerons la fleur du romarin La rosée des prés des bouquets d’odeurs

Mon aimable cœur Puisque nous sommes ici pour y cueillir la fleur

Allons-y belle au cabaret

Nous en buverons de ce bon vin clairet En attendant la collation

De ces bons enfants Qui vinront ce soir jouer du violon1

Cette chanson, à l’incipit rebattu depuis le Moyen-Âge2, parmi quelques autres, que nous avons recueillie en 1966, dans le village du Vieux Balluc, commune de Blanzay, au sud de la Vienne, en Haut-Poitou, auprès de Marie Léonie Magnant, épouse Baudin (1880-1976), nous permet de faire un lien symbolique, par-delà les générations, avec l’œuvre de Marius Barbeau dont l’ouvrage Le Rossignol y chante3 est un vibrant témoignage. À la page 23, sous un titre générique « Oiseaux messagers d’amour » figure une version de « Rossignolet du bois joli », avec la mélodie que lui a transmise Charles Barbeau, son père. Cette chanson est classée sous le numéro 504 par Patrice Coirault, dans le tome 1 de son Répertoire des chansons françaises de tradition orale, (Paris, BNF, 1996), sous le titre générique « Le rossignolet qui invite à changer d’ami ». De son côté, Conrad Laforte l’inscrit sous le code E-51, sous le titre « Le printemps les filles changent d’amant », dans son Catalogue de

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la chanson folklorique française (Laval, Presses de l’université Laval, vol.2, 1981).

Il s’agit d’un texte critique de trois couplets, établi à partir de « quatre versions recueillies aux environs de Québec et en Cadie », pratique tout à fait courante à cette époque-là (et aujourd’hui encore, parfois, en littérature orale), où évolutionnisme et diffusionnisme se conjuguaient dans le dessein d’accéder à une forme supposée première, l’archétype, parce que censée devenue plus complète, riche des apports de chacune d’entre elles. Arnold Van Gennep, comme Patrice Coirault et les ethnomusicologues contemporains, remettront en cause cette pratique de reconstitution d’un archétype, dont l’une des conséquences, et non la moindre, est une réécriture du texte et donc caviarde les variantes. Cela n’entache en rien la qualité du travail accompli par ce chercheur dont on sait qu’il a engrangé huit mille cinq cents textes et cinq mille mélodies, de 1916 à 1947 gravés, entre autres, sur des cylindres de cire, bientôt doublés sur des disques par les soins de la Library of Congress à Washington. À ce colossal ensemble, il faudrait également adjoindre un corpus de trois mille chants indiens qu’il avait auparavant notés. On ne peut que rester admiratif, cependant, devant la bibliographie de l’auteur du Romancero du Canada4. Les Français Marguerite et Raoul d’Harcourt, à partir des mille premières chansons du fonds Barbeau regroupées sur cent disques reçus du Musée national d’Ottawa, en choisirent deux cent quarante qui constituent la matière de leur ouvrage désormais classique : Chansons folkloriques françaises au Canada : leur langue musicale, (Laval, Presses universitaires – Paris, PUF, 1956, 450 p.). Ces auteurs affichent leur principe méthodologique, dès l’introduction à la page 6 :

« Les exemples donnés, qui comprennent près de deux cents sujets différents, seront reproduits tels qu’ils ont été entendus, avec leurs particularités et leurs ornements. »

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Ainsi, le rapprochement des deux éditions de la chanson n° 1281, du même informateur de Beauce, Charles Barbeau, « Rossignolet du bois joli », dans Le Rossignol y chante (p. 23) et dans l’ouvrage des d’Harcourt (p. 154), laisse-t-il apparaître des différences notoires tant en matière musicale qu’au plan de la coupe et donc du texte. Marius Barbeau , par son approche archétypale a abouti à une version canonique de trois strophes et s’est contenté de la structure musicale du premier couplet, inférant que les autres strophes devaient se chanter à l’identique. Ce faisant, il s’éloigne, avec sa forme rectifiée, de ses sources informatives. Marguerite d’Harcourt a soigneusement noté, elle, les mélodies des deux premiers couplets où l’on y décèle des différences telle qu’un changement de rythme et des nuances dans la coupe. Mais elle ne nous dit rien sur le troisième couplet, si ce n’est une invite à le chanter « sur la musique du premier ». Ainsi, celle-ci a-t-elle adopté, au fil de l’ouvrage, une posture que nous qualifierons de « plus moderne », puisqu’elle tend à restituer, au plus près, la variabilité de la musique et du texte, au sein de chaque item, attitude plus respectueuse de l’oral, comme nous l’entendons, nous, aujourd’hui.

