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SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE Séance du 28 mai 2001 Émergences anxieuses à l’adolescence A. Braconnier* Consultation spécialisée pour adolescents et jeunes adultes. ASM XIII, Centre Philippe Paumelle, 11, rue Albert-Bayet, 75013 Paris, France Résumé – La clinique de l’adolescence nous apprend que toutes les formes d’angoisse peuvent se rencontrer. La clinique nosographique nous permet d’observer tous les types d’états anxieux, la clinique psychanalytique de ces états nous amène tout autant à pouvoir différencier, comme Freud nous l’a proposé, ceux dans lesquels domine l’effroi, ceux dans lesquels domine la peur et ceux dans lesquels domine l’angoisse. Les conditions de survenue de ces états constituent une autre question. L’abréaction (le trop de…), l’impréparation (la surprise face à…), le jeu entre deux « scènes » (l’après coup de…) seront souvent évoqués. Si spécificité à l’adolescence il y a, elle réside pour nous dans l’attente d’objet, ce qui pourrait expliquer que l’émergence anxieuse caractéristique pour tous de cette période du développement est ce que nous avons appelé la « menace dépressive », transformation à l’adolescence des angoisses de l’enfant plus jeune. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS adolescent / angoisse / anxiété Summary – Anxiety in adolescents. Clinical experience tells us that all forms of anxiety can be observed in adoles- cents. From a nosological point of view, this is also true. From a psychoanalytical point of view, we can differentiate, as Freud taught us, between states of fright, states of fear, and states with anxiety. The circumstances in which they appear is another matter. Abreaction (too much of), lack of preparation (or surprise), or aftermath will often be mentioned. If there is any specificity about adolescence, it is an expectation for the object. This could explain why the emergence of anxiety during this phase of development is what we called a depressive threat, a transformation during adolescence of the child’s fear. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS adolescent / anxiety Comme aux autres âges de la vie, l’anxiété à l’adoles- cence est un phénomène émotionnel fréquent et ambigu. Comme réponse nécessaire aux événements stressants de cet âge (examen, rencontre amoureuse, première relation sexuelle, etc.), l’anxiété est considérée comme le signe d’un fonctionnement normal. Cette absence de réponse chez certains adolescents, en particulier chez ceux présentant les suites d’une psychose infantile, peut même apparaître comme anormale. De même l’anxiété peut, comme aux autres âges de la vie, être la consé- quence d’un accident ou d’une maladie somatique. Elle peut aussi être la conséquence, et non la cause, d’un trouble psychopathologique : par exemple, chez les anorexiques et les boulimiques l’anxiété n’est pas forcément un facteur causal mais au contraire une conséquence de leur psychopathologie. Néanmoins, là aussi, comme aux autres âges de la vie, après une évaluation attentive éliminant une cause orga- nique ou la survenue d’événements vitaux majeurs, l’anxiété apparaîtra comme le centre de la souffrance de certains adolescents, comme la caractéristique majeure d’un trouble diagnostiqué comme une anxiété patholo- gique. *Correspondance et tirés à part. Ann Méd Psychol 2001 ; 159 : 688-91 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003448701001184/SSU

Émergences anxieuses à l’adolescence

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SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUESéance du 28 mai 2001

Émergences anxieuses à l’adolescence

A. Braconnier*Consultation spécialisée pour adolescents et jeunes adultes. ASM XIII, Centre Philippe Paumelle, 11, rue Albert-Bayet,75013 Paris, France

Résumé – La clinique de l’adolescence nous apprend que toutes les formes d’angoisse peuvent se rencontrer. Laclinique nosographique nous permet d’observer tous les types d’états anxieux, la clinique psychanalytique de ces étatsnous amène tout autant à pouvoir différencier, comme Freud nous l’a proposé, ceux dans lesquels domine l’effroi, ceuxdans lesquels domine la peur et ceux dans lesquels domine l’angoisse. Les conditions de survenue de ces étatsconstituent une autre question. L’abréaction (le trop de…), l’impréparation (la surprise face à…), le jeu entre deux« scènes » (l’après coup de…) seront souvent évoqués. Si spécificité à l’adolescence il y a, elle réside pour nous dansl’attente d’objet, ce qui pourrait expliquer que l’émergence anxieuse caractéristique pour tous de cette période dudéveloppement est ce que nous avons appelé la « menace dépressive », transformation à l’adolescence des angoissesde l’enfant plus jeune. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

