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Cicatrices che ´loı¨des de la te ˆte et du cou Keloid scars of the head and neck R. Beogo a, *, Y.M.C. Guie ´bre ´ b , M. Se ´re ´me ´ b , K. Ouoba b , N. Zwetyenga c,d a Service de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, centre hospitalier universitaire, Sanou Soro 01, BP 676 Bobo 01, Burkina Faso b Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, CHU Yalgado Oue ´draogo, Ouagadougou, Burkina Faso c Service de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, chirurgie plastique, reconstructrice et esthe ´tique, chirurgie de la main, universite ´ de Bourgogne, centre hospitalier universitaire, boulevard de Lattre-de-Tassigny, 21000 Dijon, France d Laboratoire EA 4268 4IS, universite ´ de Franche-Comte ´, place Saint-Jacques, 35000 Besanc ¸on cedex, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Introduction La cicatrice che ´loı ¨de (CC) est une le ´sion prolife ´rative be ´nigne faisant ge ´ne ´ralement suite a ` une agression, parfois minime, du derme [1–3]. Elle est plus fre ´quente dans la population noire et la re ´gion cervico-ce ´phalique est l’une des localisations de pre ´dilection [2]. La CC de la te ˆte et du cou peut e ˆtre fonctionnellement, physiquement et psychologiquement invalidante en raison de son e ´tendue. Sa pathoge ´nie est peu connue et aucune des nombreuses the ´rapeutiques utili- se ´es dans son traitement n’est pleinement efficace [3]. Le but de cette mise au point est de rappeler les concepts actuels de la pathoge ´nie et du traitement de la CC pour une prise en charge optimale de cette pathologie apre `s une revue de la litte ´rature. De ´finition La CC est un trouble de la cicatrisation cutane ´e caracte ´rise ´ par une prolife ´ration extensive et continue de tissu fibroblas- tique, sans tendance a ` la re ´gression spontane ´e et re ´cidivant ge ´ne ´ralement apre `s son exe ´re `se chirurgicale [3]. E ´ pide ´miologie La CC a une distribution populationnelle tre `s ine ´gale, avec une fre ´quence de 15 a ` 20 % dans les populations d’origine noire, asiatique et hispanique, alors qu’elle est rare dans la race Summary A keloid scar is a benign proliferative lesion of dermic collagen. It is predominant in black skin patients. It is most commonly located on the head and neck. Skin trauma and a genetic predisposition may be responsible for the keloid scar. Nevertheless, the pathogenesis of keloid scar is still unclear, and no currently available treatment is 100% effective. The authors had for aim to review the current data on keloid scar pathogenesis and treatment for an optimal management of this condition. ß 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Keloid scar, Pathogenicity, Treatment, Head and neck Re ´sume ´ La cicatrice che ´loı¨de est une le ´sion prolife ´rative be ´nigne de colla- ge `ne dermique. Elle est plus fre ´quente dans la population a ` peau noire. La re ´gion de la te ˆte et du cou est l’une de ses localisations pre ´fe ´rentielles. Un traumatisme cutane ´ et une pre ´disposition ge ´ne ´- tique sont e ´voque ´s dans sa survenue. La pathoge ´nie reste mal e ´lucide ´e, comme en te ´moigne l’absence de the ´rapeutique totalement efficace. Ce travail fait une mise au point sur les concepts actuels de la pathoge ´nie et du traitement de la cicatrice che ´loı¨de. ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. Mots cle ´s : Cicatrice che ´loı ¨de, Pathoge ´nie, Traitement, Te ˆte et cou * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (R. Beogo). Rec ¸u le : 20 juin 2011 Accepte ´ le : 2 mars 2012 Disponible en ligne 17 avril 2012 Mise au point 179 0035-1768/$ - see front matter ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. 10.1016/j.stomax.2012.03.004 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2012;113:179-183

Cicatrices chéloïdes de la tête et du cou

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Cicatrices cheloıdes de la tete et du cou

Keloid scars of the head and neck

R. Beogoa,*, Y.M.C. Guiebreb, M. Seremeb, K. Ouobab, N. Zwetyengac,d

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Recu le :20 juin 2011Accepte le :2 mars 2012Disponible en ligne17 avril 2012

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Sanou Soro 01, BP 676 Bobo 01, Burkina Fasob Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, CHU Yalgado Ouedraogo, Ouagadougou,Burkina Fasoc Service de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, chirurgie plastique, reconstructrice etesthetique, chirurgie de la main, universite de Bourgogne, centre hospitalier universitaire,boulevard de Lattre-de-Tassigny, 21000 Dijon, Franced Laboratoire EA 4268 4IS, universite de Franche-Comte, place Saint-Jacques, 35000 Besanconcedex, France

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

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SummaryA keloid scar is a benign proliferative lesion of dermic collagen. It is

predominant in black skin patients. It is most commonly located on

the head and neck. Skin trauma and a genetic predisposition may be

responsible for the keloid scar. Nevertheless, the pathogenesis of

keloid scar is still unclear, and no currently available treatment is

100% effective. The authors had for aim to review the current data on

keloid scar pathogenesis and treatment for an optimal management of

this condition.