Dans cette communication, outre la « chanson idyllique », dans la terminologie de Conrad Laforte, Rossignolet du bois joli qui nous a servi d’introduction, deux autres chansons retiendront toute notre attention. Enregistrées au cours de notre enquête ethnographique en Poitou, elles sont extraites de notre propre phonothèque. Nous les avons choisies autant pour leur rareté, certes toute relative, que pour leur parenté avec des chansons d’outre-Atlantique : d’abord une « bergerette des Brandes », puis une « ‘grand chanson’ charentaise». Enfin, nous nous pencherons sur un « éloge vendéen » que nous avons recueilli auprès de migrants de l’intérieur et qui recherche encore sa « lignée » dans la forêt des chansons franco-canadiennes. 1 - Une bergerette des Brandes

C’était une fille muette parmi ces champs Qui la gardait la troupe et l’agneau blanc

Il est venu-t-une dame à mon troupeau À moi elle m’y demande un bel agneau

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Un bel agneau madame moi faut pas parler À mon père à ma mère il faut leur demander

Va-t-en lui dire ma fille crainte du loup Je la garderai la troupe aussi bien que vous

La belle elle s’y chemine à la maison

À son père à sa mère rend compte ses raisons Il est venu-t-une dame à mon troupeau À moi elle m’y demande un bel agneau

Le père aussi la mère bien étonnés

De voir une fille muette si bien parler Va t’en lui dire ma fille qu’elle prenne un agneau Qu’ils sont tous à son service jusqu’au plus beau

La belle elle s’y retourne à son troupeau

Trouvit la Sainte-Vierge sous les ormeaux Prenez prenez madame un bel agneau

Ils sont tous à votre service jusqu’au plus beau

Donne-moi ta main ma fille donne-moi ta main Que j’écrive à ton père que je lui prends rien

Et-r-adieu donc la belle toi ton troupeau Que le Bon Dieu t’y conserve toi et ton agneau

Nous avons recueilli5 cette chanson en 1969, à Plan de Saint-

Secondin, dans les Brandes du Haut-Poitou, de la bouche d’une paysanne, Madame Foucault, épouse Soulat, née en 1894. Bergère tout au long de sa vie, elle « allait aux champs aux oueilles » et chantait pour que ses bêtes restent tranquilles. Elle devrait prendre rang dans la série B, sous le numéro 33 du Catalogue des chansons strophiques au côté des soixante-neuf versions relevées par Laforte, dont cinquante canadiennes. Patrice Coirault la classe dans la rubrique « Miracles, pélerinages », sous la mention « La bergère muette guérie par la Vierge » (Belly : 1997, p. 84)6.

C’est cette complainte chrétienne qu’appelaient de leurs vœux Raoul et Marguerite d’Harcourt, qui s’étonnaient (p. 93) « de ne pas

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l’avoir encore rencontrée dans l’Ouest où elle a dû cependant exister », comme le rappelait Hugh Shields, universitaire au Trinity College de Dublin, dans un compte rendu de notre disque Anthologie de chants et musiques populaires du Haut-Poitou7, paru dans la revue américaine Ethnomusicology8 :

« Here now is the western version which Marguerite and Raoul

d’Harcourt regretted not finding when they published a canadian one (1956 : 93). »

Autrement dit : « Voici la version de l’Ouest que M. et R. d’Harcourt regrettaient

de ne pas trouver quand ils en publièrent une du Canada. » Cette remarque qui nous avait été signalée , en son temps, par

Bernard Lortat-Jacob, ethnomusicologue au Musée de l’Homme à Paris, nous réjouit d’autant qu’elle s’accompagnait d’une commande de disques (l’information directe à ce sujet n’ayant eu aucun effet, la notoriété dans certains milieux nationaux spécialisés fut conférée à notre publication par ce compte rendu dans une revue internationale). En fait, nous n’avons ni le privilège, ni l’honneur de la première occurrence de cette chanson, ni en France, ni même dans le Poitou. En effet, une version intitulée Là-bas y at-une mude (sic) a été publiée dès 1888, dans les Mémoires de la Société de statistiques, sciences, lettres et arts du département des Deux-Sèvres (t. 5, pp. 100-102) par le folkloriste poitevin, Léo Desaivre, dans son article « Les chants populaires de l’Épiphanie en Poitou avec un chant monorime de la Passion recueilli à Niort». La chanson de la mude lui avait alors été chantée, parmi d’autres, par une veuve dénommée Goursault. Ajoutons encore (Belly 1997 : pp. 85-87) que Coirault soi-même en avait également recueilli une version en 1913 auprès d’Adélaïde Bluteau dont on sait par le collecteur qu’elle était alors « fermière à La Chaise, de Cours (Deux-Sèvres) »9.

