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MISE AU POINT 22 | La Lettre du Cardiologue • n° 446 - juin 2011 Coroscanner en pratique : mise au point Multislice coronary tomography: state of the art A. Bellemain-Appaix*, J.P. Batisse* * Institut de cardiologie, centre hospi- talo-universitaire Pitié-Salpêtrière, université Paris-6, Inserm CMR937, Paris. L e scanner coronaire multibarrette a connu un essor rapide au cours des dernières années, principalement lié aux progrès techniques réalisés, qui limitent l’irradiation et améliorent les performances diagnostiques de l’examen. De nombreuses publications ont permis de mieux préciser sa place dans l’arsenal diagnostique dont on dispose aujourd’hui, et elles ont rendu possible l’élaboration de recommandations conjointes de la Société française de cardiologie (SFC) et de la Société française de radiologie (SFR) sur les indications reconnues et les non-indications, l’encadrement médico-technique, la réalisation et l’interprétation des données (1, 2). Dans tous les cas, il reste un examen purement anatomique qui devra s’intégrer dans une discussion médicale raisonnée et adaptée à chaque patient. Aspects techniques L’équipement en coroscanner est soumis à une autorisation renouvelable tous les 5 ans, et il est évalué annuellement par les agences régionales de l’hospitalisation. Il doit être utilisé dans un envi- ronnement adapté : système de synchronisation ECG, consoles d’acquisition et de post-traitement, systèmes d’archivage, injecteur bi- ou triphasique de produit de contraste iodé – bolus de produit de contraste puis lavage à 50 % dilué avec du sérum physiologique ± lavage final au sérum pur afin de laver les cavités droites –, reprographe et graveur CD, chariot d’urgence et défibrillateur. La réussite de l’examen dépend de plusieurs para- mètres : le patient, la machine, l’acquisition des images, l’irradiation et la reconstruction des images. Le patient Le poids, le degré de calcifications coronaires et la fréquence cardiaque (FC) du patient sont les facteurs limitants. Il est nécessaire que celui-ci ne consomme pas d’excitants (café) dans les 12 heures qui précèdent l’examen et qu’il ait une fonction rénale correcte (clairance de créatinine supérieure à 30 ml/mn). Les arythmies soutenues restent une contre-indication tout comme la grossesse et l’al- lergie vraie aux produits de contraste. L’examen doit être expliqué au patient, qui doit être entraîné aux tests d’apnée (encadré I). Les bêtabloquants et les bradycardisants sont maintenus et complétés en cas de FC supérieure à 70 bpm par un bêtabloquant (aténolol 100 mg per os 1 heure avant l’examen ou 5 mg en intraveineuse lente sur la table d’examen). La machine L’objectif est l’obtention d’une visualisation complète, rapide et nette du réseau coronaire en minimisant l’irradiation du patient. Pour cela, le Critères de sélection des patients 1. Pas de prise d’excitants, jeûne non obliga- toire, continuer les bêtabloquants 2. Rester immobiles 3. Maintenir une apnée de 8 à 12 s 4. Pas d’allergie aux produits de contraste 5. Lever possible des bras au-dessus de la tête 6. Voie d’abord veineuse (18 G) au pli du coude Coroscanner difficile ou contre-indiqué 1. Rythme irrégulier (FA, flutter, extrasystoles auriculaires et ventriculaires, bloc auriculoven- triculaire) 2. Insuffisance rénale (Cl < 30 ml/mn), myélome multiple 3. Obésité morbide (IMC > 40 kg/m²) 4. FC > 75 bpm malgré bathmotropes – 5. Grossesse (contre-indication) 6. Problèmes d’audition Encadré I. Sélection des patients et contre-indications du coroscanner.

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MISE AU POINT

22 | La Lettre du Cardiologue • n° 446 - juin 2011

Coroscanner en pratique : mise au pointMultisl ice coronary tomography: state of the art

A. Bellemain-Appaix*, J.P. Batisse*

* Institut de cardiologie, centre hospi-talo-universitaire Pitié-Salpêtrière, université Paris-6, Inserm CMR937, Paris.

