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8/16/2019 Etudes et documents berberes.pdf http://slidepdf.com/reader/full/etudes-et-documents-berberespdf 1/307 E ´  TUDES ET DOCUMENTS BERBE ` RES ANNE ´ E 1998 Nº 15-16 ME ´ LANGES Ouahm i Ould-Braham  La grande mission d’enque ˆte scolaire d’E ´ mile Masqueray en K abylie (1881) ..  7 NoraTigziri  Deux notes de phone ´tique acoustique berbe `re (kabyle) ...........................  73 Djame l Aı¨ssani  E ´ critsdelangueberbe `re de la collection demanuscritsOulahbib (Be ´  jaı ¨a) .........  81 AhmedTouderti  Une prophe ´tie berbe `re en tamazight (Maroc central) ...........................  101 HarryStroomer  Contesbilingues du Sud marocain ......  115 HamouBe lghazi Tad . a , un pacte sacre ´ de ponde ´ration tribale .....................................  141 AhmedSkounti Us ˇs ˇen , cet «hors-la-loi ». Versions nomade et se ´dentaire d’un conte amazigh marocain........................  153 SlimaneHachi  Une approche anthropologique de l’art figuratif pre ´historique d’Afrique du Nord .......................................  163 Sinikka Loikkanen  Vocabulaire du roman kabyle (1981- 1995). E´tude quantitative................  185 Rqia Douchaı ¨na  La morphologie du verbe en tagnawt...  197 Mohye ´dineBenlakhdar  Structure argumentale et structure circonstancielle dans les structures Verbe-Nom...............................  210  J eanPeyrigue `re  Poe ´sie et danse dans une tribu du Moyen-Atlas..............................  219 MohamedEl Ayoubi  Contesberbe `resdu Rif dansleparler des Ayt Weryaghel ............................  249 FedericoCorriente  Le berbe `reen al-Andalus .................  269  www.asadlis-amazigh.com

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E TUDES ET DOCUM ENTS BERBERESANNEE 1998 Nº 15-16

M ELANGES

Ouahmi Ould-Braham   La grande mission d’enquete scolaired’EmileMasqueray en K abylie(1881). .   7

NoraTigziri   Deux notes de phonetique acoustique

berbere (kabyle). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   73Djamel Aıssani   Ecritsdelangueberberedela collection

demanuscritsOulahbib (Be jaıa). . . . . . . . .   81

AhmedTouderti   Une prophetie berbere en tamazight(Maroc central) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   101

Harry Stroomer   Contesbilinguesdu Sud marocain. . . . . .   115

HamouBelghazi Tad.a, un pacte sacre de ponderation

tribale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   141AhmedSkounti Ussen, cet «hors-la-loi ». Versions

nomade et sedentaire d’un conteamazigh marocain. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   153

SlimaneHachi   Une approche anthropologique de l’artfiguratif prehistorique d’Afrique duNord. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   163

SinikkaLoikkanen   Vocabulaire du roman kabyle (1981-1995). Etudequantitative. . . . . . . . . . . . . . . .   185

RqiaDouchaına   La morphologie du verbeen tagnawt. . .   197

MohyedineBenlakhdar   Structure argumentale et structurecirconstancielle dans les structuresVerbe-Nom. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   210

 J eanPeyriguere   Poesie et danse dans une tribu duMoyen-Atlas. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   219

MohamedEl Ayoubi   ContesberberesduRif dansleparler desAyt Weryaghel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   249

FedericoCorriente   Leberbereen al-Andalus . . . . . . . . . . . . . . . . .   269

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E ´ TUDES ET DOCUMENTS BERBE ` RESPe ´ riodique paraissant une fois par an

RE ´ DACTION-SECRE ´ TARIAT

Salem CHAKER (INALCO, Paris)Ouahmi OULD-BRAHAM (INALCO, Paris)

COMITE ´   DE LECTURE

 – Mohamed AGHALI (INALCO, Paris). – Ramdane ACHAB

(Universite ´  de Tizi-Ouzou). – Rachid BELLIL

(CNEH, Alger). – Ahmed BOUKOUS (Universite ´  de Rabat). – He ´ le ` ne CLAUDOT-HAWAD (CNRS, Aix-en-Provence).

 – Hassan JOUAD (EHESS, Paris). – Claude LEFE ´ BURE (CNRS, Paris). – Karl-G. PRASSE (Universite ´  de Copenhague).

 – Miloud TAI ¨FI (Universite ´  de Fe ` s)

Cette revue, ouverte a `   la communaute ´   scientifique berbe ´ risante, est unepublication conjointe de  La Boı ˆte a `   Documents   et du   Centre de RechercheBerbe ` re (de l’INALCO).

Correspondance et manuscrits :La Boı ˆte a `   Documents

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ME ´ LANGES

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LA GRANDE MISSION D’ENQUE ˆ TE SCOLAIRE

D’E ´ MILE MASQUERAY EN KABYLIE (1881)

par

Ouahmi Ould-Braham

Nous avons montre ´   dans un pre ´ ce ´ dent article 1 dans quelles conditionsE ´ mile Masqueray a effectue ´ sa premie ` re mission kabyle. Un voyage d’explora-tion qui s’inscrit parfaitement dans un projet d’e ´ tude 2. Ainsi l’exigence quil’anime est d’instruire un dossier propre a `  soutenir, justifier et de ´ fendre la miseen place d’e ´ coles laı ¨ques francaises en Kabylie. Outre les finalite ´ s politiques etscientifiques que revetent sa mission, Masqueray s’investit dans un voyage quil’inte ´ resse personnellement parce qu’il s’agit de la terre kabyle qui constitueraplus tard l’un des trois piliers de sa the ` se de doctorat 3 et a `  laquelle il te ´ moigne

un profond attachement ; parce qu’il s’agit d’un domaine qui le concernedirectement en tant que professeur : l’enseignement ; et enfin, parce qu’il s’agitd’un projet a `  haute re ´ sonance politique a `   travers lequel il peut jouer un rolenon ne ´ gligeable et, par la meme occasion, etre reconnu par diffe ´ rentes ins-titutions et par la hie ´ rarchie.

Pour ces raisons, un tel voyage lui permet de concilier son inte ´ ret particuliera `  un inte ´ reˆt politico-scientifique. Il s’agit concre ` tement de dresser un e ´ tat deslieux des formes d’enseignement existantes en Kabylie et de mener une enquete

sur la disposition de la population face a `   ce projet. En bref, il doit pouvoir

1. Ouahmi Ould-Braham, « E ´ mile Masqueray en Kabylie (printemps 1873 et 1874) », E ´ tudeset Documents Berbe `res, 14, 1996, pp. 5-74. (Les pages 36-74 sont constitue ´ es de cinq documentsannexes dont l’auteur est Masqueray. Pie ` ces de correspondance ine ´ dites + un article de journal).

2. Masqueray effectue ce voyage dans la Kabylie du Djurdjura au printemps 1873 et 1874.Deux textes en te ´ moignent: l’extrait d’un rapport remis au ge ´ ne ´ ral Chanzy sur l’e ´ tat del’enseignement primaire en Grande Kabylie apre ` s 1871 et des impressions de voyage paruesdans la Revue politique et litte raire (1876). L’itine ´ raire part de Fort-National, emprunte la routede Aı ¨t-Bou-Chaı ¨b en passant par la tribu des Aı ¨t Yahia, la route de Aı ¨t Menguellat pour revenirau chef-lieu de Djurdjura : Fort-National. Cette premie ` re excursion a pour vocation d’etre un

voyage de reconnaissance. Une seconde est axee sur le travail d’enquete ayant en vue le projet demettre en place un enseignement public en Kabylie.

3. Formation des cite s chez les populations se dentaires de l’Alge rie (Kabyles du Djurdjura,Chaouı ¨ a de l’Aoura ˆ s, Beni-Meza ˆ b), the ` se pre ´ sente ´ e a `   la Faculte ´  des Lettres de Paris, Paris,E. Leroux, 1886, XVLIII – 326 p.

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re ´ pondre a `   deux questions : qu’en est-il de l’enseignement en Kabylie ? et, lespopulations sont-elles dispose ´ es a `  accueillir sur leur territoire l’e ´ tablissementd’e ´ coles francaises et a `   y inscrire leurs enfants ?

Or, en re ´ pondant a `  ces deux questions il sait qu’il devra aussi convaincretous ceux qui pourraient s’opposer a `  un tel projet. Cela signifie clairement queMasqueray soutient personnellement une telle action, et qu’en prenant uneposition favorable, il doit donc justifier et de ´ fendre e ´ nergiquement l’inte ´ reˆt etla ne ´ cessite ´  de re ´ aliser ce programme. C’est selon ces exigences implicites queMasqueray entreprend son voyage et oriente son enqueˆte 4.

I. LA PHASE PRE ´ PARATOIRE DE LA MISSION

Nous sommes en 1880. Apre ` s la Kabylie (1873), E ´ mile Masqueray vientd’accomplir deux importantes missions scientifiques (Aure ` s, 1875-1878 : tra-vaux arche ´ ologiques, ethnographiques et linguistiques ; Mzab 5, printemps1878: le ´ gislation et manuscrits). Alors qu’il s’attelait a `  un gigantesque travaild’e ´ tudes historiques et de copies de manuscrits ibadites, le 20 de ´ cembre 1879on vote une loi qui va doter l’Alge ´ rie d’un enseignement supe ´ rieur. Masquerayrecoit sa nomination comme professeur d’histoire et d’antiquite ´ s d’Afrique et

4. L’enquete est autant descriptive : elle dresse un e ´ tat des lieux comparatifs, qu’analytique :elle met l’accent sur la disposition d’esprit des Kabyles face au projet. Malgre ´   la force de latradition qui re ´ glemente la vie quotidienne des Kabyles, il existe bien un de ´ sir d’apprendre lalangue francaise, pour communiquer avec l’e ´ tranger et la connaissance d’une langue quis’ave ´ rera, etre un instrument e ´ conomique, politique, commercial ne ´ cessaire pour le peuple. Leprojet jouit donc, d’apre ` s Masqueray, d’un e ´ tat d’esprit tre ` s favorable, il est e ´ galement renforce ´par l’absence (et donc le besoin) de structure scolaire forte. Depuis le bouleversement de 1871aux re ´ percussions visibles dans l’e ´ tat de l’enseignement, une pe ´ riode opportune politiquement

devrait motiver toutes les entreprises francaises de scolarisation en Kabylie.Les e ´ coles ou l’on dispensait encore un enseignement religieux en langue arabe avaienttendance a `  disparaıˆtre. Les e ´ coles secondaires, divise ´ es en mamerat du droit et en mamerat duCoran demeurent des e ´ tablissements privile ´ gie ´ s ou seuls y ont acce ` s un petit nombre d’e ´ le ` ves.Outre l’enseignement des je ´ suites qui affirme le succe ` s d’un enseignement classique et pratiqueadapte ´ , aucune autre forme d’enseignement n’entrerait en concurrence avec l’e ´ cole publique. Desurcroıt, la pre ´ sence forte de l’enseignement des je ´ suites s’ave ` re etre un argument de motivationsupple ´ mentaire en faveur du projet au sein duquel s’ouvre le de ´ bat re ´ active ´  entre les tenant d’unenseignement laı ¨c et ceux d’un enseignement religieux.

Au terme de son enquete, Masqueray a re ´ uni tous les arguments en faveur de l’e ´ cole publiquedans le pays. Et cela, tant qu’il s’agit d’un apport re ´ el pour la population kabyle et d’unene ´ cessite ´   strate ´ gique pour la France. Dans le contexte colonial de l’apre ` s 1871, il apparaıˆt

ne ´ cessaire de jouer politiquement la carte de l’enseignement. Le terrain y est propice : les foyersinsurrectionnels contre la France que furent les   mamerats   pourraient, selon Masqueray, etreremplace ´ s par de ve ´ ritables lieux de la Re ´ publique.

5. Ouahmi Ould-Braham, « E ´ mile Masqueray au Mzab. A ` la recherche de livres ibadites »,E ´ tudes et Documents Berbe `res, 9, 1992, pp. 5-35.

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comme directeur de cette E ´ cole supe ´ rieure des lettres d’Alger (10 janvier 1880)nouvellement cre ´ e ´ e.

Apre ` s avoir e ´ te ´  e ´ chaude ´  par les diffe ´ rentes commissions scientifiques minis-te ´ rielles quant a `  la continuite ´ de ses missions6, Masqueray semble avoir change ´de fusil d’e ´ paule : dans une lettre7 date ´ e du 7 janvier, il invite son ami, anciencamarade de la rue d’Ulm, Alfred Rambaud qui vient de devenir le chef decabinet de Jules Ferry, a `   l’Instruction publique, a `   « une belle excursion enKabylie en compagnie du directeur des Affaires civiles, M. Journault, et durecteur, M. Belin ». Ce nouveau voyage de reconnaissance a e ´ te ´   de ´ cide ´  par lerecteur de l’Acade ´ mie d’Alger, pour constater une fois de plus l’e ´ tat del’enseignement en Kabylie. Masqueray fait remarquer que « notre universite ´est bien en retard de ce cote ´ , car nous n’avons qu’une e ´ cole primaire enKabylie, a `   Tamazirt, pre ` s de Fort-National, tandis que les eccle ´ siastiques en

posse ` dent neuf, en outre trois e coles de filles 8 ».

Qu’en est-il de la situation scolaire dans toute l’Alge ´ rie?

Situation de l’enseignement

En 1880, les e ´ coles destine ´ es particulie ` rement aux petits Alge ´ riens musul-mans e ´ taient peu nombreuses. En voici la liste avec indication de date de

fondation 9 : Alger, rue Porte-Neuve (1850) ; Oran, village ne ` gre (1850) ; Mos-taganem, rue Moı ¨se (1850) ; Constantine, garcons (1850) et filles (1850) ;Biskra (1851) ; Tlemcen ; Ne ´ droma (1865); Renault (a `   Mazouna, 1866) ;l’Hillil (a `   Kalaa, 1871) ; Tamazirt (1873) ; Touggourt (1878). La plupart deces e ´ tablissements proce ´ daient des e ´ coles dites arabes-francaises, fonde ´ es parle mare ´ chal Randon suivant le de ´ cret du 14 juillet 1850. Elles e ´ taient cre ´ e ´ es etentretenues par l’autorite ´  militaire, alors seul re ´ gime en vigueur. L’arrete ´   dugouverneur ge ´ ne ´ ral du 2 mai 1865 mit l’entretien des e ´ coles a `   la charge descommunes 10, puis le de ´ cret du 15 aou ˆ t 1875 et l’arreˆte ´  ministe ´ riel du 26 fe ´ vrier

1876 mirent de ´ finitivement les quelques e ´ coles qui subsistaient hors de l’auto-rite ´  militaire pour en confier la direction au recteur d’Alger.

En Kabylie, avant l’insurrection de 1871, l’enseignement e ´ tait inexistant :

6. Ibid ., pp. 32 et 59.

7. Ouahmi Ould-Braham, « Lettres ine ´ dites d’E ´ mile Masqueray a `  Alfred Rambaud», E ´ tudeset Documents Berbe `res, 4, 1988, p. 164 (lettre no 1).

8. Ibid.

9. Alfred Rambaud,   L’enseignement primaire chez les indige `nes musulmans d’Alge rie et

notamment dans la Grande Kabylie, Paris, Lib. Ch. Delagrave, 1892, p. 5 ; Foncin, L’instructiondes indige `nes en Alge rie ; voir fascicule 41 des Me ´ moires et documents publie ´ s par le muse ´ epe ´ dagogique, 1888, Paris.

10. A ` ce moment-la ` , plusieurs e ´ tablissements n’ont pas re ´ siste ´  aux conditions nouvellementcre ´ e ´ es, comme celui de Blida ou de Cherchell.

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exception faite de l’e ´ cole des arts et me ´ tiers de Fort-Napole ´ on (Fort-Nationaldepuis), fonde ´ e en 1866 par le ge ´ ne ´ ral Hanoteau, mais elle fut bru ˆ le ´ e pendantles e ´ ve ´ nements. L’insurrection re ´ prime ´ e, des Kabyles spolie ´ s qui voulaientlouer leurs bras a `   des colons comprirent qu’il e ´ tait important de parler le

francais pour travailler, et tre ` s vite (1873) les je ´ suites et les pe ` res de la Missiond’Alger fonde ` rent avec l’accord du gouvernement, des e ´ coles a `  Djemaa-Saha-ridj et a `  Aı ¨t-Larba pour les premiers, et a `  Sedka-Ouadhia pour les seconds. Lameˆme anne ´ e, le bureau arabe de Fort-National cre ´ a l’e ´ cole de Tamazirt 11,prote ´ ge ´ e par l’amin-el-oumena Si Moula Aı ¨t Ou-Ameur et son fre ` re Si Lounis.

En 1874, E ´ mile Masqueray, visita ces diffe ´ rents e ´ tablissements 12, puis en1878 M. Frin, inspecteur d’Acade ´ mie a `  Constantine ceux de la province deBougie 13. Leurs conclusions furent les memes : les enfants kabyles e ´ taient detre ` s bons e ´ le ` ves, et l’enseignement aurait des chances d’etre fructueux. Ilsapprenaient le francais, l’arithme ´ tique, les techniques agricoles. En fe ´ vrier1880, M. Frin proposa la cre ´ ation de plusieurs e ´ coles dans la re ´ gion d’Ak-bou14, et que les cheikhs, dont le fameux Ben-Ali-Cherif, accepte ` rent.

Au meˆme moment, Jules Ferry de ´ cida la re ´ forme de l’enseignement nationalavec ame ´ lioration des e ´ coles anciennes et cre ´ ation de nouvelles, il e ´ tait e ´ videntque l’Alge ´ rie ne pouvait pas etre en reste. Il se saisit du projet de loi Chanzy,approuve ´   par les diffe ´ rentes instances, e ´ crivit au gouverneur en exercice,Albert Gre ´ vy, pour lui annoncer que la question de l’instruction publique en

Alge ´ rie l’inte ´ ressait personnellement15

. Deux charge ´ s de mission du ministe ` refurent envoye ´ s se ´ pare ´ ment en Alge ´ rie 16 et note ` rent que l’enseignement par les je ´ suites atteignait ses limites dans la mesure ou il faisait aussi de la propagandereligieuse, ce que les musulmans ne pouvaient tole ´ rer ; les Pe ` res de la Missiond’Alger qui ne faisaient pas de prose ´ lytisme avaient de bien meilleurs re ´ sultats.

Quand le de ´ cret du 15 aou ˆ t 1875 et l’arrete ´   ministe ´ riel du 26 fe ´ vrier 1876eurent confie ´   la direction des e ´ coles arabes-francaises au recteur d’Alger(meme les territoires de commandement militaire e ´ taient concerne ´ s par cesde ´ cisions), l’autorite ´   se de ´ sinte ´ ressa totalement quant a `   l’avenir de ces e ´ ta-

11. Le colonel commandant du cercle de Fort-National a propose ´  le 12 fe ´ vrier 1873 un plan descolarisation au gouverneur ge ´ ne ´ ral, l’amiral de Gueydon,  cf.  Ch.-R. Ageron,  Les Alge riensmusulmans et la France, Paris, PUF, 1968, p. 333 et suiv.

12. O. Ould-Braham, « E ´ mile Masqueray en Kabylie... », op. cit.

13. Foncin, « L’instruction des indige ` nes en Alge ´ rie»,  op. cit., p. 822; et annexe no 3 durapport de Stanislas Lebourgeois.

14. Ibid.

15. Ch.-R. Ageron, op. cit.

16. Il s’agit de Stanislas Lebourgeois et Henri Le Bourgeois.

Le premier est le chef du IVe bureau (personnel et comptabilite ´ ) a `   la rue de Grenelle, auteurd’un  Rapport sur une mission en Alge rie, Paris, Paul Dupont, 1880. Le second est l’inspecteurge ´ ne ´ ral de l’Instruction publique ; sa mission scolaire en Alge ´ rie, dont la Kabylie, a fait l’objetd’une publication : Rapport sur la situation de l’enseignement primaire en Alge rie, Paris, Impri-merie Nationale, 1880.

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blissements. Donc, a `   peine une dizaine d’e ´ coles relevant de l’Instructionpublique continua a `   subsister en 1880 pour toute l’Alge ´ rie 17.

Jules Ferry de ´ cida de porter l’effort sur la Kabylie du Djurdjura : « Il n’y a

pas une contre ´ e ou nos institutions soient plus impatiemment attendues, ou lespopulations se montrent plus empresse ´ es a `  nous faciliter les moyens d’y ouvrirdes e ´ coles. » Cette de ´ cision qui suscita de ` s le de ´ but quelques enthousiasmes, futconside ´ re ´ e par la presse comme un e ´ ve ´ nement majeur.

De ´marches pre ´ liminaires

Cette phase concerne les enquetes des deux hauts fonctionnaires de l’Ins-truction publique et la part prise par Masqueray a `   cette tache. Elle occupepresque toute l’anne ´ e civile de 1880 (correspondance s’e ´ talant du 27 fe ´ vrier au28 de ´ cembre) et l’e ´ change de courrier la concernant de ´ voile plus explicitementla nature des rivalite ´ s personnelles que le projet de cre ´ ation d’e ´ coles en Kabyliea de ´ clenche ´ , en particulier entre le recteur Belin et E. Masqueray. S’il s’agit dedeux personnes, nous constatons en fait qu’elles rele ` vent, l’une et l’autre, d’unememe administration (l’universite ´ ) ; mais nous verrons plus loin que deuxadministrations s’affrontent : l’administration alge ´ rienne et l’autorite ´   acade ´ -

mique. C’est ce qu’exprime Stalislas Lebourgeois dans sa lettre du 27 fe ´vrier1880, a `  son supe ´ rieur, le directeur de l’Enseignement primaire au ministe ` re de

l’Instruction publique, Ferdinand Buisson 18,  en disant  que l’administrationalge ´ rienne veut mettre sous sa de ´ pendance l’administration acade ´ mique. Le-bourgeois a le projet d’aller avec Masqueray a `   Fort-National pour visiterincognito   les e ´ coles des je ´ suites en Kabylie. Le 20 octobre 1880, une lettreofficielle du ministe ` re de l’Instruction publique recommande Masqueray aurecteur de l’Acade ´ mie d’Alger pour qu’il ait en charge la mission de cre ´ ationd’e ´ coles primaires en Kabylie. Cette lettre justifie un tel choix par les connais-sances que Masqueray posse ` de sur le pays, les mœurs, la population. Le recteur

est tenu de se mettre en relation avec Masqueray et de l’informer des re ´ sultatsde cet entretien.

17. Alfred Rambaud, « L’enseignement primaire chez les Indige ` nes musulmans d’Alge ´ rie»,op. cit., p. 5.

18. Lettre date ´ e d’Alger, 27 fe ´ vrier 1880. Ferdinand Buisson, fils d’un juge et de familleprotestante, est ne ´   a `  Paris en 1841. Agre ´ ge ´  de philosophie et titulaire d’une chaire en 1866 a `l’Academie de Neuchatel. Apres 1870, il est nomme par le ministre Jules Simon inspecteurprimaire, puis il devient inspecteur ge ´ ne ´ ral et directeur de l’enseignement primaire. A ` cettee ´ poque il commence a `  publier son  Dictionnaire de pe dagogie. Collaborateur de Jules Ferry, il

pre ´ pare les textes constituant le statut de l’e ´ cole laı ¨que. Il quitte son poste en 1896 pour occuperla chaire de pe ´ dagogie a `  la Sorbonne. De ´ pute ´ de Paris (liste radicale-socialiste) a `  partir de 1902 etl’un des fondateurs de la   Ligue des droits de l’homme et du citoyen. Pre ´ sident de la Ligued’enseignement et Prix Nobel de la paix (1926). Mort a `  Thieuloy-Saint-Antoine le 16 fe ´ vrier1932.

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Masqueray s’adresse en confiance 19 a `   un homme « qui a tout bien vu dansce pays en fait d’instruction publique ». Il pose les premie ` res exigences en lamatie ` re : la ne ´ cessite ´  de 15 e ´ coles qui correspondent aux sections des 35 tribus,la ne ´ cessite ´   de commencer impe ´ rativement par la Grande Kabylie pour

ensuite agir dans les Aure ` s. L’autre exigence se porte sur les instituteurs etsurtout sur leur mariage, gage d’une grande moralite ´ . En plus de leurtraitement personnel e ´ chelonne ´  de 3500 F a `   4 500 F, leurs femmes auraientaussi un traitement, une sorte de de ´ dommagement pour l’e ´ loignement, ledanger. Si Masqueray dit «un instituteur est plus important qu’un sous-pre ´ fet », c’est qu’il mesure l’influence et le poids de la charge civilisatrice quilui revient. Il faut tenir compte d’une responsabilite ´  en matie ` re d’e ´ ducation.Cependant Masqueray semble tenir pour acquise l’instruction en GrandeKabylie et l’ide ´ e de s’e ´ tendre a `   l’Aure ` s, surtout au pays nomade, le pre ´ occupe

plus. L’instruction aura pour effet de rendre le pays se ´ dentaire mais enl’instaurant de  ja `   dans le changement des mœurs. De ` s lors, un instituteurfranc¸ais pourrait se substituer au  taleb qui enseigne dans les tentes et suit lesnomades. Cet homme n’aurait pas besoin d’etre marie ´  (en pays nomade, lesmœurs sont moins se ´ ve ` res qu’en Kabylie) ; quant a `   sa surveillance, elleimpressionne seulement ceux qui n’ont pas suivi de pre ` s la re ´ gularite ´   de lavie nomade. En matie ` re d’instruction, Masqueray semble toujours regorgerd’ide ´ es, mais d’ide ´ es toujours e ´ dicte ´ es pour qu’elles s’adaptent, pour qu’ellessoient au plus proche de la vie et des mœurs en Alge ´ rie. Il anticipe cependant

le discours de ceux qui y verront des chime ` res, ceux-la `   «n’ont pas vu leschoses ou ont inte ´ reˆt a `   les de ´ figurer ».

Il ne faut pas oublier qu’en cette anne ´ e 1880, Masqueray est directeur del’E ´ cole supe ´ rieure des Lettres d’Alger. La responsabilite ´  de cette lourde chargeva fournir a `  son adversaire, le recteur Belin, l’argument essentiel pour que nelui soit pas en plus attribue ´ e cette mission 20.

En octobre 21, une nouvelle lettre du ministe ` re indique au Gouverneur del’Alge ´ rie que Masqueray est bien en charge de la mission et qu’il faut donc

faire le ne ´ cessaire avec le Secre ´ taire ge ´ ne ´ ral d’Alger pour que les adminis-

19. Lettre date ´ e d’Alger, 14 septembre 1880.

20. Lettre du 11 fevrier 1880 a Henri Le Bourgeois, inspecteur delegue du ministre del’Instruction publique.

21. Lettre du ministere de l’Instruction publique au recteur de l’Academie d’Alger datee du20 octobre 1880. Le ministe ` re lui transmet copie d’une lettre envoye ´ e au Gouverneur ge ´ ne ´ rald’Alge ´ rie sur la cre ´ ation des e ´ coles. Il de ´ fend vivement la ne ´ cessite ´  de la scolarisation en Kabylieet les difficultes qu’elle rencontrera : seul Masqueray sera a meme de les resoudre, en raison de saconnaissance approfondie de la culture et de la langue berbe ` res. Les chefs kabyles, favorables a `ce projet, l’aideront d’autant mieux qu’ils le connaissent de  ja ` . Il conside ` re que les nouvelles

e ´ coles devront etre acheve ´ es de ` s la prochaine rentre ´ e scolaire.Le meme ministe ` re au Gouverneur de l’Alge ´ rie (lettre date ´ e du 20 octobre 1880) informe ce

dernier qu’il a charge ´  Masqueray de s’occuper de l’organisation de l’enseignement primaire enKabylie et que celui-ci va effectuer un voyage d’e ´ tude. Il demande que l’administrateur de laKabylie facilite la re ´ alisation de cette mission.

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trateurs lui facilitent sa mission. C’est fin octobre 1880, que le ministe ` reinforme donc directement Masqueray de cette proposition 22, laquelle im-plique   des cre ´ dits qui viendront du Conseil ge ´ ne ´ ral et du gouvernementd’Alger. S’il l’accepte, il aura a `   faire part de son plan. Nous avons donc

trois lettres, trois angles de vue pour observer que la proposition directe a `Masqueray s’accompagne de louanges, de compliments, de toute la rhe ´ to-rique de flatteries ne ´ cessaire qui ne doit pas etre sans de ´ plaire a `   Masqueray.L’aspect formel et administratif s’oublie un peu dans le ton laudatif de lalettre.

Position du recteur d’acade ´mie

Les premie ` res inquie ´ tudes du recteur Belin 23 se manifestent au ministe ` re le26 octobre 1880. Pourquoi a-t-on cre ´ e ´   une mission spe ´ ciale et en quoiconsiste-t-elle exactement ? S’il s’agit de de ´ terminer simplement le lieu des15 e ´ coles, la ne ´ cessite ´   d’une mission spe ´ ciale ne s’impose pas. S’il s’agit dede ´ terminer l’ame ´ nagement inte ´ rieur, la nature de l’enseignement et sa dis-tribution, le recteur ne pense pas que Masqueray soit compe ´ tent pour cettetache. Il critique le fait que les inspecteurs soient par la suite charge ´ s d’uneorganisation qui leur e ´ chappera ; que l’inspecteur d’Acade ´ mie d’Alger n’ait

vu aucun chef kabyle influent alors que celui de Constantine, M. Frin, est enrelation constante avec les autorite ´ s militaires et indige ` nes du cercle d’Ak-bou. De plus, selon lui, Masqueray va etre en charge d’une tache qui vadoubler celle de directeur de l’E ´ cole supe ´ rieure des Lettres. Mais n’est-ce pas

22. Lettre date ´ e de Paris, octobre 1880. Ne ´ cessite ´  de cre ´ er en Kabylie, pour la rentre ´ e, unnombre d’e ´ coles e ´ gal a `   celui des nouvelles communes, et attribution de cre ´ dits spe ´ ciaux.

Le ministre exprime a `  Masqueray toute sa confiance et le fe ´ licite pour son de ´ vouement lors despre ´ ce ´ dentes missions qui lui ont e ´ te ´  confie ´ es. Il lui de ´ clare que cette nouvelle mission n’entraverapas ses activite ´ s de directeur, dans la mesure ou il pourra utiliser ses vacances pour ses voyages

d’etude.23. Lettre date ´ e d’Alger, 26 octobre 1880.Il exprime ouvertement son desaccord par rapport a la decision de confier une telle mission a

Masqueray, et il remet vivement en cause les compe ´ tences de ce dernier: s’il s’agit de de ´ ciderseulement quelles seront les e ´ coles prioritaires, une mission spe ´ ciale n’est pas ne ´ cessaire etMasqueray pourrait se contenter de se renseigner aupres des familles influentes kabyles qu’ilconnaıt bien ; par contre Masqueray ne dispose pas des compe ´ tences requises pour la de ´ termina-tion des e ´ coles, leur ame ´ nagement et l’organisation de leur enseignement ; en outre, il n’est pasbon qu’il s’occupe exclusivement de cette affaire qui incombe aux inspecteurs; ces derniersdevraient donc e ´ tablir eux-memes des contacts avec la population kabyle, puisque ce sont euxqui dirigeront les futures e ´ coles.

Par ailleurs, cette mission va avoir des conse ´ quences ne ´ gatives sur sa fonction de directeur de

l’E ´ cole des Lettres. Il y a de  ja `   eu a `   Alger des plaintes au sujet de l’ouverture tardive des E ´ colessuperieures, et il n’est pas bon de priver les etudiants durant plusieurs semaines des cours, etl’E ´ cole de la presence de son directeur. Malgre toutes ces reserves, il l’assure de son concours.

Il l’informe qu’il a demande ´  a `  El Hachemi ben Si Lounis des renseignements sur le cercle deFort-National et de ses besoins en matie ` re de scolarite ´ .

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la `   un argument qui vise a `   de ´ nigrer Masqueray ? Lorsqu’il affirme vouloirparler « en disant tout ce qu’[il] pense », n’avoue-t-il pas implicitement qu’ilaimerait que l’on retire cette tache a `   Masqueray ? Le 8 octobre 1880,l’inspecteur d’Acade ´ mie Pontavice, s’adresse au recteur lui proposant d’etre

en charge de la mission. Un projet est de  ja `  en place, re ´ dige ´  par l’inspecteur etle commandant de Fort-National. Ainsi, le 29 octobre 1880, le recteur remetau ministe ` re ce projet de Pontavice en le pre ´ sentant avec toutes les louangesd’un travail effectue ´  avec le plus grand soin 24. C’est une manie ` re de doublerMasqueray, de s’y substituer. D’un cote ´ , Masqueray a e ´ te ´   de ´ signe ´   par leministe ` re et de l’autre Pontavice est recommande ´  par Belin, favorisant ainsila concurrence. C’est ce qui apparaıˆt clairement dans la lettre du 30 octobrede Belin a `  F. Buisson 25, le directeur de l’enseignement primaire au ministe ` re.En effet, selon Belin, la mission revenait « de droit » a `   l’inspecteur d’Acade ´ -

mie.Un te ´ le ´ gramme officiel 26 a `  Masqueray lui fait part du cre ´ dit vote ´   par le

Conseil ge ´ ne ´ ral du de ´ partement d’Alger. Il dispose de 56 500 F en deuxannuite ´ s pour la cre ´ ation d’e ´ coles. Suite aux remarques de Belin, le ministe ` relui re ´ pond habilement27, peut-etre avec le souci de me ´ nager les rivalite ´ sste ´ riles. Il lui explique pour quelles raisons Masqueray a e ´ te ´   choisi : pourque l’administration ne souffre pas de cette charge, on l’a confie ´ e a `   ununiversitaire. Le ministe ` re insiste surtout sur le fait d’une re ´ alisation communequi de ´ pend de la bonne volonte ´  de chacun. Il ne fait que souligner la ne ´ cessite ´

d’une entente pour que le projet se de ´ roule le mieux possible. Le 9 novembre

24. Lettre date ´ e d’Alger, 29 octobre 1880. Le recteur Belin transmet au ministe ` re le projet deM. de Pontavice.

Dans sa lettre au recteur Belin (date ´ e d’Alger, 8 octobre1880), cet inspecteur lui demande, surun ton plein de de ´ fe ´ rence, l’autorisation de se «consacrer » a `  une « initiative si hautement prise »par le ministre, consistant en la cre ´ ation des e ´ coles en Kabylie. Il l’informe qu’il a de  ja `  obtenu desrenseignements sur la de ´ termination du nombre des futures e ´ coles et lui soumet un projet e ´ tablipar l’instituteur (il s’agit de Scheer) et le commandant de Fort-National (M. Dianous), deuxhommes dont il loue les compe ´ tences. Le recteur, a `  l’adresse du ministe ` re, exprime des doutes sur

la necessite de confier l’organisation des futures ecoles a un « delegue special » (= Masqueray).

25. Lettre a `   Ferdinand Buisson date ´ e d’Alger, 30 octobre 1880.Il exprime vivement son desaccord au sujet de la decision de confier la mission d’organisation

des e ´ coles a `  Masqueray. Il regrette que cette affaire n’ait pas e ´ te ´   confie ´ e a `  qui de droit (M. dePontavice) dans le respect de la hie ´ rarchie, et soupconne des intrigues dont il l’entretiendraulterieurement.

26. Date ´  d’Alger, 3 novembre 1880.

27. Lettre date ´ e de Paris, de ´ but novembre 1880.Le ministe ` re l’informe avoir pris connaissance de la demande de M. de Pontavice de se voir

confier l’organisation de l’instruction en Kabylie, et le remercie laconiquement de l’inte ´ reˆtque suscite ce projet chez tous les fonctionnaires. Il lui re ´ ite ` re son intention de confier cette

affaire a `  Masqueray, dont il fait l’e ´ loge en pre ´ cisant que celui-ci sera un parfait interme ´ diaireentre l’administration et la population kabyle jusqu’a l’achevement des ecoles. Il declare quesa mission contribuera a renforcer l’administration et ne saurait en aucun cas aller a sonencontre, Masqueray n’e ´ tant qu’un auxiliaire parmi d’autres. Il lui demande son aide et sonconcours.

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Divergences de vue

En conclusion, le recteur accepte cette charge a `   condition que toute la

responsabilite ´  en incombe a `  Masqueray. Il sera seul, il insiste sur ce point, etassumera les conse ´ quences. Ses re ´ serves vont donc a `  la manie ` re dont sera ge ´ re ´ el’E ´ cole supe ´ rieure des Lettres, qui patira su ˆ rement de la mission de Masque-ray. La re ´ ponse du ministe ` re au recteur 31 le 20 de ´ cembre 1880 nous montrecombien il est ne ´ cessaire de faire preuve de diplomatie lorsque de tels projetssont engage ´ s et engagent des tempe ´ raments diffe ´ rents.

Le ministe ` re re ´ ajuste sa pense ´ e sur celle du recteur. Tous les points qu’il asouleve ´ s ont de l’inte ´ ret. Il donne au recteur une autorite ´  pre ´ ponde ´ rante dansla surveillance des e ´ coles, une fois tous les pre ´ liminaires remplis. Masqueray

semble, en effet, outrepasser sa mission qui met en pe ´ ril la bonne ge ´ rance del’E ´ cole des Lettres. Il est clair qu’il ne peut quitter l’E ´ cole hors des vacances. Latache de Masqueray est donc plus clairement de ´ limite ´ e : il s’occupera de fixerles points ou les e ´ coles seront construites, d’appre ´ cier l’e ´ tat d’esprit desindige ` nes, de de ´ terminer le nombre de classes dans chaque e ´ cole et les ressour-ces locales que l’on peut utiliser.

Le ministre lui demande de faire part a `  Masqueray de ces remarques et del’informer de son entretien. L’habilete ´ de cette lettre est de revaloriser le role durecteur, de lui donner le sentiment que l’on partage ses appre ´ ciations sans

 jamais modifier l’attitude envers Masqueray, c’est-a ` -dire en conservant lerespect et l’attention dus a `   l’homme qu’ils ont premie ` rement choisi pourcette tache. Le recteur fait parvenir sa re ´ ponse sous forme de te ´ le ´ gramme. Ilsemble qu’un accord ait e ´ te ´  possible entre eux deux. Masqueray accepte lesconditions et re ´ duit meˆme ses de ´ penses a `  7 000 F pour l’anne ´ e 32. Le 22 de ´ cem-bre et le 26, un te ´ le ´ gramme de Masqueray 33 exprime le souhait que lesadministrateurs favorisent sa mission. Le ministe ` re s’en occupe dans la lettredu 26 au gouverneur demandant que la mission lui soit facilite ´ e d’une faconeffective 34.

Cette correspondance de ´ noue les querelles que l’on entrevoit de manie ` re

31. Dans cette lettre rassurante, le ministe ` re pre ´ cise que cette mission confie ´ e a `   Masquerayconsistera simplement a determiner les emplacements des futures ecoles, leur composition, leconcours des indige ` nes et les ressources locales dont elles pourraient be ´ ne ´ ficier. Il devra effectuerun rapport mensuel avec des plans, des devis et d’e ´ ventuelles promesses de vente, lequel seraexamine ´   par le recteur et agre ´ e ´   par le Conseil de ´ partemental avant d’etre mis a `   exe ´ cution.

32. Te ´ le ´ gramme date ´  du 28 de ´ cembre 1880.Le recteur informe que Masqueray a accepte sa mission a certaines conditions financieres (une

somme de 7 000 F pour toute l’anne ´ e), et demande pour ce dernier une avance de 1 500 F.

33. Telegramme adresse a Henri Le Bourgeois.34. Lettre du ministe ` re de l’Instruction publique au Gouverneur ge ´ ne ´ ral de l’Alge ´ rie date ´ e de

Paris, 26 de ´ cembre 1880. Il l’informe qu’il a charge ´   Masqueray de l’organisation des e ´ colesprimaires en Kabylie, et lui demande d’intervenir aupre ` s de l’administrateur de Kabylie pour luifaciliter sa mission.

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latente au moment de la mission meme. Elles ont plus le sens de rivalite ´ s decaracte ` re, entre Belin et Masqueray, que des fondements argumente ´ s sur letravail ou la valeur de Masqueray. Mais l’on voit bien que le recteur Belin va

 jusqu’a `   la cole ` re, jusqu’a `   laisser entrevoir, dans sa re ´ ponse au ministe ` re, qu’il

est en prise avec le caracte ` re audacieux, emphatique d’un homme. Il dit que letort a e ´ te ´   de ne pas suivre la voie hie ´ rarchique. Il souffre qu’on ne luireconnaisse pas assez son titre, il souffre de voir Masqueray se substitueravec fougue a `  un travail qui revient a `  son administration. Mais il a le tort deformuler des attaques personnelles, de se laisser emporter par son sentiment etd’oublier une argumentation sobre. Ainsi la manie ` re dont il insiste sur l’argentdemande ´   par Masqueray tout en de ´ savouant vouloir commenter ce point,alors qu’il y revient sans cesse, est excessivement maladroite. Le recteur Belinnous donne la de ´ monstration de sentiments humains : l’envie, l’orgueil, la

 jalousie ou plus justement la vanite ´ .

II. MISSION DE JANVIER 1881

Masqueray a en charge, au cours de cette mission du mois de janvier,d’e ´ tudier la cre ´ ation de nouvelles e ´ coles en Grande Kabylie dans les communes

mixtes de Fort-National, du Haut-Se ´ baou et du Djurdjura. Ce projet exige deconstater sur place les dispositions des Kabyles, des administrateurs, dede ´ terminer des emplacements favorables et de re ´ partir au mieux le nombred’e ´ coles.

Le premier rapport, journalier, indique le travail de pre ´ paration effectue ´dans chaque commune. En second lieu, il permet d’avoir une vue d’ensemblesur ce qu’implique la fondation de ces e ´ coles : la disposition des Kabyles, le roledes grands chefs, les fractions maraboutiques..., en fait, de cerner l’enjeu de cese ´ tablissements en Kabylie, ainsi que tous les proble ` mes que cette cre ´ ation

pose 35. Enfin, en dernier lieu 36, il s’agit de de ´ terminer le nombre, le lieu et lemode de fonctionnement des e ´ coles ; ce rapport pre ´ cis ne porte pas que pour lacommune de Fort-National, une collectivite ´   et une division administrativeassez conside ´ rable au point de vue du peuplement.

35. La premie ` re partie de ce rapport a e ´ te ´   acheve ´ e d’e ´ crire en fe ´ vrier 1881. Le rapport lui-meˆme a e ´ te ´   publie ´  in extenso, in  O. Ould-Braham, « E ´ mile Masqueray en Kabylie...», op. cit.,annexe no 1, pp. 36-60.

36. Nous sommes ici dans la deuxie ` me partie de ce premier rapport date ´ e du mois de mars.

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Rapport journalier

Masqueray est dans la commune mixte de Fort-National du mardi 4 jan-

vier au mercredi 12 janvier. Il s’entretient avec l’administrateur, CamilleSabatier 37, le mardi et e ´ tudie le lendemain la distribution des nouvellese ´ coles en se rendant sur place. Le jeudi, il proce ` de a `   la de ´ termination provi-soire d’un e ´ tablissement pour un autre groupe de villages (Imatou-Ken,Taourirt-el-Ala...). Le vendredi, il s’occupe de la partie lie ´ e aux proble ` mesde construction avec les entrepreneurs. Le samedi, une autre journe ´ e seul,qu’il consacre a `   la de ´ termination d’emplacements. Le dimanche est entie ` re-ment re ´ serve ´   au groupe des Beni-Yenni. Le lundi 10 janvier, il e ´ tudie le devispour toute la commune mixte de Fort-National, visite l’un des rares e ´ tablis-

sements scolaires38

du secteur public qui fonctionnent de  ja ` , et interroge lese ´ le ` ves pour se faire une ide ´ e sur les modalite ´ s de l’enseignement. Le mardi11, a `   Djemaa-Sahridj, Masqueray nous livre tous les e ´ le ´ ments de la proce ´ -dure d’installation d’une e ´ cole. En premier, il s’agit d’interroger les habitantsafin de voir s’ils adhe ` rent a `   ce projet ; en second, il faut de ´ terminer un lieu(Agouni-Zemmor)39 qui agre ´ e chacun. L’important est que ce choix se fasseen concertation avec les habitants.

Dans la commune mixte du Haut-Se ´ baou du mercredi 12 janvier au ven-dredi 14 janvier, l’administrateur Warnier absent, il est recu a `  Ilmaten par son

adjoint, De Raizie. Le proble ` me du lieu se pose avec la tribu des Azazga. Le jeudi 13, plusieurs renseignements statistiques sont pris pour fonder les e ´ colesdu Haut Se ´ baou (Beni-Ghobri, Beni-Yidjer, Illoulen-Oumalou, Beni-Zekki) etmeme de la montagne des Beni-Djennad. Le vendredi 14, il re ´ unit les notablesde Souama des Beni-Bou-Chaı ¨b, note leurs offres de vente et proce ` de de memea `   Taka chez les Beni-Yahia. Le soir, il part pour la commune mixte duDjurdjura ou il est recu par l’administrateur, M. Lapaine. Leur travailprend fin a `  1 heure du matin.

Dans la commune mixte du Djurdjura, ses se ´ ances de travail-marathon ont

dure ´  du vendredi 14 au dimanche 16 janvier. Il visite les environs d’Aı ¨n-El-Hamman (Taka des Beni-Yahia) ou il a tenu une grande assemble ´ e avec des

37. Ne ´  le 10 mars 1851 a `  Tlemcen, juge au tribunal de Blida en 1879, administrateur de lacommune mixte de Fort-National en 1880, et charge ´   d’enseignement en 1884 (« institutionsberberes ») a l’E ´ cole superieure des Lettres d’Alger. Depute d’Oran en 1885, elu sur la liste de lagauche radicale et rapporteur du budget de l’Alge ´ rie en1889. On dit qu’il fut l’un des partisans du« mythe kabyle ». Auteur de divers ouvrages et articles sur l’Alge ´ rie et le Sahara; pour le domainequi nous occupe, signalons : « Essai sur l’origine, l’evolution et les conditions actuelles desBerbe ` res se ´ dentaires », Revue d’anthropologie, 1882, pp. 413-442 ; « E ´ tude sur la femme kabyle »,

ibid., 1882, pp. 56-69 ; « La femme kabyle », Bulletin de la Socie te  ge ographique et arche ologiqued’Oran, 1883, pp. 128-136;  Les difficulte s alge rienne. La question de la se curite , insurrection,criminalite , Alger, Jourdan, 1882, 64 p.

38. Il s’agit de l’e ´ cole arabe-francaise de Fort-National, dirige ´ e par Euge ` ne Scheer.

39. Masqueray e ´ crit parfois :  Agouni-Izemmouren.

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notables, et se rend avec M. Lapaine au col de Tirourda, dans le village deSoummer 40, un des  foyers de l’insurrection de 1871 : les notables re ´ unis, ilrecueille leur adhe ´ sion. Il repart a `   Fort-National le dimanche 16, puis a `   Tizi-Ouzou, pour enfin rejoindre Alger.

Masqueray est en charge d’un travail important et de ´ licat avec lequel il doitmettre en œuvre des talents de diplomate. Il doit tenir compte des offres et desbesoins des habitants, recueillir leur adhe ´ sion et s’arranger avec les adminis-trateurs. Enfin, il ge ` re aussi au mieux le prix de construction. Ainsi, a `  la suite deces notes journalie ` res, il peut dresser un rapport qui mesure tous les parame ` tresqu’implique l’implantation d’e ´ coles, c’est-a ` -dire la disposition des Kabyles enfonction de leur histoire, de leurs coutumes, des influences religieuses, enfonction des projets et des offres des administrateurs, en fonction aussi desre ` gles du ministe ` re et du budget alloue ´ . Il faut donc accorder ces parame ` tres

sans en oublier un seul pour pre ´ voir les conse ´ quences de ces nouveaute ´ s.

Masqueray a les qualite ´ s requises, il est un bon historien et connaıˆt lesmœurs kabyles, il est diplomate et surtout tre ` s exalte ´   par ce projet qu’ilenvisage comme une mission civilisatrice.

E ´ tude des diffe ´ rents parame ` tres

a) Disposition des Kabyles

Dans une synthe ` se tre ` s claire, Masqueray donne un aperc¸u du fonctionne-ment administratif et de l’organisation sociale de la Grande Kabylie. L’unite ´administrative est assure ´ e par le village (ou   taddert) 41 qui, chacun, a saconstitution propre et te ´ moigne d’une organisation de type de ´ mocratique.Groupe ´ e en confe ´ de ´ rations, la Kabylie est distribue ´ e selon les kelibat-s, suivantun sche ´ ma segmentaire 42. Il insiste sur trois caracte ` res dominants : sur le faitqu’il y ait une culture de ´ veloppe ´ e, grace au labeur, sur une terre plutot auste ` re,

40. Bien que l’emplacement de l’e ´ cole projete ´  soit le centre d’Iferhounen, Masqueray e ´ critdans son rapport, non sans fierte ´ , avoir finalement opte ´  de tenir une assemble ´ e avec les notablesdes tribus des Aı ¨t Ittouragh et Aı ¨t Illilten dans un lieu hautement symbolique: « C’est la ` , e ´ crit-il,que pendant plusieurs anne ´ es une prophe ´ tesse nomme ´ e Lalla Fatma a preche ´  la guerre saintecontre nous, et les Kabyles montrent aux touristes avec orgueil, pre ` s de la maison de l’aminactuel, un frene e ´ norme entoure ´  de dalles, au pied duquel se groupaient ses auditeurs. »

41. Chaque village  (tadde `rt) est divise ´  en petits quartiers (kharouba), dont le repre ´ sentant(tamen) est choisi librement par les habitants. Les villages qui se caracte ´ risent par leur propreconstitution   (kanoun)   constituent de minuscules re ´ publiques ressemblant, dit-il, a `   celles del’Italie du Moyen A ˆ ge ; elles ont produit deux blocs antagonistes : les gens « d’en haut » et ceux«d’en bas». Parfois, a `   l’inte ´ rieur d’un meme village, il y avait des fortifications se ´ parant un

groupe d’un autre.42. Malgre ´   sa tendance de ´ mocratique et son esprit fier et inde ´ pendant, le peuple kabyle,

d’apre ` s les observations de Masqueray, a donc subi certaines influences et e ´ volutions. Desfamilles et des individualite ´ s ont e ´ merge ´  grace a `  leurs talents, leur habilete ´  et leur capacite ´   degouverner. D’ou l’apparition de petits tyrans locaux, chefs de guerre avides et ambitieux, dont

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sur l’unite ´  et l’organisation de ´ mocratique re ´ gies par les kanoun, et sur l’espritd’inde ´ pendance, notamment en matie ` re religieuse.

La bonne disposition des Kabyles est a `  observer a `   l’e ´ gard de la conqueˆte

francaise. Elle est positive et be ´

ne ´fique selon Masqueray. Il prend en exemplela tre ` s bonne organisation de la justice qui ne proce ` de ni par re ´ pression, ni par

violence. La conquete francaise va permettre d’effacer les causes de dissensionentre les tribus : d’effacer l’esprit de coff, les   kebilat-s et l’influence desmarabouts.

Il e ´ voque tre ` s rapidement l’insurrection de 1871 qui, pour lui, n’est pasrepre ´ sentative de l’esprit kabyle. En revanche, il appre ´ cie le regard de laKabylie sur la pre ´ sence francaise : « Comme tout le reste, elle nous est soumiseparce que le peuple a confiance dans notre e ´ quite ´   et dans notre force. » A ` ses

yeux, le gouvernement francais est d’abord un maıtre et surtout un protecteur.Mais cette vision ide ´ ale de la pre ´ sence francaise se de ´ ploie-t-elle de manie ` rehomoge ` ne et sans contradictions dans son rapport ?

A ` son arrive ´ e a `  Fort-National, il pre ´ sente a `   C. Sabatier le projet francaiscomme une «e ` re nouvelle, celle de l’instruction », enthousiasme et foi quire ´ sument l’attitude de Masqueray. Cependant, on retiendra les termes em-ploye ´ s tels que «soumission», «a `   condition que », « ce sont les Francais quipayent pour que ». Or, si l’on confronte ces expressions avec une pre ´ sentationidyllique « elle est accueillie par les Kabyles comme un bienfait », tel e ´ tait

«l’ide ´ al vers lequel aspirait chaque village», et surtout, «une re ´ solutionge ´ ne ´ reuse et sans contrainte ». C’est alors qu’apparaissent les ambiguı ¨te ´ s. Envoulant insister sur la liberte ´ , le choix des Kabyles, il re ´ ve ` le ses proprescontradictions. Il e ´ voque bien « une soumission » d’une part, et d’autre part« sans contrainte », c’est un langage qui annonce ses propres contradictions. Siles Kabyles sont si bien dispose ´ s, il ne peut etre question de les soumettre ? Il estclair que, pour tout projet ne ´ cessitant le soutien du plus grand nombre, il fautdiscuter, se concerter et arriver a `   une entente ; Masqueray en est conscient.

Ainsi, a `   Fort-National, apre ` s avoir remarque ´   l’adhe ´ sion tre ` s forte de la

population, le proble ` me se pose au niveau des amin-s et oukil-s qui sont plusre ´ ticents. Ces notables ne voient pas l’inte ´ ret pour des pauvres de perdre leur

 jeune main-d’œuvre en les envoyant a `   l’e ´ cole. C’est en effet un proble ` me a `conside ´ rer. Combien de familles enverront leurs enfants a `   l’e ´ cole alors qu’ellesont besoin de leur travail quotidien ? Masqueray note lesquels sont pour oucontre cette nouveaute ´ . L’autre exemple est celui de la commune du Djurdjura,sur un lieu symbolique de la re ´ volte de 1871 : a `   Soumeur 43.

certains ont eu une re ´ elle puissance et une fin tragique, tels Firmus du temps de The ´ odore et le roi

de Koukou a `   l’e ´ poque turque.43. D’apre ` s l’enquete de Masqueray, les Kabyles voient d’un œil tre ` s favorable l’e ´ tablissement

d’e ´ coles francaises dans leur re ´ gion. Lors d’une re ´ union de tous les repre ´ sentants de Fort-National, le 7 janvier 1881, ceux-ci accepte ` rent avec enthousiasme le programme qui leur e ´ taitpropose ´ , a `  savoir des e ´ coles laı ¨ques, gratuites et ouvertes a `   tous, ou l’on prodiguerait a `  la fois des

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L’installation d’une e ´ cole re ´ pond a `   plusieurs conditions : y enseigner lalangue francaise, le calcul, l’histoire, la ge ´ ographie, le dessin. Y e ´ tudier lekanoun  et la loi franc¸aise. Le plus important sera d’y apprendre un me ´ tiermanuel, d’orienter l’enseignement vers une profession utile au de ´ veloppement

de la Kabylie. La langue arabe doit aussi figurer parmi les langues e ´ trange ` res.

Mais Masqueray ne s’est pas contente ´  d’observer en pre ´ sence de l’adminis-trateur. Il s’est rendu seul en plusieurs endroits pour sonder le peuple kabyle.Ce travail se ´ rieux, consciencieux, te ´ moigne d’inquie ´ tudes. Il veut s’assurer parlui-meme qu’aucune pression n’est a `  craindre. Il est impressionne ´  par la tribudes Beni-Yenni dont il admire la vivacite ´ et l’esprit moderne : « La question dese ´ coles y e ´ tait re ´ solue d’avance », constate-t-il.

En conclusion, Masqueray se fe ´ licite de ces premiers pas. Il comprend la

satisfaction des Kabyles en fonction de deux raisons : l’une politique, l’autree ´ conomique. En effet, connaıtre les lois est un moyen de se mettre a `  l’abri de laviolence et des injustices. Enfin, e ´ conomiquement, les Kabyles pourrontconcurrencer les colons et ne pas les laisser seuls initiateurs. Il remarquecependant que les dispositions sont meilleures la `   ou la pre ´ sence francaise estplus pre ´ gnante.

A ` cela, il faut ajouter quelques re ´ serves: la ne ´ cessite ´   d’enseigner l’arabe(pourquoi ne pas ajouter « et le berbe ` re»?) et de ne fonder que des e ´ colesgratuites. Le proble ` me de la pauvrete ´  est aussi un facteur a `  conside ´ rer de pre ` s,

et pour installer des colons et pour convaincre les parents d’envoyer leursenfants a `   l’e ´ cole.

b) De l’influence et du ro ˆ le des « grands chefs »

Si la population kabyle est dispose ´ e a `  accueillir ces e ´ coles, en quoi doit-on lapre ´ server du pouvoir de personnages influents ? Selon Masqueray, le terme« grands chefs » ne correspond plus a `   une re ´ alite ´   en Kabylie, mais de ´ signecertains personnages influents. Deux voix s’opposent : la premie ` re, celle de ces

personnages qui ont voulu jouer le role de serviteurs de la France, qui ontdonne ´  l’exemple en envoyant leurs enfants dans les e ´ coles des pe ` res je ´ suites etdes missionnaires. La seconde est celle de leurs adversaires qui veulent leurdisparition ou plutot souhaitent ne pas revoir leur puissance se reconstituer.

enseignements de type classique et des disciplines manuelles pour l’apprentissage d’un me ´ tier,ainsi que les lois kabyle et francaise et l’arabe comme langue e ´ trange ` re. En plus, d’apre ` sMasqueray, ils exprimerent leur absence de reticence d’etre gouvernes par les Francais. Lamajorite ´  des amin-s pre ´ sents (c’est-a ` -dire 51 d’entre eux) vote ` rent « pour » le projet, alors que 16seulement vote ` rent « contre ». Lors de l’assemble ´ e des repre ´ sentants des Beni-Itouragh et des

Illilten a `  Soumeur, dans le Djurdjura, les amin-s re ´ pondirent e ´ galement favorablement a `   l’expose ´des principes de base des futures e ´ coles.

Une enquete personnelle de Masqueray – sans la pre ´ sence des administrateurs – aupre ` s desKabyles confirme cette impression ge ´ ne ´ rale. Mais, c’est avec les Beni-Yenni que les ne ´ gociationsfurent les plus fructueuses.

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Ainsi le peuple se me ´ fie lorsque ces chefs proposent des terrains pour e ´ tablir lese ´ coles (Y a-t-il anguille sous roche ?).

La solution pour Masqueray est de toujours s’adresser en premier au peuple,d’accepter les dons publics des villages et de souligner que l’e ´ cole est pour tous.Seulement apre ` s ces proce ´ dures, ils pourront e ´ ventuellement accepter lesdonations gracieuses individuelles, mais sans leur accorder une plus grandeimportance. Le souci d’e ´ galite ´ , d’insuffler cet esprit e ´ galitaire, est celui deMasqueray qui montre la `   son ide ´ al inde ´ fectiblement re ´ publicain. Ce souci,

 joint a `   celui de laı ¨cite ´  est nettement visible lorsqu’il conside ` re les influencesreligieuses.

c) Des fractions maraboutiques et des influences religieuses

Masqueray dresse un tableau des diffe ´ rentes fractions maraboutiques de lacommune de Fort-National. La plupart de ces fractions sont d’origine e ´ tran-ge ` re, et se sont mele ´ es au village sans toutefois s’assimiler comple ` tement auxhabitants. Leur action de pacification a souvent e ´ te ´ reconnue 44. Apre ` s l’arrive ´ efrancaise, ces fractions ont perdu leur role politique, ce qui e ´ vite tout proble ` mequant a `   la construction des e ´ coles. Quant a `  leur influence religieuse, elle n’a

 jamais pu re ´ ellement gagner les Berbe ` res qui ont toujours e ´ te ´   inde ´ pendants et« peu enclins au fanatisme ».

La diplomatie et la finesse de Masqueray sont toujours a `  l’œuvre. Convain-cre ces fractions sera re ´ alise ´  par la flatterie : la France ne fait que poursuivre latache qu’elles ont inaugure ´ e. Il ne faudra pas e ´ carter le role du taleb 45 d’originemaraboutique, role qui, de toute facon, se perpe ´ tuera sous d’autres formes. Leplus important est de ne laisser pe ´ ne ´ trer aucun enseignement religieux, Mas-queray prone la laı ¨cite ´   sans employer le terme. Seulement, comment peut-onaffirmer que l’e ´ cole sera sans enseignement religieux alors que l’on y enseignerale Coran ? Il envisage une facon de ´ tourne ´ e de re ´ gler ce proble ` me : de ´ clarer que

la langue arabe est utile comme langue commerciale

46

.

44. Lors des conflits, ils ont toujours e ´ te ´  des conciliateurs et des pacificateurs hors pair. Enraison de ces talents politiques et diplomatiques, ils e ´ taient devenus les principaux protagonistesde l’instruction religieuse en Kabylie.

45. Il ne s’agit pas des taleb-sdezaouı ¨a mais des instituteurs musulmans. Bien que ces derniersn’enseignent que l’arabe et des fragments du Coran et qu’ils soient favorables aux e ´ colesfrancaises, ils font partie du peuple kabyle, en raison de leur fonction de « secre ´ taire du village »et de leur solidarite ´  vis-a ` -vis des pauvres. Aussi, ils sont tre ` s appre ´ cie ´ s et il serait imprudent de lese ´ carter, ce qui aurait pour conse ´ quence d’entretenir les activite ´ s hostiles des « grands chefs ».

46. Elle sera enseigne ´ e, a `   l’age de quatorze ans, au sortir de l’atelier, par des   taleb-s

fonctionnaires. Pourtant leur pre ´ sence dans les e ´ coles franc¸aises n’est pas de ´ sirable, dans lamesure ou la mission du gouvernement francais n’est pas d’islamiser les Kabyles, mais l’arabe estune langue liturgique. Afin de neutraliser leur influence, il serait bon d’enseigner dans undeuxie ` me temps uniquement l’arabe a `  partir d’ouvrages non religieux, ce qui permettrait auxanciens  taleb-s de continuer a `  pratiquer leur profession sans risque, jusqu’a `   leur de ´ part a `   la

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d) Du concours des administrateurs des communes mixtes

Masqueray souligne le role tre ` s actif des administratifs dans cette entreprise.Ils soutiennent l’instituteur qui incarne la « France civilisatrice ». L’instituteur

a pour profil : un homme instruit, d’age moyen, marie ´ , et qui e ´ te ´   e ´ prouve ´   a `l’universite ´ . Il a un role particulier car il doit connaıtre les coutumes, lesmœurs, donc mesurer la porte ´ e de ses paroles. Camille Sabatier, l’adminis-trateur de Fort-National, a de  ja `  un projet de former six petites e ´ coles « pre ´ -paratoires a `   l’enseignement primaire ». Son homologue, Lapaine, te ´ moignee ´ galement du meme esprit dans la commune du Djurdjura. Il veut ajouterd’autres e ´ coles construites aux frais de la commune (le Djurdjura e ´ tant la plusriche), mais dont les moniteurs seront re ´ tribue ´ s par l’E ´ tat.

Pour toutes les e ´ coles, il faudra utiliser en priorite ´   les terrains communaux

kabyles ou mechmel-s qui e ´ vitent toute installation sur une proprie ´ te ´   indivi-duelle. Re ´ gler cette question reviendra au gouverneur ge ´ ne ´ ral. Mais il faudral’approbation du ministe ` re pour les emplacements et batiments, pour lanomination des moniteurs kabyles et pour que les e ´ tablissements soient sousle controle de l’inspection acade ´ mique.

Le dernier proble ` me concerne le cou ˆ t, qui varie en fonction de la ge ´ ographie.L’e ´ tat des routes, quand elles existent, de ´ plorable rendra difficiles le transportdes mate ´ riaux de construction, leur acheminement. Pour re ´ duire ces frais, ilfaudrait employer les prestations des Kabyles.

e) Emplacements, dimensions et distributions des e coles

Quels crite ` res respecter pour l’emplacement ? On sait qu’on aura a `  jouer surplusieurs parame ` tres : la densite ´  de la population ; les habitudes locales et lafacilite ´  des communications ; batir les e ´ coles hors des villages pour e ´ viter lacontagion de maladies et fuir les valle ´ es et bas-fonds ; le rayon de l’e ´ cole nedevra pas de ´ passer 4 km ; pour la forme des terrains, il faudra une crete ou lesol est e ´ gal en longueur, parfois on se contentera du flanc d’une montagne.

Une fois ces diffe ´ rentes questions re ´ gle ´ es47 (au coup par coup), il faut songerau type d’e ´ cole a `   construire. Masqueray propose en effet deux mode ` lesd’e ´ coles : l’e ´ cole carre ´ e et l’e ´ cole longitudinale. Il faudra au moins 20 e ´ tablisse-

retraite, ou ils   seront progressivement remplace ´ s par des professeurs franc¸ais connaissantl’arabe.

47. En ce qui concerne les emplacements des futures ecoles, les biens-fonds communauxappartenant a `   chaque village, dont de nombreux sont en friche, constituent une ressourcepre ´ cieuse. Les Kabyles seraient plutot dispose ´ s a `  accorder ces terrains, mais de telles donations

doivent etre ratifie ´ es par le gouverneur qui les octroyera lui-meme a `   l’universite ´ . Les 15 e ´ colesprojete ´ es sont insuffisantes a `  faire face aux besoins de scolarisation de la Kabylie qui comprendune population scolaire d’au moins 7 000 e ´ le ` ves. De plus, il est impossible de construire dese ´ difices tre ` s grands, pouvant accueillir plus de 200 enfants. Par ailleurs, leur architecture devraobe ´ ir a `  un certain mode ` le.

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ments pour le Djurdjura et Fort-National, 10 pour les communes du Haut-Se ´ baou. Ce calcul est re ´ alise ´  en fonction de la densite ´  de la population qui estde 75 habitants/km2 selon le recensement de 1866. Au vu de cette densite ´  quiira croissant, l’e ´ cole devra etre implante ´ e sur un terrain de 1 hectare.

Sa construction re ´ pond a `   un re ` glement strict dont Masqueray e ´ nonce lesconditions. Une classe doit pouvoir recevoir 50 e ´ le ` ves. Quant au logement dupersonnel, c’est-a ` -dire de l’instituteur-directeur, de l’adjoint franc¸ais, il sera a `part du batiment scolaire. Les ateliers seront les lieux les plus importants d’unee ´ cole kabyle : « C’est par l’atelier surtout que la Kabylie sera civilise ´ e.» Le

 jardin pourra e ´ galement devenir une sorte d’atelier agricole. Le cou ˆ t de cettee ´ cole ide ´ ale est de 30 000 F. Or, le ministe ` re attribue 15 000 F pour une e ´ cole. Ilfaut donc qu’a `  ce projet complet se substitue, dans un premier temps, un demi-

projet : c’est-a ` -dire une moitie ´  d’e ´ cole sur un meme terrain. Il sera aise ´  ensuited’aggrandir l’e ´ cole sans de ´ molir celle e ´ tablie. Le demi-projet correspond donca `   la somme de 15 000 F, a `  la condition de re ´ gler la question des mechmel-s 48.

Rapport sur la de ´ termination des e ´ coles (commune mixte de Fort-National)

Ce rapport, date ´  du mois de mars, est le comple ´ ment du premier que nous

venons d’entrevoir, destine ´   a `   l’autorite ´   acade ´ mique et au ministe ` re de l’Ins-truction publique. Comme le pre ´ ce ´ dent, il concerne la seule commune mixte deFort-National49.

Cette dernie ` re e ´ tape est la plus de ´ licate car elle a lieu sur le terrain et re ´ pondaux exigences d’hommes, de leurs besoins, de leur situation. Il n’est pasquestion de se re ´ fe ´ rer a `   un re ` glement quelconque ou a `  des normes pre ´ cises,mais de de ´ terminer sur place le meilleur lieu possible en re ´ pondant a `   descrite ` res de distances, de terrain, de regroupement humain. En somme, c’estl’e ´ tape ou il faut trancher, de ´ cider au plus vite pour que l’action puisses’enclencher sans trop de difficulte ´ s.

48. Le rapport s’acheve sur la question du prix de construction des ecoles. Les moyensfinanciers mobilise ´ s pour l’e ´ dification de ces deux types d’e ´ coles s’ave ` rent insuffisants, et lesprix de construction tre ` s variables d’une re ´ gion a `  l’autre. De plus, le mauvais e ´ tat des routes enGrande Kabylie ou les transports se font encore a `  dos de mulet, constitue une entrave se ´ rieuse.Heureusement, le Gouverneur ge ´ ne ´ ral de l’Alge ´ rie dispose d’un impot paye ´  sans re ´ sistance parles Kabyles pour la construction et la re ´ paration des routes, et un nombre important detravailleurs sont disponibles pour le transport des mate ´ riaux. Ces aides de la population sousforme d’impot et de journe ´ es de travail pourraient entraıner une baisse des prix et une unification

des cou ˆ ts de construction, de telle maniere qu’une ecole construite dans une region lointaine necouterait pas plus cher qu’a `   Fort-National.

49. Elle comprend quatre tribus : Aı ¨t-Iraten, Aı ¨t-Fraoucen, Aı ¨t-Khelili et Aı ¨t-Yenni. Les Aı ¨t-Iraten, population conside ´ rable, comparativement aux autres tribus, comprennent cinq subdi-visions: Irdjen, Aı ¨t-Ousammer, Aı ¨t-Oumalou, Aouggacha, Aı ¨t-Akerma.

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a) Les Aı ¨ t Ousammeur (3 848 habitants environ)

Il est ne ´ cessaire de les diviser en deux groupes ge ´ ographiques, d’e ´ viter toutedivision ethnographique ou historique (celle des kebilat-s). Le mechmel  d’Ime-

rako est choisi pour une e ´ cole longitudinale. Le seul proble ` me est de pouvoirtrouver un arrangement avec les proprie ´ taires (des Aı ¨t Atelli) des vergersalentours.

b) Aouggacha (3 348 habitants)

Le  mechmel  de Timammert-el-Had est choisi pour une e ´ cole carre ´ e. Ellepourrait devenir un lieu d’accueil tre ` s conside ´ rable si on y ajoutait d’autresvillages. Cette e ´ cole sera donc plus importante que celle d’Imerako.

c) Aı ¨ t Oumalou (3 088 habitants)

Le lieu choisi pour l’e ´ cole est Arous. Mais ce village a l’inconve ´ nient departiciper aux influences malsaines de tous les fonds de valle ´ es kabyles. LesKabyles ont eux-memes propose ´   Ifenaı ¨en. Le seul proble ` me est de savoir sitous les villageois des alentours enverraient leurs enfants a `  cet endroit, ce quisera loin d’etre le cas. Ce lieu est donc e ´ galement e ´ carte ´ . Reste une autresolution : un riche proprie ´ taire propose une de ses terres : Iharkan. Mais contre

lui se constitue un groupe d’adversaires. Voila `  un exemple des divers proble ` -mes, celui du choix d’une proprie ´ te ´  individuelle fait surgir des luttes intestines.Le dernier lieu choisi est le mechmel  d’Ijennaden ou de Djemaa Yaqoub pourune « e ´ cole longitudinale ».

d) Aı ¨ t Akerma (3 390 habitants)

Le village de Tacherahit est choisi, peut-etre parce qu’il abritait de  ja `   unee ´ cole de droit musulman 50.

e) Beni-Yenni (5 139 habitants)

Ils sont un groupe tre ` s important 51 qui a e ´ te ´   influence ´   par les je ´ suites.

50. Masqueray e ´ crit: «J’ai de  ja `   fait valoir plus haut que Timamme ´ rt-el-Had, ou je souhaitequ’une e ´ cole soit fonde ´ e, est l’emplacement d’un ancien e ´ tablissement musulman. Ces contrastesdoivent etre recherche ´ s, et j’assure, qu’ils nous seront tre ` s favorables, car les Kabyles admettentplus facilement qu’on ne pense que notre maıˆtre d’e ´ cole succe ` de a `   leur tolba. »

51. Des Beni-Yenni, Masqueray n’a fait que des louanges a `   leur sujet. Apre ` s avoir tenu, ledimanche 9 janvier, sa grande re ´ union avec les deux cents notables de la tribu, pour l’empla-cement d’une e ´ cole, ou a `   Aı ¨t Larba ou entre Aı ¨t Larba et Taourirt-Mimoun, il e ´ crit dans sonrapport: «Ces Beni-Yenni sont assure ´ ment la population la plus industrieuse de toute laKabylie. C’est chez eux que j’ai trouve ´   les imaginations les plus vives, les raisonnements les

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Masqueray tient cependant a `   e ´ carter toute incidence religieuse. L’emplace-ment choisi est Agouni n Taka, dans un premier temps. Ce lieu appartient a `trois fre ` res qui he ´ sitent a `   vendre. Dans l’attente, il faut se porter sur un autreterrain. Masqueray envisage le   mechmel   de Djamaa el-Ekrar, bien que la

source se trouve a `  plus d’un kilome ` tre. La seule condition est qu’il faut pre ´ voirqu’elle sera batie la premie ` re. La ne ´ cessite ´  d’une e ´ cole et son role tre ` s impor-tant pour ce groupe en de ´ termine la priorite ´ .

 f) Aı ¨ t Fraoucen et Aı ¨ t Khelili (10 191 habitants)

En raison de la forte population, il faut les diviser en trois groupes :

. 1er groupe : 3 491 habitants, Djemaa-Sahridj, etc.

. 2e groupe : 3 192 habitants, Taourirt Aden, etc.

. 3e groupe : 9 415 habitants, Igoulfan, etc.

1er

GROUPE 

Le lieu choisi est la place de Djemaa-Sahridj, seulement elle pre ´ senteplusieurs inconve ´ nients. Il est d’abord dangereux de batir une e ´ cole dans unvillage d’apre ` s les crite ` res de  ja `  e ´ nonce ´ s. La surface de 1 ha n’est pas disponible.Enfin, un centre de colonisation : « le nouveau Mekla », existe a `  2 km. Il faudrapre ´ voir le jour ou il e ´ galera Djemaa-Sahridj. Ne faut-il pas donc de ` s aujour-d’hui pre ´ voir un emplacement interme ´ diaire ?

Masqueray propose donc le mechmel  d’Agouni Zemmor qui est pourtant unlieu communal ou les pauvres viennent faire paıtre leurs betes. On peut ypre ´ voir une e ´ cole carre ´ e a `   laquelle on ajoutera des ateliers.

2e

GROUPE 

Il pense a `   Aı ¨t Mansour mais son bref voyage ne lui a pas permis dede ´ terminer l’emplacement exact ou construire.

3e

GROUPE 

Beni Khelili. Le manque de temps ne lui a pas permis, la `  aussi, de se rendresur les lieux.

En conclusion, la population de Fort-National exigerait huit nouvellese ´ coles. En raison des sommes alloue ´ es, il va falloir se limiter a `  trois cre ´ ations,dont, dans l’ordre de pre ´ fe ´ rence : Agouni n Taka, Agouni Zemmor puisTimammert-el-Had, Tacherahit, Kelaa, Imerako, Aı ¨t Mansour. La proposi-tion de l’administrateur de Fort-National de cre ´ er cinq petites e ´ coles du

premier degre ´ , re ´ soudrait le proble ` me. Masqueray souhaite qu’une sorte

plus droits, le tour d’esprit le plus moderne. La question des e ´ coles y e ´ tait re ´ solue d’avance. Onme pria surtout de de ´ velopper dans notre enseignement les notions professionnelles. »

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d’E ´ cole normale locale soit institue ´ e en annexe, par exemple, a `   l’e ´ cole deTamazirt.

Masqueray se voit en charge d’un lourd travail d’organisation et deconciliation, et son caracte ` re de diplomate semble s’y preter, sa rigueur etsa connaissance de la Kabylie lui permettent aussi d’agir avec intelligence,c’est-a ` -dire de pre ´ voir, d’envisager toutes les conse ´ quences plutot que dere ´ gler au plus vite les divers proble ` mes rencontre ´ s. Son souci d’e ´ quite ´  qui semanifeste, outre par un choix re ´ solu de la laı ¨cite ´  et de la gratuite ´ , le poussea `   ne retenir que des emplacements « neutres », c’est-a ` -dire des lieux quiappartiennent a `   la collectivite ´ . Ces lieux e ´ vitent de rencontrer des proble ` -mes d’influence, de pouvoir et ont l’avantage d’etre de  ja `   les lieux apparte-nant a `  tous. C’est ainsi aussi qu’il envisage une e ´ cole : un lieu ouvert pourtous. Il faut donc effacer toute division pour ne retenir qu’une unite ´

ge ´ ographique.

III. MISSION DU PRINTEMPS 1881

Au printemps, il accomplit une autre course en Kabylie

52

, accompagne ´ duchef de cabinet de Jules Ferry, Alfred Rambaud, et E ´ mile Levasseur, membre

de l’Institut et de ´ le ´ gue ´   du ministe ` re du Commerce; ces deux e ´ minentespersonnalite ´ s sont l’une et l’autre pour un bref passage en Alge ´ rie.Mme Masqueray et Mme Rambaud e ´ taient du voyage. Partis d’Alger le20 avril, ils visitent Tamazirt, Fort-National, les Beni-Yenni, Djemaa-Sahridjet Ilmaten. Apre ` s avoir se  journe ´  dans la commune mixte du Djurdjura (Aı ¨n ElHammam, Aı ¨t Bou-Youcef), Masqueray met les pieds pour la premie ` re fois a `Illoulen Oumalou, Chellata, Akbou, Beni-Yedjer, Sahel et Djebel. Il revient a `Alger seul avec sa femme, le 3 mai ; ses deux illustres compagnons avaient pris

quelques jours plus tot le chemin de l’Aure ` s : traverser la belle valle ´ e de l’ouedAbdi et pousser jusqu’a `   Biskra 53.

La veille du   de ´ part en Kabylie, Masqueray a eu un long entretien, enpre ´ sence d’Alfred Rambaud, avec le gouverneur ge ´ ne ´ ral 54 dont la teneur desconclusions a e ´ te ´   qu’il serait bon, dans un premier temps, d’envisager lacre ´ ation de huit e ´ coles, quitte a `   diffe ´ rer les sept autres 55. Prioritairement, ce

52. Tous les renseignements concernant l’itine ´ raire sont emprunte ´ s a `  ce rapport du 15 mai queMasqueray a adresse ´  au ministe ` re.

53. Lettre de Masqueray a `  Alfred Rambaud date ´ e d’Alger, 5 mai 1881.

54. Le gouverneur en exercice est encore Albert Gre ´ vy, fre ` re du pre ´ sident. Louis Tirman quil’a remplace ´  par la suite, n’a e ´ te ´  nomme ´  que le mois de novembre de la meme anne ´ e.

55. Le nombre d’e ´ coles e ´ tait fixe ´  a `   quinze.

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sera a `  raison de deux e ´ coles par commune mixte ; les territoires concerne ´ ssont:Fort-National, le Djurdjura, Azeffoun et le Haut-Sebaou 56.

A ` Alger, quelques jours apre ` s, Masqueray soumet au ministe ` re un secondrapport 57 qui dresse le choix de ´ finitif de l’emplacement des e ´ coles dans laGrande Kabylie. Cependant, il reste quelques incertitudes en raison desproble ` mes rencontre ´ s. Le plus souvent, ces proble ` mes sont dus a `  des retards,des lenteurs administratives ou des questions d’argent. De  ja ` , le premier rap-port pre ´ voyait la cre ´ ation des e ´ coles pour le mois de mai 1881 ; or il n’en estrien puisque l’on en est encore au stade de la de ´ cision des emplacements. Cettelenteur n’est-elle pas significative : d’un manque d’organisation, de coordina-tion, et peut-etre d’une volonte ´  politique ?

Justification des choix de Masqueray pour l’emplacement des e ´ coles

Dans ce rapport, le ton de Masqueray est bien plus de ´ cisif. S’il choisit tel outel emplacement, il n’y a plus de raisons de mettre en doute son choix tant leslieux ont e ´ te ´   e ´ tudie ´ s en fonction des regroupements de population, de ladisponibilite ´  du terrain, et du cou ˆ t, le plus e ´ conomique possible.