� 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Keloid scar, Pathogenicity, Treatment, Head and neck

ResumeLa cicatrice cheloıde est une lesion proliferative benigne de colla-

gene dermique. Elle est plus frequente dans la population a peau

noire. La region de la tete et du cou est l’une de ses localisations

preferentielles. Un traumatisme cutane et une predisposition gene-

tique sont evoques dans sa survenue. La pathogenie reste mal

elucidee, comme en temoigne l’absence de therapeutique totalement

efficace. Ce travail fait une mise au point sur les concepts actuels de

la pathogenie et du traitement de la cicatrice cheloıde.

� 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

Mots cles : Cicatrice cheloıde, Pathogenie, Traitement, Tete et cou

Introduction

La cicatrice cheloıde (CC) est une lesion proliferative benignefaisant generalement suite a une agression, parfois minime,du derme [1–3]. Elle est plus frequente dans la populationnoire et la region cervico-cephalique est l’une des localisationsde predilection [2]. La CC de la tete et du cou peut etrefonctionnellement, physiquement et psychologiquementinvalidante en raison de son etendue. Sa pathogenie estpeu connue et aucune des nombreuses therapeutiques utili-sees dans son traitement n’est pleinement efficace [3]. Le butde cette mise au point est de rappeler les concepts actuels dela pathogenie et du traitement de la CC pour une prise en

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected] (R. Beogo).

0035-1768/$ - see front matter � 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.10.1016/j.stomax.2012.03.004 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2012;113:179-183

charge optimale de cette pathologie apres une revue de lalitterature.

Definition

La CC est un trouble de la cicatrisation cutanee caracterise parune proliferation extensive et continue de tissu fibroblas-tique, sans tendance a la regression spontanee et recidivantgeneralement apres son exerese chirurgicale [3].

Epidemiologie

La CC a une distribution populationnelle tres inegale, avec unefrequence de 15 a 20 % dans les populations d’origine noire,asiatique et hispanique, alors qu’elle est rare dans la race

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caucasienne (0,09 %) [1–3]. La CC est rare aux ages extremesde la vie, plus frequente entre dix et 30 ans. Une predomi-nance feminine est rapportee, probablement en raison de lapratique de la percee d’oreille et d’une plus grande sensibiliteau prejudice esthetique dans la population feminine [1,2].

Figure 1. Cicatrice cheloıde cervico-mentonniere avec retentissementfonctionnel et esthetique important.

Clinique

La CC se traduit cliniquement par une masse pseudo-tumo-rale, de consistance caoutchouteuse et de taille variable, quideborde des limites de la cicatrice initiale. Elle peut etreunique ou multiple. Le developpement d’une CC etendue peutetre favorise par une longue periode d’evolution spontanee oupar un traitement inapproprie, tel que la seule exerese chi-rurgicale. La CC de la tete et du cou est source de prejudiceesthetique en raison de son caractere visible (fig. 1 et 2).D’autres signes peuvent etre associes selon la localisationde la CC : une douleur, un prurit, une gene de la deglutition,une limitation des mouvements de la tete et du cou. Desulcerations et une infection peuvent egalement s’observer,favorisees par des lesions de grattage, des inclusions de poilset un defaut d’hygiene. Vingt-trois pour cent des localisationssont auriculaires, 16,2 % siegent a la face et au cou et 2,8 % aucuir chevelu [1]. Les localisations les plus frequemment asso-ciees a celle de la tete et du cou sont la region pre-sternale,l’epaule et les membres [2].

Figure 2. Cicatrice hypertrophique consecutive a une brulure.

Etiologies et pathogenie

La pathogenie n’est pas clairement elucidee, malgre unemultitude de recherches. L’hypothese actuelle est multifacto-rielle, avec un trouble du metabolisme du collagene au coursde la cicatrisation d’une lesion cutanee, sur un terrain gene-tiquement predispose [4].

