50
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http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

UNIVERSITE CLAUDE BERNARD-LYON I

U.F.R. D'ODONTOLOGIE

Année 2015 THESE N° 2015 LYO 1D 95

T H E S E

POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN CHIRURGIE DENTAIRE

Présentée et soutenue publiquement le : 11 décembre 2015

par

FELIX Coralie

Née le 8 août 1990, à Lyon (69)

_____________

Manifestations orales associées à la toxicomanie

et prise en charge au cabinet dentaire.

______________

JURY

Monsieur FARGES Jean-Christophe Président

Monsieur LAFON Arnaud Assesseur

Madame LUCCHINI Marion Assesseur

Madame AYARI Hanène Assesseur

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON I

Président de l'Université M. le Professeur F-N. GILLY

Vice-Président du Conseil d’Administration M. le Professeur H. BEN HADID

Vice-Président du Conseil Scientifique et M. le Professeur P-G. GILLET de la Commission de Recherche Vice-Président du Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire M. le Professeur P. LALLE et de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire

SECTEUR SANTE

Faculté de Médecine Lyon Est Directeur : M. le Professeur. J. ETIENNE

Faculté de Médecine et Maïeutique Lyon-Sud Directeur : Mme la Professeure C. BURILLON Charles Mérieux

Faculté d'Odontologie Directeur : M. le Professeur D. BOURGEOIS

Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Directrice : Mme la Professeure C. VINCIGUERRA

Institut des Sciences et Techniques de la Directeur : M. le Professeur Y. MATILLON Réadaptation Département de Formation et Centre de Directrice : Mme la Professeure A.M. SCHOTT Recherche en Biologie Humaine

SECTEUR SCIENCES ET TECHNOLOGIES

Faculté des Sciences et Technologies Directeur : M. F. DE MARCHI, Maître de Conférences UFR des Sciences et Techniques des Directeur : M. Y. VANPOULLE, Professeur Agrégé Activités Physiques et Sportives Institut Universitaire de Technologie Lyon 1 Directeur : M. le Professeur C. VITON Ecole Polytechnique Universitaire Directeur : M. P. FOURNIER de l’Université Lyon 1 Institut de Science Financière et d’Assurances Directeur : M. N. LEBOISNE, Maître de Conférences Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education Directeur : M. le Professeur A. MOUGNIOTTE (ESPE) Observatoire de Lyon Directeur : M. B. GUIDERDONI, Directeur de Recherche CNRS

Ecole Supérieure de Chimie Physique Electronique Directeur : M. G. PIGNAULT

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

FACULTE D'ODONTOLOGIE DE LYON Doyen : M. Denis BOURGEOIS, Professeur des Universités Vice-Doyen : Mme Dominique SEUX, Professeure des Universités Vice-Doyen : M. Stéphane VIENNOT, Maître de Conférences Vice-Doyen : Mlle DARNE Juliette SOUS-SECTION 56-01: PEDODONTIE Professeur des Universités : M. Jean-Jacques MORRIER Maître de Conférences : M. Jean-Pierre DUPREZ SOUS-SECTION 56-02 : ORTHOPEDIE DENTO-FACIALE Maîtres de Conférences : Mme Sarah GEBEILE-CHAUTY, Mme Claire PERNIER, SOUS-SECTION 56-03 : PREVENTION - EPIDEMIOLOGIE ECONOMIE DE LA SANTE - ODONTOLOGIE LEGALE Professeur des Universités M. Denis BOURGEOIS Professeur des Universités Associé : M. Juan Carlos LLODRA CALVO Maître de Conférences M. Bruno COMTE SOUS-SECTION 57-01 : PARODONTOLOGIE Maîtres de Conférences : Mme Kerstin GRITSCH, M. Philippe RODIER, SOUS-SECTION 57-02 : CHIRURGIE BUCCALE - PATHOLOGIE ET THERAPEUTIQUE ANESTHESIOLOGIE ET REANIMATION Maître de Conférences : Mme Anne-Gaëlle CHAUX-BODARD, M. Thomas FORTIN,

M. Jean-Pierre FUSARI, M. Arnaud LAFON SOUS-SECTION 57-03 : SCIENCES BIOLOGIQUES Professeur des Universités : M. J. Christophe FARGES Maîtres de Conférences : Mme Béatrice RICHARD, Mme Béatrice THIVICHON-PRINCE,

M. François VIRARD SOUS-SECTION 58-01 : ODONTOLOGIE CONSERVATRICE - ENDODONTIE Professeur des Universités : M. Pierre FARGE, M. Jean-Christophe MAURIN, Mme Dominique SEUX Maîtres de Conférences : Mme Marion LUCCHINI, M. Thierry SELLI, M. Cyril VILLAT SOUS-SECTION 58-02 : PROTHESE Professeurs des Universités : M. Guillaume MALQUARTI, Mme Catherine MILLET Maîtres de Conférences : M. Christophe JEANNIN, M. Renaud NOHARET, M. Gilbert VIGUIE, M. Stéphane VIENNOT SOUS-SECTION 58-03 : SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES

OCCLUSODONTIQUES, BIOMATERIAUX, BIOPHYSIQUE, RADIOLOGIE

Professeur des Universités : Mme Brigitte GROSGOGEAT, M. Olivier ROBIN Maîtres de Conférences : M. Patrick EXBRAYAT, Mme Sophie VEYRE-GOULET Maître de Conférences Associé : AYARI Hanène SECTION 87 : SCIENCES BIOLOGIQUES FONDAMENTALES ET CLINIQUES Maître de Conférences Mme Florence CARROUEL FELIX

(CC BY-NC-ND 2.0)

A notre président du jury,

Monsieur le Professeur FARGES Jean-Christophe,

Professeur des Universités à l'UFR d'Odontologie de Lyon

Praticien-Hospitalier

Docteur en Chirurgie Dentaire

Docteur de l'Université Lyon I

Responsable de la sous-section Sciences Biologiques

Habilité à Diriger des Recherches

Nous vous sommes très reconnaissant d’avoir accepté la

direction de notre thèse.

Nous vous remercions pour votre investissement, votre

confiance et votre gentillesse accordés tout au long de

l’écriture de ces pages.

Nous vous remercions de l’honneur que vous nous faîtes en

acceptant la présidence de ce jury.

Nous vous prions de trouver dans ce travail l’expression

de notre respect et de nos remerciements les plus sincères

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

A notre juge,

Monsieur le docteur LAFON Arnaud,

Maître de Conférences à l'UFR d'Odontologie de Lyon

Praticien-Hospitalier

Docteur en Chirurgie Dentaire

Docteur de l'Université de Bourgogne

Ancien Interne en Odontologie

Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire

Spécialiste qualifié en Chirurgie Orale

C’est avec plaisir que nous vous comptons dans le jury de notre

thèse.

Merci pour votre enseignement et votre gentillesse.

Nous vous prions de trouver en ces quelques mots l’expression de

nos sincères remerciements.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

A notre juge,

Madame le Docteur LUCCHINI Marion,

Maître de Conférences à l'UFR d'Odontologie de Lyon

Praticien-Hospitalier

Docteur en Chirurgie Dentaire

Docteur de l'Université Lyon I

C’est avec plaisir que nous vous comptons dans le jury de notre thèse.

Merci pour vos conseils bienveillants tout au long de nos études.

Veuillez trouver ici, l’expression de nos plus vifs remerciements.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

A notre juge,

Madame le Docteur AYARI Hanène,

Maître de Conférences Associé à l'UFR d'Odontologie de Lyon

Docteur en Sciences Biologiques

Docteur de l'Université Lyon I

Nous sommes honorés de vous compter dans le jury de notre thèse.

