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F I C H E À D É T A C H E R Figure 1. Glissade jambe tendue mobilisant les adducteurs. © Photo FFT © Photos FFT Figure 2. Pathologie de l’ilio-psoas : course vers l’avant. La Lettre du Rhumatologue • N o 372 - mai 2011 | 33 fiche médecine du sport Sous la responsabilité de son auteur P. Le Goux* n o 7 * Rhumatologue médecin du sport, praticien attaché de l’hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt ; médecin de la Fédération française de tennis, consultant à l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP). Comment faire le diagnostic clinique d’une douleur de hanche chez le sportif ? D evant toute douleur susceptible de se rapporter à la hanche, il faut, dans un premier temps, par l’examen clinique, orienter le diagnostic selon la topographie de la douleur. Chez le sportif comme chez tout patient, il sera nécessaire de passer en revue l’ensemble des affections touchant le complexe pelvi-fémoral et d’évoquer certains diagnostics difficiles, qui pourront être confortés par une imagerie appropriée (radiographie, échographie, IRM) et par un opérateur expérimenté : les douleurs projetées à la hanche ; par exemple, les radiculalgies crurales L3 ou L4, les sciatalgies tronquées L5 et autres syndromes de branche postérieure ; les douleurs fessières, notamment l’atteinte sacro-iliaque (d’étio- logie mécanique ou inflammatoire, telle la spondylarthrite anky- losante [SA]), mais aussi les radiculalgies S1 tronquées à la fesse ; les fractures de fatigue du bassin (sacrum, aile iliaque, etc.) ; les pathologies tendino-musculaires périarticulaires, très fré- quentes (tendinopathie du moyen fessier ou du moyen glutéal, atteinte de l’ilio-psoas ou du droit fémoral, désinsertion proximale des ischio-jambiers, atteinte des adducteurs, bursite du tenseur du fascia lata ou autre conflit avec hanche à ressaut, etc.) ; la pathologie de hanche intra-articulaire à proprement parler, avec les coxarthroses débutantes, les autres coxopathies et les conflits intra-articulaires comme le conflit fémoro-acétabulaire, dont l’exis- tence reste relativement controversée. Ces deux dernières entités font l’objet d’une attention et d’un intérêt tout particuliers chez le sportif et doivent être bien connues. On constate souvent, dans la genèse des accidents tendinomus- culaires de la hanche ou dans les facteurs impliqués, une raideur du bassin au niveau du segment sous-pelvien et une “dysbalance”, c’est-à-dire une mauvaise coordination entre les groupes musculaires agonistes et antagonistes. La technique et le matériel (course à pied, tennis, jeu collectif, etc.), la préparation et la récupération physiques insuffisantes, l’alimentation, la surcharge d’activité, les conditions climatiques, la reprise trop rapide du sport après une période d’inacti- vité ou encore le stress sont autant d’éléments pouvant expliquer la survenue de ces “technopathies”. La loge postérieure de la cuisse, représentée par les ischio-jambiers, dont la loge est postéro-latérale à la cuisse (semi-membraneux en avant, tendon commun du semi-tendineux et du long biceps en arrière), est relativement vulnérable dans une situation de mise en

Comment faire le diagnostic clinique d’une douleur de ... · fiche médecine du sport Sous la responsabilité de son auteur P. Le Goux* n o 7 ... On évoquera une pubalgie si la

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Figure 2. Pathologie de l’ilio-psoas : course vers l’avant.

La Lettre du Rhumatologue • No 372 - mai 2011 | 33

fiche médecine du sport

Sous la responsabilité de son auteur P. Le Goux*

no 7

* Rhumatologue médecin du sport, praticien attaché de l’hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt ; médecin de la Fédération française de tennis, consultant à l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP).

Comment faire le diagnostic clinique d’une douleur de hanche chez le sportif ?

Devant toute douleur susceptible de se rapporter à la hanche, il faut, dans un premier temps, par l’examen clinique, orienter le diagnostic selon la topographie de la douleur. Chez le sportif

comme chez tout patient, il sera nécessaire de passer en revue l’ensemble des affections touchant le complexe pelvi-fémoral et d’évoquer certains diagnostics diffi ciles, qui pourront être confortés par une imagerie appropriée (radiographie, échographie, IRM) et par un opérateur expérimenté :• les douleurs projetées à la hanche ; par exemple, les radiculalgies crurales L3 ou L4, les sciatalgies tronquées L5 et autres syndromes de branche postérieure ;• les douleurs fessières, notamment l’atteinte sacro-iliaque (d’étio-logie mécanique ou infl ammatoire, telle la spondylarthrite anky-losante [SA]), mais aussi les radiculalgies S1 tronquées à la fesse ;• les fractures de fatigue du bassin (sacrum, aile iliaque, etc.) ;• les pathologies tendino-musculaires périarticulaires, très fré-quentes (tendinopathie du moyen fessier ou du moyen glutéal, atteinte de l’ilio-psoas ou du droit fémoral, désinsertion proximale des ischio-jambiers, atteinte des adducteurs, bursite du tenseur du fascia lata ou autre confl it avec hanche à ressaut, etc.) ;• la pathologie de hanche intra-articulaire à proprement parler, avec les coxarthroses débutantes, les autres coxopathies et les confl its intra-articulaires comme le confl it fémoro-acétabulaire, dont l’exis-tence reste relativement controversée.Ces deux dernières entités font l’objet d’une attention et d’un intérêt tout particuliers chez le sportif et doivent être bien connues.On constate souvent, dans la genèse des accidents tendinomus-culaires de la hanche ou dans les facteurs impliqués, une raideur du bassin au niveau du segment sous-pelvien et une “dysbalance”, c’est-à-dire une mauvaise coordination entre les groupes musculaires agonistes et antagonistes. La technique et le matériel (course à pied, tennis, jeu collectif, etc.), la préparation et la récupération physiques insuffi santes, l’alimentation, la surcharge d’activité, les conditions climatiques, la reprise trop rapide du sport après une période d’inacti-vité ou encore le stress sont autant d’éléments pouvant expliquer la survenue de ces “technopathies”.• La loge postérieure de la cuisse, représentée par les ischio-jambiers, dont la loge est postéro-latérale à la cuisse (semi-membraneux en avant, tendon commun du semi-tendineux et du long biceps en arrière), est relativement vulnérable dans une situation de mise en

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Figure 3. Étirements de l’ilio-psoas et du droit fémoral.