Ainsi pour la commune mixte de Fort-National, les e ´ coles de Beni-Yenni etDjemaa Sahridj ont e ´ te ´  choisies en fonction de la disposition des Kabyles, des

spe ´ cialite ´ s artisanales de la population. Les aptitudes des Beni-Yenni ont e ´ te ´remarque ´ es lors d’une exposition a `  Fort-National. Masqueray est toujourstre ` s soucieux de s’adapter a `  la population et non l’inverse. Peut-etre est-ce pourcela qu’on lui trouve des ide ´ es trop « ge ´ ne ´ reuses ». Dans la commune mixte duHaut-Sebaou, les raisons avance ´ es pour les emplacements tiennent a `   la situa-tion ge ´ ographique et politique. En effet, Ilmaten pourra devenir une station deliaison entre Tizi-Ouzou et Bougie et permet des ouvertures sur Azeffoun et surla valle ´ e alpestre. Cette situation d’ouverture est importante pour la politiquecoloniale qui peut s’assurer une bonne implantation et des voies maıtrise ´ es. De

plus, en associant les prestations des Izerfaouen et des Beni Djennad, desde ´ penses excessives seront e ´ vite ´ es. Pour Masqueray, chercher la route la plusefficace pour acheminer les mate ´ riaux ne ´ cessaires a `   la construction est un pointessentiel a `   l’e ´ dification des e ´ tablissements.

Enfin, implanter une e ´ cole pour la confe ´ de ´ ration des Illoulen-Oumalou se justifie pour une raison tre ` s importante. Deux zaouı ¨as sont implante ´ es en ce

56. Ce qui ressort, en conclusion, dans son rapport est la cre ´ ation imme ´ diate de huit e ´ coles a `situer : 1o Djemaa El Ekrar chez les B. Yenni ; 2o Agouni Izemmouren chez les B. Fraoucen;

3o

Djemaa Sidi Ali a `   Ilmaten; 4o

Agouni n Gassin chez les Iloulen Oumalou; 5o

Aı ¨n ElHammam pour les B. Bou Youcef ; 6o Iferhounen chez les B. Ittouragh; 7o Mers El Fahm oubien Azeffoun ; 8o Timizar ou Aı ¨t Hodhea.

57. Le titre complet de ce travail est : Rapport du 15 mai 1881 concernant la cre ation imme diatede 8 e coles dans la Grande Kabylie.

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lieu, il est donc temps que « notre influence, e ´ crit-il, se substitue a `   celle destolba ». Ces raisons, outre ge ´ ographiques, nous montrent bien l’ampleur d’unepolitique. L’enjeu est bien d’asseoir une influence, un contre-pouvoir parl’interme ´ diaire des e ´ coles francaises. Le meme enjeu strate ´ gique se de ´ note

pour le choix des e ´ coles de la commune mixte du Djurdjura. Les trois e ´ colespermettront d’occuper l’areˆte principale de la Kabylie.

Proble ` mes rencontre ´ s

Masqueray e ´ nonce les raisons de ´ cisives de ses choix, s’il avance des justifi-cations, il soumet e ´ galement les diffe ´ rents proble ` mes. Certains sont mineurs

car il ne demande qu’une de ´ cision financie ` re. En revanche, le proble ` me majeurest l’attitude a `  adopter a `   l’e ´ gard des zaouı ¨as. Ainsi Masqueray analyse avecpre ´ cision la situation, expose le fonctionnement de ces e ´ tablissements religieuxet propose des solutions. Les proble ` mes en question concernent la communemixte du Haut-Sebaou et d’Azeffoun.

Il proce ` de a `   une critique tre ` s vive des zaouı ¨as. Celle de Sidi Ben Drissregroupe 89 « pre ´ tendus »   tolba, pre ´ tendus car seulement trois sont en faitsavants et parlent le patois (sic) kabyle. Remarquons d’ailleurs que Masquerayuse ici du terme « patois » alors qu’il utilise plus volontiers celui de langue

kabyle. De plus, ces zaouı ¨as ont mauvaise re ´ putation pour avoir dans le passe ´exerce ´  une terreur dans les villages voisins. Celle de Sidi Abd er-Rahman, pluspetite, est plus prestigieuse car elle recueille ses  tolba-s au sein des meilleuresfamilles. Mais leur fonctionnement est encore a `   l’e ´ gal des institutions duMoyen A ˆ ge. Elles recueillent des dımes ; une cotisation de 50 F par e ´ le ` ve quisont nourris, loge ´ s, quelques temps. Chacun peut quitter la zaouı ¨a, y revenir a `condition d’avancer a `  nouveau la cotisation. Il faut bien les distinguer desfractions maraboutiques qui, elles, sont de mœurs et d’esprit laı ¨cs. Les frac-tions maraboutiques ne connaissent que les affaires du village. On peut en

revanche comparer les zaouı ¨as a `   un couvent ou les tolba-s sont ce ´ libataires etinde ´ pendants des confe ´ de ´ rations dans lesquelles ils vivent.

La zaouı ¨a exerce une certaine influence et surtout centralise des renseigne-ments, « tient les nœuds de mille intrigues ». Il va donc falloir adopter uneattitude particulie ` re a `  leur e ´ gard, pour les « dissoudre » il faudra proce ´ der avecbeaucoup de finesse, examiner l’esprit de re ´ sistance de chacune d’elles. Afind’ope ´ rer cette substitution progressive, Masqueray propose de laisser leszaouı ¨as subsister quelques temps a `   cote ´   de l’e ´ cole, selon une cohabitationqu’il re ´ sume ainsi « l’arabe fanatique », « le francais laı ¨que». Bien que cette

opposition n’ait plus autant de force car l’islamisme n’est plus qu’une doctrinede revendication sociale pour les pauvres ou un moyen de vivre pour les genshabiles.

L’habilete ´  serait de faire entrer les tolba-s dans l’e ´ cole laı ¨que, comme e ´ le ` ves,

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et de nommer les deux cheikhs des zaouı ¨as, maıˆtres adjoints d’arabe a `   l’e ´ colefranc¸aise. Quant a `   leurs biens, ils ont en fait e ´ te ´   se ´ questre ´ s en 1871, mais sansetre vendus. Ils sont loue ´ s a `  un certain Tahar qui s’en dit administrateur. Or,comme il compte beaucoup d’adversaires, il serait facile de s’emparer de ses

biens et ainsi le gouvernement les mettrait en vente, en les destinant plutot a `  desacheteurs kabyles. Selon Masqueray, cette proce ´ dure ne soule ` vera pas d’op-positions de la part de la population. Mais il faut e ´ viter de prendre des mesuresradicales, tel est le mot d’ordre impe ´ ratif.

Les critiques sont-elles fonde ´ es ?

Ce rapport suscite de violentes critiques du recteur Belin58

. Il n’est d’abordpas conforme au premier rapport de Masqueray. Il ne fait que pre ´ ciser le lieudes e ´ coles et omet de parler de la disposition des Kabyles, des ressourceslocales sur lesquelles le gouvernement pourra compter. Enfin, le proble ` me desmechmel-s n’est pas re ´ gle ´ . A ` ces critiques qui visent une insuffisance derenseignements, le recteur Belin en avance une plus profonde qui corresponda `  une vision politique assez diffe ´ rente. Selon lui, il est impe ´ ratif que ces e ´ colesne comptent que des maıˆtres franc¸ais car pre ´ parer des Kabyles pour l’ensei-gnement dans le pays serait amoindrir l’influence francaise, au risque d’en faire

des zaouı ¨as. Ainsi rele ` ve-t-il la «ge ´ ne ´ rosite ´  de caracte ` re » de Masqueray quisemble ne pas s’accorder avec sa vision de la politique coloniale. Cependant,les instituteurs franc¸ais devront connaıˆtre le kabyle, il va donc falloir lesformer. Cette question retarde a `  nouveau l’ouverture des e ´ coles. Le recteurpropose donc de passer une annonce dans les trois de ´ partements pour recruterhuit instituteurs titulaires aux appointements de 3 000 F, et ce, a `   partird’octobre 1881. Mais l’instituteur devra donc re ´ pondre a `   trois conditions :etre marie ´ , rester a `  la teˆte de l’e ´ cole au moins trois ans, s’astreindre a `  suivre lecours de kabyle six mois a `  Tizi-Ouzou. Durant ces six mois, il jouira de sontraitement. Il faut donc trouver un professeur de langue kabyle a `   Tizi-Ouzoupour mettre en place ces cours, mais une personne qui n’aura pas d’influence etaura un traitement de 125 F par mois ! Le recteur Belin est clair dans ses choix,ses pre ´ fe ´ rences, sa politique. Eviter toute influence kabyle et s’assurer unpouvoir certain en Kabylie de ´ coulent de ces propositions.

Mais toutes ces critiques sont-elles fonde ´ es ?

Nous be ´ ne ´ ficions de la correspondance de Masqueray a `  son ami A. Ram-baud comme te ´ moignage de de ´ fense 59. Que ce deuxie ` me rapport ne soit pasconforme au premier est plutot positif, car qui voudrait voir un rapport

identique ? De plus, il est un prolongement, une continuite ´  du premier.

58. Lettre du recteur au ministe ` re date ´ e d’Alger, 24 mai 1881.

59. Lettre date ´ e d’Alger, 29 mai 1881.

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Masqueray est d’ailleurs surpris de voir que le vice-pre ´ sident Pontavice luiparle de son second rapport sans meme avoir lu le premier. On ne peut dire queMasqueray ait omis de tenir compte de la disposition des Kabyles. L’objet e ´ taitlargement envisage ´  dans le premier et e ´ voque ´  toujours dans le second lorsque

c’e ´ tait ne ´ cessaire (par exemple a `  propos des zaouı ¨as).

Le recteur Belin se fait peut-etre une autre ide ´ e de cette e ´ tude sur lesKabyles, on lui parle de de ´ licatesse, de conduite en accord avec la population,peut-etre souhaite-t-il des chiffres appre ´ ciatifs de leur enthousiasme... ? Quantaux  mechmel-s, Masqueray n’a cesse ´   de dire que leur sort de ´ pendait d’uneintervention administrative qu’il a demande ´ e de  ja `  dans le premier rapport. Sile recteur Belin voulait se de ´ charger de toute responsabilite ´  quant au retardqu’accuse la construction de ces e ´ coles, il n’est pas convaincant. Il se permet, eneffet, pour des raisons politiques, de soumettre un projet de formation des

instituteurs qui retarde d’autant plus l’ouverture des e ´ coles. Or Masquerayproposait des Kabyles qui enseigneraient en effet, dans un premier temps, enattente de la formation des instituteurs franc¸ais. Mais Masqueray semble leplus souffrir de tous les cheminements administratifs qui retardent une prise dede ´ cision. Enfin, il est su ˆ r que les administrateurs envoient leurs projets per-sonnels, pour affirmer leur action inde ´ pendamment du ministe ` re.

La coordination, l’organisation semblent manquer. Masqueray de ´ signeM. Prunier 60, docteur en droit et ancien camarade pour prendre en chargel’exe ´ cution de ses plans. Mais cette recommandation sera-t-elle e ´ coute ´ e ? Nevont-ils pas choisir un homme, qui, comme beaucoup d’autres, n’aurait pasencore lu les rapports, ne les aura pas e ´ tudie ´ s ? On peut s’interroger sur l’inte ´ reˆta `  retarder autant la construction des e ´ coles ? Est-ce une volonte ´ politique ? Uneide ´ e qui n’a pas de ´ finitivement mu ˆ ri dans les mentalite ´ s ?

IV. DIFFICULTE ´ S DE TOUTES SORTES

« L’inaction est la premie ` re des vertus en Alge ´ rie », tel est le paradoxe decette phrase profe ´ re ´ e par Masqueray dans sa correspondance alors qu’il senourrit de travail depuis fe ´ vrier 1881 pour que l’on puisse enfin de ´ cider deconstruire ne serait-ce qu’une premie ` re e ´ cole kabyle 61. Sa correspondance est

60. Euge ` ne Prunier a e ´ te ´  le camarade de lyce ´ e (Rouen) de Masqueray. Officier d’ordonnancede l’amiral Pathman au sie ` ge de Paris, il passe a `   l’Instruction publique ou il s’est beaucoup

occupe ´  de l’enseignement primaire. Nomme ´   inspecteur d’instruction publique en Cochinchine,mais n’a pu s’y rendre pour des raisons familiales.

61. Masqueray au ministe ` re de l’Instruction publique (Alger, 12 novembre 1881).Proposition d’acquisition d’un terrain pour y construire une e ´ cole mode ` le chez les Beni Bou-

Youcef, une partie des Beni Menguellat et une partie des Aı ¨t Yahia, situe ´  au bord de la route de

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majoritairement destine ´ e a `  Alfred Rambaud, le confident de ses cole ` res, de sesincompre ´ hensions, de ses inquie ´ tudes, parfois sur la situation alge ´ rienne, surune politique qui se fait ailleurs sans que l’on ne tienne compte des conseils, desrapports de ceux qui, sur place, e ´ tudient, discutent, vivent avec la population.

Masqueray est-il parfois trop alarmiste ? Il peche par emphatisme, car le tempsqui semble jouer contre lui, contre son travail, lui sert pourtant pour de ´ bloquerles situations, saisir des moments plus opportuns, analyser avec plus dedistance les ve ´ ritables proble ` mes et les enjeux. S’il fait parfois preuve depessimisme lorsqu’il ne voit pas l’issue du re ` glement de l’acquisition desterrains, lorsqu’il se rend compte des mesquineries des administrateurs, dugouverneur, il semble toujours se re ´ ge ´ ne ´ rer dans son ide ´ al, dans la haute ide ´ ede la « mission civilisatrice » – a `   laquelle il croit fortement – a `   l’e ´ gard desAlge ´ riens musulmans.

On peut donc distinguer quatre points de cette correspondance, le premiermettant au jour les proble ` mes de coordination entre les acteurs : ministe ` re,gouverneur, administrateurs, le second plus spe ´ cifiquement sur l’achat desterrains ; un troisie ` me sur l’installation et l’instruction des instituteurs, enfin undernier sur le travail propre de Masqueray.

Proble ` me de coordination

a) Entre le recteur Belin et Masqueray

Le 24 mai 1881, le recteur Belin remettait un rapport au ministe ` re del’Instruction publique concernant le travail effectue ´  par Masqueray. Ce rap-port critiquait les conclusions du charge ´  de mission et accuse ce dernier demaintes impre ´ cisions, de manque de cohe ´ rence et d’insuffisance dans sone ´ tude. Or, la re ´ ponse du ministe ` re au recteur, du 4 juin 1881, est tre ` s fermedans ses explications. En effet, si Masqueray ne s’est pas occupe ´ des conditionset des ressources dans lesquelles s’organiserait la construction des e ´ coles, c’esttout simplement qu’il n’en avait pas la charge, car cela est du ressort du recteurlui-meˆme. Le ministe ` re ne cache pas son impatience et semble de ´ plorer lemanque d’action, d’organisation et d’initiatives prises dans cette affaire. C’estcertes un fait de la politique alge ´ rienne, remarque-t-il. La re ´ ponse du recteurBelin est prompte et de ´ taille ´ e. Il ne reconnaıˆt que cette part de travail luiincombait ; n’est-ce pas une facon de se rejeter les responsabilite ´ s ? Il semble deplus avoir beaucoup de reproches a `   lui faire : celui de n’avoir pas consulte ´   lesadministrateurs, d’avoir retarde ´   l’envoi de ses rapports. Ces reproches, il netient pas a `   les lui adresser directement, car, sont-ils prets a `  s’entendre ?

Fort-National-Djurdjura, a `   cote ´  des batiments administratifs de Aı ¨n Hammam, pour laquellel’administrateur du Djurdjura accorde un plateau, dit mechmel d’Agouni n Tsellent, ainsi qu’unesomme de 14 000 a `  15000 F.

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Masqueray et lui marchent chacun de son cote ´ , leur absence « d’unite ´   devue » semble le principal proble ` me. Il ne peut donc promettre « que ce que noussommes capables de tenir », c’est-a ` -dire commencer la construction de troise ´ coles – celles dont tous s’accordent sur l’utilite ´   –, agre ´ er la nomination,

comme inspecteur primaire, Euge ` ne Scheer 62.

S’adressant au ministre63, le recteur Belin s’e ´ tonne que les nouvellesinstructions qu’il vient de recevoir au sujet des e ´ coles kabyles soientdiffe ´ rentes de celles du 20 de ´ cembre dernier. Selon ces dernie ` res, Masquerayavait pour mission de de ´ terminer les emplacements des futures e ´ coles etleurs conditions de construction ; puis le recteur devait les examiner et lesfaire agre ´ er par le Conseil de ´ partemental avant de les soumettre au minis-tre.

Il pre ´ tend avoir suivi a `  la lettre ces instructions et l’informe que les rapportsde Masqueray – celui des 7 et 11 avril et celui du 17 mai – ont e ´ te ´   remis a `l’inspecteur d’Acade ´ mie qui n’attend que l’arrive ´ e du pre ´ fet pour les soumettreau Conseil de ´ partemental. Les renseignements fournis par l’administrationde ´ partementale ne concordent pas toujours avec ceux de Masqueray. Lesnouvelles instructions restreignant les pouvoirs de Masqueray, notammenten ce qui concerne l’aspect financier, il est ne ´ cessaire que le ministre adresse a `ce dernier des instructions pre ´ cises dans ce sens.

Il l’informe de tous les de ´ saccords existant entre Masqueray et l’adminis-

tration locale au sujet de l’acquisition des mechmel-s et des biens domaniaux : iln’y a pas encore eu d’accord sur les emplacements des e ´ coles dans les commu-nes d’Ilmaten, de Djurdjura et d’Azeffoun ; a `  Ilmaten, il y a eu un accord surune seule e ´ cole ; dans le Djurdjura, aucun accord en raison du refus del’administration de construire une e ´ cole a `   Iferhounen et de la de ´ cision de

62. A ` sa mort en 1893, Masqueray lui rend un vibrant hommage ( Journal De bats, 30 mai).Scheer apparut comme le seul homme capable de conduire le projet et fut nomme ´  inspecteur desnouvelles e ´ coles kabyles par A. Rambaud. Ce portrait dresse ´  par Masqueray a quelque chose de

remarquable car il devoile la grandeur d’un personnage discret, modeste, grandeur de ceshommes qui agissent toujours un peu dans l’ombre et dont les actions ne sont suffisammentreconnus car elles semblent s’etre produites naturellement, sans vagues, sans re ´ percussionsproble ´ matiques. Bien que l’ayant peu vu apre ` s cette mission effectue ´ e cote a `   cote, Masqueraysemble avoir ressenti admiration et attachement qui font de ce portrait l’e ´ vocation since ` re ettouchante d’un homme juste. Il lui fait d’autant plus confiance que c’est un homme qui s’est tenua `   l’e ´ cart des querelles, des intrigues qu’a ge ´ ne ´ re ´ e la question des e ´ coles.

Bien plus que ce fut l’homme appele ´   pour re ´ gler les re ´ sistances, apaiser les dissensions,me ´ diateur avise ´  «rompu a `  tout, capable de tout ». Ce portrait, nous dit Masqueray, est aussibrillant dans l’article que lui consacre A. Rambaud (Revue Bleue, anne ´ e 1893) qui le pre ´ sente enhe ´ ros. Cet hommage pourrait se suffire de cette fresque de Masqueray s’il n’y ajoutait unplaidoyer en faveur de la famille de Scheer, plaidoyer pour qu’on lui de ´ cerne une re ´ compense

posthume. La conclusion de Masqueray est en effet eblouissante et nous donne une idee de latonalite ´  de l’article et de la destine ´ e d’Euge ` ne Scheer (destine ´   vue sous l’œil de Masqueray) :

« ... cet instituteur sorti des entrailles memes du peuple d’Alsace pour donner a `   l’Afriquefrancaise l’exemple de la plus haute vertu. »

63. Lettre date ´ e d’Alger, 10 juin 1881.

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construire l’e ´ cole des Beni-Bou-Youcef avec les seules ressources communales ;a `   Azzefoun, l’e ´ cole de Mers-el-Fahen ne convient pas a `   l’administration etavant de prendre une de ´ cision pour la seconde e ´ cole, Masqueray de ´ sire visiterla re ´ gion.

E ´ tant donne ´   la complexite ´   de la situation, qui va prendre les de ´ cisionsne ´ cessaires pour les emplacements des futures e ´ coles, les administrateurs ouMasqueray ? Il y a e ´ galement de ´ saccord au sujet de la construction des e ´ coles:Masqueray pre ´ conise l’architecture type des e ´ coles francaises, l’administrationest par contre de ´ favorable a `   un trop grand confort qui ferait perdre auxKabyles l’habitude de la vie rude qu’ils me ` nent!

Aussi, comme les emplacements n’ont pas encore e ´ te ´  choisis ni les plans etcou ˆ ts e ´ tablis, il est impossible que les e ´ coles soient construites en octobreprochain. En outre, le Conseil de ´ partemental n’a pas encore donne ´  son avis.

Tous ces retards sont dus aux erreurs et ne ´ gligences de Masqueray qui ne s’estpas entendu avec l’administration et dont les rapports ne traitent pas de cesquestions toutes aussi importantes.

Par conse ´ quent, les e ´ coles ne pourront etre acheve ´ es qu’en avril prochain.Les travaux seront sous la surveillance, soit des administrateurs soit d’unfonctionnaire de l’enseignement primaire. Dans la seconde perspective, il seraiturgent de nommer un inspecteur primaire a `  Tizi-Ouzou, fonction qu’Euge ` neScheer remplirait parfaitement : instituteur depuis 5 ans a `   Fort-National, ilconnaıˆt les Kabyles et leurs coutumes, il sait parler l’arabe et a quelques

notions de kabyle ; son intelligence, sa discre ´ tion et ses compe ´ tences adminis-tratives le de ´ signent pour un tel travail.Pour ce qui est de l’E ´ cole normale envisage ´ e a `  Tizi-Ouzou, l’apprentissage

du kabyle et du francais y est largement suffisant. Il est inutile que les futursinstituteurs apprennent l’arabe : cette langue est pratique ´ e dans les zaouı ¨as parles marabouts qui font du prose ´ lytisme religieux et n’est utilise ´ e que par lescolporteurs et commercants voyageurs. Si huit instituteurs e ´ taient nomme ´ s de ` sle 1er octobre prochain, les conse ´ quences psychologiques sur la populationkabyle seraient aussi importantes que si la construction des e ´ coles avait de  ja `commence ´ .

Dans une lettre a `  son ami Alfred Rambaud du 15 juin, Masqueray e ´ voque 64

toute cette me ´ sentente qui passe par un silence. Belin ne lui a rien transmis ni

64. Lettre a `  Alfred Rambaud date ´ e d’Alger, 15 juin 1881. En lui envoyant une copie de sonrapport du 15 mai sur les 8 ecoles envisagees, il ironise sur les absurdites de l’administration etdes administrateurs: M. de Pontavice qui a des difficulte ´ s a `   re ´ diger son compte-rendu, avantmeˆme la re ´ union du Conseil de ´ partemental ; le recteur qui a envoye ´  ses rapports au gouverneuravant la reunion du Conseil departemental, au lieu de les adresser directement au ministre.

Il s’e ´ tonne que le gouverneur et le Conseil de ´ partemental soient charge ´ s de traiter cette affaire,sans de ´ claration officielle du ministre et craint que les lenteurs administratives ne compromettent

une mission aussi importante.Il de ´ ment avec vigueur de violentes critiques a `  l’encontre de Henri Le Bourgeois, accuse ´  de

s’etre fait payer un voyage en Kabylie par El Hachemi ben Si Lounis, et d’avoir re ´ compense ´  cedernier en lui obtenant une croix d’officier d’Acade ´ mie. El Hachemi, grace a `   son aide pre ´ cieuse eta `   tous les services rendus a bien me ´ rite ´  cette distinction, selon Masqueray.

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sur les e ´ coles kabyles, ni sur les instructions ministe ´ rielles qu’il a recues. Ilde ´ signe clairement a `   son ami « l’inaction du recteur » 65.

Ce n’est que quelques jours plus tard, a `  Alfred Rambaud qu’il dit avoir vu lerecteur 66. Or, cette entrevue le rend pessimiste, il sent que les proble ` messouleve ´ s par le recteur comme celui de trouver le personnel et le convaincre(les instituteurs) n’est qu’un pre ´ texte. Cette me ´ sentente ne re ´ ve ` le-t-elle pas unevolonte ´  particulie ` re du gouverneur ?

b) Le gouverneur et le ministe `re

Ce proble ` me qui se pose par l’interme ´ diaire de la construction des e ´ coles estcelui du pouvoir de de ´ cision. Qui en fait est le « maıtre » en Alge ´ rie ? Est-ce legouverneur ou le ministe ` re de l’Instruction publique ? Les retards, les silences,les vexations proviennent de ce flou : qui prend les de ´ cisions finales ? SelonMasqueray, le gouverneur retarde a `  dessein l’acquisition des biens mechmel-spar le ministe ` re ; dans quelle optique ? Il soupconne le gouverneur de vouloirs’approprier en sous-œuvre le travail qu’il a lui-meme e ´ labore ´ , en envoyant parexemple un adjoint de l’administrateur d’Ilmaten pour adopter le choix d’unee ´ cole, choix de  ja `  effectue ´ par Masqueray. Le 15 juillet, Masqueray de ´ noue plus

65. Lettre de Masqueray a Alfred Rambaud datee d’Alger, 28 juin 1881. Il l’informe de sesdifficulte ´ s: la passivite ´   du recteur et de M. de Pontavice ; le gouverneur ayant confie ´   a `   sesadministrateurs un travail identique au sien qui a mene ´  a `  des re ´ sultats similaires quant au choixdes e ´ coles.

La re ´ bellion de Bou-Amama est aussi e ´ voque ´ e dans cette lettre, pour souligner un contextepolitique difficile ; elle a eu des conse ´ quences de ´ sastreuses sur l’administration et le gouverneurlui-meme est menace ´  de re ´ vocation. Mais quels que soient les nouveaux individus nomme ´ s, leproble ` me de l’instruction en Kabylie demeure entier et doit etre re ´ solu, faute de perdre l’Alge ´ rie.

El Hachemi ben Si Lounis souhaite etre decore le 14 juillet. Il a apporte une contributionefficace a `   la scolarisation des re ´ gions indige ` nes, en appuyant ce projet au Conseil ge ´ ne ´ ral; il estaussi un bon professeur de kabyle a `   l’E ´ cole des Lettres. En outre, cette de ´ coration pourraitapaiser les inquie ´ tudes des Kabyles au sujet des expropriations dont on les menace, qui seraient

un ve ´ ritable de ´ sastre pour le pays.66. Lettre de Masqueray a Alfred Rambaud datee d’Alger, 4 juillet 1881. Il critique avec

vehemence le manque de cooperation et de serieux de Belin dans l’œuvre de scolarisation enKabylie ; ainsi que l’attitude du gouverneur, qui veut maintenir les indige ` nes sous son autorite ´absolue. Il craint que rien ne soit jamais re ´ alise ´  en Alge ´ rie, en raison des luttes de pouvoirs et desambitions personnelles.

Il souhaite avec passion e ´ tablir des liens avec le peuple alge ´ rien en re ´ alisant quelque chose, neserait-ce qu’avec la population se ´ dentaire des villes. Pour cela, il faudrait se de ´ barrasser de tousceux, dont les ambitions et l’inertie entravent la re ´ alisation d’une telle mission, que seuls deshommes d’action sont a `   meme de mener a `   bien.

Il se demande qui de ´ tient vraiment les pouvoirs en Alge ´ rie, du gouverneur ou du ministre, et a `qui doivent s’adresser les hommes de bonne volonte ´ . En effet, le gouverneur ne cesse d’entraver

la volonte ´  du ministre d’acheter des biens mechmel-s, au risque d’etre la rise ´ e du Conseil ge ´ ne ´ ral.Belin, quant a lui, invoque le danger que pourraient courir les instituteurs en s’installant dans lesvillages kabyles, ou sont fomentees des revoltes.

Face a `  de telles re ´ sistances, le ministre devrait tout simplement envoyer des instituteurs enKabylie, sans admettre le moindre refus.

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clairement la situation 67 : le proble ` me se situe bien entre l’autorite ´  du gouver-neur et celle du ministe ` re. Il aurait fallu, avant meme d’entreprendre toutee ´ tude, s’accorder avec le gouverneur ou de ´ finir clairement que l’on de ´ pendaitdu ministe ` re afin d’e ´ carter totalement le gouverneur dans cette affaire. Or,

cette question pre ´ liminaire a e ´ te ´  e ´ carte ´ e, voire « ignore ´ e » par le recteur. Ainsile passage a `   la pratique n’est pas possible puisque le proble ` me politique n’estpas re ´ gle ´ . La nomination d’Euge ` ne Scheer est un bon choix mais a `  cause d’unesituation complexe avec le gouverneur, il risquera bien vite d’etre de ´ gou ˆ te ´ .Rien ne peut etre re ´ solu dans ces conditions et Masqueray aimerait que leministe ` re soit au courant que ses de ´ cisions ne peuvent etre applique ´ es. Cepen-dant, il est toujours appuye ´  par le ministe ` re grace aux bons offices d’AlfredRambaud et de Ferdinand Buisson68.

Cependant, face a `   cette situation, il annonce vouloir se rendre en Francepour discuter avec le directeur de l’Enseignement primaire, Buisson, afin derecevoir des ordres bien pre ´ cis 69. Mais en lui e ´ crivant 70, Masqueray voit la

67. Lettre de Masqueray a `   Alfred Rambaud date ´ e d’Alger, 15 juillet 1881. Il est heureux deconstater que le proble ` me des e ´ coles commence a `  se re ´ soudre, bien que le recteur, contraint des’engager, soit en opposition avec le gouverneur. Cette situation est due au fait que l’on ne tientpas le moindre compte de l’opinion des hommes de terrains, qui ont vecu en Kabylie et laconnaissent, et que c’est celle des fonctionnaires ignorants qui pre ´ domine. Pour e ´ viter tous cesconflits et ces complications, il fallait s’entendre au pre ´ alable avec le gouverneur ou de ´ finirpre ´ cise ´ ment les pre ´ rogatives du ministre quant a `   l’instruction en Kabylie. Faut-il comprendre

que c’est Belin qui est responsable de cette situation, de ´ sireux d’e ´ carter ainsi Masqueray ?Comme cet aspect politique n’a pas e ´ te ´   re ´ solu, l’e ´ tude pre ´ liminaire qu’on lui a demande ´ e se

heurte a `  des proble ` mes pratiques. La nomination de Scheer au poste d’inspecteur primaire a `Tizi-Ouzou en est un exemple frappant: en effet, les relations avec le gouverneur n’e ´ tant pasclairement de ´ finies, il y aura tant de tergiversations que Scheer, de ´ gou ˆ te ´ , finira par se retirer.D’autres conflits ont par ailleurs e ´ clate ´   entre Scheer et les administrateurs : Sabatier voulaitouvrir une e ´ cole dans son bureau, ce qui est ille ´ gal ; les administrateurs proclament qu’ils vontdevenir inspecteurs d’acade ´ mie lorsque l’instruction en Kabylie sera re ´ alise ´ e, ce que Scheer et sescollegues refusent categoriquement.

Les administrateurs ne sont pas dangereux, mais ils n’accordent aucune importance a `  ceux quiœuvrent pour l’instruction : Sabatier pre ´ tend que c’est l’administrateur qui fait la loi en Kabylie.Il aurait fallu s’entendre d’abord avec eux pour e ´ viter tous ces proble ` mes.

68. Lettre au directeur de l’enseignement primaire (Buisson), date ´ e d’Alger, 5 juillet 1881, ouil l’informe qu’il va demander une somme d’argent au ministre pour sa prochaine mission enKabylie et lui demande d’en accelerer l’ordonnancement. Le ministere, par la voix de FerdinandBuisson, donne satisfaction a `   Masqueray par te ´ le ´ gramme du 2 aou ˆ t 1881.

69. Lettre a `   Alfred Rambaud date ´ e d’Alger, 5 aout 1881.

70. Lettre du 14 aou ˆ t 1881 ou il informe F. Buisson de son entretien avec le gouverneur ausujet des e ´ coles : celui-ci conside ` re qu’il est inutile de constituer une nouvelle commission surcette affaire et juge les rapports de  ja `   re ´ dige ´ s suffisants. Les rapports du sous-pre ´ fet de Tizi-Ouzou concordent avec les siens. Par conse ´ quent, la cre ´ ation des e ´ coles est en bonne voie.

Il le remercie de la confiance qu’il lui a accordee. Il considere qu’avant le rattachement del’instruction publique des 2 500 000 Alge ´ riens musulmans au ministe ` re, une premie ` re victoire

serait indispensable. Les communes mixtes de Grande Kabylie e ´ tant conside ´ re ´ es par le gouver-neur comme de simples communes, les biens mechmel-s ou communaux offerts par celles-ci neposent plus le moindre proble ` me.Ceciae ´ te ´ confirme ´  par le gouverneur lui-meme, qui ne juge pasutile d’attendre une de ´ cision ge ´ ne ´ rale pour acque ´ rir ces biens et y construire des e ´ colescommunales. Par conse ´ quent, on peut commencer les travaux sans de ´ lai.

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question se de ´ nouer. C’est presque d’une victoire dont il s’agit, tout au plusd’une de ´ livrance. Il a en effet rencontre ´  le gouverneur avec lequel il a trouve ´  unterrain d’entente. Malgre ´ cela, il ne remet pas en question son voyage a `  Paris. Ilest en effet le 22 aou ˆ t en Normandie – accompagne ´  de sa femme, pour voir sa

me ` re qui habite a `  Saint-E ´ tienne-du-Rouvray 71 – apre ` s avoir rencontre ´  AlbertDumont 72 et Ferdinand Buisson a `  Paris. Il pre ´ voit son retour a `  Alger pour le2 septembre.

Le 20 septembre, de Fort-National ou il e ´ crit a `  A. Rambaud 73, il analyseplus globalement la situation a `  laquelle il a e ´ te ´  confronte ´   tant avec le gouver-

71. Lettre a `   Alfred Rambaud (22 aou ˆ t).

72. Albert Dumont (1842-1884). Agre ´ ge ´  d’histoire de l’E ´ cole normale supe ´ rieure (1861). Ilaborde l’helle ´ nisme en 1864 a `   l’E ´ cole d’Athe ` nes. Docteur en lettres en 1870, il est nomme ´directeur de l’E ´ cole arche ´ ologique d’Athe ` nes et cre ´ e le Bulletin de correspondance helle nique, puisrecteur de l’acade ´ mie de Grenoble et ensuite celle de Montpellier. Le 22 juillet 1878, il devientdirecteur de l’enseignement supe ´ rieur en 1882, il est e ´ lu a `   l’Acade ´ mie des inscriptions.

73. Voir O. Ould-Braham, « E ´ mile Masqueray en Kabylie... », op. cit., annexe no 2, pp. 60-66.Il l’informe de toutes ses de ´ marches:

 – Les militaires de Fort-National e ´ tant re ´ ticents pour mettre leur baraque a `  la disposition desinstituteurs, l’autorisation du ge ´ ne ´ ral Maritz est indispensable, mais ce dernier est absent. En cequi concerne l’installation des instituteurs a `  Tizi-Ouzou, de nombreux proble ` mes se posent:logements rares et chers, chaleur et fie ` vres l’e ´ te ´ , de ´ pendance vis-a ` -vis de la sous-pre ´ fecture,enseignement insuffisant...

 – En raison de l’absence de M. Lavigerie de l’archeveche ´ , il souhaite entamer seul les

ne ´ gociations pour l’achat des e ´ coles je ´ suites.La de ´ termination des e ´ coles en Kabylie est acheve ´ e dans la commune mixte de Fort-National.Il s’etend sur la mauvaise volonte de l’administration qui a retarde sa mission : Les adminis-

trateurs ont effectue ´  des de ´ marches sans le tenir au courant. Son rapport de mars 1881 a e ´ te ´soumis a `  l’approbation du Conseil de ´ partemental seulement en juillet, retardant ainsi l’achat desterrains. Le recteur et le gouverneur ont tente ´  d’acheter des biens mechmel-s et ont e ´ coute ´   lesconseils des administrateurs sur la construction des e ´ coles, l’organisation de l’enseignement... cequi a abouti au projet de l’e ´ cole normale de Tizi-Ouzou. Quatre jeunes administrateurs pouvantetre de ´ place ´ s d’un jour a `   l’autre, ne peuvent faire la loi sur un the ` me aussi primordial que celui del’enseignement. Leurs inte ´ rets politiques sont incompatibles avec l’instruction publique, qui nedoit pas se soumettre a leurs ambitions.

Il estime que c’est au ministe ` re de de ´ cider de la construction des e ´ coles, et non au Conseil

de ´ partemental. Toutefois, l’achat des terrains kabyles pose un proble ` me e ´ pineux, dans la mesureou le ministere ne possede pas de domaine et ne peut donc etre proprietaire de terres. Si leministre confiait l’achat et la construction des e ´ coles aux Travaux publics, celles-ci resteraientproprie ´ te ´  de l’E ´ tat et e ´ chapperaient au pouvoir des administrateurs ; mais une telle solution n’estpas envisageable, les Ponts et chausse ´ es e ´ tant lents et cou ˆ teux. Si cette tache e ´ tait confie ´ e aude ´ partement, la commission de ´ partementale interviendrait. Ne restent que les communes mixtes,place ´ es sous la de ´ pendance des administrateurs-maires, ce qui reviendrait a `   traiter avec unindividu unique, un administrateur qui se prend souvent pour un «petit Ce ´ sar» et a tous lespouvoirs sur sa commune, que seul le juge de paix peut contrebalancer. Il n’existe pas de conseilmunicipal dans les communes, les Kabyles ne peuvent pas voter (car prives de ce droit) et lescommunes ne possedent pas de biens communaux. Les   mechmel-s appartiennent donc auxvillages, et l’administrateur peut tout au plus ne ´ gocier leur achat avec ces derniers.

Si le ministe ` re traitait avec les communes, les administrateurs poseraient leurs conditions :cre ´ dits alloue ´ s pour la cre ´ ation des e ´ coles, re ´ partition entre les communes, approbation descommissions municipales, de ´ lais de construction de ´ termine ´ s par les communes, subventionspe ´ ciale pour l’achat des terrains...

Masqueray s’efforce de pre ´ server la dignite ´  et l’honneur de l’E ´ tat, dont il est le repre ´ sentant.

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neur qu’avec les administrateurs des communes mixtes. On a essaye ´   de les« berner », de les tromper, telle est sa conclusion. Ils ont perdu sept longs moisdepuis la date de son premier rapport et cela, a `   cause de la duplicite ´   dugouverneur et de l’ignorance du recteur Belin. A ` la suite de son rapport, il

aurait fallu demander directement au ministe ` re l’accord pour agir. Or, ques’est-il produit ? Le gouverneur, les administrateurs ont attendu que se re ´ unissele Conseil de ´ partemental au mois de juillet. Ce Conseil compose ´  de Pontavice,inspecteur d’acade ´ mie ; Manguin, Conseiller ge ´ ne ´ ral ; Ben Siam, ConseillerGe ´ ne ´ ral musulman ; Mongelles, Pre ´ sident du Conseil ge ´ ne ´ ral ; l’abbe ´  Soubrieret Grey; le pasteur Rocheblanc; l’israe ´ lite Kanoui ; l’inspecteur primaireSerre; a pris la de ´ cision de se rendre sur place pour ve ´ rifier le travail deMasqueray. Masqueray leur souhaite la chaleur torride d’aou ˆ t, une petitelecon indirecte de sa part !

De leurs cote ´ s, les administrateurs tentaient, a `   l’e ´ cart de Masqueray, demettre sur pied leurs projets personnels. Il en a re ´ sulte ´ l’ide ´ e de l’E ´ cole normalede Tizi-Ouzou. Pour sa part, le gouverneur « occupait » Masqueray en luiconfiant la mission de de ´ finir deux e ´ coles dans chaque commune, mission quie ´ tait d’avance juge ´ e inutile. « J’avoue que ce coup-la `   m’est sensible », confieMasqueray a `  A. Rambaud. Lorsque Masqueray, au retour de sa mission duprintemps 81, e ´ crivait a `  A. Rambaud74 : « je crois que cette question d’e ´ coledeviendra tre ` s grave sous peu », il pressentait les complexite ´ s administratives,des commissions et sous-commissions... mais aussi le manque de pre ´ voyance,

pre ´ voir e ´ tant une qualite ´   de l’intelligence politique, dans les de ´ cisions enmatie ` re des questions alge ´ riennes. Il donne l’exemple d’une affaire 75. CamilleSabatier, administrateur, avait de ´ peint dans son rapport sur le sud de laprovince d’Oran tout ce qui s’y produit actuellement. C’est-a ` -dire l’occupa-tion imme ´ diate et tre ` s forte de Tiout, l’influence du marabout Bou Amama.

Les administrateurs se plaignent d’ailleurs de n’avoir pas e ´ te ´   charge ´ s eux-memes de la de ´ termi-nation des ecoles et aimeraient qu’elles soient sous leur dependance.

En re ´ alite ´ , ils de ´ sirent utiliser les exce ´ dents de subventions pour la cre ´ ation d’e ´ coles inde ´ -pendantes, et de ´ terminer eux-memes les de ´ lais de construction, a `  cause des rivalite ´ s qui existententre eux. Chacun veut supplanter l’autre: depuis que Lapaine construit deux e ´ coles et dirige lui-meme les macons, Sabatier a de ´ cide ´   lui aussi de construire une maison...

74. Lettre date ´ e d’Alger, 24 mai 1881.

75. Lettre de Masqueray a `   Alfred Rambaud date ´ e d’Alger, 18 juin 1881.Sabatier refuse de laisser publier le rapport d’un voyage qu’il a fait dans le Sud de la province

d’Oran deux ans auparavant, et dans lequel il predisait les evenements actuels : a savoir lesmene ´ es re ´ volutionnaires du marabout de Moghar, Bou Amama. Il avait alors pre ´ conise ´d’occuper le Tiout, mais ses conseils n’ont pas e ´ te ´  suivis. La re ´ bellion a `   Saı ¨da a donc e ´ clate ´   etdes battues sont sans cesse effectue ´ es par les militaires sous une chaleur e ´ touffante. Le ministrede la Guerre a refuse ´   jusqu’a `  ce jour d’allouer des cre ´ dits pour cette campagne.

Sabatier propose de renforcer les pouvoirs du gouverneur et insiste sur les dangers que

repre ´ sente la politique gouvernementale de colonisation qui, sous pre ´ texte de cre ´ er de nouveauxcentres, menace les montagnards d’expropriation. Les colons ne re ´ ussissent pas a `  exploiter leursterres avec autant de profit que les Kabyles, pour lesquels elles constituent des rentes a vie. Cesderniers ne tireront rien du montant qu’on leur versera en e ´ change. De plus, il leur est impossiblede s’installer ailleurs, et ils finiront par devenir des vagabonds ou des bandits.

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Seulement il n’avait pas e ´ te ´   e ´ coute ´ . Si son conseil avait e ´ te ´  suivi, il n’y auraitpas aujourd’hui d’incendie aux portes de Saı ¨da. Or, devant les faits, leministe ` re de la Guerre a du ˆ   accepter l’occupation de Tiout. Qu’accuseMasqueray a `   travers cette affaire ? Il tient a `  montrer quel est le fosse ´   entre

le gouvernement a `  Paris et celui d’Alger. Une politique est de ´ cide ´ e en France,sans que l’on se re ´ fe ` re aux missionnaires qui ont des conseils pre ´ cieux a `donner puisqu’ils sont sur place. Masqueray de ´ signe ces hommes comme « lespoliticiens de la place du gouvernement qui parlent toujours de la colonisa-tion sans y rien entendre ».

On connaıˆt les coups de cole ` re de Masqueray, son esprit critique, soninde ´ pendance. C’est qu’il se fait une conception tre ` s haute de sa missionconcernant l’installation des e ´ coles. Il en a un ide ´ al et cet ide ´ al lui sembleperverti par des questions politiques 76, des lenteurs, des retards administratifs.

Une de ´ cision grave menace la politique alge ´ rienne : celle de l’expropriation ; legouvernement n’en mesure pas les conse ´ quences qui, pour Masqueray, sont« un effondrement ge ´ ne ´ ral ». Si l’agitation est grande en Alge ´ rie en juin 1881,c’est en partie a `  propos de ces expropriations qui provoquent la crainte desKabyles 77. Mettre en œuvre au plus vite l’instruction des Kabyles est unesolution, une ne ´ cessite ´  pour Masqueray : « sous peine de perdre l’Alge ´ rie », dit-il. Conclusions alarmistes ou clairvoyance ? Deux conceptions se heurtent :l’ide ´ al de Masqueray et la prise en charge de cet ide ´ al dans une politique decolonisation. Or, Masqueray est bien pessimiste sur leur conception de cet

ide ´ al: «pour moi, je sens bien qu’ils ne se de ´ cideront jamais a `   instruirefranchement nos Kabyles ou leurs semblables. L’e ´ cole n’est pour eux qu’unesuccursale de la gendarmerie ».

La politique noircit les ide ´ es les plus hautes, l’administration « fait toute ´ chouer », tels sont les remarques et les points de vue de Masqueray en juin1881.

76. Dans une lettre a `  Alfred Rambaud (Alger, 30 juin 1881), Masqueray l’informe de la cole ` redes autonomistes suite a `  la de ´ cision de la commission extra-parlementaire. Il juge que l’instruc-tion publique e ´ tant aussi importante que la justice, les instituteurs doivent etre aussi inde ´ pen-dants vis-a ` -vis de l’administration que les juges de paix. Il faut rattacher l’instruction auministe ` re, malgre ´   la pression des autonomistes et de l’administration, qui ne souhaitent pasvraiment l’instruction des Kabyles et veulent seulement continuer a `  les exploiter, si ce n’est lesexterminer. La solution, soutenue par les indige ` nes eux-memes, serait un gouvernement direct

par l’E ´ tat francais. L’interet de l’Algerie et la dignite francaise sont en jeu.77. Voir Maupassant,   Lettres d’Afrique, Paris, La Boıˆte a `  Documents, 1990. Il s’agit en

grande partie, d’un recueil de chroniques provenant du journal Le Gaulois (juin-sept. 1881). Cesreportages mettent en e ´ vidence un e ´ tat de crise en Alge ´ rie : expropriations, incendies de forets,re ´ volte de Bou Amama...

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Le proble ` me de l’achat des terrains

Le 2 mai, Jules Ferry remet a `  Gaston Thomas 78 les re ´ sultats du vote sur lebudget mis en place pour la construction des e ´ coles: 56500 F, vote ´ s par leConseil ge ´ ne ´ ral d’Alger. La mission a e ´ te ´   confie ´ e a `   Masqueray, sous ladirection du recteur pour le choix des emplacements. Quels proble ` mes appa-raissent quant a `   l’achat des terrains ?

Le proble ` me de l’achat des biens  mechmel-s semble etre re ´ solu le 14 aou ˆ tlorsqu’il peut enfin discuter avec le gouverneur. Mais un proble ` me d’ensemblese pose, que Masqueray soumet le 20 septembre a `  Alfred Rambaud 79 sousforme d’hypothe ` ses.

a) 1re

hypothe `se

Que l’on confie l’achat des terrains a `  une personne X a `  qui le ministe ` re remetl’argent. Selon le code alge ´ rien, il faut un de ´ lai de trois mois pour etre ditacque ´ reur (de ´ lai trop important). De plus, le ministre de l’Instruction publiquen’a pas de domaine et en ce cas ne peut eˆtre proprie ´ taire de terres. Il faudraitdonc que X fasse don de sa terre a `  une personne (administration...) qui peutposse ´ der une terre.

b) 2e hypothe `se

Si X ache ` te la terre au nom du ministre, il peut faire batir lui-meme mais ilrencontrera toujours la meme difficulte ´ : le ministre ne peut avoir de domaine.

c) 3e hypothe `se

Le ministre peut s’adresser a `   son colle ` gue de travaux publics afin qu’ilbatisse pour son compte. L’avantage est que les e ´ coles seront proprie ´ te ´   de

l’E ´  tat. Mais cela demande de l’argent, du temps et de plus les Ponts etChausse ´ es ne tole ` rent aucun conseil.

d) 4e hypothe `se

Le ministre peut faire construire par le de ´ partement qui remet l’affaire augouverneur. Dans ce cas apparaissent la Commission de ´ partementale et les« autonomistes ».

78. De ´ pute ´  de Constantine de 1877 a `   1932 (date de sa mort), il de ´ tient le record de longe ´ vite ´parlementaire. Ne ´   le 29 janvier 1848 a `  Oran, il a e ´ te ´  plusieurs fois rapporteur du budget del’Alge ´ rie : 1879, 1881, 1882, 1883 et 1888. Deux fois ministre entre 1908 et 1915.

79. Voir n. 73.

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e) 5e hypothe `se

Le ministre fait acheter par les communes mixtes 80. Ce qui sera probable-ment fait afin que les e ´ coles soient communales. Avant cela, il faut bien se

rendre compte de ce qu’est une commune mixte. Selon la de ´ finition du CodeAlge ´ rien, c’est une forme de «gouvernement pre ´ paratoire a `  notre organisationcommunale ». La Commission municipale se compose de pre ´ sidents kabylesnomme ´ s par le gouvernement, et de 2 ou 3 colons. Ces pre ´ sidents qui sontfonctionnaires votent avec l’administrateur. Ils sont de ve ´ ritables « petitsCe ´ sars », suivant la formule de Masqueray. L’administrateur est maire, ils’occupe de tout, de ´ cide de tout, seul le juge de Paix peut le contrecarrer.Cette commune n’a en re ´ alite ´   pas de biens domaniaux. Les   mechmel-s 81

de ´ pendent des  taddert-s (villages). L’administrateur peut cependant jouer le

role d’interme ´ diaire pour ne ´ gocier avec le village. Poursuivant son entreprisethe ´ orique, Masqueray dresse une lettre possible du ministe ` re public destine ´ e a `l’administrateur. Lettre qui pose des proble ` mes sur deux points. Le premier surle fait d’inviter les commissions municipales a `   se prononcer par voie dede ´ libe ´ ration sur l’acceptation ou le rejet des propositions. Bien que celaimplique un pouvoir de de ´ cision, Masqueray l’accepte ne ´ anmoins. Le secondpoint porte sur l’achat des emplacements par l’E ´ tat. Il leur remettrait unesubvention pour l’acquisition des terrains 82. Cela renvoie a `   l’ide ´ e de Masque-ray selon laquelle ces communes n’ont jamais les fonds ne ´ cessaires alorsqu’elles sont pretes a `   construire inde ´ pendamment du ministe ` re.

80. Masqueray a `   Alfred Rambaud [Fort-National, 14 octobre 1881].Il lui exprime sa joie de pouvoir acque ´ rir les terrains par autorisation de de ´ cret, et lui annonce

l’envoi imminent de propositions pre ´ cises : 12 leve ´ es de terrain, actes de vente provisoires pourFort-National et le Djurdjura. Il se rejouit d’etre debarrasse, par cette decision ministerielle, del’ingerence des administrateurs dans cette affaire.

Les propositions du gouverneur (2 e ´ coles par commune mixte) ne sont pas re ´ alisables et ilpropose l’achat de 15 terrains, une premie ` re e ´ cole pouvant etre acheve ´ e au printemps prochain.

81. Lettre de Masqueray au ministre de l’Instruction publique [Azeffoun, Beni DjennadCherq, e ´ cole de Toudaft n Gousa – sans date].

Proposition d’un emplacement de 1 hectare 90 ares, sur le  mechmel  de Toudeft n Gousa situepre ` s d’Agherib, pour la construction d’une e ´ cole chez les Beni Djennad Cherq qui, quoiqueimportants (6 295 habitants), sont mal desservis sur le plan scolaire. Il envisage une e ´ cole pour lesTala n Tegana, Taguersift, Agherib et les Aı ¨t bou Ali. En raison de l’absence de l’administrateurqui ge ` re les mechmel-s de cette tribu, les pourparlers pour l’acquisition de ce mechmel  n’ont pueˆtre engage ´ s.

82. Masqueray a `  Alfred Rambaud (Fort-National, 28 septembre 1881).Il lui annonce que la de ´ termination des e ´ coles de Fort-National est acheve ´ e : Benni-Yenni,

Djemaa Sahridj et Tizi Rached peuvent etre construites sans de ´ lai, avec toutes les garanties.L’administrateur a donne ´  son accord pour le choix des terrains, le ge ´ ome ` tre a effectue ´  les plans,M. Scheer est toujours pre ´ sent sur le terrain, le Ge ´ nie et les entrepreneurs ont e ´ te ´ consulte ´ s, cequipermettra de se passer de l’avis du Conseil de ´ partemental.

Il l’informe e ´ galement qu’un entrepreneur est pret a `  entamer la construction de l’e ´ cole de TiziRached, mais qu’il n’a pas pu lui donner son accord, n’etant pas investi du pouvoir de faireconstruire.

Il va recommander au ministre le prote ´ ge ´  de Rambaud, M. Pierson, pour remplacer M. dePontavice, qui a commis une erreur.

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Masqueray est tre ` s ironique dans cette re ´ daction, ironique a `   l’e ´ gard de tousces administrateurs (Sabatier, Lapaine...) qui songent a `   leurs constructionsd’e ´ coles personnelles. A ` propos du jeune Lapaine : « ce sont des baraqueskabyles qui ne tiendront pas cinq ans. Mais il pre ´ tend faire de grandes

e ´ conomies en dirigeant lui-meme les macons (...). Alors notre ami Sabatierimagine qu’il pourra faire construire ‘‘en re ´ gie’’, comme un bon proprie ´ taire ».

Autre proble ` me, les terrains des je ´ suites. De ` s le de ´ but du mois de juillet,dans une lettre a `  Alfred Rambaud 83, Masqueray confie que toute ne ´ gociationavec les je ´ suites semble impossible selon le recteur Belin. En fait, Masqueray, le15 juillet, analyse la situation 84 : les je ´ suites vont bien etre force ´ s de vendre,mais le proble ` me restera identique a `   celui des  mechmel-s; car aucune re ´ gle-mentation n’est pre ´ vue pour que le ministe ` re puisse eˆtre acque ´ reur. Ce serait lemoment de mettre en place cette re ´ glementation, de la revoir puisque tous les

proble ` mes lie ´ s a `   l’achat en de ´ coulent. Il ne reste que deux solutions, soit ilattend une re ´ ponse claire du gouverneur, soit il passe outre le gouverneur. Etc’est bien cette dernie ` re solution qui l’inspire. Il de ´ clarera a `  Alfred Rambaud,un peu plus tard 85, etre alle ´   s’entretenir a `   l’archeveˆche ´   avec M. Duserre,coadjuteur. Il pressent que le moment est opportun pour acheter leurs biensmais en l’absence de l’archeveˆque, la de ´ cision ne peut etre prise. Le seul pointde ´ licat a `   ge ´ rer sera la condition pose ´ e par l’archeveˆque Lavigerie. S’il accepte

83. Lettre du 1er juillet ou il affirme n’avoir pas pu ne ´ gocier avec l’archeveque ; le recteur s’ene ´ tait charge ´  sans l’informer de sa de ´ marche. Il va donc proposer au recteur, avec diplomatie, de leseconder dans cette affaire, qui exige une solution rapide. Masqueray s’e ´ le ` ve contre le fait de necommencer les travaux qu’au printemps, craignant que les lenteurs et lourdeurs de l’adminis-tration ne fassent e ´ chouer la construction des e ´ coles. Il souhaite passer les mois d’aout et deseptembre en Kabylie pour achever son travail sur les communes du Djurdjura, d’Azeffoun et duHaut Sebaou, et donner au ministre des informations aussi completes et detaillees que possiblesur la situation, afin que ce dernier ne puisse etre abuse ´  par les administrateurs. Il envisaged’emmener avec lui un ge ´ ome ` tre pour de ´ terminer l’emplacement des e ´ coles et un photographe,dont les photos illustreront son futur livre sur sa mission,  La Kabylie scolaire. Un tel ouvragemettra l’accent sur l’e ´ tat dans lequel e ´ tait le pays avant sa scolarisation.

84. En ce qui concerne l’achat des terrains, d’excellents emplacements sont aujourd’hui aux

mains de l’archeveque, pour la simple raison que Masqueray n’avait pas le pouvoir de lesacheter. Les je ´ suites ont e ´ te ´  contraints de vendre, mais le ministre n’a nomme ´  aucun de ´ le ´ gue ´susceptible d’acheter et de profiter de cette aubaine. Les Kabyles sont prets a `  vendre et offrentvolontiers leurs biens mechmel-s, mais rien n’est fait, car l’on attend une re ´ glementation ge ´ ne ´ ralesur ce type de terrains, que le gouverneur mettra des anne ´ es a `  e ´ tablir. Une re ´ ponse de ´ finitive de cedernier est ne ´ cessaire, sinon il faudra se passer le ´ galement de lui.

Le Conseil de ´ partemental, compose ´  de membres du clerge ´  qui ne connaissent pas la Kabylie,e ´ met des re ´ serves sur son travail et l’accuse d’empie ´ ter sur les droits du gouverneur. Il estprofondement decourage par tant d’obstacles a une action efficace.

85. Lettre de Masqueray a `   Alfred Rambaud date ´ e d’Alger, 9 septembre 1881.Il l’informe des de ´ marches qu’il a effectue ´ es en vue d’acque ´ rir l’e ´ cole des je ´ suites de Djemaa

Sahridj et le prie d’intervenir aupre ` s du ministre pour justifier son initiative. M. Duserre,

coadjuteur de l’archeveche ´ , pense que les je ´ suites ont «commis de re ´ elles imprudences » enallant a l’encontre des prescriptions de l’archeveche, notamment en ce qui concerne les ecoles desPeres Blancs. L’archeveche permettra d’acquerir les biens des jesuites, a condition que les PeresBlancs ne subissent pas la concurrence des nouvelles e ´ coles laı ¨ques. Il se propose d’achever samission afin que la premie ` re e ´ cole [ministe ´ rielle] de Grande Kabylie puisse etre cre ´ e ´ e en octobre.

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de « donner » ses biens, ce sera en contrepartie pour que l’on ne touche pas aux« Pe ` res Blancs ». Si cette ne ´ gociation aboutit, Masqueray est su ˆ r d’e ´ lever unepremie ` re e ´ cole au mois d’octobre. Le 24 septembre 1881, on apprend que lane ´ gociation est en cours 86. Masqueray a mise ´  sur un interme ´ diaire, un certain

M. Rougier du Cre ´ dit Lyonnais qui s’est engage ´   aupre ` s de lui dans lesconditions suivantes : que l’affaire soit mene ´ e secre ` tement et rapidement. LeCre ´ dit Lyonnais ache ` te et les fonds sont verse ´ s a `  quelques jours d’intervalle.Pour re ´ gler le proble ` me avec le ministe ` re, qui n’a pas de domaine, il faudraitque le ministe ` re lui envoie la somme comme frais de mission. Cependant, le30 septembre 1881 s’offre une nouvelle solution 87 : le proprie ´ taire d’un endroitmagnifique accepte de vendre un terrain central chez les Beni-Yenni. Meme sila terre des je ´ suites n’est plus une priorite ´ , il serait toujours bien de l’avoircomme succursale pour qu’elle serve d’atelier. On sait combien Masqueray

accorde une grande importance aux ateliers professionnels qui sont la pierre detouche de son ide ´ al d’enseignement en Kabylie.

L’installation des instituteurs – Leur instruction

Dans cette lettre critique au recteur Belin du 24 mai, le ministre de ´ sapprouveune pre ´ paration de six mois en langue kabyle mais le recteur tient a `  cette ide ´ e

ne ´ cessaire selon lui. En revanche, il de ´ sapprouve un enseignement de la languearabe qui est la langue propre aux zaouı ¨as, la langue « des marabouts, duprose ´ lytisme religieux : la langue anti-francaise ».

Nous savons que le recrutement est de  ja `   lance ´  par avis officiel de l’Aca-de ´ mie mais pour Masqueray c’est une re ´ solution encore trop timide. Le choixde 15 instituteurs est insuffisant, il en ne ´ cessiterait 30 si l’on se conformait

86. Lettre de Masqueray a `   Alfred Rambaud (Alger, 24 sept. 1881).Il l’informe de ses de ´ marches au sujet des e ´ coles des je ´ suites : un fonde ´  de pouvoirs du Cre ´ dit

lyonnais, M. Rougier, a ete l’intermediaire dans l’acquisition des biens jesuites de Ben Aknoun.Il pourrait e ´ galement se charger d’acheter les e ´ coles de Djemaa-Sahridj et de Benni-Yenni. Ilaccepte de servir d’interme ´ diaire aux conditions suivantes: les tractations doivent se fairerapidement, dans le plus grand secret ; le Cre ´ dit lyonnais ache ` te a `  condition que les fonds soientverse ´ s imme ´ diatement.

Toutefois une telle affaire ne peut etre conclue au nom du ministre, celui-ci n’ayant pas dedomaine. S’il achetait par l’interme ´ diaire du Domaine ou de la commune de Fort-National, lesne ´ gociations seraient longues et publiques. Comme ce bien n’appartiendrait a `  personne une foisacquis, la solution serait d’en faire don a `   la commune.

87. Lettre de Masqueray a `   Alfred Rambaud date ´ e des Beni-Yenni, 30 septembre1881.Il exprime le de ´ sir de trouver une solution rapide pour la construction de l’e ´ cole de Tizi-

Rached. Il l’informe des de ´ marches effectue ´ es par Sabatier pour l’achat d’un mechmel  chez les

Benni-Yenni, pre ´ cisant que ce dernier aimerait se de ´ barrasser des universitaires et construire sespropres e ´ coles.

Le   mechmel  propose par Sabatier n’etant pas interessant, il a negocie l’achat d’un autreemplacement, et il propose e ´ galement d’acque ´ rir la maison des je ´ suites a `  un bon prix pour yinstaller un atelier.

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aux premie ` res volonte ´ s de l’arrete ´   ministe ´ riel de fonder 15 e ´ coles et non 8comme le souhaite le gouverneur. C’est un document 88 du 13 septembre1881, e ´ tabli par Masqueray qui traite avec pre ´ cision de l’« installation pro-visoire et l’instruction des instituteurs, directeurs d’e ´ coles et adjoints ». Do-

cument sous forme de rapport qui mesure les proble ` mes avec lesadministrateurs. Ces derniers souhaitaient se substituer a `   l’Universite ´   ene ´ tant de ´ le ´ gue ´ s dans la fonction d’inspecteurs primaires et en re ´ digeant eux-memes des manuels, ouvrages de morale, de ge ´ ographie ou d’histoire. L’e ´ du-cation apparaıˆt toujours comme un domaine de ´ licat ou chacun tente d’im-poser son influence. Pour se charger exclusivement de cette tache, lesadministrateurs souhaitaient fonder une E ´ cole normale a `   Tizi-Ouzou. Mas-queray expose a `  Ferdinand Buisson les de ´ savantages de ce choix. Commentpeut-on pre ´ tendre former des gens a `   la langue kabyle dans une ville qui

compte une majorite ´  de re ´ sidents francais ? Le professeur choisi : Ahmed BenKhouas est un homme jeune qui n’est disponible que dans la soire ´ e (de 20 a `22 heures) puisqu’il est de  ja `   employe ´  dans les bureaux de la sous-pre ´ fecture.Quant aux logements, ils y sont rares et chers, ce qui implique la ne ´ cessite ´d’une indemnite ´ . Si la salle de cours dans la sous-pre ´ fecture est mise a `   leur

88. Rapport adresse ´  au ministre de l’Instruction publique date ´  de Fort-National.En soulignant la ne ´ cessite ´ d’installer et de former en Kabylie un personnel enseignant qualifie ´ ,

il critique la proposition du sous-pre ´ fet de Tizi-Ouzou, Boyenval, qui envisage de nommer

l’interpre ` te indige ` ne de la sous-pre ´ fecture au poste de professeur de kabyle, aide ´   dans sa tachepar les fonctionnaires, et d’installer l’E ´ cole normale dans une salle meme de la sous-pre ´ fecture.Or, cet interprete, quoique parlant et connaissant le kabyle et le francais, n’a pas les qualites

pe ´ dagogiques requises pour enseigner ; de plus, il ne dispose que de deux heures par soir pourdiriger la nouvelle e ´ cole, pre ´ parer ses lec¸ons et s’occuper des futurs instituteurs.

Par un projet aussi absurde, les administrateur de Grande Kabylie veulent controler lesnouvelles e ´ coles et e ´ tendre leur influence sur l’instruction, au de ´ triment de l’universite ´ . Il n’estpas bon que les instituteurs soient sous la tutelle de l’administration. Par ailleurs, Tizi-Ouzou estune ville de colons et de fonctionnaires, tre ` s e ´ loigne ´ e de tous les centres et villages kabyles, lesinstituteurs ne pourraient pas rendre visite aux e ´ coles et a `   leurs futurs e ´ le ` ves. Les conditionsmate ´ rielles y sont de ´ favorables : logements rares et trop chers, frais d’hotel a `  rembourser, salle declasse de la sous-pre ´ fecture seulement disponible le soir et qui n’est pas ame ´ nage ´ e.

Aussi, il serait plus judicieux de les installer a `   Fort-National, ou l’acade ´ mie ne s’est pasengagee envers l’administrateur et ou la sous-prefecture n’interviendrait donc pas. Situee aucœur de la Kabylie et entouree de nombreux villages kabyles, Fort-National est une petite villemilitaire dont les mœurs auste ` res favoriseraient le travail des instituteurs. Ceux-ci pourraient sede ´ placer facilement pour e ´ tablir un contact avec la population et leurs e ´ le ` ves. Le climat,semblable a `  celui de la France, y est beaucoup plus favorable qu’a `   Tizi-Ouzou, ou les e ´ te ´ se ´ touffants provoquent fie ` vres et maladies. Les instituteurs y seraient loge ´ s dans une construc-tion militaire abandonne ´ e, mais encore en bon e ´ tat (plan joint), qu’il est possible d’ame ´ nager a `peu de frais; de plus, des appartements et des chambres meuble ´ es sont propose ´ s par desparticuliers a `  des prix abordables. Quant a `   l’enseignement, il serait assure ´  par deux indige ` nes,le khodja de l’administrateur et l’interprete du juge de paix, qui se partageraient deux leconsdans la journe ´ e pour un traitement nettement moins e ´ leve ´   que celui de l’interpre ` te de Tizi-

Ouzou. Les cours auraient lieu dans l’e ´ cole primaire de la commune, qui dispose d’une salleamenagee.

L’interpre ` te de la sous-pre ´ fecture de Tizi-Ouzou ayant de  ja `   e ´ te ´  agre ´ e ´  par le ministre, il serait judicieux de lui demander de s’e ´ tablir a `   Fort-National pour se consacrer entie ` rement a `   l’E ´ colenormale, et en cas de refus, le remplacer par les deux professeurs cite ´ s.

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disposition, il faudra en revanche la meubler. En conclusion, cette installa-tion n’est pas impe ´ rieuse en ce lieu et offre des inconve ´ nients. Masqueraypre ´ fe ` re de beaucoup une installation a `   Fort-National.

Ils y ont toute liberte ´  a `   l’e ´ gard de l’administration, mais surtout la situationest bien plus avantageuse pour etre confronte ´ s quotidiennement a `   la langue.De plus, c’est une petite ville militaire qui ne pourra que les inciter au travail.Le seul proble ` me est que les logements civils y sont chers seulement, E ´ mileMasqueray pourrait y reme ´ dier s’il logeait les instituteurs dans le quartiermilitaire, ce qui reviendrait a `   400 F par mois au lieu de 600 F dans leslogements civils. L’enseignement pourrait etre de ´ livre ´   par des khodjas dontle traitement (pour deux) ne de ´ passerait pas celui du professeur de Tizi-Ouzou.Mais tout cela n’est qu’un souhait, une sorte d’expose ´   concurrentiel car leprofesseur de Tizi-Ouzou a de  ja `  e ´ te ´  agre ´ e ´  par le ministe ` re. Il joint a `  ce rapport

des renseignements sur le cou ˆ t de la vie quotidienne a `   Fort-National ainsiqu’une notice comple ´ mentaire concernant le transport de mobilier des ins-tituteurs. Des meubles sont mis a `   leur disposition mais la charge de l’E ´ tat seraitmoindre s’ils avaient leur propre mobilier. Il faut donc inviter les instituteurs a `se rendre a `  Fort-National apre ` s avoir envoye ´ leurs affaires a `  petite vitesse ; leuraccorder une indemnite ´  de 40 F par quintal de mobilier.

Le 20 septembre, Masqueray attend toujours le consentement du ge ´ ne ´ ralpour le baraquement militaire. Re ´ soudre cette question suppose : se rendre a `Alger ou il fait une chaleur torride. Le 12 octobre, survient un te ´ le ´ gramme quiannonce une difficulte ´  survenue pour loger les familles 89.

Le travail de Masqueray

Masqueray me ` ne conjointement l’affaire des e ´ coles, qui n’est pas de toutrepos, et d’autres projets d’e ´ criture, de publications qu’il soumet a `  son ami, telle   Coup d’œil sur l’histoire de l’Afrique septentrionale, paru dans Congre ` s

d’Alger90

. Ses pre ´ occupations intellectuelles viennent se « surajouter » a `   cetteenqueˆte scolaire.

Cette mission, c’est un travail de repe ´ rage (devis, cartes...), un travail dene ´ gociations, donc d’attentes de de ´ marches, de diplomatie, un travail pre ´ cisqui ne doit laisser aucun de ´ tail de cote ´ , tel celui sur le mobilier des institu-teurs 91. Or, malgre ´   les re ´ ticences, les retards, les heurts avec les administra-

89. Telegramme de Masqueray a Ferdinand Buisson, date de Fort-National. Il lui demanded’envoyer les instituteurs sans leur famille.

90. Notices sur Alger et l’Alge rie, Alger, Jourdan, 1881, pp. 203-233.91. Note de Masqueray (Fort-National, 15 septembre 1881) :  Notice comple mentaire du

rapport concernant l’installation provisoire des instituteurs de Kabylie a ` Fort-National.Il e ´ value les meubles offerts par Fort-National aux instituteurs arrivant de France sans

mobilier (lits militaires, tables, placards, glaces, chaises) et qui resteront dans les appartements.

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teurs, Masqueray ne semble jamais avoir perdu son e ´ nergie. Quelques lettrespessimistes sont tout de suite balaye ´ es par l’e ´ nergie qu’il met a `  son travail. De ` sle de ´ but octobre, il part dans le Djurdjura pour retrouver les memes soucisavec les administrateurs 92.

Fort-National, le 10 oct[obre] 1881.

Cher ami,

Je t’e ´ cris toujours a `  batons rompus. Je viens de rentrer a `  Fort-National apre ` sune

belle course dans le Djurdjura, et j’en repartirai apre ` s-demain pour aller chez les

Beni Djennad visiter la zaouı ¨ a de Timizar pre `s de laquelle je compte bien fonder une

e cole. Le temps vient de tourner a `   la pluie, et nous avons exactement la meme

 journe ´ e que celle ou nous nous trouvions, tu te le rappelles, entasse ´ s dans cettemauvaise auberge des Touristes avec Foncin et je ne sais plus quelles ce ´ le ´ brite ´ s. Il

fera beau demain, j’espe ` re. Du moins, il me faut bien 24 heures pour mettre mes

ide ´ es en ordre et expe ´ dier au ministe ` re le canevas d’un premier rapport. A ` ce

propos, je regrette bien qu’on n’ait re ´ pondu a `  aucune de mes lettres. Toute cette

affaire est extremement pressante.

Je ne sache pas qu’un seul de nos instituteurs soit encore en route. J’ignore meme

s’ils sont nomme ´ s. Tu pourras voir dans les cartons de la direction de l’Enseigne-

ment primaire que j’ai e ´ tudie ´  de pre ` s la question de leur installation. J’ai envoye ´ a `  ce

propos meme deux te ´ le ´ grammes, et voila `  que je n’ose rien conclure, non seulementparce que je ne suis autorise ´  a `  rien, mais encore parce que je ne sais si mes ide ´ es sont

approuve ´ es.

Quant a `   la de ´ termination des emplacements de ´ finitifs, je vais tre ` s vite, malgre ´

une grosse difficulte ´  que j’ai tourne ´ e, et dont je te parlerai ; mais j’aurais besoin de

savoir si le ministre fera batir par les communes mixtes, ou par la voirie departe-

mentale, ou par les ponts et chausse ´ es. Je supposerai que le ministre fait batir par les

communes : mais ce n’est la `  qu’une simple hypothe ` se, et je suis encore incertain sur

le conseil que je dois donner.

Si les instituteurs apportaient avec eux leur propre mobilier, l’e ´ conomie re ´ alise ´ e serait conside ´ -rable, mais il faudrait neanmoins prevoir une installation provisoire, en attendant l’arrivee desmeubles.

Il demande au ministre d’envoyer les instituteurs a `  Fort-National dans les plus brefs de ´ lais, deleur accorder une indemnite ´  pour le transport de leur mobilier et pour leur installation.

92. Lettre de Masqueray a `  Alfred Rambaud date ´ e de Fort-National, 10 octobre 1881 ou il seplaint, en autres, de l’absence de cooperation du remplacant de Lapaine, M. Renoux, et deploreque l’œuvre civilisatrice et e ´ ducative de la France en Kabylie doive etre subordonne ´ e, dit-il, a `  desesprits aussi me ´ diocres.

Il craint e ´ galement que sa mission ne soit d’aucune utilite ´ , a `   cause de l’ignorance et del’incapacite ´  de ceux a `  qui en sera confie ´ e l’exe ´ cution, et il de ´ sire ne plus avoir la moindre relationavec l’Acade ´ mie d’Alger en ce qui concerne les e ´ coles kabyles.

Cette lettre n’est pas ine ´ dite : elle est la reproduction in extenso de celle de  ja `  publie ´ e in O. Ould-Braham, « E ´ mile Masqueray en Kabylie... », op. cit., annexe no 3, pp. 66-70.

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Je suis aussi de ´ sireux de savoir s’il est un moyen rapide d’acheter aux je ´ suites en

suivant la voie dans laquelle je me suis engage ´ e. Il est vrai que mon interme ´ diaire ne

m’a encore rien e ´ crit, mais il peut m’e ´ crire d’un moment a `  l’autre en me demandant

si je suis en mesure de payer dans les quinze jours ou trois semaines qui suivent. Que

faire encore de ce cote ´ ?

J’en ai fini, comme je te l’ai e ´ crit, dans la commune du Fort-National. Je viens

d’en finir aussi avec la commune du Djurdjura. C’est un gros morceau, et j’ai e ´ te ´

vraiment embarrasse ´  un instant par la vanterie et la duplicite ´  de l’administrateur, le

 jeune Lapaine, qui, Dieu merci, vient d’etre remplace ´ .

Il faut avoir pe ´ ne ´ tre ´  comme je le fais tous les de ´ tails de cette absurde adminis-

tration alge ´ rienne pour comprendre ce que je ne cesse de re ´ pe ´ ter discre ` tement, il est

vrai, par respect pour la hie ´ rarchie, que M. Belin, craignant de me laisser faire une

situation exceptionnelle, a mieux aime ´  se laisser duper et laisser duper le ministreavec lui pour trois ou quatre petits pachas de carton cache ´ s derrie ` re un sous-pre ´ fet.

Je t’en ai assez dit sur la commune mixte de Fort-National. Parlons maintenant de

celle du Djurdjura.

Cette commune avait, il y a huit jours encore, pour administrateur, un jeune

homme de 28 ans nomme ´  Lapaine, fils d’un ancien pre ´ fet, assez bon enfant, mais

tre ` s infatue ´ de sa personne et de son autorite ´ . Quand je l’avais vu au mois de janvier

dernier, je l’avais trouve ´   fort aimable (nous nous conseillions depuis longtemps) ;

mais je ne lui avais pas cache ´   la facon dont j’entendais les choses. Nous e ´ tions alle ´ s

ensemble de ´ terminer une e ´ cole chez les Illilten et les Ittouragh, et, comme legouverneur de ´ sirait qu’une e ´ cole fu ˆ t fonde ´ e dans son centre administratif de Aı ¨n

Hamman, je regardais ma tache comme fort avance ´ e de ce cote ´ , de ` s le mois de

 janvier dernier. Or il n’est pas de petites ruses sourdes que mon Lapaine n’ait

invente ´ es pour mettre ensuite des batons dans les roues. C’est lui surtout qui est alle ´

a `  Alger tenir avec le recteur de longues conversations, dont on ne m’a d’ailleurs

souffle ´  mot. Il lui persuadait que le mieux e ´ tait de s’en remettre pieds et poings lie ´ s

aux administrateurs. D’autre part, une fois revenu chez lui, il recommandait bien

aux pre ´ sidents et aux djema ˆ a (assemble ´ es) de ne me rien accorder si je revenais dans

leur pays. J’en ai la preuve. J’ignorais cela quand je me suis mis en route, il y amaintenant douze jours, pour le Djurdjura. Cependant je soupc¸onnais que je

rencontrerais de ce cote ´  quelque mauvaise complaisance latente, et je savais aussi

qu’il faut, pour que les choses aillent vite, que tout soit conclu avant la fin de ce

mois, d’accord avec ces Messieurs. J’e ´ tais certain de re ´ ussir parce que j’en ai vu bien

d’autres.

D’autre part, mon Lapaine avait eu la maladresse d’engager une lutte de ´ clare ´ e

avec un de ses pre ´ sidents, nomme ´ Bou Saad, beaucoup plus malin que lui. Bou Saad

e ´ tait alle ´  se plaindre a `  Alger, et avait e ´ te ´  soutenu par des hommes influents. Lapaine

s’e ´ tait emporte ´   et avait e ´ crit une lettre insolente a `   son pre ´ fet. Dans une courserapide que j’avais appris que Bou Saad etait decidement vainqueur, et que le dit

Lapaine e ´ tait transporte ´  dans la province d’Oran a `   Aı ¨n Temouchent. Toutefois, il

devait se trouver encore a `   Aı ¨n Hammam du Djurdjura pendant mon voyage.

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Une parenthe ` se. Je te demande un peu s’il est sense ´  de livrer les inte ´ rets de l’E ´ tat

et une œuvre aussi belle que celle de la civilisation de la Kabylie dans les circons-

tances actuelles a `  ces fonctionnaires d’ordre infe ´ rieur qui ne sont meme pas su ˆ r de

rester en place.

Je me contentais, e ´ tant chez les Benni-Yenni que tu connais (comme de Fort-

National), de faire porter au jeune Lapaine, a Aı ¨n Hammam, une lettre dans

laquelle je le priais de m’envoyer un cavalier parce que j’allais e ´ tudier toute sa

commune au point de vue scolaire, en commencant par les Sedka Ouadhia, a `

l’extre ´ mite ´ , du cote ´   de Drah El Mizan. Le cavalier m’arriva quelques heures

apre ` s avec une lettre presque officielle. Je n’en demandai pas davantage.

Comme la the ´ orie de Lapaine concernant les mechmel-s, e ´ tait celle de Sabatier,

pre ´ cise ´ ment, j’e ´ tais bien re ´ solu a `  n’admettre comme terrain d’e ´ cole que des biens

prive ´ s ou, a `   titre exceptionnel un ou deux  mechmel-s qui me fussent re ´ ellement

donne ´ s par les djema ˆ at. Si je me contentais, par exemple d’indiquer un mechmel  chezles Sedka Ouadhia sans pousser plus loin la ne ´ gociation, il devait arriver que

l’administrateur e ´ tablissant d’abord que ce mechmel est, conforme ´ ment a `  sa the ´ orie,

un bien de village, et non un bien communal, se chargerait de l’acquisition, ferait

traıner les choses en longueur, et en fin de compte nous ferait payer cher un mauvais

terrain dans l’inte ´ ret de ses administre ´ s. Je ne voulais pas de cela.