Nous tenons par ce travail à .vous exprimer nos plus sincères remerciements

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

TABLE DES MATIERES

Introduction…………………………………………………………………………………1

1 Rappels sur la toxicomanie ............................................................................................ 2

1.1 Définition ................................................................................................................ 2

1.2 Principales drogues ................................................................................................. 2

1.2.1 Stimulants ........................................................................................................ 2

1.2.1.1 Les amphétamines .................................................................................... 2

1.2.1.2 La cocaïne ................................................................................................ 4

1.2.2 Psycholeptiques ............................................................................................... 5

1.2.2.1 Le cannabis ............................................................................................... 5

1.2.2.2 L’héroïne .................................................................................................. 7

1.3 Système dopaminergique ........................................................................................ 8

2 Manifestations et pathologies buccales de la toxicomanie ............................................ 9

2.1 Complications favorisant les pathologies bucco-dentaires ..................................... 9

2.1.1 Déficience de l’hygiène bucco-dentaire .......................................................... 9

2.1.2 Modifications salivaires ................................................................................. 11

2.1.3 Troubles immunitaires et sanguins ................................................................ 13

2.2 Lésions de la muqueuse buccale ........................................................................... 14

2.2.1.1 Les candidoses........................................................................................ 14

2.2.1.2 Lésions précancéreuses et cancers des voies

aéro-digestives supérieures ................................................................... 14

2.2.1.3 Autres ..................................................................................................... 15

2.3 Lésions articulaires ............................................................................................... 16

2.4 Lésions parodontales ............................................................................................. 16

2.4.1 Le cannabis .................................................................................................... 16

2.4.2 La cocaïne ...................................................................................................... 17

2.4.3 La MDMA ..................................................................................................... 19

2.4.4 L’héroïne ....................................................................................................... 20

2.5 Lésions dentaires ................................................................................................... 20

2.5.1 Lésions carieuses ........................................................................................... 20

2.5.2 Lésions d’usure .............................................................................................. 23

3 Prise en charge au cabinet dentaire.............................................................................. 26

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

3.1 Objectifs de traitement .......................................................................................... 26

3.1.1 Réhabilitation esthétique et fonctionnelle ..................................................... 26

3.1.2 Traitements des douleurs ............................................................................... 26

3.1.3 Traitement des foyers infectieux chroniques ................................................. 26

3.2 Thérapeutiques ...................................................................................................... 26

3.2.1 Prévention ...................................................................................................... 26

3.2.2 Soins conservateurs ....................................................................................... 27

3.2.3 Extractions dentaires...................................................................................... 27

3.2.4 Traitement des troubles salivaires ................................................................. 28

3.2.5 Traitements des candidoses ........................................................................... 29

3.2.6 Traitement du bruxisme et des troubles articulaires ...................................... 29

3.2.7 Réhabilitation prothétique ............................................................................. 29

3.3 Précautions à prendre ............................................................................................ 31

3.3.1 Principaux risques généraux .......................................................................... 31

3.3.1.1 Pathologies générales ............................................................................. 31

3.3.1.2 Risque infectieux pour les patients immunodéprimés............................ 32

3.3.1.3 Risque d’endocardite infectieuse ........................................................... 32

3.3.2 Gérer l’inefficacité relative de l’anesthésie locale ........................................ 33

3.3.3 Prescription médicamenteuse ........................................................................ 33

Conclusion…………………………………………………………………………………35

Bibliographie………………………………………………………………………………36

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

1

INTRODUCTION

La toxicomanie est une « habitude de consommer de façon régulière et importante des

substances susceptibles d’engendrer un état de dépendance psychique et/ou physique. »

Une étude réalisée par l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies (OEDT)

dresse la carte de l’usage du cannabis, de l’héroïne, des amphétamines et de la cocaïne dans 30

pays d’Europe. D’après cette étude, 32,1% des français consomment ou ont déjà consommé du

cannabis. En France, on évalue le nombre d’utilisateurs de cocaïne à 1,5 million, d’ecstasy à 1,1

million et à 500 000 pour l’héroïne. La consommation de drogues illicites étant de plus en plus

développée, la présence de patients toxicomanes au cabinet dentaire a tendance à se banaliser.

Les individus ayant une consommation importante de substances illicites ont plus de

risques d’avoir une mauvaise santé bucco-dentaire pour des raisons variées comme un mauvais

régime alimentaire, une hygiène bucco-dentaire non assidue et une démotivation pour les soins

dentaires. En effet, la consommation de drogues peut entrainer une xérostomie due à

l’hyposalivation, une érosion de l’émail, des caries et des maladies parodontales.1

Dans un premier temps, nous rappellerons ce qu’est la toxicomanie, puis nous détaillerons

les caractéristiques des différentes drogues dures les plus consommées, à savoir l’ecstasy, la

cocaïne, le cannabis et l’héroïne. Dans un second temps, nous analyserons les pathologies buccales

provoquées ou amplifiées par la toxicomanie, telles que les modifications salivaires, les lésions

articulaires, parodontales, dentaires et de la muqueuse buccale. Enfin, nous aborderons la prise en

charge des patients toxicomanes au cabinet dentaire en exposant les objectifs de traitement et les

différentes thérapeutiques.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

2

1 Rappels sur la toxicomanie

1.1 Définition

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la toxicomanie comme une

pharmacodépendance qui est « un état de dépendance psychique et quelquefois physique résultant

de l’interaction entre un organisme vivant et une drogue. Cette interaction se caractérise par des

modifications du comportement et par d’autres réactions qui engagent toujours fortement l’usager à

prendre la drogue de façon continue ou périodique afin de retrouver les effets psychiques et

quelquefois d’éviter le malaise de la privation. Cet état peut s’accompagner ou non de tolérance. »

1.2 Principales drogues

1.2.1 Stimulants

1.2.1.1 Les amphétamines

La 3,4-méthylènedioxymethamphétamine (Figure 1), plus communément nommée MDMA

ou ecstasy, est une drogue de synthèse très répandue de nos jours, surtout chez les jeunes, et qui

agit sur le système nerveux central. Cette drogue se présente sous la forme de comprimés à avaler.

Elle « provoque une sensation d’euphorie, de plaisir et de résistance à la fatigue. »2 Elle entraine

également une tachycardie, une hyperthermie, des nausées et une dilatation des pupilles. Plusieurs

jours après la prise de MDMA, on peut aussi observer une dépression nerveuse, des difficultés à se

concentrer et des crises de panique.3

Figure 1 : Structure moléculaire de la MDMA.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

3

Le mécanisme d’action de la MDMA est complexe ; en effet, la MDMA induit une

libération rapide de sérotonine (5-hydroxytryptamine), de dopamine et d’acétylcholine dans la fente

synaptique. La libération de la sérotonine est induite par l’interaction de la MDMA avec le

transporteur de la sérotonine (SERT). Cette interaction entraine ensuite une activation des

récepteurs post-synaptiques de la sérotonine (récepteurs 5-HT2) qui permettrait la levée du

rétrocontrôle négatif exercé par le GABA sur les voies dopaminergiques, expliquant ainsi la

stimulation dopaminergique. La libération de dopamine serait aussi provoquée par l’activation

directe du transporteur de la dopamine (DAT) par la MDMA. Toutefois, cette hypothèse reste

controversée. La libération de noradrénaline s’expliquerait par une affinité de la MDMA pour le

transporteur de noradrénaline (NAT). La libération de l’acétylcholine mettrait en jeu les récepteurs

histaminergiques H1.

La plupart des effets psychologiques de la MDMA s’expliquent par son action sur le

transporteur SERT qui entraîne la libération de sérotonine (5-HT). Toutefois, certains effets

euphorisants seraient dépendants de l’action de la dopamine sur les récepteurs D2. Les effets

hallucinogènes impliqueraient quant à eux les récepteurs post-synaptiques 5-HT2.4

Le schéma ci-dessous (Figure 2) résume les différents effets pharmacologiques de la MDMA dans

le corps humain.

Figure 2 : Schéma récapitulatif des effets pharmacologiques et neurochimiques de la MDMA.

Les valeurs indiquées représentent les affinités de la MDMA pour ses différentes cibles.

SHT : sérotonine ; DA : dopamine ; SERT: transporteur de la sérotonine ; DAT : transporteur de la

dopamine ; NET : transporteur de la noradrénaline ; Ach : acétylcholine.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

4

1.2.1.2 La cocaïne

Figure 3 : Structure moléculaire de la cocaïne (C17H21NO4).

La cocaïne (Figure 3) est un alcaloïde qui a un effet stimulant sur le système nerveux

central. Elle peut être prise de différentes manières : par voie nasale, par voie intraveineuse, mais

aussi par application topique au niveau de la gencive. Ce dernier moyen reste toutefois peu

fréquent.

