Upload
others
View
1
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
Economie des transports (cours 8/9)
Master TLTE - Université Paris 4
Année 2016 – 2017
Martin Koning - IFSTTAR SPLOTT
Plan du cours • Cours 1 : Introduction
• Cours 2 : Transports de marchandises
• Cours 3 : Transports de voyageurs
• Cours 4 : Transports urbains
• Cours 5 : Coûts sociaux des transports
• Cours 6 : Politiques publiques
• Cours 7 : Exemples de calculs socio-éco
• Cours 8 : Transports et choix de localisation
• Cours 9 : Examen
• Le modèle de Von Thuenen
• La Nouvelle Economie Géographique
• Le modèle Alonso-Muth-Mills
• Transports et productivité urbaine
• (+ exercice en fin de slides)
Plan du cours 8
Transports et organisation de l’espace
• Modèle de Von Thuenen (1826) : modèle agricole initialement, transposable aux activités industrielles et urbaines
• Von Thuenen était un propriétaire foncier : vaste domaine (465 ha) à Tellow (Prusse) entouré de forêts, avec un marché central
• Il se demandait où localiser ses champs de céréales, ses vaches, et ses fromageries ?...
• Le transport de lait coûtait très cher, car il tournait vite (avant la découverte de la pasteurisation), et il y avait donc de lourdes pertes
• Au contraire, des fromages de garde pouvaient se transporter facilement (et les céréales se situaient entre les deux produits)
Notations
• Trois productions (indicées par i) :
– i=1 : le lait
– i=2 : les céréales
– i=3 : les fromages
• qi , quantité de produit i produite par hectare
• pi , prix de vente sur le marché d’une quantité qi de produit i
• ci , coût de production d’une quantité qi
• ki , coût de transport d’une quantité qi
Maximisation du bénéfice
• Le bénéfice par unité de surface (par ha) lié à la production du produit i situé à une distance D du marché central est :
bi (D) = pi - ci - (ki . D)
• Au point D, si b1(D)>b2(D) et b1(D)>b3(D), on produira alors du lait
• Grâce aux différentes fonctions de bénéfices, on sait où localiser les productions
La localisation des productions
• Construction du graphique : – Le coût élevé du transport du lait implique une plus forte
pente que pour les céréales ou les fromages – Le bénéfice par ha pour le lait est plus élevé que pour les
céréales ou les fromages : l’ordonnée à l’origine pour le lait est plus grande que celle des céréales et des fromages
• Les fromages à pâtes molles (les plus durs à transporter) se trouvent relativement plus proches du marché (parisien)
La rente foncière (1)
• Si Von Thuenen loue ses terres à des fermiers, à un prix R(D), le bénéfice par ha devient :
bi (D) = pi - ci - (ki . D) - R (D)
• Pour une distance D donnée, c’est le fermier qui choisit la production la mieux adaptée qui pourra payer le loyer le plus élevé
• Le propriétaire du sol peut donc obtenir une rente égale au bénéfice par ha sans rente
• Rem : résultat valable si un seul propriétaire foncier et de nombreux agriculteurs (profit nul)
La rente foncière (2)
• NB : le graphique du haut représente la localisation des activités, celui du bas la rente (à chaque fois par rapport à la distance au marché)
La Nouvelle Economie Géographique (NEG)
• Travaux fondateurs de P. Krugman (1991)
• Lors de leurs choix de localisation, les firmes doivent arbitrer entre coûts de transports et rendements d’échelle croissants : – La production augmente plus que proportionnellement si on accroit les
inputs = baisse du coût unitaire
– Cela provient des coûts fixes et/ou des externalités positives (voir plus loin)
• Pour les activités à rendements croissants, les firmes situées dans les grands marchés sont plus compétitives et exportent donc relativement plus (« Home market effect », Head et Mayer, 2004)
• Si les facteurs de production (capital et travail) sont mobiles, les activités vont donc s’agglomérer dans les grandes régions : structure « centre-périphérie »
Conséquences • Les nouvelles infrastructures et/ou les changements de
technologie/législation qui abaissent les coûts de transport peuvent engendrer un « effet de drainage »
• Loin d’aider les régions périphériques à se développer, ces évolutions peuvent conduire à une polarisation excessive dans les « centres » (les espaces les plus efficaces), au détriment des « périphéries »
• Remarque : ce constat met à mal la politique européenne visant à promouvoir l’égalité régionale (FEDER et construction de « corridors » transnationaux)
• Dilemme « croissance vs. cohésion » (= efficacité vs. équité)
• Exemple : autoroutes italiennes construites sous Mussolini (cela a renforcé le « Mezziogiorno » en facilitant la concentration des activités industrielles dans le Nord du pays)
Un « effet d’échelle » important