L’hypothese d’une predisposition genetiqueLa CC est frequente dans les populations d’origine noire,hispanique et asiatique, alors qu’elle est rare dans cellesd’origine caucasienne [3] et n’a jamais ete rapportee chezl’albinos. Cela laisse suggerer une predisposition du photo-type cutane pigmente et un role des melanocytes. La pre-disposition genetique est soutenue par l’existence de casfamiliaux [4].

Le role du traumatisme cutane

Des cas spontanes de CC ont ete publies [5], mais le primummovens de la CC est pratiquement toujours une agression,meme minime du derme [3]. Ce traumatisme peut etre dedifferente nature (chirurgie, piercing, notamment aux oreil-les, abrasions, tatouages cutanes, scarification en Afrique. . .).La CC survient trois mois a une annee apres le traumatisme[5].

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Desequilibre entre anabolisme et catabolisme ducollagene

En reaction a toute lesion cutanee, un ensemble de pheno-menes locaux et systemiques sont declenches dont la finaliteest la restauration de l’integrite anatomique et fonctionnellede la peau ; cette restauration se fait par une matrice extra-cellulaire, dont la composante principale est le collagene. Cesphenomenes de cicatrisation se deroulent en quatre phasessuccessives dites, d’hemostase, d’inflammation, de prolifera-tion et de maturation [3].La CC est la resultante entre une hyperproduction et un defautde la degradation de la matrice extracellulaire et principale-ment du collagene [6]. Plusieurs theories ont ete evoqueespour expliquer l’hypersynthese du collagene parmi lesquelles,une deregulation de l’activite des facteurs de croissance et del’apoptose des fibroblastes ou des tensions mecaniques ausein de la plaie en cicatrisation [3,7].Il a ete montre que les tensions mecaniques au sein de la plaieen cicatrisation stimulaient la proliferation fibroblastique etla synthese du collagene [8]. Cela est corrobore par la localisa-tion preferentielle de la cicatrice aux zones de forte tensioncutanee telles que le thorax, l’epaule et le dos. La frequencedes cheloıdes au lobule de l’oreille malgre une faible tensioncutanee s’explique probablement par l’irritation chroniquedue au port des boucles d’oreilles [5].Cependant, la CC pourrait etre plus le resultat d’une deficiencedu catabolisme du collagene que de son hypersynthese [6]comme en temoigne l’observation dans le tissu cheloıdiend’une baisse de la concentration de la collagenase, enzyme dela degradation du collagene et d’une augmentation du tauxde ses inhibiteurs.

Signes paracliniques : anatomopathologie

Le tissu cheloıdien est constitue d’une matrice extracellulairefaite d’un depot abondant de collagene et de proteoglycanes,de cellules, ainsi que d’une proliferation de neovaisseaux. Lecollagene est de type hyalin, ses fibres sont epaisses etdisposees anarchiquement par rapport au plan de l’epiderme[6]. Les cellules comprennent de nombreux mastocytes, al’origine d’une production accrue d’histamine et du prurit[5]. Dans le derme profond, les cellules et les vaisseaux sontrares ; la matrice, faite de collagene immature, est bordee parune proliferation de fibroblastes [3].

Diagnostics differentiels

Le diagnostic de la CC est generalement aise sur des argu-ments cliniques et anamnestiques : cicatrice faisant suite aun traumatisme et s’etendant au dela des limites de la plaieinitiale. Cependant, en l’absence de preuves histologiques, laCC peut faire discuter la cicatrice hypertrophique [3], l’acne

cheloıdienne et la cicatrice normale ; certaines tumeurscutanees dont le dermatofibrosarcome, le fibroblastome acellules geantes et le botriomycome peuvent egalement etrediscutees.

