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Dolt-on faire baisser le cholesterol : Pourquoi, quand, comment ? Efficacite preventive de I'abaissement B. JACOTOT* du cholesterol. L'~tude de la distribution de la cholest~rol~mie dans diff6rentes populations a bien montr~ que la cholest~rolemie moyenne etait reliee positivement & I'incidence des cardiopathies isch~miques observ~es dans cette population. Par ailleurs, le risque cardio- vasculaire n'apparaft pas & partir d'un niveau d~fini de la cholest~rol~mie (seuil) mais augmente de fa(~on conti- nue des valeurs les plus faibles vers les plus elev~es selon une courbe exponentielle. A partir de ces donn~es, on peut se poser deux questions fondamentales ? : -- y a-t-il un taux de cholesterol souhaitable ?, -- quel b~n~fice, en terme de prevention primaire et secondaire, peut-on tirer de I'abaissement du cho- lest6rol ? 1) Y a-t-il un taux de cholesterol souhaitable ? Si I'on se basalt uniquement sur la morbidit~ et la mortalit~ cardio-vasculaire, il est bien clair qu'un taux tres bas de cholesterol, inf~rieur & 1,60 g/I, serait souhaitable. D'ailleurs, on salt que dans la population dont la cholesterol~mie moyenne est inferieure & 1,60 g/I, il n'y a pratiquement pas de maladie isch6mique, m~me chez les hypertendus, les diab6tiques et les grands fumeurs. Cependant, I'examen de la courbe de mortalit~ toutes causes en fonction du taux de cholesterol montre qu'il s'agit d'une courbe en J, avec augmentation de la morta- lit~ pour les valeurs de cholesterol inferieures & 1,80 g/l. II apparaft de plusieurs etudes que les taux optimaux de cholesterol, pour obtenir la mortalit~ totale la plus basse, doivent-~tre compris entre 1,8 et 2,2 g/I pour le cholesterol total, et que la valeur souhaitable est 2 g/l. Ce taux a d'ailleurs ~t~ consider~ comme le meilleur pour tousles organismes et consensus dans le monde. 2) Quel benefice peut-on tirer, en terme de preven- tion, de I'abaissement du cholest(~rol ? Plus d'une vingtaine d'essais randomises englobant plus de 40 000 sujets ont ~valu6 la prevention cardio- vasculaire par r~duction de la cholest6rol6mie. II faut envisager les resultats selon qu'il s'agit de prevention primaire ou secondaire. II ressort des etudes de prevention primaire menses jusqu'ici qu'une baisse significative des 6v~nements coronariens peut ~tre obtenue par I'abaissement de la cholest6rol~mie. Dans les deux ~tudes les plus r6centes de prevention medicamenteuse, une baisse de 8 % du cholesterol entraTne une r6d~ction significative d'ev~nements coronariens de 15 pour 1000 patients trait6s pendant 5 & 7 ans. En prevention secondaire, apr~s un infarctus du myo- carde, le b~n~fice de I'abaissement de la cholest~rol~mie sur I'incidence de la maladie coronaire apparaTt globalement le meme qu'en prevention primaire, en terme de risque relatif. N6anmoins, compte-tenu d'une incidence d'accidents coronariens plus 6levee dans cette population ayant une maladie coronarienne, le ben6fice en terme de risque absolu est bien meilleur en prevention secondaire qu'en prevention primaire. En ce qui concerne la mortalit~ globale, le benefice en prevention primaire reste a prouver. En prevention se- condaire, une tendance & la baisse de la mortalit6 globale est observ6e. Comme I'a r~cemment soulign~ I. Holme, il faudrait probablement obtenir une baisse d'au moins 8 & 9 % de la cholesterolemie totale pour que le benefice, en terme de mortalite cardio-vasculaire, soit suffisamment important pour contrebalancer un ~ventuel effet nefaste des traitements hypocholest6rol6miants ;dans ces con- ditions, on pourrait s'attendre & un ben6fice en terme de mortalit6 globale. Enfin, il semble bien que plus la cholest~rolemie de depart est elev6e, plus on peut atten- dre un b6nefice du traitement hypocholest~rol6miant en terrne de morbidite et de mortalite cardio-vasculaire, et donc en terme de mortalite globale. 1. 2. BIBLIOGRAPHIE EMMERICH Jet coil. Arch Mal Coeur 1992 ; 85 (111) : 59-65. HOLME L. Circulation 1990 ; 82 : 1916-24. * Service de M6decine Interne, Nutrition et M6tabolisme des Lipides ; HSpital Henri Mondor ; 94010 CRE-TEIL Cedex. 372 La Revue de Medecine Interne Juin

Doit-on faire baisser le cholestérol: Pourquoi, quand, comment? Efficacité préventive de l'abaissement du cholestérol

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Dolt-on faire baisser le cholesterol : Pourquoi, quand, comment ? Efficacite preventive de I'abaissement B. JACOTOT*

du cholesterol.