Le scanner coronaire multibarrette a connu un essor rapide au cours des dernières années, principalement lié aux progrès techniques

réalisés, qui limitent l’irradiation et améliorent les performances diagnostiques de l’examen. De nombreuses publications ont permis de mieux préciser sa place dans l’arsenal diagnostique dont on dispose aujourd’hui, et elles ont rendu possible l’élaboration de recommandations conjointes de la Société française de cardiologie (SFC) et de la Société française de radiologie (SFR) sur les indications reconnues et les non-indications, l’encadrement médico-technique, la réalisation et l’interprétation des données (1, 2). Dans tous les cas, il reste un examen purement anatomique qui devra s’intégrer dans une discussion médicale raisonnée et adaptée à chaque patient.

Aspects techniques

L’équipement en coroscanner est soumis à une autorisation renouvelable tous les 5 ans, et il est évalué annuellement par les agences régionales de

l’hospitalisation. Il doit être utilisé dans un envi-ronnement adapté : système de synchronisation ECG, consoles d’acquisition et de post-traitement, systèmes d’archivage, injecteur bi- ou triphasique de produit de contraste iodé – bolus de produit de contraste puis lavage à 50 % dilué avec du sérum physiologique ± lavage final au sérum pur afin de laver les cavités droites –, reprographe et graveur CD, chariot d’urgence et défibrillateur.La réussite de l’examen dépend de plusieurs para-mètres : le patient, la machine, l’acquisition des images, l’irradiation et la reconstruction des images.

Le patient

Le poids, le degré de calcifications coronaires et la fréquence cardiaque (FC) du patient sont les facteurs limitants. Il est nécessaire que celui-ci ne consomme pas d’excitants (café) dans les 12 heures qui précèdent l’examen et qu’il ait une fonction rénale correcte (clairance de créatinine supérieure à 30 ml/mn). Les arythmies soutenues restent une contre-indication tout comme la grossesse et l’al-lergie vraie aux produits de contraste. L’examen doit être expliqué au patient, qui doit être entraîné aux tests d’apnée (encadré I). Les bêtabloquants et les bradycardisants sont maintenus et complétés en cas de FC supérieure à 70 bpm par un bêtabloquant (aténolol 100 mg per os 1 heure avant l’examen ou 5 mg en intraveineuse lente sur la table d’examen).

La machine

L’objectif est l’obtention d’une visualisation complète, rapide et nette du réseau coronaire en minimisant l’irradiation du patient. Pour cela, le

Critères de sélection des patients

1. Pas de prise d’excitants, jeûne non obliga-toire, continuer les bêtabloquants

2. Rester immobiles

3. Maintenir une apnée de 8 à 12 s

4. Pas d’allergie aux produits de contraste

5. Lever possible des bras au-dessus de la tête

6. Voie d’abord veineuse (18 G) au pli du coude

Coroscanner difficile ou contre-indiqué

1. Rythme irrégulier (FA, flutter, extrasystoles auriculaires et ventriculaires, bloc auriculoven-triculaire)

2. Insuffisance rénale (Cl < 30 ml/mn), myélome multiple

3. Obésité morbide (IMC > 40 kg/m²)

4. FC > 75 bpm malgré bathmotropes –

5. Grossesse (contre-indication)

6. Problèmes d’audition

Encadré I. Sélection des patients et contre-indications du coroscanner.

Page 2: Coroscanner en pratique : mise au point · Coroscanner en pratique : mise au point MISE AU POINT Figure cité et la VPN de l’examen sont bonnes), du vaisseau 2. Phases d’immobilité

Figure 1. Mode d’acquisition prospectif (séquentiel, à gauche) ou rétrospectif (hélicoïdal spiralé, à droite).

La Lettre du Cardiologue • n° 446 - juin 2011 | 23

Points forts » Le scanner coronaire est une technique morphologique irradiante mais dont les progrès techniques

permettent de lui donner une place dans l’arbre diagnostique du dépistage de coronaropathie. » Dans tous les cas, ses limites techniques doivent être connues, tout comme son utilisation privilégiée

chez les patients à risque coronaire faible à intermédiaire (forte valeur prédictive négative). » La réalisation du score calcique doit être envisagée dans le premier temps de l’examen, afin de reclasser

certains patients et de guider le reste de l’examen. » L’arrivée prochaine d’une analyse de flux par coroscanner (correlée à la FFR) devrait ajouter une analyse

fonctionnelle (retentissement hémodynamique des sténoses) à l’étude morphologique.