Une consommation importante de cocaïne entraîne une forte augmentation de la

stimulation des neurones dopaminergiques. Il existe aussi une intervention des neurones

sérotoninergiques dans l’action toxicomanogène. La cocaïne bloque les transporteurs monoamines

présynaptiques dans le système nerveux central5. Elle inhibe le système de recapture de la

dopamine (DA) par son transporteur (TDA), ce qui diminue la clairance de la dopamine dans

l’espace synaptique et entraîne une augmentation de la concentration extracellulaire de dopamine

(Figure 4). Cette augmentation entraîne une sensation d’euphorie et d’éveil. On note d’autres

symptômes tels que des vomissements, des troubles de la vision, des tremblements et une attitude

agressive. L’effet sympathomimétique de la cocaïne augmente la fréquence cardiaque et la

demande en oxygène du myocarde.5

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

5

Figure 4 : Mécanismes d’action des psychostimulants sur les terminaisons synaptiques

dopaminergiques. (d’après Katzung et coll., 2009)

1.2.2 Psycholeptiques

1.2.2.1 Le cannabis

Le cannabis est un produit naturel dont le principal composant psychoactif est le

tétrahydrocannabinol (THC). (Figure 5)

Figure 5 : Structure moléculaire du tétrahydrocannabinol (C21H30O2).

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

6

Deux récepteurs au THC ont été identifiés : le récepteur cannabinoïde de type 1 (CB1),

présent essentiellement dans le système nerveux central, et le récepteur cannabinoïde de type 2

(CB2), retrouvé au niveau de certaines cellules du système immunitaire. La liaison du THC au

récepteur CB2 entraîne une inhibition de l’adénylcyclase et une diminution des taux intracellulaires

d’AMP cyclique (AMPc). En effet, l’adénylcyclase permet la synthèse d’AMPc à partir d’ATP. La

stimulation des récepteurs CB1 régule la fonction des canaux ioniques en activant certains canaux

potassiques et en inhibant certains canaux calciques, diminuant ainsi l’excitabilité neuronale.6

(Figure 6)

Figure 6 : Principales voies de transduction du signal modifiées après action des

endocannabinoïdes (endoCB) via les récepteurs CB1, VR1 ou par action directe.7

EndoCB : endocannabinoïde, groupe de substance chimique activant les récepteurs cannabinoïdes

présents dans le corps humain ; Ka, Kir, Km, Ktask-1 : canaux potassiques ; VR1 : récepteur

cationique ; NMDA : récepteur du glutamate ; PLCbeta : phospholipase Cbeta qui est à l’origine de

la synthèse de deux seconds messagers (diacylglycérol et IP3) ; IP3 : inositoltriphosphate qui

provoque la libération des ions calcium à partir des sites de stockage intracellulaires (réticulum

endoplasmique granuleux, mitochondries).

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

7

1.2.2.2 L’héroïne

L’héroïne (Figure 7) est une préparation brute de la diamorphine qui fait partie de la

famille des opioïdes. C’est un produit semi-synthétique obtenu par acétylation de la morphine.

Cette drogue est injectée par voie intraveineuse.

Figure 7 : Structure moléculaire de l’héroïne (C21H23NO5).

L’héroïne déclenche une phase d’euphorie intense suivie de sédation et de sentiments de

bien-être. Elle se fixe sur les récepteurs opiacés mu et delta, entrainant leur activation. Celle-ci va

permettre l’inhibition des récepteurs de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), ces récepteurs

étant eux-mêmes des inhibiteurs des récepteurs dopaminergiques. Cette réaction en chaîne entraine

une augmentation de la transmission dopaminergique.8 (Figure 8)

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

8

Figure 8 : mécanisme d’action de l’héroïne au niveau des synapses dopaminergiques.

1.3 Système dopaminergique

Les corps cellulaires des neurones dopaminergiques se retrouvent dans les systèmes suivants :

- la substance noire : les corps cellulaires se projettent sur le striatum ; il s’agit de la voie

nigro-striée qui permet la motricité.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

9

- les voies suivantes contrôlent le comportement : la voie méso-limbique, au niveau du

noyau accumbens, impliquée dans l’émotivité, et la voie méso-corticale qui contrôle les

fonctions cognitives.

- la voie tubéro-hypophysaire se trouve au niveau de l’hypothalamus et contrôle les

sécrétions endocrines. Elle permet de comprendre les effets secondaires de certains

médicaments.

La libération de dopamine se fait par exocytose calcium-dépendante, à partir des vésicules

de stockage. Elle est modulée par les influx dopaminergiques. L’activation du potentiel d’action

engendre la libération de dopamine mais définit aussi la modalité des influx.9

La dopamine est le neurotransmetteur du circuit de récompense. Il existe une dépendance

psychique qui consiste à consommer des drogues pour éprouver une sensation de plaisir et de

tranquillité.

2 Manifestations et pathologies buccales de la toxicomanie

2.1 Complications favorisant les pathologies bucco-dentaires

2.1.1 Déficience de l’hygiène bucco-dentaire

Une étude a été réalisée auprès de 685 patients toxicomanes dans un centre de

désintoxication de Téhéran (Iran), dans le but d’analyser leurs habitudes d’hygiène bucco-dentaire.

Sur ces 685 personnes, 324 déclaraient ne pas se brosser les dents tous les jours, 266 se brossaient

les dents une fois par jour, et seulement 85 patients indiquaient un minimum de deux brossages par

jour (10 patients n’ont pas souhaité répondre). On relève donc que 87% des personnes interrogées

n’ont pas une hygiène bucco-dentaire adéquate. Cette étude prenait aussi en compte l’utilisation de

fil dentaire. Elle révèle que 81% des questionnés ne l’utilisent presque jamais, contre seulement

14% qui en ont un usage quotidien. Néanmoins, lorsqu’on leur demande à quand remonte leur

dernière visite chez le dentiste, ils sont 477 à avoir consulté lors des deux années précédentes, dont

362 lors de la dernière année. Ils ont donc conscience de leurs problèmes bucco-dentaires.10

(Tableau 1)

De plus, les patients toxicomanes ont la plupart du temps de mauvaises habitudes

nutritionnelles, avec une consommation importante de boissons sucrées et de gâteaux qui favorise

l’apparition de caries.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

10

Tableau 1 : Habitudes d’hygiène bucco-dentaire chez des patients en désintoxication (n = 685).10

Variable

Brossage des dents Pas tous les jours : 324 (48%)

Une fois par jour : 266 (39%)

Deux fois ou plus par jour : 85 (13%)

Total : 675

Usage de dentifrice au fluor Rarement ou jamais : 47 (13%)

Presque tous les jours ou tous les jours : 625 (93%)

Total : 672

Usage du fil dentaire Jamais ou quelques fois : 551 (81%)

Plusieurs fois par semaine : 33 (5%)

Une fois par jour ou plus : 93 (14%)

Total : 677

Consommation de gâteaux Deux fois par jour ou plus : 385 (57%)

Une fois par jour : 111 (16%)

Rarement, pas tous les jours : 182 (27%)

Total : 678

Fumeur Tous les jours : 521 (78%)

Régulier, mais pas tous les jours : 45 (7%)

Non-fumeurs : 105 (15%)

Total : 671

Dernière visite chez le dentiste Plus de deux ans : 158 (25%)

Durant les deux dernières années : 115 (18%)

L’année précédente : 362 (57%)

Total : 635

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

11

2.1.2 Modifications salivaires

Comme nous l’avons vu précédemment, la plupart des drogues agissent au niveau de la

sécrétion de la dopamine en l’augmentant. Or, ce neurotransmetteur active le système

orthosympathique. Cette activation entraine la sécrétion, peu abondante, d’une salive visqueuse et

riche en protéines. C’est de cette manière que les produits psychoactifs provoquent une hyposialie

entraînant une xérostomie.

L’hyposialie a des effets importants sur la santé bucco-dentaire puisque la salive a une

fonction de protection de la cavité buccale. En effet, le flux salivaire empêche l’accumulation de

plaque dentaire et permet la minéralisation de l’émail avec l’apport d’ions phosphate, fluor et

calcium. La salive a aussi un pouvoir tampon qui contrôle l’acidité induite par le processus

cariogène de la plaque, grâce aux ions phosphates et bicarbonates stabilisant le pH neutre.11

En cas

de consommation plus ou moins prolongée de drogues, on observe une altération de la cavité

buccale (langue, gencives, glandes salivaires...). Cette diminution du flux salivaire va entraîner une

prolifération bactérienne qui va développer la plaque dentaire à partir du tartre qui se dépose sur les

dents. En l’absence de soins, elle engendre des polycaries et des problèmes parodontaux.12

Il existe plusieurs signes cliniques associés à la xérostomie :

- une bouche sèche,

- une atrophie des papilles filiformes,

- une chéilite angulaire,

- un érythème des muqueuses,

- une atrophie épithéliale,

- des ulcères,

- une hypertrophie unilatérale ou bilatérale des glandes parotides,

- des infections orales comme la candidose,

- des caries rampantes.