L'~tude de la distribution de la cholest~rol~mie dans dif f6rentes populat ions a bien montr~ que la cholest~rolemie moyenne etait reliee positivement & I'incidence des cardiopathies isch~miques observ~es dans cette population. Par ailleurs, le risque cardio- vasculaire n'apparaft pas & partir d'un niveau d~fini de la cholest~rol~mie (seuil) mais augmente de fa(~on conti- nue des valeurs les plus faibles vers les plus elev~es selon une courbe exponentielle.

A partir de ces donn~es, on peut se poser deux questions fondamentales ? :

- - y a-t-il un taux de cholesterol souhaitable ?, - - quel b~n~fice, en terme de prevention primaire et

secondaire, peut-on tirer de I'abaissement du cho- lest6rol ?

1) Y a-t-il un taux de cholesterol souhaitable ?

Si I'on se basalt uniquement sur la morbidit~ et la mortalit~ cardio-vasculaire, il est bien clair qu'un taux tres bas de cholesterol, inf~rieur & 1,60 g/I, serait souhaitable. D'ailleurs, on salt que dans la population dont la cholesterol~mie moyenne est inferieure & 1,60 g/I, il n'y a pratiquement pas de maladie isch6mique, m~me chez les hypertendus, les diab6tiques et les grands fumeurs.

Cependant, I'examen de la courbe de mortalit~ toutes causes en fonction du taux de cholesterol montre qu'il s'agit d'une courbe en J, avec augmentation de la morta- lit~ pour les valeurs de cholesterol inferieures & 1,80 g/l. II apparaft de plusieurs etudes que les taux optimaux de cholesterol, pour obtenir la mortalit~ totale la plus basse, doivent-~tre compris entre 1,8 et 2,2 g/I pour le cholesterol total, et que la valeur souhaitable est 2 g/l. Ce taux a d'ailleurs ~t~ consider~ comme le meilleur pour tousles organismes et consensus dans le monde.

2) Quel benefice peut-on tirer, en terme de preven- tion, de I 'abaissement du cholest(~rol ?

Plus d'une vingtaine d'essais randomises englobant plus de 40 000 sujets ont ~valu6 la prevention cardio-

vasculaire par r~duction de la cholest6rol6mie. II faut envisager les resultats selon qu'il s'agit de prevention primaire ou secondaire.

II ressort des etudes de prevention primaire menses jusqu'ici qu'une baisse significative des 6v~nements coronariens peut ~tre obtenue par I'abaissement de la cholest6rol~mie. Dans les deux ~tudes les plus r6centes de prevention medicamenteuse, une baisse de 8 % du cholesterol entraTne une r6d~ction significative d'ev~nements coronariens de 15 pour 1000 patients trait6s pendant 5 & 7 ans.

En prevention secondaire, apr~s un infarctus du myo- carde, le b~n~fice de I'abaissement de la cholest~rol~mie sur I'incidence de la maladie coronaire apparaTt globalement le meme qu'en prevention primaire, en terme de risque relatif. N6anmoins, compte-tenu d'une incidence d'accidents coronariens plus 6levee dans cette population ayant une maladie coronarienne, le ben6fice en terme de risque absolu est bien meilleur en prevention secondaire qu'en prevention primaire.

En ce qui concerne la mortalit~ globale, le benefice en prevention primaire reste a prouver. En prevention se- condaire, une tendance & la baisse de la mortalit6 globale est observ6e. Comme I'a r~cemment soulign~ I. Holme, il faudrait probablement obtenir une baisse d'au moins 8 & 9 % de la cholesterolemie totale pour que le benefice, en terme de mortalite cardio-vasculaire, soit suffisamment important pour contrebalancer un ~ventuel effet nefaste des traitements hypocholest6rol6miants ;dans ces con- ditions, on pourrait s'attendre & un ben6fice en terme de mortalit6 globale. Enfin, il semble bien que plus la cholest~rolemie de depart est elev6e, plus on peut atten- dre un b6nefice du traitement hypocholest~rol6miant en terrne de morbidite et de mortalite cardio-vasculaire, et donc en terme de mortalite globale.

1.

2.

BIBLIOGRAPHIE EMMERICH J e t coil . Arch Mal Coeur 1992 ; 85 (111) : 59-65.

HOLME L. Circulation 1990 ; 82 : 1916-24.

* Service de M6decine Interne, Nutrition et M6tabolisme des Lipides ; HSpital Henri Mondor ; 94010 CRE-TEIL Cedex.

372 La Revue de Medecine Interne Juin