Mots-clésScanner coronaireValeur diagnostiqueIrradiationScore calcique

Highlights » Multislice coronary tomo-

graphy (MSCT) is an anato-mical and irradiant exam but for which recent technical progress give him a place in the diagnostic tree for coronary artery disease screening.

» Nonetheless, its technical limits must be known as its preferential use in low to intermediate coronary risk patients (high negative predic-tive value).

» Calcium score should be done first to reclassify some patients and to guide the rest of the exam.

» Imminent arrival in current practice of the flow analysis by MSCT (correlated to FFR) should add a functional analy - sis (hemodynamic significance of a stenosis) to the morpho-logical study.

KeywordsMultislice coronary angiography

Diagnostic value

Irradiation

Calcium score

coroscanner doit posséder au moins 16 détecteurs, seuil à partir duquel la valeur diagnostique est reconnue comme suffisante. La résolution spatiale dépend de l’épaisseur et de la sensibilité des détec-teurs, de la charge administrée par le tube (de 400 à 600 mAs en moyenne), de l’épaisseur de coupe (0,5 à 0,7 mm) et des champs de vue. La résolu-tion temporelle dépend de la vitesse de rotation du tube (temps de rotation de 0,35 à 0,40 s pour une acquisition monosegmentaire) et de la segmentation (la plurisegmentation permet d’utiliser des images redondantes à chaque cycle en cas de FC supérieure à 70 bpm). La résolution en contraste dépend du voltage (80 à 120 kV) et du rehaussement coronaire.

L’acquisition des images

Les paramètres kV et mAs sont adaptés au poids et à la morphologie du patient : abaissés chez le sujet mince, ce qui diminue l’irradiation et améliore le contraste (absorption plus élevée de l’iode à bas kV). La synchronisation à l’ECG peut être prospective – mode séquentiel si la FC est inférieure à 65 bpm : une hélice à chaque avancée de table (mode “step-and-shoot”) –, ou rétrospective – acquisition héli-

coïdale continue avec reconstruction synchronisée rétrospective sur l’ECG –, (figure 1). Cette dernière est plus irradiante mais elle est obligatoire si la FC est supérieure à 65 bpm. Un logiciel de modulation de dose est alors nécessaire (pleine dose en diastole, temps de remplissage et d’immobilité coronaire maxi-maux, et dose réduite de 80 % sur les autres temps du cycle). Le champ d’acquisition doit être réduit au minimum nécessaire à l’étude souhaitée (plus grand si pontages). Le bolus de contraste (60 à 90 ml, concen-tration 350 à 400 mg d’iode/ml, débit de 4 à 6 ml/s sur cathlon gris ou vert aux plis du bras) est détecté de façon manuelle ou automatique à son arrivée dans le tronc de l’artère pulmonaire. Le patient doit réaliser une apnée de 4 à 8 s lors de l’acquisition.

L’irradiation

La maîtrise de la dose administrée doit être l’une des principales préoccupations de l’opérateur. Les progrès techniques, le contrôle du champs d’acquisition, des mAs et des kV, l’acquisition pros-pective et la modulation de dose ont permis une nette régression des doses, moindres que pour la coronarographie (coronarographie diagnostique :

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Coroscanner en pratique : mise au point MISE AU POINT

Figure 2. Phases d’immobilité maximale des coronaires selon la fréquence cardiaque.

Phase mésodiastolique

Phase télésystolique

24 | La Lettre du Cardiologue • n° 446 - juin 2011

3 à 10 mSv, acquisition rétrospective 8 à 16 mSv, avec modulation de dose 4 à 10 mSv, acquisition prospective 2 à 6 mSv, 1 mSv avec le mode Flash de Siemens® si FC < 60 bpm). La radioprotection est assurée de façon contractuelle classique.