J’ai donc mis tout en œuvre d’abord chez ces Sedka Ouadhia pour acque ´ rir, a `

titre provisoire, un bien prive dans les meilleures conditions possibles. J’ai reussi

apre ` s une journe ´ e de conversations. Le pre ´ sident e ´ tait justement un ancien cavalier

du bureau de Fort-National qui m’avait accompagne ´  dans ma premie ` re course enKabylie, il y a sept ans.

De la `, je suis alle  chez les Sedka Chennacha. J’y ai acquis, a `  titre provisoire, un

mechmel qui m’a e te  donne  par la djemaa en vertu d’un acte e crit. Cet acte dispensera

l’administrateur de toute fatigue.

De la ` chez les Sedka Ogdal. J’y ai acquis, a ` titre provisoire, deux hectares de terre

magnifique, irrigable, d’un vieux bandit qui e ´ tait monte ´  en 71 avec ses camarades a `

l’assaut de Fort-National. Si tu avais vu cet homme a `  barbiche blanche, taille ´ comme

Hercule, se convertir a `  nos ide ´ es ge ´ ne ´ reuses, et livre ´ e son bien, c’e ´ tait superbe.

De la ` , chez les Beni Ouacif. La ` , un peu de tirage. Je tombe sur un pre ´ sident riche,

froid, fin comme une aiguille, et j’entre sans m’en apercevoir dans le filet tendu par

mon Lapaine. Apre ` s quelques heures, je m’aperc¸ois que je suis berne ´ . Je trouve un

terrain qui appartient a `  mon homme. Je le de ´ clare superbe. Il n’y en a pas d’autre

qui me convienne. Comme il re ´ siste, je l’invite a `   re ´ unir toute la djema ˆ a  des Beni

Ouacif, me chargeant bien de la de ´ cider a `  me trouver un proprie ´ taire qui consentit a `

vendre, et lui faisant comprendre que la  djema ˆ a  serait heureuse de tourner mon

choix sur son bien a `  lui, pre ´ sident. Alors, il prend peur, et, pendant la nuit, me trouve

un homme possesseur d’un terrain excellent et de cide  a `  vendre. Cet homme allait

vendre a `   je ne sais quel marabout musulman. J’ache ` te a `   la place du marabout, et,comme le prix est un peu eleve, j’invite le president des Beni Ouacif a combler la

diffe ´ rence entre mon prix et le prix demande ´ , par patriotisme. Il en sera bien pour

700 ou 800 F. Cela lui apprendra a `  vivre.

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De la ` , chez les Beni Boudrar. Sce ` ne analogue, moins la finesse du pre ´ sident.

L’ancien de je ne sais plus quel village aupre ` s duquel e ´ tait un emplacement conve-

nable e ´ tait assis par terre avec une quinzaine de membres plus ou moins autorise ´ s de

la Djemaa, criant : « Je ne vendrai pas. Expropriez, si vous voulez. » Le pre ´ sident,

pour faire du ze ` le, et sans doute, jouant le jeu de Lapaine disait a `  haute voix : « Toutecette terre est a `  votre disposition. L’endroit que vous de ´ signerez sera pris par le

Beylik. Il n’y a rien a `   dire. » Pour rien au monde, je n’aurais voulu proposer une

expropriation. L’e ´ cole ne saurait avoir contre elle de ` s l’origine un parti forme ´ par les

amis des gens exproprie ´ s.Cen’estniunfortniunecaserne.Etpuis,quedelenteur!Il

faudrait une fois mon choix fait, nommer des experts. Je voyais reparaıˆtre les

commissions et l’administrateur. Cependant j’e ´ tais un peu agace ´ , fatigue ´  d’ailleurs

par les journe ´ es pre ´ ce ´ dentes. Je n’e ´ tais pas descendu de mulet. J’avais derrie ` remoile

pre ´ sident et ses domestiques, le ge ´ ome ` tre, mon cavalier, M. Scheer, mon domes-

tique, tous monte ´ s. Je dis : « Faites bien attention. Vous parlez en ce moment deBeylik comme s’il e ´ tait loin. Il est ici dans ma personne, sur ce mulet. Il me suffit

d’e ´ crire une ligne sur mon carnet pour que toute la terre sur laquelle j’e ´ tends la main

vous soit enleve ´ e : mais je ne tiens pas le moins du monde a `  vous faire cadeau d’une

e ´ cole. A ` droite, a `  gauche, tout autour de nous, toutes les autres tribus m’ont fait des

offres gracieuses que j’ai accepte ´ es. Vous n’aurez pas d’e ´ cole, voila `   tout. » – « Mais

nous voulons une e ´ cole comme les autres. » – « Eh bien, il faut que nous sortions de

la ` . Vous tenez a `  eˆtre exproprie ´ s, n’est-ce pas. Lequel aimerez-vous le mieux que je

vous prenne, ce terrain-ci pre ` s de votre village, ou cet autre qui vous appartient, en

contrebas, au milieu de votre confe ´ de ´ ration ? Ce second terrain ne pouvant etre pourvous un terrain a `  batir a `  moins de valeur e ´ videmment. Choisissez. Puisque vous

voulez a ` toute force recevoir un coup, il me paraıt pre ´ fe ´ rabledevousledonnersurles

pieds que sur la tete. » – « Nous aimerions mieux donner le terrain d’en bas. » – 

« Bien. Faites venir tous les proprie ´ taires et ayants droit sur ce terrain d’en bas, et

nous allons descendre tous ensemble.» Quand ils furent re ´ unis, je dis : « Un dernier

mot. Est-ce que vous ne trouvez pas que votre raisonnement est absurde ? Votre terre

vous sera paye ´ e apre ` s expertise juste a `   sa valeur, et peut-etre en dessous. Puisque

vous etes re ´ solus a `   la donner pourquoi ne pas profiter de l’occasion que je vous offre

d’entirerunbonprixentraitanta ` l’amiable avec moi ? Vous etes commercants, vous

autres Beni Boudrar. Votre conduite fera bien rire tous les marchands de Fort-

National a `   Souk Ahras quand je les rencontrerai. » L’ancien s’approcha de mon

mulet et me dit : « Je posse ` de un morceau de ce terrain d’en bas. Je te le vendrais si tu

le veux. » Alors les autres : « Eh bien, puisque tu vends, toi, nous vendrons tous. » Tu

vois de la la suite : « Nous sommes tous freres, tous amis, nous entrons dans un temps

nouveau, etc. » Deux heures apre ` s, nous nous serions tous les mains en e ´ changeant

des serments. L’ancien me disait : « Excusez-moi d’avoir re ´ siste ´ . » On se disputait

l’honneur de m’offrir a `  dıner. Enfin, un triomphe.

De la `  chez les Beni Attaf. La `  je trouve le fameux Bou Saad, pre ´ sident suspendupour quatre mois, mais en definitive vainqueur de Lapaine. Il me dit : « Je veux vous

donner un terrain tre ` s bien situe ´  que j’ai de  ja `   refuse ´  de vendre a `   vos marabouts »

(missionnaires de N.-D. d’Afrique). Pour ne pas m’engager, je refuse le don ; mais je

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l’ache ` te et, en outre, un autre morceau d’e ´ gale grandeur qui m’est vendu par un

particulier.

Je t’e ´ pargne les Beni Menguellet et les Beni Bou-Youcef. Quand j’arrive a `   Aı ¨n

Hammam, j’y trouvai a `   la place de Lapaine, comme administrateur, M. Renoux ex-adjoint de Sabatier.Tu te rappellespeut-etre. C’est un jeune homme de 28 ans, marie ´ .

Il a e ´ te ´  de mes e ´ le ` ves au lyce ´ e d’Alger. S’il n’e ´ tait pas tout a `  fait livre ´  a `  l’influence de

Sabatier, on pourrait peut-etre en faire quelque chose. Il ne put s’empecher de

paraıˆtre tre ` s surpris quand je lui racontais sommairement comment j’avais mene ´

ma campagne. Il m’avait bien dit quinze jours auparavant que, dans le cas ou il

succe ´ derait a `  Lapaine, il accepterait toutes nos de ´ signations les yeux ferme ´ s,ou,plus

exactement, se contenterait de copier ma liste afin qu’il soit bien entendu que les

administrateurs et l’universite ´  soient parfaitement d’accord ; mais, lui qui connais-

sait le dessous des cartes, ne s’attendait pas a `  me voir re ´ ussir si lestement.

Quelques instants apre ` s l’e ´ change des poigne ´ es de main, le jeune Renoux me dit :

« Mon cher Maıtre, j’ai le regret de vous apprendre que M. Lapaine avait gravement

exage ´ re ´  en se faisant fort d’offrir bientot deux e ´ coles baties aux frais de la commune

mixte de Djurdjura. C’est tout au plus si je puis disposer d’une dizaine de mille

francs. Je m’empresserai de les affecter a `  la construction d’une partie d’une de vos

e ´ coles ; mais nous ne pouvons pas davantage, et l’assertion de M. Lapaine me paraıt

inexplicable. » Regarde le rapport du sous-pre ´ fet de Tizi-Ouzou, 2e partie, empla-

cements d’e ´ cole. Tu y verras ce que je veux dire.

Toujours la meme chose. On se moquait de nous tout simplement. Je vais passer

quelques heures avec l’entrepreneur du Ge ´ nie pour ve ´ rifier mes devis. Ensuite

 j’enverrais l’une apre ` s l’autre mes propositions dernie ` res au ministre. Cela durera

 jusqu’a `  la fin du mois.

On suivra, je pense, mes indications qui seront tre ` s pratiques, et en tout cas tre ` s

universitaires. Je prierai surtout que l’on accorde une grande attention a `  la question

des ateliers. C’est par-la `  surtout que l’e ´ cole s’alimentera.

Alors ma tache sera termine ´ e et je prierai qu’on ne me parle plus de cette

magnifique entreprise. J’aurai peut-etre le chagrin de la voir avorter. Je sens bienque force ´ ment elle tombera dans les mains de gens incapables, ou ignorants, ou

timides ; mais je n’y puis rien. Je ne redemanderai plus que l’on cre ´ e un service

spe ´ cial pour l’instruction des indige ` nes. Si le ministre veut me re ´ compenser, il sait

comment s’y prendre. Mais je pourrai lui demander au moins la faveur de me

dispenser de toute correspondance et communication touchant les e ´ coles kabyles, a `

partir de la remise de mes rapports qui sera comple ` te et de ´ finitive aux derniers jours

de ce mois d’octobre. Je souhaite de n’avoir aucune relation en cette matie ` re avec

l’Acade ´ mie d’Alger.

Mille amitie ´ s.

Ton tout de ´ voue ´ ,

E. MASQUERAY.

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Il se rend compte que Lapaine a convaincu les djema ˆ a-s de ne pas traiter aveclui, la ne ´ gociation est donc plus longue mais il ne semble jamais de ´ courage ´ . A `

son retour du Djurdjura 93, un nouvel administrateur a e ´ te ´  nomme ´ , un certainM. Renoux, mais qui, selon l’habitude des administrateurs, se plaint de ne pas

avoir assez d’argent pour financer les e ´ coles. Ce n’est qu’une rengaine pourMasqueray. Tout ce travail « s’ache ` ve » dans cette correspondance sur unheureux te ´ le ´ gramme 94 qui dissout le proble ` me de l’achat des terrains: leministe ` re va eˆtre autorise ´   a `   acque ´ rir, ce qui signifie une liberte ´   a `   l’e ´ gard desinge ´ rences des administrateurs.

Dans cette correspondance, A. Rambaud joue plus que le role de confident, ilest le double de sa correspondance, celui qui rec¸oit ce qui est dit entre les lignesdes rapports officiels, ce qui ne peut etre entendu, ce qui est en marge 95. Cetteliberte ´   de parole   nous permet de de ´ couvrir les dessous des de ´ cisions, des

modifications, de saisir la porte ´ e de ce que Masqueray appelle : « les engrenagespre ´ paratoires des commissions et sous-commissions ». Car, en effet, comme il sepreˆte a `   le penser, un particulier aurait bien mieux agi dans cette affaire. Mais ceque Masqueray pressent dans cette lenteur se forme peut-etre bien au niveau desmentalite ´ s : « je sens bien qu’ils ne se de ´ cideront jamais a `  instruire franchementnos Kabyles », c’est le trajet d’une ide ´ e qui doit faire son chemin...

V. FIN DE MISSION

Cette correspondance qui s’e ´ tale d’octobre 1881 a `  de ´ cembre 1881 donne unapercu « des dessous » de la mission de Masqueray en Kabylie concernant lacre ´ ation d’e ´ coles francaises. Elle recoupe cependant sur bien des points lesrapports de Masqueray envoye ´ s au ministe ` re. Les lettres les plus inte ´ ressantesdemeurent donc des lettres personnelles entre E ´ mile Masqueray et AlfredRambaud, son ami. En voici une parmi tant d’autres :

93. Lettre de Masqueray a `   Alfred Rambaud date ´ e d’Aı ¨n el-Hammam, 30 octobre.

94. Te ´ le ´ gramme du pre ´ sident du Conseil, Jules Ferry, a `  Masqueray (Paris, 13 octobre 1881).Il lui annonce que le de ´ part des instituteurs a e ´ te ´  retarde ´ , parce que ses rapports sur les premie ` rese ´ coles ne sont pas encore arrive ´ s, et il lui demande des propositions d’achat de terrains pluspre ´ cises, avant de donner par de ´ cret au ministre l’autorisation d’acheter.

95. Note d’Alfred Rambaud a `   Jules Ferry (fin octobre 1881).

Il lui rapporte que le nombre d’e ´ coles ne ´ cessaires en Kabylie s’e ´ le ` ve a `  20, que les emplace-ments de 10 d’entre elles sont de  ja `  de ´ termine ´ s, et que Masqueray a traite ´  en son nom propre avecles proprie ´ taires des terrains, pour un montant total de 15 100 F. Trois autres terrains seront pluschers et la somme de 121000 F promise par le ministre sera insuffisante. Il pose la question de la« re ´ gularite ´ » de telles promeses de vente.

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Universite ´  de France Sedka Ouadhia, le 2 oct[obre] 1881.

Acade ´ mie d’Alger

Direction de l’E ´ cole

supe ´ rieure des Lettres

Cher ami,

Je suis chez les Sedka Ouadhia. J’y ai travaille ´ hier toute la journe ´ e et la moitie ´  de

ce jour-ci. Ce groupe est le plus occidental de la commune mixte du Djurdjura. Les

habitants en sont tre ` s nombreux et assez bien dispose ´ s. Je t’e ´ cris du village de Aı ¨t

Abd el Kerıˆm.

Ce ne sont que pitons et ravins. J’ai fini cependant par trouver trois terrains

acceptables. J’en ai fait lever deux par le ge ´ ome ` tre. Le meilleur comprend 61 ares et

le proprie ´ taire l’a paye ´   deux mille francs. J’en offre 2 500 mais il faudra encoreprobablement payer sept ou huit oliviers qui s’y trouvent. Dans ce diable de pays, si

contraire au pays arabe, la proprie ´ te ´  est tellement divise ´ e que l’un posse ` de les arbres

tandis que l’autre posse ` de la terre.

Il fait encore bien chaud ici. Je suis tourmente ´  par les mouches. Mon encre est

mauvaise, comme tu vois. Mon cavalier avait perdu mon encrier et je me sers de ce

que je trouve. J’ai bien essaye ´ de faire de l’encre un peu plus noire avec du peroxyde

de mangane ` se, dont se servent les femmes kabyles pour faire des dessins sur leurs

poteries ; mais cela ne m’a pas re ´ ussi.

J’ai tenu beaucoup a `   venir chez les Sedka Ouadhia parce que les « marabouts

francais » (pe ` res blancs autorise ´ s) y sont e ´ tablis, et en outre des bonnes sœurs de je

ne sais quel ordre. Leurs maisons sont assez voisines et surmonte ´ es de cloches. Il est

parait-il convenu que les bonnes sœurs agiteraient leur cloche en cas de presse pour

appeler les fre ` res. Elles ont une dizaine de petites filles kabyles. Ils ont une vingtaine

de petits garcons de mauvaises mœurs, parait-il. Ils n’ont en re ´ alite ´  aucune attache

se ´ rieuse, et le peu qu’ils peuvent faire est loin de re ´ pondre aux besoins d’une

population de pre ` s de cinq mille habitants.

Dans une demi-heure je monterai sur mon mulet, et j’irai coucher chez les Beniben Chennacha. Tu peux voir sur la carte que ceux-la `  sont en plein Djurdjura. Il

faudra bien que je trouve le temps d’envoyer de la `  un premier rapport au ministre.

Je commence a `  ne plus recevoir ni lettres ni journaux ; mais e ´ cris-moi toujours a `

Fort-National.

Je te ferai une petite collection de poteries kabyles. J’en trouve ici de tre ` s

curieuses.

Mille amitie ´ s.

E. MASQUERAY.

Les rapports ne font certes pas e ´ tat des sentiments de Masqueray, de sescritiques envers les administrateurs ou envers la conduite politique de l’Ins-

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truction publique. Il est donc naturellement plus dissert avec un ami, a `  qui ilpeut confier ses cole ` res, ses incertitudes. La premie ` re de ces lettres 96 a `  son amimontre la difficulte ´  d’un tel travail qui demande l’appui du ministe ` re, notam-ment un de ´ cret pour acheter les terrains a `   batir. Mais Masqueray est plein de

ressources, d’optimisme, il est su ˆ r que les e ´ coles seront preˆtes au mois de mai,au moins 4 ou 5 d’entre elles. Les proble ` mes rencontre ´ s, il les expose aussi auministe ` re 97 dans une lettre du 25 octobre 1881. De quelle nature sont-ils ?

Masqueray n’he ´ site pas a `   de ´ signer les administrateurs, a `  les critiquer, il lesqualifie de «pre ´ tentieux », ceux-ci voulant assurer leur pouvoir dans lescommunes espe ´ raient que Masqueray ne re ´ ussisse pas seul son entreprise.Or, il est d’une grande activite ´  et semble ne ´ gocier rapidement, peut-etre dans

le souci de ne pas avoir a `  demander l’aide de ces dits administrateurs.

96. Lettre date ´ e d’Ilmaten, 20 octobre 1881. Il l’informe que les ne ´ gociations e ´ tant termine ´ eset les renseignements re ´ unis, il est urgent d’obtenir – par de ´ cret – l’ordre d’acheter imme ´ diate-ment les terrains pour les premie ` res e ´ coles, afin que l’administration alge ´ rienne ne puisse plusretarder l’e ´ tablissement de l’instruction publique en Kabylie.

97. Lettre date ´ e d’Illoula, 25 octobre (voir O. Ould-Braham, « E ´ mile Masqueray en Kaby-lie... », op. cit., annexe no 4, pp. 70-72). Il informe le ministe ` re de l’ache ` vement de sa mission etdes ne ´ gociations avec les Kabyles pour l’achat des terrains, ainsi que des difficulte ´ s qu’il arencontre ´ es :

 – A `

Fort-National, l’administrateur posait des conditions inacceptables a `   son concours,souhaitant que les futures e ´ coles soient sous sa de ´ pendance politique. Mais en Kabyliecomme ailleurs en Algerie, l’universite est liee a la magistrature, laquelle ne depend pas desadministrateurs.

 – Dans le Djurdjura, commune tre ` s importante et a `   la population varie ´ e et riche (SedkaChennacha, Sedka Ogdal, Aı ¨t Ouacif, Aı ¨t Bou-Drar, Aı ¨t Menguellat, Aı ¨t Bou Youcef), le maigrebudget ne permet pas la construction d’une seule e ´ cole, malgre ´   le rapport positif du sous-pre ´ fetde Tizi-Ouzou.

 – Dans la commune mixte d’Azeffoun, chez les Beni Djennad Gharb et les Beni DjennadCherq, il a de ´ termine ´  deux emplacements.

 – Dans la commune du Haut-Sebaou, a `   Ilmaten, il a de ´ termine ´   5 e ´ coles, dont 3 urgentes:Souama chez les Beni Bou Chaı ¨b; la zaouı ¨a Sidi Ben Driss ou Agouni n Gassin chez les Illoulen

Oumalou; le Sebt chez les Beni Ghobri.Il lui annonce des propositions definitives pour l’achat de terrains d’une part et la construction

d’ecoles d’autre part, en critiquant l’intention du gouverneur de construire 2 ecoles dans chacunedes 4 communes mixtes, dont 1 dans leur centre administratif. Un tel projet re ´ duirait le nombredes e ´ coles a `  5 au lieu des 15 envisage ´ es par le ministe ` re et ne correspond pas aux ve ´ ritablesbesoins de la Kabylie en matie ` re de scolarisation. Malheureusement, les ressources disponiblesne permettent pas de construire 15 e ´ coles la premie ` re anne ´ es, ni meˆme 8, a `  moins d’envisager des« demi-e ´ coles » dans un premier temps. Malgre ´  cela, les emplacements choisis, tre ` s bon marche ´ ,peuvent eˆtre acquis imme ´ diatement, meme si la construction des e ´ coles est diffe ´ re ´ e : ce sera dumoins une base solide a `   la scolarisation de la Kabylie. Il faut accepter tous ces terrains, dans lamesure ou il serait difficile de rompre les negociations engagees.

Dans une note jointe, il stipule que l’emplacement et la construction des e ´ coles doivent etre

conside ´ re ´ s inde ´ pendamment l’un de l’autre. Les terrains choisis sont :Djemaat Sahridj et Benni-Yenni pour 2 ecoles dans la commune de Fort-National ; Sedka

Ogdal, Beni Bou-Drar pour 4 e ´ coles, Beni Attaf et Sedka Ouadhia pour 2 e ´ coles dans lacommune du Djurdjura; Beni Djennad Gharb (commune d’Azeffoun) et Illoulen Oumalou(Haut-Sebaou) pour 8 e ´ coles.

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Diffe ´ rentes conceptions se heurtent et Masqueray de ´ fend la sienne avecvigueur. Il cite un exemple : le projet e ´ tait de cre ´ er quinze e ´ coles en Kabylie. Ceprojet a failli etre contrecarrre ´  par le Gouverneur ge ´ ne ´ ral qui voulait installerdeux e ´ coles dans chaque commune dont une dans un centre administratif. Or,

ces centres administratifs sont souvent des centres de colonisation ou il y adonc peu d’indige ` nes. De plus, cela re ´ duit conside ´ rablement le nombre dese ´ coles. En bref, ce n’est pas acceptable. Ce qui semble le plus difficile dans cetteentreprise, ce n’est pas tant la pre ´ paration avec les Kabyles mais les concep-tions de chacun, les inte ´ rets politiques, de pouvoir, que chacun met en avant.Or, Masqueray a suffisamment insiste ´  sur sa volonte ´  d’e ´ carter toute influenceau sein de ces e ´ coles. Il semble donc au maximum vouloir se de ´ brouiller seul etse re ´ fe ´ rer aux re ` gles et conditions du ministe ` re. Il est clair qu’il e ´ voque unesorte de concurrence avec les administrateurs 98. Il fallait leur montrer que le

travail pour e ´ tablir des marche ´ s provisoires e ´ tait non seulement possible maisdonnait de tre ` s bons re ´ sultats. Si Masqueray n’avait pas re ´ ussi les concilia-tions, les ne ´ gociations des terrains, les administrateurs auraient eux-memespose ´   leurs conditions. Or, Masqueray les juge incapables, c’est bien ce qu’ilconfie a `  son ami, car la seule solution qu’ils proposent pour les terrains estl’expropriation.

Le proble ` me le plus patent souleve ´   par Masqueray est de ne pas avoirdistingue ´  l’achat des terrains de la construction des e ´ coles. Il aurait fallu pre ´ voirl’achat sans se fixer de somme de ´ finitive puis conside ´ rer la construction. Cette

requeˆte n’acce ´ dera jamais. Il est donc furieux d’entendre des objections tellesque : « Le ministe ` re a affecte ´  des fonds a `  la construction mais pas a `  l’achat desterrains d’e ´ cole. » On peut en effet s’interroger sur ce manque d’organisation etde logique. Seulement, que l’on se reporte a `  sa lettre du 14 novembre 1881 a `Alfred Rambaud 99, pour comprendre qu’il s’agit des questions politiques etsurtout d’argent, qu’il re ´ sume ainsi : « Ils sont obe ´ re ´ s, re ´ duits a `  la mendicite ´ , ilsne peuvent pas mettre leur budget en e ´ quilibre, et auraient-ils de l’argent, ils lede ´ penseraient d’abord et toujours pour eux, jamais pour les indige ` nes. » Etlorsque Masqueray e ´ nonce que 15 e ´ coles seront insuffisantes (comme il l’a

98. Lettre a `   Alfred Rambaud date ´ e d’Aı ¨n Hammam, le 30 octobre 1881.Les propositions d’achat s’e ´ le ` vent de  ja `   a `  17 terrains et les marche ´ s passe ´ s sont un succe ` s

complet pour l’Instruction publique ; en cas d’echec, les administrateurs n’auraient pas manquede poser leurs conditions sur la construction, la nature de l’enseignement, l’inspection acade ´ -mique... Ces derniers sont d’ailleurs incapables de mener a `   terme une ne ´ gociation et n’ontenvisage ´  comme solution que l’expropriation. Il faut donc acque ´ rir rapidement les mechmel-sdans les communes de Fort-National et du Djurdjura, mieux administre ´ es, et les biens desadministrateurs-maires dans celles d’Azeffoun et du Haut Sebaou.

99. Lettre date ´ e d’Alger, 14 novembre 1881.Il le remercie pour son aide et pour le de ´ cret sur le droit d’achat des terrains. Il maintient sa

position sur la ne ´ cessite ´  d’acheter d’abord tous les terrains, sans limite. Il espe ` re que les 8 e ´ colesmode ` les seront suivies d’autres et veut substituer sur leur liste l’emplacement de Tamazirt n Tleta(Fort-National) a `  celui de Amadagh (Agouni g Ireran), ou l’e ´ cole est plus urgente. Il demande laratification de ses quatre derniers marche ´ s provisoires, pour 8 288 F et souhaite que le recteuradresse a `  Paris ses plans et devis au fur et a `  mesure qu’il les e ´ tablira.

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mentionne ´  dans ses rapports), on pourra lui apporter la meme re ´ ponse. Veut-on donner de l’argent pour des e ´ coles en Kabylie ?

A ` ces proble ` mes politiques s’ajoutent des rivalite ´ s personnelles dont unequ’il laisse e ´ clater dans sa lettre du 9 novembre a `  Alfred Rambaud 100 : il citeBoyenval, sous-pre ´ fet de Tizi-Ouzou, qui aurait eu inte ´ reˆt a `  ce que les rapportsde Masqueray ne parviennent pas au ministe ` re. Il avait lui-meme des projetsd’e ´ coles. Mais Masqueray avait heureusement pre ´ vu un double de ses rapports.Ces hommes, administrateurs, sous-pre ´ fets, il les de ´ crit ainsi : « Tous ces bravesgens e ´ taient des autonomistes qui se serraient autour du gouverneur et setaillaient chacun leur petite principaute ´  dans l’obscurite ´  des affaires alge ´ rien-nes».

La rigueur de Masqueray est pourtant quotidienne. Il transmet re ´ gulie ` re-

ment au ministe ` re ses propositions d’acquisition de terrains dans les diffe ´ rentescommunes mixtes, dans l’attente d’une approbation et surtout du de ´ cret quipermettra de ratifier ces achats. Celui-ci arrive, ainsi que l’approbation vers lafin novembre 101. On le remercie pour son ze ` le, sa compe ´ tence. Il a en effettransmis ses propositions de ´ taille ´ es en y joignant une traduction de l’acte devente provisoire. Il a de meme communique ´  un tableau du cou ˆ t de ces terrainsen Kabylie qui s’e ´ le ` ve a `  25 388 francs. Mais les proble ` mes d’argent ne peuvent

 jamais etre re ´ solus, car ils ne sont jamais suffisamment pre ´ vus, c’est le senti-ment que laissent ces diffe ´ rentes lettres. Ainsi, Masqueray s’est adjoint unge ´ ome ` tre (M. Padovani) et un photographe (M. Geiser) pour son travail, deuxhommes dont il loue les qualite ´ s.

100. Lettre date ´ e d’Alger. Il l’avertit de son retour a `   l’E ´ cole des Lettres, le 7 novembre, et desdifficulte ´ s qu’il a eues avec le recteur Belin au sujet de l’absence de deux professeurs, le jour deleur arrive ´ e a `   Alger, et de leur manque de respect a `  son e ´ gard.

Il affirme son de ´ sir de voir s’implanter en Kabylie des e ´ coles publiques inde ´ pendantes « contrevents et mare ´ e», et pre ´ cise l’opposition des administrateurs et des sous-pre ´ fets ambitieux,

soutenus par le recteur, qui veulent imposer leur politique en matiere d’instruction publique.Il rappelle a `   ce propos un rapport du sous-pre ´ fet de Tizi-Ouzou, Boyenval, sur les e ´ coles enKabylie, et en souligne la pauvrete ´   et la bizarrerie ; alors qu’a `   la meme e ´ poque ses propresrapports n’e ´ taient pas transmis a ` Paris par ce fonctionnaire. Il de ´ voile une autre intrigue : apre ` s lede ´ part en France de Boyenval, Belin a continue ´  a `  correspondre avec lui et, sans tenir compte dela mission de Masqueray, lui a demande ´  un rapport sur un projet d’e ´ cole, que Scheer a trouve ´ininte ´ ressant et limite ´ .

Il attend un devis de ´ taille ´   sur la construction des premie ` res e ´ coles (celles de Tizi Rached, deSouama et de Djemaa Sahridj) qui pourrait de ´ buter en de ´ cembre, par « adjudication restreinte ».

Il pre ´ pare une publication comple ` te sur sa mission, avec les cartes, plans et photographies etlui demande d’en remettre une partie au ministre, pour qu’il y appose son nom, a `   la gloire del’œuvre francaise en Kabylie.

101. Lettre du ministre de l’Instruction publique a `   Masqueray, date ´ e du 9 novembre 1881.Exprimant son approbation de la cre ´ ation imme ´ diate de 8 e ´ coles en Kabylie, il lui demande delimiter sa mission en fonction de ce nombre, en le remerciant encore de son zele et son activite. Illui enjoint ne ´ anmoins de continuer a `  collaborer avec le recteur qui conclura les marche ´ setdontlenom devra apparaıˆtre sur les actes de ´ finitifs.

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retranscrit le discours meme 109 qu’il tenait pour conque ´ rir la djema ˆ a (assem-ble ´ e de village). De meme nous appre ´ cions a `  travers son re ´ cit la valeur qu’ilaccorde a `  ces de ´ marches. Elles semblent etre la mise en œuvre d’une ve ´ ritableconversion des habitants (ce qui justifie ou e ´ claire l’ide ´ e morale d’un progre ` s

des mentalite ´ s).

Tel est le cas dans son re ´ cit au village des Sedka, ou l’hote, impressionnant etbourru, se me ´ tamorphose sous l’effet de la discussion en homme illumine ´   etconfiant qui donne l’accord pour vendre son terrain. Dans cette perspective,cela permettrait de donner un sens premier et ve ´ ritable aux « missions » deMasqueray.

Car lorsqu’il s’agit de convaincre la population, E ´ mile Masqueray et Euge ` neScheer font bien figure de missionnaires convertissant la population a `   une

« nouvelle religion » : l’enseignement laı ¨c. On pourra de ´ velopper cette ide ´ eenlarapprochant de l’ide ´ al de Masqueray, ide ´ al et foi en un progre ` s et en l’e ´ duca-tion du peuple. Ide ´ al qui ne se comprend e ´ galement dans cet article qu’a `   lamesure de l’action politique mene ´ e jusqu’ici en Alge ´ rie.

Aux maux cause ´ s par la guerre, il faut re ´ pondre par une action digne etnoble qui y substituera un bien (« La victoire n’est le ´ gitime que quand elleprofite au vaincu. »). Mais la `   ou Masqueray se laisse emporter par cet ide ´ al,c’est lorsqu’il ne voit pas que, meme tel qu’il le pre ´ conise, cet ide ´ al est de lanature a `  affirmer une domination politique. Or cette clairvoyance e ´ tait bien

plus nette dans ses rapports ; ici, elle semble curieusement gomme ´ e par laconscience, par le remords...

Le mois de juillet 1882, convalescent, affaibli par une longue et pe ´ niblemaladie, Masqueray distille ses conseils a `  son ami A. Rambaud 110 qui semblevouloir acque ´ rir une exploitation en Alge ´ rie, un bois peut-etre. Masqueray luiconseille la culture de la vigne et des plantes textiles qui deviennent en Alge ´ riele fleuron de tous ceux qui ont de l’argent disponible. Quant au lieu, il luirecommande la petite Kabylie de Bougie ou il aura pour voisin Paul Bert,

grand proprie ´

taire dans l’ancienne Tupusuctu (Tiklat). Le sujet qui ouvre cettelettre est symptomatique des pre ´ occupations de Masqueray a `   l’e ´ poque.

Il se de ´ tourne de toute conside ´ ration de l’e ´ tablissement des e ´ coles kabyles et

109. « Messieurs, nous avons le de ´ sir de causer avec vous, au nom du gouvernement, d’unechose qui sera meilleure encore pour vous que pour nous-memes, s’il plaıt a `  Dieu ; mais nousvoulons que vous sachiez bien d’abord que vous etes libres de nous re ´ pondre par un refus ; car lacontrainte est haı ¨ssable. Vous nous recevez en amis ; nous partirons en amis. Nous venons dechez vos voisins qui nous ont accorde ´   tout ce que nous leur demandions ; mais avant-hier nousn’avons rien obtenu des villages de l’autre cote ´  de la valle ´ e. Dieu saura distinguer entre ceux-ci et

ceux-la au jour du jugement ; car il s’agissait du salut de leurs enfants. Ecoutez-nous maintenantsans nous interrompre, en observant le bon ordre et le silence qui sont l’honneur des djemaatkabyles.» (Ibid.)

110. Lettre a `   Alfred Rambaud date ´ e d’Alger, le 14 juillet 1882. (Voir O. Ould-Braham,« Lettres ine ´ dites... », op. cit., pp. 170-172, lettre no 6.)

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semble accorder plus de cre ´ dit au traitement des petites affaires personnelles.C’est du moins ce qu’il cherche a `  donner comme impression. Car la questiondes e ´ coles semble lui tenir toujours a `   cœur.

Ainsi, il s’informe a `  distance du de ´ roulement des projets. Il sait que l’adju-dication de quatre e ´ coles a e ´ te ´  faite a `  la pre ´ fecture et que la construction seradirige ´ e par un artitecte du de ´ partement, M. Guiauchain, et surveille ´  par unautre, M. Savary, juge ´   tel « un intriguant de la plus belle eau ». Tout ce qu’ilsait d’ailleurs le de ´ pite: les e ´ coles sont etre bien plus che ` res que pre ´ vues. Lesadministrateurs s’approprient ouvertement le projet, Sabatier parle de « sese ´ coles », ce qui suffit a `   exaspe ´ rer Masqueray qui semble avoir renonce ´  a `   toutelutte, a `   tout engagement envers le projet. Mais il se prete cependant a `re ´ examiner son propre role passe ´   et ses erreurs. Son investissement a e ´ te ´

trop honnete, trop enflamme ´   peut-etre, et aveugle aux intrigues de toutessortes. Tous n’ont en vue que la commodite ´  de leurs inte ´ rets personnels. Lerecteur Belin en est bien, pense-t-il, le premier instigateur, bien qu’il est pre ´ vuqu’il soit remplace ´  par Boissie ` re. Rien ne changera vraiment avec Boissie ` re quine pourra agir de manie ` reautonome:«ilafaitlacoura `  tout le monde ici ». Parde ´ pit, de ´ couragement, ou sagesse cynique, Masqueray dit ne devoir plusde ´ sormais s’occuper que de ses « petites affaires », c’est-a ` -dire songer a `   eˆtrerecteur dans deux ou trois ans, apre ` s s’eˆtre pre ´ sente ´  a `   l’Acade ´ mie des Inscrip-tions et Belles-Lettres. Il espe ` re simplement ne pas etre subordonne ´   auxde ´ cisions de Boissie ` re et de se garder de jouer le jeu de cet homme, c’est-a ` -dire de servir par ses actions la promotion du haut fonctionnaire. Masquerayqui, depuis quelques temps, est bel et bien retourne ´   a `   ses che ` res e ´ tudes,souhaite en effet pouvoir cre ´ er a `   cote ´  d’une revue 111, un bulletin 112 en touteinde ´ pendance. Il poursuit sa verve critique a `  l’encontre de Belin en se confiantde nouveau a `   Rambaud 113 : Belin l’instigateur a re ´ ussi a `  faire monter le prixd’une e ´ cole a `   5 500 F. Masqueray parlait dans ses rapports de 2 600 F pour leprix initial par e ´ tablissement... Euge ` neScheerae ´ te ´  malheureusement remplace ´mais re ´ compense ´   en e ´ tant nomme ´  inspecteur de seconde classe.

Deux nouvelles figures percent dans ces lettres : Thomson et Treille114

. Deuxpersonnes qui font leur plan sans se soucier le l’Instruction publique et ce, avec

111. Revue de l’E ´ cole d’Alger, section des lettres-section orientale. Seul le premier numero aparu en juillet 1880. Au sommaire, les signatures des enseignants de l’E ´ cole des Lettres : J. deCrozals, F. Antoine, J. Lemaıˆtre, Alaux et R. Basset.

112. Il s’agit du Bulletin de Correspondance africaine dont le premier fascicule parut a `  la fin del’anne ´ e 1882.

113. Lettre date ´ e d’Alger, 6 octobre 1882. (Voir O. Ould-Braham, « Lettres ine ´ dites...»,op. cit., pp. 172-173, lettre no 8.)

114. Sur Gaston Thomson, voir n. 78. Quant a `   Alcide Treille, il s’agit du de ´ pute ´   deConstantine de 1881 a `  1889 puis se ´ nateur de la meme circonscription de 1897 a `   1906. Ne ´   le8 de ´ cembre 1844 a `  Poitiers (Vienne) et mort le 14 janvier 1922 a `  Alger. Il a sie ´ ge ´  sur les bancs del’Union re ´ publicaine dans le meˆme groupe que Thomson et a de ´ fendu, comme lui, la politiquedite « opportuniste ».

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l’aval de Broissie ` re qui laissera su ˆ rement les administrateurs choisir leursterrains et batir les e ´ coles pour ensuite s’entendre avec eux pour l’enseigne-ment. Masqueray entrevoit une issue « pis que les je ´ suites du Paraguay ».Thomson va cependant interpeller le ministe ` re, quel est le sens de cette

volte-face 115 ? Toutes ces personnes de l’administration, du point de vue deMasqueray, tentent de re ´ cupe ´ rer l’initiative de l’enseignement et de l’instruc-tion alors qu’ils ont toujours te ´ moigne ´  dans leur conduite d’une volonte ´   dedominer et d’exploiter les indige ` nes 116. Masqueray est de ´ pite ´ : derrie ` re Thom-son se profile le gouverneur de l’Alge ´ rie, les de ´ pute ´ s locaux qui tentent dere ´ cupe ´ rer le me ´ rite du projet. Ils ont compris que toute œuvre colonisatrice nepouvait se de ´ partir, quelle que soit sa forme, d’une instruction des indige ` nes etessayent donc de prendre en main le commandement. C’est a `  Masqueray quel’on a vole ´  une victoire en volant celle de l’Instruction publique ! L’ironie et le

cynisme de Masqueray se sont dore ´ navant substitue ´ s a `   sa fougue et a `   sonengagement initial, a `   ses ide ´ aux d’un plan d’ensemble de l’enseignement enAlge ´ rie.

Ce n’est plus en effet qu’un « souvenir », ce grand projet pour lequel il s’e ´ taitabandonne ´  117. Quatre e ´ coles ont pourtant e ´ te ´  baties en Kabylie en novembre

115. C’est ce que Masqueray de ´ veloppe dans sa lettre du 30 novembre 1882 adresse ´ e a `Rambaud (cf. O. Ould-Braham, ibid., p. 174, lettre no 10).

116. L’opposition a l’enseignement aux autochtones algeriens de la part des Europeens (Desenseignants d’Alge rie se souviennent, pp. 21-23).Il existait trois types d’opposition : e ´ conomique, sociologique et « raciste».L’opposition e ´ conomique venait de « l’esprit colon ». Euge ` ne E ´ tienne, le ministre des colonies,

affirma en 1887: « Le seul crite ´ rium a `  appliquer a `   toute entreprise coloniale, c’est son degre ´d’utilite ´ , c’est la somme des avantages et des profits devant de ´ couler pour la me ´ tropole» (XavierYacono,  Histoire de la colonisation franc¸aise, 1969, Paris, PUF). Les fonds alloue ´ s a `   l’e ´ colee ´ taient donc conside ´ re ´ s comme inutiles. De 1899 a `  1908, la tension monta. On opposait au planJeanmaire la « subvention aux communes algeriennes pour constructions d’ecoles » qui obligeaitles communes a `   participer a `   40% aux frais de construction, ce que les colons refusaientsyste ´ matiquement. En 1908, le Congre ` s des Colons d’Alge ´ rie demanda la suppression del’enseignement aux autochtones, qui eux-memes d’ailleurs n’en e ´ taient pas satisfaits.

L’opposition sociologique se basait sur l’argument exprime ´  par R. Maunier: «Le civilise ´apporte au colonise ´   l’ide ´ e d’autonomie et de patrie qui se retourne tot ou tard contre lui. » Onavait peur que les Alge ´ riens e ´ duque ´ s d’apre ` s les valeurs de liberte ´   et de droit des peuples a `disposer d’eux-memes issues de la re ´ volution francaise re ´ clament leur inde ´ pendance.

L’opposition raciste, enfin, n’avait qu’un pre  juge ´   et un argument simplistes : que les « Ara-bes» e ´ tant infe ´ rieurs aux Europe ´ ens, ils e ´ taient incapables d’etre e ´ duque ´ s.

117. Lettre a `  Alfred Rambaud date ´ e d’Alger, du 21 novembre 1883. Il rapporte cette curieuseconversation qu’il vient d’avoir avec le ge ´ ome ` tre Padovani et l’administrateur du Djurdjura,Renoux. Padovani: «Quatre de nos e ´ coles sont maintenant baties et livre ´ es a `   l’Instructionpublique (...). » Re ´ ponse de Masqueray : « Bien, mais nous avons encore huit autres emplace-ments que j’ai fait acheter et qui deviennent inutiles parce que votre architecte Guiauchain, deconcert avec M. Belin a e ´ leve ´   la note autant et meme plus que possible. Combien coute

chacune? » – « Soixante mille » – « Vous pourriez faire aussi bien pour trente mille. Alors, lapartie etait gagnee, et c’est vous qui nous l’avez fait perdre. Car maintenant nous sommes en facede ce fameux systeme general d’enseignement des indigenes absolument impraticable, qui reposesur l’impot de mer improductif et sur la Caisse des e ´ coles vide. En principe, nous devons cela a `notre architecte et a `  M. Belin, sans compter Thomson et P. Bert, et sans nommer M. Buisson. En

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1883 : Beni-Yenni (Taourirt-Mimoun 118), Djemaa-Sahridj, Tizi-Rached etMira chez les Beni-Djennad. Seulement que faire des terrains restant, de  ja `acquis, devenus inutiles a `   cause du prix de revient exorbitant de chaquee ´ tablissement ? Ces quatre e ´ coles resteront pourtant les e ´ coles de Masqueray :

« nous avons marque ´ notre passage », la seule victoire, incomple ` te, te ´ moignantdes efforts de Masqueray. Le plan d’ensemble de l’enseignement est dore ´ na-vant perdu, perdu pour l’Instruction publique. N’aurait-il pas fallu s’en tenirdans un premier temps a `  ces e ´ coles en Kabylie, sorte de viviers des essais del’instruction indige ` ne, et, a `   partir de cet exemple, entreprendre un pland’ensemble a `   l’aune de cette re ´ gion te ´ moin. Cynique, de ´ sabuse ´   et marque ´profonde ´ ment par cette expe ´ rience, Masqueray ne songe meme plus a `   eˆtrerecteur, il ne sort pas indemne de cette histoire. Il a e ´ te ´  pris dans les intrigues,ballotte ´ par les administrateurs et n’a peut-etre pas suffisamment su imposer sa

propre voie. mais be ´ ne ´ ficiait-il d’un appui suffisant119

?Peut-etre n’e ´ tait-il pas capable d’orchestrer et d’harmoniser les pouvoirs,

peut-etre ne peut-il faire en sorte que chacun travaille de concert, car il a lui-meme un sens aigu de l’inde ´ pendance et un caracte ` re individualiste quil’empeˆchait de re ´ sorber les proble ` mes en construisant une unite ´  de vue.

de ´ butant sagement, nous avions pu gagner la confiance meme de la Chambre, et attacher notreinstruction des indige ` nes au projet des cinquante millions, qui ne s’en serait pas mal trouve ´ . » – A `

ce moment, Renoux interrompt, et me dit : « Vous aviez raison : il fallait commencer par unecirconscription restreinte, la Kabylie, et faire bien dans ce cercle. Maintenant, la partie estperdue.»

118. Augustin Ibazizen dans  Le pont de Bereq’Mouch ou le bond de mille ans, Paris, TableRonde, 1979, chap. 3, e ´ voque le souvenir de son grand-pe ` re paternel, El Hocine, plus couram-ment appele ´  Da Elhadj, ne ´  vers 1840 a `   Aı ¨t-Larba (Beni-Yenni) et la naissance de l’une despremie ` res e ´ coles « ministe ´ rielles» (certains de ´ tails divergent avec des faits re ´ els ; il s’agit d’une

transmission de souvenirs de famille) :Le commandant du « bureau arabe » de Fort-National devait rencontrer les diffe ´ rents chefs devillage afin de leur proposer l’implantation d’une e ´ cole francaise. Il se rendit a `   Aı ¨t-Larba, etexpliqua aux notables les avantages de la scolarisation, en insistant sur les de ´ bouche ´ s profes-sionnels. Il y avait ne ´ anmoins deux conditions : la ne ´ cessite ´  d’avoir un terrain proche du village,ainsi que la pre ´ sence obligatoire d’au moins sept e ´ le ` ves. Les auditeurs restaient muets, he ´ sitant a `accepter ou refuser, lorsque Da Elhadj, un paysan, prit la parole. A ` condition qu’on n’attente nia `  leur identite ´  kabyle ni a `   leur foi, il offrait un terrain pour l’e ´ cole, et s’engageait a `  y envoyer troisfils. La surprise passe ´ e, beaucoup adopte ` rent la meme conduite. Bien qu’il n’ait eu aucuneinstruction, cet homme avait compris toute la signification de l’enseignement, et grace ausacrifice de sa terre, de nombreux jeunes kabyles purent aller a `   l’e ´ cole, et devinrent eux-memes ensuite instituteurs.

119. Dans l’importante partie traite ´ e par Henri Saurier, « Esquisse de l’e ´ volution de l’ensei-gnement primaire en Alge ´ rie de 1830 a `   1962»   in 1830-1962, des enseignants d’Alge rie sesouviennent de ce qu’y fut l’enseignement primaire, pp. 11-127, on a l’impression que, concernantla mission de Masqueray, les choses s’e ´ taient passe ´ es le plus sereinement du monde, ce que lesfaits, ici, de ´ mentent amplement.

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Le rapport Foncin sur la mission Masqueray

Le rapport confidentiel de l’inspecteur ge ´ ne ´ ral Foncin au ministre 120, nous

permet d’appre ´ cier peut-etre directement le de ´ roulement des ope ´ rations de lamise en place des e ´ coles kabyles. L’inspecteur examine quel fut le role deMasqueray dans cette affaire. Il s’est alie ´ ne ´   de ` s le de ´ part le bon vouloir del’administration civile et de l’Acade ´ mie, ce qui a eu pour conse ´ quencesd’enrayer le de ´ but des projets, de fomenter toutes sortes d’intrigues, d’etreoblige ´  de revoir, de remanier, d’empecher en bref que se dresse un seul projetclair et de ´ finitif. Ces erreurs sont dues a `  un inde ´ niable manque d’unite ´ d’actionqui a compromis de ` s le de ´ part l’entreprise et voire l’a corrompue. On ne peutcertes juger ce passe ´ , poursuit le rapporteur, mais il va nous e ´ clairer pourcomprendre les erreurs et les de ´ se ´ quilibres de la situation pre ´ sente. Le succe ` sactuel, selon Foncin, revient a `   deux hommes : l’un inspecteur d’acade ´ mie,M. Frin, qui, de  ja `   en 1878, avait propose ´  au recteur de l’e ´ poque, de Salve,un plan d’ensemble de cre ´ ation d’e ´ coles indige ` nes dans la Kabylie de Bougie.Cette enquete e ´ tait exemplaire. L’inspecteur avait re ´ ussi a `  conduire ce projet ense conciliant la sympathie d’une administration civile qui pouvait a `   toutmoment faire avorter le projet.

De ´ sormais, l’harmonie est re ´ tablie entre l’Inspection acade ´ mique et l’admi-nistration de Fort-National. Le second personnage est Euge ` ne Scheer, de ´ le ´ gue ´

de l’autorite ´  universitaire en Kabylie, qui a e ´ te ´  en tout au-dela `  des espe ´ rancesattendue. Foncin, apre ` s avoir dresse ´   cet e ´ tat des lieux et des personnesintervenues, expose les faits de la situation actuelle. Au mois de mai 1882,les huit instituteurs e ´ taient arrive ´ s en Alge ´ rie, a `  l’exception de deux. Il a falluleur trouver des logements provisoires, le ge ´ nie militaire l’a facilite ´   (cela ad’ailleurs e ´ te ´  pre ´ vu par Masqueray qui s’e ´ tait a `  l’avance occupe ´  de la questiondu logement, mais Foncin ne l’e ´ voque meme pas ici...). L’erreur se situe auniveau du choix de ces instituteurs. Ils arrivaient avec leurs familles121, effraye ´ s

120. Rapport date d’Ax, le 28 aou ˆ t 1882.121. En avril 1882, les instituteurs francais arrive ` rent avec leurs familles. Une e ´ cole normale

avait e ´ te ´   cre ´ e ´ e pour eux ; on les instruisit des premiers e ´ le ´ ments sur les mœurs et coutumes desKabyles, ainsi que quelques rudiments de langue.

Le 12 juillet 1882, les travaux de construction commence ` rent, et quelques rares e ´ colesouvrirent bientot leurs portes.

Dans ces premieres ecoles arabes-francaises, la tache des maıtres etait rendue tres difficiles parleur inadaptation aux re ´ alite ´ s des langues alge ´ riennes. Le seul reme ` de possible semblait donc lacre ´ ation d’une E ´ cole normale, ce que par ailleurs la loi Guizot de 1833 rendait obligatoire danstout de ´ partement. Bien que cela eu ˆ t plusieurs fois de  ja `   e ´ te ´   demande ´ , ce ne fut qu’en 1865, a `   lademande du gouverneur ge ´ ne ´ ral Mac-Mahon que fut cre ´ e ´ e, par un de ´ cret impe ´ rial du 4 mars1865, la premie ` re E ´ cole normale. C’e ´ tait celle d’Alger-Mustapha. En 1874, la premie ` re E ´ cole

normale d’institutrices fut ouverte a `  Miliana, puis en 1878, ce fut l’E ´ cole normale d’instituteursde Constantine. En avril 1882, les instituteurs francais arrive ` rent avec leurs familles. L’E ´ colenormale les instruisit sur les mœurs et coutumes des Kabyles, ainsi que sur la langue.

Les bases d’un nouveau de ´ part e ´ taient en place, l’e ´ ducation en Alge ´ rie s’orientait selon l’axeme ´ tropolitain (1830-1962, Des enseignants d’Alge rie, op. cit., pp. 38-39).

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par le de ´ paysement ; il en a vu beaucoup de ´ soriente ´ s, abattus, de ´ courage ´ slorsqu’il les a visite ´  par la suite. L’essentiel e ´ tait de pre ´ voir cette attitude, detrouver des hommes aguerris qui connaissent le climat rude des montagnes, desmontagnards de l’Est ou du midi de le France convenaient parfaitement. Or,

ine ´ vitablement, deux des professeurs souhaitaient de  ja `   retourner en France.C’est encore grace au concours de Frin122 et de Scheer qu’une formation et uneaide ont e ´ te ´  mises en place : apprentissage de la langue, mais aussi des usages etmeˆme de quelques notions de me ´ decine qui pourront leur garantir une autorite ´morale sur les habitants. Ils sont e ´ galement astreint a `  faire classe a `  tour de role.

Foncin s’est rendu sur place a `   l’e ´ cole de Tamazirt ou il a teste ´   les connais-sances des e ´ le ` ves. Dans cette e ´ cole, la me ´ thode de Sabatier est employe ´ e etsemble donner d’assez bons re ´ sultats. On ne peut tout de suite porter un

 jugement sur ces « essais » mais simplement en tirer de bonnes lecons pour

l’avenir. La premie ` re, que toute tentative de ce genre soit re ´ alise ´ e dans uneconstante unite ´   de vue ; la seconde de s’assurer au pre ´ alable le concours del’administration civile ou de l’arme ´ e, la troisie ` me de veiller au choix desinstituteurs. Ces lec¸ons peuvent conduire rationnellement le plan d’ensemblequ’il reste a `  mettre en place. On est e ´ tonne ´ du peu de place que Foncin accordea `   Masqueray dans son rapport. Il e ´ limine de ` s le de ´ part son role passe ´   sansreconnaıˆtre les aspects positifs du travail effectue ´  par l’enqueˆteur et charge ´  demission. Notamment lorsqu’il e ´ voque l’arrive ´ e des instituteurs et sous-entendque rien n’avait e ´ te ´   pre ´ vu pour eux alors qu’un rapport de Masqueray en

e ´ tablissait pre ´ cise ´ ment les conditions. Est-ce re ´ ellement une mauvaise gestionsur place – ou une absence de coordination, d’e ´ coute qui a conduit a `  de telleserreurs ? Il fallait pre ´ voir certes, mais a t-on pratique ´  les conseils de ceux quiavaient, sinon tout pre ´ vu, mais re ´ fle ´ chi a `  plusieurs questions ?

Un premier bilan

Dans un article anonyme du Journal des De bats123, Masqueray signale queplusieurs e ´ coles publiques fonctionnent de  ja `  en Grande Kabylie et que par

122. Frin, inspecteur d’Academie de Constantine, en visitant l’arrondissement de Bougie en1878 arrive aux memes conclusions que Masqueray (1874). En fe ´ vrier 1880, il proposa la cre ´ ationde plusieurs e ´ coles dans le secteur d’Akbou. Dans un rapport ine ´ dit, date ´  de 12 septembre 1881,il proposa six cre ´ ations d’e ´ tablissements scolaires : dans la commune mixte de l’Oued Marsa,celle du Guergour, a `  Akbou, Sidi-Aı ¨ch, Fenaı ¨a et a `  Seddouk, pre ` s d’Akbou.

123. E ´  dition du dimanche 8 mars 1885 (voir O. Ould-Braham, «E ´ mile Masqueray enKabylie... », op. cit., annexe no 5, pp. 72-74). La publication de cet article a suscite une remarquedu recteur d’alors, Charles Jeanmaire, qui, a `  l’adresse du ministe ` re de l’Instruction publique,

note confidentiellement Masqueray en ces termes :« Caracte ` re aimable, expansif, pre ´ venant, avec, de temps a `  autre, des bouffe ´ es de cole ` re vite

apaise ´ e ; plus de souci des apparences que des vrais inte ´ rets et de la vraie dignite ´ ; est tre ` sgou ˆ te ´  deM. le Gouverneur ge ´ ne ´ ral dont il s’est fait le champion dans une correspondance alge ´ rienneanonyme du Journal des De bats du 8 mars 1885. Voir mon rapport du 6 avril 1885, Direction de

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application du de ´ cret de 1883, les e ´ coles indige ` nes sont pre ´ vues sur toutel’Alge ´ rie 124. Il est temps pour Masqueray de faire un bilan du fonctionnementdes e ´ coles existantes et d’analyser les premiers re ´ sultats.

Il tire un bilan tre ` s de ´ cevant. Il fait le constat d’une grande de ´ sertion dese ´ coles ; il est donc ne ´ cessaire d’en comprendre les causes.

Dans le premier temps de leur ouverture, les e ´ coles ont eu la confiance de lapopulation kabyle : ainsi plus de cent e ´ le ` ves ont inte ´ gre ´   chacune des e ´ coles.Mais dans un second temps, on constate une tre ` s nette baisse des effectifs. Etcependant des conditions tre ` s favorables e ´ taient re ´ unies pour le bon fonction-nement de ces e ´ coles. Elles ont e ´ te ´   implante ´ es de manie ` re a `  recevoir le plus devillages alentour, l’organisation n’offrait presque aucune complication.Comment comprendre donc la re ´ cente de ´ perdition d’e ´ le ` ves?

Des raisons sont avance ´ es par « quelques bons esprits » issus de l’adminis-tration et qui s’inquie ` tent de loin de la de ´ sertion des e ´ coles. La raisonprincipale invoque ´ e et qui convainc le Conseil supe ´ rieur de l’Alge ´ rie tient a `l’absence d’obligation. Si l’e ´ cole n’est pas obligatoire, il semble logique qu’ellene puisse rassembler le plus grand nombre. Or, selon Masqueray, l’explicationest suffisante et elle n’a qu’une origine politique, propre a `  justifier des de ´ cisionsde cet ordre. D’ailleurs la conse ´ quence politique directe s’e ´ nonce dans lavolonte ´   d’ajouter au « Code noir » de l’indige ´ nat un article sur l’obligationscolaire. Masqueray apporte une autre analyse, une autre vision qui s’inscritdans une attitude de compre ´ hension sociologique de la population kabyle. Ilpart d’un postulat : « Conside ´ rez aussi qu’il est beaucoup plus difficile de fairepasser de jeunes Kabyles dans la civilisation francaise que d’instruire desenfants de France. » En effet pour Masqueray, l’e ´ cart de culture, de coutume,

l’Enseignement primaire, 1er Bureau). Je n’ai pas cache ´ mon me ´ contentement a `  M. Masqueray eten a fait part a `  M. le Gouverneur... »

124. La promulgation de ce de ´ cret n’a pas e ´ te ´  sans susciter de se ´ rieuses inquie ´ tudes aupre ` s descolons re ´ publicains et leurs repre ´ sentants (cf.  Ch.-R. Ageron,  op. cit., pp. 337 et suiv.). Des

hostilite ´ s latentes... et l’on voit poindre des types de conflits d’ordre ide ´ ologique contre cetenseignement destine ´  aux autochtones (Des enseignants d’Alge rie se souviennent, pp. 155-157).Certains Europe ´ ens e ´ taient contre l’enseignement aux autochtones alge ´ riens, en particuliersM. Chaudey, de ´ pute ´   rapporteur au budget de l’Alge ´ rie, qui demanda une re ´ duction des cre ´ ditsalloue ´ s a `  l’enseignement en Alge ´ rie. Il s’appuyait sur les arguments suivants, qui sont les pluscourants:

1. « L’enseignement des indigenes est inutile» car ceux-ci sont trop arrieres, trop supersti-tieux, et qu’ils sont incapables d’e ´ voluer.

2. « L’enseignement des indige ` nes est inadapte ´ » car son contenu est le meme qu’en me ´ tropole,ce qui ne re ´ pond pas aux besoins du pays. Il vaudrait mieux un enseignement uniquementprofessionnel.

3. « L’enseignement des indige ` nes est nocif », car l’e ´ le ` ve qui sort de l’e ´ cole refuse de rentrer

dans le moule traditionnel, sans pour autant trouver sa place ailleurs, ce qui en fera un potentielfomenteur de troubles.

Ce rapport a eu droit a deux reponses d’intellectuels indigenes (Mohamed Ben Rahal et SiSaı ¨d Boulifa) in Bulletin d’Enseignement des Indige `nes de l’Acade mie d’Alger, no 55, novembre1897.

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donc de civilisation, est un facteur que l’enseignement a peut etre ne ´ glige ´ .Surleplan mate ´ riel et fonctionnel tout e ´ tait favorable mais avait-on pre ´ vu unenseignement adapte ´  (et motivant) ? Faut-il apprendre l’histoire des Me ´ rovin-giens 125 a `  ces enfants kabyles ou les orienter vers un enseignement profession-

nel?

Ainsi Masqueray exprime clairement sa position : l’obligation ne re ´ soudrarien, l’instruction adapte ´ e seule peut eˆtre a `  meˆme de faire e ´ voluer durablementles mentalite ´ s et d’attirer les jeunes Kabyles dans les e ´ coles.

Mais faut-il encore que la France soit claire dans ses positions... Si en effetelle expose les Kabyles a `  perdre leur religion, et si implicitement elle les destinea `   etre tirailleurs, alors qu’en est-il de la « mission civilisatrice » che ` re a `   Mas-queray ?

Masqueray se heurte aux inte ´ rets politiques. Ce qu’il a soutenu ge ´ ne ´ reuse-ment et ide ´ alement dans ce projet des e ´ coles est, sinon de ´ tourne ´  mais retarde ´par des lobbies de la politique coloniale en Alge ´ rie.

VII. EN GUISE DE CONCLUSION

Les deux tous premiers voyages de Masqueray en Kabylie (anne ´ es 1873et 1874), meme s’ils ne peuvent etre situe ´ s sur le meme plan, te ´ moignent

d’une meme re ´ alite ´ : ils sont motive ´ s par un attachement quasi affectif a `   laterre et aux habitants donc a `   des projets savants sous-jacents (et a `   desprojets sociaux). La premie ` re excursion donnera lieu a `   des « impressions devoyage » et la seconde prolonge et motive un rapport sur l’e ´ tat de lasituation de l’enseignement en Kabylie. Entre les deux, il existe un liene ´ troit e ´ vident : un prolongement qui va de la curiosite ´   d’un esthe ` te-voya-geur, de l’inte ´ ret symbolique a `   une implication politique et a `   la mise enœuvre structure ´ e d’un projet.

La mission scolaire de 1881 (qui s’est pratiquement e ´ tale ´ e sur toute l’anne ´ e

civile), quant a `  elle, a investi exclusivement l’enqueteur dans un vaste projet 126

de cre ´ ation d’e ´ coles.

125. « 150 Kabyles de douze ans en moyenne ont pu venir dans chacune de ces e ´ coles ; il n’yont trouve ´  qu’un maıˆtre et un adjoint, ils n’ont e ´ te ´  admis qu’a `   y e ´ peler des mots francais viteoublie ´ s e t a `  apprendre l’histoire des Me ´ rovingiens. Un de nos anciens ministres qui a visite ´ l’e ´ colede Tamazirt aime a `  rappeler que, en ouvrant un cahier d’un enfant des Aı ¨t-Iraten, il est tombe ´ surles crimes de Fre ´ de ´ gonde.» (Le Journal des De bats, 8 mars 1885.)

Et pourtant Masqueray avait bien souligne ´  ce point la `  dans ses diffe ´ rents rapports lorsqu’il aobserve ´   l’efficacite ´  de l’enseignement dispense ´  par les je ´ suites. Il e ´ tait en tous points adapte ´ ,

pratique et professionnel, dispense en fonction des necessites premieres d’une population dont lebut n’est certes pas l’e ´ rudition mais l’apprentissage d’un me ´ tier.

126. C’e ´ tait en effet un projet de grande ampleur, dont l’enjeu a eu une profonde re ´ sonancedans la politique locale, et qui a ne ´ cessite ´  un long travail durant les anne ´ es 1880 et 1881. Desvoyages pre ´ paratoires, des enquetes aupre ` s de la population, des de ´ marches aupre ` s des adminis-

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Son projet pre ´ voit initialement trente e ´ tablissements 127 mais a `   la suite deson premier rapport (janvier 1881), les hautes instances ministe ´ rielles en accordavec le gouvernement ge ´ ne ´ ral ont de ´ cide ´  de cre ´ er quinze e ´ coles. Au printemps,le gouverneur a persuade ´  Masqueray, en pre ´ sence de A. Rambaud, de s’occu-

per dans un premier temps de huit e ´ coles 128 avant d’entreprendre quoi que cesoit pour les sept autres. Si le de ´ cret du 9 novembre 1881 a confirme ´ la cre ´ ationde ces huit e ´ coles, a `  la fin de la mission et l’anne ´ e suivante, seules quatre e ´ coles(dites « ministe ´ rielles ») ont e ´ te ´   re ´ alise ´ es !

Malgre ´   ce re ´ sultat nettement de ´ cevant au regard du travail entrepris, laquestion de l’instruction publique est pose ´ e en Alge ´ rie, une pierre dans le

 jardin de la politique coloniale. Masqueray be ´ ne ´ ficie au de ´ part de plusieursfacteurs propices a `   renforcer la mise en place du projet mais, dans sone ´ laboration, celui-ci se heurte a `   de nombreuses difficulte ´ s qui freinent lare ´ alisation et restreignent son ampleur 129.

Durant ses missions et dans ses relations avec la population, Masqueray estrenforce ´ dans son enthousiasme et sa foi lorsqu’il constate la bonne dispositiondes Kabyles a `   l’e ´ gard de la construction des e ´ coles. L’entreprise s’accorde avecses convictions personnelles, son esprit re ´ publicain, et son souci d’instaurer lalaı ¨cite ´  dans le cadre scolaire. Les arguments politiques et e ´ conomiques mis enavant par lui portent avec force le projet mais il se heurte naturellement a `quelques re ´ ticences compre ´ hensibles envers tout projet novateur et qui boule-

verse les mentalite ´ s et bouscule quelques inte ´ rets. Pour la population, l’e ´ coleest un enjeu plus directement e ´ conomique que culturel. Ainsi peuvent-ilsentrevoir les bienfaits commerciaux de l’instruction et d’une formation, maisaccepter avec difficulte ´ que l’on prive des familles d’une main-d’œuvre jeune (etutile) en envoyant leurs enfants a `   l’e ´ cole alors que re ` gne de  ja ` , et partout, lapauvrete ´ ?

trateurs et personnes influentes en Kabylie, des rapports re ´ dige ´ s entre deux rendez-vous. Ce longprocessus, Masqueray l’effectue en plus de ses charges de professeur et de directeur a `   l’E ´ colesupe ´ rieure des lettres d’Alger, sans compter ses autres activite ´ s comme les e ´ tudes savantes.

127. Rapport de juin 1881: sont inscrites dans le projet, 20 e ´ coles pour les communes duDjurdjura et de Fort-National et 10 pour la province du Haut-Se ´ baou.

128. Voir ici note 56.

129. Ministe ` re de l’Instruction publique au recteur de l’Acade ´ mie d’Alger (Paris, 16 novembre1881).

Il lui transmet les ampliations du decret et de l’arrete du 9 novembre et lui demande d’enassurer l’exe ´ cution et de conclure les marche ´ s et les promesses de vente signe ´ es par Masquerayconcernant :

 – les e ´ coles de Bou Adenan, Tsoudert et Igradaloun, Aı ¨t Saada, Aı ¨t Chellala (Djurdjura),Taourirt Mimoun (Fort-National) ;

 – les e ´ coles de Djemaa Sahridj (Fort-National) et de Mira (Azeffoun) qui doivent etre

construites sur des biens mechmel-s ; – l’e ´ cole d’Agouni Ireran (Djurdjura), pour laquelle il faut accepter l’offre de cession du

terrain par la djema ˆ a moyennant 100 F verses aux pauvres du village.Il souhaite que les plans et les devis lui soient transmis et pre ´ cise que la construction de ces

e ´ coles, e ´ tablissements d’E ´ tat, n’aura pas a `   etre soumise a `  l’avis du Conseil de ´ partemental.

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Masqueray est e ´ galement soutenu, en apparence tout au moins, par lesadministrateurs : Camille Sabatier a `  Fort-National, M. Lapaine dans le Djurd-

 jura. Les autorite ´ s s’accordent – les rivalite ´ s e ´ tant une autre histoire – pourreconnaıˆtre, ainsi que l’a souligne ´  Masqueray dans ses rapports, le role cle ´  de

l’instituteur et donc l’enjeu d’une bonne formation des maıˆtres.

Seulement Masqueray ne peut se suffire des meilleurs arguments, d’une fortedose de conviction et de passion pour de ´ passer tous les obstacles qui heurtentun tel projet. Les obstacles sont ceux dus a `   des retards, des lenteurs adminis-tratives ou des questions d’argent. Les obstacles principaux sont ceux lie ´ s a `  desinte ´ rets particuliers. Les administrateurs se re ´ ve ` lent en fait mener paralle ` le-ment et individuellement le projet de cre ´ er des e ´ coles dans leur commune. Ilsagissent ainsi, mettant a `   l’e ´ cart Masqueray, et risquant de compromettre sontravail ou de se l’approprier. De la meme manie ` re, le recteur Belin lui-meˆme nes’embarrasse pas pour tenter de jeter quelque discre ´ dit sur le travail deMasqueray 130. Mais, en fait, l’enqueteur se heurte bien plus a `   des inte ´ reˆtspersonnels – a `  diffe ´ rents positionnements dans un champ politico-universitaire

 – qu’a `  un rejet pur et simple du projet 131.

Il est vrai que Masqueray, tout en de ´ fendant le ´ gitimement sa carrie ` re, seplace dans un e ´ lan de ge ´ ne ´ rosite ´ , marque ´ par la construction d’e ´ coles et la miseen place d’un mouvement en faveur de l’instruction, annonciateur d’unee ´ volution des mentalite ´ s 132.

130. Il lui fait sentir que son rapport est insuffisamment documente ´ , il affiche des diffe ´ rencesde vue notoire en matie ` re de « politique scolaire» a `  mener. Fort de ces objections, de son pouvoirdans la hie ´ rarchie et de son droit de regard dans la re ´ alisation de ce projet, Belin en retarde lare ´ alisation. Il justifie la ne ´ cessite ´  de former des instituteurs francais et ne reconnaıt pas que lesinstituteurs formes puissent etre prioritairement issus de Kabylie.

131. Nombre de personnes jalousent la place qu’il occupe dans l’e ´ laboration du projet ettentent de le maintenir a `   l’e ´ cart, le plus souvent en s’appropriant les fruits de son travail. Outreces inerties individuelles, Masqueray doit e ´ galement convaincre et insuffler dans les mentalite ´ sl’esprit re ´ publicain qui l’anime. En ce sens, la lenteur du processus se justifie peut-etre par ladifficulte ´  meˆme a `   faire concevoir une telle re ´ forme sans s’inquie ´ ter des conse ´ quences.

132. Tout au long de la pe ´ riode 1881-1892, la question des e ´ coles a e ´ te ´  au centre de l’actualite ´ .Pour en savoir plus, voir : A. Pressard, « En Alge ´ rie (notes de voyage) », Revue pe dagogique,1886-II, pp. 112-134, 223-249; [H.] S[chmidt], «A ` propos de quelques articles publies surl’instruction des indige ` nes en Alge ´ rie», Revue pe dagogique, 1886-I, pp. 526-530 ; A. Bernard,« L’instruction des Indige ` nes alge ´ riens et le de ´ cret du 13 fe ´ vrier 1883 », Revue pe dagogique, 1884-I, pp. 193-212 ; Maurice Wahl, « L’instruction des indigenes en Algerie », Revue pe dagogique,1883-I, pp. 22-31 ; Auguste Cherbonneau, « Notice sur les e ´ coles arabes franc¸aises de filles et surles ouvroirs musulmans en Alge ´ rie»,  Revue pe dagogique, 1882-I, pp. 311-317;  id.  « Les e ´ colesarabes-francaises en Kabylie », Revue pe dagogique, 1881-I, pp. 487-492 ; M. : « L’enseignementprimaire en Alge ´ rie», Revue pe dagogique, 1879-II, pp. 152-167 ; Alfred Rambaud « L’enseigne-ment primaire chez les Indige ` nes musulmans d’Alge ´ rie, notamment dans la Grande Kabylie »,Revue pe dagogique, 1891-II, pp. 384-399, 495-515 ; 1892-I, pp. 23-36, 111-133 ; Charles Jean-

maire, « Sur l’instruction des Indige ` nes. Observations...», Revue pe dagogique, 1891-II, pp. 10-36 ; Mme C. Coignet, « A ` propos de l’instruction des Indigenes en Algerie », Revue pe dagogique,1891-I, pp. 336-345; Felix Martel, « L’organisation pedagogique des ecoles indigenes en Alge-rie», Revue pe dagogique, 1891-I, pp. 481-487 ; Ferdinand Buisson, « Nos pionniers en Afrique »,Revue pe dagogique, 1887-I, pp. 481-512 ; Gustave Benoist, De l’instruction des indige `nes dans la

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Par ailleurs, on serait tente ´ de faire le lien entre cette enquete scolaire avec lespremiers cours d’initiation au berbe ` re. Comment ?

Une des conse ´ quences – indirectes – de cette mission a e ´ te ´   de poser la

question de la formation des instituteurs voulant exercer en pays berbe ` re,ainsi que celle de l’initiation de ces maıˆtres a `  la langue d’origine des enfants a `scolariser. L’anne ´ e 1881 s’est pre ´ sente ´ e sous le signe d’un choix de cours dekabyle, en dehors de la chaire universitaire ; il e ´ tait envisageable d’initier desinstituteurs fraıˆchement arrive ´ s de la me ´ tropole, outre a `   des e ´ le ´ ments de laculture kabyle, a `   la langue du pays. A ` ce sujet, deux points de vue se sontconfronte ´ s : celui de Masqueray et celui du recteur Belin.

Le recteur proposait de recruter des maıˆtres parmi les instituteurs titulairesd’Alge ´ rie a `   la condition qu’ils suivent le cours de kabyle de Tizi-Ouzou, sous la

conduite du khodja de la sous-pre ´ fecture, Ahmed Ben Khouas133

. Le ministrede l’Instruction publique, Jules Ferry, sans doute influence ´   par Masquerays’est dit favorable pour la mise en place d’un cours d’initiation au kabyle touten exprimant par ailleurs son regret de voir ce type d’enseignement n’a pu etreorganise ´   a `   l’E ´ cole normale d’Alger-Mustapha.

A ` l’E ´ cole des lettres d’Alger, une confe ´ rence de la langue kabyle et desdialectes berbe ` res a eu lieu au cours du deuxie ` me semestre de la premie ` re anne ´ euniversitaire 1879-1880. Le maıˆtre de confe ´ rences e ´ tait El Hachemi ben SiLounis 134 qui, au fur et a `  mesure que se concre ´ tisent les projets de cre ´ ation

d’e ´ coles en Kabylie, inaugure de ` s le 1er

fe ´ vrier 1882 le cours de kabyle a `   l’E ´ colenormale.

Autre conse ´ quence, non directement lie ´ e a `   la mission Masqueray mais a `l’institution de l’enseignement public en Kabylie (et un peu partout en Alge ´ rie)spe ´ cialement destine ´  aux enfants autochtones : la place accorde ´ e aux languesd’origine mais elle n’e ´ tait pas pose ´ e clairement de ` s le de ´ part pour ce quiconcerne notamment le berbe ` re.

Le de ´ cret de 1883 qui en principe jette les bases d’un enseignement gratuit et

obligatoire, ouvert aux Indige ` nes et ce, pour tous les trois de ´ partements del’Alge ´ rie. Des e ´ coles primaires communales supplantent peu a `  peu les ancien-nes e ´ coles arabes-francaises qui commencent a `  disparaıˆtre de ´ finitivement. Laloi e ´ tant faite pour faire obligation a `  toutes les communes d’ouvrir une e ´ cole;

 province de Constantine, Paris, Hachette, 1886 ; Charles Glachant, « Rapport sur l’instructionpublique en Alge ´ rie», Revue pe dagogique, 1886-II, pp. 400-408.

133. Auteur d’une grammaire publie ´ e cette anne ´ e la ` , intitule ´ e Notions succinctes de grammairekabyle, Alger, Jourdan.

134. Contrairement a `   l’ide ´ e recue, le cours de berbe ` re n’a pas de ´ bute ´  en 1885 ou 1886 ; mais en

1880 avec El Hachemi ben Si Lounis qui a assure ´  la fonction d’enseignant jusqu’a `  sa de ´ missionen 1883. En 1885, l’enseignement sanctionne ´  par deux diplomes (brevet de kabyle et diplome desdialectes berbe ` res) fut confie ´  a `   Belkassem Ben Sedira, un arabophone, natif de Biskra.

Pour revenir a `  ce premier enseignant autochtone (de berbe ` re), on peut dire que Masqueray l’afort bien soutenu.

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les frais d’entretien e ´ tant a `  la charge des collectivite ´ s. Pour la formation desmaıˆtres musulmans, on a institue ´   deux cours normaux : ceux destine ´ s auxfuturs « moniteurs » s’ils avaient re ´ ussi au certificat d’e ´ tudes primaires, et ceuxdestine ´ s aux futurs « adjoints indige ` nes » s’ils e ´ taient muni d’un brevet e ´ le ´ men-

taire de capacite ´ .

En matie ` re de langues d’origine, en ce qui concerne les communes indige ` nes,la loi imposait, outre un enseignement de langue arabe controle ´   par unee ´ preuve du certificat d’e ´ tudes primaires (art. 31), l’enseignement en francaiset en arabe (art. 42). Le certificat d’e ´ tudes spe ´ cial aux indige ` nes, institue ´  alors,accordait une certaine place a `   l’arabe et... au berbe ` re 135 mais cette mise enœuvre n’a eu lieu qu’a `   titre transitoire.

Du berbe ` re a `   l’e ´ cole primaire, on n’en pas plus entendu parler. Pourquoi ?

La recherche est a `  ce stade encore balbutiante ; comme e ´ le ´ ments provisoires dere ´ ponse, e ´ coutons l’inspecteur ge ´ ne ´ ral Foncin136 :

Le programme de l’enseignement donne lieu a `  une observation d’un autre genre.

Il comprend pour les indige ` nes l’arabe ou le berbe ` re. N’y a-t-il pas une distinction a `

faire entre ces deux langues ? Le berbe ` re s’efface peu a `  peu, comme chez nous le

flamand, le basque, le bas-breton ou le provencal. A ` quoi bon l’empecher de pe ´ rir?

Il n’a meme plus de caracte ` res alphabe ´ tiques propres ; il ne s’e ´ crit pas (quoi qu’en

pense le de ´ cret). Lorsqu’il sera mort, les Kabyles ne se serviront plus que de la

langue francaise ; les montagnards de l’Aure ` s de meme ; ils s’apercevront aise ´ ment

alors qu’ils n’ont point perdu au change. L’arabe est plus embarrassant. S’il n’e ´ taitparle ´  qu’en Alge ´ rie, il n’y aurait aucun inconve ´ nient a `  le proscrire. Mais il est en

usage dans la Tunisie et le Maroc, dans l’Orient, pays avec lesquels l’Alge ´ rie

entretient des relations assidues : il y a pour les indige ` nes un inte ´ ret commercial

tre ` s se ´ rieux a `  le connaıˆtre. Il est donc naturel et le ´ gitime que tous les enfants dont les

familles en feront la demande recoivent des lecons d’arabe. Est-ce une raison d’aller

plus loin et de donner une partie de l’enseignement en arabe dans les communes

indige ` nes ? Cette confession aux anciennes me ´ thodes est peut-etre exage ´ re ´ e.

Cette mission de Masqueray, tre ` s peu e ´ voque ´ e dans la litte ´ rature137

et quenous faisons de ´ couvrir sous un e ´ clairage montrant certaines facettes des pluspertinentes, nous sommes loin d’en avoir e ´ puise ´  le sujet. Nous y reviendronspeut-etre pour souligner tel ou tel aspect de cette passionnante affaire dese ´ coles qui a souleve ´  en filigrane la question des langues (transmises maternel-lement), un sujet qui implique des difficulte ´ s a `   re ´ soudre et qui est toujoursd’actualite ´ .