adolescent / angoisse / anxiété

Summary – Anxiety in adolescents. Clinical experience tells us that all forms of anxiety can be observed in adoles-cents. From a nosological point of view, this is also true. From a psychoanalytical point of view, we can differentiate, asFreud taught us, between states of fright, states of fear, and states with anxiety. The circumstances in which they appearis another matter. Abreaction (too much of), lack of preparation (or surprise), or aftermath will often be mentioned. Ifthere is any specificity about adolescence, it is an expectation for the object. This could explain why the emergence ofanxiety during this phase of development is what we called a depressive threat, a transformation during adolescence ofthe child’s fear. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

adolescent / anxiety

Comme aux autres âges de la vie, l’anxiété à l’adoles-cence est un phénomène émotionnel fréquent etambigu.

Comme réponse nécessaire aux événements stressantsde cet âge (examen, rencontre amoureuse, premièrerelation sexuelle, etc.), l’anxiété est considérée commele signe d’un fonctionnement normal. Cette absence deréponse chez certains adolescents, en particulier chezceux présentant les suites d’une psychose infantile, peutmême apparaître comme anormale. De même l’anxiété

peut, comme aux autres âges de la vie, être la consé-quence d’un accident ou d’une maladie somatique.

Elle peut aussi être la conséquence, et non la cause,d’un trouble psychopathologique : par exemple, chezles anorexiques et les boulimiques l’anxiété n’est pasforcément un facteur causal mais au contraire uneconséquence de leur psychopathologie.

Néanmoins, là aussi, comme aux autres âges de la vie,après une évaluation attentive éliminant une cause orga-nique ou la survenue d’événements vitaux majeurs,l’anxiété apparaîtra comme le centre de la souffrance decertains adolescents, comme la caractéristique majeured’un trouble diagnostiqué comme une anxiété patholo-gique.*Correspondance et tirés à part.

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ÉTUDES D’ÉPIDÉMIOLOGIE CLINIQUE

Si nous nous limitons au système diagnostique interna-tional, beaucoup de questions restent posées. Pour n’enciter que quelques-unes :– Celle du devenir à l’adolescence de l’hyper-anxiété,de l’anxiété de séparation, des phobies de l’enfance, desTOC. L’évolution respective de ces catégories duDSM-IV est mal connue. Les études rétrospectivesconcernent essentiellement les adultes. En 1972, Abe[1] avait mis en évidence une forte corrélation entre laprésence de symptômes anxieux chez l’adulte et uneforte anxiété pathologique dans leur enfance en inter-rogeant 243 femmes sur leurs symptômes anxieux etleurs peurs actuelles, et leur mère sur la prévalence deces mêmes troubles dans l’enfance de ces patientes.Mais rappelons l’étude de Thyer et al. [8] pour lesquelsseuls 20 % des adultes présentant un trouble anxieuxgénéralisé signalaient un début de ce trouble dansl’enfance ou l’adolescence sous la forme d’une hyper-anxiété. Des études prospectives s’appuyant sur deséchantillons homogènes suivis pendant des durées suf-fisantes manquent dans toutes les catégories.

Seules certaines phobies simples particulières (phobiedu sang, phobie des blessures corporelles) seraientretrouvées inchangées à l’adolescence et à l’âge adulte[7].

En revanche des études portant sur des dimensionscomportementales (inhibition anxieuse en particulier)montrent une assez grande continuité de l’enfance àl’adolescence (étude de Kagan et al. [6]).– Celle du devenir à l’adolescence du trouble anxiétéde séparation. Une étude intéressante a comparé troisgroupes : un groupe de jeunes enfants âgés de cinq àhuit ans, un groupe d’enfants d’âge moyen entre neuf etdouze ans, et un groupe d’adolescents âgés de treize àseize ans [3]. Cette étude a montré que les symptômesvariaient selon l’âge. Par exemple les plaintes physiquesmanifestes le jour d’école étaient systématiques chez lesadolescents (100 %) alors que seulement deux tiers desenfants d’âge moyen et un tiers des jeunes enfants s’enplaignaient. Les symptômes les plus fréquents chez lesadolescents étaient le dégoût, le refus d’aller à l’école etles plaintes corporelles les jours d’école. Les symptômesles plus fréquents chez les enfants du groupe intermé-diaire étaient la détresse lors d’une situation de sépara-tion et le retrait, l’apathie, la tristesse ou la faible capacitéde concentration quand ils étaient séparés. Chez les plusjeunes les symptômes les plus fréquents étaient la peurqu’il arrive quelque chose à la figure d’attachement et lapeur qu’un événement grave sépare l’enfant de sa figured’attachement. Cette étude, complétée par d’autres,montre de plus que le trouble angoisse de séparation, àmesure que l’on s’approche de l’adolescence, diminue,