Selon une hypothèse de Marlène Belly (1993 : vol.1, p. 59, et 1997 : pp. 92-93)10, La fille muette prendrait ses racines musicales dans une pièce du XVIIIe siècle. Pour conduire son analyse musicologique, cette auteure poitevine a compilé vingt-neuf versions canadiennes qui

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prennent en compte des collectes réalisées de 1916 à 1979 et trente-six françaises, dont la transcription réalisée à notre demande par Louise Biscara pour accompagner la publication de notre disque Anthologie (cf. note 6). Chantée encore jusque dans les dernières années du XXe siècle, La fille muette s’étend pour l’essentiel dans le Centre et dans l’Ouest de la France, et au Québec, le long du fleuve Saint-Laurent, et avec une certaine densité, dans les provinces maritimes au Nouveau Brunswick (Acadie). Sans nous étendre sur ressemblances et différences, retenons simplement qu’après le déroulement « conforme » du récit du miracle, la « Sainte-Vierge » lui prend la main pour écrire (une lettre) en disant :

« Donne-moi ta main ma fille donne-moi ta main Que j’écrive à ton père que je lui prends rien »

et la bergère de notre complainte poitevine ne meurt pas. En revanche, la plupart des autres versions, tant canadiennes que françaises, proposent une fin tragique, mais à caractère édifiant. La jeune héroïne est ainsi sacrifiée après un délai de trois, huit ou quarante jours :

« Au bout de huit jours, la belle elle a mouru » (Desaivre : 1888,

p. 102). À Ruisseau-à-Patates, Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie,

Antoine Minville précise à propos de cette correspondance de l’Au-delà (d’Harcourt : 1956, p. 93) :

« La bergère al’ est morte avant trois jours,

Al’ tenait une lettre dedans sa main […]

A fallu que l’évêque lui soye venu. « Rouvre ta main, bergère, ô grande Élisabeau,

Pour la part du Grand Maître, Dieu souverain. »[…]

Ceusses qui la chanteront tous les vendredis, Gagneront les indulgences du paradis. »

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La lettre trouvée dans la main, écrite par la Sainte-Vierge (parfois, semble-t-il, par les parents eux-mêmes : « ils ») est donc censée porter mention du récit de cette rencontre miraculeuse, condensé dans le simple mot « raison» qui figure dans plusieurs versions. La lettre dedans la main a ainsi acquis un statut de viatique avec son efficacité symbolique. Dans la version de Gaspésie, l’origine merveilleuse et sacrée de cette missive en fait une sorte de phylactère, un élément de protection pour ceux qui sacrifieront à cette injonction céleste qui consiste à interpréter cette chanson le vendredi, souvenir du Vendredi Saint des chrétiens. Le motif de la lettre figure dans bien des versions, dont celle, poitevine, d’Adélaïde Bluteau (Belly 1997 : pp. 86) :

« […] Au bout de la semaine la belle était mort’

ils ont fait une lettre là pour écrit

ni prêtres ni évêques n’ont pu l’ouvri’ […] »

Plus qu’une simple chanson de travail, cette bergerette (nom

donné par nous) ressortit à la veine des textes présentés en 1985 à Paris par Catherine Robert dans son « étude ethnologique » : La Prière hétérodoxe en Poitou, diplôme de l’École des hautes études en sciences sociales. Ainsi, cette auteure en édite-t-elle (page 131) un exemple dont voici quelques lignes dans la graphie du document original : « Un prête après avoir dit la messe a trouvé dans le St Sépulcre cet écris enveloppé dans un linge, avec cette note explicative.

Quiconque la portera sur soi n’aura aucun malheur, ne mourra pas de mort subite ne tombera pas aux mains de l’ennemi ne sera pas attaqué par les bêtes Vénimeuses ne mourra ni de bataille ni de mauvaise rencontre, il ne peut arriver de mal où sera cette sainte lettre […] »

Ajoutons, à propos du St Sépulcre, un court extrait d’un autre

exemple en langue occitane, du XVe siècle, cité par Clovis Brunel11, à partir du manuscrit I 4066 conservé aux archives départementales du Gers :

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« Aquesta horaziho foc trobada sus lo sepulcre de la Verges

Maria […] Jhesu Critz filh de Diu […] (Cette oraison fut trouvée sur le sépulcre de la Vierge Marie... Jésus-Christ fils de Dieu...)»

La fille muette pourrait donc ainsi prendre rang dans la

classification proposée par la chercheuse, Catherine Robert, pour ce type de textes, au chapitre VI : « Le salut de l’âme », sous-chapitre 6 : « Par le port d’un phylactère : une correspondance de l’Au-delà ». 2 – Une « grand chanson » charentaise Voici maintenant une chanson, Germaine qui appartient au thème universel et très large du « retour » qui, d’Ulysse à Malbrough, a hanté la littérature orale et écrite. Aussi, Conrad Laforte, dans son Catologue des chansons strophiques, a-t-il introduit le type I - Cycle de voyages : le retour. Germaine relève de la rubrique numéro 2 intitulée « Le retour du soldat : l’anneau cassé » qui compte cent références dont soixante-quinze canadiennes. Patrice Coirault, lui, l’a classée au grand chapitre du mariage, rubrique « Aventures de mariage : traverses – retours », sous le numéro 5303.

