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Mddecine et Maladies Infeetieuses. 1975 - 5 - 5 - 263 b 264 l nc( phalile a hycoplosmo pneumonioe el l sions oculaires par P. LE BIGOT**, J.P. COULAUD***, A. PASTICIER*** et G. SAIMOT*** L'existence de mani]estations neurologiques li~es ~t Mycoplasma pneumo- niae est connue d'assez longue date. Toute]ois les probl~mes diagnostiques~ et une possible atteinte oculaire associ6e nous conduisent ~t rapporter cette observation. OBSERVATION M. R... Christian, 34 aus, agent technique, r6side au Gabon depuis 11 ans. I1 a contract6 diverses parasitoses : Paludisme, Amibiase et a pr6sent6 une Dengue il y a plusieurs ann6es. Surtout, il cst atteint d'une Loase ~ microfilar6mie depuis 1972. Avant cette date, il avait re~u de la Not6zine titre chimio-prophylaetique, mais la prise de cette drogue est depuis longtemps interrompue. L'histoire de la maladie d6bute en juin 1974, alors que le sujet s6journe en France depuis trois mois : le 8 juin 1974 survient brutalement un acc~s f6brile s6v~re (40 °) avec frissons, c6phal6es inten- ses et obnubilation. Le diagnostic de pneumopa- thie aigu5 est 6voqu6 devant l'existence de signes fonctionnels (toux et expectoration) et d'un foyer de condensation du sommet gauche. Apr~s trois jours d'antibioth6rapie, le malade est hospitalis6 Sedan (Dr Jacquemin) oh l'on note : ¢( E t a t infectieux s6vSre avec image pulmonaire en foyer, 616ments purpuriques cutan6s et quelques h6mor- ragies r6tiniennes )). Le L.C.R. est normal, par contre, il existe une microfilar6mie (Loa-Loa) non chiffr6e mais importante. Devant l'importance de l'ah6ration de l'6tat g6- n6ral et l'existence de troubles de la vigilance, le malade est transf6r6 ~ la Clinique de R$animation de l'H6pital Claude-Bernard. A l'entr6e, le 18 juin 1974, le tableau est domin6 par les troubles de la conscience. Le malade est tr~s somnolent, des invigorations fortes sont n6ces- saires pour obtenir quelques r6ponses lentes et confuses aux questions pos6es. L'examen neurolo- gique met en 6vidence une hypertonie opposition- helle et une exag6ration des r6flexes ostSo-tendi- neux aux quatre membres. Les r6flexes cutan6s plantaires sont en flexion. Les nerfs craniens pa- raissent normaux. A ce stade, le champ visuel ne pent 6tre explor6. Le reste de l'examcn est nor- real. La radiographic pulmonaire s'est normalis$e. * Manuscrit requ le 28 janvier 1975. ** Service du Profcsseur Cambier, H6pital Beaujon, Paris. *** Service du Profcsscur Payer, HSpital Claude-Bernard, Paris. L'E.E.G. est tr~s alt6r6, montrant un ralentisse- ment global des rythmes de base avec quelques bouff6es de rythme lent, ample "~ maximum antS- rieur. Ces troubles 6voluant dans un contexte f6- brile 6voquent une enc6phalite. Le L.C.R. con- tient quatre 616ments par ram3 et 0,60 g/1. de pro- t6ines. La glycorachie est normale, les cultures du L.C.R. sont n6gatives, tout comme les h6mocul- tures. L'enqu~te 6tiologique 61imine successivement : -- un paludisme, -- une trypanosomiase, -- une m$ningo-enc~phalite ]ilarienne au cours d'un traitement par la Not6zine (le malade n'en a plus absorb6 depuis plus de 2 ans). En revanche, l'enqu6te s6rologique syst$matique r6v~le une ascension significative du titre des anti- corps anti-mycoplasmes (1/8 le 19 juin 74 puis 1/128 le 8 juillet 74), alors que les autres r6ac- tions s6rologiques sont rest6es n6gatives. Le traite- ment qui avait 6t$ institu6 (Tetracycline 2 g/24 h et Corticoth~rapie : Solupred 40 g/24 h) en- traine l'apyrexie en trois jours tandis que les troubles de la vigilance r6gressent. Le tableau est alors domin6 par l'association des signes neurolo- giques et des manifestations oculaires. Les troubles mn6siques sont globaux mais pr6- dominent sur les faits r6cents. Ils s'associent une d6sorientation temporo-spatiale. Quelques bouff6es hallucinatoires avec onirisme apparaitront au cours de l'6volution. Celle-ci se fait lentement vers la r6gression complete du syndrome confu- sionnel en un tools. Parall~lement, on assiste une normalisation progressive des E.E.G. Les manifestations oculaires ne prennent toute leur importance qu'~ partir du 3 juillet 74, date laquelle la maladie signale une baisse d'acuit6 visuelle m6connue durant la phase enc6phalitique. L'examen du F.O. met alors en 6vidence un impor- tant oed~me maculaire bilateral avec presence d'h6morragies au centre blanc. Les papilles sont normales, de m~me que les art~res. En revanche, on constate de nombreux foyers h6morragiques p6riph$riques. Apr~s un mois dYvolution sous corticoides (Solupred 40 nag), on assiste ~ une tr~s lente r6sorption des foyers maculaires, tandis 263