Traitement

Les therapeutiques sont utilisees seules ou en association.La chirurgie est l’une des methodes les plus anciennes dans letraitement de la CC. Elle est indiquee pour la cure de lacheloıde ou pour l’exerese partielle d’une cheloıde infectee[9]. Il n’y a pas de consensus sur les limites de l’exerese de lacheloıde qui peut etre soit intra-cicatricielle, soit extra-cica-tricielle [10]. En raison de la frequence elevee des recidives, lachirurgie a visee curative est imperativement associee a unetherapeutique adjuvante telle que la radiotherapie, la cortico-therapie, la pressotherapie, l’interferon ou le silicone [9].La corticotherapie agit par une baisse de la synthese ducollagene et une augmentation de sa desintegration, unereduction de l’inflammation et une augmentation de l’hypo-xie [9,10]. La corticotherapie intra-lesionnelle est l’une desmethodes actuelles les plus courantes pour traiter ou pre-venir des recidives postoperatoires [9]. L’acetate de triamci-nolone est la molecule la plus utilisee [10]. Les doses, la dureedu traitement et les intervalles entre les injections varientconsiderablement selon les auteurs. La concentration dependde la taille, du site lesionnel et de l’age du patient. Elle esthabituellement de 10 a 20 mg/mL et peut atteindre 40 mg/mL, si la lesion est importante. La quantite injectee est plusimportante que la concentration de la molecule injectee ; enoutre, la puissance des differents produits a base d’acetate detriamcinolone n’est pas comparable. Les injections sont sou-vent repetees et espacees de trois a quatre semaines enfonction de la reponse therapeutique. Le nombre totald’injections depend de cette reponse et des effets secondai-res induits. Il est important que l’injection se fasse en pleinmilieu du derme afin d’eviter, une atrophie irreversible del’epiderme. Les effets adverses les plus courants sont unehypopigmentation, une atrophie du derme, des telangiecta-sies et une douleur importante au point d’injection. Lacorticotherapie intra-lesionnelle devrait etre proposee syste-matiquement dans le traitement des cicatrices cheloıdes.Celle-ci peut etre utilisee seule, ou en association avec lachirurgie. Les injections preoperatoires peuvent diminuer levolume cicatriciel tandis que les injections postoperatoireslimitent les recidives.La pertinence de la pressotherapie est demontree par desobservations empiriques telles que l’absence ou la disparitiondes cheloıdes sous une bretelle de soutien gorge ou sousl’elastique du slip. Cette methode a plus un interet prophy-lactique que curatif et requiert une bonne compliance dupatient qui doit porter le dispositif de compression jour et nuitjusqu’a disparition complete des signes inflammatoires de la

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cicatrice [11]. Cette pression est de 25 a 40 mmHg. Le meca-nisme d’action de la pressotherapie pourrait etre une baissede la synthese du collagene due a la baisse de la tension intra-cicatricielle, par l’hypoxie et par une augmentation de l’apop-tose des fibroblastes [11]. Les resultats sont contradictoires[12]. La perte de pression, l’inconfort lie a la chaleur, sudation,gonflement des membres, rush, eczema, prurit et compliancefaible sont les principaux inconvenients de la pressotherapie,qui peut etre associee a une corticotherapie [12].La radiotherapie a visee curative peut etre utilisee seule, maiscelle-ci est plus efficace en cas d’association a la chirurgie.L’utilisation post-chirurgicale doit etre la plus rapide possible(idealement dans les 24 heures postoperatoires) [13]. La dosetotale est relativement importante (30 a 40 Gy) et doit etredelivree dans un temps court afin d’eviter les recidives [14].Borok et al. [15] rapportent un taux de succes de 92 % sur393 cheloıdes. La radiotherapie postoperatoire est souventindiquee dans les cheloıdes refractaires aux traitements clas-siques. Les risques de carcinogenese et de teratogenicitelimitent ses indications [13]. Les effets secondaires sont a typed’inflammation, d’ulcerations, de telangiectasie, d’hypopig-mentation, de rougeur et de fragilite cutanee, d’atrophiecutanee, de necrose et de cancers. La radiotherapie estcontre-indiquee chez les tres jeunes enfants, les femmesenceintes, ainsi que sur les glandes et les visceres.Les injections intra-lesionnelles de 5-Fluorouracile (5-FU) sontde plus en plus pratiquees, car elles sont considerees commeefficaces. Elles sont isolees ou associees a une corticotherapieet une chirurgie. L’association 5-FU/triamcinolone sembleplus efficace dans le traitement des cheloıdes que la cortico-therapie intra-lesionnelle seule [16]. Les effets adverses prin-cipaux du 5-FU sont la douleur, l’hyperpigmentation et ladesquamation acrale.La bleomycine est un antibiotique anti-tumoral. Les injectionsintra-lesionnelles de bleomycine semblent etre efficaces etpermettent d’obtenir jusqu’a 75 % de bons resultats [17].L’hyperpigmentation et les douleurs lors des injections sontles principaux inconvenients. Son faible cout est un avantage.L’interferon-alpha est le plus utilise des interferons. Il possedeune activite antivirale, antiproliferative et antitumorale. Lesresultats de l’interferon (a-2b) sont contradictoires dans letraitement des cheloıdes [18].Le verapamil est un antagoniste du calcium. Experimentale-ment, il stimule aussi la synthese de la procollagenase, aug-mentant ainsi l’activite de la collagenase, ce qui induit unereduction de la production du tissu fibreux. Son utilisationdans le traitement des cicatrices cheloıdes est marginale [19].Cette therapeutique est prometteuse car le produit est ancienet ses effets secondaires connus [19].L’imiquimod est une therapeutique experimentale, egale-ment prometteuse. Cet immunomodulateur a des effets the-rapeutiques topiques capables d’augmenter la syntheselocale de cytokines immunostimulatrices (interferons, tumornecrosis factor et interleukines). Il se presente sous forme de