La sécheresse buccale peut aussi être provoquée par les propriétés anticholinergiques de

certains psychotropes comme les benzodiazépines qui sont des médicaments souvent consommés

par les consommateurs de drogues.2

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

12

Tableau 2 : Xérostomie parmi 58 consommateurs de drogues par intraveineuse, selon le type de

drogue principalement consommée.13

Metamphétamine

n=17

Héroïne

n=41

Signes cliniques de la sécheresse buccale

Absence de salive

Muqueuse sèche ou collante

Erythème de la muqueuse ou papille de la langue

atrophiée

1 (6%)

5 (29%)

3 (18%)

7 (17%)

16 (39%)

15 (37%)

Symptômes subjectifs de la sécheresse buccale

Besoin de boire pour avaler la nourriture

Plainte de sécheresse en mangeant

Difficulté à avaler des aliments secs

6 (35%)

3 (18%)

4 (24%)

22 (54%)

6 (15%)

11 (27%)

Perception du taux de salive

Trop

Pas assez

N’a pas remarqué

Incertain

1 (6%)

2 (12%)

11 (65%)

3 (18%)

5 (12%)

3 (7%)

27 (66%)

6 (15%)

Fréquence de bouche « pâteuse »

Jamais

Quelquefois

Souvent

Tout le temps

Incertain

2 (13%)

7 (44%)

4 (25%)

1 (6%)

2 (13%)

5 (12%)

27 (66%)

5 (17%)

2 (5%)

0 (0%)

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

13

Tableau 3 : Résultats comparatifs de tests salivaires réalisés chez des consommateurs de drogues et

des patients contrôle.14

Toxicomanes Patients contrôles Total p-valeur

Flux salivaire pendant 5

minutes

Nombre de sujets

Résultats

Déviation

64

4

2,9

34

4

2

98

4

2,6

0,967

pH

Nombre de sujets

Résultats

Déviation

58

6,8

0,6

32

7,3

0,3

90

7

0,5

<0,001

Solution tampon

Faible

Moyen

Fort

28 (43,8%)

15 (23,4%)

21 (32,8%)

3 (8,8%)

14 (41,2%)

17 (50,0%)

31 (31,6%)

29 (29,6%)

38 (38,8%)

<0,001

Streptococcus mutans

<10^5Colony-Forming

Unit/ml

>10^5 CFU/ml

18 (32,7%)

37 (67,3%)

18 (54,5%)

15 (45,5%)

36 (40,9%)

52 (59,1%)

0,044

Lactobacillus

<10^5 CFU/ml

>10^5 CFU/ml

11 (18,6%)

48 (81,4%)

21 (63,6%)

12 (36,4%)

32 (34,8%)

60 (65,2%)

<0,001

2.1.3 Troubles immunitaires et sanguins

« L’héroïne entraîne une déficience de la réponse cellulaire et humorale en diminuant le

nombre de lymphocytes T, ainsi que le pouvoir phagocytaire et cytotoxique des monocytes et des

polymorphonucléaires. Cette action est possible par la présence de récepteurs spécifiques aux

opiacés à la surface des lymphocytes, monocytes et plaquettes. »15

La déficience de la réponse

cellulaire et humorale explique les problèmes parodontaux.

Le cannabis a un effet immunodépressif sur les macrophages et les lymphocytes B et T en

diminuant la prolifération lymphocytaire. Ceci a pour conséquence de diminuer la résistance de

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

14

l’hôte face aux infections virales et bactériennes. La prise de cannabis entraine une augmentation

de la production de l’interleukine-10, cytokine anti-inflammatoire qui joue un rôle dans la réponse

immunitaire humorale, ainsi qu’une diminution de la production d’interleukine-2, cytokine pro-

inflammatoire associée à l’immunité cellulaire. On observe aussi une diminution de l’efficacité des

lymphocytes et du nombre de cellules Natural Killer (NK).16

Des études in vitro sur les effets de la cocaïne sur les défenses immunitaires ont montré que

cette drogue inhibe la production de cytokines et l’activité antimicrobienne et lymphocytaire. Elle

augmenterait la réplication du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).17

D’autres études ont

relevé une thrombocytopénie induite par la prise de cocaïne qui peut entrainer des hémorragies

post-extractionnelles.

Les différentes actions des drogues dures sur le système immunitaire expliquent le risque

accru d’infection chez le toxicomane. On retrouve ainsi de nombreux cas d’hépatite et de syndrome

d’immunodéficience acquise (SIDA) chez les consommateurs.

2.2 Lésions de la muqueuse buccale

2.2.1.1 Les candidoses

La consommation de drogues induit une sécheresse buccale, due à l’hyposialie, et une

baisse du pH salivaire qui peuvent entraîner la formation de candidoses. Ces dernières sont aussi

favorisées par les carences nutritionnelles que présentent la plupart des toxicomanes, et par

l’immunodépression. La candidose pseudomembraneuse, fréquente sur la face interne des joues, la

candidose érythémateuse, la candidose hyperplasique, ainsi que la chéilite angulaire au niveau des

commissures labiales, sont les candidoses les plus fréquemment retrouvées chez les consommateurs

de drogues.18

2.2.1.2 Lésions précancéreuses et cancers des voies aéro-digestives supérieures

Le tabac consommé en association avec le cannabis a différents effets cliniques dont des

lésions muqueuses. Il altère la barrière buccale et ses fonctions de transport électrolytique, ce qui

augmente la perméabilité de la jonction épithélio-conjonctive à la nicotine. Le tabac déclenche

également une vasoconstriction, des altérations du métabolisme des fibroblastes dont une

augmentation de la synthèse de collagénase, ainsi qu’une augmentation de la température de la

cavité buccale et du pH salivaire qui entraînent un déséquilibre de l’écosystème buccal. On observe

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

15

chez ces patients des leucoplasies qu’il faudra contrôler. En cas de doute, une biopsie devra être

réalisée.

2.2.1.3 Autres

La consommation de drogue peut aussi entrainer des colorations de la muqueuse dues aux

produits composant les drogues. L’héroïne peut favoriser une hyperpigmentation de la langue.19

La

quinine présente dans la composition de l’héroïne peut faire apparaître des lésions purpuriques sur

la face interne des joues.

Chez certains consommateurs de cocaïne apparaît une perforation du septum nasal (Figure

9) due à la prise de la drogue par le nez (aspiration). Cette perforation s’étend au palais dans les

mois qui suivent (Figure10) ; elle inclut dans la majorité des cas le palais dur et peut aller jusqu’à

30 millimètres de diamètre. Cette nécrose palatine s’observe majoritairement chez les femmes

(72% des cas) malgré le fait qu’elles soient moins consommatrices de cocaïne que les hommes.20

Figure 9 : Perforation nasale due à une consommation régulière de cocaïne par le nez. (van den

Brekel, 2008)

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

16

Figure 10 : Vue intra-orale montrant une importante perforation palatine chez un patient de 49

ans consommant de la cocaïne depuis 6 ans.20

2.3 Lésions articulaires

Les facteurs étiologiques des dysfonctions des articulations temporo-mandibulaires sont les

parafonctions telles que le bruxisme, la consommation de gommes à mâcher, les malocclusions, la

présence d’un traumatisme et les troubles émotionnels. Le toxicomane présente, en général,

plusieurs de ces facteurs. Les lésions articulaires se traduisent par des maux de tête, des douleurs

pré-auriculaires et une raideur de la mâchoire associée à une limitation de l’ouverture buccale.