alors que le trouble phobie scolaire augmente. Enfin,l’hypothèse que l’angoisse de séparation est un facteurde prédisposition aux troubles paniques est maintenantbien connue.– Une autre question est l’âge du pic de survenue desdifférents troubles anxieux. Au cours de l’adolescence ila été dit que survenaient statistiquement d’abord lesphobies scolaires, puis les phobies sociales, puis l’agora-phobie. De même une étude récente a montré que lestroubles paniques devenaient de plus en plus fréquentsau fur et à mesure du développement pubertaire, commesi le phénomène pubertaire lui-même favorisait l’émer-gence de nouvelles formes cliniques d’anxiété [5].

Ces quelques questions sémiologiques étayent l’idéeque l’adolescence permet l’émergence de nouvellesformes d’anxiété, idée qui reste cependant pour unegrande part à préciser.

CLINIQUE PYCHOPATHOLOGIQUE

Si nous abordons la psychopathologie proprement dite,la théorie freudienne de « l’après-coup » est au centre dela question de l’émergence anxieuse à l’adolescence :mais doit-on parler d’émergence ou de réémergence ?Pour ma part, je distingue trois modalités psychologi-ques d’émergence anxieuse à l’adolescence :– L’angoisse pubertaire, liée aux incertitudes de ce quej’appelle le « corps libéré », c’est-à-dire d’un corps libérédes contraintes du développement n’ayant pas encorepermis à l’enfant de pleinement pouvoir jouir del’ensemble des potentialités du corps humain, commechez ce garçon en psychothérapie pour une phobie duvisage qui déplaçait et projetait sur son visage sesangoisses sexuelles.– L’angoisse décisionnelle liée aux incertitudes du« psychisme libéré », c’est-à-dire d’un psychisme libérédes identifications de l’enfance, en particulier œdi-piennes, aux imagos parentales et donc aux choix paren-taux, comme chez cette jeune fille adoptée devant choisirentre la crainte de ressembler à sa mère adoptive et cellede ressembler à sa mère biologique qu’elle ne pouvaitimaginer que comme une femme sans morale.– Enfin l’angoisse dépressive liée aux incertitudes des« représentations de soi libérées » ou, en termes diffé-rents, d’une subjectivité qui amène le sujet à traiter à lafois ses fantasmes de toute-puissance et son risque bienconnu en retour de sentiment d’échec, d’insuffisance etd’impuissance comme ces nombreux adolescents dontj’ai déjà parlé dans mes articles sur ce que j’ai appelé la« menace dépressive ». Je pense particulièrement à cetteadolescente faisant un voyage initiatique au cours de sesvacances d’été et parcourant la Russie en Transsibérien,voyage au cours duquel elle s’était sentie trahie par sesdeux amis garçons qui l’accompagnaient, dont elle

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considérait qu’ils ne l’avaient pas suffisamment pro-tégée, et, derrière eux, trahie par son père qui aurait dûla prévenir des dangers rencontrés dans ce pays qu’ilconnaissait bien pour des raisons professionnelles et àl’égard duquel justement elle avait voulu montrer sacapacité à se débrouiller seule en effectuant ce voyagedans ce pays qui à un niveau inconscient la rapprochaitde son père. Cette menace dépressive constitue unespécificité clinique de la psychopathologie de l’adoles-cent.

CLINIQUE DE LA MENACE DÉPRESSIVEÀ L’ADOLESCENCE

En 1986, j’ai avancé l’idée qu’il existait à l’adolescenceun certain type de dépression qui n’était ni le travail dedeuil de tout processus d’adolescence normale, ni lamélancolie, ni même les crises dépressives assez facile-ment réversibles que connaissent beaucoup d’adoles-cents.