• Au niveau européen, les inégalités entre les pays ont baissé depuis 20 ans mais les inégalités infranationales ont augmenté
Des freins à la concentration
• Le processus cumulatif de concentration spatiale impulsé par les forces « centripètes » (grand marché et rendements croissants) n’est cependant pas infini
• Des forces « centrifuges » jouent également : – Rareté de la main d’œuvre (qui coûte alors plus cher) – Rareté du foncier – Congestion (transports, criminalité, environnement…)
• Si les coûts de transport deviennent très faibles, les
firmes pourraient aller se localiser en périphérie (pour éviter les coûts d’agglomération) et servir facilement le grand marché (car forte accessibilité)
La « courbe en cloche » du développement régional
• Répartition déséquilibrée des activités pour des coûts de transport intermédiaires, équilibrée pour des coûts de transport faibles ou élevés
Le cas français • Combes et Lafourcade (2001) : les coûts des transports
routiers en France ont baissé de 38% entre 1978-1998 (essentiellement car baisses des consommations de carburants et des salaires, i.e. concurrence plus forte)
• Cela s’est traduit par une concentration des activités et des profits dans les agglomérations centrales (en Ile-de-France essentiellement)
• Ils simulent une nouvelle baisse des coûts de transports de 30% et observent des effets ambigus :
– Au niveau national, baisse de la concentration
– Au niveau régional, hausse de la concentration
• L’Ile-de-France concentrait les profits en 1998 (on pourrait faire la même carte pour la production et l’emploi)
• Avec la baisse des coûts de transport, on voit l’émergence de nouveaux centres (Lyon notamment)
• Toutefois, au sein d’une même région, on voit que les profits se concentrent dans les zones centrales
Von Thuenen à la ville
• Le modèle de Von Thuenen peut s’étendre à l’étude de l’économie urbaine
• Il rend compte pour partie du niveau de la rente foncière urbaine et pour partie de la ségrégation spatiale urbaine (via les choix de localisation des ménages)
• On considère une ville mono-centrique (modèle Alonso-Muth-Mills) avec une zone centrale (CBD) où doivent se rendre les habitants tous les jours pour y travailler
• Trois catégories de population dans la ville : – Les riches : i=1 – Les classes moyennes : i=2 – Les pauvres : i=3
Formalisation • Soit D = la distance au centre de la résidence • Soit R(D) = la rente foncière en fonction de la
distance D au centre (ce que sont prêts à payer les ménages pour habiter à la distance D du centre)
• Soit CGi(D) = le coût généralisé du transport en fonction de la distance D au centre :
CGi(D)=CFi(D)+CTPi(D)
• Le coût du temps passé dans le transport CTPi est le produit du temps passé et d’une valeur unitaire du temps CTPi(D)=TPi(D) * Vti
• CFi(D) représente les dépenses monétaires
Hétérogénéité des coûts de transport
• La valeur du temps est corrélée positivement au revenu des ménages :
Vt1 > Vt2 > Vt3
• Hypothèses importantes :
– Les temps de trajet sont les mêmes à une distance donnée D pour toutes les classes de revenus (mêmes modes de transport utilisés)
– Les coûts de la vie urbaine sont égaux à la somme de la rente foncière et des coûts de transport supportés pour aller travailler dans le centre
Relation d’indifférence • Pour toute classe de revenu i, on doit avoir à l’équilibre :
R(D) + CGi(D) = Constante(i)
• « Relation d’indifférence spatiale », sinon les individus auraient intérêt à habiter là où c’est moins cher
• En différenciant cette fonction par rapport à D (afin de minimiser les coûts), on trouve :
R’(D) = - CG ’i(D) • Remarques : 1) le « ‘ » dans l’équation précédente correspond à la dérivée
première, 2) la dérivée d’une constante est nulle
• Traduction : à l’équilibre, la baisse de la rente foncière lorsqu’on s’éloigne du centre, i.e. si on augmente D, doit être inversement égale à la hausse des coûts de transports
Résolution du problème • On part de : R’(D) = - CG’i(D) • On réécrit pour l’équilibre : CGi’(D)=CF’(D)+TP’(D)*Vti • Le terme de droite permet de connaître la pente (b) de la
fonction de rente foncière (si R(D)= a + b*D) • Les différentes populations (i=1,2,3) ne peuvent se situer
en un même lieu (car Vti varie selon les groupes de revenu)
Ségrégation spatiale
• Conclusion : les riches vivent au centre des villes (pour économiser des coûts de transport supérieurs)
• Remarque : on obtient une figure similaire pour la répartition des activités par rapport au marché (centre)
Prix d’un logement par rapport à la distance à Paris
• Remarque : phénomène de ségrégation renforcé par l’existence de nombreuses aménités dans le centre de Paris (musées, écoles de qualité, divertissements, équipements collectifs) ainsi que par la recherche des « effets de pairs » (habiter avec ses « semblables »)