D’après une étude réalisée auprès de 44 femmes et 56 hommes prenant diverses drogues telles que

l’héroïne, la cocaïne, le cannabis ou l’alcool, 40% des personnes interrogées présentaient des bruits

articulaires, 9% des raideurs de la mâchoire, 6% des douleurs faciales, et 1% des engourdissements

au niveau de la face. Toutefois, aucune n’était limitée dans les mouvements de sa mâchoire.21

2.4 Lésions parodontales

2.4.1 Le cannabis

Les signes cliniques parodontaux chez les consommateurs de cannabis sont :

- une inflammation de la muqueuse buccale,

- des leucoplasies,

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

17

- une hyperplasie généralisée (Figure 11),

Figure 11 : Hyperplasie gingivale liée à la consommation de cannabis.

- des leuco-œdèmes, des hyperkératoses et des papillomes oraux bénins engendrés par une

modification de l’épithélium, nommée la « stomatite du cannabis ».22

Les fumeurs de cannabis ont un risque de perte d’attache supérieur à 5 mm, plus important

que les non-fumeurs.

2.4.2 La cocaïne

L’usage de certains stimulants entraîne une trituration intempestive et maniaque des

gencives provoquant une lacération gingivale. Plus rarement, l’utilisation de la cocaïne par

inhalation occasionne une perforation palatine comme vu précédemment, à cause de la propriété

vasoconstrictrice de la cocaïne qui entraîne une nécrose du septum nasal puis des palais mou et dur.

D’autres signes cliniques tels que des saignements gingivaux spontanés dus à la thrombocytopénie

sont associés à la prise de cette drogue. L’application de la drogue directement sur la gencive peut

provoquer des lésions locales de la muqueuse pouvant aller jusqu’à la gingivite ulcéro-nécrotique

et à l’apparition de séquestres osseux (Figure 12). La gencive subit alors une desquamation

superficielle épithéliale avec une zone érythémateuse et ulcéreuse. (Figure 13)

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

18

Les tentatives de réparation tissulaire grâce à la chirurgie muco-gingivale se soldent

majoritairement par des échecs, probablement à cause d’une mauvaise vascularisation des sites

touchés et d’une ischémie locale.15

Figure 12 : Lésion ulcéro-nécrotique de la muqueuse alvéolaire accompagnée d’une exposition

osseuse.23

Patient de 22 ans positif pour le virus d’immunodéficience acquise et cocaïnomane depuis 4 ans.

Malgré un traitement comprenant un bain de bouche antiseptique et des antibiotiques, la situation a

empiré : l’incisive centrale supérieure gauche est perdue et on observe également une séquestration

osseuse.

Figure 13 : Lésion ulcéro-érythémateuse de la muqueuse alvéolaire.23

Lésion érythémateuse nécrotique en regard de la première molaire supérieure gauche chez une

femme de 38 ans prenant de la cocaïne depuis 10 ans. Cette lésion a été traitée avec un bain de

bouche antiseptique et a guéri en 2 semaines.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

19

2.4.3 La MDMA

La MDMA (ou « ecstasy ») n’a pas d’effet direct sur le parodonte, mais le bruxisme, la

xérostomie et les troubles articulaires engendrés par la prise de cette drogue sont des facteurs

favorisants de la maladie parodontale. Il y a donc un risque d’aggraver des problèmes parodontaux

préexistants. Néanmoins, quelques cas de parodontite ont été relevés, comme en Angleterre avec un

jeune homme de 15 ans présentant des douleurs accompagnées d’un gonflement au niveau des

incisives supérieures, une mobilité de stade II sur ces deux dents sensibles à la percussion mais

vivantes. Deux jours plus tard, ce patient est revenu avec une fenestration de la gencive attachée et

une exposition de l’os alvéolaire sous-jacent (Figure 14).24

La classification des mobilités dentaire de Lindhe décrit 4 stades,

- stade 1 : mobilité physiologique,

- stade 2 : mobilité horizontale inférieure à 1mm,

- stade 3 : mobilité horizontale supérieure à 1mm,

- stade 4 : mobilité horizontale supérieure à 1mm et mobilité axiale.

Figure 14 : Fenestration de la muqueuse au niveau de la 21, localisée sur le site d’application de

la MDMA.24

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

20

2.4.4 L’héroïne

Nous avons vu précédemment que l’héroïne entraîne une déficience de la réponse

immunitaire cellulaire et humorale. Elle est aussi associée à une mauvaise hygiène bucco-dentaire

et à une malnutrition. L’ensemble de ces paramètres explique les troubles parodontaux chez les

toxicomanes.

2.5 Lésions dentaires

2.5.1 Lésions carieuses

L’hyposalivation, la mauvaise hygiène bucco-dentaire et la malnutrition sont des facteurs

aggravants chez les toxicomanes pour la formation des caries. Les patients se droguant sont très

souvent polycariés. Chez l’héroïnomane, on retrouve une lésion carieuse typique nommée la carie

serpigineuse du collet décrite en 1967 par Lowenthal (Figure 15). Elle débute en zone juxta-

gingivale sur les faces vestibulaires et linguales ou palatines ; elle a une forme de croissant, est

dure, noire et indolore. Elle peut s’étendre rapidement sur tout le tour de la dent, favorisant ainsi le

risque de fracture de la couronne. Son évolution rapide se fait vers la nécrose pulpaire, rarement

vers la pulpite.2

Figure 15 : Caries serpigineuses chez un héroïnomane.2

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

21

Figure 16 : Dent atteinte, avant et après éviction carieuse.15

Les patients en sevrage sont traités avec la méthadone ou la buprénorphine (SUBUTEX®).

Or, la méthadone se présente sous forme de sirop contenant du saccharose ; en conséquence, le

risque carieux est augmenté par la prise de ce médicament. Chez les patients consommant de la

metamphétamine sont décrits les « meth mouth » (Figure 16) avec des caries rampantes au collet

des dents : les dents deviennent noires, elles s’effritent et tombent en morceau. Ces caries sont dues

à la nature acide de la drogue, à la xérostomie qui réduit la quantité de salive protectrice, à la

tendance des toxicomanes à serrer et grincer des dents, à l’envie de boire des boissons sucrées

souvent associées à la prise de cette drogue, mais aussi à la durée d’action de 12 h pendant

lesquelles le patient ne pense pas à son hygiène. Les dents atteintes de ces caries doivent souvent

être extraites.25

Figure 16 : Photographie intra-orale d’un consommateur de metamphétamine.25

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

22

La dissolution de la cocaïne dans la salive résulte en la diminution du pH salivaire qui

entraîne une augmentation du risque de déminéralisation de l’émail par attaque des cristaux

d’hydroxyapatite (Figure 17). En effet, chez certains consommateurs chroniques, des pertes d’émail

vestibulaire et occlusal ont été observées.20

Tableau 4 : Nombre de dents cariées, absentes et obturées parmi 58 consommateurs de drogues par

injection, selon le type de drogue.

Metamphétamine n=17 Héroïne n=41 p

CAO index (Cariées, Absentes, Obturées)

0-8

9-16

17-31

> 32

4 (24%)

2 (12%)

6 (35%)

5 (29%)

9 (22%)

8 (20%)

4 (10%)

20 (49%)

0,14

Surfaces cariées

0

1-4

5-8

> 9

2 (12%)

5 (29%)

2 (12%)

8 (47%)

5 (12%)

11 (27%)

4 (10%)

21 (51%)

1,00

Racines restantes

0

1-2

3-6

> 7

9 (53%)

4 (24%)

1 (6%)

3 (18%)

25 (61%)

5 (12%)

10 (24%)

1 (2%)

0,06

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

23

Figure 17: Etat bucco-dentaire d’un toxicomane14

2.5.2 Lésions d’usure

Les drogues favorisent le bruxisme et la xérostomie chez les consommateurs. Ces effets

dureraient jusqu’à 48 heures après la prise de substances illicites. Une étude réalisée en Angleterre

a permis de comparer les diminutions de surfaces dentaires chez les toxicomanes (consommation

régulière d’ecstasy) et chez les non-consommateurs (Figure 18). Les résultats montrent une

différence significative au niveau des molaires inférieures, moindre pour les molaires supérieures.

Les canines et les incisives sont moins touchées par ce phénomène.

Figure 18 : Comparaison des scores d’usure dentaire entre des consommateurs et des non-

consommateurs de drogues. 26

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

24

Dans cette étude, le score d’usure dentaire est déterminé par l’index de Smith et Knight :

0 : Pas de perte de surface caractéristique, pas de perte de contour.

1 : Perte d’émail caractéristique.