Cette version a été recueillie au cours de notre enquête ethnographique, à Chez Pouvaraud, commune de Champagne-Mouton, dans le Nord-Charente, en 1983, auprès de Marie Vidaud, la prestigieuse conteuse octogénaire des Paroles d’Or et d’Argent (Nicole Pintureau et Michel Valière, La Couronne, CDDP, 1994). Pour si grande qu’ait été sa mémoire de conteuse, en revanche, si elle connaissait des chansons, ne déclarait-elle pas : « I n’en savis, des chansons, pas ... pas sur l’air ». Cette entrée en matière ne fut pas un obstacle à notre entreprise d’enregistrement. D’ailleurs, bien nous en prit puisqu’elle nous livra une vingtaine de textes dont Germaine ; disons plutôt qu’elle les récita plus qu’elle ne les chanta.

Version 1- C’est la petite Germaine s’y marie dès douze ans Son mari la délaisse à l’âge de quatorze ans

Au bout de la douzième l’homme revient au pays

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Germaine qu’est aux fenêtres oh qui le voit venir

A vous bonsoir madame et vous monsieur aussi Logeriez-vous un homme ici dans votre logis

Oh non oh non dit-elle j’aime trop mon mari

De n’y loger personne oh sans qu’il ne soit ici

Allez chez ma belle-mère la mère à mon mari Peut-être vous retirera-t-elle en rapport à son fils

A vous bonsoir madame et vous monsieur-z-aussi

Logeriez-vous un homme ici dans votre logis

Oh oui oh oui dit-elle mon gentil cavalier Mettez-y pieds à terre avec nous vous souperez

Il ne fut pas à table ne pouvait ni boire ni manger

Il désirait Germaine Germaine à ses côtés

Oh je vous en prie madame de l’envoyer chercher La petite Germaine je l’attends pour souper

A vous bonsoir Germaine et vous belle-mère aussi

Il y a chez nous un homme qui te prie de venir

Vous voyez pas belle-mère ah si vous n’y étiez pas Si vous n’étiez ma belle-mère la mère à mon mari Je vous jetterais dans l’ève dessous le pont-levis

A vous bonsoir Germaine et vous monsieur aussi Tu ne veux point-z-y croire que je suis ton mari

Oh non oh non dit-elle vous êtes point mon mari Mon mari était jeune et vous vous êtes tout gris

Ce n’est point la vieillesse qu’est la cause que je suis gris

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C’est d’avoir couché sur la dure servir le roi Louis

T’en souviens-tu Germaine qu’en montant l’escalier Ta jolie robe de noces s’est semplie tout le long

T’en souviens-tu Germaine quand l’anneau d’or cassit

Montre-moi ta parcelle la mienne te la voici

Y avait sur la parcelle Germaine bien écrit Et j’ai connu-t-alors que c’était mon mari

Appelle les servantes valets oh venez-tous

Montez dedans sa chambre lui bassiner son lit.

Cette « grand chanson», comme l’on dit notamment au Madawaska, selon Geneviève Massignon, pour qualifier « une chanson d’une grande ampleur sur un sujet élévé »12 est également apparentée à la thématique plus prolifique de la rubrique numéro 3 : « Le retour du soldat : seconde noce » qui traite deux cent quatorze références parmi lesquelles cent soixante-dix canadiennes. De notre côté, nous en avons recueilli six versions différentes dans le Centre-Ouest : quatre dans le Civraisien : une à Blanzay (1966), une à Asnois (1969), deux à Champniers (1972), une dans la Brenne, aux confins du Poitou (1977), enfin une à Vivonne (1978). Geneviève Massignon qui en recueilli dix versions de Germaine, au Nouveau Brunswick et en Nouvelle-Écosse écrit dans son commentaire (1994, p. 32) : « Un des beaux traits de la chanson est la reconnaissance du guerrier par son épouse grâce à l’anneau rompu en deux. »

Le grand sujet traité dans cette chanson est la fidélité. La parcelle de l’anneau d’or gardée par chacun des époux en est un signe. Les versions du Madawaska ajoutent, pour tester celle-ci, la prétendue mort de l’époux, authentifiée à Germaine par trois cavaliers qui se présentent à

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sa porte en lui disant : « par quatre-z-officiers, j’l’ai vu ensevelir,» motif qui semble inconnu ailleurs. Notons également que si dans nos versions, le revenant n’est généralement pas nommé, dans les régions canadiennes, il est bien souvent affublé d’un titre pittoresque du type :

- « le roi des Orléans » ; - « le roi de la Russie » ; - « le conquérant de Sion, le plus brave des hommes du roi Napoléon » ; - « le plus vaillant des hommes qu’il y a pas dans Léon » ; - « le comte d’Ambouësis » ; - « le prince d’Amboise d’Amboisi.»