La reconstruction des images

L’étape essentielle est le choix de la phase de remplis-sage maximal des coronaires et d’immobilité des structures cardiaques, le plus souvent obtenue en diastole (60 à 80 % du cycle cardiaque). Dans un quart

des cas, et d’autant plus si la FC est supérieure à 75 bpm, la meilleure phase est “systolique” (30 à 40 % du cycle), principalement pour la coronaire droite (figure 2). Les reconstructions sont ensuite largement assistées par les consoles, qui varient selon les constructeurs mais qui procèdent toujours sur un mode volumique (Volume Rendering [VR]) pour l’anatomie globale avant de reconstruire en 3D l’arbre coronaire et d’analyser chaque vaisseau en MIP (Maximal Intensity Projection) et en explora-tion curvilinéaire. La fonction du ventricule gauche (VG) [volumes, cinétiques segmentaire et globale], les valves, l’aorte et le péricarde sont également analysés. Dans tous les cas, l’analyse des structures extracardiaques accessibles dans le champ d’acquisi-tion doit être réalisée pour ne pas passer à côté d’une anomalie “de rencontre” (thorax, artères pulmonaires, os, seins, etc.) qui s’observe dans 5 % des examens.

Valeur diagnostique du scanner coronaire

Le caractère anatomique pur et la forte valeur prédic-tive négative sont les 2 caractéristiques essentielles du coroscanner, sur lesquelles reposent les indications actuellement validées de cet examen. Sa sensibilité (Se), sa spécificité (Spe), ses valeurs prédictives positive (VPP) et négative (VPN) sont fonction du nombre de détecteurs, de la probabilité prétest d’at-teinte coronaire (plus elle est faible, plus la spécifi-cité et la VPN de l’examen sont bonnes), du vaisseau étudié (natif, stent, pontage), et selon que l’analyse est réalisée par patient, par artère ou par segment. Le tableau résume les valeurs issues des dernières publications pour chaque cas.

Indications du scanner cardiaque

Le score calcique

Le score calcique (ou score de quantification du calcium coronaire) [figure 3] a été introduit dans les années 1990 par Agatston, qui lui a donné son nom, et a été adapté du scanner à faisceau d’électrons au scanner multicoupe employé aujourd’hui. C’est un examen simple, peu irradiant (0,5 à 2 mSv), sans injection de produit de contraste, ancien et validé de façon prospective en termes pronostiques. En effet, si la quantité de calcium coronaire ne prédit pas la

Tableau. Sensibilité, spécificité, valeurs prédictives positive et négative de l’angioscanner coro-naire. Les données sont rapportées en fonction du nombre de barrettes, de la probabilité prétest de la maladie coronaire athéromateuse et de l’analyse par segment ou par patient sur le réseau coronaire natif, sur les pontages aorto-coronaires et sur les stents.

Se (%) Spe (%) VPP (%) VPN (%)

F. Pugliese et al. (3) 4 barrettes 57 91 60 90

K. Nieman et al. (4) 16 barrettes 95 86 80 97

N.R. Mollet et al. (5) 64 barrettes 99 95 76 100

W.B. Meijboom et al. (6) 64 barrettesProbabilité prétest

Forte 98 74 93 89

Intermédiaire 100 84 80 100

Faible 96 88 65 99

J. Abdulla et al. (7) 64 barrettesArtères

Natives/segment 86 96 83 97

Natives/patient 98 91 93% 97

PAC 99 96 92 99

Stents 87 96 84 97

PAC : pontage aorto-coronaire ; VPN : valeur prédictive négative ; VPP : valeur prédictive positive ; Se : sensibilité ; Spe : spécificité.

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MISE AU POINT

Figure 3. Score calcique. Logiciel de détection (à gauche) ; tableau de valeur par artère et global (milieu) ; exemple de plaque calcifiée en analyse de vaisseau (à droite).