Il s’agissait pour moi d’un état qui se substituait auprocessus normal de l’adolescence et qui entravait trèssérieusement l’avenir du sujet. J’écrivais alors : « Cetétat se caractérise pour nous par une incapacité trans-formationnelle de l’objet d’amour, c’est-à-dire par unemenace trop grande de l’investissement sexuel et éro-tique des nouveaux objets d’amour pour l’assise narcis-sique de l’adolescent. Face à cette menace, l’adolescentrenonce, se vide de tout nouvel investissement objectalet peut se déprimer gravement. » Cette menace, quereprésente pour l’assise narcissique de l’adolescentl’investissement sexuel et érotique des nouveaux objets,ne renvoie plus à une conflictualité entre deux modes derelations objectales (l’ancien et le nouveau) mais à unesubstitution d’un mode œdipien par une relation à « unobjet d’amour originel ». Cette véritable substitutionest vécue de façon tellement insupportable par certainsadolescents qu’aucune transformation de l’objetd’amour ne devient possible. Cela s’observe dans descomportements de quêtes incessantes mais stériles denouveaux représentants de cet objet d’amour originel etnon transformé, telles qu’on peut les voir dans lesconduites sexuelles désordonnées ou désexuées, dansdes conduites addictives graves et plus encore dans unrenoncement plus ou moins définitif de recherche decet objet, comme cela se rencontre dans des échecsscolaires massifs, dans des états dépressifs uniquementfrancs ou dans le choix du désespoir qu’un geste suici-daire vient réaliser.

Cette menace dépressive prend tout son poids dansles ruptures de traitement psychanalytique ou psycho-thérapique lorsque le thérapeute n’a pu anticiper cemouvement au-delà des apparences, reposant sur lamanière dont l’adolescent ne peut transférentiellement

« s’éprendre » (partager avec l’autre ce qu’il a de plusintime) par peur de ne pouvoir « se déprendre » (du liend’attachement à cet objet d’amour originel). L’adoles-cence constitue un modèle exploratoire de cette cli-nique du transfert, de ce transport du lien d’attachementoriginel qui parcourra toute l’existence mais qui estparticulièrement mis à l’épreuve au cours de certainesétapes de la vie, celles qui confrontent le sujet à ce quenous pouvons appeler un travail de transformation.

PEUR, ANGOISSE, EFFROI, MENACE

Pouvons-nous aujourd’hui élargir cette clinique de lamenace ? Qu’aurait-elle de spécifique vis-à-vis d’uneclinique de la peur, de l’angoisse ou de l’effroi ? Lorsquel’enfant voit, la nuit dans sa chambre, à travers sesvolets, l’enseigne lumineuse du magasin d’en face, ilpeut avoir peur, comme nous l’a raconté un adulte seremémorant ses peurs infantiles. La peur pose le pro-blème de l’objet. Lorsque ce même enfant doit toutsimplement aller se coucher, il est angoissé. L’angoissepose le problème de la peur sans objet ou de la peur desa peur. Lorsque toujours ce même enfant présente uneterreur nocturne, il est débordé, envahi par une réactioncataclysmique, il est effrayé : « Effroi, peur, angoisse,sont des termes qu’on a tort d’utiliser comme synony-mes ; leur rapport au danger permet bien de les diffé-rencier. Le terme d’angoisse désigne un état caractérisépar l’attente du danger et la préparation à celui-ci,même s’il est inconnu ; le terme de peur suppose unobjet défini dont on a peur ; quant au terme d’effroi, ildésigne l’état qui survient quand on tombe dans unesituation dangereuse sans y être préparé » [4].

Mais quand ce même enfant se sent menacé parcequ’il y avait une ombre dans sa chambre, ressent-il del’effroi, de la peur, de l’angoisse, ou pourrait-on direqu’il se sent d’abord et avant tout menacé ? Il n’y a nidébordement (donc, ni effroi), ni relation logique, pro-portionnelle, adaptée au danger (donc, ni peur), niindétermination totale du danger (donc, ni angoisse).Le terme « menace » pose en fait tout le problème del’angoisse dans son rapport à la réalité et au fantasme[2]. L’ombre pour cet enfant ne pose-t-elle pas le pro-blème de ce rapport ? Plus largement, peut-il y avoirangoisse de castration sans perception de la castration :le petit garçon a un pénis, la petite fille n’en a pas, on lelui a coupé. Réalité bien simple mais par laquelle malgrétout Freud a toujours eu besoin de deux ingrédients : leconstruct (ou l’abstrait, le théorique) et le perçu (ou leconcret, le pratique). Plutôt que de parler d’angoisse decastration ou de perception de la castration, nepouvait-on pas plus heureusement rester dans l’ambi-guïté de l’ombre, c’est-à-dire de ne parler ni d’angoisseni de perception mais de menace… de castration ?