2 : Perte de l’émail exposant la dentine sur moins d’un tiers de la surface, faible perte de contour

(pour les faces occlusales, linguales/palatines et vestibulaires).

Perte d’émail exposant la dentine (pour les incisives).

Défaut de 1 mm de profondeur (pour les canines).

3 : Perte d’émail exposant la dentine sur plus d’un tiers de la surface (pour les faces occlusales,

linguales/palatines et vestibulaires).

Perte d’émail et de dentine sans exposer la dentine secondaire ou la pulpe (pour les incisives).

Défaut de 1-2 mm de profondeur (pour les canines).

4 : Perte totale de l’émail, ou exposition de la pulpe, ou exposition de la dentine secondaire (pour

les faces occlusales, linguales/palatines et vestibulaires).

Exposition de la pulpe ou exposition de la dentine secondaire (pour les incisives).

Défaut de plus de 2 mm de profondeur, ou exposition de la pulpe, ou exposition de la dentine

secondaire.

Chez certains patients, on observe aussi des érosions dentaires (Figure 19) qui peuvent être

dues à la nature acide des drogues, à la consommation de boissons sucrées et acides, et aux

vomissements. On observe aussi chez les consommateurs de cocaïne des abrasions cervicales suite

à un brossage violent réalisé sous l’emprise de la drogue.

Figure 19 : Lésions d’abrasion chez un patient toxicomane.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

25

Tableau 5 : Manifestations buccales les plus fréquemment rencontrés selon le type de

toxicomanie27

Héroïne Thrombocytopénie

Pigmentations de type érythémateux à la langue

Caries serpigineuses

Maladies parodontales

Pétéchies (en présence d’endocardite associée)

Xérostomie

Mycoses buccales aiguës et chroniques

Altération du goût

Ecstasy Douleur faciale inexpliquée

Bruxisme, trismus

Douleurs musculaires

Dysfonctionnements temporo-mandibulaires

Cocaïne Dysfonctionnements temporo-mandibulaires

Douleurs cervico-faciales

Troubles moteurs

Lacérations gingivales

Gingivorragies et desquamations des muqueuses

Bruxisme

Paresthésie linguale et labiale

Abrasions dentaires

Maladies parodontales (GUN)

Xérostomie

Mycoses buccales aiguës et chroniques

Diminution de la sensibilité gustative dans l’ordre amer-sucré-salé-acide

Glossite, leuco-œdème

Cannabis Prédisposition au cancer buccal

Gingivites

Hyperplasie gingivale

Troubles sensoriels

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

26

3 Prise en charge au cabinet dentaire

3.1 Objectifs de traitement

Avant tout traitement, un bilan de santé général devra être réalisé ainsi qu’un questionnaire

permettant de connaître les différentes substances consommées et leur mode de prise.

3.1.1 Réhabilitation esthétique et fonctionnelle

De nombreux patients toxicomanes qui viennent consulter ont eu une période de laisser-

aller avec une absence de brossage et de soins dentaires qui ont conduit à un délabrement important

des dents. Ces patients se retrouvent donc souvent avec plusieurs dents manquantes ou à l’état de

racine, avec un coefficient masticatoire fortement réduit. De plus, le manque d’esthétique peut être

gênant dans la vie de tous les jours. Les patients, n’osant pas sourire, limitent alors leurs échanges.

Il est donc important de pouvoir rétablir ces deux fonctions indispensables à la vie sociale.

3.1.2 Traitements des douleurs

La raison principale de consultation chez le chirurgien-dentiste est une douleur dans la

sphère buccale. Cette douleur peut être due aux caries, aux infections ou aux problèmes

parodontaux. Dans ces cas-là, il faut traiter l’urgence et essayer de faire le maximum de soins en un

minimum de séances puisque ces patients ne sont souvent pas assidus.

3.1.3 Traitement des foyers infectieux chroniques

Les foyers infectieux chroniques chez les patients immunodéprimés entrainent des risques

d’infections plus importants ; il faut donc les supprimer pour prévenir d’autres infections.

3.2 Thérapeutiques

3.2.1 Prévention

Le toxicomane est un patient à risque carieux élevé. Il faut donc mettre en place avec lui

une bonne hygiène bucco-dentaire et lui donner des conseils nutritionnels lui permettant de limiter

la consommation de boissons et d’aliments sucrés. Il est possible de réaliser des applications

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

27

topiques de fluor sous forme de vernis ou de gel, et de prescrire des bains de bouche fluorés en

complément des dentifrices fluorés. Le fluor va favoriser la reminéralisation des surfaces dentaires

et inhiber le processus cariogène. Pour obtenir un bon résultat, il faut que le patient soit motivé. Si

les conseils d’hygiène ne sont pas respectés, le chirurgien-dentiste devra le prendre en compte dans

son plan de traitement et privilégiera les extractions par rapport aux soins conservateurs.

3.2.2 Soins conservateurs

Dans un premier temps, il est important de connaître les antécédents médicaux du patient.

En effet, le toxicomane a souvent un risque infectieux dû à son immunodépression. Il faut donc

communiquer avec son médecin traitant pour déterminer s’il y a un risque lors des traitements

invasifs (traitements endodontiques, extractions…).

Lors des soins de caries profondes, il sera préférable de prévoir une antibioprophylaxie et

la mise en place de la digue, puisqu’il existe un risque de dévitalisation de la dent suite à une

effraction pulpaire. Dans ce cas, le traitement endodontique devra être réalisé dans la séance pour

limiter les risques infectieux.

Les soins de caries peu profondes seront effectués sur le moins de séances possibles, en

essayant de réaliser plusieurs évictions carieuses lors d’une seule séance. L’amalgame est

largement conseillé pour ces patients à risque carieux élevé car il a une bonne étanchéité, une

bonne durabilité, et il entraîne moins de reprises carieuses par rapport au composite. Le ciment

verre ionomère, qui présente l’avantage de relarguer du fluor, pourra aussi être utilisé pour les

restaurations vestibulaires.

Les soins conservateurs seront privilégiés pour les patients motivés ayant amélioré leur

hygiène bucco-dentaire et diminué leur consommation de drogue. Sinon, le risque de reprise de

carie est trop important et le patient risque de ne pas revenir pour continuer les soins dentaires.

3.2.3 Extractions dentaires

Le consommateur de substances illicites consulte le plus souvent alors que ses lésions sont

à un stade avancé, soit par peur, soit car il n’a pas de douleurs. Il faut alors envisager un traitement

radical visant à extraire les dents trop détériorées.

La cocaïne bloque la conduction nerveuse de la même manière que les anesthésiques

locaux utilisés en Odontologie (articaïne, lidocaïne, xylocaïne). Son activité vasoconstrictrice

amplifie la réponse du corps humain à l’épinéphrine (vasoconstricteur présent dans les

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

28

anesthésiques dentaires), ce qui peut entraîner une augmentation de la tension artérielle. Il est donc

conseillé de décaler de 6 à 24 h les extractions dentaires après une prise de cocaïne.20

Les toxicomanes sont souvent anxieux à l’idée d’aller chez le chirurgien-dentiste et de se

faire soigner. Si c’est le cas, il sera préférable de réaliser les extractions multiples sous anesthésie

générale, d’autant plus que ces patients ont un risque hémorragique dû à la thrombopénie et un

risque infectieux qui seront plus faciles à gérer en milieu hospitalier (transfusion de plaquettes si

nécessaire).

La cicatrisation peut être plus lente en raison de l’immunodépression et de la dénutrition, et

les complications des extractions comme les alvéolites sont plus fréquentes chez le patient

toxicomane que dans la population générale.

3.2.4 Traitement des troubles salivaires

Dans un premier temps, il est important de conseiller au patient d’arrêter sa consommation

de drogue, ce qui permettra de rétablir le flux salivaire. Le retour à la normale peut être long si la

prise de drogue avait lieu de manière chronique.

Pour prévenir la présence de caries due à la xérostomie, il est conseillé de prescrire un

apport quotidien de fluor en complément d’une hygiène bucco-dentaire rigoureuse. La sécrétion

salivaire peut être stimulée en utilisant des gommes à mâcher sans sucre entre les repas et en

s’hydratant régulièrement.

Les bains de bouche qui contiennent de l’alcool sont à éviter car ils ont tendance à assécher

la bouche. Il vaut mieux utiliser des bains de bouche à base de chlorhexidine ou bicarbonatés.