OUAHMI OULD-BRAHAM

135. Certificat supprime ´   en 1888 (245 recus a `   cette date), cf. Ch.-R. Ageron, op. cit., p. 338,n. 4.

136. Op. cit., p. 844.

137. Foncin, op. cit. ; Ch.-R. Ageron, op. cit.

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De ´ cret du 13 fe ´ vrier 1883 relatif a `   l’organisationde l’enseignement primaire en Alge ´ rie

(Extraits)

TITRE IV

Dispositions spe ciales relatives a `  l’instruction des indige ` nes

§ 1. Dispositions ge ´ ne ´ rales.

Art.30.Ileste ´ tabli pour les indige ` nes une prime pour la connaissance de lalangue francaise. Cette prime sera de 300 francs. La de ´ pense sera impute ´ e surle budget de l’instruction publique.

Les formes de l’examen et les conditions du droit a `   cette prime seront

re ´ gle ´ es par arrete ´   ministe ´ riel apre ` s avis des conseils de ´ partementaux et duconseil acade ´ mique.

Art. 31. Les examens du certificat d’e ´ tudes primaires e ´ le ´ mentaires, institue ´par l’article 17 du pre ´ sent de ´ cret, porteront, pour les indige ` nes, sur lese ´ preuves ci-apre ` s e ´ nume ´ re ´ es:

Langue francaise :   lecture, e ´ criture, notions usuelles et sommaires degrammaire et d’orthographe constate ´ es par une dicte ´ e et une explicationorale.

Calcul :  les quatre re ` gles; re ` gle de trois. Notions essentielles du syste ` me

nume ´ rique.Notions tre ` s sommaires sur la ge ´ ographie et l’histoire de la France et de

l’Alge ´ rie.Langue arabe ou berbe `re : lecture et e ´ criture.Pour les jeunes filles, la couture en plus.Pour les jeunes gens, facultativement la gymnastique et le travail manuel.Un arret du recteur re ´ glera le mode d’examen et d’appre ´ ciation.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Art. 36. Il sera e ´ tabli dans chacun des de ´ partements d’Alge ´ rie des cours

normaux destine ´ s a `   pre ´ parer les indige ` nes aux fonctions de l’enseignement.Le nombre, le sie ` ge et l’organisation de ces cours normaux seront de ´ termine ´ spar le ministre de l’instruction publique, sur la proposition du gouverneurge ´ ne ´ ral et du recteur. La de ´ pense re ´ sultant de l’e ´ tablissement et de l’entretiende ces cours sera supporte ´ e par le budget de l’instruction publique.

Il pourra eˆtre e ´ tabli dans les memes conditions des cours normaux spe ´ -cialement destine ´ s a `   l’e ´ tude de l’arabe ou du berbe ` re pour les instituteurs etinstitutrices francais.

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DEUX NOTES DE PHONE ´ TIQUE

ACOUSTIQUE BERBE ` RE (KABYLE)

par

Noura Tigziri

I. E ´ TUDE ACOUSTIQUE DU SCHWA [  e

]

D’apre ` s S. Chaker (1991 : 83), la nature strictement phone ´ tique du schwa estconfirme ´ e par son instabilite ´ selon les locuteurs, le de ´ bit, la constitution du motou il apparaıt. Le but de notre travail est de re ´ aliser une e ´ tude acoustiquede ´ taille ´ e sur le schwa suivant ses diffe ´ rentes positions dans le mot (Chaker

1991 : 83).Le corpus e ´ tudie ´   sera prononce ´   par trois locuteurs originaires des Aı ¨t-

Manguellet (Aı ¨n-El-Hammam, Kabylie, Alge ´ rie). L’e ´ tude acoustique consis-tera a `   de ´ tecter les valeurs des trois premiers formants, leurs intensite ´ s respec-tives et la dure ´ e de la voyelle e ´ tudie ´ e.

Corpus

Les items ont e ´ te ´   tire ´ s du corpus utilise ´  par S. Chaker dans son ouvrage(1991 : 84). Ce corpus a e ´ te ´  choisi car il donne les diffe ´ rents cas d’apparition duschwa suivant sa position dans le mot. La liste des mots utilise ´ s est donne ´ e en« Annexe 1 ».

Premier cas : le schwa a `   l’initiale

Nous nous inte ´ ressons d’abord au schwa en de ´ but de mot. Nous calculerons

la moyenne des formants du schwa en de ´ but de mot pour chaque locuteur, puisnous calculerons les moyennes entre les trois locuteurs et les e ´ carts types parrapport a `  cette moyenne pour les trois premiers formants, ceci afin d’e ´ valuer lastabilite ´  du schwa suivant les locuteurs.

73

E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 73-80

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a) Premier locuteur

F1 (moy) =   428 hz E1 = 2,9F2 (moy) = 1584 hz E2 = 5,09F3 (moy) = 2432 hz E3 = 3,9

T (moy) =   122 ms E = 0,06

b) Deuxie ` me locuteur

F1 (moy) =   428 hz E1 = 4,89F2 (moy) = 1584 hz E2 = – 5,89F3 (moy) = 2336 hz E3 = – 4,09T (moy) =   125 ms E = 0,07

c) Troisie ` me locuteurF1 (moy) =   324 hz E1 = – 5,41F2 (moy) = 1532 hz E2 = 2,94F3 (moy) = 2391 hz E3 = 1,29T (moy) =   77 ms E = 0,10

d) Moyenne entre locuteurs pour le schwa en de but de mot

F1 (moy) =   412 hzF2 (moy) = 1506 hz

F3 (moy) = 2308 hzT (moy) =   108 ms

Conclusion

En ce qui concerne le premier formant, on observe une plus grande stabilite ´pour le premier locuteur dont l’e ´ cart type est de 2,3.

Pour le deuxie ` me formant, la plus grande stabilite ´   est observe ´ e pour le

deuxie ` me locuteur dont l’e ´ cart type est de 2,94.Pour le troisie ` me formant, la plus grande stabilite ´   est observe ´ e pour le

troisie ` me locuteur dont l’e ´ cart type est de 1,29. Globalement les formantsdu troisie ` me locuteur sont les plus stables ; d’une facon ge ´ ne ´ rale, il n’y apas une variation significative entre les diffe ´ rents locuteurs e ´ tant donne ´   queles variations de l’e ´ cart type donne ´ es ci-dessous ne sont pas tre ` s impor-tantes :

Pour F1: 2,3 5 E 5 5,49Pour F2: 2,9 5 E 5 5,48

Pour F3: 1,2 5 E 5 4,08

La dure ´ e moyenne du schwa est de 108 ms, ce qui est comparable aux dure ´ esdes autres voyelles. Cela tendrait a `  confirmer que, dans ce cas pre ´ cis, le schwa abien une existence a `  part entie ` re en tant que voyelle.

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Deuxie ` me cas : le schwa entre deux consonnes C1   eC2

Nous proce ´ derons de la meme manie ` re que pour l’e ´ tude du schwa en de ´ butde mot. Notre objectif, en distinguant ces deux cas, est d’e ´ tudier la stabilite ´  duschwa selon sa position dans le mot. La liste des segments analyse ´ s est donne ´ een « Annexe 2 ».

a) Premier locuteur

F1 (moy) =   409 hz E1 = 4,04F2 (moy) = 1536 hz E2 = 2,16F3 (moy) = 2386 hz E3 = 4,72T (moy) =   56 ms E = 0,13

b) Deuxie ` me locuteur

F1 (moy) =   583 hz E1 = 6,45F2 (moy) = 1416 hz E2 = 5,94F3 (moy) = 2437 hz E3 = 2,44T (moy) =   92 ms E = 0,07

c) Troisie ` me locuteur

F1 (moy) =   383 hz E1 = 5F2 (moy) = 1615 hz E2 = 5,56F3 (moy) = 2541 hz E3 = 5,35

d) Moyenne entre les diffe rents locuteurs

F1 (moy) =   458 hzF2 (moy) = 1522 hzF3 (moy) = 2455 hzT (moy) =   110 ms

Conclusion

D’une facon ge ´ ne ´ rale, on observe une plus grande variation des valeursformantiques pour le schwa compris entre deux consonnes par rapportau schwa en de ´ but de mot (2,06   5   E   5   6,4), ce qui pourrait laissersupposer que le schwa compris entre deux consonnes est moins stable.Dans ce cas on remarque aussi une grande variabilite ´   de la dure ´ e de cettevoyelle 56 ms 5 T 5 182 ms. Cela tendrait aussi a `   prouver l’instabilite ´   du

schwa compris entre deux consonnes, en fonction du de ´ bit du locuteur.Cependant, si on compare les moyennes des trois locuteurs pour les deuxcas, on remarque qu’il n’y a pas une grande variation dans la valeur destrois premiers formants ni dans la dure ´ e. En combinant les valeurs des

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formants du schwa en de ´ but de mot et celles du schwa compris entre deuxconsonnes, on obtient les valeurs moyennes suivantes :

F1 (moy) =   435 hzF2 (moy) = 1514 hz

F3 (moy) = 2381 hzT (moy) =   109 ms

En comparant ces valeurs avec celles de Delattre pour les diffe ´ rents « e » dufrancais, on constate la similitude du schwa kabyle avec le « e » du francaisdans (feu). En effet, nous avons :

a) Pour le « e » dans (feu) du francais [ f ]

F1 =   400 hzF2 = 1600 hz

b) Pour le schwa kabyle

F1 =   435 hzF2 = 1515 hz

II. LA TENSION CONSONANTIQUE

Dans le syste ` me consonantique berbe ` re on distingue des phone ` mes tenduscorrespondant chacun a `  un phone ` me non tendu. Cette notion de tension resteproble ´ matique et mal de ´ finie. Alors que pour Troubetzkoy (1964 : 164-184), latension est caracte ´ rise ´ e par une pression plus forte pour une tension musculairemoindre, R. Jakobson, lui, de ´ finit la tension comme « une plus grande de ´ for-mation de l’appareil vocal par rapport a `   sa position de repos » (1969 : 129).

S. Chaker quant a `  lui conclut provisoirement dans son e ´ tude sur les parame ` tresacoustiques (dure ´ e, intensite ´ ) de la tension consonantique (1975) que c’est ladure ´ e et non l’intensite ´ qui, au niveau acoustique assure la distinction « tendu »/ « non tendu ».

Pour N. Louali & Puech, dans leur e ´ tude acoustique sur les consonnestendues en berbe ` re (1994), il y a trois corre ´ lats associe ´ s a `   la re ´ alisation desconsonnes tendues : la dure ´ e, la qualite ´  de l’e ´ nergie de l’explosion des conson-nes sourdes et le de ´ voisement partiel des consonnes sonores.

O. Ouakrim quant a `  lui conclut dans son e ´ tude sur le parame ` tre acoustique

distinguant la ge ´ mination de la tension consonantique (1995) que les conson-nes tendues en berbe ` re, au plan phone ´ tique, ne peuvent eˆtre divise ´ es ni en deuxsegments phoniques ni entre deux syllabes. Elles constituent donc une unite ´phonique indivisible.

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Pour notre exploration, nous me ` nerons l’e ´ tude acoustique sur un corpusrepre ´ sentatif des oppositions consonantiques les plus fre ´ quentes :

/ d /   ~ / D // g /   ~ / G /

/ k /   ~ / K // z /   ~ / Z /

Le corpus

Le corpus est tire ´  de l’e ´ tude acoustique pre ´ sente ´ e par S. Chaker (1991 : 68-69) qui, a `  notre avis, re ´ sume assez bien le phe ´ nome ` ne de tension en kabyle. Cecorpus sera enregistre ´   par trois locuteurs originaires des Aı ¨t-Manguellet de

Aı ¨n-El-Hammam. La liste des mots composants le corpus est donne ´ e enannexe 2. Les parame ` tres e ´ tudie ´ s sont: la dure ´ e et l’intensite ´  des consonnestendues/non tendues, la valeur des formants ainsi que la dure ´ e de la voyellesuivant la consonne conside ´ re ´ e.

Re ´ sultats obtenus

Les valeurs que nous donnerons dans ce qui suit sont les valeurs moyennes

entre les locuteurs.Avec: Fnm, ou F = formant n = 1 a `   3 ; m = moyenne

Enm, E = intensite ´   n = 1 a `   3 ; m = moyenneTvm, T = duree n = 1 a 3 ; m = moyenneTcm, T = dure ´ e n = 1 a `   3 ; m = moyenneEcm ; E = intensite ´  de la consonne.v = voyelle c = consonne

/ z  / / Z /F1m =   412 hz F1m =   365 hzF2m = 1429 hz F2m = 1940 hz

F3m = 2460 hz F3m = 2480 hzTvm =   121 ms Tvm =   126 msTzm =   150 ms Tzm =   194 mE1m =   – 32 db E1m =   –33 dbE2m =   – 41 db E2m =   –47 dbE3m =   – 45 db E3m =   –49 dbEzm =   – 53 db Ezm =   –56 db

/ d / / D /F1m =   426 hz F1m =   395 hzF2m = 1622 hz F2m = 1564 hzF3m = 2791 hz F3m = 2479 hz

Tvm =   120 ms Tvm =   127 msTdm =   66 ms Tdm =   68 msE1m =   – 24 db E1m =   –25 dbE2m =   – 43 db E2m =   –50 dbE3m =   – 50 db E3m =   –51 db

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/ k  // K /F1m =   436 hz F1m =   416 hzF2m = 1647 hz F2m = 1665 hzF3m = 2472 hz F3m = 2484 hzTvm =   100 ms Tvm =   103 msTkm =   56 ms Tkm =   68 msE1m =   – 23 db E1m =   –28 dbE2m =   – 45 db E2m =   –41 dbE3m =   – 51 db E3m =   –58 dbEkm =   – 56 db Ekm =   –51 db

/ g / / G /F1m =   385 hz F1m =   388 hzF2m = 1847 hz F2m = 1751 hzF3m = 2447 hz F3m = 2430 hzTvm =   82 ms Tvm =   72 msTgm

 =  61 ms Tgm

 =  52 ms

E1m =   – 21 db E1m =   –25 dbE2m =   – 42 db E2m =   –53 dbE3m =   – 46 db E3m =   –50 dbEgm =   —— Egm =   ——

Ro ˆ les des diffe ´ rents parame ` tres

a) La dure e

D’une facon ge ´ ne ´ rale, la consonne tendue est plus longue que sa correspon-dante non tendue. De meme, on remarque que dans ce cas la voyelle suivant laconsonne tendue est ge ´ ne ´ ralement plus longue que celle qui suit la consonnenon tendue.

b) Les formants de la voyelle suivant la consonne :

Premier formant F1 :D’apre ` s les re ´ sultats obtenus, on note une de ´ croissance du premier formant

F1 pour la voyelle suivant la consonne tendue. Le premier formant e ´ tantte ´ moin de l’abaissement du dos de la langue, on pourrait penser que dans le casde la consonne tendue, le dos de la langue est un peu plus releve ´  que pour sacorrespondante non tendue ; ce qui rejoindrait les conclusions des expe ´ riencesfaites il y a longtemps a `  l’aide de palatogrammes et qui e ´ mettent l’hypothe ` seque pour la tendue, la trace laisse ´ e par la langue sur la vou ˆ te palatine est plusprononce ´ e en raison de la force de contact plus grande (Straka 1963 ; Mitchell

1957).

Deuxie `me formant F2 :

A ` l’inverse du premier formant, le deuxie ` me formant (F2) a tendance a `

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croıtre pour la voyelle suivant la consonne tendue, ce qui laisserait supposerune ante ´ riorisation de l’articulation dans le cas des tendues.

c) L’e nergie:

D’apre ` s les re ´ sultats obtenus, on remarque une concentration de l’e ´ nergieprincipalement sur la voyelle qui suit la consonne tendue puisque ses formantssont nettement plus intenses que pour la voyelle pre ´ ce ´ dant la consonne nontendue ; en revanche pour ce qui est des consonnes, c’est sur la consonnetendue que se concentre l’e ´ nergie.

CONCLUSION

La dure ´ e et les transitions formantes de F1 et F2 semblent assez significa-tives dans la distinction acoustique entre tendue/non tendue ; mais, a `   notreavis, il est ne ´ cessaire de mesurer, pour les occlusives tendues, la pression sub- etsupra-glottique, la force articulatoire ; les moyens dont nous disposons actuel-lement ne nous permettent pas de le faire. Mais nous restons persuade ´ e quetous ces parame ` tres aideront a `  de ´ finir d’une manie ` re plus pre ´ cise le trait tendu/non tendu. Il sera e ´ galement inte ´ ressant d’e ´ tudier me ´ thodiquement l’influencede la tension consonantique sur la voyelle qui pre ´ ce ` de la consonne.

NOURA TIZIGRI

UNIVERSITE ´  DE TIZI-OUZOU/INALCO

Annexe 1 (corpus [   e])

/  e

g / , /  e

gg //  e

ls / , /  eg z /

/  e

D  er / , /

  eF

  er / , /

  eY ˜T

  es / , /

  eM

  et /

/  e

zg  er / , /

  egz

  em /

/ g  er / , /z

  er /

/  e

D  ez / , /

  eF

  er / , /

  eY ˜T

  es / , /

  eM

  et /

/ s  eL / , / r

  eQ /

/ x  eD

  em / , / z

  eG

  er /

/ y  ezg

  er / , / y

  ekc

  em /

Annexe 2 (corpus tendues)

/ z / / Z / / d / / D  /izi yZi anda yDazik Zit yndr yDrazumbi aZug yndm yDm yuza uZal 

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/ k / / K / / g / / G  /ifka   yKa yrgm irGmirki irKi yrgl irGl  ifkr yKr yzgl izGl   yskr sKr yzgr izGr yskf isKf 

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LES E ´ CRITS DE LANGUE BERBE ` RE

DE LA COLLECTION DE MANUSCRITS ULAHBIB

(BE ´ JAIA)

par

Djamel Aı ¨ssani

Cet article pre ´ sente les e ´ crits de langue berbe ` re (transcrits en caracte ` resarabes) de la Khizana (bibliothe ` que) de manuscrits de Lmuhub Ulahbib. Cettedernie ` re, qui vient d’etre de ´ couverte, a e ´ te ´   constitue ´ e au milieu du  XIX

e sie ` cledans la re ´ gion d’Ath Urtilan (Sud-est de la Kabylie). Une analyse de ´ taille ´ e del’environnement de ces e ´ crits a e ´ te ´   re ´ alise ´ e.

A `

la fin du  XIX

e

sie ` cle, l’e ´ minent orientaliste J.D. Luciani soulignait  «l’ab-sence a ` peu pre `s absolue de documents e crits en langue berbe `re ». Il pre ´ cisait que« le seul exemple peut e ˆ tre qui en existe dans les territoires soumis a ` la domination francaise 1 est celui d’un petit re sume  de la the orie du tawhid » [27].

C’est pre ´ cise ´ ment dans la re ´ gion ou avait e ´ te ´  localise ´  cet e ´ crit que l’Associa-tion GEHIMAB 2 vient de de ´ couvrir une  khizana   (bibliothe ` que) pluridiscipli-naire de manuscrits [20], [5]. Parmi ces derniers, une dizaine contiennent desmate ´ riaux en langue berbe ` re.

Dans cet article, nous nous proposons de pre ´ senter ces documents etd’analyser leur environnement. Le deuxie ` me paragraphe est consacre ´   a `   unebre ` ve synthe ` se sur les manuscrits de langue berbe ` re de la Kabylie.

Dans le paragraphe trois, nous analysons l’environnement naturel et social(re ´ gion de constitution, famille proprie ´ taire, utilisateurs...) dans lequel setrouvait la Khizana. Le paragraphe quatre traite de l’utilisation de la langueberbe ` re dans les activite ´ s intellectuelles des lettre ´ s locaux. La constitution dufonds de langue berbe ` re de la Khizana fait l’objet du paragraphe cinq. Ce fondsest analyse ´  dans les derniers paragraphes.

1. Il s’agit ici de l’Alge ´ rie.

2. Le principal objectif de l’Association GEHIMAB   est de contribuer a `   l’exhumation deste ´ moignages sur les activite ´ s scientifiques a `  Bougie au Moyen-A ˆ ge.

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 81-99

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I. LES MANUSCRITS DE LANGUE BERBE ` RE

Les travaux sur les manuscrits de langue berbe ` re (particulie ` rement sur lese ´ crits de Kabylie) sont tre ` s peu nombreux. Le de ´ compte des e ´ tudes re ´ alise ´ esentre 1980 et 1990 ne fait apparaıˆtre que deux articles (qui concernent leMaroc) [15] et ce, malgre ´   l’existence de mate ´ riaux originaux. De ` s 1893,J.D. Luciani soulignait que  «les chercheurs de  ja `  nombreux qui ont entreprisde s’attaquer a ` la langue berbe `re se sont heurte s a ` deux difficulte s principales :d’une part le manque d’unite  de cette langue ; de l’autre, l’absence a `  peu pre `sabsolue de documents e crits». De Slane avait pour sa part e ´ nume ´ re ´   la plupartdes manuscrits de berbe ` re qui avaient e ´ te ´   retrouve ´ s a `  cette e ´ poque, dans son

appendice a `  L’histoire des Berbe `res3

.

Transcription et traduction

J.D. Luciani avait examine ´ les particularite ´ s du syste ` me de transcription desmanuscrits de langue berbe ` re. Il affirme ainsi que ces derniers fourmillent delocutions arabes (cf.   [27]). Il est possible d’en cerner les raisons. En effet,

J. Lanfry conside ` re que le syste ` me d’e ´ criture qui a existe ´   au Maghreb, lelybique (d’ou est de ´ rive ´  l’alphabet tifinagh) e ´ tait de  ja `   oublie ´  chez les berbe ´ ro-phones du Nord 4 lorsque fut introduit l’alphabet arabe au  VII

e sie ` cle. Un textecite ´  d’Ibn Khaldun fait allusion au fait que les Arabes sont entre ´ s au Maghrebavec les feuillets de la langue e ´ crite qui fixent et diffusent la culture. LesBerbe ` res ont alors pu tracer leurs e ´ crits en utilisant les caracte ` res arabes([24], p. 52).

Dans les Zawiyyas, les caracte ` res de l’e ´ criture arabe e ´ taient assez fre ´ quem-ment utilise ´ s par les e ´ tudiants pour les besoins quotidiens. On peut en avoir

une ide ´ e pre ´ cise par les e ´ crits de Amar Boulifa au de ´ but du sie ` cle [14], ou bienplus re ´ cemment par ceux de Che ´ rif Kheddam [29]. Ce qui e ´ tait moins e ´ vident,ce sont les traductions. En effet, M. Redjala affirme que  « de l’arabe, il n’e tait pas question de traduire quoi que ce soit ». Il pense que dans l’esprit des Kabyles,«tout e crit arabe relevait du sacre . Il ne pouvait par conse quent souffrir detraduction ».

Les e ´ crits que nous allons pre ´ senter montrent que la conclusion deM. Redjala est un peu hative, d’autant plus que les traductions (de textesarabes en langue berbe ` re) e ´ taient fre ´ quentes au Mzab [17].

3. Tome IV, p. 489 et suivantes.

4. En recherche, ce syste ` me fut conserve ´  et e ´ volua suivant son ge ´ nie propre [24]. Il a e ´ galemente ´ te ´   conserve ´  dans l’aire touare ` gue.

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Les e ´ crits berbe ` res du Maghreb

C’est au Maroc que les e ´ crits berbe ` res sont les plus nombreux. Les travauxde plusieurs auteurs, notamment ceux de J.D. Laporte et R. Basset, ont permisde les situer.

En ce qui concerne le Mzab, Chikh Bekri note que l’œuvre la plus ancienneen prose e ´ crite en berbe ` re serait de la premie ` re moitie ´  du III

e sie ` cle de l’he ´ gire,compose ´  par Mahdi al-Nafusi, pour re ´ futer les innovations de Nafat [11],[17]. Il signale aussi un commentaire en berbe ` re sur un recueil de traditionsIbadites. Par ailleurs, Abu Sahl al-Farisi, qui a ve ´ cu au   III

e sie ` cle de l’he ´ gire(IX

e sie ` cle), avait laisse ´  un recueil de vers en berbe ` re sur des sujets historiques[26], [25].

Pour la Tunisie, un faqih ibadite qui a ve ´ cu au milieu du XIVe

sie ` cle et qui estmort a `   Jerba, ‘Amar b. Jami‘, aurait traduit en arabe un ouvrage berbe ` re surune ‘Aqida 5 (cf. [32], t. 5, p. 75).

Les e ´ crits berbe ` res de Kabylie

En Kabylie, d’importantes e ´ tudes sur les Qanuns  kabyles ont e ´ te ´   re ´ alise ´ espar A. Hanoteau et R. Letourneux, H. Aucapitaine [8] (voir e ´ galement [29]),

A. Bernard et L. Milliot [13]. Ces derniers pre ´ sentent notamment la photo-graphie d’un document berbe ` re transcrit en caracte ` res arabes. Le Qanun duvillage de Thaslent a e ´ te ´   de ´ couvert dans les archives de la famille Hanoteau.Son auteur serait Si al-Hadj Sa‘id U ‘Ali (1829-1876),  « neveu du Bach-Aghadu Djurdjura ». Il e ´ tait, avec Si Mula Ath U Ameur de Tamazirt et le patronde la Zawiyya de Chellata, Ben ‘Ali Cherif, l’un des principaux informateursde Hanoteau,   « en ce qui concerne la partie kabyle des e tudes berbe `resnaissantes ».

II. LMUHUB ULAHBIB ET SA BIBLIOTHE ` QUE

Les manuscrits de langue berbe ` re que nous allons pre ´ senter appartiennenta `   la  Khizana  de Lmuhub Ulahbib, constitue ´ e au fin fond de la Kabylie aumilieu du   XIX

e sie ` cle. Deux e ´ rudits de la famille ont un rapport direct avec

certains de ces e ´ crits : Lmuhub Ulahbib (ne ´  en 1822) et son petit fils Lmahdi(ne ´   en 1892).

5. Cet ouvrage serait un manuel pour les Ibadites a `   Jerba.

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Une famille de lettre ´ s locaux au  XIXe sie ` cle

La famille Ulahbib habite le petit village familial de Tala Uzrar 6 (la source

aux galets), situe ´  a `  une vingtaine de kilome ` tres de la ville d’Ath Urtilan (Beni-Ourtilane). Les ruines romaines situe ´ es a `  la sortie du village La‘zib 7 prouventl’anciennete ´  de la pre ´ sence humaine dans cette re ´ gion.

La famille avait des activite ´ s agricoles et commerciales propres aux paysansde l’e ´ poque 8.

Lbachir Ulahbib (mort en 1861) a joue ´   un role essentiel dans la constitu-tion et le de ´ veloppement de la  Khizana  de son fils Lmuhub. En effet, c’estprobablement lui qui a pris l’initiative d’envoyer Lmuhub poursuivre dese ´ tudes a `   la prestigieuse Zawiyya de Cheikh Aheddad (Seddouk) 9. Par ail-

leurs, il a grandement contribue ´   a `   l’alimentation de cette  Khizana, notam-ment par la copie d’une vingtaine d’ouvrages 10. Il apparaıˆt clairement que lese ´ tudes, puis les activite ´ s intellectuelles de Lmuhub ont eu une grande in-fluence sur lui [3].

Lmuhub Ulahbib

Lmuhub, ne ´ aux environs de 1822/1237h., a passe ´ sept anne ´ es d’e ´ tudes 11 a `  la

Zawiyya de Cheikh Aheddad. Il est possible de recueillir des informations surcette pe ´ riode de sa vie, en particulier sur ses maıˆtres et ses camarades depromotion, en analysant attentivement certains e ´ crits de la bibliothe ` que. A `

titre d’exemple, dans le Manuscrit re ´ pertorie ´ MS No 01 [7], un commentaire deLmuhub pre ´ cise qu’un de ses maıˆtres est Ahmad b. Sahnun. Nous ignorons sice personnage enseigna a `   la Zawiyya de Cheikh Aheddad, cependant, ilappartenait probablement a `   la famille Usahnun, fondatrice de la ZawiyyaCheikh Usahnun, a `  Taghrast-Ighzer Amokrane (valle ´ e de la Soummam).

Il est e ´ tabli avec certitude que la bibliothe ` que e ´ tait la proprie ´ te ´  exclusive deLmuhub. En effet, dans un pacte d’he ´ ritage date ´  de 1852/1268h., entre Lmu-hub et son fre ` re L‘arbi, a `  propos des ouvrages, il est pre ´ cise ´  « qu’il reviennent a `

6. Ce lieu-dit est encore de nos jours sans eau courante et sans electricite. La piste qui y menene permet pas d’y acce ´ der par ve ´ hicule en temps de pluie.

7. Situe ´  a `  7 km de Tala Uzrar.

8. La correspondance re ´ pertorie ´ e COR No 04 [6] adresse ´ e a `  Lmuhub Ulahbib, concerne unecommande de miel.

9. Cette Zawiyya a ete detruite par l’armee francaise apres l’insurrection de 1871. Rappelons

ici que Cheikh Aheddad (1790-1873) est notamment l’auteur du commentaire Sharh MandhumatIbn Rushd .

10. Parmi ses e ´ crits: la Khutba de l’Aı ¨d al-Fitr, date ´ e de 1859/1275h. et des copies de Qasa’id en arabe populaire.

11. Sans revenir a `  la maison.

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Lmuhub, car ils lui appartiennent par achat et copie (bi Shira wa NaskhNahwaha) ».

L’analyse de l’œuvre de Lmuhub (cf. [4]) montre clairement que ce dernieravait des connaissances approfondies en astronomie 12 et en science de lanature 13. Parmi les autres aspects qui me ´ ritent d’etre souligne ´ s: ses copiesd’ouvrages 14, sa production15, sa correspondance 16, ses consultations juridi-ques et ses notes 17 [5], [3].

Collection Ulahbib et Khizana de Cheikh Lmuhub

Nous de ´ signerons par collection Ulahbib l’ensemble des e ´ crits que la famille

Ulahbib a recu en he ´ ritage de ses ancetres. L’essentiel de ces e ´ crits ont e ´ te ´re ´ pertorie ´ s dans un catalogue [7]. Par contre, nous appelons   Khizana   deCheikh Lmuhub la bibliothe ` que de manuscrits telle qu’elle a pu exister aumilieu du   XIX

e sie ` cle. Les particularite ´ s de cette  Khizana  ont fait l’objet del’exposition AFNIQ N CCIX LMUHUB [20], ainsi que d’un article de synthe ` se[6], [5].

La collection de manuscrits Ulahbib comprend 570 documents re ´ pertorie ´ s.Parmi eux, environ 478 e ´ crits ont un rapport avec des ouvrages ou des textes(copie, commentaire, re ´ sume ´ ...). Plus d’une centaine ne sont constitue ´ s que de

quelques feuillets, alors que seulement 250 (sur 570) sont complets.La majorite ´  des ouvrages de la bibliothe ` que proviennent d’achat, d’e ´ chan-

ges et de copies faites par les membres de la famille [5]. Sa structure18 permetd’avoir une bonne vision du savoir qui fut accessible aux lettre ´ s locaux au

12. Plusieurs des ecrits de Lmuhub concernent la determination de dates (Premier Muharam,Premier Yennayer) et des horaires de la prie ` re.

13. Cf. [4].

14. Les copies d’ouvrages de Lmuhub determinent ses domaines d’interet : Fiqh, Science de la

Nature, Me ´ decine traditionnelle, Science des He ´ ritages, Tassawuf, Hadith, Contes, DisciplinesLinguistiques, Poe ´ sie, Tafsir, ‘Aqida, Histoire et Bio-Bibliographie, Astronomie, Science duCalcul. La plus ancienne copie identifie ´ e date de 1843, alors que la plus re ´ cente correspond a `l’anne ´ e 1884.

15. Sa production (commentaires, abreges...) n’a pas pu etre cernee avec precision. Cepen-dant, il est possible d’identifier les ouvrages qu’il a re ´ dige ´ . En effet, nous avons fait la diffe ´ renceentre ses propres e ´ crits (Kitabahu) et ceux qu’il a copie ´   (Nasakhahu).

16. Ses lettres ont une importance particulie ` re. En effet, Lmuhub a entretenu une importantecorrespondance avec plusieurs personnalite ´ s (Cheikh de Zawiyya, Imam de village, Cadi...)exterieures a la Kabylie. Ainsi, dans la lettre repertoriee COR No 33, Ahmed b. Naser repond aune question de Fiqh que lui avait pose Lmuhub.

17. Les notes de Lmuhub contiennent des informations essentielles sur l’histoire locale [5]. Parailleurs, certains de ses e ´ crits permettront de reconstituer le milieu intellectuel de la re ´ gion d’AthUrtilan au  XIX

e sie ` cle.

18. L’Analyse de la structure de la bibliothe ` que a notamment conside ´ re ´   l’identification desmanuscrits, le classement par discipline, le classement par pe ´ riode, l’origine des auteurs, le

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milieu du  XIXe sie ` cle. Quant a `  son importance par rapport aux autres biblio-

the ` ques maghre ´ bines du  XIXe sie ` cle, elle a fait l’objet d’une e ´ tude approfondie

dans [5].

La vision qu’avait Lmuhub Ulahbib sur l’utilisation de sa bibliothe ` que estbien pre ´ cise ´ e dans ses Waqf : « mes ouvrages (...) re dige s, copie s ou achete s (...)doivent servir a ` ceux qui posse `dent des connaissances et a ` ceux qui recherchent lesavoir ».

III. UTILISATION DU BERBE ` RE DANS LA VIE DE L’ESPRIT

La langue berbe ` re repre ´ sente un domaine riche et important pour lessciences humaines, et en premier lieu, naturellement, pour la linguistique[19]. En 1977, dans une lettre a `  D. Aı ¨ssani, Lionel Galand pre ´ cisait que «lesberbe rophones ont donne  a ` leur langue une grande puissance d’expression dansles domaines qu’ils maı ˆ trisent » [19]. C’est probablement l’une des raisons pourlesquelles le patrimoine oral de la Kabylie a fait l’objet de tre ` s nombreusese ´ tudes 19. En effet, comme le souligne l’orientaliste R. Letourneau, «la litte -rature orale en langue kabyle est fort abondante ».

Patrimoine oral (berbe ` re)

La famille Ulahbib posse ` de un fonds appre ´ ciable de te ´ moignages, contes,poe ` mes, dictons, proverbes... en langue berbe ` re [20]. Une partie de ces der-niers, recueillis dans [6], a e ´ te ´  transmise par ‘Adada Ait Hammouda (femme deLmahdi Ulahbib) a `   sa fille Zineb. A ` titre d’exemple, nous pre ´ sentons lefragment suivant :

A yul-iw ttub s tteh. qiqNnbi d arfiqR. ebbi anida teddid .  yella

Abrid ing er ur i e riqNekni nteddu s ufella

Win ur nekriz ara ahriq-(is)Amek ara s-d yeg l g ella? 

nombre d’ouvrages par auteurs, les dates des copies, les lieux ou furent re ´ dige ´ es certaines copies,l’identite ´  des copistes, la couverture des manuscrits, la calligraphie...

19. Dans cette meme lettre, L. Galand souligne que l’une des raisons de l’importancescientifique de la langue berbe ` re est qu’elle  « offre un exemple tre `s complet de la ramificationd’une langue en dialectes et en parlers locaux » [19].

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En voici une traduction sommaire :

O ˆ  mon cœur, repens-toi since `rementNotre prophe `te est a ` tes co ˆ te s

Et Dieu est partout pre sent

Le chemin e claire  est trace et nous l’empruntons consciemment

Celui qui n’a pas laboure  son champsPeut-il en espe rer une re colte? 

En ce qui concerne les contes, le premier qui avait e ´ te ´  recueilli est la version« petite kabyle » de  Taqsit.  n Sidna Musa   [20]. En effet, ce conte occupe uneplace essentielle dans la litte ´ rature religieuse de la Kabylie, comme le prouventses nombreuses e ´ ditions (cf. celle de Y. Nacib [28]).

Absence de transcription du patrimoine berbe ` re

La question essentielle qui se pose est de savoir pourquoi ce patrimoine n’apas fait l’objet d’e ´ crits. En effet, le document re ´ pertorie ´   DV No 09 sembleindiquer que les enfants, qui suivaient des enseignements (en arabe) avaient

recours aux caracte ` res arabes pour exprimer leurs pense ´ es (en berbe ` re). Ce quiest surprenant, c’est qu’a `   l’exception du manuscrit re ´ pertorie ´ KA No 22, aucunmembre de la famille n’a transcrit de production (Qasa’id , Khutba ou autre) enlangue berbe ` re. D’autant plus surprenant que l’un d’entre eux avait copie ´  desQasa’id  en arabe populaire.

IV. CONSTITUTION DU FONDS DE LANGUE BERBE ` RE

Sur les 570 documents re ´ pertorie ´ s dans la collection, quatre seulement onte ´ te ´   re ´ dige ´ s en langue berbe ` re (transcrite en caracte ` res arabes). Des termesberbe ` res figurent e ´ galement dans cinq autres e ´ crits.

Le plus ancien document est certainement la traduction de la   Sughra,re ´ pertorie ´   KA No 21. Nous n’avons pas pu identifier le copiste et nousignorons si ce document appartenait de  ja `  a `  Lmuhub. Par contre, il est certainque le document re ´ pertorie ´  LIT No 21 lui appartenait. En effet, apre ` s les deux

Qasa’id  en berbe ` re, nous avons identifie ´  un texte (en langue arabe) re ´ dige ´ de samain. Le seul e ´ crit identifie ´  qui a e ´ te ´  re ´ dige ´  (au milieu du  XX

e sie ` cle) en berbe ` repar un membre de la famille Ulahbib est le commentaire de Lmahdi, re ´ pertorie ´KA No 22.

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D’un autre cote ´ , les manuscrits comprenant des termes berbe ` res ont e ´ te ´fre ´ quemment utilise ´ s aussi bien par Lmuhub que par Lmahdi, comme leprouvent les nombreuses notes contenues (en marges des textes).

V. LES TEXTES BERBE ` RES DE LA COLLECTION ULAHBIB

Dans un premier temps, nous allons pre ´ senter les documents de langue

berbe ` re de la collection et tenter de cerner leur inte ´ ret. Nous nous attarderonssur les informations relatives aux auteurs, aux proprie ´ taires et a `   l’histoire deces manuscrits. Rappelons que les caracte ´ ristiques de ces derniers (dimensions,nombre de feuillets...) sont consigne ´ es dans le catalogue de la collectionUlahbib [7].

La traduction de la Sughra

Le manuscrit re ´ pertorie ´   KA No 21 [7] est une traduction sommaire de la‘Aqida as-Sughra d’al-Sanusi, connue sous le titre d’Umm al-Barahin ou plussimplement de  Sanusiyya. C’est une  ‘Aqida  sur la conscience de l’unicite ´   deDieu (Tawh. id).

Berbe ` res Arabes Termes berbe ` res

500

400

300

200

100

0

Proportion des e crits de langue berbe `re

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a) ‘Abd Allah al-Sanusi 

Le tlemce ´ nien Abu ‘Abd Allah b. Yusuf al-Sanusi (1426-1490) a e ´ te ´  un e ´ le ` vedu ce ´ le ` bre mathe ´ maticien andalou al-Qalasadi (Grenade 1412-Be  ja 1486). Il a

par la suite obtenu une idjaza de la principale personnalite ´  religieuse d’Alger,‘Abd ar-Rahman ath-Tha‘aliby (Alger 1386-Tunis 1468). Selon M. Bencheneb,il aurait e ´ galement poursuivi des e ´ tudes a `  Bougie [11]. Pour les savants duMaghreb, al-Sanusi e ´ tait le re ´ novateur de l’islam au commencement duIX

e sie ` cle de l’he ´ gire.

Dans les disciplines « mathe ´ matiques », il est notamment l’auteur d’uncommentaire sur le poe ` me didactique d’Ibn al-Yasamin (mort assassine ´   auMaroc en 1204) sur l’alge ` bre et les e ´ quations, du commentaire Sharh Qasidatal-Habbak sur l’astrolabe et d’un poe ` me sur la science des he ´ ritages.

b) al-Sanusi et la Kabylie

Les rapports intellectuels entre Bougie et Tlemcen ont eu une influencede ´ terminante sur la formation de nombreux lettre ´ s de la re ´ gion. En effet, denombreux savants tlemce ´ niens ont poursuivi leurs e ´ tudes a `   Bougie: IbnMarzuk al-Djadd (1310-1379), Abu Aberkan ‘Aly (1353-1453)... (voir [21])al-Sanusi, qui e ´ tait un e ´ le ` ve de ce dernier, a ainsi re ´ dige ´  un commentaire d’al-Waghlisiyya20.

L’influence inverse va etre encore plus de ´ terminante. Ainsi, al-Machdaly(Bougie 1419-Alep 1461) a poursuivi ses e ´ tudes a `  Tlemcen vers 1437 aupre ` sd’Ibn Marzuk al-Hafidh (1364-1439), d’al-Ukbani21 (1321-1409) et d’IbnZaghu (mort en 1445). A ` son propos, le ce ´ le ` bre mathe ´ maticien andalou al-Qalasadi a e ´ crit dans sa Rihla : « Nous nous sommes re unis en E ´  gypte avec lebrillant docte, l’imam le plus cultive  de son temps, le vertueux al-Machdaly. Jen’ai jamais vu quelqu’un capable d’assimiler aussi bien que lui les sciences. Il touche a `  tout et y re ussit. Nous avons e voque  notre se  jour a `  Tlemcen ou `  nousavions passe   des jours agre ables en compagnie de savants, maı ˆ tres de leurs

sciences. Ils y prodiguaient un enseignement incomparable, facile a ` saisir. »

c) La Sughra

Traitant de Dieu et de ses attributs, ainsi que de la prophe ´ tie, al-Sanusidiscute tout au long de son œuvre les the ´ ories philosophiques, les opinionsdes autres e ´ coles et les croyances des autres religions. Il a notamment re ´ dige ´un commentaire de sa propre  Sughra. Ce dernier, qui a fait l’objet de gloses

20. al-Waghlisiyya est le plus important traite ´  de Fiqh du ce ´ le ` bre jurisconsulte de Bougie al-Waghlisi (mort en 1384). Ce dernier e ´ tait originaire d’At Waghlis (Sidi Aich – valle ´ e de laSoummam).

21. Le pe ` re d’al-Ukbani aurait e ´ te ´  qadi a `   Bougie.

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d’al-Bajuri, a e ´ te ´   publie ´  plusieurs fois au Caire et a `   Fe ` s, traduit en allemandpar Ph. Wolff (Leipzig, 1848) et en francais par Luciani 22, Delphin 23...(cf.  [1]).

d) Place de la Sughra dans la collection Ulahbib

La  Sughra  est avec l’Adjurrumiya24 l’ouvrage qui a e ´ te ´   le plus e ´ tudie ´   deslivres de la collection Ulahbib. En effet, cette dernie ` re en contient une dizainede copies25 ainsi que plusieurs commentaires26 en langue arabe. En particulier,elle comprend trois copies du commentaire du Tlemcenien Ibrahim al-Mella-li 27 (XVI

e sie ` cle). Ce dernier est originaire du Maroc et a e ´ te ´  l’e ´ le ` ve d’al-Sanusi a `Tlemcen 28.

(96,9 %) Autres(3,1 %) Sughra

La Sughra au sein de la collection (en tenant compte des commentaires)

22. Petit traite ´  de the ´ ologie musulman, Alger, 1896.

23. La philosophie de Shaykh Sanusi d’apre ` s sa ‘Aqida as-Sughra, Journal Asiatique, 9e se ´ rie,X, 356.

24. L’Adjurrumiya est le ce ´ le ` bre pre ´ cis de grammaire d’Ibn Adjurum (Fe ` s 1273-Fe ` s 1323). Sabrievete est  « la cause de la grande faveur dont il a joui depuis l’Atlantique jusqu’a ` l’Euphrate».

25. Parmi les plus significatives : – KA No 05 a e ´ te ´   faite par Muhammad Bachir b. Sherif b. Yidir en 1827/1242h. ; – KA No 06, date ´ e de 1785/1199h. ; – KA No 10, re ´ dige ´ e par Lmahdi Ulahbib en 1916/1334h. ;

 – KA No 20, faite par Muhammad Ameziane b. Belqacem b. Zemur ; – KA No 36 date ´ e de 1857/1274h.

26. Parmi les commentaires de la collection : – KA No 08, copie ´  par ‘Abd Allah b. Belqacem al-Sharini en 1870/1287h. Nous n’avons pas

identifie ´   le commentateur ; – TEF No 08. Ce commentaire s’intitule  Haqa’iq as-Sughra. Il a e ´ te ´   copie ´  par Ahmad b.

Muhammad b. Ahmad b. Mubarek en 1806/1221h; – LIT No 30. Ce commentaire s’intitule Taqy’id ‘ala as-Sughra. Son auteur est Abu l’Hassan

‘Ali Aqedar. Le manuscrit (re ´ dige ´  sous forme de   Qasida) est incomplet.

27. Muhammad b. Ibrahim b. Umar b. ‘Ali Abu ‘Abd Allah.

28. Parmi les copies de la collection:

 – KA No 03 a e ´ te ´  copie ´ e par Muhammad b. l’Khalef b. Hamed b. ‘Amar Gharzuli al-Ya‘lawi(donc d’Ath Yala) en 1789/1203h. ;

 – KA No 04 a e ´ te ´   re ´ alise ´ e en 1825/1240h. ; – KA No 02. Sur cette copie figure une information (de Lmuhub Ulahbib), a `  propos d’une

e ´ clipse a `  Ath Urtilan, en 1859/1276h.

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Ce graphique illustre bien la place qu’occupait la Sughra dans la re ´ gion d’AthUrtilan. Des copies (probablement commente ´ es) ont e ´ te ´   re ´ alise ´ es par Lmu-hub 29 et Lmahdi Ulahbib.

e) Le manuscrit de la collection

Historique

De ` s 1893, l’orientaliste J.D. Luciani avait signale ´  l’existence de cette traduc-tion. En effet, il pre ´ cisait que cet e ´ crit « a e te  compose  en Kabylie dans la tribudes Beni Ourtilane, a `  la Zawiyya Sidi Yahia Ben Hamoudi » [27]. Il poursuitqu’« il se re duit a ` quelques pages, re dige es dans le dialecte de l’arrondissement deBougie, transcrites en caracte `res arabes, et qui ne sont qu’une traduction tre `ssommaire du traite  connu sous le nom de as-Sanusiyya ».

Sidi Yahia Ben Hamoudi 

Ici aussi, on constate que les orientalistes ont eu acce ` s aux manuscrits de laKabylie a `   travers des Cheikh de Zawiyya, exercant des fonctions au sein del’administration coloniale. Ainsi, J.D. Luciani a pu consulter les manuscrits dela Zawiyya de Sidi Yahia Ben Hamoudi 30. Ce dernier e ´ tait conside ´ re ´   parl’instituteur He ´ naut comme un personnage influent, mais  « d’une importancesecondaire »   [22]. A ` son propos, le  Moubacher   (journal colonial officiel) du15 mars 1884 porte la note suivante : « Le 06 fe vrier courant est de ce de  a ` l’a ˆ  ge de96 ans en son domicile, a `   Fre ha (Beni Ourtilane) le nomme   Si Yahia BenHamoudi, marabout fort ve ne re   dans toute la re  gion Kabyle. Ce personnageayant joue  un ro ˆ le relativement conside rable dans la re  gion, il ne sera pas inutilede rappeler ici les principaux faits qui, depuis de longues anne es le signalaient a `l’attention publique et lui ont me rite  les sentiments de haute ve ne ration de sescoreligionnaires. Si Yahia (...) n’a jamais fait partie d’aucun sufi et n’est affilie´ ea ` aucun ordre religieux. Son but a e te  de tout temps, de re  pandre l’instruction duCoran et de la jurisprudence musulmane, d’enseigner a ` la population la soumis-sion et le respect envers l’autorite , d’intervenir a ` l’amiable dans tous les diffe rents

qui lui e taient soumis (...). Aussi, de `s la nouvelle de sa mort, les indige `nes qui venaient le consulter de tous les co ˆ te s de la Kabylie, ont-ils accourus pour rendre a `sa me moire un dernier hommage. »

Le manuscrit

Le manuscrit de la collection est tre ` s ancien et concerne probablement lememe texte que celui dont parle Luciani. Cependant, nous n’avons pasd’informations sur son histoire. Sa pre ´ sence dans la   Khizana   de LmuhubUlahbib pourrait signifier qu’il e ´ tait assez re ´ pandu dans toute la re ´ gion

d’Ath Urtilan.

29. Une note de sa main figure dans le manuscrit re ´ pertorie ´  KA No 2.

30. Dans la collection Ulahbib, l’acte notarie ´   re ´ pertorie ´  AR No 10 cite ce personnage.

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Pour avoir une ide ´ e de la qualite ´  de la traduction, nous reproduisons ci-apre ` s un fragment de ce texte :

Leqdem isezwar lee dem

Lebqa ur t-ittlah. aq ara lee demLemxalfa d amxalef g d . d . at-isUr t-illi ara d leg r.em, d acu d leg r.em ? Dayen Ittzeyyih. en l g ir-is ittag  leqder-is

Le commentaire versifie ´  de la Sughra

Nous avons identifie ´  le copiste du manuscrit KA No 22 a `  partir de l’e ´ criture.

a) Lmahdi Ulahbib

Lmahdi (1892-1973), petit fils de Lmuhub Ulahbib, a poursuivi ses e ´ tudesdans les Zawiyyas d’ Ath Chebana, Ath Urtilan, Ath Yala et Akbou. Il eu pourmaıˆtre Muhammad Sediq b. Yahia [3].

Lmahdi e ´ tait verse ´  dans l’astrologie, l’astronomie et e ´ tait la source princi-pale de de ´ termination des dates (fetes religieuses, pe ´ riodes de cultures...) detoute la re ´ gion, comme le prouve une de ses correspondances avec Naser BenNaser 31, membre fondateur de l’Association des Oule ´ mas 32. Ses e ´ crits serapportent a `   diffe ´ rents domaines 33.

b) Le manuscrit

Le manuscrit re ´ pertorie ´   KA No 22 est un petit commentaire versifie ´  de la‘Aqida as-Sughra d’al-Sanusi en langue berbe ` re (de caracte ` res arabes). Il a e ´ te ´copie ´  par Lmahdi Ulahbib au milieu du  XX

e sie ` cle (probablement vers 1953).Cependant, nous ignorons si ce dernier est l’auteur du commentaire.

Voici un fragment du texte de ce manuscrit :

A d bdug  g lwag ebR. ebbi yella ulac licckal 

S ddalil i berzent tlufaMa d leg rem iqebli tlee qal...

31. Naser b. Naser etait president du Bureau de Bougaa de l’Association des ulemas ([30],

p. 329).32. A ` propos de l’Association des ule ´ mas, un te ´ moignage oral pre ´ cise que Lmahdi refusa d’y

adhe ´ rer en 1934, malgre ´   l’insistance de Fudil al-Wartilani. On ignore les raisons de ce refus [3].

33. Tassawuf, ‘Aqida, Poe ´ sie, Astrologie, Science de la Nature, Fiqh, Astronomie et Agri-culture. Son plus ancien e ´ crit identifie ´  date de 1915 (Fiqh). [3].

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Le poe ` me sur le savoir de Ben ‘Ali Cherif 

a) Le manuscrit

Il est re ´ pertorie ´  LIT No

21 [7]. Cet e ´ crit n’est constitue ´  que d’un seul feuillet.Il s’agit probablement d’un document ancien. En effet, apre ` s la Qasida quenous allons pre ´ senter figure une autre Qasida (toujours en berbe ` re), puis untexte en arabe copie ´   par Lmuhub (sans rapport avec ces poe ` mes).

b) Sa‘id Ben ‘Ali Cherif 

Sa‘id Ben ‘Ali Cherif (Yellula 1820-1897) est notamment e ´ voque ´   parG. He ´ naut [22], al-Hafnawi ([21], t. 2, p. 402.) et M. Gaid [402]. Il e ´ tait lepatron de la Zawiyya de Chellata (valle ´ e de la Soummam). Selon le BaronH. Aucapitaine, « la Zawiyya d’Ichellaten est un des centres religieux et scienti- fique les plus renomme s de l’Afrique Septentrionale ». Il affirme qu’en 1860, lafamille Ben ‘Ali Sherif 34 e ´ tait de ´ positaire du pouvoir religieux depuis 150 ansenviron « par extinction des he ritiers directs ».

I l a e ´ te ´   l’un des principaux informateurs des orientalistes francais(A. Hanoteau, H. Aucapitaine, E. Dewulf), en particulier concernant lese ´ tudes berbe ` res naissantes et l’histoire de la valle ´ e de la Soummam. Il avaitoccupe ´  de hautes fonctions dans l’administration coloniale. En effet, il avait

e ´ te ´  nomme ´   Bach-Agha de Illoula en 1846.

c) Le poe ` me sur le savoir

La premie ` re Qasida du document re ´ pertorie ´  LIT No 21 est un poe ` me sur lesavoir de Sa‘id Ben ‘Ali Cherif. Nous avons transcrit le texte en caracte ` reslatins :

Amalah ya l e ulama ur nufi h. edd ur nsal Lweh. c yers-ed, ccer. d leg hel yesseqt.ee  deg zal Ccejr.a i-lebdae  tfer.r.ee  lg edra-s yuli-tt wadal 

Leh. ram yeqqel d lmes.bah.Lg emm yers-ed  g ef leh. lal Ttqelliben f lmufid ur h. siben r.r.as l mal 

34. Dans la collection, il est egalement question de Muhammad Ben ‘Ali Cherif. Quatre ecritsont un rapport avec ce nom, mais nous ignorons s’il s’agit du meme personnage, ainsi d’ailleursque son lien de parente ´  avec Sa‘id (Il est probable que ce soit son pe ` re):

 – L’evocation du commentaire de Muhammad Ben ‘Ali Cherif sur le traite du celebreastronome marocain as-Susi ;

 – L’e ´ vocation d’une Qasida de ´ die ´ e a `  Ben ‘Ali Cherif dans un document de voyage (re ´ pertorie ´

LIT No 50); – La correspondance COR No 04, adresse ´ e a `  Lmuhub Ulahbib est d’un Muhammad Ben ‘Ali

Cherif; – Muhammad b. Naser, copiste du traite ´  de Science du Calcul re ´ pertorie ´  SC No 11, e ´ crit en

1830/1245h. qu’il fu ˆ t un e ´ le ` ve de Ben ‘Ali Cherif.

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Notes d’enfant

La note (rature ´ e) isole ´ e en langue berbe ` re est re ´ pertorie ´ e DV No 09. Il s’agitprobablement d’un e ´ crit d’enfant. Nous avons pu identifier le texte suivant :

Baba, a Zizi, anida tebg id .  ad r.uh. eg ,ur ttruh. eg  ara, ad ruh. eg  ...it...Tebg id .  awi-yi BurdimJeddi ... akenni ur bg i g  ara.

Pre ´ cisons ici que le nom de Burdim, qui apparaıˆt a `   la troisie ` me ligne,correspond a `  un petit village proche de Zakou (Ath Urtilan). Il est encorehabite ´  de nos jours par des descendants d’une autre branche de la familleUlahbib. La pre ´ sence de ce texte semble confirmer que la transcription duberbe ` re en caracte ` res arabes e ´ tait utilise ´ e de manie ` re courante, meˆme par les

enfants (cf. paragraphe pre ´ ce ´ dent).

VI. LES DOCUMENTS RENFERMANT DES TERMES

BERBE ` RES

Ce sont principalement des traite ´ s de botanique et d’astronomie.

Le traite ´  de botanique d’Ibn al-Baytar

Le manuscrit de botanique d’Ibn al-Baytar, re ´ pertorie ´   MS No 01 [7],s’intitule al-Iktifa fi at-Tib al-Shafi. Rene ´  Basset a, le premier, de ´ couvert unecopie du meme type (avec e ´ galement des traductions des noms en grec) et faitconnaıˆtre ces termes berbe ` res dans un article ce ´ le ` bre [10].

a) Le manuscrit de la collection

Sur le manuscrit de la collection sont e ´ galement porte ´ s plusieurs commen-taires et inscriptions, probablement en rapport avec la discipline. Nous avonsidentifie ´  a `  partir de l’e ´ criture :

 – Un commentaire de Lmuhub Ulahbib. Il e ´ crit que son maıˆtre est Ahmadb. Sahnun (cf. paragraphe 3.2).

 – Un commentaire de Lmahdi Ulahbib. Ce dernier e ´ voque notamment al-‘Ayashi 35, Salam Sanhuri et le Qamus 36.

35. Il s’agit probablement du ce ´ le ` bre me ´ decin de Fe ` s, Abu ‘Abd Allah al-‘Ayashi (1627-1679).Un traite ´  de cet auteur figure dans la collection [7].

36. Il s’agit du ce ´ le ` bre Qamus d’al-Firuzabadi (Shiraz 1329-Zahad 1414). Ce dernier est une ´ minent lexicographe. Son Qamus e ´ tait classique dans tout le monde musulman.

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b) Ibn al-Baytar et son traite 

Ibn al-Baytar37 (1197-1248) est le plus grand botaniste du monde musul-man. Natif de Malaga, il e ´ migra en Orient vers 1220 apre ` s avoir traverse ´

l’Afrique du Nord.

Parmi ses ouvrages, citons :

 –   al-Djami‘ li Mufradat al-Adwiya wa al-Aghdiya   (ed. du Caire, 1874 ettraduction francaise de L. Leclerc, 1877-1883 et traduction allemande de J. VonSontheimer, Stuttgart, 1840). Dans cet ouvrage, Ibn al-Baytar pre ´ sente dansl’ordre alphabe ´ tique quelques 1 400 simples appartenant aux re ` gnes animal,ve ´ ge ´ tal et mine ´ ral, en se basant sur ses propres observations ainsi que sur plusde 150 autorite ´ s [al-Razi (Ghaze ` s), Ibn Sina (Avicenne), al-Idrissi 38 et al-

Ghafiki39

]. Selon J. Vernet, un millier environ e ´ taient de  ja `  connus des auteursgrecs.

 – Commentaire de l’œuvre du me ´ decin Grec Dioscoride (Ier sie ` cle apre ` s

J.-C.), qui contient un inventaire de 550 drogues (figurant dans les 4 premierslivres de Dioscoride).

c) Historique et travaux sur le manuscrit

Les termes techniques de l’ouvrage pre ´ sente ´   pre ´ ce ´ demment sont fre ´ quem-ment accompagne ´ s de leurs e ´ quivalents latins et berbe ` res (voir MMMA, IV,1957, 105-112). Rene ´  Basset a fait connaıtre ces termes dans un article ce ´ le ` bre.Il est probable que ce dernier ouvrage corresponde au fameux manuscrit deR. Basset [10] et surtout a `   celui de la collection Ulahbib.

d) Les termes berbe ` res

Parmi les nombreuses traductions en berbe ` re :  Areg nis, h. altit 40, tejribtan,

attl, zerawnd, aqeh. wan, asarun, asemmaq, ccebt, afsentin, ddrarih. , termes 41,darsini 42, frasyun 43, g ar zemred, tizermini 44...

37. Abu Muhammad ‘Abd Allah b. Ahmad al-Din Ibn al-Baytar.

38. Au  XIIe sie ` cle, lors de son se  jour a `   Bougie, al-Idrissi, ce ´ le ` bre ge ´ ographe du roi normand

Roger II de Sicile, avait e ´ nume ´ re ´  les nombreuses plantes «utiles en me decine» qu’il avait cruidentifier [2].

39. Auteur andalou du XIIe sie ` cle. Son livre des drogues simples concerne les e ´ tudes des plantes

qui associent me ´ decine et botanique. L’œuvre d’al-Ghafiki fut comple ´ te ´  par Ibn al-Baytar.

40. On dit plus couramment  Lh. entit.

41. Il s’agit peut-etre de terfes ou  tre  fle du de ´ sert.

42. Il s’agit peut-etre d’aderyis (Taqsia).

43. S’agit-il de frehyun (euphorbe), du nom du me ´ decin de Juba II ?

44. La forme exacte est peut etre tizermin.

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Par ailleurs, d’autres termes berbe ` res de plantes figurent e ´ galement dans lamarge (donc en commentaire) : Tabg est 45, taqentast, tidekt, Barbariya...

Autres termes de plantes

a) Dans deux ouvrages de me ´ decine et de botanique 46 apparaissent e ´ gale-ment des termes berbe ` res. Ainsi, la citation d’un certain Abu Tayeb sur uneplante :  « Derdar, en langue kabyle, Aslen » 47 (Ms. MS No 11). C’est le case ´ galement d’Awrmi . Cette plante est notamment utilise ´ e pour fabriquer unesorte de poudre pour gue ´ rir les plaies.

b) Citation du nom berbe ` re d’une plante (Taqendilt 48) dans le manuscritd’astrologie ASL No 11. En effet, cet ouvrage comprend un chapitre sur labotanique.

Le traite ´  d’astronomie d’Abi Miqra’

Abi Miqra’ est la principale re ´ fe ´ rence du Maghreb dans le domaine del’astronomie. La place importante qu’a occupe ´  son traite ´  dans la re ´ gion d’AthUrtilan est confirme ´ e par les tre ` s nombreuses copies retrouve ´ es dans lacollection Ulahbib. En particulier, Lmuhub et Lmahdi Ulahbib maıˆtrisaientles me ´ thodes de de ´ termination des horaires de la prie ` re et de dates religieuses(premier jour du Muharam, premier Yennayer) [3].

Abi Miqra’ et son œuvre

Abi Miqra’ 49 est un astronome ayant ve ´ cu au Maroc au   XIIIe sie ` cle. Son

travail de Muwaqat a e ´ te ´  analyse ´  par G.S. Colin et H.P.J. Renaud en 1933 [16].Ses ide ´ es ont e ´ te ´  exprime ´ es en vers par al-Malghiti 50 au  XVII

e sie ` cle et ont faitl’objet de multiples commentaires (cf. King [23]).

45.   Tacbeg t (metathe ` se) est le nom berbe ` re de l’accacia.

46. Voir l’article de H. Aumassip sur les plantes et la medecine traditionnelle en GrandeKabylie [9].

47. Il s’agit du frene.

48. Peut-etre Lqindil .

49. Abu Muhammad ‘Abd al-Haq Ibn ‘Ali al-Qala’i.

50. Ms. Cairo ENL DM 415.

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Abi Miqra’ dans la collection

La collection Ulahbib comprend quatre copies du traite ´   d’Abi Miqra’.Parmi elles :

 – La copie re ´ pertorie ´ e ASN No 16 est ace ´ phale et semble tre ` s ancienne 51.

 – Les copies re ´ pertorie ´ es ASN No 05 et ASN No 13 52 ont e ´ te ´   re ´ dige ´ es parLmuhub Ulahbib.

a) Les termes berbe ` res

Les noms berbe ` res des mois de l’anne ´ e figurent dans ce traite ´ :   Yennayer, fur.ar., meg res, ibrir, mayu, yunyu, yulyu,   g uct, ct.ember, t.uber, nunember.,

dujember 53. Ces noms reviennent dans le manuscrit re ´ pertorie ´   ASN No 10.Ce dernier s’intitule Mukhtasar li l-Hisab et a e ´ te ´  copie ´  par Lmuhub Ulahbib.

Noms de champs

Dans plusieurs pactes d’he ´ ritage figurent des noms berbe ` res de champs.

Autre

Un e ´ crit, re ´ pertorie ´  e ´ galement DV No 03, n’a aucun rapport avec la langueberbe ` re. Cependant, le texte forme le signe des   Imazighen   (cf.   [20]). Nousignorons si ce sche ´ ma est le fruit du hasard, car le sens de l’e ´ criture semble etreoriente ´ . Cette manie ` re d’e ´ crire (tout a `   fait inhabituelle) devait etre utilise ´ e parcertains soufis.

51. Le texte qui se trouve sur l’autre face (de meme e ´ criture),  ad-Darar al-Lawami‘ fi Ac¸l Muqri’ al-Imam Nafa‘ est un traite ´ de Tefsir. Il s’agit d’un commentaire de Muhammad b. Shu‘ibal-Mejasi, enseignant a Taza (Tunisie), ecrit en 727 ( ?) de l’hegire. La copie a ete faite par SaciIbn Abi Kuhil ad-Dhafiri en 1465 (le dimanche 20 Radjib de l’an 869 de l’he ´ gire, a `   Qafsa).

52. Les noms suivants sont portes : Abu Isaq at-Tlemcani   Sahib al-Fara’id , Abu Zyad al-Jadry b. Bachkual ‘an ‘Abd ar-Rahman b. Muhammad b. ‘Atab, Abu l’Abbas Ibn al-Banna’ ,Abu ‘Abd Allah as-Sanhadji, Abu l’Qasim b. Khelef, al-Qarafi. Il est e ´ galement pre ´ cise ´ : « il a ditdans son Rawdat al-Azhar ».

53. Il semble que ces termes correspondent e ´ galement aux noms persans des mois.

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VII. CONCLUSION

Les e ´ crits de langue berbe ` re de la collection Ulahbib sont donc de cinqtypes: ‘Aqida, Qasida, termes techniques en botanique et en astronomie, nomsdes champs et texte d’enfant. Il est pre ´ mature ´  de tirer de quelconques conclu-sions. Cependant, la pre ´ sence d’une traduction et d’un commentaire versifie ´  enberbe ` re de la  Sughra  pourra permettre de mieux situer l’apport du berbe ` redans l’action des religieux devant precher pour des berbe ´ rophones. De meme,la pre ´ sence de la note d’enfant permet de confirmer que les caracte ` res arabese ´ taient fre ´ quemment utilise ´ s pour transcrire des termes berbe ` res.

DJAMEL AI ¨SSANI*

RE ´ FE ´ RENCES

[1] Encyclope die de l’Islam, 1965.

[2] AI ¨SSANI D., Bougie a ` l’e  poque me die vale : Les mathe matiques au sein du mouvementintellectuel , e ´ d. IREM de Rouen, France, 1993.

[3] AI ¨SSANI D. et MECHEHED D.E., Les manuscrits de botanique et de me ´ decine enKabylie au  XIX

e sie ` cle, e ´ d. Association GEHIMAB, Be  jaia, 1996.

[4] AI ¨SSANI D. et MECHEHED D.E., Usage de l’e ´ criture en Kabylie au   XIX

e

sie ` cle, e ´ d.Association GEHIMAB, Be  jaia, 1996.

[5] AI ¨SSANI D., MECHEHED D.E., ADJABI  S. et RADJEF M.S., Afniq n ccix lmuhub :Une bibliothe ` que de manuscrits au fin fond de la Kabylie.  In : Proceedings of theSecond European Confe rence EURAMES , Aix-en-Provence, 1996.

[6] AI ¨SSANI   D., MECHEHED   D.E.   et al., Manuscrits de Kabylie : Catalogue de lacollection ulahbib, pp. 01-200, e ´ d. Association GEHIMAB, Be  jaia, 1996.

[7] AUCAPITAINE H., Kanoun du village de Thaourirt Amokrane. Revue africaine, no 7,1863, pp. 279-285.

[8] AUMASSIP H., Plantes et me ´ decine traditionnelle (grande Kabylie-mzab).  Cahiersd’anthropologie et Biome trie humaine, no 4, 1984, pp. 97-117.

[9] BASSET R., Les noms berbe ` res des plantes dans le traite ´  des simples d’Ibn al Baitar,Gional Soc. As. It., no 12, 1899, pp. 53-66.

[10] BEKRI Chikh, Le khare  jisme berbe ` re, Annales de l’institut d’e tudes orientales, no 15,1957, pp. 82-97.

[11] BEN CHENEB M., E ´ tudes sur les personnages mentionne ´ s dans l’idjaza du shaykhAbdelkadir al Fasi.   In: Actes du XVI e Congre `s international des Orientalistes,pp. 168-535, Alger, 1905.

[12] BERNARD A. et MILLIOT  L., Les Qanuns kabyles dans l’ouvrage de Hanoteau et

Letourneux, Paris, 1933.

* L’auteur remercie Mlle Dahbia Abrous (De ´ partement de langue Amazigh, Universite ´   deBe  jaia) pour sa contribution.

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[13] BOULIFA A., Recueil de poe sies kabyles, Awal, Paris, 1990.

[14] CHAKER S., Une de cennie d’e tudes berbe `res, Bouchene, Alger, 1990.

[15] COLIN G.S. et RENAUD H.P., Note sur le muwaqqit marocain abu midr’al battiwi(XIII

e sie ` cle), Hesperis, no 25, 1933, pp. 94-96.

[16] CUPPERLY P., Introduction a ` l’e tude de l’Ibadisme et de sa the ologie, O.P.U., Alger,1991.

[17] GAID M., Les Beni Yala, O.P.U., Alger, 1990.

[18] GALAND   L., L’importance scientifique de la langue berbere.   In: Lettre a `D. Aı ¨ ssani , Paris, 1977.

[19] GEHIMAB (Association), Afniq n ccix lmuhub : Une bibliothe ` que de manuscrits aufin fond de la Kabylie, 1996. Exposition au The ´ atre re ´ gional de Be  jaia.

[20] HENAUT G., La commune mixte du guergour.  In : L’arrondissement de Bougie,pp. 219-254. Manuscrit colonial, 1888.

[21] KING   D.A., An overview   of the sources for the history of astronomy in themedieval maghrib. In : Actes du Deuxie `me Colloque Maghre bin sur les Mathe mati-ques arabes, pp. 125-157, Tunis, 1988.

[22] LANFRY J., Les Berbe ` res, leur langue, leur culture, un renouveau contemporain,E ´ tudes et Documents berbe `res, no 1, 1986, pp. 41-60.

[23] LEWICKI   M., De quelques textes ine ´ dits en vieux berbe ` re, provenant d’unechronique ibadite anonyme,  Revue d’e tudes islamiques, no 8, 1934, pp. 275-296.

[24] LEWICKI M., Me ´ langes berbe ` res-ibadites, Revue d’e tudes islamiques, 1936, pp. 268-285.

[25] LUCIANI J.D., al h’aoudh, Revue africaine, no

37, 1893, pp. 151-180.[26] NACIB Y., Poe sies mystiques kabyles, Andalouses, Alger, 1991.

[27] OULD BRAHAM O., Un qanun kabyle recueilli au  XIXe sie ` cle, E ´ tudes et Documents

berbe `res, no 1, 1986, pp. 68-77.

[28] WARTILANI  F.   et al., Sur Naser b. Naser,  Revue Chihab (de l’Association desUlemas), no 7, 1934, pp. 329 et suivantes.

[29] YACINE T., Che rif Kheddam, ou l’amour de l’art, La De ´ couverte/Awal, Paris, 1995.

[30] ZIRKILI M., al-A‘lam, Beyrouth, 1990.

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UNE PROPHE ´ TIE BERBE ` RE EN TAMAZIGHT

(MAROC CENTRAL)

par

Ahmed Touderti

Dans son ouvrage   Au cœur de l’Atlas : Mission au Maroc 1904-1905, lemarquis Rene ´  de Bodon de Segonzac 1 donne le fac-simile ´  de deux documentsnume ´ rote ´ s 13 et 14, portant respectivement sur l’orographie d’Aghbala et uneprophe ´ tie berbe ` re en tamazight (v. planches et e ´ tablissement du texte). Ce sontdes manuscrits autographes de Sidi A ˆ  li Ou Sidi Lmekki Amhawch (1844-1918), e ´ crits en e ´ criture maghre ´ bine a `  l’encre et au calame traditionnels avec lecommentaire suivant :

« Sid Ali Amhaouch, a ` qui nous devons ces renseignements, nous trace lui-me ˆmeun croquis sche matique indiquant la situation des tribus de cette re  gion et sonorographie. Il nous donne encore le de but d’une prophe tie en vers berbe `rescompose e au   XII 

 e sie `cle de l’Islam par son grand oncle Bou Bekr, annonc¸antl’expe dition que le Sultan Moulay el-Hassan devait diriger 200 ans plus tard contre la zaouia d’ Arbala. Sur le manuscrit qu’il nous remet Sid Ali a commente et explique  en arabe chacun des mots du poe `me berbe `re2. »

Ces documents sont inte ´ ressants a `   plusieurs titres, mais nous nous conten-terons d’en e ´ voquer quelques uns, car il s’agit pour nous avant tout d’en e ´ tablir

le texte berbe ` re, arabe et de les traduire :

Tout d’abord, ils prouvent l’existence d’une tradition, atteste ´ e par ailleurs 3,de l’e ´ criture de la tamazight  stricto sensu, c’est-a ` -dire le parler du Moyen-Atlas, du Haut-Atlas Oriental et de leurs de ´ pendances (c’est-a ` -dire le PlateauCentral au nord-ouest et les marches du Sahara au sud-est), en caracte ` resarabes.

1. Segonzac R. de, Au cœur de l’Atlas: Mission au Maroc 1904-1905. Paris: Larose, 1910,

2 vol., VII + 797 p. ; 89 p. de pl. + 2 f. cartes.2. Segonzac R. de, op. cit., p. 59.

3. Van den Boogert N., Catalogue des manuscrits arabes et berbe `res du fonds Roux (Aix-en-Provence). Aix-en-Provence: IREMAM, 1995, manuscrits nos 92, 93, 146a, 146b, 146c, 170, 171,172, 174 et 180.

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 101-113

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Une mise au point s’impose, les diffe ´ rents parlers berbe ` res et l’arabedialectal marocain lui-meme 4, avaient e ´ labore ´  depuis des sie ` cles des habitudesscripturaires en caracte ` res arabes plus ou moins ame ´ nage ´ s. Depuis quelquesde ´ cennies, il y a toute une production foisonnante certes, mais d’ine ´ gale valeur

en berbe ` re e ´ crit en caracte ` res arabes : en fait, le mode ` le adopte ´  repre ´ sente unecoupure totale avec cette tradition plus conforme au ge ´ nie de la langue berbe ` reet qui va s’ajouter a `  l’abandon, sans e ´ tat d’ame, de l’e ´ criture maghre ´ bine partous, hormis les quelques e ´ rudits confronte ´ s aux milliers de manuscrits desbibliothe ` ques publiques et prive ´ es, de zaouı ¨as etc.

Dans la table des documents, le document no 13 est annonce ´  comme suit :«Sche ma dessine  et de crit par le Che rif Sidi Ali ben el-Mekki Amhaouch pourexpliquer l’orographie de la re  gion d’Arbala ». En effet, il repre ´ sente le syste ` meorographique du Moyen-Atlas car si les grandes lignes de la constitution

orographique du Maroc e ´ taient de  ja `   fixe ´ es a `  ce moment-la `  par les Europe ´ ens,celles du Moyen-Atlas ne l’e ´ taient pas encore 5. C’est aussi un document dege ´ ographie tribale et religieuse du pie ´ mont : le Dir  des ge ´ ographes. Accessoi-rement, on peut en de ´ duire que ce document a e ´ te ´   sollicite ´ .

I. TRANSLITTE ´ RATION DU TEXTE ARABE

’Al-h. amdu lil-la-h s.ifat say’ min ’a‘a-li zabal ’al-‘amı-m.

Z ˇ abal zabal zabal zabal.

6666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666

Wa-d ’al-‘abı-d d -ahaba mag riban hakad -a- h. atta- ’iztama‘a bi’umm ’al-rabı-‘.

.

=================4

Wa-d malwiyya d -ahaba mas riqan wa huwa ’aqrab ’al-’awdiyyah lil-zabal ba‘dawa-d ’al-‘abı-d hakad -a-.

5==============================.

Wa-d ’umm ’al-rabı-‘ d -ahaba mag riban hakad -a-.

.==============================4

4. Majidi M.-R., Das arabisch-persische Alphabet in der Sprachen der Welt : Eine graphe-misch-phonemische Untersuchung,  Forum Phoneticum   (Hamburg), 31, 1984: XII + 171 +4 Tabl. h.t.

5. La Martinie ` re H.-P. de, Maroc, in La Grande Encyclope die / A. Berthelot et alter (e ´ d.), t. 23,Paris : S.A. de La Grande Encyclope ´ die, 1897, p. 247.

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Wa dayruhu ’a‘la-h bila-d ’ayt h. amd ’aw ’ayt h. and lug ata-n s.ah. ı-h. ata-n wa‘indahum ’al-walı- ’al-s.a-lih.   sayyidı- yu-suf  baldah mu‘ammara biqira-’at ’al-‘ilmwa l-qur’a-n wa yalı-him is qqirn wa ‘indahum sayyidı-‘alı-amha-ws  wa d -urriyatih wa

 yalı- is qqirn ’ayt yish. a-q wa ‘indahum ’al-za-wiyya ’al-bakriyya wa ’awla-d sayyidı-

sa‘ı-d w ‘qu-b ’ah. ad ’al-t-ala-t-ah ’al-s urafa-’ ’al-lad - ı-n hum ’ih ˘  wah ’ans.ara mumatti‘ ’al-’asma-‘ wa yalı- ’ayt yish. a-q ’ayt ’umm lbah

 ˘ t wa yalı-him ’ayt wı-rra- wa ’ayt sa‘ı-d.

II. TRADUCTION DU TEXTE ARABE

Louange a `   Dieu, description d’une partie des hauteurs de la montagnegrandiose.

Montagne Montagne Montagne Montagne.

6666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666666

L’Oued El-Abıd coule vers l’Ouest ainsi jusqu’a `  ce qu’il ait rejoint l’Oum er-Rebia.

.=================4

L’Oued Moulouya coule vers l’Est, c’est le plus proche des Oueds de lamontagne apre ` s l’Oued El-Abıˆd comme cela.

5==============================.

L’oued Oum er-Rebia coule vers l’Ouest ainsi.

.==============================4

Et dans le pie ´ mont en amont, se trouve le territoire des Aı ¨t Hamd ou Aı ¨tHand, les deux lecons sont correctes, chez eux se trouve le mausole ´ e du saintvertueux Sidi Youssef, c’est un pays tre ` s verse ´   dans l’e ´ tude des sciencesthe ´ ologiques et du Coran, les Ichquern les jouxtent, chez eux se trouvent lemausole ´ e de Sidi A ˆ li Amhawch et sa poste ´ rite ´ ; apre ` s les Ichquern viennent lesAı ¨t Ishaq, il y a chez eux la Zaouı ¨a ’al-Bakriyya et les descendants de Sidi SaidOu A ˆ quoub, l’un des trois che ´ rifs qui sont fre ` res. Gloire ! Au Contenteur desSe ´ ances de Concerts Spirituels 6. A ` cote ´  des Aı ¨t Ishaq, les Aı ¨t Oumm Lbekhtpuis viennent les Aı ¨t Wirra et les Aı ¨t Said.

Quant au document no 14, il est annonce ´ comme suit dans la meme table desdocuments :

6. C’est le nom d’un ouvrage de Muh. ammad Al-Mahdıˆ Al-Fassıˆ obitus circa  1701, dont letitre complet est : Mumatti‘ al-’asma-‘ fı-d - ikr al-Z ˇ azu-lı-wa t-Tabba-‘wama- lahuma- min al-’atba-‘(LeContenteur des auditions dans la mention de Jazouli et de Tabbaa ˆ  et de ce qu’ils ont commedisciples), lithographie ´  a `   Fe ` s en 1899.

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« De but d’un poe `me, compose  au XII e sie `cle de l’Islam par Bou Bekr, grand’oncle

du che rif Amhaouch, prophe tisant la campagne de Mouley el-Hassen contreArbala. Ce document est e crit et annote  de la main me ˆ me de Sidi Ali ben el-Mekki Amhaouch. »

III. TRANSLITTE ´ RATION DU TEXTE ARABE

DU COMMENTAIRE ET TRANSCRIPTION DES VERS

BERBE ` RES DE LA PROPHE ´ TIE EN GRAS, LES GLOSES EN

ARABE LES ACCOMPAGNANT SONT ENTRE CROCHETS

’Al-h. amdu lil-la-h wa l-s.ala-t ‘ala- mawla-na- rasu-li l-la-h.