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Figure 5. Effet came, dysmorphie cervico-céphalique chez un sportif jeune. Une bosse osseuse de la jonction tête/col et latérale “en crosse de pistolet” est visible de face.

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Figure 4. Effet came et effet tenaille, très souvent associés (3, 4).

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action brutale lors d’une course. La diffi culté du diagnostic lésionnel pour ces tendons, notamment si l’échographie est négative, tient à la proximité du passage du nerf sciatique, ce dernier pouvant être impliqué dans la symptomatologie douloureuse.• La loge médiale de la cuisse est occupée par les adducteurs sur 3 plans avec, d’avant en arrière, le long adducteur, le court adducteur et le grand adducteur, dont l’insertion se situe sur la branche pubienne. Il faut penser à cette pathologie quand des douleurs se produisent à la racine interne de la cuisse lors de certains gestes techniques : tacles au football ou glissades jambe tendue en fond de court au tennis (fi gure 1). On évoquera une pubalgie si la douleur est plus médiane et que, localisée sur la symphyse pubienne, elle implique également la paroi abdominale (obliques, grand droit, etc.).• L’ilio-psoas s’insère en profondeur à la face antérieure de la hanche en passant sous le ligament inguinal, et provient de 2 chefs (l’un de la face endopelvienne du bassin et l’autre des vertèbres dorso-lombaires). Le tendon commun se fi xe sur l’extrémité supérieure du fémur à la face latérale du petit trochanter. L’ilio-psoas entraîne une fl exion puissante de la hanche et une antéversion du bassin. Il peut être lésé lors de courses exigeant un démarrage brutal vers l’avant (fi gures 2 et 3) et être responsable de cruralgies ou de douleurs de la région inguinale dont le diagnostic est diffi cile. Il y a 4 entités (1) : les lésions myotendineuses, les lésions tendineuses, les bursopathies et les ressauts à la partie antérieure de la hanche. Lors de l’examen clinique, les amplitudes articulaires sont conservées, ce qui écarte une pathologie coxofémorale. Les différents muscles périarticulaires sont testés contre résistance, notamment par le test d’élévation de la jambe tendue en légère rotation externe à 30°, qui peut être positif dans le cadre d’une atteinte de l’ilio-psoas.Quant à la coxarthrose, il importe de l’évoquer chez un coureur à pied qui a des douleurs de la hanche et qui pratique de longues distances (2). Les études épidémiologiques mettent en évidence un odds-ratio à 1,24 chez le coureur de fond, et le sport de haut niveau (marathon) pourrait multiplier par 3 le risque arthrogène par rapport à une population contrôle. La radiographie standard est impérative (bassin de face et 2 faux profi ls de la hanche) pour évaluer l’interligne. Il faut savoir que, dans 30 à 40 % des cas, une dysplasie coxofémo-rale existe. Une IRM est parfois utile pour diagnostiquer une fracture de contrainte, un œdème sous-chondral ou toute autre étiologie. Il convient de mettre en garde les patients porteurs d’une prothèse totale de hanche et qui poursuivent le sport malgré le risque de descellement ou de fracture de contrainte à proximité de l’implant.Le confl it fémoro-acétabulaire est un confl it dynamique dû à la répétition d’un contact anormal entre la zone de jonction tête/ col du fémur et le rebord acétabulaire. Il concerne notamment le sujet jeune et a pour conséquences des lésions chondrales et/ou des lésions du bourrelet acétabulaire susceptibles d’évoluer vers une coxarthrose précoce (3). Ce confl it intra-articulaire (fi gures 4 et 5) se produit en fl exion-adduction-rotation interne si l’anomalie architecturale siège du côté fémoral (effet came) ou du côté acétabulaire (effet tenaille) [4].Enfi n, l’analyse d’une douleur de la hanche chez le sportif passe nécessairement par un examen global des axes des membres infé-rieurs et par la recherche d’une bascule du bassin ainsi que, sur podoscope, d’anomalies statiques des pieds. ■

Références bibliographiques1. Cohen M, Coudreuse JM. Pathologies de l’ilio-psoas. In: Rodineau J, Besch S, eds. Pathologie du complexe pelvi-fémoral du sportif. 27e Journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. Paris : Elsevier Masson, 2009.

2. Schmitt H, Rohs C, Schneider S, Clarius M. Is competitive running associated with osteoarthritis of the hip or the knee? Orthopade 2006;35(10):1087-92.

3. Beck M, Kalhor M, Leunig M, Ganz R. Hip morphology infl uences the pattern of damage to the acetabular cartilage: femoroacetabular impingement as a cause of early osteoarthritis of the hip. J Bone Joint Surg Br 2005;87(7):1012-8.

4. Pfi rrmann CW, Mengiardi B, Dora C, Kalberer F, Zanetti M, Hodler J. Cam and pincer femoroacetabular impingement: characteristic MR arthrographic fi ndings in 50 patients. Radiology 2006;240:778-85.