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creme 5 %. Peu de resultats sont disponibles dans la littera-ture. L’Imiquimod est surtout utilise en association avec lachirurgie avec des resultats contradictoires [20].Le silicone, en gel, en creme, ou sous forme de feuille, auraitune action prophylactique. Son efficacite est correlee a lacompliance du patient qui doit appliquer le gel deux fois parjour ou porter la feuille au moins 12 heures par jour, pendantdeux mois [21]. Le mecanisme d’action n’a pas encore etecompletement etabli. Celui-ci pourrait etre lie a l’occlusion eta l’hydratation de la cornee stratifiee de la peau. Les avanta-ges du silicone sont : la facilite d’application et le caracterenon invasif du traitement. Son efficacite reelle est discutee,faute d’etudes prospectives avec un effectif suffisant [21].La cryochirurgie induit un œdeme et une cytolyse qui dimi-nuent la densite de la fibrose. Utilisee en premiere intention,elle ramollit la CC, rend les injections de corticoıdes plus aiseeset facilite une diffusion intra-tissulaire uniforme du produit.La cryochirurgie au nitrogene liquide assure un succes partielou total dans deux tiers a trois quarts des cas apres au moinstrois seances [22]. Une combinaison « cryochirurgie-injectionsde corticoıdes » pourrait etre plus efficace qu’une cryochirur-gie seule. La cryochirurgie intra-lesionnelle semble produirede meilleurs resultats esthetiques et presente moins de risqued’hypopigmentation que la cryochirurgie de surface [23]. Leseffets adverses sont : la necessite de plusieurs seances, ladouleur, un possible retard de cicatrisation, la survenue d’uneinfection, l’apparition de troubles de la pigmentation, notam-ment sur la peau noire.Actuellement, la notion de derme artificiel est tres impor-tante. En effet, l’apport de derme diminue les tensions meca-niques eventuelles. Les deux dermes principalement utilisessont l’IntegraW et le MatridermW. L’utilisation de « collagen-glycosamine copolymer (IntegraW) » apres exerese chirurgi-cale et injection de corticoıde (triamcinolone) ou 5-FU sembleconduire a de tres bons resultats sur les cheloıdes recalci-trantes, sans recidive apres, en moyenne, 43 mois [24].Il existe de nombreux autres traitements sans resultats pro-bants pour l’instant : extraits d’oignon, cytokines, facteurs decroissance (fibroblast growth factor, transforming growth fac-tor-b, interleukine-10), extracellular matrix modulators (prolyl4-hydroxylase inhibitors), inhibiteurs de la transglutaminasetissulaire, injections de toxine botulinique, de collagenase,d’acide hyaluronique [25].Les antihistaminiques et particulierement les anti-H1 sontd’un grand interet dans le traitement symptomatique duprurit, parfois source de lesions de grattage [10].

Pronostic

Les caracteres et la nature du traitement de la CC determinentson pronostic, en particulier, ses recidives. Les cheloıdes depetite taille repondent mieux au traitement. Les cheloıdesetendues sont caracterisees par une frequence tres elevee des

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Cicatrices cheloıdes de la tete et du cou

recidives. Les cicatrices cheloıdes bien circonscrites recidiventmoins frequemment que celles infiltrantes [24].

Conclusion

Le traitement des cheloıdes reste controverse. Peu d’etudesrandomisees et prospectives sont disponibles, mais plusieursschemas therapeutiques sont proposes :� l’efficacite forte des injections intra-lesionnelles descorticoıdes, du 5-FU, de la bleomycine ou l’utilisation de lacryochirurgie et l’exerese chirurgicale associee a laradiotherapie ;� une efficacite faible pour l’imiquimod, les interferons et lapressotherapie ;� les dermes artificiels sont prometteurs.

L’exerese chirurgicale ne doit pas etre utilisee seule.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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