Wa min kala-m ‘ammina- ’al-g awt- ’al-’akbar wa l-qut.b ’al-’as har sayyidı- ’abı-

bakr ’amha-ws  rad . iyya l-l .a-h ‘anhu bilisa-n ’al-barbariyya li’annaha- lisa-n qawmih

’al-mawzu-d fı-him muh ˘ 

biran biba‘d .   ’al-mug ayyaba-t ’al-latı-  fatah. a l-l .a-h biha-

‘alayh fı- waq‘at ’al-sult.a-n ’al-h. asan ma‘a ’ayt ya‘qu-b w ‘ı-sa-  firqa min is qqirn.

Ikkad -  Zulayt- ift-     el i G   elwu is ˇ s ˇ a Is ˇ qqirn l   ee lam n ug   ellid -  illa s az. ayyi 7.

[t.ala‘a wa d -. ahara] [balad] [t.ala‘a ’ayd . an] [balad] [’akalahum wa ’afna--hum] [qabı-la] [ra- ya] [sult.a

-n] [ka-’ina] [‘inda] [razul summiyya bismi l-qabı-la].

Iga is   emg an g Ug   erd -. ad - ixf n M   elwit- i    erruqn a m   er t-annim a middn lmulk nr   ebbi d -a tx   el e   em s uya.

[’al-‘abı-d] [mawd . i‘] [ra’s] [malwiyya balad] [s abbahahum bis azar maqt.u-‘]

[law ra’aytum] [’al-nas] [mulk] [’al-l .a-h] [tata‘azzabu-n] [had -a-].

Ka’annahu yaqu-l taqa‘ fı- had -a- ’al-wa-qi‘ bayna ’al-sult

.a-n ma‘a is qqirn waq‘a

tata‘azzabu-n fı-ha- law raytumu-ha- wa ’akt-ar ma- yaku-n muztami‘an fı-ha- hum ’al-‘abı-d wa ya‘nı- bil-‘abı-d ’al-‘asa-kira yusammawn bid -alik fı- bila-dina- mata- ru’u-

 yuqa-l ‘abı-d ’al-sult.a-nwaqad’ah

 ˘ bara rad . iya l-l .a

-h ‘anhu bihad - a- fı-’awa-h ˘ 

ir ’al-qarn’al-t-a-nı- ‘as ar wa lam yaqa‘ ’illa- ’awa-’il ’al-ra-bi‘ ‘as ar wa ’ah

 ˘ barahum bima-

 yanzilu-n fı-h wa yas.ilu-nahu wa yastaqirru-n h. atta-  yarzi‘u-n bi’amr l-l .a-h kama-

waqa‘.

h

7. Victorien Loubignac donne le meme vers mais edulcore, peut-etre parce que relevant d’unetransmission orale, dans E ´ tude sur le dialecte berbe `re des Zaı ¨ an et Aı ¨ t Sgougou. T. II : Textes et

lexique, Paris : E. Leroux, 1925, p. 446 : Ikkad - Zulayt-, ift-     e

l i G  e

lgu, idda s is qirn; l   e

e lam n ug  e

llid -illa s iz.ayan qu’il traduit ainsi (Il est passe ´   a `  Zoulayt, a e ´ vite ´  Guellgou et s’est dirige ´  chez lesIchqern; l’emble ` me du Sultan est chez les Zaı ¨an) et avec cette note: « Pre ´ diction se rapportant a `une expe ´ dition de Moulay Hassan, Sultan du Maroc, qui, avec l’aide des Zaı ¨an, chatia la tribudes Ichqern. » Le verbe ift-

     el  suivi de la pre ´ positin i  a le sens de monter et d’e viter.

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Ddu g   er anu n Bir-e ziz al mani a Is ˇ qqir   erm   en waman n T - awli as ˇ mat- ggaz ˇ z ˇ at-g   er S   e ggut.t.a.

[’id -hab] [’ila-] [bi’r] [razul] [’ila- mata-] [qabı-la] [’al-ma-’] [balad] [’id - habu-

lug 

a] [’irh.alu-] [’ila-] [balda bayna ta-dla wa bazza‘d].

T - sulm ad -^t-a-wd -.     em t-imizar t-ixat-arin t-sulm ad -^t-

     eddum ar Qqis ˇ r aha nraraknid -ar T - in-T - g allin.

[la- ziltum] [tas.ilu-n] [bulda-n] [kiba-r] [wa la- ziltum] [tad -habu-n] [’ila-][balda bayna ta-dla wa bazza‘d] [huna-k naruddu-kum ’ila- [h. atta-] baladikum’al-ma‘ru- fa bi-tintg a-llı-n [balad]].

A l   ebabinu ud -     erg  i ud -

     em g ifun is ur mkkinx i lqad . a n t-irra n r   ebbı- zwant- gad -t-s.

  errafm aya.

[ya-

’ah. ba-bı

-li’annahum ’ah ˘  wa

-luh wa ’ah. ba

-buh wa ka

-n yug ı

-tuhum fı

-muhim-ma-tihim bi-himmatih ’al-‘a-liya ’ila-] [taraktu * ‘alaykum wa lam ’ag it-kum]

[’inna ’amr l-l .a-h g a-lib wa na-zil wa sayara- mammar mah. id ‘an ma qaddarahu

‘alayh] [wa qad zaffa ’al-d -. ulm bid -a-lik] [tus.arrifu-h wa ’as.biru-].

Mas ˇ a ix   es.s.awn ug   ewwad -   n s.s.ali in akk   en yasi ix   es.s.ayawn Bu-Ssi f unnaisfaz ˇ an t-imariwin 8.

[la-kin] [yanbag ı- lakum] [sa-’iq yaku-n ’ama-makum] [wa yaku-n s.a-lih. an wana-’iban ‘ani s-s.a-lih. ı-n] [yarfa‘ukum wa taku-nu- fı- t.uhrih bi’amr l-l .a

-h wa rasu-lih].

IV. TRADUCTION DES TEXTES ARABE ET BERBE ` RE

Louange a `  Dieu et que le salut soit sur notre Seigneur l’Envoye ´  de Dieu.

Et parmi les dits de notre oncle paternel, le Secours 9 Grandissime et lePole 10 Ce ´ le ´ brissime, mon seigneur Abou Bakr Amhawch que Dieu l’agre ´ e, en

langue berbe ` re parce qu’elle est la langue de son peuple au sein duquel il vivait,annoncant quelques monitions que Dieu lui a fait entrevoir concernant labataille entre le Sultan al-Hassan avec les Aı ¨t Yaaquoub Ou A ˆ issa une fractiondes Ichquern.

Il est passe ´  par Zoulayth, il est monte ´  par Guelwou, il a pille ´   les Ichquern,l’e ´ tendard du roi est chez le Zayani.

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8. Drouin J., Un cycle hagiographique dans le Moyen-Atlas marocain. Paris : Publications de laSorbonne/Imprimerie Nationale, 1975, p. 218 (Texte no XXX : Moulay Hassan et les Ichqern a

Alemsid [1888]).9. ’Al-g awt- :   le Grand Secours; chef de la hie ´ rarchie occulte des saints sous son aspect

secourable.

10. ’Al-qut.b : le pole d’une hie ´ rarchie occulte des saints. On parle du « pole de l’e ´ poque » ; ilreste le plus souvent inconnu a `   la majorite ´  des spirituels.

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[Monter et apparaıtre] [un pays] [monter aussi] [un pays] [il les a mange ´ s et illes a ane ´ antis] [une tribu] [un drapeau] [le sultan] [est] [chez] [un homme de ´ signe ´par le nom de sa tribu].

Il disposa les esclaves a `  Aguerdad, a `  la source de la Moulouya. Des friches, o ˆ !Si vous voyez o ˆ ! Gens l’omnipotence de Dieu, vous seriez saisis par cela.

[Les esclaves] [un lieu-dit] [une tete] [la Moulouya [un pays]] [il les acompare ´ s a `  des arbres abattus] [si vous voyez] [les gens] [une omnipotence][Dieu] [vous serez surpris] [cela].

C’est comme s’il disait qu’il adviendra, dans ce qui arrive entre le Sultan etles Ichquern, une bataille qui vous surprendra si vous la voyez. Et le groupe leplus nombreux dans celle-ci ce sont les esclaves et il veut dire par esclaves lessoldats. Ils sont ainsi de ´ signe ´ s dans notre pays, de ` s qu’ils sont vus on dit les

esclaves du Sultan et il a annonce ´  que Dieu l’agre ´ e cela a `  la fin du  XIIe

sie ` cle, etil n’eut lieu qu’au de ´ but du XIV

e sie ` cle. Et il leur pre ´ dit ce qui va leur arriver etce qu’ils vont atteindre, et ou ils vont etre de ´ porte ´ s jusqu’a `  ce qu’ils re ´ inte ` grentleur territoire d’origine grace a `  la volonte ´  de Dieu, comme c’est arrive ´ .

Va ! Au puits de Bir A ˆ ziz jusqu’ou `   o ˆ ! Ichquir est interdite l’eau de Thaouli,entrez ! De ´ campez ! Vers Seggoutta.

[Part] [vers] [un puits] [un homme] [jusqu’ou] [une tribu] [l’eau] [un pays][partez [un mot]] [de ´ me ´ nagez] [vers] [une bourgade entre Tadla et Boujaad].

Vous allez encore arriver dans de grands pays, vous irez encore jusqu’a `Quicher et de la ` -bas nous vous ferons revenir a `  Thin Thghallin.

[Vous allez encore] [vous arriverez] [un pays] [grands] [et vous allez encore][vous partirez] [vers] [une bourgade entre Tadla et Boujaad] [la ` -bas nous vousferons revenir dans [jusqu’a ` ] votre pays connu par Tin Tghallin [un pays]].

O ˆ ! Mes proches parents si j’ai de ´ tourne ´ mon regard de vous, c’est parce que jene pouvais rien contre le caracte ` re ine ´ luctable du de ´ cret de Dieu. Et l’iniquite ´tarirait quand vous aurez endure ´  cela.

[O ˆ   ! Mes proches parents parce que ce sont ses parents du cote ´  maternel etses proches, et il venait souvent a `  leur aide dans leurs affaires avec sa hauteforce de de ´ cision, d’ame et sa volonte ´ , son aspiration spirituelles] [j’ai laisse ´  *survousetjenesuispasvenua `   votre secours] [le de ´ cret de Dieu s’impose a `  touset ine ´ luctable et il y aura une e ´ chappatoire a `   ce qu’il lui e ´ tait destine ´ ] [etl’injustice tarirait avec cela] [vous e ´ prouverez et endurerez].

Mais ce qu’il vous faut c’est un guide des saints pour qu’il vous soule ` ve, il vousfaut l’Homme a `   l’E ´ pe ´ e bien effile ´ e 11, celui qui panse les peines.

[Mais] [il faut pour vous] [un guide qui sera devant vous] [et qu’il soit un

11. Wis wan: Bu-Ssif is wan   appartient a `   la ge ´ ne ´ alogie le ´ gendaire des Imhiwach ; d’apre ` sDrague G.,  Esquisse d’histoire religieuse du Maroc: Confre ries et zaouias. Paris : Peyronnet,1951, p. 141, il serait enterre ´  a `  Ahanou a `  la limite des Aı ¨t Chokhman et les Aı ¨t Wirra.

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saint et un repre ´ sentant des saints] [il vous portera et vous serez dans toute sapurete ´  grace a `   la volonte ´  de Dieu et de son Envoye ´ ].

AHMED TOUDERTI

RE ´ FE ´ RENCES

’A‘FI ˆF  M., Les campagnes de Moulay ’Al-Hassan d’apre ` s les e ´ crits d’’Ibn Zaydan,Revue de la Faculte  des Lettres (Rabat), 7, 1981, 47-75 (en arabe).

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ONZE CONTES BERBE ` RES

EN TACHELHIYT D’AGADIR

par

Harry Stroomer

Les contes pre ´ sente ´ s ici ont e ´ te ´  recueillis pendant une pe ´ riode de recherche 1

sur le terrain en mai et juin 1992. J’en donne les textes et les traductions aupublic berbe ´ risant pour les raisons suivantes :

1. L’inte ´ ret linguistique : les textes en tachelhiyt re ´ cemment publie ´ s etprovenant de la re ´ gion d’Agadir sont relativement rares. En e ´ tudiant lestextes ci-dessous, le lecteur peut de ´ couvrir des traits dialectaux spe ´ cifiques. Ily a, par exemple, le h.   caracte ´ ristique (correspondant a `   x ou g  dans les autres

parlers tachelhiyt) qui figure dans la morphologie du verbe comme suffixemarquant la premie ` re personne du singulier, mais aussi dans des conjonc-tions comme ih.   « si, quand », llih. , ayllih.   « jusqu’a `   ce que, lorsque, quand » etdans la pre ´ position   h.   «dans» 2. Le   h.   dans ces configurations est une descaracte ´ ristiques de la zone littorale tachelhiyt. Il est atteste ´   a `   Ifni (Baamran),Tiznit, Biougra, chez les Ida Oultit (entre Tiznit et Tafraout), chez les Ida OuTanan (entre Agadir et Tamanart) et les H. ah. a (entre Essaouira et Tama-nart), un ensemble de re ´ gions dont les textes publie ´ s ne sont pas tre ` snombreux, mais on le trouve aussi plus a `   l’est, a `   Tafraout, comme le

montrent les textes re ´ cemment publie ´ s par A. Nakano

3

. En outre il y a

1. Je tiens a `  exprimer ma gratitude a `  la famille Lbouzid pour l’accueil chaleureux qu’elle m’aoffert pendant ma pe ´ riode de recherche a `  Agadir. Ma gratitude spe ´ ciale va a `  mes informatricesFadna et Latifa Lbouzid (ne ´ es a `   Agadir) et a `   Fadna Boutizi (ne ´ e dans un village proched’Agadir, dans la re ´ gion de Mesguina), amie de Fadna Lbouzid. Elles m’ont donne ´   l’occasiond’enregister les textes en famille a Agadir Bouargane et ont su expliquer, avec patience etde ´ vouement, des proble ` mes textuels. Je remercie aussi Nico van den Boogert, Maarten Koss-mann, Mohammed Saadouni et Miche ` le Boin pour leur relecture attentive de ces textes.

2. Cf. P. Galand Pernet, A propos d’une langue litte ´ raire berbe ` re du Maroc: la  koı ¨ ne `  deschleuhs, dans: Zeitschrift fu ¨ r Mundartforschung, Neue Folge 3, 4, herausgegeben von Ludwig

Erich Schmitt: Verhandlungen des Zweiten Internationalen Dialektologenkongresses. Wiesbaden1967, p. 261.

3. Aki’o Nakano, Ethnographical Texts in Moroccan Berber (1) (Dialect of the Anti-Atlas) – Studia Berberi (I), Tokyo 1994, 92 p. and   Ethnographical Texts in Moroccan Berber (2)(Dialect of the Anti-Atlas) – Studia Berberi (II), Tokyo 1995, 99 p. Les deux volumes ont e ´ te ´

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 115-139

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toujours l’inte ´ ret du point de vue de la lexicologie 4 : on trouve dans les textescomme ceux qui sont pre ´ sente ´ s ici des mots spe ´ cifiques au dialecte quienrichissent nos connaissances du vocabulaire tachelhiyt, comme :   waynni « mais » (walaynni  dans les autres parlers), ff  « donner » ( fk ou bien kf  dans les

autres parlers), h. llaji  « etre mu ˆ r », tajwajjayt  «hache», afrs.ad .  « couverture »,allayg   « un jeu de batons qui se touchent dans l’air »,   takwwut   «galle detamaris utilise ´ e par les femmes pour noircir leurs cheveux », tufaf  « chicore ´ e ».Au niveau syntaxique et idiomatique on trouve des constructions spe ´ cifiquescomme  tasi d nniyt Z . rifa ar tssnwa ag rum  «Zrifa e ´ tait en train de cuire lepain»,  taywa ar ttini  « elle se mit a `   dire».

2. L’inte ´ ret litte ´ raire : les contes pre ´ sente ´ s ici montrent la permanence d’unetradition orale parmi les locuteurs citadins contemporains de tachelhiyt. Ils’agit d’une tradition intacte et conserve ´ e malgre ´   l’influence des me ´ dia mo-

dernes. On rencontre dans les contes ci-dessous des traits communs avec latradition orale d’autres groupes de berbe ´ rophones : l’ogre [conte 1 et 4],l’ogresse [conte 1, 2, 3 et 9], les enfants intelligents [conte 3 et 5], les contescomportant des animaux [conte 8], la logique d’un idiot [conte 9], le plaisirdans la descriptions des cruaute ´ s excessives [conte 4, conte 7], le me ´ lange desmotifs [cf. conte 1 et 2], l’absence de motivation psychologique pour les actionsdes personnages, les fins abruptes, etc. Dans cette contribution, je veux merestreindre a `  ne pre ´ senter que les textes des documents berbe ` res recueillis etleurs traductions ; je laisse l’e ´ tude des motifs dans ces contes aux spe ´ cialistes.

CONTE 1

Sin tarwa5

Yan urgaz dars sin tarwa, tili dars tmg art. Ukan ar d ittamz. snat tiskwrin,

kun ass yawi d snat tiskw

rin. Ukan tnna yas tmg art nns : « Snat tiskw

rin ad urah.  sul qaddant, ixs.s.a k a nn tjlut tarwa. » Ukan nttan ur is.br.  h.   tarwa nns,

waynni ur yufa ay yini i tmg art nns : « Uhu. » Inna as : « Waxxa, rad ftuh. at tn

inn jluh. . » Iftu, isrs nn yan h. usds n tfunast, isrs nn afrux h. usds n uzgr. Ayllix

rad s ˇttan, inna asn : « Mae la kwn id. » Inna yas : « Mae la kwn id, a Fat.ima, a

publie ´ s par l’Institute for the Study of Languages and Cultures of Asia and Africa, Tokyo,Japan, dans la serie: Studia Culturae Islamicae.

4. J’ai entame ´ , il y a neuf ans, un projet de lexicographie tachelhiyt, qui a pour but de

constituer un dictionnaire tachelhiyt base premierement sur les donnees des sources lexicogra-phiques et textuelles de  ja `  publie ´ es et, deuxie ` mement, sur les donne ´ es provenant de recherches surle terrain pour les re ´ gions mal connues. Voila `  le cadre ge ´ ne ´ ral dans lequel les textes d’Agadir onte ´ te ´   recueillis.

5. Raconte ´  par Fadna Boutizi (ne ´ e en 1968), enregistre ´  le 22 mai 1992.

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illi. » Tas ˇk id tfruxt. Inna yas : « Mae la k id, a Muh. ammad, a yiwi. » Yas ˇk id

ufrux. Tasi d tmg art nns tad. art n tskkurt, tut t srs, h. tta te mu t. Tnna yas:

«Nnih.  ak : ‘‘jlu tn inn’’, tsrst tn g ar g  tama nng  nit!» Tnna yas: «Ixs.s.a at tn

inn tjlut ! » Yawi tn ar yat tagant, iggi n yat tg rat, isrs tn h. iggi nns. Yag

w

l asnyan igjdr.  h.  yan uxsay. Inna yasn : « Luqt nna immuss igjdr.  tsnnm is rad d

as ˇkh. . »

Ggawrn g inn ddrriyt lli, ar ttqqln, ar ttqqln, ar ttqqln. Luqt nna immuss

igjdr. lli, nnan as : « Hann bba yus ˇka d ! » Ayllih. zrin mnnaw ussan. Ar d ittas ˇka

dyid. ,yas ˇkduzal,dyid. , d uzal..., ayllih. mmutn s jjue . Ggawrn, tnna yas tfruxt :

« Ma ran nskr ? » Inna yas : « An nttini : ‘‘all, all, a tag rat, igigiln ttg abnin’’,

ukan an nz.r. » Ukan ar t ittini, inna yas : « Ih. a t ttinih. , nkki ad ur tet.s.s.at ! » Ad

ukan ggawrn, ar kih.  tn yag  jjue , ar ttinin : « All, all, tag rat, igigiln ttg abnin. »Ad ukan tg wli tg rat ar aflla, ittrs asn d gis yan t.t.bs.il n yibrin gis yan yixs d yan

izi. Inna asn : « Ih. ts ˇs ˇam, ad ur trz.m ixs ula tluh. m izi ! » Ar bdda skarn g ikann

luqt nna tn yag  jjue . « All, all, tag rat, igigiln ttg abnin. »

Ar yan wass inna as ufrux : « An nz.r ma ra ittiskar, ih.   nr.z.a ixs, nluh.   izi.»

S ˇ s ˇan, ukan r.z.in ixs, luh. n izi. Ggawrn ayllih. tn yag  dah. jjue , ar ttinin : « All, all,

a tag rat igigiln ttg abnin!» Tagwi as sul tg wli tag rat lli. Ggawrn ayllih. mmutn s

 jjue , iluh.  asn walu.

Ar yan wass h. d yid. inna as ufrux : « Rad ftuh. ad ttllih. s mad ns ˇtta. » Tnna astfruxt: «Rad dik munh. .» Inna yas: «Uhu!» Tnna yas: «Waxxa!» Gnn,

tnikr nttat. Llih.   ign, tass ixf n tmlh. aft nns d ixf n uqs ˇs ˇab n gwmas. Gar inkr d

ukan yawk tt id, te qql d, tnna yas : « Walu ad dik munh. ! »

Ar fttun, ar fttun ar yat tagant, ar nn ttmnidn kra n tifawt. Llih. nn lkmn, afin

inn tifrit n tag wz.nt. Ggawrn ssaggwn tt inn ; tag wz.nt ann, ur dars yat tit.t.. Ukan

tggawr, ar tssndu. Tskr yat tkint n tgulla, ad ukan tssndu. Ukan ar ks ˇs ˇmn,

nttan ar d ittgga tagulla h.   uqs ˇs ˇab nns, iff g  d.

Ar yan wass, tnna as tfruxt : « Walu ad dik munh. , ad z.rh.   tag wz.nt ann ! »

Inna yas : « Hati rat tet.s.s.at ! » Inna yas : « Rat tet.s.s.at, ih.   as tsllat. » Tnna yas

«Uhu.» Inna yas: «Rat tet.s.s.   at.» Tnna yas: «Uhu.» Inna yas: «Awa,

yal.l.ah ! » Imun dis, ks ˇmn inn. Tslla ukan i tag wz.nt ar ttini : « D ugs ul d ue aniz,

d ugs ul d ug ndiz, ilm n ug yul a h. ssndih. ar iqqar a kullu, ig tamudit. » Tggawr

ar tet.s.s.a. Tz.r tn tag wz.nt, tamz. tn, tqqn fllasn lbab. Tggawr, tnna yasn : « Ak

kwn srs njjih. ar kih. ts.h. am, ak kwn s ˇ s ˇ h. . » Tg inn afruxh. lbit n lluz. Tgn tafruxt h.lbit n lluz, h

.aqqan h

.tta nttat. Kun d

.d.ur ar asn tz

.rra waskarn nnsn is jjin nih

.d

uhu.

Ayllih.   jjin, tnna yasn : « Gassad rak kwn s ˇs ˇh. ! » Ukan ntnin llih.   g inn llan,

ssnn izd argaz nns, ad ukan iks ar tadggwat, yas ˇk id, ig d imi nns d imi n yan

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usatm. Ar d ittini « Awulla nu, awulla nu, a ibba mbarka ! » Tluh. asn tawullat d

imi nns fad a ra irz.m lbab.

Llih.   ifta, tnna yasn: «Awa, as ˇkat d, s.ud. at le afit mas a nssnwa ag rum,

g assad le id. » Inna yas ufrux : « Ih. am tnna, tnnit as : ‘‘uhu, tmla yyi inna ag arad slufh.  ar ttagwmh. .’’ » Tg r i ufrux, tnna yas : « S. ud.   le afit!» Inna yas: «Ur

ssnh.  ad s.ud. h.   le afit, ssnh.  g ar ad zdmh. , ar kssah. ! » Tnna yas : « Awa, s ˇuwwr., a

stt s.ud. h.  nkki ! » Ts.ud.  stt, ts.ud.   stt.

Tfta ukan a stt ts.ud. , df e n tt inn, td. r. nn, tzdi yasn : « Ffi yyi aman, aman, a

kjmiru 6 ! » Ar ttazzal tfruxt, tasi d ayddid n waman, tiri at tn fllas tffi. Ikks as tn

gwmas, iffi tn fllas. Iffi fllas lgwdran ayllih.   th. rg.

Ftun, asin d yat tagursa, gn t inn h. le afit, ar ttizgwig  ayllih. tzggwag . Yus ˇka d

ukan wag wz.n. Ig d imi nns d usatm, ar d ittini : « Awulla nu, awulla nu, a ibba

mbarka ! » Asin d tagursa, luh. n as tt inn h.  imi nns, ng in t.

Tbqa yasn tgmmi, bqan asn lbhaym. Awa, gwmas ar ifttu ar ittsudu ayyis, ar

ikssa ; nttat ar ttg ama h. tgmmi. Ar yan wass tg wli s iggi, ar gis ttms ˇad. s ˇs ˇe r nns.

Ar ttms ˇad.  azzar nns, ar ttms ˇad.  azzar nns. Yas ˇk id, iz.r tt id yan bu wayyis h.ttisae , yas ˇk id. Inna yas: «Fk yyi d ad ssuh. !» Tnna yas: «Ur dari ma s ak

akkah.  at tsut. » Inna yas : « G d tas.s.d. lt n waman h.  wazzar nnm, nnit tzzugwzt

yyi t id srs. » Tg t h. wazzar nns tzzugwz as t id, yawk t id ; yawi tt.

Yas ˇk id gwmas, ar yaqqra, ar yaqqra, ayllih.   ilih.   as h. tta yan. Ayllih.  yawi d

izammarn, kull yan ar as ittini : « Ar tkkatt lbab ! » Yawi d kullu wi lli s.h. anin,

ar kkatn lbab, ayllih.  as ur z.d. arn. Yawi d yan ud. d. e if, yut lbab, iluh.  t inn. Ar

ittlli, ar ittlli s ultmas, ilih.  as tt. Ismun le win nns, iftu ar ittlli, ar ittlli, ar ittlli,

ayllih.  yasi tiknur.biyin n wurg , yasi tas.s.d. lt n wurg  d tkurrayt n wurg .

Ifta, yaf nn kra n tmg arin ar ttagwmnt s ifns ˇkar n ug yul. Ta nna mu inna :

« Fk yyi ad suh. . » « Uhu, ra yyi tr.z.t ifns ˇkar inu. » Abla yat, tffa yas a isu. Ayllih.

iswa, yut s ufns ˇkar lli, irz. as t. Ar gis t.s.s.ant tmg arin lli, ildi d iladint tas.s.d. lt nwurg , iff as t. Inint as iladint kullu tmg arin: «Hak at tsut!» Inna yasnt

«Uhu.»

Iftu, yaf nn kra n ifrxan ar ttle abn allayg, inna yasn : « Ffat yyi ad didun

le bh. . » Nnan as : « Uhu, rad ah. trz.t tikurrayin nnh. . » Ildi d yan gitsn takurrayt,

iff as tt. Issuki ukan yan takurrayt, yut stt inn srs, irz. as tt. Ar gist.s.s. an ifrxan.

Ildi d iladint takurrayt nns n wurg , iff as tt. Zdin as kullu : « Hak, hak, at

tle bt.» Inna yasn: «Uhu, s.a fi ! »

Iftu dah.  dar ifrxan yad. nin, ar ttle abn taknur.biyt. Inna yasn: «Ffat yyi ad

6. Mot e ´ nigmatique, utilise ´  par les ogres pour de ´ signer les humains.

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didun le bh. . » Kra igat yan inna yas : « Ra yyi tr.z.t taknur.biyt inu ! » Ar yan, iff 

as tt, ukan irz.  tt. Ar dah.  gis t.s.s.an. Ildi d taknur.biyt n wurg , iff as tt. Zdin as

kullu: «Hak, at tle bt. » Inna yasn : « Uhu, s.afi!»

Ruh. n inn ukan ifrxan, ar akkan laxbar i innatsn. Ar tswingim, ts ˇkku. Tnnayas : « A yyi iml, a r.bbi, izd argaz ad gwma a iga. » Tazn srs tarwa nns, tnna

yasn : « Munat dis ar dari. » Llih. d yus ˇka ar dars, iffa as kullu laxbar nns. Tssn

izd gwmas a iga. Tnna yas ad dars iggawr.

Yan wass inna yas ugllid : « Kyyi at tgit ad. ggwal inu, hak kks yyi azzar,

waynni ad ur tinit i h. tta yan hati llih.  askiwn ! » Waynni argaz ann ur iz.dar. a

ih. bu awal ann, iftu ar yan lxla, yaf nn gis yat tnud. fi taqdimt, yagwm dis. Inna :

« A tanud. fi n lxla, a tanud. fi n lxla, ar ittili ugllid askiwn. » Ayllih.  a isawal, id. r.

asn imikk n ilufsa. Tmgi d gis yat tgalimt. Ar gis ttbbin imksawn tie wwadin llittininin : « A tanud. fi n lxla, a tanud. fi n lxla, ar ittili ugllid askiwn. »

CONTE 1

Les deux enfants

Un homme avait deux enfants, il avait aussi une femme. Chaque jour ilramenait deux perdrix. Sa femme lui dit : « Ces perdrix ne nous suffisent plus, ilfaut que tu perdes les enfants. » Lui, il ne pouvait pas vivre sans ses enfants,mais il ne pouvait pas dire « non » a `   sa femme. Il lui dit : « D’accord, je vais lese ´ garer. » Il mit la fille dans la mangeoire d’une vache et le garcon dans lamangeoire d’un bœuf. Au moment du repas il leur dit : « Ou etes-vous ? ! ». Ildit : « Ou es-tu, o Fatima, ma fille ? » La fille vint. Il dit : « Ou es-tu, oMuhammad, mon fils ? » Le garcon vint. Sa femme, fache ´ e, prit la patte

d’une perdrix, frappa son mari et l’aveugla. Elle lui dit : « Je t’ai dit de lesperdre, mais tu les a seulement mis a `   cote ´  de nous ! » Elle lui dit (encore unefois):«Tudoislese ´ garer ! » Il les amena dans une foret et les abandonna sur unrocher. Il accrocha pour eux un le ´ zard dans une citrouille. Il leur dit : « Quandle le ´ zard bouge, vous saurez que je viens. »

Les enfants reste ` rent la ` -bas, attendant, longtemps. Chaque fois que le le ´ zardbougeait ils disaient : « Voila ` , papa va venir ! » Quelques jours s’e ´ coule ` rent.Vient la nuit, vient le jour, vient la nuit, vient le jour, jusqu’a `  ce qu’ils fussentaffame ´ s. La fille demanda a `  son fre ` re : « Qu’est-ce que nous allons faire ? » Le

garcon lui dit : « Disons : ‘‘monte, monte, o rocher ; nous sommes les orphelinse ´ gare ´ s’’ et nous verrons ce qui va se passer. » Avant de dire ces paroles, il dit a `  sasœur : « Quand je dis ces mots, ne te moque pas de moi ! » Ils e ´ taient la ` , affame ´ s,et ils dirent : « Monte, monte, o rocher ; nous sommes les orphelins e ´ gare ´ s ! » L e

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rocher monta. Un plat de couscous avec un os et une mouche e ´ taient pose ´ s surle rocher. (Une voix) leur dit : « Quand vous mangez, ne cassez pas l’os et ne

 jetez pas la mouche ! » Ils firent toujours ainsi chaque fois qu’ils avaient faim.« Monte, monte, o rocher ; nous sommes les orphelins e ´ gare ´ s ! »

Un jour, le garcon dit a `   sa sœur : « Essayons de voir ce qui se passe si nouscassons l’os et jetons la mouche. » Ils mange ` rent, casse ` rent l’os et jete ` rent lamouche. Ils reste ` rent au meˆme endroit jusqu’a `  ce qu’ils eurent faim. Ils dirent :« Monte, monte, o rocher ; nous sommes les orphelins e ´ gare ´ s.» Le rocherrefusa de monter. Ils reste ` rent la ` , mourant de faim. Le rocher ne leur donnarien.

La nuit, le garcon dit a `   sa sœur : « Je vais chercher de quoi manger. » La fillelui dit : « Je t’accompagne. » Il lui dit : « Non. » Elle lui dit : « D’accord. » Ils

dormirent ; elle se leva. Pendant qu’il dormait, elle attacha le bout de son voileau bout de la chemise de son fre ` re. Quand il se re ´ veilla il la tira ; puis elle sere ´ veilla aussi et lui dit : « Je veux t’accompagner ! J’insiste ! »

Ils marche ` rent jusqu’a `  une foreˆt. La `  ils virent quelques lumie ` res. Quand ilsarrive ` rent, ils trouve ` rent la grotte d’une ogresse. Ils s’y installe ` rent et guette ` -rent cette ogresse qui e ´ tait borgne. Elle e ´ tait assise et battait le lait. Elle avaitpre ´ pare ´  une marmite de  tagulla  (une bouillie e ´ paisse de ce ´ re ´ ales) et e ´ tait entrain de battre le lait. Les enfants s’approche ` rent, le garc¸on mit une quantite ´ debouillie dans sa chemise et sortit.

Un jour, la fille dit : « Je veux t’accompagner pour voir cette ogresse ! » Il luidit : « Tu vas rire ! » Il lui dit : « Tu vas rire si tu l’entends parler ! » Elle lui dit :« Mais non ! » Il lui dit : « Tu vas rire ! » Elle lui dit : « Mais non ! » Il lui dit :« D’accord, partons ! » Il l’accompagna et ils arrive ` rent la ` -bas. La fille entenditl’ogresse dire : « dugs ul ddue aniz, dugs uldug ndiz7, la peau d’ane dans laquelle jebats le lait, qu’elle se ` che, qu’elle devienne totalement beurre. » La fille se mit a `rire. L’ogresse les vit, les prit et les emprisonna. Elle leur dit : « Je vais vousengraisser et apre ` s je vais vous manger. » Elle mit le garcon et la fille dans unechambre pleine d’amandes. Elle inspectait re ´ gulie ` rement leurs ongles (pour

examiner) s’ils avaient grossi.

Quand ils eurent engraisse ´ elle leur dit : « Je vais vous manger! » Les enfants,e ´ tant emprisonne ´ s la ` , savaient que son mari revenait (toujours) au coucher dusoleil apre ` s avoir garde ´   le troupeau. Mettant sa bouche en face d’une fenetre ildisait : « Mon pain, mon pain, o tante Mbarka. » (Chaque jour) elle jetait unpain dans sa bouche et la porte s’ouvrait.

Pendant qu’il e ´ tait parti, elle leur dit : « Venez souffler sur le feu pour le painde ce jour de fete. » (Auparavant) le garcon avait dit a `   sa sœur: «Si elle te

demande (de souffler sur le feu), dis lui : ‘‘non, ma me ` re m’a seulement appris a `balayer et a `  apporter de l’eau !’’ » Elle appela le garcon, elle lui dit : « Souffle sur

7. Ces mots sont des onomatope ´ es qui imitent le son de l’outre a `  baratter, la tags s ult.

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le feu ! » Il lui re ´ pondit : « Je ne sais pas comment souffler sur le feu, je ne saisqu’apporter le bois et faire paıtre les moutons ! » Elle lui dit : « Eh bien, attends,

 je soufflerai moi-meme ! » Elle souffla et souffla.

Alors qu’elle e ´ tait en train de souffler, ils la pousse ` rent, et elle tomba dans lefeu. Elle leur dit : « Aı ¨e, aı ¨e (versez sur moi) de l’eau, de l’eau, o humains. » Lafille se pre ´ cipita pour prendre une outre d’eau et voulait la verser sur l’ogresse.Son fre ` re la lui arracha des mains et la versa sur sa sœur. Il versa du goudronsur l’ogresse pour la faire bru ˆ ler totalement.

Le garc¸on et la fille prirent un soc, le mirent dans le feu, jusqu’a `  ce qu’il fu ˆ tdevenu comple ` tement rouge. L’ogre revint. Il mit sa bouche devant la fenetreen disant : « Mon pain, mon pain, o ma tante Mbarka. » Ils jete ` rent le socchauffe ´   a `  blanc dans sa bouche et le tue ` rent.

Il leur restait la maison et le troupeau. Eh bien, son fre ` re montait a `  cheval ete ´ tait berger et la fille restait a `  la maison. Un jour, elle monta sur le toit pour sepeigner les cheveux. Alors qu’elle e ´ tait en train de se peigner les cheveux, uncavalier la vit de loin et s’approcha. Il lui dit : « Donne-moi a `   boire ! » Elle luidit : « Je n’ai pas de quoi te donner a `  boire. » Il lui dit : « Verse le seau d’eau surtes cheveux et fais descendre tes cheveux a `  moi. » Elle se versa le seau d’eau surles cheveux et les fit descendre vers lui, il monta et enleva (la fille).

Son fre ` re, revenu, l’appela, mais il n’y avait personne. Il fit venir lesmoutons ; il dit a `   chacun : « Frappe la porte ! » Il fit venir tous les moutonsforts ; ils frappe ` rent la porte jusqu’a `  ce qu’ils ne pussent plus. Il amena unmouton maigre, c’e ´ tait lui qui enfonca la porte et la jeta a `  terre. Il cherchait (sasœur) partout mais sans succe ` s. Il pre ´ para son bagage et partit pour cherchersa sœur en prenant avec lui une toupie d’or, un seau d’or et un baton d’or.

Pendant sa marche il trouva quelques femmes en train de puiser de l’eau a `l’aide de sabots d’anes. Il demanda a `  chacune d’elles : « Donne-moi a `   boire!»Mais chacune lui disait : « Non, tu vas me casser les sabots. » A ` l’exceptiond’une femme qui lui donna a `  boire. Quand il eu ˆ t bu, il frappa le sabot et le

cassa. Les femmes se moque ` rent de lui. Il sortit le seau en or et le donna a `   lafemme ge ´ ne ´ reuse. Toutes les femmes lui disaient : « Voila `   quelque chose a `boire ! » Mais il leur dit : « Non, merci ! »

Il partit et trouva quelques garcons qui jouaient a `   l’allayg (un jeu de batonsqui se touchent dans l’air). Il leur dit : « Permettez-moi de jouer avec vous. » Ilslui dirent : « Non, tu vas nous casser nos batons. » Mais l’un d’eux prit le sien etle lui donna. Lorsqu’il lanca le baton, un autre lanca le sien et il le cassa. Lesgarc¸ons se moque ` rent de lui. Il prit alors le baton d’or et l’offrit au garconge ´ ne ´ reux. Les autres lui offrirent les leurs : « Voila ` , joue avec nous ! » Mais il

leur dit : « Non, merci ! »Ensuite il alla chez d’autres garcons qui e ´ taient en train de jouer avec des

toupies. Il leur dit : « Permettez-moi de jouer avec vous. » Chacun lui dit :« Vous allez me casser ma toupie ! » Sauf un garcon, qui lui donna la sienne. Il

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la jeta et la cassa. Ils se moque ` rent de lui. Il prit la toupie en or et la lui offrit.Les autres lui dirent : « Voila ` , joue avec nous ! » Mais il dit : « Non, merci ! »

Les garcons, retourne ´ s chez eux, raconte ` rent l’histoire a `  leur me ` re qui se mita `   re ´ fle ´ chir et a `   deviner. Elle se disait : « Que Dieu me montre si cet homme estmon fre ` re. » Elle envoya ses enfants vers lui et leur dit : « Accompagnez cethomme jusqu’ici. » Quand il fu ˆ t arrive ´ aupre ` s d’elle, il lui raconta tout ce qui luie ´ tait arrive ´ . Elle sut qu’il e ´ tait son fre ` re. Elle lui demanda de rester chez elle.

Un jour, le roi (le mari de sa sœur) lui dit : « Toi, tu es mon beau-fre ` re. Tiens,coiffe-moi les cheveux, mais ne dis a `   personne que j’ai des cornes.» Maisl’homme ne pu garder le secret. Il alla au de ´ sert ou il trouva une citerneancienne dont il puisa de l’eau. Il dit : « O ˆ  citerne du de ´ sert, o citerne du de ´ sert,le roi a des cornes ! » Alors qu’il parlait, un peu de salive tomba sur la terre. De

cette salive pousse ` rent des roseaux. De ces roseaux, les bergers font (encore)leurs flu ˆ tes qui disent: «O ˆ  citerne du de ´ sert, o citerne du de ´ sert, le roi a descornes!»

CONTE 2

Lh. usiyn d  ultmas 8

Gwad yan ufrux ism as Lh. usiyn d ultmas ism as Fad. na. Nttan ar ikssa

lbhaym d ar itts.ud.  le wwad, tafruxt tskkus h. tgmmi. Ibbatsn d innatsn ur g inn

llan, ftan s yat tmazirt yaggugn, fln tarwa nnsn. Lh. usiyn ar ittffug  wah. dat, ar

ikssa ukan, ar iffala Fad. na h.   tgmmi.

Ar yan wass inna Lh. usiyn i ultmas : « Ixs.s.a km ad didi tmunt, an nks, nkki

dim. Mas ˇi abda ftuh.   wah. dinu. » Ilmmadint ffug n, ntta ar itts.ud.   tale wwatt,

nttat tggawr g  tama nns.

Ad ukan kkin imikk, ar ftun, ayllih.   lkmn yan ug aras yaggugn bzzaf  g tuz.z.umt n yat tagant. Ar nn ttannayn yat tgmmi. Tigmmi yann tga ti n

tag wz.nt. Lkmn ukan ar as ttd. uwwarn. Tz.r tn. Taywa ar ttini: «Amz.   tn, a

tisnt n tgmmi nu ! Amz. tn, a tisnt n tgmmi nu ! Amz. tn, a tisnt n tgmmi nu ! »

Tamz.   tn nnit tisnt n tgmmi nns, tssks ˇm tn, ggawrn, jme an. Tnna yasn:

«Ixs.s.a kwn at tzdm iks ˇs ˇud. n bas ˇ   an nssnu ag rum.» Inkr Lh. usiyn, ttabe a t

Fad. na. Ffug n bas ˇ  at tn id awin. Mmaqqarn yan ugd. id.   ism as Timdgiwt, tlla

tama yan ug

w

d. i. Tnna yasn : « Mani tram ? » Inna yas nnit Lh. usiyn: «Nra annzdm iks ˇ s ˇ ud. n i lalla tag wz.nt, ma ran nskr ? » Inna yasn Timdgiwt : « Nkki yag 

8. Raconte ´  par Fadna Lbouzid (ne ´ e en 1968), enregistre ´  le 24 mai 1992.

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yyi fad, rig  ad sug , ixs.s.a kwn a yyi te mmr.m agwd. i s imt.t.awn nnun, ukan rad

awn mlg   ma rat tskarm.» Ar ismuqqul Lh. usiyn   g   Fad. na, nnan as nnit

«Waxxa.» Ar yalla ufrux, tagwi yas tfruxt ad as talla. Inna yas gwmas:

«Ixs.s.a km at tallat bas ˇ

  ad ag  tml Timdgiwt ma ran nskr. » Walaynni nttatur tra. Yasi yan uz.ru, iqlb tt, ar nit talla, re in imt.t.awn d idammn, gn izggwag n.

Tnna yasn Tmdgiwt: «S. afi, rak kwn   e awng , sul zdmg   didun iks ˇs ˇud. n.

Walaynni ig  awn tnna tag wz.nt: ‘‘as ˇkat d, s.udat le afit’’, kmmi ini as : ‘‘inna

ur yyi tsmyar abla ad skkusg g  tgmmi’’. Kyyi ini as : ‘‘baba imla yyi manik a s

rad s.ud. g  le wwad d manik a s rad ksg .’’ » Iftu Lh. usiyn d Fad. na s dar tag wz.nt

lli. Srsn as iks ˇs ˇud. n g  tama nns. Ar tssrg a tag wz.nt le afit, tagwi ad as trg . Tg r i

tfruxt, tnna yas « s.ud. as ! » Tnna yas tfruxt : « Nkki inna ur yyi tsmyar abla ad

skkusg g  tgmmi. » Tnna nit i ufrux : « Nkr kyyi s.ud.   as ! » « Uhu, baba ur yyiismyar abla imla yyi manik a s rad s.ud. g  le wwad d manik a s rad ksg .» Tfta

ukan a stt ts.ud. . Luh. n tt inn gis !

CONTE 2

Lhousayn et sa sœur

Il e ´ tait une fois un garcon appele ´  Lhousayn qui avait une sœur appele ´ eFadna. Lui, il e ´ tait berger et aimait a `   jouer de la flu ˆ te et la fille restait a `   lamaison. Leur pe ` re et leur me ` re n’e ´ taient pas la ` , ils e ´ taient partis pour un payslointain en abandonnant leurs enfants. Lhousayn sortait tout seul faire paıˆtreses moutons et laissait Fadna a `   la maison.

Un jour, Lhousayn dit a `   sa sœur : « Il faut que tu m’accompagnes, pour-qu’on garde les animaux ensemble. Il ne faut pas que je parte chaque fois tout

seul. » Alors, ils sortirent tous les deux. Lui, il joua de la flu ˆ te, et elle, elle restaassise pre ` s de lui.

Chaque fois ils se reposaient un peu, ils marchaient un peu, jusqu’a `  ce qu’ilsarrivent a `   un chemin lointain au milieu d’une foret. La `   ils apercurent unemaison, la proprie ´ te ´  d’une ogresse. Arrive ´ s, ils tourne ` rent autour de la maison.L’ogresse les avait de  ja `  vus et se mit a `  dire : « Attrape-les, o sel de ma maison !Attrape-les, o sel de ma maison ! Attrape-les, o sel de ma maison ! »

Le sel de sa maison les prit. L’ogresse les fit entrer et ils reste ` rent pourdiscuter. Elle leur dit : « Il faut que vous alliez ramasser du bois pour faire cuire

le pain.» Lhousayn obe ´ it et Fadna le suivit. Ils sortirent pour ramasser du boiset rencontre ` rent un oiseau appele ´  Ho ˆ te pre ` s d’un e ´ tang. L’oiseau leur deman-da : « Ou allez-vous ? » Lhousayn lui re ´ pondit : « Nous allons ramasser du boispour madame l’ogresse. » L’oiseau Hote leur dit : « Moi, j’ai soif, je veux boire.

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Il faut que vous me remplissiez cet e ´ tang avec vos larmes. Apre ` s, je veux vousmontrer ce que vous allez faire. » Lhousayn regarda Fadna, et ils direntensemble : « D’accord. » Le garcon pleura, mais la fille refusa de pleurerpour l’oiseau. Le fre ` re lui dit: «Il faut que tu pleures, pour que l’oiseau

nous montre ce qu’on va faire. » Elle ne voulut pas. Il prit une pierre, il lafrappa et alors elle pleura des larmes rouges, me ´ lange ´ es avec le sang.

L’oiseau Hote leur dit : « D’accord, je vais vous aider et, en plus, je ramas-serai du bois avec vous. Mais si l’ogresse vous dit : ‘‘Venez, soufflez sur le feu’’,dis-lui : ‘‘Ma me ` re ne m’a accoutume ´ e qu’a `  rester a `  la maison.’’ Quant a `   toi,dis-lui : ‘‘Mon pe ` re m’a montre ´  comment jouer de la flu ˆ te et comment garderles moutons.’’ »

Lhousayn et Fadna revinrent chez l’ogresse. Ils pose ` rent le bois pre ` s d’elle.

L’ogresse alluma le feu, mais le feu ne voulait pas prendre. Elle appela la fille etlui dit : « Souffle ! » La fille lui re ´ pondit : « Moi, ma me ` re ne m’a accoutume ´ equ’a `  rester a `   la maison. » L’ogresse dit au garcon : « Toi, souffle sur lui ! » (Ilrefusa en disant:) «Mon pe ` re m’a montre ´   comment jouer de la flu ˆ te etcomment garder les moutons. » Elle alla souffler sur le feu elle-meme. Ils la

 jete ` rent dedans !

CONTE 3Z . rayfa d Mrrtlli g 9

Xtti snat tfrxin, ggant taytmatin, yat ism as Z. rayfa d yat ism as Mrrtllig , ur

darsnt innatsnt. Ira ibbwatsnt lh. ijj, ukan ur issn ma mu ra iff gitsnt tasarut n

tgmmi, as ˇku ur iga laman h. tta yat gitsnt. Ar ittxmmam, ur issn ma ra iskr. Iftu

nnit s dar yan lfqih, bas ˇ a yamz. lms ˇawr.t nns. Inna yas nnit : « Dari snat tfrxin,

Z. rayfa d Mrrttllig , ur gig  laman h. tta yat gitsnt. Ukan ur ssng  ma mu rad flg tasarut. » Inna yas nnit : « Rat tftut at tsqsat kulli yat gitsnt, tnnit asnt : ‘‘izd

g inn llant kra n tgllay’’. Wa nna yak nnant, tas ˇkt id, te awdt yyi t. »

Iftu urgaz ann s dar istis, ig ra i Z. rayfa, inna yas : « Izd g inn kra n tgllay ? »

Tnna yas : « Iyyih, a baba, walaynni rat tnt inn grh.   h.  usddi n tfullust bas ˇ  at

taru.» Ig r i Mrrtllig , inna yas: «izd g inn kra n tgllay ? » Tnna yas : « Iyyih, a

baba, walaynni rat tnt ns ˇs ˇ. » Iftu urgaz lli ie awd i lfqih, inna yas nnit lfqih ann :

«Ixs.s. ak at tflt tasarut i Z. rayfa. »

9. Raconte ´  par Latifa Lbouzid (ne ´ e en 1972), enregistre ´  le 25 mai 1992. Selon l’informatrice,Merrtellikh est un nom peu usite ´ , peut-etre de la re ´ gion des Haha ou Ida Ou Tanan (entreEssouira et Agadir). Ce nom indique une fille inactive.

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Iftu ibbatsnt s lh. ijj, iws.s.a i istis bas ˇ ad ur ssks ˇmnt h. tta yan. Awa, yan wass

tffug  Mrrtllig , ar ttd. uwwar., taf nn yat tgmmi, tffag  d gis yat tag wz.nt. Tjme adis, ur tufa manik a s ras stt ts ˇs ˇ. Awa, tnna yas nnit tag wz.nt ann : « Asi d ig d, ar

t tffit mn tama n tgmmi nu, tskrt srs ag aras ar tama n tgmmi nnun. »Awa, tasi d Mrrtllig   ig d, tskr g iklli yas tnna tag wz.nt. Tlkm ukan tigmmi

nnsnt, te awdt i ultmas Z. rayfa ma illan. Awa, tnna yas : « Ixs.s.a yag an nrar lbal,

ad ur ag  ts ˇs ˇ ! » Awa, ayllih. d tus ˇka tag wz.nt, tjme a didsnt, tasi d nnit Z. rayfa ar

tssnwa ag rum. Awa, ayllih. s ˇs ˇant, nkrnt, gnt. Tnkr nnit tag wz.nt,trats ˇs ˇ Mrrtllig ,tga ukan tag uyyit. Tnkrt Z. rayfa, tut nnit tag wz.nt s yan us ˇaqqur., tng  tt.

Yas ˇk d ukan ibbwatsnt h. lh. ijj, te awd as kullus ˇi ma ijran. Issn nnit izd Z. rayfa

ts ˇat.r f ultmas.

CONTE 3

Zrayfa et Merrtellikh

Il e ´ tait deux sœurs, l’une appele ´ e Zrayfa et l’autre Merrtellikh. Elles

n’avaient plus de me ` re. Leur pe ` re voulait aller en pe ` lerinage, mais ne savaitpas a `  qui donner la cle ´  de la maison, parce qu’il n’avait confiance en aucuned’elles. Il re ´ fle ´ chit mais ne savait pas quoi faire. Alors, il visita un fqih pour leconsulter. Il lui dit : « J’ai deux filles, Zrayfa et Merrtellikh, je n’ai aucuneconfiance en mes filles. Je ne sais pas a `  qui donner ma cle ´ . » Le fqih lui dit : « Ilfaut que tu demandes a `   chacune d’elles s’il y a des œufs. Ce qu’elles te disent,viens me le raconter. »

L’homme revint chez ses filles et appela Zrayfa. Il lui dit : « Est-ce qu’il y ades œufs ? » Elle lui dit : « Oui papa, mais je vais les mettre dans le nid de la

poule pour que la poule les couve. » Il appela Merrtellikh. Il lui dit : « Est-cequ’il y a des œufs?» Elle lui dit: «Oui papa, nous allons les manger.»L’homme alla raconter son histoire au  fqih. Le  fqih  lui dit: «Il faut que tulaisses la cle ´   a `   Zrayfa. »

Leur pe ` re allait au pe ` lerinage. Il conseilla a `   ses filles de ne faire entrerpersonne. Un jour, Merrtellikh sortit pour se promener et trouva une maisond’ou sortait une ogresse. Celle-ci parla avec elle, mais ne pouvait pas trouverun moyen de la de ´ vorer. L’ogresse lui dit : « Prends de la cendre, verse-la (encommenc¸ant) pre ` s de ma maison et fais un chemin avec ca jusqu’a `   votre

maison. »Et bien, Merrtellikh prit la cendre et fit comme lui avait dit l’ogresse. Arrive ´ e

chez elle, elle raconta a `  sa sœur ce qui s’e ´ tait passe ´ . Alors Zrayfa lui dit : « Ilfaut faire attention qu’elle ne nous de ´ vore pas ! » Quand l’ogresse vint, elle

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parla avec les sœurs. Zrayfa e ´ tait juste en train de faire cuire le pain. Apre ` s ledıˆner, elles alle ` rent dormir. Mais l’ogresse se leva et voulut manger Merrtel-likh. Celle-ci poussa des cris. Zrayfa se leva, frappa l’ogresse avec une hache etla tua.

Leur pe ` re revint du pe ` lerinage. Zrayfa lui raconta tout ce qui s’e ´ tait passe ´ . A `

ce moment-la `  il sut que Zrayfa e ´ tait plus intelligente que Merrtellikh.

CONTE 4

Khlija 10

Kra n tfrxin ksant, yat gitsnt ism as Xlija, dars alqqae  iga wi n gwmas. Ira as

srs iskr tamg ra.Inkryanwag wz.n,is ˇs ˇ alqqae ann,ignnilmnnsh. udm nns. Tas ˇk

id Xlija, lah.  as alqqae , tftu s tgmmi. Tkk ukan ma tkka, ar ttini « Krik, krik,

manzak, a yalqqae  n dadda h. nna, manzak, a yalqqae  n dadda h. nna!» Yas ˇk id

nnitwag wz.nann,innayas:«Ayyitilit,ullaakkms ˇs ˇh. .»Tnnayas:«Akkilih. . »

Awa, ar fttun, ar fttun, ar yan usulil, g wlin srs. Taru dis tarwa. Ad ukan iffug 

ntta, tg as d yat tsilsilt, bas ˇ ad iggw

iz, ar as dima tskar g ikann. Ar yan wass yas ˇkid daddas h. nnas ar srs itlli h.   tagant, ur tt yufa, yurri nnit.

Awa, ira a iskr tamg ra. Fttun, fttun kra n ddrriyt, gan addjar nnsn, ar kssan

h.  tagant. Immaqqar tn wag wz.n, argaz n Xlija. Nnan as : « Daddas h. nnas n

Xlija ira ittahl. » Inna yasn wag wz.n ann : « Munat didi ad z.rh. tamg ra ! » Awa,

iwin t ddrriyt ann ar tamg ra. Tffug  d innas n Xlija, inna yas : « Xlija, hati

thnna, ts ˇs ˇa, tswa, tssu lh. rir, th. bu s wayyad. .» Ssks ˇmn wag wz.n, ffn as a is ˇs ˇ

t.t.e am. Awa, izri h.  tama nns yan ufrux imz.z.iyn, is ˇs ˇ t. Ig ama d ud. ad.  n ufrux h.

uxsan nns. Ir.z.m ukan imi nns, z.r.n mddn ad. ad. ann. Nnan nnit i innas n Xlija :« Ad. ggwal nnm ar is ˇtta middn ! »

Llih. rat tssn tigwmmi n illis tasi d yan ukris n ilammn, tg gis tirgit. Tnna yas :

« Hak, awi i Xlija lamant ad. » Awa, ad ukan iftu ilammn ar ttffin, ar skarn

tag arast. Ag wz.n ar ifttu, daddas h. nnas n Xlija itabe a t ayllih.  ilkm asulil. Ig r i

Xlija, tg as d ssnslt. Yujja t ukan daddas h. nnas ayllih. ilkm tuz.z.umt n ssnslt, yut

t inn, id. r. d wag wz.n, immt. Yawi d nnit ultmas d tarwa nns ar yat tagant. Tnna

yas Xlija : « Ff yyi, a dadda h. nna, tazzit, ad kkish.  yan usnnan. » Tasi d tazzit

ann, tut ah. lig nns, tmmt.

10. Raconte ´  par Latifa Lbouzid, enregistre ´  le 26 mai 1992. Khlija est une variante du nomKhadija.

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Yasi nnit daddas h. nnas yiwis, ig d h.  iggi n ug rud.  nns. Ibbi yas h.   umz.z.ug ,yasi t id, yut t srs, immt. Lbl.as.t n idammn n ufrux ann tmg i d gis tag alimt. Ar

yan wass ibbi d xalis n ufrux ann ixf n tag alimt, iskr gis le wwad. Ad ukan itts.ud.

tale wwatt ann, ar ttirir : « Tng it yyi, a xali u xali, tng it baba, tng it immi, tng itah.  kullu yah. , tng it ah.  kullu yah. . »

CONTE 4

Khlija

Quelques filles gardaient des che ` vres ; l’une d’elles s’appellait Khlija, ellegardait la che ` vre de son fre ` re. Il voulait e ´ gorger l’animal a `  l’occasion de sonmariage. Mais, malheureusement, un ogre mangea ce bouc et mit sa peau surson visage. Khlija vint et ne trouva pas le bouc, puis elle rentra a `  la maison. Elleresta un moment, alors elle dit (en appelant le bouc) : « Krik, krik, ou es-tu, omouton de mon fre ` re aime ´ , ou es-tu, o mouton de mon fre ` re aime ´ ? » L’ogrevint et lui dit : « Tu m’e ´ pouses ou bien je te mange. » Elle lui dit : « Je t’e ´ pouse. »

Et bien, ils marche ` rent jusqu’a `   un grand rocher. Ils y monte ` rent. Elle luidonna des enfants. Chaque fois qu’il sortait, elle lui de ´ roulait une chaıne pourdescendre. Elle faisait toujours ainsi. Un jour, son fre ` re bien-aime ´   vint lachercher dans la foret. Il ne la trouva pas et s’en retourna.

Le fre ` re de Khlija voulait organiser son mariage. Quelques garcons, leurvoisins, alle ` rent faire paıtre les animaux dans la foret. L’ogre, le mari de Khlija,les rencontra. Ils lui dirent : « Le fre ` re aime ´ de Khlija va se marier. » L’ogre leurdit : « Accompagnez-moi pour que je puisse voir le mariage. »

Alors, les garcons l’accompagne ` rent jusqu’au mariage. La me ` re de Khlija

sortit pour recevoir l’ogre. Il lui dit : « Khlija est tranquille, elle mange, elleboit, elle dort dans la soie, couverte d’une autre (pie ` ce de soie). » Ils invite ` rentl’ogre et ils lui donne ` rent a `   manger. A ` un certain moment, un petit garconpassa pre ` s de l’ogre qui le mangea. Un doigt du garcon resta entre ses dents.Quand il ouvrit sa bouche, les gens virent ce doigt. Ils dirent a `   la me ` re deKhlija : « Votre beau-fils mange les humains ! »

Quand elle voulut savoir ou e ´ tait le domicile de sa fille, elle prit un sac de son,elle mit du charbon dedans. Elle lui dit: «Emporte ce paquet a `   Khlija. »Pendant sa marche, le son se versa en faisant une petite trace. L’ogre marchait

et le fre ` re aime ´  de Khlija le suivait, jusqu’a `  ce qu’ils fussent arrive ´ s au rocher.L’ogre appela Khlija et elle lui jeta la chaıˆne. Le fre ` re le laissa (monter),

 jusqu’au milieu de la chaıne et a `  ce moment-la `   il le frappa ; l’ogre tomba mort.(Le fre ` re) ramena sa sœur et ses enfants jusqu’a `   une foret. Khlija lui dit :

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« Donne-moi un couteau, mon fre ` re aime ´ , pour que j’enle ` ve une e ´ pine. » Elleprit le couteau, se frappa le ventre et mourut.

Son fre ` re prit le fils (de sa sœur) et le mit sur son e ´ paule. (L’enfant) le mordita `   une oreille. Il le prit et le frappa mort. A ` la place du sang de ce garconpousse ` rent des roseaux. Un jour, l’oncle de ce garcon coupa un bout de roseauet en fit une flu ˆ te. Quand il souffla dans cette flu ˆ te, celle-ci commenca a `chanter: «Tu m’a tue ´ , o oncle, mon oncle, tu as tue ´  mon pe ` re, tu a tue ´   mame ` re, tu nous a tous tue ´ s !, tu nous a tous tue ´ s ! »

CONTE 5

Yan ufrux d lmut11

Yan ufrux yag  t kra. Ar ittini i innas : « Hati rad mmth. . » Ar as ttini innas :

« Uhu, a yiwi, lmut lli rak k tawi, ixs.s.a a yyi tawi. » Ar yan wass tffug  innas,

ukan ira a stt ijr.r.b. Yasi d yan ufullus, ibzzr t bla immut. Ig t inn h. ddu tzlaft.

Llih.  d id tus ˇka, inna yas : « Wak wak, wak wak, tus ˇka d srti lmut, a inna!»

Tnna yas : « Manza tt, a yiwi ? » Inna yas: « Zid, a inna, all tazlaft ann. » Llih.

tull tazlaft lli, yakw

i d ufullus lli. Tnna yas : « Kl amad. un,almut!Klamad. un,almut ! Sir s iwi lli imrd. n ! » Issn nnit ufrux lli izd innas is ak a ttini g ikann, imma

tks.ud.  nnit lmut.

CONTE 5

Le garc¸on et la mort

Un garcon e ´ tait malade. Il dit a `  sa me ` re qu’il allait mourir. Sa me ` re lui dit :« Non, mon fils, la mort qui t’emportera, il faut qu’elle m’emporte d’abord. »Un jour, la me ` re sortit, le garcon voulait la mettre a `   l’e ´ preuve. Il prit un coq, lede ´ pluma encore vivant et le mit sous un grand plat (renverse ´ ). Quand sa me ` rerevint, il lui dit : « O ˆ   mon Dieu, o secours, la mort est venue me prendre, o mame ` re ! » Elle lui dit : « Ou est-elle, mon fils ? » Il dit a `  sa me ` re : « Viens, maman,soule ` ve ce plat ! » Quand elle souleva le plat, le coq sauta. Effraye ´ e, elle cria au

coq : « Va visiter le malade, o mort ! Va visiter le malade, o mort ! Visite mon

11. Raconte ´  par Latifa Lbouzid qui a appris ce petit conte d’une voisine appele ´ e Fatima.Enregistre ´  le 26 mai 1992.

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fils qui est malade ! » Le garcon sut alors que sa me ` re avait seulement dit cesmots (pour le consoler), mais qu’elle avait, en re ´ alite ´ , peur de la mort !

CONTE 6

Timzgida ttubna s ims d .  n uglif 12

Yant.t.alb ssh. d. r.n t mddn. Llih. t ssh. d. r.n, ran s tagant, s yat tmzgida. Timzgida

yann ttubna s ims ˇd.  n uglif, tjiyyr s tmudit, tikfufin nns iga d ug rum. Iggawr

t.t.alb lli ayllih.  kullu is ˇs ˇa nnus.s. n tmzgida lli. Awa, yili le id, as ˇkn d dars mddn,

ran ad z.z.al.l.n. Nnan as : « Matta g ikad tskrt ! » Inna yasn : « Ur skrh.  yat, urtskrm yat ! Tssh. d. r.m yyi, tflm yyi, ur a yyi d tawim mad s ˇttah. , ur a yyi d tawim

mad ssah. . Gilad, hati, s ˇs ˇih.   nnus.s. n tmzgida. Ur yyi td. far.m, ur awn d. far.h. ! »

CONTE 6

La mosque e de cire et de miel 

Quelques personnes avaient engage ´   un  taleb  pour l’enseignement dans lamosque ´ e. Apre ` s avoir fixe ´  le contrat, ils se dirige ` rent vers une foret, vers unemosque ´ e. Cette mosque ´ e e ´ tait batie en rayons de miel, peinte avec du beurre etles parapets e ´ taient construits en pain. Ce  taleb  resta la `   jusqu’a `  ce qu’il eu ˆ tmange ´  la moitie ´  de cette mosque ´ e. Eh bien, la fete arriva, les gens vinrent levoir, ils voulaient prier. Les gens lui dirent : « Qu’est-ce que tu as fait ? » Il leurdit : « Je n’ai rien fait, vous n’avez rien fait ! Vous m’avez engage ´  et abandonne ´ .Vous ne m’avez pas apporte ´  de quoi manger, ni de quoi boire. Voila ` , mainte-nant j’ai mange ´   la moitie ´   d’une mosque ´ e. Vous ne me devez rien, je ne vousdois rien ! »

12. Raconte ´  par Latifa Lbouzid, enregistre ´  le 26 mai 1992. Ce conte contient un motif atteste ´fre ´ quemment dans la lite ´ rature orale arabo-berbe ` re: l’obligation de la communaute ´   villageoisede donner au taleb sa nourriture quotidienne.

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CONTE 7

Bela ˆ adim et sa femme

Belaadim fit une visite a `   sa fille, lui et sa femme. Ils trouve ` rent un petitgarcon en bonne sante ´ aupre ` s d’elle. Eh bien, sa fille voulait sortir. Elle dit : « Jete prie, o me ` re, de garder pour moi mon fils jusqu’a `   mon retour. » Alors same ` re prit l’enfant, elle vit sa fontanelle bouger. Elle mit un clou dans le feu

 jusqu’a `  ce qu’il fu ˆ t devenu tout rouge et elle le mit sur la fontanelle du petit.Alors elle fit couler son cerveau et ainsi elle le tua. Elle e ´ tait juste en train de lecouvrir avec une couverture, quand sa fille revint. Sa me ` re lui dit : « Voila `   tonfils, je lui ai ouvert le furoncle sur sa tete. » La fille lui dit : « Tu as fait couler soncerveau ! Tu l’as tue ´ ! O ˆ   ! ma me ` re, tu m’as fait une catastrophe trop haute pourle toit et trop large pour la cour!» Sa me ` re, pleine d’indignation, lui dit :« Voila ` , je garde ton fils, jusqu’a `  ce que tu reviennes, tu le trouves endormi et tume dis que je l’ai tue ´ ! » Elle dit a `   son mari : « Allons, Belaadim, prends laviande que nous avons apporte ´ e ; partons chez notre fille qui est notre vraiefille!»

Ils allaient visiter leur deuxie ` me fille. Elle dit a `   sa me ` re : « Pre ´ pare-nous lede  jeuner parce que je sors. » La fille sortit.

(La me ` re) apercut des chameaux dans la cour et elle se dit : « Elle a des

chameaux ! » Elle prit un couteau, coupa les le ` vres des chameaux et les pre ´ paradans une marmite. Quand sa fille revint, elle lui dit : « Oh! ma me ` re, tu m’as faitune catastrophe trop haute pour le toit et trop large pour la cour ! » Sa me ` re luidit : « Allons, Belaadim, prends la viande que nous avons apporte ´ e ; visitonsnotre fille qui est notre vraie fille ! »

Ils allaient chez leur troisie ` me fille. La fille lui dit: «Oh, me ` re, peux-tuajouter 14 des fils au me ´ tier a `  tisser?» Sa me ` re attendit jusqu’a `  ce qu’elle fu ˆ tsortie. Puis elle remplit une marmite de soupe et la versa sur le me ´ tier a `  tisser (letapis de  ja `   tisse ´ ) e ´ tait de ´ truit. (En meme temps,) le vieux Belaadim venait de la

foret (ou il avait garde ´  le troupeau de sa fille). Des voleurs lui avaient vole ´   leplus grand bouc (du troupeau). La fille entra et dit (a `   sa me ` re): «Toi, tu asde ´ truit le me ´ tier a `   tisser ; moi, je t’ai dit : ‘‘ajoute des fils’’ mais tu as verse ´   lasoupe la ` -dessus ! Quant a `  Papa, des voleurs lui ont vole ´  mon bouc ! » Elle leschassa.

Le vieux prit le morceau de viande, l’apporta dans une grotte et alluma le feupour la cuire. Il laissa la viande a `   l’entre ´ e de la grotte afin qu’elle refroidisse unpeu. La vieille arriva a `  l’entre ´ e de la grotte, prit la viande chaude, la mit dans sabouche et se bru ˆ la la bouche. Elle cria et jeta la viande sur son mari Belaadim

qui commenca a `  crier, lui aussi.

14. Jeu de mots avec  sfd . r.  «faire manger un petit de  jeuner » et dans le contexte du tissage« ajouter des fils au me ´ tier a `   tisser ».

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CONTE 8

Bu mh. and d wus s n 15

Ifta bu mh. and d wus ˇs ˇn, e as ˇrn. Ifta bu mh. and it.t.l i tfrxin. Yili le id. Lsnttixwrs.in d lh. wayj n ljdid. Awa, sslsnt i bu mh. and lh. wayj d tixwrs.in, ar srsttle abnt. Iftu wus ˇs ˇn,arittasiulliayllih. yusi g uns ˇk lli t iqaddan. Mmattint tfrxin,flnt bu mh. and i yat tabukat.t.. Inna yas: «Yukw, a tabukat.t., tumz.t tas.t.t.at nuzggwar, trz.mt i ud. ar inu. It.t.l as, iff as as.t.t.a. Tjbr. gis, trz.m i ud. ar nns, ilwr.

Ilkm nn ukan bu mh. and us ˇs ˇn, yaf t inn. Isrs kullu tifiyyi lli d yiwi. Inna yasbu mh. and : « Awa, kyyi, a e mmi us ˇs ˇn, gn, ran ng h.  snat tkinin. »

Yasidbumh. and tifiyyi lli, ig tt inn h. tkint,yasidiswi,igath. tkint yad. ni. Llih.

tnwa, yasi d bu mh. and tikint n tfiyyi i ugayyu nns, iff ti n iswi i wus ˇs ˇn. Ar ukanis ˇtta wus ˇs ˇn, inna yas nnit : « A e mmi bu mh. and, ay ikad th. rra tfiyyi yad ! » Innayas bu mh. and : « Ssutl i ugjdi, tnnit ‘‘bismillah d imikk bismillah’’, tqqnt wallnnnk. » Iskr wus ˇs ˇn mad as inna. Iluh. nn bu mh. and imikk n tfiyyi h. tkint n wus ˇs ˇn.

Ftun ayllih. s ˇs ˇan. Inna yas bu mh. and : « Gn kyyi ad gnuh. nkki ah. lays. » Iftubu mh. and ignu ah. lays, ar t inn isgadda d wus ˇs ˇn lli igwnn. Issnkr t id, inna yas :« Igadda dik uh. lays, a   e mmi us ˇs ˇn, yal.l.ah, an nsuwq tlata. » Inna yas bumh. and : « Ih.   tlkmt s ssuq tshurrit.» Lkmn ukan s ssuq, iskaee i. As ˇkn dwus.kayn, akwin f wus ˇs ˇn lli, yakwi bu mh. and, ih. bu s tlmitt, ih. bu srs.

CONTE 8

Le he risson et le chacal 

Le he ´ risson et le chacal vivaient ensemble. Le he ´ risson e ´ tait alle ´   de ´ tourner

l’attention des berge ` res. Il y avait une fete. Les filles portaient des boucles et desvetements nouveaux. Elles mirent des vetements et des boucles sur le he ´ rissonpour s’amuser. En meme temps, le chacal alla prendre les moutons, jusqu’a `   cequ’il eu ˆ t pris le nombre dont il avait besoin. Les filles se leve ` rent en laissant lehe ´ risson avec une fille aveugle. Il lui dit : « O ˆ   fille aveugle, tu as pris une branchede jujubier, mais tu as lache ´  ma patte ! » Il la trompa et lui mit une branche de

 jujubier dans la main. Elle la prit et relacha sa patte, puis il se sauva. Quand lehe ´ risson voulut rejoindre le chacal, il le retrouva. Celui-ci avait de ´ pose ´  toute laviande qu’il avait rapporte ´ e.Lehe ´ risson lui dit : « Toi, oncle chacal, dors ! Moi,

 je veux pre ´ parer deux marmites. »

Le he ´ risson prit toute la viande et la mit dans une marmite ; il mit les gros

15. Raconte ´  par Latifa Lbouzid, enregistre ´  le 26 mai 1992.

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intestins dans une autre. Quand la viande et les intestins furent cuits, lehe ´ risson prit la marmite de viande pour lui-meme et donna celle contenantles intestins au chacal. Alors que le chacal e ´ tait en train de manger, il dit : « O ˆ

oncle he ´ risson, comme elle est ame ` re, cette viande!» Le he ´ risson lui dit:

« Tourne autour d’une poutre et dis ‘‘bismillah et un peu de bismillah’’ etferme les yeux.» Le chacal fit ce que le he ´ risson lui avait dit. Le he ´ risson

 jeta un peu de viande dans la marmite du chacal.

Quand ils eurent mange ´ , le he ´ risson lui dit : « Dors, toi, et moi, je coudrai unbat pour toi. » Le he ´ risson cousit le bat, il le fit sur la taille du chacal endormi. Ilre ´ veilla le chacal et lui dit : « Le bat est a `   ta mesure, o oncle chacal, allons levendre au souk de mardi. » Le he ´ risson ajouta : « Quand tu arriveras au souk,tu vas braire comme un ane. » Arrive ´ s au souk, le chacal se mit a `  hurler. Lesle ´ vriers, alarme ´ s, arrive ` rent et saute ` rent sur lui. Le he ´ risson sauta et se cacha

sous un plat (renverse ´ ) de poterie.

CONTE 9

e li Bu Tkut.t.it 16

Ifta eli Bu Tkut.t.it17 iz.z.a kra n tazarin, inna yasnt: «Ih.   kwnt id ur ufih.

tmg imt, ak kwnt kksh. , s ˇs ˇn kwn ikrwan n xali u xali. » Yurri d, yaf tnt id skrnt

kullu iqqur.r.an. Iftu darsnt inna yasnt : « Ih.   kwnt id ur ufih.   th. llajimt, ak kwnt

kksh. , s ˇs ˇn kwn lbhaym n xali u xali. » Iftu, yaf tnt inn gant kullu iqqur.r.an

h. llajinin. Ig wli ar yat tazart, ar is ˇtta, ar ittini : « Ma iran tazart a, a imksawn. »

Tas ˇk d srs yat tag wz.nt, ar as d ittlwah. iqqur.r.an ayllih. ts ˇbe a. Tnna yas : « I r.bbi,

a eli Bu Tkut.t.it, a yyi tfft yan s tfust ad nnk ir.s ˇmn. » Iff as t yan h.  tfust nnsir.s ˇmn, tawk t id tag wz.nt. Tg t h. wawlk, tftu ar yan lmakan. Llih. ira ad as ilwr,

inna yas : « Inna yyi baba : ‘‘Wa lli ur iz.z.ul.l.n h.  g i, ur tzri tz.al.l.it nns.’’ » Tsrs t.

H. ra irz.m awlk, s ix t id tumz.. Tawi t s tgmmi nns, tg r i istis, tnna yasnt :

«Grsamt i eli Bu Tkut.t.it. » Tffag  ukan nttat, ig rs ntta i tfrxin n tag wz.nt. Ig tnt

inn h.  tkint, yasi d iguyya, ig tn h.  ssllt n tzzwa.

Tks ˇm d nttat, tggawr ar ts ˇtta h. tkint lli ayllih. ts ˇbe a. Iftueli Bu Tkut.t.it, ig wli

ar yat tayniwt, ar ittini : « Wiw, wiw, wiw, wiw, tag wz.nt mmu s ˇs ˇkal ts ˇs ˇa tarwa

nns. Tftu tzuzf tasslltt lli, taf nn  g ir iguyya. » Tasi d tajwajjayt, ar tqqaz, ar

16. Raconte ´  par Latifa Lbouzid, enregistre ´  le 27 mai 1992.

17. Takut.t.it « touffe de cheveux longs sur la tete d’un enfant ».

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tqqaz, ar tqqaz, ayllih.  tfta at td. r.  tayniwt lli. Inna yas : « Lqblt, lqblt a  e mti

tafqirt. » Turri s g i lli s as inna, id. r. fllas, tmmt.

Yut t ukan yan usnnan. Iftu dar kra n tmg arin h.  tama yat tgmmi. Yaf tnt

inn, ar ssnwant ag rum h. ufarnu. Inna yasnt : « Kssamt yyi asnnan. » Kksnt ast, ukan luh. nt t inn h. le afit. Inna yasnt : « Ih. ur yyi tffamt asnnan inu, ffamt yyi

kullu tangult lli kullu gisnt imqqur.n ! » Ffnt as tangult, yawi tt i imksawn. S ˇ s ˇan

tt. Ukan ayllih.   tt s ˇs ˇan, inna yasn: «Ih.  ur yyi tffam tawullat inu, ffat yyi yan

ubukir lli kullu gisn imqqur.n, a yimksawn. » Amz.n abukir lli kullu imqqur.n,

ffn as t. Iftu dar bu izgarn, inna yasn: «Is tram yan ubukir?» Nnan as:

« Iyyih. » S ˇ s ˇn t. Ayllih. tt s ˇs ˇan, inna yasn : « A yyi tffam abukir inu, ula ag wi lli

kullu gisn imqqur.n!» Ffn as t. Iftu s dar id bu isan, inna yasn: «Is tram

ag w

i ? » Nnan as : « Nra t. » S ˇ

s ˇn t ayllih. s ˇbe n. Inna yasn : « A yyi tffm ag w

i inu,ula ayyis lli tn kullu yugrn. » Awa, ffn as ayyis. Awa, issuda t, ar srs ittazzal

ayllih.   iks ˇm d lbh. r. Immt nnit eli Bu Tkut.t.it.

CONTE 9

Ali Boutkouttit

Ali Boutkouttit planta quelques figuiers et leur dit : « Si je ne vous trouve paspousse ´ s, je vous arracherai et les che ` vres de mon oncle vous mangeront. »Revenu, il les trouva pleins de figues. Il leur dit : « Si je ne vous trouve pasmu ˆ res (la prochaine fois), je vous arracherai et les betes de mon oncle vousmangeront. » Revenu, il les trouva toutes mu ˆ res. Il monta sur un figuier,mangea et dit : « Qui veut des figues, o bergers ? » Une ogresse vint et il lui

 jeta des figues mu ˆ res jusqu’a `  ce qu’elle fu ˆ t satisfaite. Elle lui dit : « S’il te plaıt, o

Ali Boutkouttit, donne-moi une figue avec ta petite main dessine ´ e.» Il luidonna une figue avec sa petite main dessine ´ e et imme ´ diatement l’ogresse le prita `   la main. Elle le mit dans un sac (et alla) quelque part. Quand il vouluts’e ´ chapper, il lui dit : « Mon pe ` re m’a dit que celui qui ne fait pas ses prie ` res ici,ses prie ` res ne seront plus accepte ´ es. » Elle de ´ posa le sac. Aussitot le sac ouvert,elle l’attrappa. Elle l’amena chez elle et appela ses filles. Elle leur dit : « E ´ gorgezAli Boutkouttit. » Quand elle fut partie, Ali Boutkouttit e ´ gorgea les filles del’ogresse. Il les mit dans une marmite ; il mit les tetes dans une ruche d’abeilles.

L’ogresse, rentre ´ e, alla manger dans cette marmite jusqu’a `  ce qu’elle n’eu ˆ t

plus faim. Ali Boutkouttit monta sur un palmier et cria : « Ouiou ouiou, ouiououiou, l’ogresse Muchkal a mange ´  ses filles, elle est alle ´ e de ´ couvrir cette rucheet n’a trouve ´  que des tetes. »

Elle prit une hache ; elle creusa, creusa, creusa jusqu’a `   ce que le palmier fu ˆ t

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sur le point de tomber. Ali Boutkouttit lui dit : « Laisse le tomber dans ladirection de la Mecque, o ma vieille tante ! » Elle tourna l’arbre vers la directionqu’il lui avait dite et le palmier tomba sur elle. Elle mourut.