Il est également conseillé de limiter la consommation de caféine, ainsi que celle d’alcool et de

tabac.

Des sprays buccaux contre l’hyposialie, comme Aequasyal®, peuvent être prescrits. Leurs

effets sont triples : lubrifiant et adhésif (avec constitution d’un film lipidique dont le rôle est de

limiter la perte en eau et de restaurer la viscoélasticité de la muqueuse buccale), protecteur contre

les agressions locales.

En dernier recours, si le traitement de première intention est insuffisant, un traitement

pharmacologique par voie générale sera envisagé : des sialogogues permettant de stimuler la

sécrétion salivaire seront prescrits.

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

29

3.2.5 Traitements des candidoses

Le traitement des candidoses buccales repose sur les antifongiques locaux dans un premier

temps. Si le traitement par voie locale est inefficace, un traitement sera administré par voie

générale.

Les antifongiques locaux sont l’amphotéricine B (Fungizone®), le miconazole (Daktarin

®

gel buccal), la nystatine (Mycostatine®) et l’itraconazole (Sporanox

®). En complément, il est

recommandé d’utiliser un bain de bouche antiseptique et une solution de bicarbonate de sodium

dilué dans l’eau.

Les antifongiques généraux sont le fluconazole (Triflucan®) et le kétoconazole (mais celui-

ci est toxique pour le foie).

3.2.6 Traitement du bruxisme et des troubles articulaires

« Le bruxisme est une parafonction, diurne ou nocturne, se traduisant par un grincement

et/ou serrement des dents induit par une activité rythmique ou spasmodique involontaire des

muscles masticateurs. »28

Il entraîne une fatigue musculaire, des myalgies, ainsi qu’une

détérioration des faces occlusales des dents. Dans le cas des toxicomanes, la drogue agit sur le

système dopaminergique qui va activer les muscles masticateurs, entraînant des myalgies. Pour

diminuer ces douleurs, le patient devra diminuer voire arrêter sa consommation de drogues. Sinon,

le praticien pourra lui prescrire des antalgiques et des anti-inflammatoires non stéroïdiens sur de

courtes périodes, ainsi que des antidépresseurs tricycliques comme par exemple l’amitriptyline

(Laroxyl®). Pour protéger les dents, mais aussi soulager les articulations, on mettra en place une

gouttière de relaxation. Si le patient présente des interférences entre les arcades dentaires, une

rééquilibration occlusale sera réalisée. Le stress étant un facteur étiologique du bruxisme, il sera

conseillé au patient de réaliser une thérapie comportementale pour apprendre à contrôler ce stress,

mais aussi de diminuer les parafonctions entraînant les douleurs articulaires.

3.2.7 Réhabilitation prothétique

Le plan de traitement prothétique va dépendre de la motivation du patient, de son hygiène

bucco-dentaire, de son état bucco-dentaire (nombre de dents manquantes et de dents à extraire),

mais aussi de ses finances et de sa consommation de stupéfiants. Si le patient a une bonne hygiène,

s’il est motivé et si sa dépendance aux drogues évolue positivement, le chirurgien-dentiste pourra

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

30

envisager un plan de traitement plus complexe avec conservation des dents en les couronnant. Le

risque de la solution fixe reste la reprise de carie au niveau cervical, à la jonction entre la couronne

et la gencive, si le patient n’a pas une bonne hygiène. A l’inverse, si le patient n’est pas motivé et

que son hygiène bucco-dentaire, ses habitudes alimentaires et sa consommation de substances

illicites ne s’améliorent pas, le praticien envisagera une solution plus simple avec extraction des

dents très abîmées, sous anesthésie générale s’il y a plus de 5 dents à extraire, et pose de prothèses

amovibles. Ces dernières ont plusieurs avantages pour les patients : les séances au cabinet sont

courtes et peu nombreuses, les prothèses amovibles peuvent évoluer avec la denture du patient (il

est facile de rajouter une ou plusieurs dents sur la prothèse amovible en cas de besoin). Le patient

retrouve 90% de coefficient masticatoire et un sourire esthétique. Par ailleurs, le risque infectieux

est écarté. De plus, le coût est moins élevé que pour une réhabilitation fixe. Cependant, la

xérostomie induite par la consommation de drogues peut rendre le port de ces prothèses

inconfortable. On peut assister à une diminution de leur rétention et à l’apparition d’une stomatite

prothétique (inflammation par frottement de la prothèse sur la muqueuse).2 L’état parodontal et la

mauvaise hygiène bucco-dentaire ne permettent pas d’envisager une solution implantaire car les

patients présentent très souvent une perte osseuse importante.

Figure 20 : Arbre décisionnel. Prise en charge bucco-dentaire d’un patient souffrant de plusieurs

addictions.2

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

31

3.3 Précautions à prendre

3.3.1 Principaux risques généraux

3.3.1.1 Pathologies générales

Les drogues peuvent avoir différents effets sur l’organisme :

- une intoxication aiguë, ou overdose, qui se traduit par une dépression respiratoire, une bradypnée,

une bradycardie, une hypotension et un myosis. Elle peut aller jusqu’au coma pour l’héroïne. A

l’inverse, la cocaïne et l’ecstasy déclenchent une hyperthermie, une hypertension artérielle, une

tachycardie, une tachypnée, une mydriase et des convulsions ou tremblements associés à des sueurs

abondantes.

- des complications cardiovasculaires telles que l’arythmie, l’hypertension artérielle, le spasme

artériel (pour l’héroïne), le spasme coronaire (cocaïne), la myocardite, l’arrêt cardiaque.

- des complications respiratoires comme l’embolie pulmonaire, l’asthme, l’œdème aigu du

poumon, des hémorragies alvéolaires et des infections broncho-pulmonaires (cocaïne), des fibroses

pulmonaires et des emphysèmes (ecstasy).

- des complications hépatiques telles que la cirrhose (héroïne), l’hépatite cytolytique (cocaïne et

ecstasy), la stéatose hépatique, la fibrose hépatique, l’hépatite ischémique (ecstasy).

- des complications rénales, notamment l’insuffisance rénale aiguë.

- des complications neurologies telles que l’accident vasculaire cérébral hémorragique ou

ischémique, des nausées ou des vomissements, des convulsions et des céphalées.29

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

32

La cocaïne a une action sympathomimétique entraînant notamment une vasoconstriction puissante

et pouvant être à l’origine d’infarctus du myocarde.30

3.3.1.2 Risque infectieux pour les patients immunodéprimés

L’héroïne favorise la survenue de nombreuses maladies infectieuses comme le syndrome

d’immunodéficience acquise, les hépatites A, B et C, et certaines infections pulmonaires. Ces

infections sont favorisées par le mode de vie des toxicomanes et le mode de prise de la drogue

(prise intraveineuse avec des aiguilles non stériles, réutilisées, voire échangées), mais aussi par

l’immunodépression que provoquent les drogues. Comme nous l’avons vu précédemment, les

drogues ont un effet négatif sur les cellules de l’organisme, notamment les cellules de l’immunité

telles que les monocytes et les lymphocytes. Elles entrainent une diminution de la quantité de

cytokines produites par les cellules immunitaires.17

L’immunodépression crée donc un risque infectieux lors des soins dentaires. Il est

important de bien connaître l’état de santé du patient avant de le soigner ; si le risque infectieux est

important, on réalisera une antibioprophylaxie avant les soins invasifs tels que les extractions, les

traitements endodontiques et les détartrages. Cette antibioprophylaxie consistera généralement à

donner 2 grammes d’amoxicilline une heure avant le rendez-vous. En cas d’allergie aux

bétalactamines, on prescrira 600 mg de clindamycine.31

Il sera très important d’éliminer tous les

risques infectieux dans la sphère buccale des patients immunodéprimés.

3.3.1.3 Risque d’endocardite infectieuse

Les patients à risque d’endocardite infectieuse doivent être connus car tous les traitements

ne seront pas possibles chez eux. Si un patient à une infection sur une dent dévitalisée ou une dent

nécrosée, le retraitement ne sera pas conseillé, même sous antibiothérapie prophylactique. Les

chirurgies péri-apicales et parodontales sont aussi contre-indiquées. Les anesthésies intra-

ligamentaires sont aussi fortement déconseillées chez les patients à risque.