Encéphalite à Mycoplasma pneumoniae et lésions oculaires

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Mddecine et Maladies Infeetieuses. 1975 - 5 - 5 - 263 b 264

l nc( phalile a hycoplosmo pneumonioe el l sions oculaires par P. LE BIGOT**, J .P. COULAUD***, A. PASTICIER*** et G. SAIMOT***

L ' e x i s t e n c e de mani]es ta t ions neuro log iques li~es ~t Mycoplasma pneumo- niae est connue d 'assez longue date. Toute]o is les p r o b l ~ m e s diagnostiques~ et une poss ib le a t te in te oculaire associ6e nous c ondu i s e n t ~t rappor t e r ce t te observat ion .

OBSERVATION M. R.. . Christian, 34 aus, agent technique, r6side

au Gabon depuis 11 ans. I1 a contract6 diverses parasitoses : Paludisme, Amibiase et a pr6sent6 une Dengue il y a plusieurs ann6es. Surtout, il cst atteint d 'une Loase ~ microfi lar6mie depuis 1972. Avant cette date, il avait re~u de la Not6zine

titre chimio-prophylaet ique , mais la prise de cette drogue est depuis longtemps in ter rompue.

L 'his toire de la maladie d6bute en juin 1974, alors que le sujet s6journe en France depuis trois mois : le 8 juin 1974 survient b ru ta lement un acc~s f6brile s6v~re (40 °) avec frissons, c6phal6es inten- ses et obnubilat ion. Le diagnostic de pneumopa- thie aigu5 est 6voqu6 devant l 'existence de signes fonctionnels (toux et expectorat ion) et d 'un foyer de condensation du sommet gauche. Apr~s trois jours d 'ant ib io th6rapie , le malade est hospitalis6

Sedan (Dr Jacquemin) oh l ' on note : ¢( Etat infectieux s6vSre avec image pu lmonai re en foyer, 616ments purpur iques cutan6s et quelques h6mor- ragies r6tiniennes )). Le L.C.R. est normal , par contre, il existe une microfi lar6mie (Loa-Loa) non chiffr6e mais impor tante .

Devant l ' impor tance de l ' ah6ra t ion de l '6 tat g6- n6ral et l 'existence de troubles de la vigilance, le malade est transf6r6 ~ la Clinique de R$animat ion de l 'H6pi ta l Claude-Bernard.

A l 'entr6e, le 18 juin 1974, le tableau est domin6 par les troubles de la conscience. Le malade est tr~s somnolent, des invigorations fortes sont n6ces- saires pour obtenir quelques r6ponses lentes et confuses aux questions pos6es. L ' exam en neurolo- gique met en 6vidence une hyper tonie opposit ion- helle et une exag6ration des r6flexes ostSo-tendi- neux aux quatre membres . Les r6flexes cutan6s plantaires sont en flexion. Les nerfs craniens pa- raissent normaux. A ce stade, le champ visuel ne pent 6tre explor6. Le reste de l ' examcn est nor- real. La radiographic pulmonai re s 'est normalis$e.