Une e ´ pine avait pique ´  Ali Boutkouttit. Il alla vers quelques femmes pre ` sd’une maison. Il les trouva en train de cuire le pain au four. Il leur dit:« Arrachez-moi cette e ´ pine. » Quand elles l’eurent arrache ´ e, elles la jete ` rentdans le feu. Il leur dit : « Si vous ne me rendez pas mon e ´ pine, donnez-moi lepain rond le plus grand ! » Elles lui donne ` rent un pain. Il le porta aux bergers.Apre ` s avoir mange ´  tout le pain, il leur dit : « Si vous ne me rendez pas monpain, donnez-moi le plus grand bouc, o bergers. » Ils prirent le plus grand boucet ils le lui donne ` rent. Il passa chez des gens qui avaient des vaches. Il leur dit :« Est-ce que vous voulez un bouc ? » Ils lui dirent : « Oui ! » Quand ils eurentmange ´  le bouc, il leur dit : « Ou bien vous me rendez mon bouc, ou bien vous

me donnez le plus grand de vos veaux ! » Ils lui donne ` rent le plus grand veau. Ilarriva vers des proprie ´ taires de chevaux. Il leur dit : « Voulez-vous un veau ? »Ils dirent: «Nous le voulons!» Ils le mange ` rent jusqu’a `   ce qu’ils fussentsatisfaits. Il leur dit : « Ou bien vous me rendez mon veau, ou bien vous medonnez le plus grand e ´ talon ! » Eh bien, ils lui donne ` rent un cheval. Il le montaet se mit a `  courir jusqu’a `   la mer. Puis Ali Boutkouttit mourut.

CONTE 10Tiglay n tg  yult 18

Ifta yan urgaz s ssuq, yaf nn ddllah. , ie mmr. gis as ˇwariy. Yas ˇk id ar yan lxla,

tknkurri yas tddllah. t d yan umadl. Ind. r. d gis yan wawtil. Inna akkw ntta is d

id. r. h.  tddllah. t. Inna nnit : « S ˇ uf tiglay ad, illa gisnt usnus ! » Ntta iga g ar awtil.

Yawi ddllah.  lli ar tigmmi. Inna : « Hati g ayad lli sg ih.  gant tiglay n tg yult.»

Ig wz yan ugwd. i, isrs nn kullu ddllah.  lli. Iftu, yawi tag yult. Tugi ad as tgn, ibbiyas id. ar.n. Isrs tt inn h. iggi n ddllah. . Inkr d ukan taskkat ann, yaggw nn srs, yaf 

nn tag yult tfnns ˇ. Inna yas : « Ar t.s.s.a tag yult as ˇku rad tet.h. i isnas ! » Walaynni

tag yult is tmmut.

18. Raconte ´  par Latifa Lbouzid, enregistre ´  le 27 mai 1992.

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CONTE 10

Les œufs de l’a ˆ nesse

Un homme e ´ tait alle ´  au souk. La ` , il trouva des paste ` ques avec lesquelles ilremplit son double-panier. Lorsqu’il fut arrive ´   a `  un lieu inhabite ´ , une de sespaste ` ques tomba et roula au pied d’un coteau. Voila `  ! Un lie ` vre (alarme ´  par lapaste ` que heurtant l’arbre ou il avait son gıte) sembla sauter de cette paste ` que.L’homme crut que le lie ` vre e ´ tait apparu de la paste ` que. Il se dit : « Tiens, il y ade petits anons dans ces œufs ! » (Il ne savait pas que) c’e ´ tait seulement unlie ` vre!

Il apporta les paste ` ques chez lui. Il dit : « Voila ` , ce que j’ai achete ´ , ce sont les

œufs d’une anesse ! » Il creusa un trou ou il mit toutes les paste ` ques. Il amenal’anesse qui refusa de s’asseoir pour couver les paste ` ques. Il lui coupa les patteset la posa sur les paste ` ques. Quand il se re ´ veilla le lendemain, il alla voir ettrouva l’anesse grimacant avec la bouche ouverte. Il se dit : « Elle sourit, parcequ’elle va mettre bas des anons ! » Mais, en ve ´ rite ´ , l’anesse e ´ tait de  ja `   morte.

CONTE 11

Briqa 19

Yan urgaz tmmut as tmg art, ilint dars snat trbatin, Briqa d Z. rifa. Inikr, isg asnt kullu lme is ˇt n usggwas n wad. an. Inikr, irgl tigmmi, dars lbab iga uzzal.

Nkrn sin iqddas ˇn, lsin ije ad. n tmg arin. Ar sduqqurn lbab. Llih. d srsnt uggant

Z. rifa d Briqa, nnant asnt : « Ur darnh.  walu tagwmat. » Nnan as iqddas ˇn lli:

« Ttumt ist xaltim izddar. » Nkrnt tfrxin, nnant asn : « Hati nkwni ur nssn

yan. » Ftun iqddas ˇn lli, nnan asnt : « Nkwninti nga ultmas n innatunt. »

Tftu Briqa, trz.m lbab, ks ˇmnt, ukan awin d yan uxddar. Nnant i Z. rifa d

Briqa: «Nkwninti a rad awnt iskr imkli. » Nkrnt, ar tamsnt ibriyn. Nwan,

ukan ssunt tn, gnt h. idis n Briqa d Z. rifa g aylli d iwint bas ˇ at tn sgnnt. Briqa ar

tasi ibriyn, ar tn ttlwah.  h.  ugwns nns. Imma Z. rifa, ar ts ˇtta ayllih.  td. r.. Tskr nnit

Briqa zud ih.   td. r. h. tta nttat. Tssn nnit izd irgazn ad gan, mas ˇi timg arin.

Awa, asin irgazn lli kullu ma illan h. tgmmi, d ije ad. d nnqqwr.t. Asin ukris, ar

19. Raconte ´  par Latifa Lbouzid, enregistre ´   le 29 mai 1992. Une version comparable de ceconte se trouve dans l’Extrait du Corpus, une annexe de la the ` se de Chadia Derkaoui: Etude duverbe et de ses modalite s dans le dialecte Tachelhiyt (parler de Tiznit-Maroc)  Universite ´  Paris V«Rene ´  Descartes » sous la direction de Fernand Bentolila (1986).

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ttazzaln, ran ad ffag n. Tftu Briqa s ddu lbab, tskkus gis, tajj t ayllih.  iga yan

ud. ar. h. bar.r.a, yan ud. ar. h. ugwns. Tut s lbab, tbbi yas ad. ar. ; id. r. ukris s tgmmi, ur

t sul yiwi. Inna yas : « Wak wak, a Briqa, ar yyi t tskrt, walaynni ur a nn gim

tgg

w

iz.»Iftu wa lli, yawi d yan ur.am, ig as d lqrs ˇ, ig d gis sin irgazn, ur tn suggwant

ntnti. Ar yaqqra : « Awa, Briqa, hak g aylli am d yuzn babam. » Tnkr tamz. t id

iggi, as ˇku tssn izd babas ur as d yuzn walu. Tasi d immskrn, ar tkkat, ar tkkat,

ayllih.  tngi tfrawt s idammn, tsakkwi tn inn mn iggi. Inna yas : « Wak, wak,

wak, wak, a Briqa, ar yyi t tskrt, walaynni ur a nn gim tgwi z ! »

Yas ˇk d ibbatsnt, yas ˇk nn dars, isiggl tt. Iff as tt babas. Tnna yas nnit : « Wak,

wak, a baba, tffit yyi i le afit, ur d argaz. » Inna yas : « Uhu, a illi, zzman a mu

km ffih. . » Zaydn, awin tislit ; ifr.r.s ˇ kullu lbit, tili gis tsraft. Iqqd as, tili gis le afit.Tks ˇm dars ultmas n urgaz nns, tnna yas : « Ihi, a lahl n dadda h. nna, mra ka ur

tfulkit, ira km ih. rg dadda h. nna. » Tkks Briqa ije ad.  lli tlsa, tff tn i ultmas n

urgaz nns. Tnna yas : « Hak ls tn, tggawrt h.   tag mmirt ar kih.  d urrih. . » Tftu.

Inkr urgaz nns, izbu d ultmas, inna izd Briqa. Tlhu yas : « Wak, wak, a dadda

h. nna, nkki aya ! » Iluh.  tt inn, th. rg.

Tftu Briqa s tagant. Ih. yuru wus ˇs ˇn, tbbi yas abud. , tasi yan, tg t h.  wawlk. Ih.turu tqlit, tskr as  g ikann. Wa nna tufa, tbbi yas abud. , tg t h.  wawlk, ayllih.

te mmr. awlk s lhaybus ˇ  ann. Ayllih.   nn tffag  h.  yan uduwwar., iffug  d srs yanurgaz,  inna yas: «I r.bbi, a h. nna, ma tgit ? » Inna yas : « Ih.  ur tahlt, ak km

awih. . » Tnna yas : « Ur tz.d. ar.t i s ˇs ˇrut. inu. » Inna yas : « Ma t igan ? » Tnna yas :

« A yyi d tawit izimmr i d yid. . » Inna yas : « Z. d. ar.h.  as. » Llih.  tt id yiwi, ar as

yakka izimmr kulla yid. . Iskr as tasxxart. Ar tasi izimmr lli, ar t takka i lhaybus ˇ

lli. Tg tn h.  yat lbit wah. dutn ayllih.  mqqur.n.

Ar yan wass yas ˇk id urgaz lli tt adlli yiwin, tluwr as. Iga ae t.t.ar, ar izznza

takwwut. Tnna yas tsxxart : « Zznz yyi kra n takwwut, i r.bbi. » Llih.   as te bbr,

tnna yas : « Ur gis ma nttgga Briqa izd nkki. » Inna yas : « Mah.   tlla lallam

Briqa ? » Tnna yas : « Tlla g i.» Inna yas: «Rz.m yyi ad dars kkh. . »

Tili Briqa wah. dat h. yat lbit, iks ˇm nn srs, inna yas : « Imma g assa, a Briqa ! »

Tnna yas : « Skr yyi ad sawlh. yan wawal, wiss sin : ad ah. istr r.bbi. » Tnna nnit :

«A tus ˇs ˇnt! A tiqlit! A talgwmat.t. ! A tig rdmt!» Akwin d lhaybus ˇ  lli, skrn gis

tbrzzay. Td. r. yat tmqqit n idammn. Tluh. tn inn h. taddart. Inkr d tufaf. Ar yan

wass, ar ttaru Briqa, tra imikk n tufaf. Tftu, tawi yas t id h.  taddart lli. Ts ˇs ˇ  tt

ukan, tmmt.

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CONTE 11

Briqa

Un homme avait perdu sa femme. Il avait deux filles, Briqa et Zrifa. Il leuracheta des provisions pour une anne ´ e. Il ferma la maison qui avait une porte defer. Deux voleurs, de ´ guise ´ s en femmes, frappe ` rent a `   la porte. Quand elles virentqui e ´ tait la ` , Zriqa et Briqa leur dirent : « On n’a pas de famille ! » Les deuxvoleurs dirent : « Vous avez oublie ´  vos tantes ! » Les filles leur dirent : « On neconnaıt personne ! » Les voleurs leur dirent : « Nous sommes les sœurs de votreme ` r e ! »

Briqa ouvrit la porte. Ils entre ` rent avec un sac dans leurs mains. Les fausses

tantes dirent a `  Zriqa et Briqa : « Nous allons pre ´ parer le dıner pour vous ! »Elles commence ` rent a `  rouler le couscous. Quand le couscous fut cuit, ellesl’arrose ` rent et ajoute ` rent un soporifique dans la portion du plat destine ´ e a `Briqa et Zriqa. Briqa prit le couscous et le mit dans son giron. Mais Zriqa,apre ` s avoir pris du couscous, tomba par terre. Briqa fit semblant de tomberaussi. Alors elle de ´ couvrit que c’e ´ taient des hommes et non des femmes !

Ces deux hommes prirent tout ce qu’il y avait dans la maison : des vetement,de l’argent... Ils remplirent un sac a `  nœud et se mirent a `  courir et voulurentsortir. Briqa e ´ tait de  ja `   assise derrie ` re la porte. Elle attendit le moment ou

l’homme mit un pied dehors et un pied dedans. A ` ce moment-la `  elle le frappaavec la porte (de fer) et lui coupa un pied. Le sac tomba dans la maison ; levoleur ne le portait plus ! Il lui dit : « O ˆ  Briqa, tu m’as joue ´ un tour ! mais tu vasle regretter ! »

Alors il apporta un chameau muni d’un double sac  (achouari) dans lequel ilavait cache ´  deux hommes. Les filles ne les avaient pas vus. Il (le voleur) appelaBriqa: «Voila `  ce que ton pe ` re t’a envoye ´ ! » Elle apporta le sac sur le toit, carelle savait que son pe ` re ne lui avait rien envoye ´ . Elle prit un peigne a `  carder lalaine et frappa sur les sacs jusqu’a `   ce que du sang coulat de la gouttie ` re. Elle

 jeta les sacs du toit. Il (le voleur, ayant vu ce que la fille avait fait) lui dit : « O ˆ , oBriqa, tu m’as joue ´  un tour ! mais tu vas le regretter ! »

Leur pe ` re revint. Il (le voleur, plein de de ´ sir de vengeance) vint demander la(main de Briqa). Le pe ` re la lui donna. Elle dit a `  son pe ` re : «He ´ las, o Papa, tum’as donne ´ e a `  l’Enfer, pas a `   un homme ! » Il dit : « Mais non, ma fille, c’est enmariage que je t’ai donne ´ e.» Ils amene ` rent la fiance ´ e (Briqa) ; il (le voleur)avait une chambre toute meuble ´ e ; il y avait aussi un silo (creuse ´  en sous-sol). Ilalluma un feu dans le silo. La sœur de son mari entra chez Briqa et lui dit :« He ´ las, o femme de mon fre ` re aime ´ , si tu n’e ´ tais pas si jolie ! Mon fre ` re veut te

bru ˆ ler ! » Briqa se de ´ shabilla et donna les vetements a `  sa belle-sœur. Elle lui dit :« Tiens, mets-les, assieds-toi dans le coin, jusqu’a `   ce que je revienne. » Ellepartit. Son mari vint prendre sa sœur, croyant que c’e ´ tait Briqa. Elle lui dit :« O ˆ  mon cher fre ` re, c’est moi ! » Il la jeta au feu.

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Briqa e ´ tait alle ´ e dans la foret. Quand la femelle du chacal mit bas, elle l’aida(comme sage-femme) et coupa le cordon ombilical. Elle (obtint la permission)de prendre un petit chacal qu’elle mit dans un sac. Quand la femelle du le ´ zardmit bas, elle fit la meme chose. Celle qu’elle trouvait (en train de mettre bas),

elle coupait pour elle le cordon ombilical et elle mettait un petit animal dans lesac jusqu’a `  ce qu’elle eu ˆ t rempli ce sac avec des petits de plusieurs animaux.

Quand elle arriva a `   un village, un homme la rencontra en disant : « Au nomde Dieu, qui es-tu ? » Il dit aussi : « Si tu n’es pas marie ´ e, je t’e ´ pouse ! » Elle luidit : « Tu ne supporteras pas les conditions. » Il demanda : « Quelles condi-tions ? » Elle lui dit : « Que tu m’apportes un be ´ lier chaque soir. » Il dit : « Jepeux le faire ! » Quand il l’eut e ´ pouse ´ e, il apporta un mouton chaque soir. Ildonna une servante a `  Briqa, qui prenait le mouton et le donnait aux animaux.Elle gardait les animaux dans une chambre, seuls, jusqu’a `   ce qu’ils fussent

devenus grands.

Un jour, l’homme qui l’avait e ´ pouse ´ e auparavant et de chez qui elle s’e ´ taitsauve ´ e, vint. Il e ´ tait marchand et vendait du takwwut (galle de tamaris utilise ´ epar les femmes pour noircir leurs cheveux). La domestique lui dit : « Vendez-moi un peu de takwwut, s’il vous plaıt. » Quand il le lui pesait, elle lui dit : « C ane suffit pas pour Briqa et moi » Il lui demanda : « Ou est votre maıtresseBriqa ? » Elle lui dit : « Elle est la ` ! » Il lui dit : « Ouvre-moi la porte pour que jelui rende visite ! »

Briqa e ´ tait seule dans une chambre, il entra et dit : « Ton jour est arrive ´ , oBriqa ! » Elle lui dit : « Laisse-moi dire un seul mot, le deuxie ` me e ´ tant ‘‘queDieu nous prote ` ge’’. » Elle dit : « O ˆ   chacal, o le ´ zard, o serpent, o scorpion ! »Les betes saute ` rent sur lui et le coupe ` rent en morceaux. Une goutte de sangtomba sur la terre. Elle la jeta a `  l’endroit des ruches. La ` , la chicore ´ e commenca(tufaf) a `   pousser.

Un jour, Briqa, enceinte, avait envie d’une touffe de cette plante. La servantealla le chercher a `  l’endroit des ruches. Quand Briqa l’eut mange ´ e, elle mourut.

HARRY STROOMER

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TAD. A, UN PACTE SACRE ´

DE PONDE ´ RATION TRIBALE 1

par

Hammou Belghazi

L’homme accomplit des rites religieux ou civils pour marquer le passaged’un e ´ tat, d’un statut, d’un monde... a `  un autre (cf. A. Van Gennep, 1981 : 35-56) ; exemple : le passage du profane au sacre ´ , du ce ´ libat au mariage, de laguerre a `  la paix ou inversement. Dans le Maroc pre ´ colonial, socie ´ te ´   a `   E ´ tattraditionnel de ´ pourvu d’une puissante organisation centralisatrice, les conflits,si fre ´ quents, se de ´ roulaient a `   deux niveaux : d’un cote ´   entre le   Makhzen(pouvoir central) qui luttait sans relache pour assujettir l’ensemble du payset les tribus dissidentes qui lui re ´ sistaient farouchement ; de l’autre, entre lescomposantes d’une tribu, les tribus d’une « confe ´ de ´ ration » ou les « confe ´ de ´ -rations » de tribus. Sur ce second plan, notamment a `  l’inte ´ rieur des re ´ gions nonsoumises a `  l’administration de l’autorite ´  souveraine, le maintien de l’e ´ quilibreintra- et intertribal se re ´ alisait au moyen, entre autres, des pactes intergroupestels que le traite ´  de tad . a.

Nom d’action fe ´ minin du parler berbe ` re tamazight, le mot tad . a semble, ausens e ´ tymologique, de ´ signer l’allaitement collectif ; il de ´ riverait peut-etre de laracine DD.   ou TD.   qui fournit le verbe dded . ou tted . (te ´ ter) et les autres termes de

la meme famille lexicale : ud . ud .  (action de te ´ ter, succion), asutted .  (allaitement),amsuttad .   (allaitement re ´ ciproque), etc. Au point de vue sociologique, la  tad . aest un pacte bilate ´ ral servant d’abord a `  faire passer les parties contractantes(tribus ou/et fractions de tribus) de la relation belliqueuse a `   la relationpacifique ; elle peut se de ´ finir comme une institution coutumie ` re fonde ´ e surun ensemble de pratiques et de croyances populaires qui, pour ainsi dire, lui

1. Version legerement modifiee d’une communication presentee au cours des  Cinquie `mesRencontres Sociologiques de Besanc¸on (02/12/1995), dont les actes sont publie ´ s chez L’Harmat-tan (collection Utinam) en 1996 sous le titre : Comment peut-on e ˆ tre socio-anthropologue? Autour

d’Henri Hatzfeld . La matie ` re de cette communication est tire ´ e d’une recherche doctorale enpre ´ paration sur « la pratique et la de ´ sue ´ tude de tada chez les Zemmour ». (Groupement berbe ` reoccupant la re ´ gion sise entre les trois villes du Nord-Ouest : Mekne ` s, Rabat et Oulme ` s, lesZemmour, il y a a `  peine trois quarts de sie ` cle, pratiquaient le semi-nomadisme et vivaient encoresous la tente).

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 141-151

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 jouir ici-bas de l’action be ´ ne ´ fiquedecesproduits,ilnesuffitpasdelesmanipuleravec pre ´ caution.Ilfautsurtoutenoffrirunepartie,depre ´ fe ´ rence, sous forme denourriture. Ce faisant, le donateur gagne en retour l’amitie ´   du donataire.L’hospitalite ´  fonde un lien e ´ le ´ mentaire de subordination qui se volatilise du

simple fait de rendre le don. Elle met celui qui la donne en position supe ´ rieure etcelui qui la recoit en position infe ´ rieure. Cette situation de positions ine ´ gales nese produit pas pendant la conclusion de la tad . a, puisque les groupes ce ´ le ´ brantse ´ changent les plats rituels. Autrement dit, ils sont sur un pied d’e ´ galite ´  dans lamesure ou chacun d’eux pratique simultane ´ ment le don et le contre-don.

L’interpre ´ tation populaire, reprise sous une forme savante par GeorgesMarcy (1936 : 957), reste muette quant au role que la nourriture joue dans lamise en place du pacte de tad . a. Elle porte cependant l’accent sur l’ingre ´ dientqui particularise le repas ce ´ re ´ moniel, a `  savoir le lait de femme. La primaute ´ainsi accorde ´ e a `  la substance lactaire tient a `   l’efficacite ´  du lait maternel pourtisser des liens de type parental entre des personnes non apparente ´ es. Lesfemmes du groupe donateur sont pre ´ sume ´ es allaiter les hommes du groupedonataire et, en conse ´ quence, les futurs allie ´ s s’identifient aux fre ` res de lait.D’ordinaire, lorsqu’un be ´ be ´   tete une femme autre que sa ge ´ nitrice, il devient« membre » de la famille nourricie ` re mais sans y etre inte ´ gre ´  ou assimile ´   aupoint de changer de nom et d’avoir droit a `   la succession ; les parents leconside ` rent comme leur fils et les enfants comme leur fre ` re. Pour sa part, il aenvers eux des devoirs de respect, d’aide et de reconnaissance. Ce qui n’est pas

sans rappeler le rapport amphitryon-convive. Du reste, chose absente desre ` gles de l’hospitalite ´ , il lui est interdit d’e ´ pouser ses sœurs de lait et sanourrice3. Ces devoirs et obligations incombent e ´ galement aux gens lie ´ s parla tad . a. Mais il ne faut pas croire que le lien de  tad . a soit la re ´ plique exacte de larelation e ´ tablie par l’allaitement.

Le second rite, un des e ´ le ´ ments qui distinguent la tad . a de la parente ´  de lait,semble comple ´ ter ou pre ´ ciser le premier. Apre ` s avoir consomme ´   les metsrituels, les inte ´ resse ´ s se re ´ unissent en vue d’exe ´ cuter ce rite. Ils se de ´ chaussentet posent par terre l’une ou l’autre chaussure de manie ` re a `   former un taspratiquement constitue ´  de chaussures droites du groupe A et de chaussuresgauches du groupe B ou vice-versa. Une fois les chaussures rassemble ´ es etdissimule ´ es sous une couverture, l’homme le plus age ´  des contractants (Cour-simault, 1916 : 262) ou deux notables (G. Surdon, 1928 : 124-125) issu(s) desdeux groupes proce ` de(ent) a `   l’ope ´ ration du tirage au sort. Du tas, il(s)extrait(ent), une par une, les paires de chaussures et les pre ´ sente(ent) a `l’assistance. De ´ sormais, les proprie ´ taires des chaussures composant chaquepaire sont de ´ clare ´ s unis par le pacte. Le tirage de la dernie ` re paire e ´ tanteffectue ´ , les participants se rechaussent.

3. Telle qu’elle vient d’etre expose ´ e, la pratique de l’allaitement e ´ tait en application dans lape ´ ninsule arabe avant l’ave ` nement de l’Islam. Voir Kh. Chatila (1933 : 203), E. Conte (1991 : 81)et H. Belghazi (1995 : 51).

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Le recours au proce ´ de ´  du hasard vise a `  escamoter d’e ´ ventuelles contesta-tions et a `  couper court au traitement de faveur. Ni la richesse ni la pauvrete ´ (ouautres crite ` res) ne sauraient donc entrer en jeu. Tout chef de famille dugroupe A peut avoir pour proche allie ´   tout homme marie ´   du groupe B et

re ´ ciproquement. Les contractants s’estiment e ´ gaux quelle que soit leur condi-tion sociale. Ils ressemblent en quelque sorte aux moitie ´ s d’une paire dechaussures. Comme elles, ils sont syme ´ triques, c’est-a ` -dire semblables etoppose ´ s ou diffe ´ rents. Cela dit, essayons a `   pre ´ sent de comprendre ce quel’action de se de ´ chausser signifie.

Nombre de socie ´ te ´ s accordent une importance particulie ` re a `   ce gestesimple que nous exe ´ cutons tous les jours. Au Maroc comme partout auMaghreb, on se conforme a `   l’obligation de s’engager nu-pieds dans les

lieux sacre ´ s tels que la mosque ´ e et le sanctuaire. Franchir le seuil de lasalle de prie ` re ou de la chambre fune ´ raire sans se de ´ chausser, c’est, au sensexe ´ ge ´ tique, y introduire la souillure et, de ce fait, s’exposer a `   la male ´ dic-tion divine.   Remarque :   pour peu qu’on prete attention aux objets setrouvant dans les endroits saints des e ´ difices cultuels, on ne manquerapas de voir des chaussures pose ´ es a `   cote ´   de certains fide ` les en pleinede ´ votion. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Tout en e ´ tant synonyme d’impurete ´  a `  cause de son contact avec les ordures,la chaussure est conside ´ re ´ e comme un objet de valeur non pas pour son utilite ´

mate ´ rielle, mais en raison de sa charge symbolique. La signification de cettecharge varie suivant les civilisations ou/et les situations (cf. La Bible, Ruth IV,7-8; E. Cassain, 1978: 294-315; M. Granet, 1948: 219-228; M. Gast &J.-P. Jacob, 1978-79 : 223-233). Du point de vue qui nous inte ´ resse, la symbo-lique de la chaussure touche la proprie ´ te ´   foncie ` re. Une coutume kabyle(Alge ´ rie), de ´ crite et explique ´ e par Jean Servier (1985 : 123-126), est a `   cete ´ gard instructive : quand un diffe ´ rend s’e ´ le ` ve au sujet de l’acquisition d’unlopin de terre, les contestataires doivent jurer sur la tombe d’un saint que ledroit de proprie ´ te ´ leur revient ; apre ` s quoi, chausse ´ s (condition sine qua non), ils

vont frapper du pied droit le sol de la parcelle litigieuse en re ´ citant les parolesdu serment. Aux yeux de l’auteur, cet acte gestuel (et ge ´ ne ´ ralement le fait demarcher avec des chaussures) symbolise la prise de possession immobilie ` re. Lamosque ´ e (maison de Dieu) et le sanctuaire (demeure du saint), souligne-t-il, nesont pas susceptibles d’appropriation ; alors, on est tenu d’enlever ses chaus-sures avant d’y pe ´ ne ´ trer.

Ce qui vient d’etre dit e ´ claire pleinement le cas des parties au pacte. Lescontractants se de ´ chaussent pendant l’exe ´ cution du rite de la chaussure etapre ` s la conclusion du traite ´ , c’est-a ` -dire quand les uns foulent le sol des autres.

De cette manie ` re, les membres du groupe A montrent qu’ils n’ont sur leterritoire du groupe B, et inversement, aucun droit de proprie ´ te ´  a `  faire valoir.Il s’agit la `  d’un moyen pacifique pour lutter contre l’empie ´ tement et la spolia-tion lie ´ s au semi-nomadisme guerrier de l’e ´ poque pre ´ coloniale. E ´ poque ou la

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pratique de la tad . a occupait une place sensible dans l’organisation tribale. Aufait, quelle est l’origine du pouvoir attribue ´   a `   la chaussure ?

Ledit pouvoir semble provenir du pied et de toutes les forces qu’on rattache

a `   cet organe. Au niveau physique, les pieds constituent la base sur laquellerepose le corps tout entier de l’homme en station verticale. Leur malformationfait apparaıˆtre une certaine irre ´ gularite ´  du corps orthostatique et en mouve-ment. Au plan symbolique, l’inte ´ ret porte ´   au pied n’est pas moindre(cf . A. Souzenelle, 1991 : 87-117). Par l’expression « etre sous le pied », lesBerbe ` res du Maroc central entendent « etre sous l’autorite ´  de... ». L’autorite ´ ,c’est aussi le pouvoir, la force et la puissance. Le pied exprime le pouvoir ;pouvoir de marcher, de se de ´ placer, de courir, de fuir, etc. Les entraves duprisonnier et de l’esclave n’ont-elles pas e ´ te ´   invente ´ es pour soumettre cesindividus et les empeˆcher de s’e ´ vader ? Source d’e ´ nergie et symbole d’autorite ´ ,il est e ´ galement tenu pour un lieu fragile. (Achille « au pied le ´ ger » et au talonvulne ´ rable ne dirait pas le contraire). Dans l’esprit du Marocain illettre ´ , lamort pe ´ ne ` tre le corps par les pieds et le quitte par la tete. Tout bien conside ´ re ´ ,ce caracte ` re ambivalent (force/faiblesse) rappelle l’ambivalence de la chaussureen tant que symbole (objet de valeur et synonyme d’impurete ´  et d’ordure). Enun mot, la chaussure amplifie les caracte ´ ristiques qu’on accorde au pied.

Cependant, une question demande a `  eˆtre e ´ lucide ´ e en vue de mieux montrercomment le rituel sert a `  consacrer les liens intergroupes. Pourquoi contracte-t-

on la   tad . a   dans le voisinage du sanctuaire d’un saint ou d’une enceintemac¸onne ´ e en forme de margelle ? A dire vrai, on ne saurait saisir la fonctionde ces e ´ difices dans la conclusion de la tad . a sans prendre en compte le culte dessaints ; une pratique largement observe ´ e dans les milieux ruraux et populairesmarocains (cf. P. Pascon, 1985 : 80).

Les gens du peuple assignent au saint de multiples vertus, puisqu’il passepour de ´ tenir un pouvoir surnaturel ; la baraka. Ceci lui permet d’accomplir desactes fastes ou ne ´ fastes suivant qu’il est comble ´   ou le ´ se ´ . Il peut gue ´ rir desmaladies incurables, faire tomber la pluie, calmer la tempete aussi bien

naturelle que sociale (luttes tribales, litiges interfamiliaux...), etc. En revanche,il est capable d’ane ´ antir un troupeau d’animaux domestiques, de causer uneinfirmite ´  physique ou mentale a `   une personne, de bru ˆ ler a `  distance un champdece ´ re ´ ales, de rendre infe ´ conde une femme ou une femelle, etc. C’est pourquoi,de son vivant et plus encore apre ` s sa mort, le de ´ tenteur de la baraka  (ou lefaiseur de « miracles ») est place ´  au-dessus de la mele ´ e, ve ´ ne ´ re ´  et sollicite ´ . On serend au sanctuaire abritant sa tombe pour y preter serment, re ´ gler un diffe ´ rendou demander une faveur apre ` s y avoir de ´ pose ´  des offrandes.

De son vivant, le saint sillonne les territoires des tribus pour recevoir ou

re ´ colter des dons et be ´ nir les donateurs. Souvent a `  la demande de ces derniers,il leur e ´ difie un modeste monument : en re ` gle ge ´ ne ´ rale une enceinte construiteavec des pierres brutes et de l’argile de ´ laye ´ e dans l’eau, de forme circulaire, a `ciel ouvert et d’environ 0,50 m. de hauteur et 0,80 m. de diame ` tre. Dans

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diverses civilisations, parce qu’elle est solide et relativement pe ´ renne, la pierrefait figure de fixateur du pouvoir supra-naturel ou des forces invisibles(cf . A.-M. Hocart, 1973 : 38-43). Par son contact avec le mate ´ riau, doit-ondonc comprendre, le saint y applique l’empreinte du fluide divin 4 ; i l le

sacralise. Ainsi e ´ rige ´ e, l’enceinte sera de ´ sormais l’objet de culte et de de ´ votionau meme titre que le sanctuaire.

L’analyse qui pre ´ ce ` de fournit les e ´ le ´ ments ne ´ cessaires et suffisants pouraffirmer que le rituel peut etre un acte sanctifiant des relations intergroupes. Larencontre de certains contractants pre ` s d’une enceinte cultuelle et la re ´ uniond’autres dans les environs du sanctuaire d’un saint ont un meme objectif : laconse ´ cration du pacte de tad . a.

Cette conse ´ cration se re ´ alise par le fait que les membres des partis inte ´ resse ´ s

placent leur pacte sous la protection de la puissance divine suppose ´ e eˆtre fixe ´ edans ces monuments et prennent le saint pour te ´ moin de cet e ´ ve ´ nement. Sansdoute, soit dit en passant, l’Islam orthodoxe et l’islamisme traitent-ils cespratiques et croyances d’he ´ re ´ sie ou de non-conformite ´  aux enseignements dela religion musulmane, puisque celle-ci interdit au croyant d’adresser sonadoration a `   une autre divinite ´  qu’Allah. La question n’est pas aussi simplequ’on pourrait le penser. L’Islam du peuple ou populaire est loin d’etrel’application absolue et fide ` le de l’Islam du Livre.

La conse ´ cration du lien de   tad . a   se re ´ alise en outre par le biais de la

consommation du repas des uns par les autres. Si de coutume le don alimen-taire (l’hospitalite ´ ), pour les raisons pre ´ cite ´ es, rattache ou subordonne ledonataire au donateur, il e ´ tablit entre les collectivite ´ s ce ´ le ´ brantes un rapportsacre ´  ou percu comme tel. Sacre ´  non seulement parce que le repas contient desingre ´ dients (ce ´ re ´ ales et lait de femme) «charge ´ s » d’effluve sacre ´ , mais aussiparce que c’est un repas religieux (pas toujours au sens islamique), c’est-a ` -direqu’il est pre ´ pare ´ , offert et consomme ´   dans des lieux sanctifie ´ s ou sous lepatronage du sanctificateur de ces lieux.

II. MANIFESTATION DE LA NATURE SACRALE DU PACTE

En vertu des rites accomplis et du pacte conclu, les contractants se consi-de ` rent comme des fre ` res de lait, voire plus ; les uns deviennent des etres sacre ´ saux yeux des autres. Quand un homme s’adresse a `  son allie ´ , il fait pre ´ ce ´ der sonnom du titre honorifique (sidi) re ´ serve ´  en principe au de ´ tenteur de l’e ´ nergie

divine ou de pouvoir temporel. Il le place au meme niveau qu’un saint, jure par

4. E. Durkheim a suffisamment discute ´  la question de la transmission ou de la propagation dece fluide qu’il a de ´ signe ´ e par l’expression: « la contagiosite ´  du sacre ´ » (1968 : 455-464).

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lui et ne peut contester ni refuser son arbitrage dans le re ` glement d’un conflit – meme en cas de meurtre. Et pour cause : la personne de l’allie ´   ou, mieuxencore, le lien inter-allie ´ s (la tad . a) est regarde ´  comme une force sacre ´ e, doncredoutable. La nature sacrale de ce lien se manifeste particulie ` rement dans

deux des obligations pesant sur les u-tad . a-s 5, soit l’interdiction du mariage et laprohibition de la violence 6.

La re ´ alisation d’une alliance matrimoniale ou d’une action violente dans lere ´ seau des relations propres au pacte est – au sens des allie ´ s – une anomalie,une horreur ou un pe ´ che ´ . En d’autres termes, e ´ pouser une femme du groupeallie ´   ou porter atteinte a `   la personne et/ou aux biens d’un individu de cegroupe, c’est transgresser le traite ´   de tad . a et, par conse ´ quent, etre passible desanction. Mais pourquoi un homme et une femme lie ´ s par la tad . a n’ont-ils pasle droit de s’unir par le mariage ? Qu’est-ce qui fait que la violence soit prohibe ´ edans un contexte socio-historique ou le recours a `   l’emploi de la violence estquasi le ´ gitime ? Si violation de ces interdits il y a, quel genre de peine encoure leviolateur ?

Au terme des perceptions populaires, les liens du mariage et les actes deviolence ne doivent en aucune facon se produire entre les gens du traite ´ . Car, enconside ´ ration du lait de femme contenu dans la nourriture ce ´ re ´ monielle et de laconsommation de celle-ci dans un endroit participant de l’espace sacre ´ , lesmembres de chacune des unite ´ s allie ´ es tiennent les hommes et les femmes de

l’autre pour des fre ` res et sœurs ou pour des saints et saintes. Tout se passecomme si le principe prohibitif de ces liens et actes e ´ tait l’allaitement symbo-lique (ou la parente ´  de lait) double ´ (e) de l’effluve divin et dynamique.

Dans les pays de confession islamique, la parente ´  de lait se substitue a `   laparente ´  biologique en matie ` re de mariage. Un garc¸on et une fille allaite ´ s d’unmeme sein ne sont pas en droit de se marier ni d’avoir des relations sexuellesparce qu’ils tiennent lieu de fre ` re et de sœur proprement dits. Mais, toutcomme les cousins paralle ` les ou croise ´ s, leurs enfants peuvent s’e ´ pouser. Cequi n’est pas le cas des utad . a-s, meme s’ils se confondent avec les fre ` res et sœurs

de lait. Qu’il s’agisse des contractants ou de leurs descendants (enfants, petits-enfants, arrie ` re-petits-enfants...), le champ matrimonial est toujours ferme ´ :point d’union conjugale entre un homme et une femme tant que leurs groupesentretiennent la relation de tad . a.

L’interdit matrimonial s’e ´ tend a `  plusieurs ge ´ ne ´ rations du fait que chacundes groupes u tad . a-s est pour l’autre un ensemble d’individus assimilables nonseulement aux fre ` res de lait mais encore aux personnages sacre ´ s, c’est-a ` -diredote ´ s de pouvoir surnaturel et e ´ ternel ; la baraka, et dignes d’un respect absolu :

5. Pluriel de u tada (fe ´ m. ult tada) : individu ou groupe d’individus pratiquant la tad . a. Ce motpeut eˆtre un nom ou un adjectif.

6. Il s’agit de la violence physique (coups, blessures...) et morale ou symbolique (offense,de ´ rision...)

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nul ne doit faire, dire ou penser du mal envers ses allie ´ (e)s. Cette exigencesemble incompatible avec le mariage pour la simple raison que le me ´ nage est ensoi porteur d’antagonismes. Il n’est pas de couple ou il n’arrive jamais auxconjoints de vivre des moments de tensions sourdes ou exprime ´ es. Celui qui

prend pour e ´ pouse sa « sœur » du pacte ne fait pas que violer l’interditmatrimonial ; il manque aussi a `   la re ` gle prohibant la violence, puisque la vieconjugale engendre des querelles. Justement, c’est pour e ´ viter toute actionsusceptible de nuire a `  la personne sacre ´ e de l’ul tada et quelque facheux effetpouvant en de ´ couler que les parties allie ´ es bannissent les unions de leursrelations.

Sont e ´ galement bannis de leurs rapports les gestes ignobles, les parolesabjectes, les intentions malveillantes ; bref, les actes de violence physique et

morale. Cela fait penser a `   la situation des fre ` res de lait plutot qu’a `  celle desfre ` res biologiques. Contrairement aux premiers dont le lien repose sur lerespect re ´ ciproque, les seconds ne sont pas a `   l’abri des de ´ meˆle ´ s. La questiond’he ´ ritage en est le meilleur exemple. Par suite de l’utilite ´  e ´ conomique et de lavaleur symbolique des biens successoraux (A. Gotman, 1988 : III), le partagedu patrimoine entre les enfants d’un de ´ funt s’accompagne de conflits latents oumanifestes. Les fre ` res de lait ne risquent pas de connaıˆtre de tels conflits en cesens que la fraternite ´ ou la parente ´ cre ´ e ´ e par l’allaitement ne donne aucun droitde succession. Ils n’ont pas en commun ce qui unit ou oppose les fre ` resgermains, consanguins ou ute ´ rins ; a `   savoir la richesse mate ´ rielle et le patri-

moine symbolique de la famille. Sans nul doute est-ce pour cela qu’ils sont unmode ` le d’entente et d’harmonie et que les  u tad . a-s adoptent leur comporte-ment : ni diffe ´ rend, ni dispute.

L’interdiction de la violence vient aussi de ce que l’u tad . a   est un etreimpre ´ gne ´  de baraka pour son homologue. Les gens de la  baraka sont respecte ´ stant par ferveur religieuse que par peur de s’attirer les foudres de la male ´ dictiondivine. Ce qui n’est pas sans rapport avec la question du manquement a `   laprohibition du mariage et de la violence ; question dont l’examen ne peut

qu’e ´ clairer davantage le caracte ` re sacre ´  du lien interallie ´ .Ce manquement suppose non pas une sanction terrestre (amende, incarce ´ -

ration, exil...) mais une peine magico-religieuse ou un chatiment ce ´ leste. C’est-a ` -dire qu’il met en mouvement le cote ´   male ´ fique du fluide divin que les«fre ` res » du pacte portent en eux. Du fait de l’influence pernicieuse de cefluide, le transgresseur des interdits peut contracter une maladie, avoir unaccident, tomber dans la mise ` re ou perdre la vie. La croyance en l’existence despuissances occultes et en leur intervention en tant que force re ´ pressive desactions re ´ pre ´ hensibles des hommes est l’une des caracte ´ ristiques des socie ´ te ´ s

dites traditionnelles (voir J. Servier, 1964 : 159-170). D’apre ` s la tradition orale,lesdits interdits sont rarement viole ´ s et ce, nous paraıt-il, grace a `  une foule dere ´ cits mythiques tissus autour du phe ´ nome ` ne de la tad . a. Re ´ cits dont le plusce ´ le ` bre est l’histoire de la chaıˆne se transformant en serpent.

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Si vous interrogez un vieillard du Maroc central au sujet de la  tad . a, il nemanquera pas de vous dire qu’un ou plusieurs individus de la tribu X serendirent un jour a `  tel endroit. Sur leur chemin traversant le territoire de latribu Y, ils aperc¸urent une chaıne pre ` s d’un ancien emplacement des tentes de

transhumants. L’un d’eux voulut la prendre. Au moment ou il se pencha pourla ramasser, elle se me ´ tamorphosa en vipe ` re. Stupe ´ fait, il s’e ´ loigna. Le reptileredevint ce qu’il e ´ tait auparavant. Quand il s’en approcha de nouveau, l’objetreprit la forme ophidienne. Re ´ flexion faite, ils comprirent que la chaıneappartenait a `   leurs allie ´ s (les gens de la tribu Y).

Et si vous lui demandez des pre ´ cisions a `  propos de la pie ` ce maıˆtresse dure ´ cit ; la chaıne, il vous re ´ pondra : celle qui unit les deux anneaux me ´ talliquesqu’on place au niveau infe ´ rieur des jambes ante ´ rieures des chevaux et desmulets pour les empecher de s’e ´ loigner ou de se sauver. Mais, il y a plus : lasignification symbolique de l’objet concret et de sa me ´ tamorphose.

D’un bout a `   l’autre du monde et depuis l’antiquite ´  au moins, la chaıˆne atoujours e ´ te ´   le symbole des rapports « entre deux extremes ou deux etres »(J. Chevalier & A. Geerbrant, 1985 : 200). A partir de la ` , il y a lieu de croire quela chaıne symbolise la tad . a qui est, en effet, un pacte bilate ´ ral par excellence. Lapremie ` re attache deux anneaux, la seconde relie deux groupes. Ce pacte estsacre ´  et dangereux. Ses principes et obligations doivent etre respecte ´ s, autre-ment il devient semblable a `   la chaıne s’incarnant dans le corps ophidien. En

tant qu’animal crachant la mort, le serpent repre ´ sente la force invisible (lepouvoir de la  tad . a) dans sa re ´ action male ´ fique. Le malheur ou le chatimentsuppose ´   en etre l’e ´ manation ressemble a `   la morsure du reptile venimeux ; ilpeut etre fatal pour le violateur de l’interdiction du mariage et de la prohibitionde la violence.

Tout compte fait, ce genre de re ´ cit, si burlesque puisse-t-il paraıˆtre, joue unrole pre ´ ventif. Il met en garde le pratiquant de la  tad . a contre la violation desinterdits qui lui sont prescrits. Bien entendu, l’efficacite ´   du re ´ cit mythique,c’est-a ` -dire son impact sur l’auditeur, de ´ pend du fait d’y croire. Le pratiquant

en question y croit force ´ ment parce qu’il naıˆt et e ´ volue dans un environnementqui baigne dans l’univers du sacre ´ : culte des saints, ve ´ ne ´ ration des cre ´ aturesinvisibles (ge ´ nies), etc. Il croit a `  la le ´ gende dans la mesure ou, justement, elle luiparle du phe ´ nome ` ne myste ´ rieux du sacre ´ . Phe ´ nome ` ne que l’homme conc¸oitcomme une puissance pe ´ rilleuse et redoutable (cf . R. Caillois, 1991 : 30-31).Objet de croyance populaire, le re ´ cit mythique fascine l’esprit, inspire l’effroiet, partant, avertit l’e ´ ventuel imprudent du danger qui le guette.

En dernie ` re analyse, le re ´ cit mythique ne fait qu’amplifier l’ide ´ e que le pactede tad . a est une relation sacre ´ e et dangereuse. C’est apparemment en vertu de la

crainte qu’il insufflait aux contractants que, jusqu’a `   la fin de la « pacification »(expression euphe ´ mique de conqueˆte militaire) du Maroc en 1934, ce traite ´   a

 joue ´  un role capital dans l’e ´ quilibre des populations pastorales et guerrie ` res.Deux conditions indispensables a `   la re ´ gulation intra- et intertribale ont e ´ te ´

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instaure ´ es au moyen de la tad . a. La premie ` re concerne le re ` glement des conflitsinterindividuels et intergroupes de manie ` re pacifique dans un milieu sensible etpropice aux luttes intestines. La seconde inte ´ resse la cre ´ ation de zones neutresou de non-violence ne ´ cessaires a `  re ´ aliser la production e ´ conomique base ´ esurle

de ´ placement des troupeaux.

Aujourd’hui, la tad . a ne fonctionne plus en tant que facteur re ´ gulateur del’organisation tribale. Sa quasi-disparition s’explique, nous semble-t-il, partrois faits qui, a `  des degre ´ s variables, ont affecte ´  la socie ´ te ´  marocaine pendantles pe ´ riodes coloniale et post-coloniale. Il s’agit du bouleversement du do-maine politico-judiciaire (centralisation de l’appareil e ´ tatique, instauration destribunaux et de ´ structuration de l’assemble ´ e dirigeante au niveau local : jmaa ˆ ),de la transformation du secteur e ´ conomique (substitution de l’agriculture a `l’e ´ levage transhumant) et de la mutation des repre ´ sentations collectives (re ´ -

gression des croyances ancestrales et progression des ide ´ es nouvelles par la voiede l’e ´ cole, des me ´ dias et d’autres canaux de communication).

Ce constat peut etre formule ´  d’une facon the ´ orique plus globale : l’appari-tion d’un pouvoir centralise ´ , structure ´  autour des cite ´ s urbaines a progressi-vement surclasse ´  puis e ´ limine ´  la valeur ope ´ ratoire des re ` gles adopte ´ es par lessocie ´ te ´ s nomades (ou semi-nomades) qui re ´ gissaient pre ´ ce ´ demment des re ´ gionstout entie ` res. En d’autres termes, les populations nomades ne maıˆtrisent plusles « rapports de production » ; les re ` gles qui les re ´ gissaient et qui participaienta `  cette maıˆtrise sont tombe ´ es en de ´ sue ´ tude.

HAMMOU BELGHAZI

RE ´ FE ´ RENCES

BELGHAZI H., « Dimension socio-culturelle de l’allaitement chez les Maghre ´ bins », inActes des Rencontres Re  gionales 1993-1994 en Lorraine, Metz, Fas-Lorraine, 1995.

BIBLE (la), tr. des textes originaux par Darby J.-N., Valence, Bibles et Publications

Chre ´ tiennes, 1982.CAILLOIS R., L’Homme et le sacre , Paris, Gallimard, Coll. Folio/Essai, 3e e ´ d., 1991.

CASSIN E., Le semblable et le diffe rent : symbolisme du pouvoir dans le Proche-Orientancien, Paris, La decouverte, 1978.

CHATILA K.,  Le mariage chez les musulmans de Syrie, Paris, Les Presses Modernes,1933.

CHELHOD J., Le sacrifice chez les Arabes, Paris, P.U.F., 1955.

CHEVALIER J. & GHEERBRANT A., Dictionnaire des symboles, Paris, R. Laffont/Jupiter,1985.

CONTE E ´ ., « Entrer dans le sang. Perceptions arabes des origines », in Al-ansab, la que ˆ tedes origines, ouvrage collectif, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1991.

COURSIMAULT (Capitaine), « La tata », Archives berbe `res, vol. II, fasc. 3, Paris, Larose,1916.

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US  ˇ S  ˇ EN , CET « HORS-LA-LOI » !

VERSIONS NOMADE ET SE ´ DENTAIRE

D’UN CONTE AMAZIGHE MAROCAIN

par

Ahmed Skounti

L’objet du pre ´ sent article est de pre ´ senter les versions nomade et se ´ den-taire d’un conte amazighe (berbe ` re). L’originalite ´  du re ´ cit re ´ side dans le faitqu’il de ´ veloppe la the ´ matique qui en constitue la trame sous deux formesdistinctes e ´ labore ´ es par deux groupes d’une meme re ´ gion appartenant tousles deux a `   la meme « tribu », en l’occurrence les Ayt Merghad de la valle ´ e duGhe ´ ris du Haut-Atlas oriental marocain, l’un nomade, l’autre se ´ dentaire. De

ce fait, la notion meme de version change de signification : loin d’avoir uncontenu ge ´ ographique, ce qui est ge ´ ne ´ ralement le sens admis, elle proce ` ded’une diffe ´ rence de genre de vie. On ne manquera pas de faire appel, aucours de l’analyse, a `   d’autres versions du meme conte prises ca et la `  dans lalitte ´ rature nord-africaine d’expression amazighe. Plusieurs questions demeu-rent toutefois pose ´ es : y a-t-il des cas comparables ailleurs de pre ´ sence dedeux versions d’un meme conte chez deux groupes appartenant au memeespace ge ´ ographique et diffe ´ rents de par leur mode de vie? S’agit-il del’adaptation nomade d’un conte se ´ dentaire ou de l’adaptation se ´ dentaired’un conte nomade ?

I. LES VERSIONS DU CONTE : TEXTES BILINGUES

Avant de proce ´ der a `  une analyse du conte sous ses deux versions, je pre ´ senteci-apre ` s sa transcription en amazighe (parler Ayt Merghad), sa traduction enfrancais et un bref rappel de ses quelques autres versions nord-africaines.

Transcription amazighe

a) La version nomade : agyul d um  e

ksa d wus ˇs ˇ  e

n

N   ezzwar R.  ebbi, ur n   ezzwar l   eqqissat ula l   eh. diyat, tag uld a l   eqqistnn   eg  s

s.s.alatu e al Nnabi.

E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 153-162

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Innayas  illa yuwn um   eksa g ur illa yuwn ug  yul. Yan wass g ira ad ix   ell   e f 

as   ensu, ilin g urs ilifig n, ig   ert   en i ug  yul, innayas : « ddu ssiwd . nn is   erwan i ifri 

 yin illan g e ari ». Iwa ih   ezzatt ug  yul ar itt   eddu ; s wiy han us s   en igrasd itnan,

iq  e

 jj   e

m tifd   e

nt  e

ns ar tsuddum s idamm  e

n. Innayas : « h. la e   e

mmi ag  yul awas   enyinn». Innayas ug  yul : « awa  e   erqi qqad i t   etts   ed is   erwan ! » Innayas :

« awa s   enyi, manig sulag  is   erwan ad . arinw ibby ». Innayas  hat isnit. S ˇ wiy han

idamm   en ardi suddumn. Innayas ug  yul : « awa matta idamm   en dd   eg   a

 yame iw   erd . ?» Innayas wus s   en: «awa tifd   entinw ayd isuddumn!» Iwa hat

ar itt   eddugubridallignnih. d . aras   ensu, in   et.t.  ee wus s   en irul, innayas : « ata iwa

zuz aha mm igurran ! » Innayas   izuz ug  yul ard t.t.ar   ent tuxsasin n is   erwan.

Inna gras d i g  f   ens ayd as ijran qqad t ing  um   eksa.

Iqqim alligd yuwd .  um   eksa, innayas : « iwa addud ha mayd  g ifi yaru r.  ebbi,

hat itts ayi wus s   en ilifig n, mayd tukz   ed i r.r.ay, mayd trid a n   essk   er ». Innayas

um   eksa s uze af : « manig trid ad as  bdug  i lmut, n   ek hat t   ezlidi, han ulli qqad 

tr   essant ! » Innayas ug  yul : « ur annayg  mayd tt   e ggag g as ad as  t id amz.  eg ».

Innayas um   eksa : « ms  it id tumz.  ed hat ur as  nni g  ad . u ».

Iddu ug  yul ar ittnada axbu n wus s   en allig t yufa, ig   en g imins ig ammi 

immut. S . s.bah.  zik, han tus s   ent t   eg ras i wus s   en, t   ennayas : « ar twargag   id .dd   eg is ag d yuwi R.

  ebbil g nimt ar imi n taddart, a n   ezzri tagr   est. G asns   erag a

nrae a mims  as n   ett   e gga atts   edd n   es s   ekj   em ». Ddund, af   end ag  yul i g   erd g imi 

n uxbu, g all is immut. Innayas wus s   en : « a n   ezdy aw   e jjimnn   em d win ug  yul,

ar am se iwing  ar tl   eddyd ard t n   es s   ekj   em ». T   ennayas : « awddi taw   e jjimtinw

smarn as yinz.adn, t   etts atts tarwa, wins  ayd igan ». Hat tasy tus s   ent ar tz   eddy

aw   e jjim n wus s   en  g   er win ug  yul allig t   en t   eme   en s tmukrisin. T   ennayas :

«iwa ldy ad as n e awn   eg ». Ar in   ezz   eg  wus s   en ; imm   es t   e g ug  yul  g all is da

itt  e

ddu s wiy imm  e

rh. al ug  yul, ishurr  e

d . , izzug   e

rr us s   e

n. T   e

nnayas tus s   e

nt :«awa amz.   s iz   erkan d iw   ers an aha  e li!» Innayasd wus s   en: «ata aynna s

umz.  eg  yukkufd a mm twirga fd .

  eh. nin!»

Iwa lh.  edda yuwd .

  enn ug  yul as   ensu, innayas um   eksa i wus s   en: «iwa mims 

as  d g i tt   e ggag  i lmut ? idd ad as  ng   ers n   essnus  g wafa, midd as  nuzu n   erz.  em

as  ? » Innayas wus s   en : « uzuti t   erz.  emmi agitt i t   ess   ekr   em ! » Uzunt rz.

  emn as.

Iddu iggafy i  e ari ar nil  uxbu n tus s   ent. T   e ff   eg d  g   er imi n uxbu ar as t   eqqar:

« aha bu lq

  e

 fd . an ind g  az

  e

 gg

w

ag , awa mani e li ? » Innayasd : « ata n

  e

ttad aya ! Ms  ib   edda art kkatn t.t. yur, i g w   e jd   em aw   eg nas iw   et. fan ! » T   ennayas : « awa is

ur t   emmutt, iwa adud hat s a ur ijri ! » Lh.  edda yuwd . ts   edd, t   esg uyy i lu us  :

« bibiw ! J   eme add a n   e g taz.  ennart i  e li ! » Imih.  han lu us  : izmawn, us s ann,

h

h

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tiwtal, abgurn, i e lban, i g wilasn... T   ennayasn : « inz.  ed a lu us  ! » Ku yuwn is  as

inz.  ed   ens, t   essk   er taz.

  ennart i  e li.

Zri g ts   enn g s s   erd . , ddug d g l   ehna, art   en kkatg  s is   elliwn, arid kkatn s mayd 

irwan.

b) La version se dentaire : ag  yul d wus ˇ s ˇ   en

N   ezzwar R.  ebbi ur n   ezzwar l   eqqissat ula l   eh. diyat tag uld a l   eqqist   enn   eg   s

s.s.alatu e al Nnabi.

Illa yuwn ug  yul  g ur llan ix   eddamn as ib   ennun. Iddu igasn ag rum yam   est swudi yasit. Iddu allig ira ad ind .

  ew asif yaf   enn us s   en ; innayas : « h. la e   emmi ag  yul ss   end . w i i s i t   eng a t   e fd   ent»(maradasitt   es  ag rum). Innayas : « mims k ss   end . awg 

a yus s   e

n ? Qqad i t  e

ts   e

d im  e

s li n ims g aln!» Innayas: «ur t  e

 ggw

idt ! » Ins   e

r ig  e

rus s   en s tadawtns. Innayas wus s   en: «awid ad as   amz.

  eg   ib   ermi ». Innayas   daittam   ez.  yat tug rift ig   erts g   er imi ar isuddum wudi s as al. Innayas : « aha yawaaxsidd is dayi t   ettad im   es li n ims g aln?» Innayas: «awa idamm   en n t   e fd   entinuaynnag nn it.t.arn». Allig ifukka, g ind .

  ew asif, igras aynna n ib   ermi innayas :«hrr! ts i g t i babnn   es  !» Iddunn ug  yul s ix   eddamn nnanas: «mani ag rum?»Innayasn : « its ayit wus s   en ! » Nnanas : « iwa ddu ad ag d  tamz.

  ed us s   en ng   ed  ddu gag d wayd .  ug rum». Innayasn: «ad aw   end amz.

  eg  us s   en ».

Iddu s imi n uxbu n tus s   ent ig   en dinnag . Tsiggd tus s   ent t   ennayas : « awa addud 

a e li yuwyag d R.  e

bbi ddabt ar imi n uxbu ! » Isiggd innayas : « iwa s.b  e

r a’ nrae amayd as n   ett   e gga. Ad tk   ers   ed tawjjimtinu d wins ar nn th   ezzad s   emm g i g  f ard ag nn ikj   em s ag   ensu ar n   ett   etta ». Ar istittiy ug  yul ad irae a is t   emn   ee  hilli. Alligiss   en is t   emn   ee , ins   er is   err   eh. i umad   el. Ttf   ee as tus s   ent : « awa am   ez. s iz   erkan d iw   ers an a e li! » Innayasd : « aynna s s   ebbr   eg  yukkufd a mm twirga fd .

  eh. nin!»

Yawyasn tinn i ix   eddamn, nnanas : « idd ad as  ng   ers mid as  nuzu n   erz.  em as  ? »

Innayasn : « uzuyati t   erz.  emmi ! » Art ttuzun allig as kks   en ab   et.t.an, rz.

  emns. Ift   el i tsaw   ent, tsiggd tus s   ent, t   ennayas: «awa idd   e linu ayind   eg   d ilsan lq   e fd . anaz   e ggwag ? » Innayas : « ata n   ettan aya, awid s an wustu ad i tg   ed s an tz.

  ennart ».

T   e

nnayas: «bibiw! inz.  e

d a lu us  a n  e

 g taz.  e

nnart i  e li ! » Imi ha luh. us  ddand,s   en ku yuwn inz.

  ed . , t   ez.d . as taz.  ennart i  e li.

Traduction 1

a) La version nomade : L’a ˆ ne, le berger et le chacal 

Nous mettons devant nous Dieu et ne mettons ni les contes ni les re ´ cits,

puisse notre conte commencer par la prie ` re sur le Prophe ` te.

h

h h

1. Il sera re ´ fe ´ re ´ ci-dessous aux deux versions de notre conte par Ayt Merghad I pour la versionnomade et Ayt Merghad II pour la version se ´ dentaire.

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On raconte qu’un berger avait un ane. Un jour qu’il voulait conduire letroupeau vers la montagne, ayant des be ´ be ´ s agneaux, il les mit sur le dos del’ane et lui dit : « tu emme ` nera les petits jusqu’a `   cette grotte la ` -haut dans lamontagne ». L’ane partit aussitot. Soudain, un chacal ayant mordu son orteil

vint a `   sa rencontre. Il lui dit : « cher oncle A ˆ ne, peux-tu me porter ». L’anere ´ pondit : « laisse moi tranquille Chacal, tu vas manger les agneaux ! » Lechacal s’en de ´ fendit en disant : « portes-moi donc, qu’ai-je a `   m’occuper depetits agneaux alors que mon orteil saigne ! » L’ane dit : « laisse-moi, j’ai du mala `   te croire ; toi et les brebis etes des ennemis jure ´ s ». Mais il accepta tout dememe de le porter. Il marcha pour quelque temps puis constata que des gouttesde sang tombaient. Il lui dit alors : « qu’est-ce que c’est que ce sang o ! traıtre ».Le chacal re ´ pondit : « c’est mon orteil qui saigne, voyons ! » L’ane repartit surle chemin de la grotte. Quand il arriva a `  proximite ´  de celle-ci, le chacal sauta et

courut vite non sans avoir lance ´   a `   l’intention du bourricot : « secoue-toi donco ! bete aux longues oreilles ! » L’ane tressaillit si fort que les tetes des pauvresagneaux tombe ` rent par terre.

Il se dit qu’apre ` s ce qui vient de lui arriver, le berger le tuerait. Il demeura surplace jusqu’a `   l’arrive ´ e de celui-ci auquel il s’adressa en disant : « c’e ´ tait e ´ crit,qu’est ce que tu en pense, que veux-tu que nous fassions? » Furieux, le bergerlui dit : « par quel bout vais-je commencer pour te tuer ? A ` pre ´ sent tu m’as le ´ se ´ ;les brebis ne vont pas arreter de beler ». L’ane dit : « je ne vois pas ce que je doisfaire sauf de te le prendre ». Le berger dit : « si tu arrive a `   le ramener, je n’ai rien

dit».

L’ane se mit aussitot a `  la recherche de la tanie ` re du chacal jusqu’a `  ce qu’il latrouve, se coucha devant l’entre ´ e et fit le mort. Tot le matin, Dame chacal dit a `celui-ci : « j’ai reve ´  cette nuit que Dieu nous a fait don d’une sacre ´ e pature pourpasser l’hiver. Tu n’as qu’a `   te lever pour que nous puissions voir comment lafaire entrer ». Ils sortirent et trouve ` rent l’ane e ´ tendu par terre devant l’entre ´ e ;ils crurent qu’il e ´ tait mort. Le chacal dit a `   Dame chacal : « nous allons lier taqueue a `   la sienne, tu tireras et je t’aiderai ». La femelle lui dit : « mon vieux, ma

queue a perdu ses poils, les maternite ´ s ont en eu raison, la tienne serait plusindique ´ e ! » Et puis elle se mit a `  lier avec force nœuds la queue du chacal a `   cellede l’ane puis dit au chacal : « et maintenant tire que je t’aide ! ». Le chacal se mita `   tirer et quand l’ane bougea, il crurent que c’e ´ tait a `  cause d’eux. Soudain,l’ane, se leva et de ´ vala la pente en brayant et en traınant le chacal. Dame chacallui dit : « accroches-toi o A ˆ li a `  l’armoise et a `  l’alfa ! » Il lui re ´ torqua : « tout ce a `quoi je m’accroche se de ´ racine o ! celle aux reves catastrophiques ! »

Lorsqu’il parvint aupre ` s du berger il lui dit : « de quelle facon veux-tu que tusois tue ´ : veux-tu que tu sois e ´ gorge ´  et qu’on te cuise au feu, ou qu’on t’e ´ corcha

et qu’on te relache ? » Le chacal dit : « si vous m’e ´ corchez et me relachez, c’est la `que vous m’aurez ! » Ils l’e ´ corche ` rent et le relache ` rent. Il s’en alla, remonta lapente et s’arreta devant la tanie ` re. Dame chacal sortit et l’appela : « o ! celui aucaftan rouge, n’aurais-tu pas vu A ˆ li ? » Il re ´ pondit : « o ! celle-la ` , c’est lui-

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meme : s’il reste debout, les oiseaux le piquent et s’il s’assoie, les fourmis lemordillent ». Elle lui dit : « o ! toi, n’es-tu pas mort, viens alors, rien n’est a `de ´ plorer ». Lorsqu’il arriva, elle appela les animaux sauvages : « Au secours !Rassemblez-vous pour que nous fabriquions un burnous pour A ˆ li ! » Aussitot

arrive ` rent lions, chacals, lie ` vres, renards, e ´ cureuils, panthe ` res... Elle leur dit :« un poil chacun ! » Ils donne ` rent chacun son poil et elle tissa un burnous auchacal.

Je les ai laisse ´ s dans l’anarchie et suis venu en paix. Je leur ai lance ´   descailloux et eux m’ont lance ´   toutes sortes de bonnes choses.

b) La version se dentaire : l’a ˆ ne et le chacal 

Nous mettons devant nous Dieu et ne mettons ni les contes ni les re ´ cits,puisse notre conte commencer par la prie ` re sur le Prophe ` te.

Il y avait un ane pour qui des ouvriers construisaient [une maison]. Il s’enalla leur pre ´ parer du pain qu’il oint de beurre fondu et qu’il leur amena. Ilpartit et quand il voulut traverser la rivie ` re, il trouva la `  un chacal. Celui-ci luidit : « s’il te plaıt oncle A ˆ ne fais-moi traverser car mon orteil me fait mal ! »(pour qu’il lui mange le pain). L’ane lui dit : « comment te ferai-je traverserChacal, tu va manger le repas des ouvriers ! » Il lui dit : « n’ai pas peur ! » Il mitle chacal sur son dos. Celui-ci lui demanda le plat pour l’en de ´ charger. On

raconte qu’il prenait une crepe, la mettait dans sa gueule tandis que des gouttesde beurre tombaient par terre. Il lui dit : « o ! toi, ne manges-tu pas le repas desouvriers ? » Il re ´ pondit : « oh ! c’est le sang de mon orteil qui tombe ». Quand ileut termine ´ [de manger], qu’il se trouva sur l’autre rive, il lui jeta le plat [vide] etlui dit: « hrr!  je l’ai mange ´  [ton repas] ».

L’ane arriva aupre ` s des ouvriers qui lui dirent : « ou est le pain ? » Ilre ´ pondit : « le chacal l’a mange ´  ! » Il lui dirent : « alors vas-t’en rattraper lechacal ou vas-t’en nous pre ´ parer un autre repas ! »

Il alla jusqu’a `   l’entre ´ e de la tanie ` re de Dame chacal et se coucha la ` . Dame

chacal sortit et dit : « viens o ! A ˆ li, Dieu nous a apporte ´  un cadavre jusqu’a `l’entre ´ e de la grotte ! » Il jeta un coup d’œil et dit : « attends qu’on voit ce qu’onpeut faire ». Il dit : « tu liera ma queue a `   la sienne et tu poussera sa tete jusqu’a `ce qu’il rentre et nous mangerons ». L’ane secoua sensiblement pour voir si elleles avait bien lie ´ s. Quand il sut qu’elle les avait bien lie ´ s, il se leva, de ´ vala lapente. Dame chacal cria a `   plusieurs reprises : « accroche-toi a `   l’armoise et a `l’alfa o ! A ˆ li, tu es parti ». Il lui re ´ pondit: «tout ce a `   quoi je m’accroche sede ´ racine o ! celle aux reves catastrophiques ! »

Il le ramena aux ouvriers qui lui dirent : « veux-tu que nous t’e ´ gorgions ou

que nous t’e ´ corchions et te relachions ? » Il leur dit : « e ´ corchez-moi et relachez-moi ! » Il l’e ´ corche ` rent et le laisse ` rent partir. Il remonta la pente. Dame chacal

 jeta un coup d’œil et lui dit : « o ! toi, est-ce mon A ˆ li a `  moi qui est la `  portant uncaftan rouge ? » Il dit : « o ! toi, c’est lui-meme ; apporte des fils de trame et

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confectionne-moi un burnous ». Elle appela les animaux sauvages : « au se-cours ! un poil chacun ». Les animaux arrive ` rent, lui donne ` rent chacun un poilet elle tissa le burnous du chacal.

Autres versions du conte

Plusieurs versions de ce conte ont e ´ te ´  recueillies durant la pe ´ riode coloniale,notamment en Alge ´ rie et au Maroc. La plus ancienne, semble-t-il, est cellepre ´ sente ´ e par R. Basset dans ses Contes populaires berbe `res 2 ; or cette versionest incomple ` te puisqu’elle s’arrete quand le chacal abandonne l’ane apre ` s luiavoir joue ´  son mauvais tour. Une version bilingue Beni Snous figure dansl’E ´ tude sur le dialecte berbe `re des Beni Snous de E. Destaing 3. Pour le Maroc,

 j’ai pris les versions Ntifa et Beni Mguild des  Contes berbe `res du Maroc  deE. Laoust 4. Le tableau ci-dessous permet d’avoir une ide ´ e comparative desdiffe ´ rentes versions du conte :

Version/E ´ pisodes

AytMerghad I

AytMerghad II

  Ayt Mguild Kabylie Ntifa Beni Snous

De ´ cor montagnegrottetanie ` re

ouedmaison(en construc-

tion), tanie ` re

campementtanie ` re

champs ( ?) village ( ?)tanie ` re

village ( ?)tanie ` re

Personnagesobjets

ane; chacal;agneaux ;berger ; damechacal; ani-mauxsauvages

ane; chacal;pain beurre ´ ;ouvriers ;dame chacal ;animauxsauvages

ane; chacal;agneaux;berger; damechacal

ane; chacal ;lait-figues-pain;homme/femme;ouvriers

ane; chacal;beurre-mou-ton ; femme;fille marie ´ e

ane ; chacal ;pain-lait;fermiers;dame chacal

Forfait duchacal

a mange ´   lesagneaux

a mange ´   lepain beurre ´

a mange ´   lesagneaux

a mange ´   lesfigues, le painet bu le lait

a mange ´   lebeurre et lemouton

a mange ´   lepain et bu lelait

Chatiment etde ´ nouement

e ´ corche ´  vif etlache ´ ;sauve ´  pardame chacal

e ´ corche ´  vif etlache ´ ; sauve ´par damechacal

aveugle ´ ,e ´ corche ´  vif etlache ´ ; meurt

se sauve... bru ˆ le ´  vif e ´ corche ´  vif etlache ´

2. R. Basset, 1887, Contes populaires berbe `res, recueillis, traduits et annote s, Paris : E. Leroux,p. 11-12.

3. E. Destaing, 1907,  E ´ tude sur le dialecte berbe `re des Beni Snous, Paris : E. Leroux, vol. 1,pp. 253-256.

4. E. Laoust, 1949, Contes berbe `res du Maroc, traduits et annote s, Paris : Larose, pp. 11-13 &16-17. Seule la version Ntifa est traduite par l’auteur qui, a `  la place de celle des Beni Mguild,rapporte une version chleuhe du meme conte prise de son Cours de berbe `re marocain, p. 244.

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Si la parente ´  entre les diffe ´ rentes versions du conte Ayt Merghad est inde ´ -niable, il n’en demeure pas moins que le sort qu’elles re ´ servent au chacal poseplus d’une question. Dans nos deux versions, l’ide ´ e cle ´ est la suivante : le chacalest un animal dangereux ; la preuve en est que sa toison est faite de l’association

des poils de tous les animaux sauvages. N’en dit-on pas qu’il a un poil de lion !Et sitot ce de ´ tail e ´ voque ´ , l’interlocuteur est syste ´ matiquement renvoye ´ , demanie ` re mne ´ monique, a `   l’ensemble du re ´ cit. Or, pourquoi les autres versionsignorent-elles le de ´ nouement qui suppose cette e ´ vocation ? S’agit-il d’uneomission involontaire ou, au contraire, d’un de ´ sir de re ´ server au chacal,ennemi jure ´  des animaux domestiques, le plus irre ´ me ´ diable des chatiments ?

II. LE CONTE ET SON DOUBLE

Circonstances de la narration

Les deux versions I et II du conte Ayt Merghad ont e ´ te ´   recueillies a `Timatdite dans le haut Ghe ´ ris, la premie ` re le 28/9/1989 et la seconde le 8/8/1993 5. L’inte ´ ret du conte re ´ side, non pas tant dans sa valeur de document delitte ´ rature orale, mais surtout dans le fait que nomades et se ´ dentaires en

de ´ tiennent chacun leur version propre. La conteuse de la version se ´ dentairee ´ tait tout autant e ´ tonne ´ e que les membres de sa belle-famille quand les deuxparties apprirent l’existence d’une autre version de leur conte. Dans un climatde railleries et d’e ´ merveillement tout ensemble, son re ´ cit fut sans cesseinterrompu par les observations des uns et des autres mettant davantagel’accent sur les divergences que sur les convergences existant entre les deux« contes ». Elle ne manquait toutefois pas de re ´ torquer a `  chaque objection enpre ´ cisant que tel ou tel de ´ tail relevait ou non de son conte a `  elle. Par exemple :« c’est du pain enduit de beurre qu’il porte et non des agneaux ! » ; ou encore

« ce sont des ouvriers et non un berger qui somment l’ane d’aller chercher etrapporter le chacal ! ». Assaillie de toutes parts, elle s’exaspe ´ ra et dit pourmettre fin a `   la pole ´ mique : « votre conte est  tre `s diffe rent  du notre!», avantd’achever son re ´ cit. On comprendra de ` s lors que son conte ait e ´ te ´   sensible-ment abre ´ ge ´ , surtout a `   la fin. De plus, elle omit de terminer par la formule decloture.

5. La version nomade est due a `   Larbi O., nomade se ´ dentarise ´ , la version se ´ dentaire a `Fatima A., son e ´ pouse, se ´ dentaire onginaire d’un village voisin.

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Contrat et transgression

Hormis la version kabyle incomple ` te (ne compte que a et b des e ´ le ´ ments ci-dessous), le re ´ cit s’articule autour de quatre temps forts que l’analyse en termesde contrat et de sa transgression 6 permettent de faire ressortir :

a) Le contrat 1

Il est passe ´  entre l’ane et son maıtre (ou ses maıtres selon les versions). Ilconsiste pour le premier a `   faire parvenir a `  destination un chargement.

Le contrat 1.1

Il met en rapport deux parties, l’ane et le chacal (dans le conte Ntifa, la

pre ´ sence de la femme ne change rien). Le premier consent a `  porter le second a `la condition de ne pas toucher au chargement.

Transgression du contrat 1.1

Le chacal, exploitant la naı ¨vete ´  de l’ane, mange les produits qu’il transporte.

b) Transgression du contrat 1

L’ane n’a pas fait parvenir le chargement a `   destination.

c) Le contrat 2

L’ane se met d’accord avec son maıtre pour attraper le chacal et le luiamener.

d) Respect du contrat 2

L’ane rame ` ne le chacal.

La transgression du contrat 1.1 entraıˆna automatiquement celle du contrat1. L’ane, menace ´   par son maıˆtre, parvient a `   remplir le contrat 2. Exploitrarissime pour un animal singulier mais tre ` s de ´ nigre ´  dans les repre ´ sentationssociales pour sa niaiserie et sa cre ´ dulite ´ .

6. Une application structuraliste, de  ja `  ancienne, de ce mode ` le est illustrce par Ph. de Lajarte,1974, « Du conte face ´ tieux conside ´ re ´  comme genre : esquisse d’une analyse structurale », Ethno-logie franc¸aise, IV, 4 : 319-332.

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III. UN CONTE D’OPPOSITIONS

Deux oppositions centrales peuvent etre releve ´ es dans le pre ´ sent conte, l’uneau travers d’une comparaison de ses diffe ´ rentes versions retenues, l’autre auniveau des versions Ayt Merghad puisqu’elles sont les seules a `  retenir le motif de la confection d’une nouvelle toison pour le chacal.

L’opposition agriculture/pastoralisme

Les e ´ le ´ ments du chargement de l’ane mange ´ s par le chacal re ´ fe ` rent demanie ` re tout a `  fait explicite au genre de vie des groupes ou re ´ gions concerne ´ s.Rappelons-les sous forme de tableau :

Version E ´ le ´ ments

Ayt Merghad I agneaux

Ayt Merghad II pain beurre ´

Kabyle pain, figues, lait

Ayt Mguild agneaux

Beni Snous pain, lait

Ntifa beurre, mouton

Deux groupes de produits se de ´ gagent a `  la lecture du tableau ci-dessus : d’uncote ´  des produits d’e ´ levage nomade (agneaux dans les versions Ayt Merghadnomades et Ayt Mguild), de l’autre des produits d’agriculture (pain essentiel-lement dans les versions Ayt Merghad se ´ dentaires, kabyle, Beni Snous),associe ´ s a `   des produits d’arboriculture (version kabyle). Cette opposition

centrale entre deux genres de vie est clairement nuance ´ e dans le cas de laversion Ntifa par l’introduction du couple beurre/mouton que l’on peutinterpre ´ ter comme une re ´ fe ´ rence a `  une pratique de transhumance. Dans lesautres versions se ´ dentaires (kabyle, Ayt Merghad II, Beni Snous), elle ne l’estqu’implicitement par la pre ´ sence de produits d’un e ´ levage se ´ dentaire (lait,beurre).

Ce que j’appelle le de ´ cor dans le premier tableau, a `   la suite deP.-H. Savignac 7, permet e ´ galement d’appuyer cette opposition centrale agri-culture/pastoralisme. On devine, en effet, d’un cote ´   un campement et une

action de de ´ campement (versions Ayt Merghad I et Ayt Mguild), de l’autre des

7. Cf.  P.-H. Savignac, 1978, Contes berbe `res de Kabylie, Montre ´ al : Presses de l’Universite ´  deQue ´ bec, p. 252.

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champs (versions kabyle et Beni Snous), tandis qu’il est fait explicitementre ´ fe ´ rence a `   la construction d’une maison dans la version Ayt Merghad II.

L’opposition monde animal/monde humain

Le chacal est le he ´ ros inconteste ´  d’une kyrielle de contes amazighes quime ´ ritent bien le nom de Cycle du Chacal qu’ils recoivent dans les corpus decontes. Animal ambigu, dangereux et craintif a `  la fois, il participe d’un mondeou re ` gne la sauvagerie par opposition au monde des humains. R. Bassete ´ crivait a `   son compte : « le narrateur berbe ` re aime a `   voir le plus ruse ´   desanimaux tomber dans les pie ` ges que lui tendent le coq, la perdrix ou lehe ´ risson » 8. Dans notre conte, c’est l’ane, cette fois-ci, qui triomphe de celui

que P. Bourdieu nomme a `   juste titre un « hors-la-loi » 9.

Cependant, il faut bien souligner au moins deux entorses apporte ´ es a `l’opposition trop e ´ tanche entre monde animal et monde humain. Ceci estvrai seulement pour les versions Ayt Merghad I et II. La premie ` re est cettesolidarite ´   dont font preuve tous les animaux a `   l’appel de dame chacal. Ilsapportent chacun un poil pour sauver un conge ´ ne ` re e ´ corche ´   menace ´   par lamort. La seconde est le tissage, activite ´ dont seuls les humains sont capables, etqui permet de confectionner une toison toute neuve au chacal. Dans les deuxcas, il y a d’e ´ vidence une projection du monde humain (forme d’organisation

[solidarite ´ ], activite ´   [tissage]) sur le monde animal. Meme l’objet confectionne ´est emprunte ´  au monde des humains, en l’occurrence le burnous. Il n’est pas

 jusqu’a `  la division sexuelle du travail qui n’ait e ´ te ´  respecte ´ e : dame chacal tissepour le chacal tout comme la femme le fait pour son mari.