La colère de Germaine à l’encontre de sa belle-mère qu’elle menace de précipiter du haut du pont-levis est une nouvelle preuve de sa fidélité. Au Madawaska, Germaine l’aurait bien faite « dévorer par les chiens de Paris », et à Pubnico dans le Yarmouth, c’est « par les chiens de Lyon » qu’elle l’aurait faite « piller ». Autant de signes manifestes de liens avec les « vieux pays » pour ce qui est de la mémoire historique des lieux. On pourra remarquer, chez Marie Vidaud, quelques archaïsmes lexicaux : « retirer » dans son sens transitif signifiant « loger quelqu’un » d’un usage courant au XVIe -- XVIIe siècles et jusqu’au XIXe siècle ; ou encore « parcelle » comme « très petit morceau » dans son sens du XIIe siècle. Quant au dialectalisme « ève », il est, sur ce territoire charentais du croissant, le compétiteur de « aigue » et, comme nous le savons, Marie Vidaud13 joue des différents registres linguistiques ; ici elle à choisi l’oïl. Enfin le lexème inconnu de nous (et de nos dictionnaires familiers ou non) semplie, dans le contexte « en montant l’escalier, ta jolie robe de noce s’est semplie tout le long » mérite éclaircissement. À notre avis, il signifie « déchirée » ou « effilochée », sens conforté par la version ci-dessous. Faut-il y voir, égaré en Charente, un dérivé du mot lyonnais semple, terme des métiers du tissage, « disposition de ficelles du métier à tisser », ou une variante de l’occitan sampiha / sampilla, emprunté au Lyonnais sampille, « déguenillé » ? Quant à la chute de la narration toute prosaïque : « montez dedans sa chambre lui bassiner son lit »elle renvoie tout un chacun à la

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quotidienneté de la vie d’une famille « sans histoire » et au retour à l’ordre des choses.

L’autre version dont nous disposons nous a été chantée par Solange Sainturat14, agricultrice au Marché Grugeau, écart de Sommières-du Clain, dans le Sud-Vienne, en 1986. Elle y a mis, semble-t-il sa touche personnelle, en condensant le récit en trois vers, puis en énumérant les étapes rituelles de la noce, dont le vol de la jarretière, et la « rôtie » réconfortante apportée aux mariés, insistant on ne peut plus sur les indices de reconnaissance « qui donnent à réfléchir ».

Version 2 - C’est la petite Germaine mariée dès onze ans

Son mari la délaisse dès l’âge de quinze ans Il s’en va à la guerre il revient un jour mais elle le reconnaît pas

Mon mari est tout jeune et vous vous êtes gris Mon mari est tout jeune et vous vous êtes gris

Mais tu vois bien Germaine Que c’est pas la vieillesse qui m’a fait venir gris C’est coucher sur la dure et sur les ponts-levis

C’est coucher sur la dure qui m’a fait venir gris

T’en souviens-tu Germaine en passant le grand pont Que ta robe de noce déchira tout le long

Mon mari ...

T’en souviens-tu Germaine en sortant de la mairie

Quelqu’un dit elle est jeune et tu avais souri

T’en souviens-tu Germaine quand la messe fut finie Que chacun t’embrassait et que tu disais merci

T’en souviens-tu Germaine quand nous nous retournions

Que ta vieille marraine tomba sur le gazon

T’en souviens-tu Germaine pendant que nous mangions L’on tira ta jarretière par-dessous ton jupon

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T’en souviens-tu Germaine qu’au son des violons

Que nous dansions sur l’herbe tout près de la maison

T’en souviens-tu Germaine quand nous fûmes dans notre lit Que toute la jeunesse apporta la rôtie

Mon mari est tout jeune et vous vous êtes gris

Mais vous savez des choses qui donnent à réfléchir Mon mari est tout jeune et vous vous êtes gris

Mais vous savez des choses qui donnent à réfléchir 3 - Éloge vendéen

Marie dans le mariage Épouse un gentil garçon

Qu’il est doux et sage Doux comme un pigeon Qu’il est doux et sage

Qu’il est bien joli Qu’il est bien aimable Parmi sa compagnie

Il a de beaux cheveux noirs

Toujours bien peignés Le ravit le monde De tous les côtés

Sa taille est bien faite Ses bottes bien cirées

Ainsi que le reste Soit ad(e)miré

Elle reçoit dans le mariage

De beaux vingt-z-écus Et bien d’autres gages

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Qui vaudront bien mieux Aussi une orange Aussi des dragées Aussi une amande

Ça sera pour l’am(e)ander

Tout le monde sort aux portes De tous les côtés

Regardant sans cesse Ces deux jeunes mariés

Malgré leur langage Que le monde ont tenu

L’heureux mariage N’est-il pas prévenu ?