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Cette menace reste présente tant que ce rapport entrela réalité et le fantasme reste flou, ambigu, en quête desens, de sémantisation. La clinique transférentielle de lamenace devient alors une clinique temporelle de larelation transférentielle où le thérapeute peut, dans unpremier temps, se sentir lui aussi envahi par l’ombre,une ombre menaçante, celle de l’indétermination entrela réalité et le fantasme du danger. La première ren-contre (qui peut durer longtemps) entre le sujet et sonpsychothérapeute ou son psychanalyste est, pour lepremier consciemment mais pour le second plus sou-vent inconsciemment, une rencontre marquée par cetteombre, et donc par cette menace. L’élaboration aucours du déroulement du traitement et les différentssens ou la sémantisation désignée verbalement de cedanger prennent alors toute leur valeur. La psychana-lyse opère certes sur des actes de langage, mais dans lamesure où ces derniers servent à signifier une action,c’est-à-dire le sens des actes, nous pouvons ajouter ici lesens des menaces que ces actes de langage énoncent, lestraitements psychothérapiques que nous proposonsnous permettent de comprendre alors leur utilité.

Menaces dépressives, menaces anxieuses, menacesdésorganisantes ou psychotiques apparaissent de façonmanifeste comme une quête d’élaboration de cettesémantisation s’inscrivant dès la toute première ren-contre entre un sujet et celui qui cherche à l’aider etdont il attend réellement de l’aide. Moyen d’enfantpour faire face à une vie d’adulte, telle est la probléma-tique de l’adolescence, l’adolescence conçue non pastant comme un âge de la vie mais aussi comme unprocessus que l’analyse d’adulte recompose en parti-tions multiples dans lesquelles l’enfance et l’âge adultese menacent toujours réciproquement.

L’émergence anxieuse de l’adolescence ne peut sûre-ment pas être isolée d’un point de vue sémiologiquecomme d’un point de vue psychopathologique del’anxiété de l’enfant. Elle n’en demeure pas moins un

objet spécifique d’étude pour la compréhension de cequi se passe chez l’adolescent mais aussi pour la com-préhension de l’angoisse humaine en général.

RE´ FE´ RENCES

1 Abe K. Phobias and nervous symptoms in childhood andmaturity: persistence and associations. Br J Psychiatry 1972 ;120 : 273-83.

2 Braconnier A. Le syndrome de menace dépressive. Neuropsy-chiatrie de l’Enfance 1991 ; 398 (Suppl 9) : 337-40.

3 Francis G, Last CG, Strauss CC. Expression of separationanxiety disorder: the role of age and gender. Child PsychiatrHuman Dev 1987 ; 18 : 82-9.

4 Freud S. Essais de psychanalyse. Paris : Payot ; 1968.5 Hayward C, Killen J, Hammer L, Litt I, Wilson D, Sim-

monds B, et al. Pubertal stage and panic attack history in sixthand seventh grade girls. Am J Psychiatry 1992 ; 149 : 1239-43.

6 Kagan J, Reznick JS, Snidman N. The physiology and psycho-logy of behavioral inhibition in young children. Child Dev1987 ; 58 : 1459-73.

7 Marks I. Blood injury phobia: a Review. Am J Psychiatry 1988 ;145 : 1207-13.

8 Thyer BA, Parris RJ, Curtis GC, Nesse RM, Cameron OG.Ages of ouset of DSM-III Anxiety Disorders. Compr Psy-chiatry 1985 ; 26 : 113-22.

DISCUSSION

Dr Massari – Il faut penser à l’angoisse de séparation, sans oublier lesexuel : que font les parents quand ils vous laissent seuls ?

La capacité à se déprimer n’est pas une menace mais une chanced’élaboration psychique permettant un véritable travail thérapeu-tique, une fois les passages à l’acte ajoutés.

Réponse du Rapporteur – On ne peut pas penser l’adolescence sansprendre en compte le sexuel, mais comme le propose PhilippeJeammet, nous rencontrons de plus en plus de problématique quipose la question des liens et des crises de ces liens élaborés au coursde l’enfance.

La capacité de se déprimer peut être à la fois une menace et unechance d’élaboration psychique, une menace d’impuissance, dedésespoir, de vide narcissique et une chance de se représenter unobjet aimé, total, continu, à l’égard duquel il est nécessaire depouvoir retrouver une ambivalence et de supporter son absence. Lesréussites du traitement peuvent être souvent comprises par rapportà cette problématique.

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