* Manuscr i t requ le 28 j a n v i e r 1975.

** Service du P r o f c s s e u r Cambier , H6pi ta l Beau jon , Par is .

*** Service du P r o f c s s c u r Payer , HSpi ta l Claude-Bernard , Par is .

L 'E . E . G . est tr~s alt6r6, mont ran t un ralentisse- ment global des ry thmes de base avec quelques bouff6es de ry thme lent, ample "~ max imum antS- r ieur. Ces troubles 6voluant dans un contexte f6- brile 6voquent une enc6phalite. Le L.C.R. con- t ient quatre 616ments par ram3 et 0,60 g/1. de pro- t6ines. La glycorachie est normale , les cultures du L.C.R. sont n6gatives, tout comme les h6mocul- tures.

L'enqu~te 6tiologique 61imine successivement : - - un pa lud i sm e ,

- - une t rypanosomiase ,

- - une m$n ingo-enc~pha l i t e ] i lar ienne au cours d ' un t ra i tement par la Not6zine (le malade n ' en a plus absorb6 depuis plus de 2 ans).

En revanche, l 'enqu6te s6rologique syst$matique r6v~le une ascension significative du titre des anti- corps ant i -mycoplasmes (1/8 le 19 ju in 74 puis 1/128 le 8 jui l let 74), alors que les autres r6ac- tions s6rologiques sont rest6es n6gatives. Le traite- ment qui avait 6t$ institu6 (Tetracycline 2 g/24 h et Corticoth~rapie : Solupred 40 g/24 h) en- traine l ' apyrex ie en trois jours tandis que les troubles de la vigilance r6gressent. Le tableau est alors domin6 par l 'associat ion des signes neurolo- giques et des manifestat ions oculaires.

Les troubles mn6siques sont globaux mais pr6- dominent sur les faits r6cents. Ils s 'associent une d6sorientation temporo-spat ia le . Quelques bouff6es hal lucinatoires avec onirisme appara i t ront au cours de l '6volution. Celle-ci se fait lentement vers la r6gression complete du syndrome confu- sionnel en un tools. Paral l~lement , on assiste une normal isa t ion progressive des E.E.G.

Les manifestat ions oculaires ne prennent toute leur impor tance qu'~ par t i r du 3 juil let 74, date

laquelle la maladie signale une baisse d 'acuit6 visuelle m6connue durant la phase enc6phali t ique. L ' e x a m e n du F.O. met alors en 6vidence un impor- tant oed~me macula i re bi lateral avec presence d 'h6morragies au centre blanc. Les papil les sont normales , de m~me que les art~res. En revanche, on constate de nombreux foyers h6morragiques p6riph$riques. Apr~s un mois dYvolut ion sous corticoides (Solupred 40 nag), on assiste ~ une tr~s lente r6sorption des foyers maculaires, tandis

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que persistent les foyers h6morragiques. Trois mois plus tard, (novembre 74), l 'examen oculaire donne les r6sultats suivants (Dr Clay) : Fangiographie fluoresc6nique met en 6vidence une ah6ration de la r6gion p6rifov6olaire qui semble d 'origine vas- culaire. Les examens 61ectriques montrent une atteinte du syst~me photopique et scotopique bila- t6rale, (( sans offrir une image typique de quelque affection que ce soit )).

COMMENTAIRES La constatation, au d6cours d 'une pneumopa-

thie aigu~ d 'une 616vation franche du titre des rdactions de d6viation du compl6ment pour le Mycoplasma pneumoniae, permet d 'aff i rmer une infection r6cente fi Mycoplasme.

La survenue dans un tel contexte de manifesta- tions neurologiques est un fait actuellement bien 6tabli. Un an apr6s l ' identification du Myco- plasme par Chanock en 1962, Van Dishoek (1) publie une premiere observation de m6ningo- euc6phalite attribu6e ~ ce germe et Skoldenberg (2) en rapporte 8 cas en 1965. En 1973, Lerer et Kalavsky (3) recensent 50 cas d 'at teinte neurolo- gique associ6e ~ une infection ~ Mycoplasme. A c6t6 des enc6phalites et m6ningo-enc6phalites prend place alors une quinzaine de polyradiculo- ndvrites dont la premiere observation due tt Myco- plasme a 6t6 rapport6e, quelques ann6es aupara- vant, par Endtz et Hers (4). Dix nouvelles obser- vations ont 6t6 r6cemment rapport6es par l ' un de n o u s (5) .