Recueillie en 1971, au Sorbier, village de La Ferrière-Airoux (Vienne), auprès de Madame Marie-Louise Gaborit, paysanne vendéenne, originaire des Épesses15, qui l’inaugure par un « Attendez ! une chanson de mariés, pendant qu’a me vint à l’idée », cette pièce chantée mérite que l’on s’y arrête un instant. En effet, sauf erreur, elle n’est représentée ni chez Laforte, ni chez Coirault, et nous n’en avons pas recueilli d’autre version, ni orale ni écrite. S’agirait-il donc d’un unicum ? nous ne saurions le dire ; peut-être nos collègues québécois, acadiens et ontariens en auront-ils trouvé trace dans les mémoires et « les sons » d’ascendants émigrés en provenance des vieux pays ? Ni marche de mariée aux couplets ironiques, sur rythme de marche funèbre (le mot d’esprit est de la « cousine acadienne », l’ethnomusicologue Charlotte Cormier), ni complainte de mariage destinée à arracher des larmes à la belle comme à sa mère et à ses jeunes sœurs, énumérant la multitude de tâches ingrates qui l’attendent dès le lendemain de la noce, sous la férule de la belle-mère, ni bénédiction paternelle ; qu’est-elle donc ? Elle n’est pas non plus chant initiatique du rituel de la nuit de noce (primanoxisme), pas davantage, plainte de quelque mal mariée comme il en est tant. En revanche, elle n’est pas sans rappeller certaines chansons de circonstance comme il en existe en Vendée, si l’on en croit l’un des témoins qui dit :

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« Alors on a été invités à la noce bien entendu alors, j’ai fait cette chanson »16.

Ces créations occasionnelles actualisent, en le remémorant, le

contexte de la conclusion du mariage : rencontre des jeunes gens ; agrément ; fréquentation ; mariage et vœux de bonheur. Nous ne savons rien quant à leur circulation et à leur éventuelle survie en dehors de cette édition associative due à l’initiative de l’U.P.C.P.17

D’un autre point de vue et inspirés en cela par Arnold Van Gennep, nous pourrions considérer ce texte, notamment en nous appuyant sur l’examen du troisième couplet qui fait suite au portait élogieux du jeune époux, comme ce que le savant folkloriste suggérait : « une mise en chanson du scénario »18. Van Gennep, à partir des informations dont il disposait sur l’Armagnac noir et le Sud-Ouest, mais également sur la Bretagne (aux confins de nos territoires d’enquête), a mis en lumière l’existence « dans quelques régions françaises » et « dans certaines localités », d’une « chanson spéciale qui explique le but des acteurs et le sens interne du déroulement des actes exécutés » (p. 334). On y développe entre autres étapes du rituel nuptial : « le transport du mobilier », « l’énumération des cadeaux », « l’habillage et le déshabillage de la mariée ». Dans notre Marie dans le mariage, l’énumération se cantonne aux « vingt-z-écus », à « l’orange », aux « dragées », et à une « amande », qui sont les «autres gages » en question.

La langue courante et familière désigne, selon les endroits, sous le vocable de gage (du francique *waddi)19, nombre d’objets aussi prosaïques que divers : casseroles, vaisseaux (vases), outils, linge, hardes, vêtements ou meubles. On le trouve encore comme substitut de termes associés à des rites de passage : bijoux de fiançailles, corbeille de mariée, testament. Aussi, ne doit-on pas s’étonner de trouver ce concept de gage comme topique de la chanson populaire. Ainsi, rencontre-t-on encore : « bagues et diamants » donnés « pour gage » chez Léa Duverger, en 1972, à Champniers (Vienne), comme on le trouvait un siècle auparavant, dans La chanson du marié de Bujeaud (t. 2, pp. 30 – 31)20 :

« Nous somm’ venus du fond de nos bocages

Vous présenter la fleur de l’oranger ; Recevez-la, c’est le plus simple gage

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De vos amis qui sauront vous aimer .»

Ainsi, chacun a-t-il à cœur d’offrir préférentiellement pour le mariage, qui une « orange »,qui de la « fleur d’oranger », qui un « bouquet de fruitage », tous symboles de fertilité.

Parmi les gages, on aura remarqué la présence de l’amande. Notre curiosité s’est trouvée piquée au vif par la dérobade du sens du syntagme :

« Aussi une amande

Ça sera pour l’am(e)ander »

Au-delà du jeu verbal par l’usage de la dérivation ouverte qui est à la base de virelangues et que l’on trouve dans certaines chansons populaires (« Monsieur le curé qui la carotteri qui la carottera, etc... »), nous ne voulons retenir que l’idée d’adoucissement, d’amélioration, d’embellissement que suggère la douceur de l’amande. Cette idée ne peut être que confortée à la lecture du Guillaume de Dole de Jean Renart (XIIIe siècle) où l’on trouve aux vers 2505-2506 : «Un chapelet de flors sans plus / Ce sachiez qui mout l’amenda » (« Sachez qu’un simple chapelet de fleurs l’embellit beaucoup). Dans le même esprit, chez Van den Boogaard21, éditor de Rondeaux et refrains du XIIe siècle au début du XIVe siècle, nous avons relevé à la page 86, sous le numéro 179 la pièce suivante où amander suppose une amélioration dans le sens moral, une élévation :

« J’aim par amours pour amander,

Sanz decevoir Si ne m’en devroit nus blasmer

J’aim par[ amours pour amander] Car bien en puis en pris monter

Et miex valor J’aim par[ amours pour amander]

Sanz decevoir »

Ce détour littéraire atteste de la bonne conservation d’un mot relativement ancien, inusité de nos jours dans le langage quotidien, mais

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que la rigidité du syntagme (et sans doute de la musique) a su protéger des injures du temps.