1. Douleur thoracique aiguë

# Indications classiques : suspicion d’embolie pulmonaire (temps d’injection différent), dissection aortique, anévrisme aortique # Patient à faible risque, ECG normal, 2 troponines à 6 heures d’intervalle négatives

2. Patients à risque faible ou intermédiaire de maladie coro-naire, stables

• Test d’ischémie douteux, ininterprétable, ou non réalisable• Cardiopathie avec bloc de branche gauche• Bilan de cardiomyopathie dilatée• Dépistage de la vasculopathie des greffés cardiaques• Bilan préopératoire : valvulopathie, endocardite, anévrisme

de l’aorte• Cardiopathie congénitale

3. Complément d’étude du tronc commun

• Doute ou caractérisation d’une lésion du tronc commun diagnostiquée en coronarographie (calcifications, site, bifurcation)

• Surveillance de la perméabilité des stents du tronc commun

4. Échec ou refus de la coronarographie

5. Étude de la perméabilité des pontages coronariens, ou préopératoire de chirurgie redux : position des pontages par rapport au sternum

6. Anomalies coronaires spécifiques (naissance anormale, fistule, anévrisme)

7. Anomalies de cavités cardiaques (thrombus, tumeurs, malformation, etc.)

8. Anomalies des gros vaisseaux (anévrisme de l’aorte, tumeurs, etc.)

9. Anomalies du péricarde (épanchement, calcifications, kyste, etc.)

10. Étude des veines coronaires avant stimulation multisite

11. Étude des veines pulmonaires avant ablation de la fibrillation auriculaire par radiofréquence

12. Évaluation de l’aorte et des coronaires avant la pose d’une prothèse aortique percutanée (TAVI)

13. Analyse du myocarde : fonction cardiaque et rehausse-ment tardif

Encadré II. Indications du scanner cardiaque en 2011, issues des recommandations SFC/SFR 2010 ; d’après (1).

La Lettre du Cardiologue • n° 446 - juin 2011 | 25

présence de sténoses serrées, elle est associée au risque d’événements cardiovasculaires de façon robuste. Un score calcique inférieur à 100 (faible) permet de confirmer un bas risque cardiovasculaire. Entre 100 et 400, le risque relatif (RR) d’événements à 10 ans est de 4,3, et entre 400 et 999, il est de 7,2 (sur des populations de plus de 35 000 personnes) ; la prévention primaire doit alors être renforcée et un test d’ischémie est recommandé ; au-delà de 1 000, le RR est de 10,8, ce qui classe le patient à très haut risque cardiovasculaire, et l’injection n’est plus recommandée car la lumière artérielle est mal visualisée du fait d’un “blooming effect” important (8). Le score calcique est ainsi un véritable outil d’aide à la stratification du risque, à la prise en charge et au suivi des patients ; il permet de reclasser 30 % des patients (changement de catégorie de risque, le plus souvent vers un plus haut risque cardiovasculaire). Il a actuellement 2 indica-tions validées aux États-Unis et en Europe (IIa-IIb B) :

➤ parmi les patients asymptomatiques à risque de Framingham intermédiaire (10 à 20 % à 10 ans), il ne doit pas être réalisé chez les patients corona-riens connus ;

➤ pour une valeur supérieure à 1 000, l’injection d’iode et la poursuite du coro scanner doivent être discutées.

L’angioscanner coronaire : indications et valeurs pronostiques

L’encadré II résume les principales indications coro-naires et extracoronaires issues des dernières recom-mandations de 2010, coéditées par la SFC et la SFR.Les indications du scanner coronaire avec injection (coroscanner) évoluent dans le temps au gré des grandes études prospectives qui affinent sa place dans la prise en charge des patients suspects ou atteints de pathologie coronaire.

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Coroscanner en pratique : mise au point MISE AU POINT

Figure 4. Triple-ruled-out, d’après (9).

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Seules seront détaillées ci-dessous les indications coronaires.

La douleur thoracique aiguë

Il est évident que le scanner ne doit pas rentrer dans la prise en charge des patients à risque cardiovasculaire intermédiaire ou élevé, qui relèvent d’une prise en charge classique et urgente en unité de soins inten-sifs cardiologiques ; le coroscanner est une aide au diagnostic par sa forte VPN dans les cas de patients à faible risque avec un ECG normal et 2 troponines à 6 heures d’intervalle négatives. Le “Triple-ruled-out” est un protocole d’injection avec une acquisition scan-nographique entre le temps veineux et le temps artériel qui permet d’éliminer embolie, dissection aortique et coronaropathie dans un même examen avec une bonne valeur diagnostique (9) [figure 4] ; cette spéci-ficité doit être précisée au radiologue avant injection.