Une dent atteinte de pulpite aiguë chez un patient à risque d’endocardite infectieuse pourra

être traitée mais en une seule séance. Les dents trop délabrées seront extraites avec une

antibiothérapie prophylactique.31

Tous les toxicomanes par voie intraveineuse doivent être considérés comme des patients à

risque d’endocardite infectieuse.30

FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

33

3.3.2 Gérer l’inefficacité relative de l’anesthésie locale

Bien que cela n’ait pas été démontré scientifiquement, il est reconnu que les patients

toxicomanes ont une résistance à l’anesthésie. Cela est souvent dû à l’anxiété du patient, mais aussi

à la métabolisation plus rapide des anesthésiques dans l’organisme des consommateurs de drogues.

Généralement, une quantité plus importante d’anesthésique est nécessaire chez ces patients. La

prévalence d’insuffisance hépatique contre-indique l’utilisation de molécules anesthésiques à

fonction amide (lidocaïne), car elles ont une dégradation hépatique. Il est préférable d’utiliser

l’articaïne ou la mépivacaïne qui sont moins hépatotoxiques.32

Il existe un risque infectieux lors d’une anesthésie chez les patients ayant une mauvaise

hygiène ou des lésions de la muqueuse orale associées à une immunodépression. Dans ce cas, il est

recommandé de désinfecter le site avant de procéder à l’anesthésie. De nos jours, les risques liés à

l’anesthésie sont beaucoup moindres, car les anesthésiques à fonctions esters qui étaient

responsables d’allergies ne sont pratiquement plus utilisés. Néanmoins, il existe toujours le risque

lié à l’utilisation des vasoconstricteurs adrénergiques car, lorsqu’ils sont associés à la cocaïne, ils

peuvent provoquer des complications cardio-vasculaires.33

L’anesthésie générale est souvent préférée lorsqu’il y a un nombre important d’actes à réaliser,

notamment d’extractions.

3.3.3 Prescription médicamenteuse

Chez les patients toxicomanes, il est préférable de prescrire des antalgiques de niveau I

(paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens) pour éviter que l’utilisation des médicaments ne

soit détournée. La posologie nécessite d’être augmentée à cause de la tolérance que développent

ces patients suite à la prise de drogues. Néanmoins, il est important de tenir compte d’éventuelles

dysfonctions hépatiques ou rénales lors de la prescription.

Les dérivés morphiniques (Moscontin®, Skenan

®) et la codéine ne doivent pas être prescrits chez

les patients ayant un traitement de substitution aux opiacés de type Subutex®. En effet, leur action

antalgique est inefficace puisqu’ils possèdent une plus faible affinité pour les récepteurs µ que la

buprénorphine. Dans ce cas, il est important de collaborer avec le médecin traitant pour modifier la

dose du traitement de substitution ou de le remplacer par une ordonnance de méthadone.15

Il est important de rédiger les ordonnances afin que le patient ne puisse pas les modifier s’il

souhaite détourner l’usage de ces molécules. Les nombres doivent être écrits en toutes lettres.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’amoxicilline (Clamoxyl®) est un antibiotique à large

spectre prescrit en première intention ou en antibiothérapie prophylactique chez les patients à

risque infectieux. En cas d’allergie aux bétalactamines, le chirurgien-dentiste prescrira de la

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34

spiramycine. Si le chirurgien-dentiste suspecte que le germe en cause est anaérobie, il associera à la

pénicilline (ou à la spiramycine) du métronidazole (Flagyl®).

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35

CONCLUSION

De nos jours, les drogues dures sont de plus en plus consommées par la population. Nous

aurons donc de plus en plus souvent des patients toxicomanes à prendre en charge au cabinet

dentaire. Il est important de connaître la quantité et le type de drogues consommées par le patient

pour établir un plan de traitement adapté. En effet, la prise en charge du patient diffère selon

plusieurs variables telles que sa motivation, son hygiène bucco-dentaire et sa consommation de

substances illicites.

Les actions des drogues au niveau de la sphère buccale diffèrent : la cocaïne, ainsi que

l’ecstasy, peuvent notamment entrainer des troubles de l’articulation temporo-mandibulaire avec

des douleurs musculaires et cervico-faciales, ainsi qu’un bruxisme causant des abrasions dentaires.

La cocaïne, comme l’héroïne, va aussi agir au niveau de la sécrétion salivaire développant une

xérostomie pouvant altérer le gout et augmenter la formation de caries. Le cannabis, l’héroïne et la

cocaïne ont un effet négatif sur le parodonte pouvant aller jusqu’à la maladie parodontale.

Pour un patient prêt à diminuer, voire à arrêter sa consommation de drogues, le chirurgien-

dentiste prévoira une prise en charge globale avec une réhabilitation prothétique pouvant

comprendre des prothèses fixes et/ou amovibles. A l’inverse, pour un patient n’ayant pas de

motivation, consultant seulement en urgence, le chirurgien-dentiste réalisera tous les soins en

commençant toujours par les plus urgents, l’important étant de rapidement soulager le patient.

Connaitre l’addiction du patient permet aussi d’être préparé aux éventuels risques des soins

réalisés. Notamment, s’il y a un risque infectieux, la prise en charge ne sera pas la même, elle

nécessitera une antibiothérapie prophylactique.

Si les patients présentent un nombre de dents à extraire trop important, il est conseillé de

réaliser les extractions en une seule fois sous anesthésie générale. En effet, les patients sont souvent

angoissés à l’idée de venir chez le chirurgien-dentiste et cela permet de les traiter efficacement et

rapidement.

La planification des rendez-vous devra être organisée avec le patient en précisant bien les

objectifs. Le praticien devra envisager des séances courtes et rassurer le patient par rapport à sa

crainte de la douleur.

Bien que les soins dentaires ne semblent pas être la priorité pour les toxicomanes, la prise

en charge dentaire peut agir sur l’estime de soi en redonnant au patient une meilleure élocution et

mastication, mais aussi un sourire esthétique, tout cela jouant pour beaucoup dans la

réappropriation sociale. Aujourd’hui, le chirurgien-dentiste est trop peu souvent associé aux

équipes de prise en charge, que ce soit dans une approche globale de santé publique, et a fortiori

comme soignant. Il serait souhaitable par exemple de proposer des consultations dentaires au sein

des hôpitaux prenant en charge les toxicomanes.

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FELIX (CC BY-NC-ND 2.0)

N° 2015 LYO 1D 95

FELIX (Coralie) – Manifestations orales associées à la toxicomanie et prise en charge au cabinet dentaire

(Thèse : Chir. Dent. : Lyon : 2015.95) N°2015 LYO 1D 95

La toxicomanie est une « habitude de consommer de façon régulière et importante des

substances susceptibles d’engendrer un état de dépendance psychique et/ou physique. » La

consommation de drogues illicites étant de plus en plus développée, la présence de patients

toxicomanes au cabinet dentaire a tendance à se banaliser.

Les individus ayant une consommation importante de substances illicites ont plus de risques

d’avoir une mauvaise santé bucco-dentaire pour des raisons variées comme un mauvais régime

alimentaire, une hygiène bucco-dentaire non assidue et une démotivation pour les soins dentaires.

En effet, la consommation de drogues peut entrainer une xérostomie due à l’hyposalivation, une

érosion de l’émail, des caries et des maladies parodontales.

La prise en charge au cabinet dentaire dépend de la motivation du patient mais aussi de son état

bucco-dentaire. En effet, le chirurgien-dentiste devra décider s’il est préférable de réaliser des

prothèses amovibles après des extractions multiples ou si la solution fixe est envisageable.

Connaitre l’addiction du patient permet aussi d’être préparé aux éventuels risques des soins

réalisés. Notamment, s’il y a un risque infectieux, la prise en charge ne sera pas la même, elle

nécessitera une antibiothérapie prophylactique.

Rubrique de classement :

Hygiène, prophylaxie, prévention

Mots clés :

- Toxicomanie - Omnipratique - Prévention

Mots clés en anglais :

- Drugs - General practice - Prevention

Jury :

Président : Assesseurs :

Monsieur le Professeur Jean-Christophe Farges Monsieur le Docteur Arnaud Lafon Madame le Docteur Marion Lucchini Madame le Docteur Hanène Ayari

Adresse de l’auteur :

Coralie, FELIX 11 rue Lamartine 69740 GENAS

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