AHMED   SKOUNTI

8. R. Basset, op. cit., p. XI.

9. P. Bourdier, 1980, Le sens pratique, Paris : Minuit, p. 390.

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UNE APPROCHE ANTHROPOLOGIQUE

DE L’ART FIGURATIF PRE ´ HISTORIQUE

D’AFRIQUE DU NORD

Analyse d’une fresque de Tin Hanakaten (Tassili n Ajjer)

par

Slimane Hachi

De ´ couvert, c’est-a ` -dire porte ´  a `  la connaissance par la publication depuis lesie ` cle dernier, l’art rupestre saharien a tre ` s tot e ´ te ´   reconnu dans sa hauteantiquite ´ . C’est bien pour cela qu’il sera inte ´ gre ´  au champ scientifique de laPre ´ histoire qui lui re ´ servera les me ´ thodes d’e ´ tudes qu’elle applique aux autresvestiges des cultures du Passe ´ , a `   savoir : la description, la typologie, la chro-

nologie, les techniques de re ´ alisation.

L’art est appre ´ hende ´  dans sa re ´ alite ´ , plus dans ce qui le fait que dans ce quil’a fait. Il est traite ´  comme un vestige mate ´ riel, dans sa mate ´ rialite ´ , alors meˆmequ’il exprime l’immate ´ rialite ´  qui est par excellence la chose dont parle le moinsle document parce qu’elle a disparu avec ceux qui l’ont porte ´ e.

Plus d’un sie ` cle de recherches sur l’art rupestre pre ´ historique du Sahara s’estsolde ´  par un travail appre ´ ciable d’archivage, d’accumulations documentaires,de descriptions formelles et techniques, de constitution de corpus d’ine ´ gales

importances de toutes les provinces d’art parie ´ tal du Sahara. C’est parce que cetravail important (mais qui demande a `   etre poursuivi de manie ` re plus syste ´ -matique, et avec des moyens supple ´ mentaires), a e ´ te ´   fait, qu’il est possibleaujourd’hui d’ouvrir de nouvelles voies de recherche.

Outre les proble ` mes ayant trait a `   son anciennete ´ , sa chronologie, sa plas-tique ou ses environnements et qui sont au cœur des pre ´ occupations de laPre ´ histoire, il ne nous semble pas que cet art se refuse a `   d’autres types dequestionnements, plus anthropologiques, tels ceux relatifs aux mobiles et auxsens, hors d’atteinte desquels il ne doit se maintenir plus longtemps.

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 163-184

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I. MOBILES

Qu’il soit d’age ple ´ istoce ` ne ou d’e ´ poque ne ´ olithique, l’art figuratif sahariendont les vestiges encore conside ´ rables autorisent a `  penser qu’il fu ˆ t plus impor-tant au moment de sa re ´ alisation, est le fait d’une population re ´ duite. Ladensite ´  de peuplement actuelle dans ces re ´ gions est de moins de 1 habitant aukm2. Bien qu’il n’existe pas a `  notre connaissance de donne ´ es pale ´ ode ´ mogra-phiques concernant le Sahara, une densite ´  plusieurs fois infe ´ rieure a `   l’actuellepeut raisonnablement etre envisage ´ e pour ces diffe ´ rentes e ´ poques. Cet art a eubeau ne ´ cessiter plusieurs mille ´ naires pour sa re ´ alisation, les hommes avaient-ilsde grandes capacite ´ s de de ´ placement, il reste que ces innombrables gravures etpeintures, sont le fait de populations nume ´ riquement peu importantes. De

plus, les fresques se donnent a `   voir, en tout cas pour nombre d’entre elles,comme des compositions a `   chaque fois acheve ´ es et non comme des œuvresouvertes, extensibles. Ajoutons a `   cela les difficulte ´ s de re ´ alisation, les nom-breux et me ´ ticuleux soins apporte ´ s a `  ces figurations qui nous paraissent etre, a `cause de ce qu’elles semblent exprimer, des œuvres engageant la communaute ´(fussent-elles re ´ alise ´ es par des individus), pour mettre l’accent sur la quantite ´d’e ´ nergie et l’importance du temps que n’ont pas manque ´   de reque ´ rir cesre ´ alisations aupre ` s de populations peu nombreuses que seuls des motifspuissants, sans doute plus essentiels qu’existentiels, pouvaient mobiliser a `   un

tel point.L’art figuratif saharien n’a pas repre ´ sente ´  le paysage. On ne connaıˆt pas, en

effet, de repre ´ sentation de ligne de sol ou d’e ´ le ´ ments du paysage, tels quemontagnes, valle ´ es, oueds, collines, rochers ou plans d’eau ; le monde mine ´ raln’est pas du tout e ´ voque ´ , comme si son immobilite ´  et sa qualite ´  de support del’œuvre, en en imposant l’e ´ vidence, rendaient redondante sa figuration. Il enest de meme du monde ve ´ ge ´ tal pour lequel on ne connaıˆt pas de repre ´ senta-tions explicites a `  l’exception des rares figures re ´ centes de palmiers (les imagesde ce que A. Hampate ´   Ba appelle des « portes ve ´ ge ´ tales » au Bovidien,

renvoient a `   des repre ´ sentations de faits d’hommes et non de ve ´ ge ´ taux). Lemonde ve ´ ge ´ tal, sans doute en raison de son immobilite ´ , semble eˆtre assimile ´  aumonde mine ´ ral auquel il s’inte ` gre pour former l’espace. Le monde fige ´ , parceque immobile et peu muable, est comme exempte ´  de la re-pre ´ sentation, parceque tout simplement pre ´ sent. Ne sont alors candidats a `   la figuration que lesetres mobiles et cela, sans relations topologiques explicites avec l’espace,faisant ainsi l’objet d’une inte ´ gration plutot que d’une repre ´ sentation oud’une pre ´ sentation. Tout se passe comme si l’Immobile   avait pour role derecevoir l’image du Mobile, comme si l’univers e ´ tait duel, partage ´  en deux : le

monde mobile (hommes, choses humaines et animaux) pouvant pre ´ tendre a `   larepre ´ sentation et le monde immobile (espace mine ´ ral et monde ve ´ ge ´ tal) nonsusceptible d’etre figure ´ .

A ` l’inverse de l’art pale ´ olithique europe ´ en, l’art figuratif saharien est le plus

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souvent, sur des supports morphologiques directement accessibles au regard.A ` peu pre ` s toutes les parois susceptibles de recevoir des images, ont e ´ te ´  utilise ´ esa `  cet effet sans choix particulier de formes topographiques : falaises, conques,rochers isole ´ s, abris sous roche, grottes plus ou moins profondes... ont retenu

l’attention des peintres et graveurs. La position et la forme de la paroi n’ontpas non plus fait l’objet de choix particuliers : parois planes, incurve ´ es,horizontales, verticales, a `   inclinaisons diverses, planchers, vou ˆ tes d’abri por-tent des repre ´ sentations. Tout comme on ne reconnaıˆt pas de pre ´ fe ´ rencepe ´ trographique particulie ` re ; qu’elles soient d’origine se ´ dimentaire ou de na-ture e ´ ruptive, les roches ont e ´ te ´   retenues comme parois de ` s lors qu’ellesoffraient suffisamment d’e ´ tendue (avec, en plus, l’e ´ ventualite ´   de repre ´ senta-tions e ´ phe ´ me ` res sur roches meubles). Il n’y a pas non plus de recherche d’uneluminosite ´ particulie ` re (grand e ´ clairage, semi-obscurite ´ voire meˆme obscurite ´ ),

tout comme il ne semble pas, dans l’e ´ tat actuel des connaissances, que lesparois utilise ´ es aient des orientations pre ´ fe ´ rentielles. La paroi ne semble avoirretenu l’attention des repre ´ sentants (jusqu’a `  preuve du contraire), que pour saseule qualite ´  de surface pe ´ trographique a `  ouvrager se donnant ainsi a `   voircomme l’unite ´   e ´ le ´ mentaire d’espace.

Les territoires de vie et de parcours des divers groupes touaregs actuelsrecoupent les grands domaines d’art figuratif pre ´ historique peint et/ou grave ´ .Les diffe ´ rents Tassili, l’Ahaggar, l’Aı ¨r, l’Adrar... pour ne citer que les princi-paux massifs sont aussi bien pour les historiens, meme des pe ´ riodes anciennes,

que pour les populations actuelles, les territoires historiques des Touaregs.Ainsi, a `   l’exception du grand domaine d’art figuratif que constitue l’Atlassaharien (que les Touaregs connaissent et ont du ˆ   fre ´ quenter a `   diverses e ´ po-ques), on peut dire que partout ou se trouvent les Touaregs, il existe de l’artrupestre pre ´ historique (le fait que la proposition inverse ne soit pas vraie,n’affecte pas la re ´ alite ´  de la remarque).

L’art pre ´ historique saharien est un art paradoxal, paradoxal dans ce qu’ilpre ´ sente et non dans ce qu’il repre ´ sente. Il est par sa profusion, les difficulte ´ slie ´ es a `   sa re ´ alisation, les quantite ´ s biologiques et la diversite ´   des espe ` cesanimales figure ´ es, en contradiction avec les donne ´ es ge ´ ne ´ rales de la Pale ´ ocli-matologie qui de ´ crivent la grande anciennete ´   de la de ´ sertification de cettepartie du monde engage ´ e dans un climat globalement aride depuis plus de20 mille ´ naires, pour ne parler que des dernie ` res phases. Les tentatives timidesde retour d’une certaine humidite ´  doivent eˆtre relativise ´ es (sauf peut-eˆtre pourcelle de l’Holoce ` ne ancien) car elles sont de faibles ampleurs et de courtesdure ´ es. De plus, quelle qu’ait pu etre leur importance, elles interviennent dansun milieu naturellement engage ´   dans l’aridite ´   et dans un contexte ge ´ ogra-phique constitue ´  de massifs montagneux rocheux, de plateaux rocailleux et

d’ensembles dunaires de  ja `   installe ´ s. Le retour d’une certaine humidite ´   peutchanger les choses, encore faut-il du sol pour la recevoir ; encore faut-il qu’ellefu ˆ t suffisamment importante pour inverser sensiblement et durablement lerapport Pre ´ cipitation/Evaporation. La « biomasse » (si l’on peut oser ce terme

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du vocabulaire des sciences de la nature) ainsi que la diversite ´   biologiquee ´ voque ´ es par l’art rupestre e ´ tonneront toujours dans le contexte globalementaride, meˆme relativise ´ , du Sahara. C’est la `  que nous paraıˆt re ´ sider le paradoxede cet art.

A ` partir de ce qui pre ´ ce ` de, il nous semble possible d’avancer quelqueshypothe ` ses de travail.

Il paraıˆt difficile de conside ´ rer que l’art saharien soit un art d’essence ou a `destination documentaire 1, un compte-rendu fide ` le de la re ´ alite ´ naturelle, maisbien une activite ´  humaine, puissamment mobilise ´ e, investie d’une pense ´ e, d’unsens, d’un imaginaire, d’une vision. Si ce n’est pas un art du Rare, ce n’est sansdoute pas un art de l’Omnipre ´ sent 2. Cet art nous apparaıˆt comme un travail dedomestication par l’image de l’imagination, d’un monde plutot vide, ardu, trop

e ´ tendu, en fait, comme une strate  gie de peuplement. Il doit pouvoir etre la re-pre ´ sentation d’une cosmogonie pleine, l’e ´ criture d’un monde pense ´ , imagine ´ ,cru, dit, ce ´ le ´ bre ´ . Mais, comme toute e ´ criture, il ne serait que la partie visua-lisable d’un monde imagine ´ , que la partie lisible d’une pense ´ e, que le ce ´ re ´ mo-nial d’un rite, l’image d’un de ´ roulement. L’immense vacuite ´  n’a pu alors etrepeuple ´ e que par des images investissant un paysage, de visions du monde, devie ramene ´ e, insuffle ´ es jusque dans le cœur du mine ´ ral, comme une mise aupre ´ sent de l’absent (ou du rare), comme une mise en sce ` ne, une re-cre ´ ation.

L’art figuratif saharien semble avoir des caracte ` res propres qui le distin-

guent de celui, pale ´ olithique, d’Europe. Ce dernier occupe des lieux aux formestopographiques particulie ` res. Ces lieux, sacralise ´ s, sont destine ´ s a `  porter desimages exprimant des mythogrammes qu’eux seuls peuvent recevoir du fait del’interpre ´ tation que les hommes avaient de leur nature et de leur configuration.C’est un art intimement lie ´  au lieu. L’art saharien ne semble pas avoir choisidans son paysage des lieux particuliers ; il prend en conside ´ ration l’espace dansson ensemble, pour lui-meme, dans son e ´ tendue, sa complexite ´  et sa diversite ´morphologique, topographique et pe ´ trographique. L’espace nous paraıt etrepris en conside ´ ration surtout pour la nature qui le caracte ´ rise, c’est-a ` -dire son

1. Il n’est pas dans notre intention de mettre en cause la qualite ´  documentaire de nombre defresques rupestres, mais celle-ci nous paraıt etre de nature sous-jacente a `  l’œuvre. Notre proposinvestit l’essence et la destination de cet art, meme si, toutes les figurations, loin s’en faut, netranscendent visiblement pas le niveau de l’anecdote. A ` ce propos, citons de nouveau le plaisantexemple retenu par G. Camps (1986, p. 66) : « Faut-il trouver un sens cache ´   a `   la sce ` ne de Kef Messouer ou une famille de lions de ´ vore un sanglier tandis que rodent, impatients, des chacalsfame ´ liques?»

2. L’art figuratif parietal qui se poursuit encore sous nos yeux, dans l’Atlas et plus au Sud, apour support, les murs des cafe ´ s, des gargotes et des restaurants. En dehors des posters de stars,des publicite ´ s de cigarettes et des rares photographies e ´ rotiques placarde ´ es, les peintures murales,

re ´ alistes, parfois maladroites, renvoient, elles, a `   des paysages luxuriants, des montagnes ennei-ge ´ es, des lacs infinis, des rivie ` res e ´ cumantes ou des cascades chaotiques. L’eau, la Rare, estrendue omnipre ´ sente par la magie de la repre ´ sentation. A ` l’inverse, dans les grands hotelstouristiques d’E ´ tat, les de ´ corations font re ´ fe ´ rence a `  la nature du Sahara (dunes, caravanes, oasis,montagnes nues...), comme si la fonction de « cet art officiel » e ´ tait simplement de pre ´ senter.

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hostilite ´ , son immobilite ´ , sa fixite ´  et, par dessus tout, comme le the ´ atre d’uneopposition dans un couple : la pre ´ dominance mine ´ rale oppose ´ e a `   la rarete ´biologique. C’est un art sur un espace conside ´ re ´ comme donne ´ , comme un vis a `vis. Celui-ci n’est pas repre ´ sente ´  parce que il n’a pas a `   l’eˆtre, e ´ tant seulement

destine ´   a `   recevoir des images qui vont exprimer la relation de l’Homme a `l’Espace, c’est-a ` -dire des visions du monde, des cosmogonies. Tout se passe, enfait, comme si cet art traduisait ce qui paraıt etre l’e ´ quation fondamentale duSahara, et qui est une opposition, que l’on peut re ´ sumer ainsi :

Rarete ´  biologique versus Profusion mine ´ rale

E ´ trangement, c’est, selon les anthropologues du domaine touareg (notam-ment M. Gast, 1974, D. Casajus, 1987, H. Claudot, 1993), une oppositionbinaire de nature conflictuelle qui structure la vision du monde dans la

cosmogonie touare ` gue: Asouf   versus   Abawal, deux concepts oppose ´ s etindissociables dont les champs se ´ mantiques recouvrent la totalite ´  du monde(H. Claudot-Hawad, 1993, p. 68) : « la vacuite  et la ple nitude, le terrifiant et leserein, te ne `bres et lumie `re, la nostalgie et la pre sence, le domaine des morts etl’espace des vivants, le ne  faste et le faste, le pointu et l’incurve , les e tenduesde vaste es et les lieux re ceptacles de vie, le de sertique et l’habite , le te ´ ne ´ re ´  et lecampement, la solitude et le peuple , l’exte rieur et l’inte rieur, le nord et le sud, lesec et l’humide, le masculin et le fe minin, le malin et le bon, le de mon et Dieu, leste rile et le fe cond... », pourquoi pas le mine ´ ral et le biologique, le rocher

(l’inerte) et l’image (du vivant) ?Cette strate ´ gie de peuplement par l’image, ce rapport a `  l’espace n’a d’e ´ gal,

dans le passe ´ , que l’importance nume ´ rique des vestiges mate ´ riels pre ´ histori-ques et, surtout, l’imposance, l’abondance et la diversite ´  des appareils fune ´ -raires. Sous forme d’amas de pierres ou de morphologies e ´ labore ´ es, lesmonuments fune ´ raires sahariens occupant plateaux, sommets de reliefs,fonds de valle ´ es, bas de pentes ou pie ´ monts, frappent par la diversite ´   deleurs ame ´ nagements, mais surtout par les grandes dimensions de nombred’entre eux qui les rendent visibles de loin tout en leur confe ´ rant un impact

certain sur le paysage. Certains d’entre eux finissent meme par s’inte ´ grer a `l’espace en en comple ´ tant les formes, ou en les modifiant. Grandes dimensions,complexite ´  des ame ´ nagements et diversite ´  morphologique qui font de ´ passer a `ces monuments parmi lesquels les ce ´ notaphes ne sont pas rares, la simplefonction tombale.

Les chronologies ge ´ ne ´ ralement admises, attribuent a `   ces appareils un ageprotohistorique ou de la fin du Ne ´ olithique. Ils apparaissent et se de ´ veloppentdonc, quand l’art figuratif entre dans des phases de sche ´ matisation s’ope ´ rantaux de ´ pens des aspects descriptif et re ´ aliste, en fait, quand l’art figuratif se

rare ´ fie quantitativement et semble prendre des fonctions de plus en plusse ´ miologiques. La `  aussi, c’est un type particulier de rapport a `   l’espace quenous paraıˆt exprimer cette propension a `   e ´ riger en nombre et en varie ´ te ´   desmonuments dont les fonctions tombales semblent passer au second plan. Un

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rapport a `   l’espace fait d’empreintes, d’impacts, de marquages, en fait, demaıtrise intervenant quand l’art figuratif semble changer de fonction,comme pour en prendre le relais.

Intervenu et ayant pris de l’ampleur, sans doute historiquement, un autrefait notable qui semble caracte ´ riser le rapport a `   l’espace des populationssahariennes en ge ´ ne ´ ral, et touare ` gues en particulier, est celui du de ´ veloppe-ment de la toponymie. L’e ´ mergence de ce processus de « toponymisation » nepeut e ´ videmment etre date ´ e, mais sa densite ´   plaide pour une certaine ancien-nete ´ . La totalite ´ de l’espace est maıtrise ´ e par un puissant re ´ seau toponymique3,dense, serre ´  et quasiment ininterrompu de toponymes. La maıˆtrise de l’espacepar le moyen de la de ´ nomination est une donne ´ e de premier plan dans laculture touare ` gue en ce sens qu’elle constitue un savoir, un savoir structure ´ ,canonise ´  et transmis me ´ thodiquement. Ce savoir s’e ´ tend a `  la connaissance du

ciel, des astres et des e ´ toiles, de leurs mouvements et positions par rapport auxcycles, de leurs rapports au sol... Tout se passe, la `   aussi, comme si l’espace sedonnait a `  voir comme propre a `   la connaissance partout ou il peut se trouver,au-dela `  du visible, par le moyen de la toponymie, c’est-a ` -dire par le moyen dela parole des hommes. L’espace est encore et toujours marque ´ , maıtrise ´ ,domestique ´ .

L’Image, le Monument, la Parole semblent tous trois exprimer une me ˆ metradition de rapport a `   l’espace. Image, Monument, Parole, qui, tous troisinvestissent le me ˆ me support : l’espace et qui, tous trois ont le me ˆ me auteur:l’Homme rare. Tous trois semblent proce der de mises en sce `ne de la me ˆ meopposition a ` l’œuvre. Le de nouement de cette opposition nous semble se pre sentercomme l’un des mobiles possibles de la venue a ` l’art figuratif comme la formule duMonde tel que l’homme l’a transforme .

Espace-Homme : ASOUF-ABAWAL.

II. SENS

Il ne nous paraıˆt pas, de ` s lors, conjectural de postuler que la tradition entrel’architecture ge ´ ne ´ rale de la vision du monde des populations actuelles et lesprincipes qui ont e ´ te ´  a `  l’œuvre dans la re ´ alisation de certaines fresques rupes-tres significatives, n’est pas rompue. Pre ´ tendre cela, n’est pas dire que la culturetouare ` gue s’est forme ´ e dans sa quasi totalite ´   a `   un moment donne ´ , dans la

3. A ` l’inverse, en Kabylie, par exemple, la maıˆtrise du paysage par le groupe, par le moyen dela de ´ nomination, de ´ passe rarement les limites du pays visible. Le reste, le pays invisible estde ´ nomme ´  timura (les pays) et ses habitants At-tmura (ceux des pays). Le re ´ seau toponymique sedesserre brusquement a `   la limite de la visibilite ´ comme si l’espace n’e ´ tait propre a `   la connaissanceque dans ce qui est contro ˆ lable par la vue.

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Fig. 1: Photographies de la fresque de Tin Hanakaten montrant les deux p

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lointaine pre ´ histoire, pour se figer de ´ finitivement en se re ´ pe ´ tant e ´ gale a `   elle-meme, sans changements, mutations, e ´ volutions, alte ´ rations, renouveau,comme hors d’atteinte de l’Histoire. Postuler que la tradition n’est peut-etrepas rompue, c’est proposer que les Touaregs qui occupent actuellement ces

territoires d’art figuratif, ont conserve ´  dans leur culture, dans leur vision dumonde, dans leur cosmogonie des e ´ le ´ ments de structure, dont la stabilisation etla cohe ´ sion ont requis profondeur historique et unite ´ anthropologique (au sensculturel) et dont on peut raisonnablement espe ´ rer retrouver la mise en imagedans certaines fresques majeures.

A ` l’inverse des interpre ´ tations fournies, il y a quelques de ´ cennies parA. Hampate ´   Ba et G. Dieterlen (1966) qui ont cru pouvoir reconnaıtre,quasiment inchange ´ es, sur certaines fresques du Tassili, des sce ` nes rituellestelles que pratique ´ es a `   l’e ´ poque actuelle par les pasteurs peuls, nous expe ´ ri-mentons une de ´ marche qui ne cherche pas a `  de ´ gager des ressemblances ou dessimilitudes factuelles entre figurations rupestres et ce ´ re ´ moniels actuels, maisqui se propose de tenter de retrouver dans les figurations des e ´ le ´ ments de lacosmogonie auxquels les anthropologues reconnaissent des pouvoirs structu-rant. Il n’est e ´ videmment pas possible de donner une liste exhaustive de cese ´ le ´ ments, comme d’un vade mecum. Il s’agit d’une voie de recherche ne ´ cessai-rement longue, ne ´ cessairement interdisciplinaire (entre Pre ´ histoire et Anthro-pologie), devant de ´ gager une grille d’approche non univoque, ne pre ´ tendantpas a `  la lecture de fresques a `   partir de la cosmogonie actuelle ou a `   l’e ´ clairage

de la cosmogonie a `  partir des fresques rupestres. On ne sait pas comment cettedernie ` re s’est constitue ´ e dans la diachronie, tout comme on ne connaıˆt pas lese ´ tats dans lesquels elle a pu se trouver au moment de l’e ´ laboration de telle outelle fresque. Cependant, il ne nous paraıˆt pas te ´ me ´ raire de penser que desfresques puissent porter certains des e ´ tats de de ´ veloppement de la cosmogonieactuelle qui est, certes, un aboutissement e ´ labore ´  dans la dure ´ e, mais dont lese ´ le ´ ments de stabilite ´   ont ne ´ cessite ´   de la continuite ´ . En d’autres termes, lesfresques rupestres doivent pouvoir etre des expressions cosmogoniques date ´ eset la cosmogonie actuelle l’e ´ tat de de ´ veloppement le plus re ´ cent d’une vision

du monde e ´ labore ´ e anciennement, de manie ` re non chaotique, pour tout dire,ordonne ´ e et dont, apre ` s tout, on ne connaıˆt pas le moment du commence-ment.

A ` titre exploratoire, nous soumettons a `   la confrontation avec des e ´ le ´ mentsde la cosmogonie et des pratiques des Touaregs une fresque majeure du Tassili,la fresque de « l’abri du taureau » publie ´ e par G. Aumassip et alii  (1976). Lade ´ marche consistera a `  rechercher dans la fresque, des informations qui nousparaissent avoir du sens pour les mettre en rapport avec des e ´ le ´ ments structu-rants de la cosmogonie et des pratiques des Touaregs tels que de ´ gage ´ s par les

anthropologues du domaine. Il ne s’agira pas de tirer de cet examen un re ´ citplus ou moins de ´ taille ´  par le proce ´ de ´  du calquage, si souvent usite ´ , avec tout cequ’il a de conjectural, par le comparatisme ethnographique, mais de chercher a `de ´ gager des e ´ le ´ ments de syntaxe, des ide ´ es, des reconstitutions plausibles, en

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Fig. 2: Releve  graphique du panneau A (sce `ne de la procession) et du panneau B (sce `ne du taureade Tin Hanakaten, Tassili n Ajjer. On notera bien que sur le terrain, les deux panneaux sont sur

les impe ratifs de la mise en page ne nous ont pas permis de les disposer tels qu’ils sont rep

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un mot, une intelligibilite ´   possible par des recoupements en nombre et enfre ´ quence suffisants pour tendre a `  disqualifier le hasard.

On se rapportera utilement a `  G. Aumassip et alii (1976) pour les descriptions

de ´ taille ´ es de la fresque de «l’abri du taureau» qui, du point de vue dessignifications a fait l’objet de deux e ´ tudes, l’une par G. Aumassip et   alii (1976), l’autre par G. Camps (1986). Nous donnons en illustration (fig. 1 et2) les photographies de la fresque et les releve ´ s graphiques avec le memesyste ` me de nume ´ rotation des personnages que celui retenu par G. Aumassipet alii  (1976).

Les peintures de « l’abri du taureau » occupent une paroi d’un petit abri sousroche, ouvert a `  l’Est, proche de l’important e ´ tablissement pre ´ historique (Ne ´ o-lithique et ante ´ rieur a `  lui) de Tin Hanakaten a `  une centaine de kilome ` tres au

sud-est de Djanet. La fresque se pre ´ sente sous forme de deux panneauxmettant en sce ` ne un corte ` ge de plusieurs personnages pour le panneau sud-ouest (panneau A) et un taureau entoure ´   de personnages pour le panneaunord-est (panneau B). Pour les auteurs, les deux tableaux ne sont pas contem-porains ; celui du taureau e ´ tant le plus ancien, d’une phase e ´ volue ´ e des « Tetesrondes » (pour G. Camps) et le corte ` ge, du Bovidien (pour G. Aumassip) et duBovidien ancien-moyen (pour G. Camps). Tous deux excluent, quoique demanie ` re nuance ´ e, l’ide ´ e d’une composition entre les deux panneaux. PourG. Aumassip, les deux panneaux sont e ´ trangers l’un a `   l’autre ; pour

G. Camps, le tableau du corte ` ge a e ´ te ´   ajoute ´   a `   la sce ` ne initiale du taureaupour re ´ aliser dans la diachronie, une composition. Nous verrons ce qu’il fautpenser de ces interpre ´ tations.

Au plan se ´ mantique, apre ` s avoir conside ´ re ´   que les deux tableaux sonte ´ trangers l’un a `   l’autre, qu’ils n’ont jamais constitue ´   une composition, pasmeme comme un palimpseste apre ` s la re ´ alisation du second panneau,G. Aumassip et   alii   concluent que pour le corte ` ge, il s’agit d’une sce ` nemagico-religieuse en position d’imploration dont « la signification profondenous e ´ chappe » (1976, p. 63) et, pour la sce ` ne du taureau, de la repre ´ sentation

« d’un animal mythique qui a joue ´ un role tre ` s important parmi les populationspre ´ historiques du Tassili » (1976, p. 64). G. Camps, quant a `  lui, pense que bienqu’e ´ labore ´ es a `  des moments diffe ´ rents, les deux sce ` nes ont fini par constituerune composition a `   caracte ` re ce ´ re ´ moniel, montrant des personnages exe ´ cutantdes acrobaties, rappelant les jeux minoens, autour d’un taureau pour acque ´ rirde la vigueur sexuelle face a `  une procession fe ´ minine craintive, en imploration.

Au plan chronologique, le fait que certains personnages du corte ` ge sesuperposenta ` unbovide ´ autrait,efface ´ ,pre ´ sentantdesindices de domestication(ablation des cornes), a permis a `  G. Aumassip et  alii   (1976), d’attribuer le

tableau au Bovidien. La diffe ´ rence de style entre les deux panneaux a e ´ te ´   a `l’origine de la recherche de la part des auteurs d’un certain de ´ calage chronolo-gique entre les deux sce ` nes (pourtant le personnage no 1 de la sce ` ne du corte ` geest lui, au trait, comme la sce ` ne du taureau). G. Camps, pour sa part, re ´ duit au

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maximum ce de ´ calage (Tetes rondes – Bovidien ancien) pour conclure que dufait de la composition, « les croyances n’ont pas fondamentalement change ´entre les deux styles » (G. Camps, 1986, p. 81). Nous verrons plus loin ce qu’ilfaut penser de ces diffe ´ rences de style dans lesquelles nous pre ´ fe ´ rons voir des

oppositions de styles graphiques a `  signification the ´ matique. G. Aumassip et alii avancent pour la sce ` ne du taureau un age plus ancien que pour celle du corte ` gedu fait que, parmi d’autres documents rupestres, en d’autres lieux, les repre ´ -sentations d’animaux a `  robe en tirete ´ s (comme le taureau) sont toujours plusde ´ te ´ riore ´ es que celles qui les entourent. Or, dans le pre ´ sent abri, le panneau dutaureau est plus frais et nettement moins efface ´ quele bovide ´ e ´ corne ´ quiapermisde dater du Bovidien la sce ` neducorte ` ge. Cette dernie ` re, admirablement traite ´ e,fait appel a `   une technique plastique exceptionnelle au Tassili, l’effet de pers-pective. Nous ferons remarquer que cet effet de perspective est pre ´ sent sur les

deux panneaux et applique ´  dans deux directions de l’espace : d’avant en arrie ` repourlasce ` neducorte ` geetd’avantplanenarrie ` replansurlepanneauducorte ` ge(personnage no 1etrestedelafile)etpourlasce ` ne du taureau (personnages nos 1et 2 et taureau). Qu’une technique rare soit applique ´ e, dans deux directions del’espace, en un meme lieu, a `  deux panneaux non contemporains, nous paraıˆtdifficile a `  soutenir. Ce qui a e ´ te ´  percu comme une diffe ´ rence de couleur entre lesdeux panneaux (10 R 5/4 a ` 3/4 pour le corte ` ge et 10 R 5/6 pour le taureau), nousparaıt etre une simple nuance, une diffe ´ rence de degre ´  de dilution des ocres.Enfin, on a voulu voir des diffe ´ rences ethniques entre les personnages des deux

tableaux sans pre ´ ciser comment il est possible de distinguer ce type de caracte ` ressur des images traite ´ es en caricature quand l’exercice est de  ja `  mal aise ´  sur desimages re ´ alistes.

Il ne nous paraıˆt pas faire de doute que les deux tableaux font partie d’unememe composition, composition que devrait logiquement accompagner l’ide ´ ede synchronie (vraisemblablement d’une phase ancienne du Bovidien) enfaveur de laquelle plaident les arguments chronologiques de ´ veloppe ´ s plushaut et ceux, se ´ mantiques, dont il sera question. Si ces arguments n’emportentpas la conviction, si les derniers artistes a `  intervenir n’ont pas voulu accomplir

une composition dans une espe ` ce de palimpseste (ce qui nous paraıˆt difficile a `soutenir ne serait-ce que parce que n’e ´ tant jamais ine ´ vitables, la proximite ´  et lasuperposition ont force ´ ment du sens), il ne sera pas inutile d’examiner cettefresque comme une composition.

Le panneau de la partie sud-ouest de la paroi montre un corte ` ge de20 personnages traite ´ s en perspective avec une grande maestria graphique,en ocre rouge sombre applique ´ e a `  la totalite ´  du corps, sauf pour le personnageno 1 traite ´  au trait rouge. Les personnages semblent etre tous des femmes, sur

une douzaine d’entre eux (nos 1, 2, 3, 4, 7, 9, 10, 13, 17, 19, 20, 21, 22) onreconnaıˆt des caracte ` res anatomiques fe ´ minins (seins, cambrures, fesses, lar-geur des cuisses) ; on ne peut dire d’aucun d’entre eux qu’il pre ´ sente descaracte ` res masculins. Il se de ´ gage de ce corte ` ge traite ´  avec grande maıˆtrise,

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une impression d’animation parfaitement organise ´ e a `   laquelle le respect desproportions anatomiques, les de ´ tails corporels, les diffe ´ rentes positions desmembres et l’effet de perspective donnent vie, allant et solennite ´ .

Au-dessus du personnage no

1, traite ´ s de la meme manie ` re que ceux ducorte ` ge, sont peints deux sujets fe ´ minins, debout, se faisant face, avec despositions diffe ´ rentes des membres supe ´ rieurs. Celui de gauche est penche ´  versl’avant et touche de la tete la poitrine de celui de droite qui est dans une posturea `  peu pre ` s droite et de ´ passe de la teˆte et des membres supe ´ rieurs le pre ´ ce ´ dent. A `

l’inverse de la sce ` ne du corte ` ge, il se de ´ gage de cette image une impressiond’immobilite ´ , comme d’attente. La position de cette figure au-dessus topogra-phiquement du corte ` ge et au-dessus du personnage semblant le conduire nenous paraıt pas neutre, il est tentant de supposer que l’une est l’objet de l’autre.

Retenons pour l’instant pour la totalite ´   du panneau qu’il s’agit d’unerepre ´ sentation traite ´ e de la meme couleur, en plein (sauf pour le personnageno 1), mettant en sce ` ne exclusivement des personnages fe ´ minins en deux partiesdistinctes l’une de l’autre, la premie ` re, la procession, mobile et la seconde, lesdeux corps fe ´ minins accole ´ s, immobile.

Le second panneau, celui de la partie nord-est de la paroi figure un taureaudessine ´  au trait rouge, immobile, entoure ´  de six personnages filiformes, a `   lachevelure abondante, traite ´ s au trait rouge, sur le mode caricatural et dans despositions pour le moins acrobatiques. Le taureau qui regarde vers la proces-sion, d’un dessin tre ` s su ˆ r, riche en de ´ tails anatomiques, est d’un beau stylenaturaliste. Les oreilles, les cornes, l’œil, les sabots, la queue, la robe comme lesorganes ge ´ nitaux sont repre ´ sente ´ s avec grand souci du de ´ tail. De meme qu’on avoulu insister sur le caracte ` re imposant et massif de l’animal, il paraıˆt toutaussi e ´ vident qu’on l’a campe ´  dans une frappante immobilite ´ , confinant aufigement, a `   la placidite ´ , a `  une certaine chosification comme s’il ne valait quecomme objet autour duquel s’agitent les 6 personnages traite ´ s de manie ` recaricaturale, peu soucieuse de la vraisemblance anatomique, insistant sur deschevelures hirsutes, des proportions de membres irre ´ alistes, des capacite ´ s de

flexion et de contorsion peu compatibles avec l’anatomie humaine.

De ce panneau nous retiendrons pour l’instant, qu’il s’agit d’une figurationau trait, mettant en sce ` ne des personnages masculins et un bovide ´ male avec unregistre central immobile repre ´ sente ´   par le taureau et des personnages, enpe ´ riphe ´ rie, en mouvement.

Il nous paraıˆt tomber sous le sens que les deux panneaux s’opposent avecpour l’un (celui du corte ` ge), situe ´  dans la partie sud de la paroi, une valencefe ´ minine et pour l’autre (celui du taureau), situe ´ dans la partie nord de la paroi,

une valence masculine. Une seconde opposition peut etre de ´ gage ´ e, elleconcerne le trait : le panneau fe ´ minin est tout entier en plein (a `   l’exception dupersonnage no 1 pour des raisons particulie ` res que nous examinerons plus loin),le panneau a `  valence male est tout entier au trait avec des corps de la couleur de

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la paroi. Trois associations peuvent d’ores et de  ja `   etre envisage ´ es: Sud,fe ´ minin, plein pour le panneau A, Nord, masculin, vide pour le panneau B.

Sur chacun des panneaux, nous avons reconnu une partie immobile avec des

positions topographiques sur la paroi, particulie ` res : les deux personnagesfe ´ minins au-dessus de la procession, le taureau au milieu de l’agitation.Postures et positions qui nous paraissent de nature a `   de ´ signer ces objetsgraphiques comme les centres des sens. Nous verrons plus loin lesquels. Lesparties mobiles des deux panneaux s’opposent par la qualite ´  du mouvement ;une procession structure ´ e, ordonne ´ e, conduite, grave et traite ´ e de manie ` rere ´ aliste, face a `   une agitation de ´ sarticule ´ e, sans retenue, hilare et traite ´ e demanie ` re caricaturale. C’est a `  ce syste ` me d’oppositions se ´ mantiques que nouspre ´ fe ´ rons attribuer les diffe ´ rences de style entre les deux panneaux, diffe ´ rences

qui prennent alors valeur d’oppositions de style exprime ´ es, en l’occurrence parle fait qu’un panneau soit en trait et l’autre en plein.

Nous avons de  ja `   parle ´  de la pre ´ sence sur le panneau A d’une figuration dedeux personnages aux caracte ` res nettement fe ´ minins, au-dessus du corte ` ge ;cette image n’a pas, pensons-nous, suffisamment attire ´  l’attention des auteurs.Le personnage de gauche a les jambes paralle ` les et droites, le buste et la tetepenche ´ s vers l’avant, les avant-bras fle ´ chis sur les bras et les mains derrie ` re lanuque. La femme de droite est elle aussi debout, mais son corps est a `  peu pre ` sdroit dans sa totalite ´ ; les bras sont horizontaux et les avant-bras fle ´ chis avec les

mains se rejoignant au-dessus de la tete. Ses jambes sont plus ouvertes quecelles de la pre ´ ce ´ dente, de meme que son ventre est plus galbe ´ . Les deux corpsse font face et se touchent en un point particulier : la tete penche ´ e de la femmede gauche est en contact avec la poitrine, si ce n’est avec le sein, de celle dedroite. Comment alors ne pas voir dans cette sce ` ne montrant deux femmes lie ´ espar le sein, une relation filiale, de me ` re a `  fille ? Les deux corps sont organise ´ s detelle sorte que leurs trace ´ s dessinent un espace clos sur la quasi totalite ´   ducontour, ouvert seulement du cote ´  des pieds. Les personnages se faisant face,l’espace inte ´ rieur ainsi de ´ termine ´  par l’assemblage, l’accolade, dirons-nous,

des corps, est constitue ´   centralement par le trace ´   des ventres. De plus, cetespace s’ouvre du cote ´  des pieds, c’est-a ` -dire par la partie infe ´ rieure du corps,par-la `   ou s’ouvre l’ute ´ rus. L’espace fonde ´   par l’accolade de deux corpsfe ´ minins, de la me ` re et de la fille ou de l’ide ´ e de me ` re et de l’ide ´ e de fille,dessine ´ par l’assemblage des ventres, s’ouvrant du cote ´ des membres infe ´ rieurs,du cote ´ par ou le ventre se fe ´ conde, nous paraıt symboliser l’espace matriciel dela vie en attente de la puissance ge ´ ne ´ sique. Cette unite ´   d’espace, dans sesprolongements domestique et social est chez les populations actuelles duSahara, en ge ´ ne ´ ral et chez les Touaregs, en particulier, la tente. Cette dernie ` reconstitue dans la cosmogonie un e ´ le ´ ment central sur lequel de passionnantesrecherches ont e ´ te ´  mene ´ es par les anthropologues du domaine.

Dans la cosmogonie des diffe ´ rents groupes berbe ` res, le cosmos chez les uns,la terre ou le monde chez les autres, est comparable a `  un disque (a `  une galette

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chez les Kabyles) reposant sur les cornes d’un bœuf ou d’un taureau. La terretremble quand le bovide ´  change le cosmos de corne. Chez les Touareg, la tenteest a `  l’image du cosmos, elle en incarne l’identite ´  sur terre, elle en a la formearrondie, son toit est la re ´ plique de la vou ˆ te ce ´ leste, les quatre piliers qui la

soutiennent sont conformes aux quatre piliers du ciel, les quatre e ´ toiles duCarre ´  de Pe ´ gase (D. Casajus, 1987, p. 57).

En meme temps qu’elle est la re ´ plique formelle du cosmos, la tente a desattributs fe ´ minins, elle est belle, spacieuse et accueillante comme la femmequ’elle abritera et dont les caracte ` res anatomiques sont volontiers mis enrapport avec les e ´ le ´ ments structuraux de la tente (toit, ruelle, arceaux, traversesde lit...). Chez les Touareg, la tente est un bien fe ´ minin, elle est constitue ´ e par lame ` re lors du mariage de sa fille, tout comme elle-meme, l’a recue de la sienne. Il

est impe ´ ratif que chaque nouvelle tente du campement comprenne, quand ellen’est pas entie ` rement confectionne ´ e par la me ` re, quelques e ´ le ´ ments de la tentematernelle (H. Claudot-Hawad, 1993, p. 46). Le fait que la me ` re fonde l’abrirenvoie a `  une re ´ alite ´ plus ge ´ ne ´ rale qui fait de la femme, la fondatrice de l’espacedomestique, espace qu’elle refonde perpe ´ tuellement par le don d’une tente quefait la me ` re a `  sa fille, comme le prolongement symbolique de l’abri originel.Une femme ne cesse jamais d’avoir une tente, celle de sa me ` re qui est de  ja `   lasienne, puis la sienne qu’elle recoit de sa me ` re et qu’elle destine a `  sa fille. Tandisque le destin de l’homme est d’aller d’une tente (celle de sa me ` re) a `  une autre(celle de son e ´ pouse), celui de la femme est d’habiter deux tentes qui ne sont en

fait qu’une et dont elle re ´ alise l’unite ´  et la permanence. Plus que de proximite ´ ,c’est d’identite ´  qu’il s’agit entre femme et tente, et dans le couple cosmogo-nique Asouf/Abawal , la tente et la femme sont Abawal  comme le sont le pays dela me ` re et la parente ´  matriline ´ aire.

Si e hen (la tente) de ´ signe me ´ taphoriquement l’e ´ pouse, tout comme axxam(la maison) en Kabyle et ed-dar en arabe, il de ´ signe aussi l’ute ´ rus qu’on appellee ´ galement e hen n barar, « la tente des enfants ». Dans la cosmogonie touare ` gue,il y a nettement identite ´   entre le cosmos et la tente, entre la tente et la femme,

entre la femme et l’ute ´ rus. Si l’ute ´ rus, comme matrice est la niche spatiale de lavie, la de ´ tentrice, la femme, est celle qui fonde l’unite ´  d’espace social, la tente a `laquelle elle est identifie ´ e ; mais, au-dela ` , la perpe ´ tuation de la vie, la multi-plication des espaces domestiques est le fait de la multiplication des matricesassure ´ e par la division de la tente, reproduite e ´ gale a `   elle-meme, transmise parla me ` re a `  sa fille qui en assure le prolongement. Si bien que l’on peut dire que sil’espace fonde ´  par la me ` re est refonde ´  par la fille, c’est parce que la matrice dela premie ` re a mis a `  la disposition de la continuite ´  un autre ventre fe ´ cond, toutcomme elle fait don d’une tente a `  sa fille. La tente peut venir a `  disparaıˆtre si unventre fe ´ cond ne la continue.

Comme re ´ plique du cosmos, la tente des Touaregs a e ´ galement desorientations pre ´ fe ´ rentielles par rapport aux points cardinaux. La tente desKel Ahaggar s’ouvre au sud, le lit est oriente ´  dans l’axe nord-sud avec la tete

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au nord et les pieds au sud. Chez les  Kel Ferwan, (D. Casajus, 1987), la tentes’ouvre toujours a `   l’ouest et le lit est oriente ´   selon l’axe est-ouest, la tete a `l’est et les pieds a `   l’ouest, vers l’ouverture, la femme se tenant du cote ´  sud etl’homme du cote ´   nord. Ainsi, quelle que soit son orientation, la tente se

pe ´ ne ` tre toujours du cote ´  des pieds. Les femmes accouchent dans la partie sudde la tente, parce que le nord et le sud s’opposent comme masculin etfe ´ minin, comme ne ´ faste et faste et associe ´ s au couple cosmogonique Asouf/Abawal.

G. Aumassip et   alii   ont fort justement insiste ´   dans les descriptions dupanneau A sur les diffe ´ rentes positions des membres supe ´ rieurs des personna-ges ; ils en ont distingue ´ trois : 1) P1. position lie ´ e a `   la marche, un bras en avant,l’autre en arrie ` re ; 2) P2. bras horizontaux perpendiculaires a `  l’axe du corps et

avant-bras ramene ´ s sur le cou ou la nuque ; 3) P3. avant-bras fle ´ chis sur les braset projete ´ s en avant du corps.

La teˆte du corte ` ge est tenue par le personnage no 1, le seul de la procession a `eˆtre traite ´   au trait, comme pour le distinguer (plutot que pour le caracte ´ riserethniquement), comme paraıˆt le sugge ´ rer sa position en avant de la file et enpremier plan par rapport a `  celle-ci. Il semble bien conduire la marche et peut-eˆtre, de ´ tenir des roles d’officiant. Mais au-dela ` , ce qui est frappant, c’est laposition de ses membres supe ´ rieurs (P2) qui est conforme a `  celle du personnageno 22, au-dessus de la file et qui est pour nous, la me ` re ou l’ide ´ e de me ` re. Nous

noterons e ´ galement que le personnage no

2, le suivant imme ´ diat de la conduc-trice du corte ` ge, pre ´ sente une position des membres supe ´ rieurs (P3) compa-rable a `  celle du personnage no 21, au-dessus de la file et qui est pour nous, lafille ou l’ide ´ e de fille. De plus, la position des membres supe ´ rieurs du person-nage no 22 (P2), se pre ´ sente par trois fois dans la file, aux nos 1, 9, 14 et est a `chaque fois suivie imme ´ diatement par un personnage ayant la position du no 21(P3), tel est le cas des nos 2, 10 et 15. Cependant, il en est un, le no 8, avec uneposition des bras semblable a `  celle du no 21 (P3) qui n’est pas pre ´ ce ´ de ´  par unpersonnage en position P2 ; mais nous noterons bien qu’a `  cet endroit de la file,

il y a une interruption du corte ` ge avec des dimensions propres a `  recevoir ledessin d’un personnage.

La re ´ pe ´ tition des positions des membres supe ´ rieurs des personnages nos 21et22 a `  plusieurs reprises dans le corte ` ge nous paraıˆt indiquer que l’objet de laprocession se confond avec le sujet de l’attente. Rappelons que les autrespersonnages de la file sont dans des positions normales de marche. Seules doncles deux positions e ´ voque ´ es par les personnages de l’image immobile, seretrouvent dans la file, en association, dans le meme ordre. Que le personnageno 1 emprunte la meme gestuelle que celle du no 22 nous semble exprimer l’ide ´ e

de de ´ le ´ gation a `  conduire la procession. Nous avons de  ja `  dit que le personnageno 22 nous paraıˆt repre ´ senter l’ide ´ e de me ` re et le no 21, l’ide ´ e de fille dont nousretrouvons des alter ego dans la file sans doute, croyons-nous, pour sugge ´ rerl’ide ´ e de nubilite ´  ou quelque chose d’approchant.

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Dans les ce ´ re ´ monies de mariage touareg, le marie ´   est le premier a `   eˆtreintroduit dans la tente nuptiale. Tard dans la nuit, ou a `  l’aube arrive la marie ´ equi ne peut y entrer comme e ´ pouse que parce qu’un homme s’y trouve de  ja ` .Elle est accompagne ´ e de ses jeunes amies et de quelques vieilles qui font

corte ` ge. Avant d’introduire la marie ´ e dans la tente, le corte ` ge conduit parune vieille qui a expresse ´ ment recu de ´ le ´ gation de la me ` re, fait trois fois le tourde la tente. La marie ´ e suit l’officiante du corte ` ge, appuye ´ e sur son dos, dansune position de crainte et d’imploration mele ´ es.

Le panneau B, comme nous l’avons de  ja `  dit, pre ´ sente en partie centrale, untaureau et en pe ´ riphe ´ rie, des personnages filiformes. Le taureau est d’un beaustyle naturaliste traite ´   avec grand souci du de ´ tail et des proportions anatomi-ques. Œil, cornes, oreilles, bouche, naseaux, robe, e ´ paules, croupe, sabots,poils de la queue, organes ge ´ nitaux sont repre ´ sente ´ s avec une grande fide ´ lite ´ .Meˆme les fanons sont mentionne ´ s. Il est clair que l’objectif est de ne laisseraucun doute sur la nature de l’animal, comme pour l’identifier de la manie ` re laplus nette. C’est Lui. Ce luxe de de ´ tails contraste singulie ` rement avec l’absenced’animation, de mouvement, presque de vie, qui se de ´ gage de ce taureaumassif, placide, re ´ ifie ´  quasiment, auquel son imposance et sa position centraleconfe ` rent un role et une place de ´ passant sa simple nature. Il est comme statufie ´ .De fait, les auteurs ont souvent souligne ´  le caracte ` re mythique que n’ont pasmanque ´  de preter au bovide ´   male, les populations pre ´ historiques.

Dans les ce ´ re ´ monies de mariage actuelles chez les  Kel Ferwan  (rapporte ´ espar D. Casajus), un taureau est sacrifie ´  selon un rituel qui me ´ rite que l’on s’yarrete. Le taureau est offert par le marie ´  au campement de sa future e ´ pouse.Avant d’etre sacrifie ´ , il est attache ´   a `  bonne distance du lieu de la ce ´ re ´ monie,puis introduit dans le campement par les jeunes amis du marie ´ , chevauchantdes montures en poussant et attaquant l’animal avec lames et e ´ pe ´ es, dans uneespe ` ce de corrida. Une fois sur les lieux de la fete, il est enfin frappe ´   pourtomber sur les genoux avant qu’on ne lui tranche le jarret. Alors, seulement ilest e ´ gorge ´   et de ´ pece ´ . Dans ce rituel, le taureau voit en quelques instants leshommes se comporter avec lui de deux manie ` res diffe ´ rentes : comme avec unanimal sauvage que l’on poursuit sur des montures et qu’on attaque avec desengins de chasse, puis comme avec un animal domestique qu’on e ´ gorge. Quandil va rejoindre la tente nuptiale, le mari va emprunter le meme chemin que celuipar lequel on a pousse ´   le taureau. Il y a de toute e ´ vidence, au moins de laproximite ´   entre le marie ´   et le taureau qu’il a offert pour le sacrifice dese ´ pousailles : tous deux sont introduits brusquement dans le campement, tousdeux viennent de l’exte ´ rieur et par le meˆme chemin. La proximite ´  entre eux, a `cause de la circonstance dans laquelle elle est e ´ voque ´ e – ici, les e ´ pousailles – nous paraıt se situer au niveau de ce que la circonstance met en jeux, la capacite ´

a `   fe ´ conder, car dans tous sacrifices, l’animal de ´ truit rapproche le sacrifiant dela divinite ´ . M. Ghabdaouane (1997) insiste lui aussi, sur l’importance dutaureau et de son sacrifice lors des ce ´ re ´ monies de mariage chez les Touaregs.Le re ´ cit qu’il fait de ce rituel (p. 311) est en tous points comparable a `   la

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description qu’en donne D. Casajus. De fait, dans de nombreux poe ` mes etchants lie ´ s aux ce ´ re ´ monies de mariage, le taureau est e ´ voque ´  comme celui quiva rendre fe ´ condes les tentes : « ... vaches et taurillons sont me ˆ le s...», ou encore :

« ... les taureaux sont mis a ` mort je te salue, toi le procre ateurqui fe condes le sein de la me `re...»

(D. CASAJUS, 1987, pp. 244 et 245)

Nous avons fait appel a `  ce rituel pour aborder l’autre e ´ le ´ ment qui nousparaıt important sur le panneau B, « le trait sexuel ». En effet, G. Aumassip etalii  comme G. Camps e ´ voquent l’existence d’une ligne trace ´ e en rouge, partantdu sexe de l’animal, passant sous ses sabots avant, effleurant le visage dupersonnage no 4, pour disparaıˆtre derrie ` re le garrot et enfin, re ´ apparaıˆtre pour

s’arreter dans la bouche du personnage no 2. Il faut ajouter a `  cela la pre ´ senced’un trait rouge aussi, qui sort de la bouche du taureau (nous excluons toutepossibilite ´  qu’il puisse s’agir de la repre ´ sentation de la langue de l’animal, carce serait alors le seul e ´ le ´ ment anatomique a `   eˆtre figure ´   sche ´ matiquement surcette image re ´ aliste) et qui paraıt se diriger vers le personnage no 5. Sauf erreurd’interpre ´ tation sur la photographie, de notre part, il nous semble qu’un autretrait butant sur le chanfrein de l’animal, paraıˆt se diriger vers le personnageno 6. Un autre trait e ´ merge d’entre les jambes, dans la re ´ gion du sexe, dupersonnage no 3. En fait, il ne serait pas a `  exclure que tous les personnages et le

taureau soient lie ´ s entre eux par un syste ` me de traits se bifurquant, menant auxsexes et aux bouches.

Ce trait appele ´  par les auteurs « trait sexuel », e ´ voque par ce qu’il met enrelation, le sexe et la bouche, deux organes que rien ne semble lier, sinon leurcapacite ´   a `   tous deux, a `   se ´ cre ´ ter des liquides (le sperme, l’urine et la salive).Dans les nombreuses descriptions du ce ´ le ` bre voile touareg et de son port, lesanthropologues (notamment H. Claudot-Hawad, 1993 et D. Casajus, 1987)signalent que celui-ci commence a `  eˆtre porte ´  par les jeunes garcons a `   l’age de lapuberte ´ , quand ils commencent a `  avoir leurs premie ` res pollutions nocturnes. Il

y a donc un lien tre ` s net entre virilite ´  et voilement, lien exprime ´  par l’assimila-tion entre le sexe et la bouche, tous deux producteurs de liquides. Un hommene peut prendre femme que si il est voile ´ . En se cachant la bouche, le jeunetargui exhibe en fait, son sexe. Chez de nombreux groupes du Maghreb-nord,quand un jeune homme veut exprimer son de ´ sir de prendre e ´ pouse, il se laissepousser la moustache. Au premier degre ´ , le syste ` me pileux symbolisant lavirilite ´ , on peut dire que faisant ceci, il fait montre de cela. Mais au-dela ` , c’estsur la bouche – c’est-a ` -dire sur le sexe maintenant producteur –, que ce trait depoil veut attirer l’attention. Chez les Touaregs, c’est par le port du voile que le

 jeune homme entre dans la vie, comme la femme par la possession d’une tente.Dans le prolongement de l’opposition semence virile/ute ´ rus, les hommes sontdes voiles comme les femmes sont des tentes.

C’est bien de semence virile dont le taureau est dispensateur, qu’il semble

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eˆtre question dans le panneau B. Mais cette semence paraıˆt comme disperse ´ e etsurtout, comme retenue, ainsi que veulent l’indiquer les nombreux traits encirculation entre les sexes et les bouches ; elle est ve ´ ritablement mise en jeuentre des personnages pour le moins inhabituels. En effet, autour du taureau,

6 individus, tous masculins, de ´ ploient une activite ´  qui est toute entie ` re lie ´ e a `l’animal et a `   son sexe et qui paraissent n’avoir d’autre centre d’inte ´ reˆt quecelui-la ` . Ils sont traite ´ s avec le meme type de trait et de la meme couleur quel’animal, mais dans un style graphique sche ´ matique qu’on a voulu en contrasteavec le beau re ´ alisme du taureau, comme si il s’agissait d’accompagner leurrepre ´ sentation de l’ide ´ e d’une certaine irre ´ alite ´ . Apre ` s avoir e ´ te ´  caracte ´ rise ´ sparun minimum de traits anatomiques humains (bras, jambes, tete...) et de lamanie ` re la plus e ´ conome, l’accent semble etre mis sur des caracte ` res et descapacite ´ s a `   peine humains comme ces membres disproportionne ´ s, ces cheve-

lures exage ´ re ´ es, ces flexions et contorsions difficilement compatibles avec desstructures de verte ´ bre ´ s. Ces personnages qui ont quelque chose de supra- (ouinfra-) humain sont en plus d’une grande ressemblance entre eux, commeprive ´ s de toute individualite ´ , a `  la manie ` re d’etres indistincts.

Se tenant a `   diffe ´ rents endroits par rapport au taureau (croupe, flanc,museau, devant, au-dessus), les sujets exe ´ cutent des mouvements acrobatiques,empruntant des attitudes caracte ´ rise ´ es par un manque de retenue. La repre ´ -sentation insiste e ´ galement sur des chevelures similaires qui toutes sont volu-mineuses et en nette contraste avec le caracte ` re frele des corps.

D. Casajus rapporte que lors des ce ´ re ´ monies de mariage chez les Kel Ferwan,le sacrifice du taureau est pre ´ ce ´ de ´  et suivi de chants et danses orchestre ´ es par legroupe des forgerons. Au moins trois types de danses sont exe ´ cute ´ es dans unordre bien pre ´ cis et impliquant chacune un groupe social bien de ´ fini. Ladernie ` re, celle des forgerons eux-memes, est une danse bouffonne, acrobatiqueet bruyante, a `  la gestuelle sans re ´ serves, les cheveux au vent, a `  contretemps desconvenances et surtout, des qualite ´ s qui font l’ide ´ al des autres groupes toua-regs, l’e ´ le ´ gance, la pudeur et la retenue. Dans cette danse il est attendu des

forgerons des attitudes exprimant par le me ´ pris d’eux-meˆmes, leur exte ´ riorite ´par rapport aux autres groupes touaregs. Les forgerons constituent un groupeparticulier ; comme leur nom l’indique, ils ouvragent aujourd’hui les me ´ taux(fer, argent, cuivre), mais on les retrouve au travail du bois, a `  la fabrication dedivers outils et ustensiles, des selles de me haris, des sacs en peau, a `   l’animationdes ce ´ re ´ monies et a `   l’exercice de la musique... Ils ne participent que commeauxiliaires a `  la guerre et sont ve ´ cus comme exte ´ rieurs a `  la communaute ´  aupre ` sde laquelle ils ont un statut de clients attache ´ s a `  tel ou tel groupe. C’est sansdoute a `  cause de cette exte ´ riorite ´ , qu’ils sont tenus d’exprimer avec emphaselors de diverses ce ´ re ´ monies, qu’ils inspirent me ´ pris, mais aussi crainte auxautres groupes touaregs, me ´ pris, a `   cause du rang social qu’ils tiennent etcrainte, a `   cause de leur proximite ´  avec les Kel Asouf .

Nous avons de  ja `   parle ´   de l’Asouf , l’exte ´ rieur, les terribles e ´ tendues inhabi-

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te ´ es hante ´ es par les Kel Asouf (ceux de l’Asouf ) que la culture touare ` guee ´ voquea `   diverses occasions et manifestations, sous forme explicite, mais le plussouvent par alle ´ gorie, paraboles et me ´ taphores tant il n’est pas aise ´  de cernerces etres invisibles, indistincts. Ils peuvent prendre apparence humaine mais

une certaine lividite ´  accompagne ces formes de la nuit et de l’e ´ trange. Ces etresmalfaisants ont la re ´ putation d’etre hirsutes, avec des chevelures lourdes,de ´ sordonne ´ es, broussailleuses. Sans doute cela est-il a `   mettre en relationavec les soins particuliers qui entourent la ce ´ re ´ monie de la nomination del’enfant intervenant au septie ` me jour de sa naissance et qui coı ¨ncide chez lesTouaregs, avec la premie ` re coupe de cheveux. En recevant un nom, donc enacque ´ rant une individualite ´ , l’enfant subit sa premie ` re coupe de cheveux quivont maintenant etre peigne ´ s et ordonne ´ s. Il ne peut plus eˆtre la proie des  Kel Asouf . Ce rituel de la premie ` re coupe des cheveux a e ´ te ´   de ´ crit chez de

nombreux groupes berbe ` res et, chez les Touaregs, on lui attribue volontiersle pouvoir de priver les Kel Asouf  d’avoir emprise sur l’enfant car c’est par lachevelure que les de ´ mons prennent les hommes. Que de femmes kabyles, j’aipersonnellement vu dissimuler dans un trou du mur, des cheveux reste ´ saccroche ´ s aux dents du peigne. En toutes circonstances, il est recommande ´de toujours mettre a `   l’abri les poils humains.

Nous avons de  ja `  insiste ´ sur le fait que, dans bien des ce ´ re ´ monies actuelles, lesforgerons, a `  cause de leur qualite ´  de clients, ont des fonctions d’officiants en

meme temps qu’il est attendu d’eux de marquer, avec emphase, leur exte ´ riorite ´ .Nous voulons maintenant rappeler le fait que dans tous les partages de viandessacrificielles, aux ce ´ re ´ monies de mariage ou de nomination, comme en d’autresoccasions, les organes ge ´ nitaux, en plus d’autres parties, leur reviennent dedroit (D. Casajus, 1987, p. 353).

Il est remarquable qu’un groupe particulier (ici et maintenant, celui desforgerons) que son statut situe a `   la pe ´ riphe ´ rie dans l’organisation socialege ´ ne ´ rale, assure par sa position aux marges, la relation et le contact avecl’exte ´ rieur et l’ide ´ e que l’on s’en fait. Tout en e ´ tant attache ´ a `  la communaute ´ , legroupe peut s’approprier les pouvoirs malfaisants de l’exte ´ rieur et en reveˆtir lesformes et les attributs. Cela, il l’exprime a `   la communaute ´  (et avec emphase)lors de diverses ce ´ re ´ monies, de retour, la communaute ´   lui voue me ´ pris etcrainte.

Les personnages du panneau B, indiffe ´ rencie ´ s, chevelus, filiformes, auxformes les situant aux lisie ` res humaines, acrobatiques, sans retenue nousparaissent exprimer cette ide ´ e. Et ce d’autant plus que l’enjeu est de taille, ils’agit de rien moins que de la puissance ge ´ ne ´ sique qu’ils semblent s’accaparer,

faisant planer sur la permanence de la vie, la menace supreme : l’infe ´ condite ´ .Les parties immobiles des deux panneaux, l’image des deux femmes accole ´ es etcelle du taureau nous paraissent etre l’une a `   l’autre ce qu’est l’attente a `l’attendu. Les parties mobiles, elles, la procession fe ´ minine et l’agitation

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masculine sont mobilise ´ es, chacune dans un sens oppose ´  a `  l’autre, au de ´ noue-ment de l’enjeu.

A ` travers cette analyse de la fresque de « l’abri du taureau », nous n’avonspas e ´ te ´   anime ´  par le souci de tirer une narration plus ou moins de ´ taille ´ e, unre ´ cit plus ou moins pre ´ cis, cela nous ayant paru a `  vrai dire, bien qu’il y aitmatie ` re, de peu d’inte ´ ret et par trop aventure ´ . Il peut paraıtre trivial de dire queles enjeux de cette fresque sont la puissance ge ´ ne ´ sique et son corollaire, lafe ´ condite ´ . Il est cependant frappant, voire troublant, de constater que dese ´ le ´ ments de cosmogonie, de pratiques, de rituels et de ce ´ re ´ monies actuels dedivers groupes touaregs se laissent retrouver, ouverts ou couverts, dans cettemise en sce ` ne picturale plurimille ´ naire.

SLIMANE HACHI

RE ´ FE ´ RENCES

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VOCABULAIRE DU ROMAN KABYLE (1981-1995)

UNE E ´ TUDE QUANTITATIVE 1

par

Sinikka Loikkanen

Une e ´ tude quantitative sur le vocabulaire du roman kabyle peut, a `  premie ` revue, sembler e ´ trange car l’existence du roman kabyle paraıt etre encoremodeste pour le grand public. Pourtant, il y en a de  ja `  plusieurs romans publie ´ sdans cette langue.

L’histoire du roman e ´ crit kabyle n’a pas encore atteint ses vingt ans. Lepremier roman fut publie ´  en 1981 et le plus re ´ cent, inclus dans cette e ´ tude, en1995. Cela fait en moyenne un roman tous les deux ans et demi. Ce n’est pas

beaucoup pour une socie ´ te ´  qui a une tradition litte ´ raire e ´ crite vieille de pre ` sd’un sie ` cle (cf. Chaker 1989 : 19-23 ; 1992). La naissance de ce genre litte ´ rairepeut etre comprise comme un aspect de la revendication culturelle et identitairequi a bouscule ´  le monde berbe ` re a `  partir des anne ´ es quatre-vingt. Cette re ´ alite ´elle-meˆme se refle ` te dans la the ´ matique de ces romans.

Le point de de ´ part de cette e ´ tude e ´ tait totalement pratique. Voulant ap-prendre la langue kabyle j’ai voulu savoir quels sont les mots et les verbes lesplus fre ´ quemment utilise ´ s en cette langue. Pour re ´ aliser cette e ´ tude, on aconside ´ re ´  le vocabulaire du roman kabyle comme une unite ´ . On a voulu savoir

de quoi ce vocabulaire est compose ´ . Ainsi, on n’a pas tenu compte de lavariation sociale ou locale des mots, ni non plus de leur origine, ni de leuremploi dans la phrase, ou du style. Une e ´ tude quantitative de ce type est, a `  maconnaissance, la premie ` re e ´ tude sur le vocabulaire romanesque kabyle.

L’e ´ criture et la notation utilise ´ es dans les romans e ´ tudie ´ s sont tre ` s variableset causent certaines difficulte ´ s. La manie ` re d’e ´ crire diffe ` re non seulement entreles romans mais aussi au sein d’un meme roman. Les e ´ crivains ont utilise ´ tantotla notation phonologique, tantot la notation phone ´ tique avec ou sans assimi-lation phone ´ tique ou tiret entre le nom ou le verbe et leurs affixes. Ainsi, on

peut trouver dans les textes, par exemple, pour l’expression « a `   cote ´  de» les

1. Cette e ´ tude est la synthe ` se d’un me ´ moire de DEA (Vocabulaire du roman kabyle) soutenu a `l’INALCO en 1998 sous la direction de S. Chaker.

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 185-196

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notations   t tama, ttama, t   -t  ¸ama, pour les mots « vetements »   icettid . en   ouicet.t.id . en, «avec lui»  yides  ou  yid-es   et pour la « male ´ diction »  dae wessu  oudaawassu. On e ´ crit aussi yalwa pour yal  wa  « tous ceux » ou sekra pour s kra« avec un peu, par tous ceux ». Il y a donc des variations a `  plusieurs niveaux.

Une telle variation de la transcription du texte indique qu’il existe encoreune grande he ´ sitation parmi les auteurs quant a `  la manie ` re d’e ´ crire les mots oules expressions kabyles. Dans ces conditions, on peut conclure que le passagede l’oralite ´   a `   l’e ´ criture n’est pas encore comple ` tement acheve ´ . Sans exage ´ rer,on peut dire que chaque e ´ crivain applique ses re ` gles d’e ´ criture et que celles-cisont variables meme pour un meme auteur. Cela rappelle le cas de l’ancienfrancais ou les textes du   XVII

e sie ` cle, surtout avant les 1660, ont de tellesvariations orthographiques qu’« il serait assez vain de faire entrer dans unestatistique des variations qui n’ont souvent d’autre cause que la fantaisie ou

l’ignorance d’un imprimeur » ce qui « cre ´ e e ´ videmment des difficulte ´ s supple ´ -mentaires » (Muller 1979 : 125n). Pour e ´ viter des difficulte ´ s dues a `   l’instabilite ´de la notation, on a du ˆ  reconstruire un certain me ´ taniveau. Afin de le former,on a recherche ´   les e ´ quivalences des mots, puis, par la lemmatisation on aregroupe ´  les mots sous les vocables correspondants, ce qui permet de passer auvocabulaire du texte. La notation employe ´ e dans cette lemmatisation se basefondamentalement, avec quelques exceptions, sur celle utilise ´ e dans le Diction-naire kabyle-franc¸ais de J.-M. Dallet (1982).

I. CORPUS

Le corpus comporte les six premiers romans e ´ crits en kabyle qui sont :

 – Rachid Aliche, Asfel. Mussidan : Fe ´ de ´ rop, 1981. 139 p.

 – Saı ¨d Sadi,  Askuti.  Paris : Imedyazen, 1983 / Alger : Asalu, 1991. 184 p.

 – Rachid Aliche, Faffa. Igujen irgazen ur t   t  ¸run. Mussidan : Fe ´ de ´ rop, 1986.142 p.

 – Aemer Mezdad, Id .  d wass. Alger : Asalu, Azar, 1990. 182 p.

 – Eemer Wh. emza, Si tedyant g er tayed . .... Lyon : Editions Berbe ` res, 1994.199 p.

 – Salem Zenia, Tafrara. Aurore. Paris : L’Harmattan, AWAL, 1995. 181 p.

Bien que ces romans ne soient pas quantitativement comparables entre eux,i.e. ilsdiffe ` rentparlenombredepagesetdemots,onlesatraite ´ setconside ´ re ´ s dela meˆme fac¸on. On a e ´ tudie ´  tout le texte narratif de chaque roman. On a excluuniquement les nume ´ ros et les rubriques e ´ ventuels des chapitres, les nume ´ ros

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des pages, les notes en bas de page qui expliquent les mots, les lexiques, lespre ´ faces ainsi que les phrases e ´ crites entie ` rement en langue e ´ trange ` re.

On a conside ´ re ´   ici comme une langue e ´ trange ` re ce qui n’est pas e ´ crit en

kabyle, i.e. dans ce contexte, ce qui est e ´ crit en arabe ou en francais. Mais, dansquelle mesure peut-on compter ces dernie ` res comme des langues e ´ trange ` resdans le contexte maghre ´ bin de nos jours ? Est-ce que l’arabe est une languee ´ trange ` re ? Est-ce que le francais est une langue plus e ´ trange ` re ? Les socie ´ te ´ sainsi que les cultures maghre ´ bines sont profonde ´ ment impre ´ gne ´ es de ces deuxdimensions, ce qui a des conse ´ quences aussi sur la langue parle ´ e localement. Ilexiste des emprunts de part et d’autre, et il n’est gue ` re judicieux de les se ´ parer etsupprimer les e ´ le ´ ments dits e ´ trangers. La de ´ limitation entre les e ´ le ´ ments« purs » et « e ´ trangers » est souvent comme un trait trace ´ dans l’eau. L’e ´ labora-

tion des ne ´ ologismes est bien compre ´ hensible pour les mots et les expressionsqui font de ´ faut, mais la traduction et la suppression syste ´ matiques des anciensemprunts n’est pas toujours justifiable. Alors, si un kabyle dit : « h. emdullilah!»ou dit qu’il va au ssuq, est-ce qu’il faut conside ´ rer qu’il parle l’arabe et pas lekabyle ! Maintenant, on peut trouver e ´ crit dans le corpus e ´ tudie ´ s des ne ´ olo-gismes illu pour le dieu et ulzuz pour le marche ´ .

L’e ´ tude se base sur la forme. Si on rele ` ve dans le texte par exemple le mot garcon, on le classe comme mot e ´ tranger. Mais si, par contre, on trouveagarsun, on le conside ` re comme un mot kabylise ´  et il sera classe ´  avec les autres

mots normaux kabyles. La de ´ limitation entre les mots franc¸ais et les motsemprunte ´ s au francais kabylise ´ s est assez facile. Mais avec l’arabe ceci n’est pastoujours aussi clair. Selon une e ´ tude, 38 % du lexique kabyle est emprunte ´   a `l’arabe et dans certains domaines (vie religieuse et politique) le vocabulaire estpresque totalement arabise ´   (cf. Chaker 1984 : 116-229). En plus, ces empruntssont bien inte ´ gre ´ s dans la structure de la langue kabyle. Mais, e ´ tant donne ´  quele point de de ´ part du de ´ pouillement est la forme, on a du ˆ  dans certains casclasser les mots venant de l’arabe parmi les mots e ´ trangers. Il s’agit des cas oul’e ´ crivain lui-meme les a conside ´ re ´ s comme tels en utilisant l’arabe comme

traduction et quand il les a place ´ s entre crochets ou parenthe ` ses, comme parexemple dans les phrases suivantes dans le roman  Si tedyant g er tayed . ...  deEe mer. Wh. emza (1994).

Awal amezwaru n Nas.er. : Lzˇzˇayer gal e eum anneg  gal e um awen [tkeffi-na watkeffi-kum] ! (p. 11).

Adrar nni ymuger, mazal-t ar ass-a yet.tef isem-is : Adrar [G ebel]  Tariq,zelqen-t kan cit.uh.  (p. 54).

Ma tennid.-as da

gen: S yisem n Yillu ar

.eh

.h.am yesser

.h.amen [Bismi Llahi 

rrahmani rrahim] ad k-in yerr : (p. 65)...

Ibn Xeldun yenna yakan di tmid. i tis mraw kuz. (14) : Ma tet ¸ueer.reb texr.eb(ida eurribet xurribet) (p. 104).

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Yuzzel wawal-is, ur yesqewqiw, ur yesleglid. , ur yeqqar : Yenna-d (qal)(p. 114).

On a donc ignore ´  dans les calculs les mots  tkeffi-na wa tkeffi-kum,   g ebel,bismi llahi rrahmani rrahim, ida

 e urribet xurribet et qal  e ´ tant donne ´  que ce sont

des traductions.

II. DE L’E ´ TUDE STATISTIQUE LEXICALE

Dans la recherche statistique lexicale, on compte le nombre de mots qu’un

texte ou un corpus contient. Celle-ci inclut deux phases : d’abord, on segmentele texte, c’est-a ` -dire, on ope ` reunde ´ coupage du texte et on compte le nombre demots – d’occurrences – qu’il contient. Puis, on ope ` re un classement dese ´ le ´ ments ainsi obtenus et on calcule le nombre et la fre ´ quence de motsdiffe ´ rents – des vocables – en reconstituant ainsi le vocabulaire de ce textee ´ tudie ´ . (Pour la me ´ thodologie et les notions, cf.  par exemple Guiraud 1954 ;Muller 1977 ; 1979 : 125-143, 197-206 ; 1985 : 125-136.)

Un mot est de ´ fini ge ´ ne ´ ralement par une unite ´  graphique se ´ pare ´ e des autrespar des blancs ou par des signes de ponctuation. Ceci est un ide ´ al. Mais

souvent l’unite ´   graphique contient plusieurs morphe ` mes (par exemple enfrancais  aux, lesquelles ; en kabyle  mulac «si non»,  yides  « avec lui ») ou unmot peut eˆtre constitue ´ par plusieurs unite ´ s graphiques (par exemple pomme deterre,   chemin de fer ; en kabyle   adrar ufud   «le tibia». Pour compter lesoccurrences et puis, pour regrouper les vocables, il faut e ´ laborer les crite ` resavec lesquels on traite le texte et on reconstitue le lexique. Le kabyle semblediffe ´ rer du franc¸ais en ce que dans le premier il n’existe pas – si on suit lanotation propose ´ e dans le Dallet (1982) – beaucoup de mots compose ´ s e ´ critsensemble. Selon le Dallet, nous e ´ crivons ma ulac et yid-es au lieu de les e ´ crire en

un seul mot. En conside ´ rant l’apostrophe et le tiret comme des signes deponctuation, il est facile de de ´ finir les re ` gles de se ´ paration.

III. DE ´ COUPAGE DU TEXTE

Le de ´ coupage du texte en mots a `   base des unite ´ s graphiques s’est ave ´ re ´

insuffisant a `   cause de la notation utilise ´ e dans les romans kabyles e ´ tudie ´ s.Parfois, on a e ´ crit plusieurs e ´ le ´ ments diffe ´ rents ensemble, comme par exempleles affixes personnels avec les pre ´ positions. Pour les traiter et les compterisole ´ ment, on a du ˆ   les se ´ parer l’un de l’autre. Parfois, on a du ˆ   re ´ unir et/ou

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composer autrement les e ´ le ´ ments distincts ou ceux se ´ pare ´ s l’un de l’autre d’unefacon diffe ´ rente de celle utilise ´ e dans les manuels du kabyle, comme parexemple dans les cas suivants ou les unite ´ s sont mal identifie ´ es :

 yell-is  ?

  yell-i  |  s gmat-sen   ?   gma | t-sen

 gara-neg    ?   gar | a-neg 

aqla-k   ?   aql  |  a-k

Pour compter les mots, on a extrait les occurrences des diffe ´ rents romansd’apre ` s les memes principes suivant la grammaire kabyle pour avoir unrecensement aussi uniforme que possible. On a retenu les crite ` res suivants dede ´ coupage du texte :

Les noms

Les noms, les substantifs sont tous traite ´ s isole ´ ment. On leur a enleve ´   tousles e ´ le ´ ments pe ´ riphe ´ riques e ´ ventuels, comme les particules pre ´ dicatives, lespre ´ positions, les affixes personnels ainsi que les suffixes de ´ monstratifs. Ainsi,on a obtenu au minimum deux occurrences, par exemple :

les particules pre ´ dicatives :   t   -t  ¸amg art « c’est une vieille »  ?

  t  ¸ | t  ¸amg artles pre ´ positions :   t   -t  ¸emg art « avec une vieille »   ?   t  ¸ | t  ¸emg art

les affixes personnels :   babas « son pe ` re »   ?   baba | s

les suffixes de ´ monstratifs :   argaz-agi  « cet homme-ci »   ?   argaz | agi.

On a ainsi traite ´   aussi l’expression   iman-iw,   iman-is  « moi-meme », « lui-meme », bien qu’iman ne soit utilise ´  qu’avec des affixes personnels.

Les noms compose ´ s qui ont un signifie ´  unique, mais qui sont e ´ crits se ´ pare ´ -

ment, comme adrar ufud  « (le) tibia », sont de ´ compose ´ s. Ici, ils forment autantd’occurrences que de mots dont ils sont compose ´ s –  adrar ufud  constitue doncdeux occurrences qui sont se ´ pare ´ es et traite ´ es isole ´ ment. Mais, les nomscompose ´ s commenc¸ant par  bu, qui sont e ´ crits ensemble avec ou sans tiret,comme tabuzeggag t «rougeole» ou bu-yefrax « maladie du muguet », ne sontpas se ´ pare ´ s.

On n’a pas segmente ´  les noms de ´ rive ´ s, comme les noms d’agents, les nomsd’instruments ou les noms verbaux.

Les verbes

Tous les e ´ le ´ ments, comme les particules d’orientations, celles de l’aoriste ou

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de l’intensif ainsi que les affixes personnels, attache ´ s aux verbes avec ou sanstirets, sont ainsi segmente ´ s, par exemple :

kecmen-d    « ils sont entre ´ s » constitue deux occurrences, ainsi que

annawed .   « nous arriverons », deux occurrences, et(a) k-d-ini g   « je te dirai », trois occurrences.

Les pre ´positions

Il existe une quantite ´  de pre ´ positions qu’on utilise avec des affixes person-nels en les e ´ crivant en un seul mot avec ceux-ci avec ou sans tiret. Il y a onze

pre ´ positions de ce type :  ddaw   «sous»,  deffir  « derrie ` re»,   deg   «dans»,   fell «sur»,   gar   «entre»,   nnig   «au-dessus de»,   g er   «vers»,   g ur   «chez»,   yid « avec», yis « avec » et zdat « devant ». On les a toutes se ´ pare ´ es de leur affixeset compte ´ es se ´ pare ´ ment, comme par exemple :

g ures / g ur-es «chez lui»   ?   g ur |  es

 yidi  «avec moi»   ?   yid  |  i 

zdatsen « devant eux »   ?   zdat | sen.