Les patients à risque faible ou intermédiaire de maladie coronaire stables

Le coroscanner doit, dans ce cadre, être un outil de stra-tification du risque. Ce groupe de patients comprend :− les cas d’angors stables ou ayant des douleurs atypiques avec des tests fonctionnels impossibles à réaliser ou non contributifs et un ECG ininterprétable ;− les cas de cardiopathies avec bloc de branche gauche : le bloc de branche gauche est associé à une surmorta-lité cardiaque, surtout lorsqu’il est associé à une corona-ropathie ; une coronarographie est recommandée dans ce contexte. Le coroscanner offre une alternative fiable (Se et Spe > 95 %) qui permet, dans ce cas, d’éviter 50 % des coronarographies faites dans cette indication ;− un bilan de cardiomyopathie dilatée : environ deux tiers des cardiomyopathies dilatées sont d’origine ischémique, et l’étiologie en détermine le pronostic et le traitement ; le coroscanner peut être une alternative

à la coronarographie lorsque l’origine ischémique est peu probable. Dans ce cas, la fiabilité par patient est de 95 % avec une VPN de 98 %. Les facteurs limi-tant sont : un rythme sinusal obligatoire avec une FC acceptable et l’absence de calcifications massives ;− un dépistage annuel de la coronaropathie du greffon chez les patients transplantés cardiaques : dans ce cadre, le coroscanner a des valeurs diagnos-tiques correctes comparativement à la coronaro-graphie et à l’intravasculaire ultrasonore (IVUS) [Se = 70 % ; Spe = 92 % ; VPP = 89 % ; VPN = 77 %] malgré des FC parfois élevées chez des patients au cœur dénervé peu répondeurs aux bêtablo-quants (10). Pour le traitement endovasculaire et la suite de la prise en charge, la coronarographie doit être préférée lorsque des anomalies sont mises en évidence ;− un bilan préopératoire : le coroscanner a une bonne fiabilité dans l’élimination des coronaropathies en préopératoire de chirurgie valvulaire (Se = 100 % ; Spe = 92 % ; VPP = 82 % ; VPN = 100 %), toutes valvulopathies comprises (11). Plus spécifiquement, il permet d’éviter 80 % de coronarographies “blanches” en préopératoire de rétrécissement aortique, à condi-tion de ne pas injecter si le score calcique est supé-rieur à 1 000, toute interprétation étant alors peu fiable (12) ; de même, il évite 70 % de coronarographies en préopératoire d’insuffisance aortique chronique, avec une VPN de 100 % (13). Le bilan préopératoire de chirurgie extracardiaque est contestable chez les patients à risque modéré à élevé, le bénéfice de revas-cularisation dans ce cas n’étant pas démontré.

Le complément d’étude du tronc commun gauche

La revascularisation du tronc commun (TC) par angioplastie a trouvé sa place dans les dernières recommandations de revascularisation myocardique. Néanmoins, le diagnostic et le suivi peuvent être déli-cats compte tenu de la faible sensibilité des tests non

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MISE AU POINT

Figure 5. Analyse de pontages veineux par coroscanner : sténose serrée proximale du pontage saphène de l’artère interventriculaire antérieure, occlusion ostiale du pontage saphène marginale.

Figure 6. Analyse des veines coronaires et pulmonaires.

La Lettre du Cardiologue • n° 446 - juin 2011 | 27

invasifs dans ce cas, et une imagerie de contrôle reste recommandée à 6 mois. Le coroscanner peut aider à choisir le mode de revascularisation (importance des calcifications, lésion de bifurcation, diamètre) mais également au suivi de la perméabilité des stents du TC (Se = 86 % ; Spe = 100 % ; VPP = 100 % ; VPN = 98 % si le diamètre du stent est > 3 mm) [14]. D’une façon générale, la valeur du coroscanner pour le diagnostic de resténose intrastent est d’autant meilleure que le diamètre du stent est supérieur à 3 mm avec les 64 barrettes ou supérieur à 3,5 mm avec les 16 barrettes, et que l’épaisseur des barreaux du stent est faible (< 140 µm, ce qui est le cas avec les stents de dernière génération). Près de 90 % des stents sont analysables lorsque ces critères sont réunis (15). Le coroscanner est également une aide à la revascu-larisation des occlusions coronaires chroniques hors TC : longueur, branches collatérales, calcifications.