0
100000
200000
300000
400000
500000
-30 -20 -10 0 10 20 30
distance au centre (km)
euro
s/m
aiso
n
prix d'une maison
Automobile et étalement urbain (1)
• La diffusion des automobiles a eu pour conséquence d’augmenter les vitesses des déplacements (certes à un coût monétaire supérieur)
• Les individus ont donc pu aller habiter plus loin du centre : phénomène de péri-urbanisation
• Première preuve, la “conjecture de Zahavi” (50’-60’) :
– Les hommes se déplacent, de tous temps et en tous lieux, environ 1h30 par jour (“constante universelle”)
– Les gains de temps ont été réinvestis dans des gains d’espace
– En effet, la terre coûte moins cher loin du centre, ce qui permet d’avoir des logements plus grands
• Deuxième preuve, le modèle d’économie urbaine : – Les conditions d’équilibre :
R’(D) = - CG’i(D) et CGi’(D)=CF’(D)+TP’(D)*Vti – Les automobiles correspondent à des coûts monétaires
supérieurs (CF’(D) augmente) MAIS l’effet sur la baisse des vitesses est plus important (TP’(D) augmente moins vite)
– La hausse de CGi’(D) est alors plus faible avec les voitures (et donc R’(D) augmente plus, en valeur absolue)
– En langage non-mathématique, les prix immobiliers baissent plus vite qu’auparavant lorsqu’on s’éloigne du centre
• Les ménages qui souhaitent consommer plus d’espace vont en périphérie (surtout les riches aux USA, en Europe les aménités les « fixent » plus au centre)
• Inversement : si coûts de transport supérieurs, hausse des prix immobiliers au centre (ce qui se passe à Paris)
Automobile et étalement urbain (2)
Représentation graphique
• CL représente la rente foncière et CD les coûts de transport
• Les ménages se localisent là où le coût total (CT) est le plus faible
• Avec la baisse des coûts de transport (CD2<CD1), on observe qu’ils vont habiter plus loin du centre
Conséquences
• L’étalement urbain pose divers problèmes : – Eventuelles pertes de sur-productivité urbaine (voir plus loin)
– Zones peu denses non propices au maillage du réseau de TP
– “Budget transport” en hausse et nombreuses pollutions associées
– “Dépendance automobile” (Newman et Kenworthy, 1989)
• (Quelques) solutions envisagées (mais avec leurs défauts) : – Taxer les voitures et/ou promouvoir les autres modes de transport
– Favoriser la “ville dense”, le “Transport Oriented Development” (urbanisme autour des hubs de TP), voire le poly-centrisme
– Solutions coopératives (co-voiturage, car-pooling)
– Réduire l’attrait du “système automobile” (permis plus compliqué, assurances plus chères, jouer sur l’image, G. Dupuy)
• Relation décroissante entre densité urbaine et consommation de carburants (vision un peu trop “structuraliste” pour certains)
Les villes comme « moteur » économique
• Comme on l’a vu avec la NEG, les activités économiques se concentrent souvent dans les grands espaces urbains (structure « centre vs. périphéries »)
• Historiquement, ce sont en effet les grandes villes qui ont permis l’essor des nations (Braudel, Bairoch, Hall)
• Aujourd’hui, les villes ont un poids bien plus important en matière d'activités économiques que de populations :
– En France : 77 % des emplois sont situés en villes et 81 % des salaires versés le sont dans les pôles urbains, qui ne regroupent pourtant que 61 % de la population (2006)
– Ile-de-France : 20% de la population, 30% du PIB national
• Il existe donc une « sur-productivité » urbaine
Quels mécanismes à l’oeuvre ? • Importance des rendements croissants, issus notamment des
externalités urbaines positives
• D’après Duranton et Puga (2001), 3 grandes externalités urbaines : – “Learning” (apprendre) : la concentration d’individus dans les villes facilite le
transfert des connaissances, au sein d’un même secteur (A. Marshall) mais aussi entre les secteurs (J. Jacobs)
– “Matching” (appariemment) : la concentration spatiale permet aux individus/firmes de trouver la meilleure allocation possible des talents (celle où ils sont les plus efficaces) (rem : plus facile pour un couple de trouver deux “bons” emplois dans une grande ville)
– “Sharing” (partage) : la concentration spatiale permet de mutualiser différents biens indivisibles, d’en partager le financement notamment (ex : infrastructures de transport ou hôpital)
• Les transports urbains sont directement liés à ces externalités et sont donc partie prenante de l’efficacité productive urbaine
Transports et productivité urbaine • Pour Prud’homme et Lee (1999), la productivité urbaine dépend
de la “taille effective du marché du travail” (nombre d’emplois théoriquement accessibles en x minutes de transports, 40 minutes souvent), elle même fonction du nombre de résidents, de l’étalement de la ville et de la vitesse des déplacements