Les perturbations du L.C.R. sont fr6quentes sons forme d 'une r6action inflammatoire d'intensit6 variable : P16iocytose /~ lymphocytes et hyperpro-

t6inorachie mod6r6es. La glycorachie est constam. ment normale.

L'61ectrophor~se du L.C.R. a montr6 chez notre patient (Dr Shuller) une 616vation importante des gammaglobulines (33 %) avec distribution oligo- clonale (3 fractions), l ' augmentat ion porte surtout sur les IgA et les igG, on note 6galement une faible quantit6 d ' IgM.

L'61ectrophor~se s6rique montre 6galement une distribution oligoclonale des gammaglobulines sans augmentation de leur pourcentage.

L ' interpr6tat ion de ces anomalies immunologi- ques n 'est pas ais6e en raison du polyparasitisme du patient. Cependant, elles sont int6ressantes souligner dans le cadre d 'une hypoth6se immuno- allergique 6voqu6e pour expliquer les manifesta- tions neurologiques cons6cutives h une infection • ~ Mycoplasme.

Des 16sions oculaires n 'on t ~ notre connaissance jamais 6t6 rapport6es au cours d ' infection t~ myco- plasme. D'autres hypotheses ont 6t6 tour ~ tour 6voqu6es chez notre patient : une affection toxique (m6dicamenteuse), ou une complication de la Loase ont 6t6 6cart6es. La formule s6miologique e n e s t tr~s diff6rente. L'existence de 16sions ocu- laires pr6-existantes semble devoir 6tre 6cart6e. Avant l '6pisode infectieux actuel, il n'existait au- cun signe fonctionnel et le patient pr6parait un brevet de pilotage a6rien. I1 s 'agit donc de 16sions r6centes dont le probl~me 6tiologique reste pos6. Certes, un taux notable d 'agglut inat ion pour le toxoplasme a 6t6 constat6 (40 UI /ml ) , mais aucune ascension de ce taux n ' a 6t6 observ6e. On est en droit de se demander si le m6canisme de ces 16sions oculaires n 'est pas en fait identique ~ celui qui pr6side aux 16sions de l 'enc6phalite h mycoplasme.

RESUME Les auteurs rapportent un cas d 'enc6phali te due ~ Mycoplasma pneu- moniae, d'6volution favorable. Le malade 6tait porteur de 16sions oculaires qui peuvent 6tre 6ventuellement rattach6es h la m~me 6tiologie.

Mots-clef : Mycoplasma pneumoniae - Enc6phalite - L6sions oculaires.

SUMMARY The authors present one case of Mycoplasma pneumoniae encephalitis. They discuss the mecanism of ocular alterations.

Key-words : Mycoplasma pneumoniae - Encephalitis - Ocular alterations.

BIBLIOGRAPHIE 1. DISHOECK H.A.E. van - - Virus infection in two

cases of sudden perceptive deafness. Acta Oto-Pha- ryn~l., 1963, suppl. 183, 30-33.

2. SKOLDENBERG B. - - Aseptic meningitis and menin- goencephalitis in cold agglutinin positive infections. Brit. Med. J., 1965, 1, 100.

3. LERER R.J. et KALAVSKY S.M. - - Central nervous system disease associated with Mycoplasma pneumo-

nlae infection. Report of five cases and review of the literature. Pediatrics, 1973, 52, 5, 658-668.

4. ENDTZ L.J. et HERS J.F. - - Radiculitis door Myco- plasma pneumonlae, Ned. T. Geneesk, 1965, I09, 295.

5. VACHON F., MANUEL C., LE PORS J., LE BIGOT P., LAGARDE P., PEROL Yet VIC-DUPONT V., - - Mani- festations neurologiques sdv6res de l'infectiou h Myco- plasma pneumoniae (h paraitre).

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