Le dernier couplet, qu’initialement notre chanteuse avait interverti avec le troisième, n’est pas sans attirer notre attention. En effet, cette chanson place l’auditeur en position d’observateur d’une scène de mariage au village. Il pose ainsi un regard appuyé et complaisant sur le jeune époux, ce qui est, à notre connaissance, inhabituel dans les chansons de mariage où l’on prévient plutôt la jeune épousée que son mari ne sera pas toujours aussi doux qu’il a promis de l’être. L’insistance à faire l’éloge des vertus, de l’esthétique et de la grâce du jeune homme semble n’avoir pour fonction que d’atténuer le « drame » qui a dû se jouer, si l’on en juge par l’évocation de rumeurs et médisances pudiquement chantée en des termes feutrés : « Malgré leur langage / Que le monde ont tenu ». Cette allusion à de « mauvaises langues » est un topique de chansons où est mis en question l’équilibre amoureux, à l’exemple du Rossignolet sauvage de Marie Vidaud22, en Charente (cf. supra) :

« Rossignolet sauvage rossignolet du bois Vous êtes venus m’y faire un peti message Porter cette lettre à ma tant jolie maîtress

Sur son lit de pleurs

Rossignol prend sa volée Au jardin d’amour s’en va Va sur le sein de la belle

Commence une chanson nouvelle La belle s’y réveille

Quelles sont ces mauvaises langues

Qu’ont fait ces chansons sur moi Ce sont vos amants la belle

Que vous étiez si cruelle Belle dans vos premières amours »

Ces « mauvaises langues » réussissent parfois dans leurs méfaits,

comme l’ont noté en Bretagne Claudie Marcel-Dubois et Maguy Andral

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dans « Musique à l’île De Batz » (Revue des arts et traditions populaires, n° 3, juil.- sept. 1954, pp. 193-250) où il est dit qu’elles « ne cherchent qu’à mettre la brouille » (p. 242) ou encore (p. 246) « à faire séparer ma petite maîtresse de moi ». À parcourir le répertoire des chansons populaires, nous ne sommes pas loin, comme le suggère l’Acadienne Charlotte Cormier 23, d’une véritable « comédie humaine », « à la façon de Balzac » (p. 245).

Quant aux deux derniers vers, on l’aura remarqué, ils résistent à la compréhension immédiate pour l’auditeur des années 2000. En effet, la question du sens de « prévenu » se pose ici, dans la mesure où ce participe passé doit être pris dans son acception étymologique, avec, en outre, pour sème supplémentaire « retournement de situation favorable ».

Ou la littérature orale comme conservatoire linguistique. En guise de conclusion : Brigitte Horiot a bien voulu nous rappeler une tradition nationale : « En France, tout finit par des chansons ». Il devrait donc en être ainsi pour clôturer notre colloque. Nous espèrons que les « cousins » d’outre-Atlantique ont su préserver eux aussi cette agréable coutume, d’autant que, comme nous l’avons rappelé au début de notre intervention, de grands collecteurs, comme leurs épigones, au premier rang desquels Charles-Marius Barbeau, ont non seulement accompli un devoir de mémoire sans précédent en engrangeant les chansons de l’ancienne France, sans négliger pour autant la littérature orale autochtone des premiers occupants. Leur action dynamique a stimulé en France le goût parfois oublié pour les « vieilles chansons populaires ». Ainsi, depuis les deux bords de l’Atlantique-nord, des collecteurs, mais aussi des analystes et des classificateurs, des interprètes, et pas des moindres parfois, ont-ils contribué à écrire et régénérer tout un monumental Romancero : notre patrimoine culturel commun. Audition de chansons interprétées par Madame Michèle Gardré-Valière :

- Rossignolet sauvage (Blanzay, Vienne)

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- Veux-tu veux-tu ma mignonne (Saint-Romain-en-Charroux, Vienne)

- La petite lingère (Saint-Maurice-la-Clouère, Vienne) - La lessive est roulée (Château-Garnier, Vienne) - À la saison je m’y lougeais (Saint-Romain-en-Charroux, Vienne) - Le jour qu’i étais la mariée (Champagné-Saint-Hilaire) - La fille du geôlier (Champagné-Saint-Hilaire) - Derrière chez nous y a-t-un étang ( Les Épesses, Vendée