• Ainsi, une nouvelle infrastructure qui augmente la vitesse accroît indirectement la productivité urbaine
• Inversement, la congestion est néfaste pour la productivité
• Remarques : – Si la productivité augmente, les salaires augmentent, ce qui attire en retour
de nouveaux habitants (problème d’inférence causale)
– Cette analyse est de court-terme car supposant que la vitesse et les coûts de transports n’influencent pas les choix de localisation (et donc l’étalement de la ville)
L’approche anglaise (1)
• La taille de la ville est déterminée par un arbitrage des individus entre rente foncière et coûts de transport (modèle AMM)
• Une nouvelle infrastructure augmente la taille de la ville car elle baisse les coûts de transport
• Comme la productivité est fonction de la taille, l’infrastructure génère un gain (δ) • En effet, l’infrastructure va modifier la « densité effective » (1) qui détermine en
retour la productivité de la ville (2) • Il faut une mesure empirique des relations (1), i.e. liens entre distance et densité, et
(2), i.e. liens entre gains de productivité et densité :
• L’élasticité de la productivité par rapport à la densité varie selon les secteurs d’activité : en moyenne, l’élasticité est de 0.03 en France
• L’introduction (future) de la LGV dans le Nord Est de l’Angleterre va accroitre la densité effective de 10-20%
L’approche anglaise (2)
• Les retombées économiques indirectes (« wider economic impatcs ») du projet de RER à Londres se chiffrent à 3 milliards de Livres sterling (24% des bénéfices « conventionnels » pour les usagers)
• Intégrer ces bénéfices aux ACB permet de renforcer la pertinence des investissements (ce qui est « précieux » si on considère que les infrastructures ont des taux de rentabilité socio-économique de plus en plus faibles)
• Des problèmes cependant : – Ce sont des gains théoriques, rien ne garantit que les firmes vont réellement se les approprier
– Les infrastructures ne sont pas localisées de manière aléatoire : l’estimation de l’élasticité de la productivité par rapport à la densité effective est probablement biaisée
– Quid des pertes de productivité pour les espaces périphériques ?
L’approche anglaise (3)
Conclusions
• Les coûts de transport permettent de comprendre les choix de localisation des entreprises (Von Thuenen)
• La NEG a montré qu’une baisse des coûts de transport pouvait conduire à une polarisation spatiale des activités dans les grandes régions, pour profiter des rendements croissants (dilemme « croissance-cohésion »)
• Les coûts de transport urbains sont centraux dans les choix de localisation des ménages (modèle AMM et phénomène de péri-urbanisation liée aux automobiles)
• Les infrastructures de transport peuvent avoir des bénéfices indirects (à intégrer aux VAN) en améliorant la sur-productivité urbaine
Exercice : le modèle AMM
• On considère une ville au sein de laquelle tous les emplois sont localisés au centre (ville mono-centrique)
• Les ménages – que l’on distingue selon trois classes de revenu i - doivent choisir leur localisation en arbitrant entre la rente foncière et les coûts de transport, tous deux fonctions de la distance au centre D :
• Dans la seconde équation le terme de droite correspond à la valorisation des temps de transport, via le coût d’opportunité du temps des individus Wi, lui-même fonction de la classe de revenu i
• Les paramètres k et g représentent la « technologie » de transport (respectivement les dépenses monétaires et la vitesse d’un mode), la même pour tous les ménages
• A l’aide des données suivantes, déterminez les choix de localisation des différents types de ménages, i.e. selon leur classe de revenu
Exercice : le modèle AMM
• On sait que l’équilibre est caractérisé par la « relation d’indifférence spatiale », telle que les ménages n’ont pas intérêt à modifier leur choix de localisation
• Autrement dit, les coûts liés à la vie urbaine doivent être constants à l’équilibre :
• Comme les ménages cherchent à minimiser les coûts, on dérive cette équation :
• On trouve donc :
• A l’équilibre, l’évolution marginale de la rente foncière (lorsqu’on s’éloigne du centre) correspond à l’opposé de l’évolution marginale des coûts de transport
Exercice : le modèle AMM
• On peut réécrire l’équation (3) à l’aide des équations (1) et (2) :
• On déduit des paramètres :
• On peut calculer, les zones de résidence des différents ménages :
• Entre 0 et 5/3 km du centre, on trouve les ménages riches ; entre 5/3 et 10/3 km, les ménages intermédiaires ; au-delà de 10/3 km, les ménages pauvres
Exercice : le modèle AMM