L’étude de la perméabilité des pontages

La perméabilité des pontages (figure 5) peut être évaluée avec une fiabilité correcte (pontages analysables dans 78 à 100 % des cas, Se = 97,6 % ; Spe = 96,7 % ; VPP = 92,7 % ; VPN = 98,9 % dans une méta-analyse de 2008 avec des scanners 16 et 64 barrettes) [16]. Néanmoins, l’analyse des anasto-moses distales et du réseau natif est souvent difficile, ce qui en limite l’utilité, et le champ de vue large rend la technique irradiante.

Les non-indications

Ce sont essentiellement l’évaluation des patients à haut risque coronaire instable (ou avec une troponine positive), les tests fonctionnels positifs, les patients asymptomatiques à faible risque (pas de dépistage systématique), la caractérisation de la plaque athé-romateuse et la réalisation d’un score calcique seul chez le patient coronarien avéré.

Autres indications

Elles sont rappelées dans l’encadré II, page 29 ; à noter l’excellente aide du coroscanner à la prise en charge des patients en rythmologie comme bilan morphologique des veines pulmonaires avant ablation de fibrillation auriculaire et des veines coronaires avant implantation de pacemaker multisite (figure 6). Il est également employé avant

l’implantation de valves aortiques percutanées dans les évaluations aortique, artérielle périphérique et des diamètres et calcifications valvulaires.

Conclusion

Le scanner cardiaque et coronaire est avant tout une méthode morphologique pure. Il doit donc être restreint aux indications résumées ci-dessus afin de s’intégrer au mieux dans une stratégie optimale de prise en charge du patient. Dans ces cas restreints, il a une très bonne fiabilité diagnostique et il permet d’éviter un nombre non négligeable d’examens inva-sifs. Les évolutions futures sont axées sur l’amélio-ration des résolutions spatiales et temporelles tout en minimisant l’irradiation. ■

Références1. Guide de bonnes pratiques et recommandations en imagerie cardiaque en coupes. Archives of Cardiovascular Diseases 2009;vol 1(Supplément 1):7-62.2. Appropriateness criteria for the use of cardiac CT and MRI: recommendations of the French Society of Cardiology and French Society of Radiology. J Radiol 2009;90(9 Pt 2):1117.3. Pugliese F, Mollet NR, Hunink MG et al. Diagnostic performance of coronary CT angiography by using different generations of multisection scanners: single-center experience. Radiology 2008;246(2):384-93.

Retrouvez l’intégralité des références

bibliographiques sur le site : www.edimark.fr

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Coroscanner en pratique : mise au point MISE AU POINT

38 | La Lettre du Cardiologue • n° 446 - juin 2011

1. Guide de bonnes pratiques et recommandations en imagerie cardiaque en coupes. Archives of Cardiovascular Diseases 2009;vol 1(Supplément 1):7-62.2. J Radiol 2009; 90:1111.3. Pugliese F, Mollet NR, Hunink MG et al. Diagnostic perfor-mance of coronary CT angiography by using different gene-rations of multisection scanners: single-center experience. Radiology 2008;246(2):384-93.4. Nieman K, Cademartiri F, Lemos PA, Raaijmakers R, Patty-nama PM, de Feyter PJ. Reliable noninvasive coronary angio-graphy with fast submillimeter multislice spiral computed tomography. Circulation 2002;106:2051-4.5. Mollet NR, Cademartiri F, Van Mieghem CA et al. High-resolution spiral computed tomography coronary angio-graphy in patients referred for diagnostic conventional coronary angiography. Circulation 2005;112:2318-23.6. Meijboom WB, van Mieghem CA, Mollet NR et al. 64-slice computed tomography coronary angiography in patients with high, intermediate, or low pretest probability of significant coronary artery disease. J Am Coll Cardiol 2007;50:1469-75.7. Abdulla J, Abildstrom SZ, Gotzsche O, Christensen E, Kober L, Torp-Pedersen C. 64-multislice detector computed

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Références bibliographiques