Notes et Références 1 Une interprétation de cette chanson a été effectuée par Michèle Gardré-Valière, sur le disque 17 cm., 33 tours, Danses folkloriques du Haut-Poitou : la marchoise, Cannes, Coopérative de l’Enseignement Laic, CEL 641, 1967. 2 HUGHES Andrew (1979), « La musique populaire médiévale, une question de tout ou rien », BOGLIONI Pierre (dir.), La Culture populaire au Moyen Âge, actes du quatrième colloque de l’Institut d’études médiévales de l’Univ. de Montréal, 2-3 av. 1977, Saint-Denis, Montréal, Québec, Éd. Univers Inc, pp. 103-120. 3 BARBEAU Marius (1962), Le Rossignol y chante : première partie du Répertoire de la chanson folklorique française au Canada, Ottawa, Ministère du Nord canadien et des ressources nationales et Musée national du Canada, 487 p. 4 Romancero du Canada, Montréal, Beauchemin, 1937, 254p. ; il existe aussi une édition Macmillan, à Toronto (1937) de ce recueil de cinquante chansons qui fait suite à celui d’Ernest Gagnon (1865). Il s’agit d’une édition « scientifique », dans le sens du Romancero de Georges Doncieux (1904), voulant restituer la forme primitive, « l’archétype » en fabriquant un texte critique avec l'ensemble des versions connues. L'analyse musicale des chansons est due à Marguerite Béclard d’Harcourt (1884-1964). C’est cet ouvrage qui a remis à l'honneur l'étude de la chanson folklorique française en Amérique du Nord. 5 Phonogramme du Fonds Michel Valière, Bibliothèque universitaire, Poitiers (Vienne). 6 BELLY Marlène (1997), « Le miracle de la muette : un air, un timbre, une coupe », Autour de l’œuvre de Patrice Coirault, actes du Colloque organisé par le département de musicologie de l’université de Poitiers, les 24 et 25 nov. 1994, Parthenay, FAMDT, pp. 84-98. 7 Cette complainte, figure dans l’Anthologie de chants et musiques populaires du Haut-Poitou : enquêtes ethnographiques de Michel Valière, Gençay, La Marchoise, 1976, disque 33 t., avec une transcription de Louise Biscara, UPCOOP - 008. 8 Ethnomusicology, Ann Arbor (Michigan), Society for ethnomusicology, vol.22, n°1, janv. 1978, pp. 221 – 222. 9 COIRAULT Patrice (1963), Formation de nos chansons folkloriques, Paris, Scarabée, vol. 4, p. 510. 10 BELLY Marlène (1993), Variations dans la chanson de tradition orale française ; étude d’une pièce : La bergère muette, DEA, sous la direction de Nicole Belmont, Paris, EHESS, vol. 1, 100 p., Recueil annexe, vol. 2, 123p. Multicopié. 11 BRUNEL Clovis (1956), Recettes médicales alchimiques et astrologiques du XVe siècle en langue vulgaire des Pyrénées, Toulouse, Privat, p. XIV. 12 MASSIGNON Geneviève (1994), Trésors de la chanson populaire française : autour de cinquante chansons recueillies en Acadie, Paris, BNF, vol.1, p. L III. 13 Sur la performance linguistique de Marie Vidaud, cf. : Michel VALIÈRE, « On ne parle pas à sa voisine comme à son ethnologue : dialectique français /dialecte dans le répertoire d’une conteuse charentaise »,

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communication au 8e colloque de dialectologie et littérature du domaine d’oïl occidental, univ. d’Avignon 12 – 13 juin 2002, à paraître, 2003. 14 Sur cette chanteuse, cf. : Résonances et chants populaires, croquis sonores du Pays des Brandes en Poitou : recueillis et annotés par Angélique Fulin et Michèle Gardré-Valière, Parthenay, Geste, 1983, disque 33 t. avec livret de 14 p. par Angélique Fulin, UP 39. 15 Cette commune est plus connue par le nom du Puy du Fou, l’un de ses lieux-dits. 16 Deux exemples, pages 3 et 4, sont fournis dans l’article de René POTHET : « Chez les Vendéens de la Vienne », La Boulite poitevine-saintongeaise, hiver 1986, pp. 3 – 7. 17 Union pour la culture populaire en Poitou-Charentes et Vendée. 18 VAN GENNEP Arnold (1998), Le Folklore français ... , Paris, Robert Laffont, (1re éd. 1943- 1946-1948), p. 334. 19 D’après le F.E.W. XVII (1966). 20 BUJEAUD Jérôme (1975), Chants et chansons populaires des provinces de l’Ouest : Poitou, Saintonge, Aunis et Angoumois, Marseille, Laffitte, (1re éd. 1864 ). 21 VAN DEN BOOGAARD Nico (1969), Rondeaux et refrains du XIIe siècle au début du XIVe siècle, Paris, Klincksieck. 22 Notre collecte : phonogramme 1983. 23 CORMIER Charlotte (1977), « La musique traditionnelle en Acadie », Mémoires de la Société royale du Canada, quatrième série, t. XV, pp. 239 – 259.