Les affixes personnels

Dans tous les cas ou l’affixe personnel est attache ´  avec ou sans tiret avecn’importe quel autre e ´ le ´ ment – nom, verbe ou pre ´ position – on l’a se ´ pare ´   decelui-ci, par exemple :

nom :   axxam-is « sa maison »   ?   axxam | is

 yemmas « sa me ` re »   ?   yemma | sverbe :   inna-yas « il lui a dit »   ?   inna | yas

pre ´ position :   yides «avec lui»   ?   yid  |  es

ack-it   « qu’il est bon »   ?   ack | it

aqliyi    « me voici »   ?   aql  | iyi.

Les mots grammaticaux

Ceux qui se sont re ´ duits et soude ´ s a `   l’e ´ le ´ ment suivant par une apostrophe,comme par exemple ma et  mi  dans m’ulac, m’ur et m’ara, sont tous se ´ pare ´ s.

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Les nume ´ raux

Ils suivent aussi la re ` gle ge ´ ne ´ rale ; les nume ´ ros e ´ crits en lettres ont e ´ te ´  se ´ pare ´ sdes autres e ´ le ´ ments. Par exemple xemsin alef  forment deux occurrences. Quantaux ordinaux, que l’on e ´ crit tantot en un mot, tantot a `  part avec un e ´ le ´ ment wis/ tis + un nombre cardinal, ils ont tous e ´ te ´   se ´ pare ´ s. Mais quand il s’agit d’unnom propre ou de celui d’un souverain suivi d’un numero, par exempleMassinissa II , on les compte ensemble comme une seule unite ´ .

En plus des cas cite ´ s ci-dessus, il existe de nombreux mots e ´ crits ensemblemais qu’on ne se ´ pare pas ici. Cela concerne les mots qui ont un signifie ´  fige ´  etbien de ´ fini dans le langage. Cette re ` gle concerne entre autres certains motsinterrogatifs, conjonctions et expressions fige ´ es, comme par exemple : acug ef ? 

«pourquoi?»,   acimi?   «pourquoi?»,   asmi   «lorsque»,   awufan   «puisse»,iwumi?  « a `   qui?», ulamek « il n’a pas de moyen », wissen ?  « qui sait ? ».

IV. REGROUPEMENT DES VOCABLES

Apre ` s que tous les mots aient e ´ te ´  de ´ pouille ´ s et compte ´ s, on les a regroupe ´ ssous les lemmes. Par la lemmatisation, qu’on peut de ´ finir comme une chasseaux classes d’e ´ quivalence des mots, on peut passer des mots aux vocablescorrespondants, i.e. aux formes lexicales des mots. La lemmatisation se basesur les crite ` res de regroupement suivants :

 – Les mots sont tous regroupe ´ s selon leur sens et selon leur classe gramma-ticale. Dans cette phase, on a re ´ uni sous le lemme correspondant toutes lesnotations possibles qu’un mot a pu avoir dans les textes e ´ tudie ´ s, par exemple lelemme tawwurt,nomfe ´ minin « (la) porte », englobe les formes variantes comme

tawwurt et  tabburt avec toutes leurs formes de ´ cline ´ es, le lemme s, pre ´ position« avec, au moyen de » englobe les formes s, es, yis, yiss, et le lemme ad , particulede l’aoriste, englobe les formes variantes, comme a, an, at, at   .

 – Les homographes sont regroupe ´ s sous les lemmes convenables a `   chacunpar le sens et par la classification grammaticale. Par exemple le mot comme yelli  est reparti entre trois lemmes : yelli , nom fe ´ minin « (ma) fille », ili , verbe« etre » et lli , verbe « ouvrir ».

 – Dans quelques rares cas, un lemme peut englober plus qu’un mot. Ceproble ` me ne concerne que quelques homographes qui ont la meme classe

grammaticale et totalement la meme conjugaison bien qu’ils aient des sensdiffe ´ rents, comme par exemple le verbe   ssiwel   « 1) appeler, dire, 2) fairebouillir » et la particule ara  1) particule de l’aoriste, 2) particule comple ´ tivede ne ´ gation.

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14e (ili)   et 15e (ini)   rangs, quant aux deux premiers substantifs, ils ne seretrouvent qu’aux rangs 29 (ass) et 42 (iman) :

Rang Lemme/Classe F

1 d part   18670

2 s aff    8635

3 ad part   6505

4 deg pre  p   5661

5 n pre  p   4746

6 t aff    4174

7 i pron   3478

8 wer part   3289

9 s pre  p   3011

10 sen aff    2835

11 i pre  p   2801

12 ara part   2623

13   ger pre  p   2463

14 ili v   2078

15 ini v   1886

: :

29 ass n m   1194

42 iman n m   772

La distribution des 8 088 lemmes selon la classe grammaticale (voir ci-dessous) nous montre que les fre ´ quences des substantifs et des verbes sontpratiquement e ´ gales au niveau du texte (^ 20 %), c’est-a ` -dire qu’on les autilise ´ s autant de fois dans le corpus, mais au niveau des lemmes les verbesne repre ´ sentent plus que 30,23 % alors que les substantifs plus de la moitie ´ ,

51,59 %. Dans le tableau ci-dessous, on donne d’abord les fre ´ quences dans lestextes, et puis, au niveau des lemmes. En plus des fre ´ quences absolues, c’est-a ` -dire les occurrences releve ´ es dans le corpus, on donne les fre ´ quences relativesen pourcentage (%) :

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Distribution des classes grammaticales

Classe Fre ´ quence dans le texte Fre ´ quence par lemmes

F % F %

Adjectifs 4 651 1,99 478 5,91

Adverbes 15 099 6,45 123 1,52

Affixes et pronoms 38 220 16,32 73 0,90

Conjonctions 9 881 4,22 46 0,57

De ´ monstratifs 3 926 1,68 16 0,20

Expressions et interjections 1 349 0,58 120 1,48

Mots e ´ trangers 153 0,07 68 0,84

Noms propres 4 580 1,96 465 5,75

Nume ´ raux 2 243 0,96 41 0,51

Particules 32 527 13,89 7 0,09

Pre ´ positions 24 980 10,66 26 0,32

Substantifs 47 759 20,39 4 173 51,59

Verbes 48 863 20,86 2 445 30,23

Mots non-classe ´ s 2 7 0,00 7 0,09

S   =   234 238 100 8 088 100

2. Les mots non-classe ´ s sont des mots qu’on n’a pas pu identifier a `  cause de la notation oubien parce qu’ils sont des cre ´ ations d’auteur.

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Cette e ´ tude quantitative nous de ´ voile pour la premie ` re fois statistiquementquels sont les adjectifs, les substantifs et les verbes les plus fre ´ quemmentutilise ´ s. Mais, il faut se rappeler que la the ´ matique des romans e ´ tudie ´ s estlimite ´ e. Les quinze en tete sont regroupe ´ s dans le tableau ci-dessous :

Adjectifs Substantifs Verbes

1 amez.yan « petit » ass « jour » ili « etre »

2 amezwaru « premier » iman « personne » ini « dire »

3 azzayri « algerien » amdan « homme » ugal « venir »

4 amazig   «berbe ` re » abrid « chemin » rnu « ajouter »

5 aneggaru « dernier » tamurt « pays » awi « apporter »

6 ameq ˚ q ˚ ran « grand » awal « mot » ffeg    «sortir»

7   aqbayli « kabyle » axxam « maison » af « trouver »8 aer.ab « arabe » taddart « village » err « rendre »

9 afr.ansis « francais » tit.  «œil» qqim « rester »

10 ir « mauvais » afus « main » wali « regarder »

11 amcum « me ´ chant » mmi « fils » eg ˇ g ˇ   «laisser»

12 aberkan « noir » argaz « homme » kcem « entrer »

13 amellal « blanc » tikkelt « fois » ddu « aller »

14 amenzu « premier » ul « cœur » z.er « voir »

15 amect.uh.   « petit » tamet.t.ut « femme » bgu « vouloir »

VI. CONCLUSION

Cette e ´ tude porte sur le vocabulaire du roman kabyle. Le corpus estconstitue ´  de six romans e ´ crits et publie ´ s en langue kabyle entre 1981 et 1995.Elle propose les premie ` res donne ´ es statistiques concernant le vocabulaire du

roman kabyle.Lalangueetl’e ´ criture dans les romans sont tre ` svariables.Cettee ´ tudeare ´ ve ´ le ´

l’instabilite ´   dans l’e ´ criture du kabyle, notamment les difficulte ´ s concernantl’emphatisation, l’assimilation, l’enchaıˆnement des mots, le choix des lettreset l’utilisation du tiret. Cette variabilite ´   dans l’e ´ criture, qui est encore sansconvention normative et sans standardisation, rend tre ` s difficile la rechercheautomatique sur ordinateur. Le traitement automatique des textes demandeunenotationunivoque;onnepeutpase ´ crireunere ` glespe ´ cialepourchaquecas.

La langue utilise ´ e vient des quatre coins de la Kabylie ainsi que du monde

autour de celle-ci. Dans cette langue e ´ crite, il y a un trait frappant par rapport a `la langue parle ´ e, c’est l’utilisation intensive des ne ´ ologismes berbe ` res. Leursens n’est pas toujours explique ´  dans le texte. D’apre ` s les premie ` res estima-tions, on a releve ´  un peu plus de cinq cent ne ´ ologismes, ce qui fait environ 6 a `

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7 pour cent des lemmes du corpus. Ces chiffres demandent encore une e ´ tudeplus approfondie.

Nous avons obtenu quatre listes des mots et cinq tableaux statistiques. Lessix romans se composent de 234 238 mots qui se regroupent en 8 088 lemmesdiffe ´ rents. On a pu e ´ tablir que 58 mots diffe ´ rents suffisent pour comprendre50 % du texte du corpus, et que 1 331 mots permettent d’en comprendre 90 %.Pour comprendre le reste, il nous faut encore 6 757 mots. Sur la base de cesre ´ sultats nous pouvons, pour la premie ` re fois, former un vocabulaire de basefonde ´  statistiquement.

SINIKKA LOIKKANEN

RE ´ FE ´ RENCES

CHAKER S.,  Textes en linguistique berbe `re. Introduction au domaine berbe ` re. Paris,CNRS, 1984.

 – 1989 : Berbe `res aujour’hui . Paris : E ´ ditions L’Harmattan.

 – 1992 : La naissance d’une litte ´ rature e ´ crite. Le cas berbe ` re (Kabylie). Bulletin desE ´ tudes africaines 17-18: 7-21.

DALLET J.-M., Dictionnaire kabyle francais. Parler des At Mangellat, Alge ´ rie. Paris :Selaf, 1982.

GUIRAUD P., Les caracte `res statistiques du vocabulaire. Essai de me ´ thodologie. Paris :P.U.F., 1954.

MULLER Ch., Principes et me thodes de statistique lexicale. Paris : Hachette, 1977.

 – 1979 :   Langue franc¸aise et linguistique quantitative. Recueil d’articles. Gene ` ve :E ´ ditions Slatkine.

 – 1985 : Langue francaise, linguistique quantitative, informatique. Recueil d’articles,1980-1984. Gene ` ve-Paris : Slatkine-Champion.

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LA MORPHOLOGIE DU VERBE EN TAGNAWT

par

Rqia Douchaı ¨na 1

Tagnawt est un langage secret des femmes de la plaine de Tiznit (Sud-Ouestdu Maroc). Ce langage est de ´ rive ´  du dialecte tachelhit, le parler de la re ´ gion.Ses usage ` res l’utilisent dans des circonstances particulie ` res et a `  des fins pre ´ -cises 2.

On signale l’existence de codes secrets partout dans le monde, et ce depuis leXIII

e sie ` cle en Europe. Leur e ´ tude montre que ce phe ´ nome ` ne quasi universel esta `   la fois divers et unifie ´ . Partout ou il apparaıt, il remplit au moins deuxfonctions, l’une cryptique et l’autre ludique. Par ailleurs, sa diversite ´   estmarque ´ e par la varie ´ te ´  de ses formes, des milieux et des groupes qui l’utilisent.

Grosso modo, ces langages secrets sont de deux types, ceux qui investissent leplan du signifie ´  et ceux qui privile ´ gient le plan du signifiant.

Le premier type est ce qu’on appelle le lexique secret. Il consiste a `  cacher unmot sous un autre mot de sens diffe ´ rent. On dira, par exemple en francais,«poulet»   pour  « policier », ou bien on empruntera des mots a `   des languese ´ trange ` res. Exemple   «smack», de l’anglais  «smoke» «fumer», de ´ signe enfranc¸ais la cocaı ¨ne lorsqu’elle est pure 3.

L’autre type proce ` de par la de ´ formation des signifiants pour rendre le mot

me ´ connaissable, le de ´ guiser en quelque sorte. Ce type pre ´ sente plusieursvarie ´ te ´ s de de ´ formation ;  Tagnawt  en est un exemple. Il s’agit dans ce casd’ajouts d’affixes (aj...wa...i) et de transformations (effacement de voyelles oude consonnes). Ces transformations cre ´ ent des perturbations phonologiques,morphologiques et syntaxiques. On ne traitera pas ces aspects dans cette e ´ tude.Mon attention sera concentre ´ e uniquement sur la formation des unite ´ s signi-ficatives en tagnawt et je me limiterai a `   la classe du verbe. Pour ce faire, je mefonde sur le corpus recueilli aupre ` s d’informatrices compe ´ tentes.

1. Je remercie vivement le professeur Abdallah Bounfour pour avoir bien voulu relire etdiscuter cette e ´ tude. Toutefois, je suis entie ` rement responsable des the ` ses et des conclusionsde ´ fendues ici.

2. On abordera cet aspect sociolinguistique dans un autre travail.

3. Louis-Jean Calvet, (1993 : 10).

197

E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 197-210

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I. PRE ´ LIMINAIRES

1. Un verbe du tachelhit e ´ tant donne ´ , la locutrice le transforme en un verbede tagnawt en appliquant les re ` gles que je formulerai, a `  ce niveau de l’analyse,d’une manie ` re toute ge ´ ne ´ rale. Tout au long de cet article, j’affinerai ces re ` gleset terminerai par les hie ´ rarchiser. Voici ces re ` gles:

R1. Pre ´ fixer toujours aj ;R2. Infixer toujours wa  a `   une place stable, toujours la meme ;R3. Suffixer parfois i ;R4. Effacer tous les e ´ le ´ ments du sche ` me ;R5. Allonger la premie ` re radicale (ou un autre e ´ le ´ ment consonantique) et

postposer toujours la voyelle pleine a ;R6. Appliquer des re ` gles qui transforment les consonnes radicales des mone ` -mes du tachelhit et ou en ajouter d’autres selon des cas pre ´ cis.

La re ` gle 1 n’appelle aucun commentaire puisqu’elle est constante et syste ´ -matique.

La re ` gle 2 demande qu’on pre ´ cise la place de l’infixe  wa.

La re ` gle 3 requiert qu’on de ´ termine les conditions de son application ou desa non application. Et dans ce dernier cas, de ´ crire ce qui ce produit.

La re ` gle 4 demande qu’on ve ´ rifie, dans les cas d’ajout de consonnes, s’il nes’agit pas d’e ´ le ´ ments du sche ` me 4.

La re ` gle 5 ne ´ cessite qu’on de ´ termine les cas ou, au lieu de la premie ` reradicale, un e ´ le ´ ment consonantique e ´ tranger a `  la racine est place ´  sous formetendue imme ´ diatement apre ` s le pre ´ fixe.

La re ` gle 6 requiert qu’on formule toutes les transformations en re ` gles etqu’on de ´ termine les conditions de leur application (ajout, de ´ placement, redou-blement, etc., affectant les consonnes).

2. Soit l’exemple suivant :

(1) i-ga « il est »

Appliquons-lui les re ` gles e ´ nonce ´ es plus haut sans entrer dans le de ´ tail:

R1 : aj igaR2 : aj iga waR3 : aj iga wa i  R4 : aj g wa i  R5 :  aj gga wa i 

R6 : ajggatwatti 

4. Ce que je ne peux pas de ´ montrer ici puisque cela demande l’e ´ tude de ´ taille ´ e des unite ´ slexicales combine ´ es a `   leurs modalite ´ s obligatoires et l’action de tagnawt sur ces modalite ´ s.

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Tous les verbes subissent ces re ` gles, mais ils ne le font pas tous de la mememanie ` re. Voici un exemple :

(2) ifl  « il a laisse ´ »

R1 : aj ifl R2 : aj ifl waR3 : aj ifl wa i  R4 : aj fl wa i  R5 : aj ffal wa i  R6 :  aj ffal wa ll i 

(3) iksud .  « avoir peur »

R1 : aj iksud .R2 : aj iksud .   waR3 : aj iksud .   wa oR4 : aj ksd .   waR5 : aj kkasd .  waR6 : aj kkasd .   wa sd .

A ` partir de (1), (2), et (3) on constate qu’il y a deux types de re ` gles:

1. Les re ` gles ge ´ ne ´ rales et syste ´ matiques (R1, R2, R4 et R5) applicables a `tous les verbes quelle que soit leur type et la nature de leurs radicales. Appelons

R1 (inse ´ rer un pre ´ fixe) et R2 (inse ´ rer un infixe) la re ` gle d’affixe, R4 (effacer lese ´ le ´ ments du sche ` me) la re ` gle d’extraction de la racine et R5 (inse ´ rer la voyellepleine a) la re ` gle de vocalisation du sche ` me de tagnawt.

2. Les re ` gles spe ´ cifiques ou contextuelles : R3 (inse ´ rer un suffixe) feraitpartie de la re ` gle d’affixe dans certaines conditions et R6 (ajouter et/outransformer des consonnes) sera appele ´ e la re ` gle de transformations conso-nantiques. Ces deux re ` gles semblent exiger des contextes de ´ termine ´ s pours’appliquer, la prise en compte des types de verbes par exemple. Ce sontelles qu’il faudrait e ´ tablir en conside ´ rant les verbes selon qu’ils sont mono-

lite ` res ou bilite ` res, etc. En effet, je formule l’hypothe ` se que les contextesd’application de ces re ` gles de ´ pendent de la morphologie du tachelhit.

II. LES VERBES MONOLITE ` RES

L’ensemble des verbes de ce groupe que le corpus permet de de ´ gager(35 verbes) se re ´ partissent en quatre classes que repre ´ sentent les quatre exem-

ples ci-dessous :(1) ili    « etre »   ajttalwalli (2) ssu « e ´ tendre »   ajssatwatti 

kk « passer par»   ajkkatwatti 

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(3) lal « naıtre »   ajllalwalli (4) ggw «laver»   ajggwawwawwi 

1. La re ` gle d’affixation (R1, R2) et la re ` gle d’extraction de la racine (R4)

s’appliquent aux quatre classes.2. La re ` gle 3 s’applique aussi a `  tous ces verbes.

3. La re ` gle 5 s’applique partout sauf dans la classe (1) ou, au lieu de laradicale tendue, un e ´ le ´ ment consonantique tt  apparaıˆt apre ` s le pre ´ fixe aj.

4. La re ` gle 6 agit sur la radicale de facon diffe ´ rente selon le type de verbe :

(i) Le verbe a `   voyelle pleine pre ´ -radicale recoit, apre ` s le pre ´ fixe   aj , laconsonne   t   sous forme tendue suivie de   a,   lui-meme suivi de la radicale.Celle-ci est place ´ e sous forme tendue entre l’infixe wa  et le suffixe i.

(ii) Le verbe a `  voyelle ze ´ rooua `  voyelle pleine post-radicale a la radicale sousforme tendue suivie de a,  lui-meme suivi de la consonne t  sous sa forme nontendue. Ce t  est place ´  sous forme tendue entre l’infixe wa  et le suffixe i.

(iii) Le verbe a `  redoublement inse ` re la radicale tendue suivie de a, suivi de laradicale simple. Cette radicale est place ´ e sous sa forme tendue entre l’infixe et lesuffixe.

(iv) Le verbe a `  radicale labialise ´ e inse ` re celle-ci tendue suivie de a, suivi de lalabiove ´ laire w. Celle-ci est place ´ e sous forme tendue entre l’infixe et le suffixe.

Telles sont les phe ´ nome ` nes produits par Tagnawt. Avant de les syste ´ matiseren re ` gles, voyons ce qui se passe dans les verbes bilite ` res, trilite ` res et quadri-lite ` res.

III. LES VERBES BILITE ` RES

On distingue six classes selon le comportement des radicales affecte ´ es parTagnawt. Voici les exemples :

(1) sala   « s’occuper de »   ajssalwalli su   «boire»   ajssawwawwi 

(2) amz.   « attraper »   ajttamz.wamz.azzl    «courir»   ajttazzlwazzl 

(3) bbi    «couper»   ajbbatwatti 

 ffi   «verser»   ajffatwatti 

(4) zuzzr   «vaner»   ajzzazzrwazzrkakl    « pourchasser »   ajkkaklwakl  flufu   « bouillir »   ajffalfwalf 

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(5) sllil    «blanchir»   ajssalwalli klulu   « etre e ´ bloui »   ajkkwalwalli 

(6) bbr.br.   « bruire en cuisant »   ajbbabr.wabr. ffrfr   « battre des ailes »   ajffafrwafr

1. La re ` gle d’affixe (R1, R2) et R4 s’applique de facon syste ´ matique.

2. La R3 ne s’applique pas aux bilite ` res a `  voyelle pleine pre ´ -radicale et auxbilite ` res a `   redoublement complet ou partiel a `   condition que les consonnesidentiques occupent la premie ` re et la deuxie ` me ou la premie ` re et la troisie ` meposition.

3. La R5 s’applique partout sauf dans la classe (2) des bilite ` res a `   voyellepleine pre ´ -radicale, ou au lieu de la premie ` re radicale tendue, l’e ´ le ´ ment

consonantique tt  est place ´  apre ` s le pre ´ fixe.4. La R6 affecte les radicales de facons diffe ´ rentes selon les types de verbes :

(i) Les bilite ` res a `  voyelle ze ´ ro ou a `  voyelle intra- ou post-radicales inse ` rent,apre ` s le pre ´ fixe aj , la premie ` re radicale sous forme tendue suivie de a lui meˆmesuivi de la deuxie ` me radicale. Celle-ci est inse ´ re ´ e sous forme tendue entrel’infixe et le suffixe.

(ii) Les bilite ` res a `   voyelle pre ´ -radicale inse ` rent, apre ` s le pre ´ fixe, l’e ´ le ´ mentconsonantique tt suivi de  a lui-meˆme suivi de la premie ` re et de la deuxie ` meradicales. Cette se ´ quence r1r2 5 est place ´ e apre ` s wa.

(iii) Les bilite ` res a `  deuxie ` me radicale sonante / j / inse ` rent, apre ` s le pre ´ fixe aj,la premie ` re radicale tendue suivie de a lui-meme suivi de la consonne t. Ce t estinse ´ re ´  sous forme tendue entre l’infixe et le suffixe. La deuxie ` me radicale / j /s’efface.

(iv) Les bilite ` res a `   redoublement complet ou partiel (dont les consonnesidentiques occupent la premie ` re et la deuxie ` me ou la premie ` re et la troisie ` meposition) inse ` rent apre ` s le pre ´ fixe aj , la premie ` re radicale sous forme tenduesuivi de a  lui meme suivi de la consonne redouble ´ e (quand celle-ci occupe la

deuxie ` me position), ou de la deuxie ` me radicale (quand la consonne redouble ´ eoccupe la troisie ` me position).La se ´ quence r1r2 est place ´ e dans cet ordre apre ` sl’infixe wa  dans le cas ou les consonnes identiques occupent la premie ` re et ladeuxie ` me position et dans l’ordre r2r1 dans l’autre cas.

(v) Les bilite ` res a `  redoublement partiel dont les consonnes identiques occu-pent la deuxie ` me et la troisie ` me position se comportent comme les bilite ` res a `voyelle ze ´ ro, a `  voyelle intra-radicale ou a `  voyelle intra- et post-radicale. Laconsonne redouble ´ e n’est pas retenue.

5. r ici veut dire radicale

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IV. LES VERBES TRILITE ` RES

Il y a quatre classes de trilite ` res selon leur comportement quant aux re ` gles de

tagnawt. Voici un exemple de chaque classe :(1) h. ijjl    « se pre ´ parer»   ajh. h. alwalli 

iz.duj    « etre lourd »   ajz.z.adwaddi  fruri    « e ´ gre ´ ner»   ajffarwarri 

(2) isliw   « se faner »   ajssalwalli izwir   «pre ´ ce ´ der»   ajzzawrwawrwwarg   « rever »   ajwwargwarg

(3) skr   «faire»   ajssakrwakr

md . uru   « se sentir mieux »   ajmmad . rwad . rnqqb   «trouer»   ajnnaqqbwaqqb

(4) zˇgugl    « se balancer »   ajzˇzˇagwlwagwl rfufn   «peiner»   ajrrafnwafn

1. Les re ` gles ge ´ ne ´ rales R1, R2 et R4 s’appliquent partout aux verbestrilite ` res.

2. La re ` gle 3 s’applique

(i) aux seuls trilite ` res dont une des radicales est la sonante palatale / j /, celle-ci s’efface et le trilite ` re devient comme une sorte de bilite ` re pour  Tagnawt.

(ii) aux trilite ` res dont une radicale est la sonante labiove ´ laire /w/ a `  conditionque celle-ci occupe la troisie ` me position. Dans ce cas, /w/ s’efface et le trilite ` rene compte plus que deux radicales en  tagnawt.

3. La re ` gle 5 s’applique partout.

4. La re ` gle 6 transforme les consonnes de la facon suivante :

(i) Les trilite ` res dont une radicale est / j / ou   /w/   occupant la troisie ` me

position inse ` rent, apre ` s le pre ´ fixe  aj , la premie ` re radicale tendue suivie de  alui-meme suivi de la deuxie ` me radicale. Celle-ci est inse ´ re ´ e sous forme tendueentre l’infixe wa  et le suffixe i.  La sonante (semi-consonne) s’efface.

(ii) Le trilite ` re dont la radicale / j / occupe la deuxie ` me position inse ` re apre ` s lepre ´ fixe, la premie ` re radicale tendue suivie de a  lui-meme suivi de la troisie ` meradicale. Celle-ci est place ´ e sous forme tendue entre l’infixe wa et le suffixe i . Laradicale / j / s’efface donc partout quelle que soit sa position (me ´ diane oufinale6) et /w/ s’efface seulement quand elle se trouve en troisie ` me position.

(iii) Les trilite ` res dont les radicales ne comportent pas de sonante inse ` rent,

apre ` s le pre ´ fixe aj, la premie ` re radicale tendue suivie de a lui-meˆme suivi de la

6. Le corpus analyse ´  ne comporte pas de verbe a `  initiale / j /. The ´ oriquement, celui-ci s’effacequelle que soit sa position (initiale, me ´ diane ou finale).

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deuxie ` me et de la troisie ` me radicales. Cette se ´ quence deuxie ` me + troisie ` meradicales est inse ´ re ´ e apre ` s l’infixe   wa.   Les radicales tendues gardent leurtension en tagnawt.

(iv) Les trilite ` res a `   redoublement partiel 7 inse ` rent, apre ` s le pre ´ fixe  aj,   lapremie ` re radicale tendue suivie de  a  lui-meme suivi de la deuxie ` me et de latroisie ` me radicales. La se ´ quence deuxie ` me + troisie ` me radicales est inse ´ re ´ eapre ` s l’infixe wa.  La consonne redouble ´ e s’efface.

V. LES VERBES QUADRILITE ` RES

Les quadrilite ` res se subdivisent en trois classes d’apre ` s la re ` gles transforma-tionnelle des radicales. Voici les exemples :

(1) a. ggrml    « etre croustillant »   ajgg   ermlwaml b. h. h. ntz.   «ruer»   ajh. h.

  etz.watz.

(2) a. mmus tllu   « etre improductif »   ajmmas twas tb. ffrttl    «s’e ´ chaper »   ajffattrwattrc. smms s tl    « traıner le pied »   ajmmas s twas s t

(3) a. wwnzr   « saigner du nez »   ajwwanzwanzb. gzdr   « se lamenter »   ajggazˇdwazˇd 

(4) a. krusˇsˇm   « etre transi »   ajkwkwassˇmwassˇmb. gruzˇzˇm   « etre mal cuit »   ajggwazˇmwazˇm

(5) a. ggrnunnz   « agacer dents »   ajggannzwannzb. lls tutm   «ramper»   ajll   es tmwatm

1. Les re ` gles ge ´ ne ´ rales R1, R2 et R4 s’appliquent a `  tout verbe quadrilite ` re.

2. La re ` gle 3 ne s’applique jamais.

3. La re ` gle 5 s’applique partout.

4. La re ` gle 6 affecte les radicales de la facon suivante :

(i) Les quadrilite ` res a `   voyelle ze ´ ro et a `   premie ` re radicale tendue inse ` rent,apre ` s le pre ´ fixe aj, la premie ` re radicale tendue suivie de la voyelle a qui changede timbre et se re ´ duit en   e.   Cette   voyelle est suivie de la deuxie ` me, de latroisie ` me et de la quatrie ` me radicales. La se ´ quence   r3r4 est inse ´ re ´ e apre ` sl’infixe wa.

(ii) Les quadrilite ` res a `   deux radicales tendues dont la quatrie ` me est une

late ´ rale inse ` rent, apre ` s le pre ´ fixe, la premie ` re radicale tendue suivie de  a lui-

7. Dans tous les exemples releve ´ s, les consonnes identiques occupent la deuxie ` me et latroisie ` me position.

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meme suivi de la 2e et de la 3e radicale. Cette se ´ quence r2r3 est inse ´ re ´ e apre ` sl’infixe wa. La quatrie ` me radicale (la late ´ rale) s’efface dans l’environnementdes nasales ou de la vibrante.

(iii) Les quadrilite ` res a `  quatre radicales sonantes dont la quatrie ` me est unevibrante inse ` rent, apre ` s le pre ´ fixe aj, la premie ` re radicale tendue suivie de a lui-meme suivi de la deuxie ` me et de la troisie ` me radicales. La se ´ quence r2r3 estinse ´ re ´ e apre ` s l’infixe. La 4e radicale (la vibrante) s’efface.

(iv) Les quadrilite ` res dont la deuxie ` me radicale est une vibrante suivie de lavoyelle pleine u, suivi de la radicale tendue inse ` re apre ` s le pre ´ fixe a j, la premie ` reradicale tendue suivie de a  lui-meˆme suivi de la troisie ` me et de la quatrie ` meradicales. Cette se ´ quence r3r4 est inse ´ re ´ e apre ` s wa.  La deuxie ` me radicale (lavibrante) s’efface dans l’environnement des nasales.

(v) Les quadrilite ` res a `   redoublement partiel subissent les memes transfor-mations qui affectent leur type de verbes sans tenir compte de la consonneredouble ´ e, ainsi (5a) se comporte comme (4a) et (5b) comme (1a).

VI. E ´ LE ´ MENTS DE TAGNAWT 

Pour re ´ sumer l’ensemble de ces re ` gles, disposons-les sous forme de tableau :

La re ` gle d’affixe

VERBES MONOL. BILIT. TRILIT. QUADRIL.Prefixe aj    + + + +Infixe wa   + + + +Suffixe i    + +/– +/– –  

On notera que la pre ´ fixation et l’infixation sont syste ´ matiques alors que lasuffixation s’applique syste ´ matiquement aux monolite ` res et reste bloque ´ e demanie ` re tout aussi syste ´ matique dans les quadrilite ` res ; elle ope ` re de manie ` reoptionnelle dans les bilite ` res et les trilite ` res. On en conclura que la re ` gle desuffixation de ´ termine une opposition (monolite ` res/quadrilite ` res) et une classeambivalente puisqu’elle se comporte soit comme dans les monolite ` res soit

comme dans les quadrilite ` res (bilite ` res+trilite ` res). Avant de de ´ terminer lesconditions de l’application et de non application de la re ` gle de suffixation a `cette classe ambivalente, donnons d’abord le tableau re ´ sumant la re ` gle trans-formationnelle des radicales.

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Entre aj  et  wa

(a) L’e ´ le ´ ment consonantique tendu inse ´ re ´   imme ´ diatement apre ` s le pre ´ fixe:

C 8

ca MONOLI. BILIT. TRILIT. QUADRI  R 91R1a + + + +tta + + – –  

Il ressort de ce tableau que les monolite ` res et les bilite ` res inse ´ rent ou tta ou leurpremie ` re radicale tendue comme premier e ´ le ´ ment consonantique apre ` s lepre ´ fixe   aj   alors que les trilite ` res et les quadrilite ` res inse ` rent toujours leurpremie ` re radicale sous sa forme tendue. Deux classes sont ainsi de ´ termine ´ es :les monolite ` res et les bilite ` res d’une part et les trilite ` res et les quadrilite ` resd’autre part.

(b) Apre ` s R1R1a ou tta, tagnawt inse ` re d’autres consonnes dont le tableausuivant rend compte :

C MONOLI. BILIT. TRILIT. QUADRI  R1 + +R2 +/– +/– +/–  R3 +/– +R4 +/–  

t   + +w   +

Il re ´ sulte de ce tableau les remarques suivantes :

 – Seuls les monolite ` res inse ` rent t ou w comme deuxie ` me e ´ le ´ ment consonan-tique apre ` s le pre ´ fixe.

 – Les bilite ` res a `  deuxie ` me radicale sonante j inse ´ rent t apre ` s effacement de lasonante palatale

 – La deuxie ` me radicale des trilite ` res s’efface quand celle-ci est la sonantepalatale / j /

 – La troisie ` me radicale des trilite ` res s’efface et celle-ci est une sonantepalatale ou labiove ´ laire.

 – La deuxie ` me radicale des quadrilite ` res peut s’effacer. Il s’agit dans tous lescas de la vibrante /r/

 – La quatrie ` me radicale des quadrilite ` res peut s’effacer et celle-ci est soit lalate ´ rale /l / ou la vibrante /r/

8. C=consonne

9. R=radicale

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Entre wa  et  i ou « # »

Voici les tableaux :

Les monolite ` res-   wa+R1R1+i 

tt+i 

Les bilite ` res-   wa+R2R2+i 

R1R2 #

Les trilite ` res-   wa+R2R3 #

R3R3+i 

R2R2+i 

Les quadrilite ` res-   wa+R3R4 #

R2R3 #

Les tableaux ci-dessus appellent les remarques suivantes :

La premie ` re ligne de chaque classe de verbe (mono-, bi-, tri- et quadrilite ` re)repre ´ sente la re ` gle ge ´ ne ´ rale et les autres des exceptions. On de ´ duira de tout cequi pre ´ ce ` de :

(i) Au vu de la re ` gle d’affixe, l’existence de deux classes de « verbes » en

tagnawt. En effet, si la pre ´ fixation et l’infixation sont syste ´ matiques, la suffixa-tion distingue les verbes suffixe ´ s (les monolite ` res et les bilite ` res) et les non-suffixe ´ s (les trilite ` res et les quadrilite ` res). Voici comment ce que nous avonsde ´ termine ´  comme classe ambivalente se reclasse dans l’une ou l’autre des polesde l’opposition :

 – Les trilite ` res sont transforme ´ s, en re ´ alite ´ , en bilite ` res apre ` s la perte d’uneradicale qui est toujours une semi-voyelle ; ils sont alors suffixe ´ s alors que ceuxqui n’ont pas de radicale semi-vocalique sont non suffixe ´ s.

 – Certains bilite ` res peuvent etre non suffixe ´ s apre ` s l’annexion d’un e ´ le ´ ment

consonantique ; il s’agit toujours de bilite ` res a `  voyelle pre ´ -radicale alternanteou de bilite ` res a `   redoublement complet ou partiel (cf. supra). Tous les autressont suffixe ´ s.

(ii) Certains monolite ` res annexent un e ´ le ´ ment consonantique e ´ tranger a `   laracine, alors que les quadrilite ` res perdent parfois une de leurs radicales.

Il est donc clair que ce qui de ´ termine l’application de la re ` gle de suffixa-tion a `   un lexe ` me tachelhit  de ´ pend du nombre des consonnes radicales de celexe ` me.

Il semble que ce qui est pertinent dans la formation du lexe ` me en tagnawt estle nombre des consonnes et par conse ´ quent la possibilite ´  de syllabation offertepar ce nombre. Ceci est confirme ´   par le fait que la structure syllabique deslexe ` mes de tagnawt est identique quant au nombre des syllabes.Tout lexe ` me de

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tagnawt doit etre quadrisyllabique 10. Ce suffixe i  permet justement d’obtenirun quadrisyllabique.

Ce comportement vis-a ` -vis des racines se complique dans les cas ou  tagnawtde ´ cide d’ajouter un e ´ le ´ ment consonantique e ´ tranger a `  la racine. On a vu plushaut que les bilite ` res a `  voyelle pleine pre ´ -radicale (B[2]) inse ` rent t a `  la place decette voyelle. Le bilite ` re du tachelhit devient ainsi trilite ` re en tagnawt. Est-ceparce que tagnawt pre ´ viligie le trilitarisme ou parce que cette voyelle est sentiecomme une radicale re ´ elle comme le soupc¸onnent certains berbe ´ risants 11. Ilsemblerait que cet ajout permet tout simplement de diffe ´ rencier des formescomme:

amz.   «saisir»   ajttamz.wamz.   et imz. ij   « etre petit »   ajmmaz.waz.z. i 

anf    « e ´ viter»   ajttanfwanf    et nfi   « s’abriter »   ajnnafwaffi

ad . n   « etre malade »   ajttad . nwad . n   et d . ni    « etre gros »   ajd . d . anwanni 

Cette constatation est valable aussi pour les bilite ` res a `   redoublement secomportant comme des trilite ` res. Le maintien de la consonne redouble ´ epermet de distinguer les formes suivantes :

kakl   « pourchasser »   ajkkaklwakl    et kl    « passer la journe ´ e »   ajkkalwalli 

 flufu   «bouillir»   ajffalfwalf    et fl    « laisser »   ajffalwalli 

zuzzr « vaner »   ajzzazzrwazzr   et zri    «passer»   ajzzarwarri 

On notera, cependant, le proble ` me que posent certains cas comme :

 –  ddu «partir» ajddadwaddi, on s’attendrait a `  *wadwaddi  sachant qu’il s’agitde la racine WD du nom verbal tawada « marche ». Il serait plus acceptable deconside ´ rer qu’il s’agit de l’assimilation de /t/ de   ajddatwatti   a `   /d / que del’assimilation de /w/ de  ajwwadwaddi   a `   /d / ; autrement dit, la locutrice detagnawt transforme le verbe ddu comme s’il s’agissait d’un monolite ` re a `  voyellepost-radicale.

 –  s s  «manger» ajs s atwatti , on s’attendrait a `  ajttas was s i  puisqu’il s’agit d’unbilite ` re a `  radicales TS, et du nom verbal uts i « nourriture » or la transformationdes consonnes radicales rappellent celle des monolite ` res a `  voyelle ze ´ ro.

 –  akwr « voler » ajttakwrwakwr au lieu de *ajkkward . ward .  la transformation a `laquelle on s’attendrait si l’on sait qu’il s’agit d’un trilite ` re a `  radicales KRD.   etdu nom verbal  tukkrd . a « vol », ce verbe est transforme ´  comme s’il s’agissaitd’un bilite ` re a `  voyelle pre ´ -radicale.

 –  sawl  « parler » se transforme ajssawlwawl  comme s’il s’agissait d’un trili-

te ` re alors qu’il est classe ´  sous la racine bilite ` re WL de awal  «parole»

10. Pour plus de de ´ tail, voir Douchaı ¨na, (1996: 156-164).

11. Andre ´  Basset (1959 : 88).

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 – Les verbes du type   kkwrkws   «produire un le ´ ger bruit», kknkr   « etrerugueux », ffrfd .   « s’agiter », sont conside ´ re ´ s par les linguistiques comme desbilite ` res a `   e ´ le ´ ments consonantique intra-radicales dont les racines sont respec-tivement  KS ˇ , KR  et  FD. .  Cependant, la locutrice de  tagnawt  les transforme

comme suit : ajkkwƒrkws wakws , ajkkƒnkrwakr ajffrfd . wafd .  comme s’il s’aggis-sait de trilite ` res a `  redoublement de la premie ` re radicale.

 – Les verbes du type h. lulli  «tomber» e lulu « se balancer » conside ´ re ´ s commedes monolite ` res a `   e ´ le ´ ment consonantique pre ´ -radicale sont transforme ´ s entagnawt en ajh. h. alwalli aj ee alwalli  comme s’il s’agissait de bilite ` res a `   deuxie ` meradicale redouble ´ e.

En fonction de ce qu’on vient de de ´ montrer, il est clair que tagnawt ope ` re a `partir d’une base consonantique. Or le proble ` me de la structure consonantique

de base est tre ` s complexe en berbe ` re12

. Si le syste ` me des re ` gles de  tagnawtpre ´ sente quelques irre ´ gularite ´ s, cela a un rapport avec la morphologie dutachelhit   plutot qu’avec le syste ` me de   tagnawt.Les derniers cas pre ´ sente ´ smontrent que  tagnawt  ope ` re a `  partir de la base lexicale verbale telle qu’ellese de ´ gage de l’unite ´  lexicale qu’elle transforme sans chercher a `  reconstituer lenoyau consonantique de base qui peut etre fourni par le verbe a `   l’aoriste, a `   laforme d’habitude ou par le nom verbal. Ceci est apparemment le travail dulinguiste et non celui de la locutrice de  tagnawt.

(iii) On insistera sur le fait que tous les mone ` mes obtenus en tagnawt sont

des quadrisyllabes. L’application ou la non application de la re ` gle de suffixa-tion est intimement lie ´ e a `   ce fait ; elle permet d’obtenir cette structure sylla-bique du mone ` me selon que le mone ` me tachelhit a un de ´ ficit ou un surplus deconsonnes.

Voyons maitenant comment hie ´ rarchiser les re ` gles de tagnawt :

Un mone ` me de tachelhit e ´ tant donne ´

 – R1. Effacer toutes les voyelles et tous les e ´ le ´ ments du sche ` me. C’est la re ` gled’extraction d’une racine que nous pre ´ fe ´ rons appeler re ` gle d’extraction d’une

base de de ´ rivation ; le mot base ne pretera pas a `  confusion avec ce que leslinguistes appelle racine.

 – R2. pre ´ fixer aj ;

 – R3. Inse ´ rer le premier e ´ le ´ ment consonantique sous forme tendu suivi de a ;

 – R4. Appliquer la re ` gle transformationnelle des consonnes radicales selonla structure de la base ;

 – R5. Inse ´ rer l’infixe wa ;

 – R6. Inse ´ rer parfois le suffixe i.

12. Heureusement que les berbe ´ risants se penchent de plus en plus sur ce proble ` me. L’on nepeut qu’etre heureux d’apprendre que S. Chaker et K. Naı ¨t-Zerrad pre ´ parent un dictionnaire deracines berbe ` res.

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VII. CONCLUSION

Il est de ´ montre ´  tout au long de ce travail que, a `  l’instar de n’importe quelparler, tagnawt est un langage bien structure ´ . L’analyse des faits a montre ´  quece parler ne retient que la valeur se ´ mantique des lexe ` mes du tachelhit. Cettevaleur est ve ´ hicule ´ e par le consonantisme du lexe ` me, c’est-a ` -dire la racine. Cequi permet de dire que l’identite ´  du sche ` me et de la racine est indispensablepour qu’un locuteur du tachelhit assigne un sens (signifie ´ ) a `  une unite ´   linguis-tique (signifiant). Or, pour brouiller ce sens (signifie ´ ),   tagnawt  proce ` de parl’e ´ limination des sche ` mes 13.

Ce comportement de ´ routant vis-a ` -vis des racines se complique dans les cas

ou  tagnawt   de ´ cide d’ajouter un e ´ le ´ ment consonantique a `   la racine. Or ilpermet, d’une part, de minimiser le proble ` me d’homonymie et, d’autre part,il de ´ pend ge ´ ne ´ ralement du nombre de radicales de la racine. Se pose alors leproble ` me de la structure formelle du synthe ` me en   tagnawt   qui doit etrequadrisyllabique, proble ` me auquel elle reme ´ die en utilisant ses propres moyensqui ne sont, en re ´ alite ´ , que ceux du tachelhit meme ou du berbe ` re en ge ´ ne ´ ral.Voyons par exemple :

 – La labio-ve ´ larisation est utilise ´ e par tagnawt comme un phone ` me ou, dumoins, comme un e ´ le ´ ment consonantique 14.

 – La voyelle initiale que certains berbe ´ risants soupconnent etre une radicalere ´ elle 15.

 – Certaines consonnes qui s’entre-de ´ truisent 16.

 – Les semi-consonnes sont comme en tachelhit, une source de proble ` mes. Lasonante palatale / j / s’efface partout comme s’il s’agissait d’une voyelle, lalabiove ´ laire /w/ s’efface dans les cas ou elle occupe la troisie ` me position dansun trilite ` re, c’est-a ` -dire dans le voisinage imme ´ diat de l’infixe wa.

RQIA DOUCHAI ¨NA

13. Miloud Taı ¨fi (1988a : 17) pensait que les locuteurs n’ont pas conscience de la racine, quecelle-ci n’est pas une forme immediatement utilisable. Ailleurs, (1988c : 27) il soutient que « Laracine est certes une abstraction mais elle est ‘‘vivante’’ dans l’esprit des locuteurs berbe ´ ropho-nes». Tagnawt, quant a `  elle, montre que ses locutrices font usage de la racine. Seulement, lanotion de racine n’est pas claire et le proble ` me qu’elle constitue en linguistique berbe ` re est unelacune a `   combler en toute urgence.

14. On rappellera ici que Salem Chaker (1991 : 90), avait percu et signale le caractere bi-phone ´ matique des consonnes labio-ve ´ larise ´ es qu’il a d’ailleurs abondonne ´  dans ses publications

ulte ´ rieures au profit de segments mono-phone ´ matiques caracte ´ rise ´ s par le trait de labio-ve ´ larisa-tion.

15. Voir note no 10.

16. Le rhotacisme de /l / en /r/ a de  ja `   e ´ te ´   signale ´  par plusieurs berbe ´ risants qui ont de ´ crit lesdialectes rifainsparmi eux: Victor Loubignac, (1924 : 48), et re ´ cemment Jilali Saı ¨b, (1996: 15-20).

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RE ´ FE ´ RENCES

BASSET A., Articles de dialectologie berbe `re, Paris, Klincksieck, 1959.

CALVET L.-J., L’argot en 20 lec¸ons, Paris, Payot, 1993.

CHAKER S.,  Textes en linguistique berbe `re (introduction au domaine berbe `re), Paris,CNRS, 1991.

DOUCHAI ¨NA-OUAMMOU  R., Tagnawt, un parler secret des femmes berbe `res de Tiznit(sud-ouest marocain), the ` se de Doctorat (nouveau re ´ gime), INALCO, Paris, 1996.

LOUBIGNAC V.,  E ´ tude sur le dialecte berbe `re des Zaı ¨ an et Aı ¨ t Sgougou, Paris, 1924.

SAI ¨B J., « Prestige et stigmatisation comme de ´ terminants du renversement des muta-tions phonologiques en tamazight », Actes de la 4e Rencontre de l’Association del’Universite  d’Ete  d’Agadir, Rabat, Okad, 1991.

TAI ¨FI M., « Proble ` mes me ´ thodologiques relatifs a `  la confection d’un dictionnaire dutamazight », Awal , 4, Paris, MSH, 1988.

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« STRUCTURE ARGUMENTALE

ET STRUCTURE CIRCONSTANCIELLE

DANS LES STRUCTURES VERBE-NOM »1

par

Mohye ´ dine Benlakhdar

Quel itine raire que celui du mot « gre `ve»quide signait une place au bord dela Seine ou ` se rassemblaient les gens qui cherchaient du travail. Maintenanton ne dit plus aller sur la gre `ve; mais e ˆ tre en gre `ve ou faire gre `ve !   (lesdictionnaires).

A ` la base de ce travail nous sommes partis de deux postulats :

 – le premier, de ´ sormais classique, consiste a `   lier de manie ` re de ´ finitoire lescirconstants locatifs (inessifs ou directifs) aux pre ´ positions du meme ordre(inessive et locative).

 – le deuxie ` me consiste a `   dire qu’un N [+Humain] ne saurait etre uncirconstant de lieu, abstraction faite du sens – propre ou figure ´   – du verbequi pre ´ ce ´ de ce N. Comme chacun sait, les circonstants locatifs sont d’habitudelie ´ s aux pre ´ positions. Nous ne traiterons pas directement de ces dernie ` res si cen’est pour signaler leur absence dans certaines constructions ou on s’attendrait

a `   les rencontrer.

I. CONSTRUCTIONS E ´ TUDIE ´ ES

Dans plusieurs langues, certaines combinaisons V-N se comportent de telle

sorte qu’on ne peut les se ´ parer sans avoir une autre occurrence et donc un autre

1. Cet article est a `  l’origine une communication faite dans le cadre d’un hommage a `  KaddourCadi, organise ´  par le GREL (Faculte ´  des Lettres-Fe ` s) le 30 novembre 1995.

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 211-217

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emploi. Nous ne chercherons pas a `  savoir si ces constructions sont typique-ment « fige ´ es » ou seulement en apparence.

Si les noms de ces constructions ne peuvent etre pronominalise ´ s parce quenon isolables, leurs verbes n’acceptent pas la passivation. De meme qu’ils ontla particularite ´ , pour le moment empirique, de ne pas admettre l’auxiliation, aupasse ´  pour les uns ; au non-passe ´  pour les autres. En outre il n’est pas toujourspossible de de ´ river directement un N de ces verbes.

En revanche certaines constructions V-N, ou les N sont des circonstants,apparaissent a `   la voix passive. Certains tests permettent de constater lesparticularite ´ s de ces constructions. Ces tests sont : la pronominalisation duN ; la passivation du V ; l’auxiliation de V ; la nominalisation de V (V?N)...

Certains de ces tests peuvent etre conside ´ re ´ s comme de ´ terminants.

Il faut toutefois rappeler que si tous les tests tendent a `  attester l’inviolabilite de ces constructions, rares sont les constructions qui sont vraiment immuables.Il n’y a qu’a `   penser a `   la possibilite ´   de conjuguer leurs verbes a `   toutes lespersonnes et a `  tous les the ` mes, avec ce que cela implique comme changementdu genre et du nombre des noms, pour s’en rendre compte.

Nous nous inte ´ resserons quant a `  nous davantage a `   deux tests : l’auxiliationet la nominalisation de V. Pour une illustration comple ` te nous donnonsbrie ` vement des applications de la pronominalisation de N et de la passivationde V, qui nous montrent que ce dernier n’est pas un argument 2.

La pronominalisation

 –  bbi  (couper):

1 –  bbi ad . ar : couper le pied, cesser de fre ´ quenteribbi ud . ar (moyen) : arret du va-et-vient

 –  r.r.  e

z (casser) :2 –  rrez. am   ez.z.ug  (casser l’oreille), preˆter attention, e ´ pier.

Les N ne peuvent etre pronominalise ´ s, parce qu’ils ne sont pas des argu-ments:

4 –  irrz.a-t (il l’a casse ´ )d   erb-u (il l’a frappe ´ )

Ces e ´ nonce ´ s sont syntaxiquement corrects ; mais posent un proble ` me d’ac-ceptabilite ´   se ´ mantique. En outre ne peut etre pronominalise ´  qu’un N distinct

de V. Ce qui n’est pas le cas ici.

2. Rien ne nous empeche de parler ici d’« actant se ´ mantique » ou d’actant extra-linguistique(Melc ˇuk).

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La passivation

Les verbes ne peuvent eˆtre passive ´ s dans ces constructions :

5 –  *ittuyabbi wud . ar (le pied a e te  coupe )Cette impossibilite ´   de passiver les verbes dans ces constructions, peut etre

explique ´ e, en termes Milneriens (1986) par le fait que les N2 ne font pas partiede la projection du verbe et ne sont donc pas des arguments.

Ne ´ anmoins et malgre ´  leur importance, ces tests peuvent paraıˆtre classiquesou galvaude ´ s ; a `   la diffe ´ rence de ceux de l’auxiliation et de la nominalisation,peu applique ´ s jusqu’ici.

L’auxiliation

kk   (passer, avoir l’habitude+passe ´ ) ne peut accompagner certains de cesverbes :

6 – ?*ikka iwwta dik- s anfaUne fois il a e ´ te ´  demander de ses nouvelles

L’auxiliaire ili  (etre) :

7 – ?*illa iwwta anfa g gmasIl a de  ja `   demande ´  des nouvelles de son fre ` re

en revanche on peut avoir :

8 –  ad yili iwwta anfa g gmasA ` l’heure qu’il est il doit avoir demande ´  des nouvelles de son fre ` re

Si le deuxie ` me verbe est a `  l’inaccompli et marque l’aspect duratif tous lesauxiliaires sont admis, au passe ´  bien entendu. Ce qui signifie simplement queces unite ´ s sont intrinse ´ quement duratives. Car quand un verbe est a `  l’accompli,il y a l’ide ´ e de la brie ` vete ´ .

La nominalisation (V?N)

Voyons a `   pre ´ sent une autre proprie ´ te ´  de ces constructions a `   savoir leurattitude quant a `  la nominalisation. Mis a `  part le verbe n   eg  (tuer) qui n’a pasde de ´ rive ´  en N, les autres demandent la pre ´ position n (de). Ainsi nous auronsubuy n ud . ar   (la coupure du pied) pour   bbi adar, coupure qui ne peut etreentendue qu’au sens propre. Conse ´ quence imme ´ diate, l’ambiguı ¨te ´   qui en

re ´ sulte quant au statut du 2e N, lequel est pre ´ ce ´ de ´   d’une pre ´ position  n   luiaussi. Ce N ne peut etre que le sujet (cf. Milner 1982). Mais on ne sait pas s’ilest «agent» ou «objet». Ainsi dans  ubuy n ud . ar n  e li   la coupure du piedd’Ali, on ne sait pas si Ali a coupe ´  le pied ou si c’est son pied qui est coupe ´ .

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Par ailleurs les autres nominalisations de  ww   et 3, si elles sont possibles d’unpoint de vue de ´ rivationnel, sont inadmissibles quant a `   l’effet qu’elles produi-sent: *titi n unfa ; *titi n   etmara. Le nom titi  n’est admis qu’en tant que nomdu verbe ww   et (frapper) au sens propre de « donner un/des coups ».

II. PRE ´ POSITIONS LOCATIVES ET CIRCONSTANTS

Les circonstants (de lieu ou de temps) et e ´ ventuellement les adverbes demanie ` re restent colle ´ s a `   certains verbes, de mouvement en l’occurrence, meme

en cas de passivation dans certaines langues ; ex : Il a e ´ te ´  marche ´   longuementsur ces sentiers, il a e ´ te ´  dormi dans ce lit) et nous retrouvons la structure V No(passif) pre ´ p N1 ou N1 est un circonstant.

9 –  d . ri-x-t   entJe suis tombe ´   [dans] les (bouses)Je suis dans le pe ´ trin

Le verbe d .  er est ici colle ´  a `   son « objet » cense ´   etre un locatif sans passer par

une pre ´ position. Ce n’est pas le seul contexte ou ce verbe introduit uncirconstant locatif sans pre ´ position. C’est le cas aussi dans :

10 –  id . ra (y)awal 4.Il est tombe  [dans] le paroleIl est dans le pe trin

Les constructions « standard » des e ´ nonce ´ s ci-dessus devraient etre :

*9’ –  id . ra g wawal Il est tombe ´  dans le parole

*10’ –  dri-x dik-s   entJe suis tombe ´  dans elles (les bouses)

Exemples d’absence de pre ´ position5 :

 ff   eg : iff   eg  ixf-nn   eg : il est sorti tete sa/Il a perdu la raison.

3. Certaines se ´ quences V-N en apparence fige ´ es peuvent subir des modifications : d’abord parle test de l’auxiliation; mais aussi par l’adjonction d’adjectifs ou d’adverbes :

iwwta dik-s anfa (assnat)Il a demande ´  de ses nouvelles (hier).

4. Le [y] est la `  pour e ´ viter le hiatus.

5. La meme absence de pre ´ position « locative », encore une fois, se constate aussi avec le

verbe  e

d . du et son antonyme d . ris (e ˆ . en petite quantite ´ , petit nombre) dans:a) i e dda-t wawal e ˆ- trop le paroleIl parle tropb) idrus-t wawal 

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iko j   em-t l g oucc : il est entre ´ -lui la fraude/Il est devenu fourbe.

z   ed g   en-t l   e jnun : ils habitent-lui les de ´ mons/Il est posse ´ de ´ .

issara timizar : il se promener les pays/Il a beaucoup voyage ´ .

da yttaly ar ittugoz iberdan : il monte et descend les chemins/Il vadrouille.

La meme absence de pre ´ position se constate aussi avec le verbe   ko j   em(entrer) et ff   e g (sortir) dans :

11 –  iko j   em awal il est entre ´   ( ) la parolele voila `   meˆle ´  au proble ` me

Il y a lieu de pre ´ ciser qu’en fait de locatif le clitique   t   ne renvoie pas

force ´ ment a `  un lieu.12 –  iff   eg  awal 

il est sorti ( ) le paroleIl n’est plus concerne ´  par le proble ` me

ou la pre ´ position s   e g (de : provenance), en re ´ alite ´ s+g, devrait introduire awal .La pre ´ position s   e g n’est pas la seule a `  subir l’effacement. La pre ´ position g if  oux   e f  (sur) subit le meme sort dans :

13 –  iniy e li [ ] iyyis

Ali est monte ´  [sur] le chevalAli est monte ´   a `  cheval ;

iyyis (cheval) devrait etre pre ´ ce ´ de ´   de gif/x   e f  (sur). Mais alors que 8 est aussiacceptable avec que sans pre ´ position ; 6 et 7 sont tout a `  fait inhabituelles voireinacceptables avec les pre ´ position s  (vers) et s   e g :

14 –  iko j   em s wawal il est entre ´  dans le parole

15 –  iff g  s   e g wawal 

il est sorti de le paroleLa raison en est probablement que   awal   n’est pas, se ´ mantiquement, un

circonstant ; a `  la diffe ´ rence de iyyis ou  taddart (maison) dans :

16 –  iff   eg  s   e g taddartil est sorti de la maison

e ˆ- peu lui-objet paroleIl est taciturnec) idra g wawal 

Il est tombe ´  dans le parolea’) icdda dik-s wawal Il est trop dans lui le paroleb’) idrus dik-s wawal Il est peu dans lui le parole

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17 –  iko j   em s taddartil est entre ´   a `  la maison

ou le circonstant est un lieu se ´ mantiquement parlant. Toutes ces donne ´ es fontque le circonstant  awal  est un circonstant particulier. Mais le plus frappantc’est le statut de la pre ´ position, plus pre ´ cisement son effacement. En outre letest de « l’interrogation » (Gross, 1981) re ´ ve ` le que awal  re ´ pond a `   la questionmayd  (quoi) qui est la question des « objets », iyyis re ´ pond a `   mayd  et  mag if/max   e f  (sur quoi) ; tandis que taddart ne re ´ pond qu’a `  la question mas (vers ou)et  segmi  (d[e] ou). Pour en finir avec l’absence de la pre ´ position devant uncirconstant locatif citons cet exemple :

18 –  idda iberdan-nn   esil est parti [ ] ses chemins

il est parti

III. CONCLUSION

Les noms awal , iberdan, ixf ..., ne seraient donc pas des circonstants au senscourant (se ´ mantique) du terme. Une pareille conside ´ ration implique aussi que

la pre ´ position est lie ´ e au nom (circonstant) et non au verbe, puisque de toutefacon elle l’est soit au verbe soit au nom. Dans le cas ou elle serait lie ´ e aucirconstant, on est en droit de se demander si elle n’y est pas lie ´ e de ´ finitoire-ment. En d’autres mots pouvons-nous parler de circonstant locatif sans qu’il yait de pre ´ positions ? Cette question se pose non seulement pour le berbe ` re maisaussi pour d’autres langues.

L’effacement de la pre ´ position se rencontre aussi en francais, dans « J’habite[a ` ] Paris » ; alors que la meme pre ´ position est obligatoire dans « Je re ´ side a `Paris ».

Est-ce a `  dire que le caracte ` re facultatif de la pre ´ position est lie ´ e a `   la naturelexicale du verbe ? Ce serait aller trop vite en besogne sachant qu’un verbecomme « aller », diffe ´ rent des deux premiers, exige la pre ´ sence de la pre ´ positiond’une part, d’autre part cela voudrait dire que nous rattachons la pre ´ positionau verbe, rattachement qui doit etre de ´ montre ´ .

Par ailleurs et dans le cadre du lien e ´ troit entre verbes de mouvement etpre ´ positions, directives notamment, le chleuh et les re ´ gions limitrophes(Mgoun et Dade ` s) pour le sud, nous offrent des exemples ou ni la pre ´ position

ni le verbe de mouvement n’apparaissent :19 –  ira-nn M   errakc (Chleuh)

Il veut (la ` -bas) MarrakechIl compte aller a `   Marrakech

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Dans cet exemple la pre ´ position   s   (a ` , vers) se trouve supplante ´ e par laparticule d’orientation nn (la ` -bas : e ´ loignement) et le verbe ddu « aller » de ´ duitou suppose ´  grace au contexte et a `  la pre ´ sence du modal volitif  iri  (vouloir). Onne peut effacer, dans les exemples ou la pre ´ position n’apparaıt pas, les

circonstants comme on aurait pu le faire dans d’autres. A ` en croireJ. Feuillet (1980: 26) : « On est oblige  de se  parer les comple ments de temps etde lieu entrant dans la valence ou le module d’un verbe des me ˆ mes comple mentscouvrant l’ensemble de la phrase. » Autrement dit tous les circonstants ne sont pas facultatifs comme ils ne sont pas tous des comple ments de phrase.

Ceci dit si les e ´ le ´ ments avance ´ s ci-dessus permettent de mieux cerner lescirconstants de lieu, ils ne sauraient suffire pour e ´ lucider la nature complexedes pre ´ positions.

MOHYE ´ DDINE BENLAKHDAR

RE ´ FE ´ RENCES

BENLAKHDAR   M., 1991,   Des   cate  gories fondamentales dans le syste `me verbal deTamazight : aspect, temps et mode, (le parler des Ayt Izdeg), Maroc, Paris, INALCO.

CADI K. ; Transitivite  et diathe `se en tarifit : analyse de quelques relations de de  pendancelexicale et syntaxique, The ` se de doctorat d’E ´ tat. Paris III, 1990.

 – 1995 : « Passif et moyen en berbe ` re rifain », E ´ tudes et documents berbe `res, 12, LaBoıte a Documents/E ´ disud.

DESCLES   J.-P. & GUENTCHEVA  Z., 1993, «Le passif dans le syste ` me des voix dufrancais », Langages, 109, Paris-Larousse, 73-102.

GIRY-SCHNEIDER  J., 1978, « Interpre ´ tation aspectuelle des constructions verbales a `double analyse »,   Linguistic Investigationes, II: 23-54, John Benjamins B. V.,Amsterdam.

GROSS M., « Formes syntaxiques et pre ´ dicats se ´ mantiques », Langages, 63, Larousse,Paris, 1981.

 – 1994 : « La structures d’argument des phrases e ´ le ´ mentaires »,   Lingua Franca,

Rivista della scuola universitaria CUM, no

1 (tire ´   a `  part).LECLE ` RE Ch., 1993, « Classes des constructions directes sans passif », Langages, 109,

Paris-Larousse, 7-34.

MILNER J.-Cl., Ordres et raisons de langue, E ´ ditions du Seuil (pp. 69-139, notamment) ;1982.

 – 1986 : « Introduction a `  un traitement du passif », DRL, Collection ERA 642.

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POE ´ SIE ET DANSE DANS UNE TRIBU BERBE ` RE

DU MOYEN-ATLAS

par

Jean Peyrigue ` re

Pour bien connaıtre un peuple, il faut l’avoir vu s’amuser : de quoi il s’amuseet comment il s’amuse.

Les feˆtes berbe ` res sont a `  base de ripailles, de fantasias, de poe ´ sie et de danse.Elles ont garde ´ quelque chose de tre ` sprofondetdetre ` s humain qui les maintienttellement au-dessus des vulgarite ´ s de nos « assemble ´ es » et fetes locales.

Chez nos Berbe ` res du Moyen-Atlas, pas de vraie fete sans  ahidous 1. Laparole de Balzac nous revient : « Pour la plupart des hommes, la danse est une

manie ` re d’etre. » C’est bien vrai pour les Berbe ` res!

I. RECHERCHES ET DIGRESSIONS

Qui n’a pas assiste ´   a `   l’ahidous, que sait-il de l’ame berbe ` re? Nulle partailleurs et a `  aucun autre moment, elle ne se livre plus a `   fond. Apre ` s des journe ´ es

et des nuits interminables, quand les voix n’en peuvent plus de crier et les corpsde se tre ´ mousser, c’est alors qu’il faut s’approcher et observer... a `  supposer que

1. L’ahidous est une danse accompagne ´ e de chants. Hommes et femmes intercale ´ s forment uncercle. Ils sont coude a coude tres serres. Le poete debute en chantant un izli , poeme rythme, adeux he ´ mistiches. Quand il a fini, la moitie ´  du cercle qui leur fait face reprend en chœur le dernierhe ´ mistiche, l’autre moitie ´ , le premier he ´ mistiche. On va se re ´ pondre ainsi infatigablement enmettant de plus en plus d’animation jusqu’a ce que le poete entonne un nouvel izli. Pendant cetemps, le cercle qui e ´ tait immobile pour e ´ couter le poe ` te, s’est mis en mouvement. Il tourneinsensiblement vers la droite a `   la cadence d’un rythme que les hommes scandent avec leur

tambourins, les femmes en e ´ cartant et rejoignant sans cesse les mains.De temps en temps, sur un signal, le cercle s’immobilise sur place. Les danseurs ploient les

genoux, se tre ´ moussent, puis on repart.Quand le poe ` te fait signe qu’un nouveau chant est pret, on se tait, on s’arrete. Puis de la meme

manie ` re, la ronde recommence inde ´ finiment des journe ´ es... des nuits entie ` res.

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 219-248

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la pre ´ sence du roumi que vous etes, n’aille pas arreter net ces spontane ´ ite ´ spreˆtes a `   e ´ clater, ou du moins les gener et en fausser le jeu.

Comme charge ´ e a `  bloc, comme sature ´ e de poe ´ sie et de danse, n’e ´ tant plus a `

la lettre maıˆtresse d’elle-meˆme, livre ´ e ainsi qu’une proie qui ne se de ´ fend plus a `toute l’exaltation d’une ve ´ ritable ivresse mystique, l’ame berbe ` re a fait explo-sion, elle s’est de ´ bonde ´ e et elle est la `  devant nous, cette fois vraiment a `   nu.

Ces e ´ tudes, sous une forme tre ` s libre et tre ` s familie ` re – recherches etde ´ gressions, avons-nous dit –, voudraient etre des travaux d’approche pouressayer de re ´ soudre une question bien ardue : la mystique de la danse chez unetribu berbe ` re du Moyen-Atlas. Ou en d’autres termes : Que veut exprimer cettedanse ? essai d’interpre ´ tation.

L’ame guerrie ` re de la race, en cette feˆte, revit-elle les combats d’autrefois et

re ´ entame-t-elle de  ja `   les combats de demain ?

Entre une bataille et une journe ´ e de labours, est-ce dans les de ´ tentes et lesabandons de la volupte ´  le repos du guerrier ?

Cette race qui a tant de fois re ´ siste ´  a `  mourir veut-elle re ´ veiller en elle la fierte ´de sa longue dure ´ e et s’exalte-t-elle aux espoirs tenaces et aux volonte ´ s farou-ches de se continuer toujours ?

Est-ce l’e ´ trange liturgie d’un rite agraire ou les ames se tendent vers l’ivressedes sensualismes dionysiaques ? Ce peuple montagnard dont toutes les pense ´ esettoute l’activite ´  sont organise ´ es en fonction de la terre et des troupeaux est reste ´e ´ tonnamment pre ` s de la nature. Penche ´   sur elle, il en saisit les moindrespalpitations comme d’un etre vivant auquel il se sent e ´ troitement lie ´   par lesrapports incessant d’un paganisme agraire aux re ´ flexes constamment en actions.

Il ne s’est pas encore appauvri et desse ´ che ´  a `   re ´ citer les sche ´ mas morts de noslois scientifiques. En sera-t-il longtemps pre ´ serve ´ ? Certains sont presse ´ s. Luil’est moins.

Cette danse, c’est-il alors comme s’il l’avait e ´ te ´ , fils authentique de la nature

et son fide ` le fervent, convoque ´   a `  un rendez-vous solennel par la de ´ esse qu’ilhonore pour les initiations au secret prodigieux de sa vie innombrable ?

L’ahidous commence. Et bientot de ce culte primitif mais tellement humaintellement riche, la liturgie sauvage d’abord incertaine, hausse peu a `  peu le ton,s’exalte, s’exaspe ` re : elle est arrive ´ e a `  son point culminant.

En ces myste ` res dont l’e ´ sote ´ risme reste farouchement ferme ´  a `  qui n’est pasde la race, voila `  le fragile et fruste individu hausse ´   a `  eˆtre le myste qui ne faitqu’un avec la divinite ´  vers laquelle il est venu.

Maintenant, n’e ´ tant plus lui, devenu la grande chose a `  laquelle il s’est donne ´et qui en retour s’est donne ´ e a `   lui, de porter tout ca en soi, il ne sait plus tenir enlui-meme, il bondit hors de ses propres limites, il est livre ´  tout entier, tantot s’yoffrant, tantot s’y abandonnant, a `  l’orgie de sentir tre ´ pigner en lui toute la vie

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de tous les etres et de toutes les choses, comme s’il e ´ tait a `  lui seul tous les etres ettoutes les choses.

Et venues de partout vers lui, sur lui de partout pre ´ cipite ´ es, en son ame dont

elles ont fait le champ clos ou elles se heurtent, toutes les forces obscures de laterre dansent la sarabande, en lui criant tous les appels, s’affolent tous leursde ´ sirs dans les bacchanales de ´ chaıˆne ´ es de ces rites puissants qui de tout ca ontsonne ´  le rappel et de ´ clenche ´   l’assaut.

Et l’ampleur de cette liturgie, sa richesse de sens humain, son accent auxprofonds lointains qui retentissent du fond des ages font passer dans les veinesdu te ´ moin attentif, meme reste ´  pour son compte en dehors de tout c¸a, un vraifrisson d’horreur sacre ´ e.

Que veut exprimer cette danse ? Est-ce quelque chose de ce que nous avonsdit, ou tout cela a `   la fois ou rien de tout cela ?

Il y aurait une facon directe de re ´ soudre le proble ` me. Il s’agit dans l’ahidousd’un me ´ lange de poe ´ sie et de danse, accorde ´ es toutes les deux au meme rythme,qui naissent l’une de l’autre, se portent l’une l’autre, vont de l’avant l’une parl’autre.

Alors peut-etre le plus court et le plus su ˆ r serait en des recherches me ´ tho-diques de retrouver la technique meme de ce rythme – sa facture et sonmouvement – ses e ´ le ´ ments constitutifs et la force inte ´ rieure qui le fait avancer.

Quoique primitive, et peut-etre parce que primitive, la technique de cerythme est singulie ` rement subtile et complexe.

D’avoir de ´ couvert ce que nous appelons la technique de ce rythme, on seraitpar le fait sur la voie de de ´ couvrir aussi l’ame de ce rythme, et pour employeravec les linguistes un grand mot, son « expressivite ´ ».

En l’e ´ tat actuel des e ´ tudes berbe ` res impossible de prendre ces chemins plusrapides. La phone ´ tique berbe ` re est inexistante, il faut bien le dire. Elle risque a `l’etre longtemps. Les proce ´ de ´ s rudimentaires dont elle continue a `  user, commesi elle ne soupconnait pas qu’il y a une phone ´ tique expe ´ rimentale tre ` s cons-ciente et tre ` s maıˆtresse de ses me ´ thodes, ces proce ´ de ´ s rudimentaires lui in-terdisent de se faire prendre au se ´ rieux.

Peut-eˆtre un jour trouvera-t-on quelques sous pour doter cette phone ´ tiquedes instruments d’observations dont elle a besoin pour avoir le droit des’appeler phone ´ tique.

Sans doute quelques berbe ´ risants pre ´ tendent avoir l’oreille tre ` s fine. C’est

possible. Pourquoi ne pouvons-nous pas oublier de quelle manie ` re a `   chaqueinstant les grands phone ´ ticiens re ´ pe ´ taient qu’il leur semblait dangereux dese fier aux simples constatations de leur oreille pourtant particulie ` rementexerce ´ e.

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Des graphiques et des chiffres, voila `  ce dont a besoin la phone ´ tique berbe ` re.On sait que chaque voyelle, chaque consonne a sa quantite ´  propre, sa hauteurmusicale, son intensite ´ , son timbre. De meme chacune des combinaisons queforment entre elles ces voyelles et ces consonnes. Alors des graphiques et des

chiffres ou s’inscriraient d’une manie ` re impersonnelle a `   propos de chacunetoutes ces caracte ´ ristiques.

Puis on mettrait au point la documentation toujours graphique et chiffre ´ epour l’e ´ tude de l’accent et du rythme.

La poe ´ sie et le chant utilisant pour se constituer les e ´ le ´ ments musicaux etrythmiques de la parole, cette me ´ thode d’analyse s’impose, nous voulons direune e ´ tude de ´ taille ´ e de ces e ´ le ´ ments musicaux et rythmiques 2.

Nous nous excusons de ce qu’a d’aride une telle discussion. Sans le court

rappel de ces ide ´ es e ´ le ´ mentaires, nos de ´ veloppements eu ˆ ssent produit a `   justetitre l’impression d’etre incomplets et irre ´ els.

Nous ajoutons qu’une documentation amasse ´ e a `   froid en un cabinet detravail ne suffirait pas, chaque tribu a son accent et l’accent entraıˆne desmodifications importantes dans la dure ´ e des «phone ` mes » soit des lettres,soit des groupes de lettres –, dans leur hauteur musicale, leur intensite ´   etleur timbre.

De meme, en pleine action de l’ahidous, les coupes fantaisistes de l’izli, la

manie ` re tre ` s personnelle et tre ` s impre ´ vue dont s’organisent les pauses finales,l’e ´ motion, l’emphase sont aussi des causes physiologiques et psychologiquesqui bouleversent tout.

Dernie ` re remarque tre ` s importante. Ces observations ne devraient pas etrefaites sur des Berbe ` res « e ´ volue ´ s ». Les Berbe ` res, en ge ´ ne ´ ral, ont un sens durythme e ´ tonnant. Il est curieux de constater que la premie ` re chose qu’ilsperdent, entre bien d’autres, en se « civilisant », c’est justement ce sens durythme. Combien de fois avons-nous e ´ te ´   frappe ´  du fait!

Les me ´ thodes pour la formation des e ´ lites n’ont pas encore trouve ´   le secretd’apprendre a `  lire et a `  e ´ crire a `  un Berbe ` re et le laissant Berbe ` re. On dirait que lanavrante alternative est fatale. Peut-etre est-ce que les me ´ thodes suivies sont

2. Il ne suffirait pas, on le comprend bien, de transcrire les airs avec leur notation musicale.Travail tres utile sans doute, mais la question du rythme est autre chose et autrement compli-que ´ e. C’est ce que nous appellerons en poe ´ sie occidentale le rythme du vers : la successionordonne ´ e de longues et de bre ` ves et leur groupement, succession et groupement e ´ quilibre ´ s, oumieux pour parler comme les Berberes, symetriques – ce qui fait dire au berbere non cultive maischez qui le sens du rythme n’est jamais en de ´ faut que ces coupures rythmiques – en langageberbe ` re, ces «paroles» – «s’e ´ quilibrent», «se font face», que ces coupures sont «droites»,

qu’elles ne sont pas « tordues».D’ailleurs nous croyons qu’il n’est pas possible de pe ´ ne ´ trer a `  fond le sens de cette « musique »

berbe ` re, si on n’a pas approfondi d’abord la question du rythme verbal. Ici c’est le rythme verbalqui commande et choisit impe ´ rieusement le rythme musical avec qui il se sent une harmoniepre ´ e ´ tablie pour ainsi dire.

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de ´ fectueuses. Le malheur, c’est qu’on est trop su ˆ r qu’elles sont bonnes et il estarrive ´  qu’on a vu donner comme preuve de leur succe ` s ce qui e ´ tait la de ´ mons-tration pe ´ remptoire de leur faillite. S’en apercevra-t-on avant qu’il ne soit troptard ? Quoiqu’il en soit, qu’on se garde d’e ´ tudier le rythme chez ces Berbe ` res

«savants»!

Alors puisqu’on ne peut aborder le proble ` me directement, il reste de leprendre de biais.

Le texte de ces chants, la mimique de ces danses, la physionomie d’ensemblede l’ahidous, le peu que l’on peut pressentir a `  l’oreille de la technique meˆme durythme dans ces chants et ces danses, voila `  des e ´ le ´ ments dont une e ´ tude serre ´ ede pre ` s peut nous permettre de de ´ gager quelques ide ´ es assez solides pour unessai d’interpre ´ tation de la danse berbe ` re. Qu’on n’oublie pas d’interroger

aussi l’ethnographie, non pas l’ethnographie compare ´ e, mais l’ethnographiespe ´ cifiquement berbe ` re. Certaines coutumes qui re ´ gissent l’ahidous sont tre ` ssuggestives.

Ainsi il n’est pas admis par le vieux code berbe ` re des convenances que ceuxqui se doivent respect re ´ ciproque, le pe ` re et le fils, le fre ` re aıˆne ´  et le fre ` re plus

 jeune, etc., puissent assister ensemble l’un a `   cote ´   de l’autre a `   l’ahidous etensemble entendre un izli... cet izli n’aurait-il en lui rien de risque ´   ou depaillard. Sous la tente, si le petit enfant, – qui ne se rend pas compte – semet a `  entonner un izli qu’il a retenu pour l’avoir entendu au dehors, les vieux

rougissent, on le frappe et on le fait taire.Par contre, il n’y a rien de re ´ pre ´ hensible et l’on n’a aucune re ´ pugnance a `

e ´ couter jeunes et vieux mele ´ s les chants du troubadour qui sont autre chose queles izlan.

Pour faire le tour de ce proble ` me de ´ licat et complique ´  qui est le sujet de nose ´ tudes, nous serons amene ´ s a `   traiter les questions suivantes :

1) Le poe ` te berbe ` re, sa place dans la socie ´ te ´   et l’ide ´ e que l’on se fait del’inspiration.

2) Les cadres de la poe ´ sie berbe ` re : les paysages.

3) Les cadres de la poe ´ sie berbe ` re : les fetes.

4) Poe ´ sie et danse berbe ` res : leur interde ´ pendance et leur interpe ´ ne ´ trationre ´ ciproques.

5) La technique d’expression dans la poe ´ sie berbe ` re et dans la poe ´ sieoccidentale.

6) Ce qu’on peut pre ´ sumer des e ´ le ´ ments constitutifs du rythme et de sonmouvement dans la poe ´ sie berbe ` re.

7) Les re ´ sonances ethniques dans la poe ´ sie berbe ` re.

8) Le sentiment de la nature dans la poe ´ sie berbe ` re : nuances particulie ` resde ce sentiment.

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9) Les proce ´ de ´ s litte ´ raires d’expressivite ´  dans la poe ´ sie berbe ` re.

10) L’ironie dans la poe ´ sie berbe ` re.

11) La philosophie de la vie dans la poe ´ sie berbe ` re.

12) Conclusions et hypothe ` ses.

Addendum : Note sur les proce ´ de ´ s de composition et de transmission oraleschez le poe ` te berbe ` re.

Bien entendu, il s’agit de la poe ´ sie berbe ` re dans une tribu du Moyen-Atlas.Obstine ´ ment nous voulons nous cantonner dans la monographie. Les grandessynthe ` ses ne nous inte ´ ressent pas... ou plutot elles sont pre ´ mature ´ es. L’ethno-graphie berbe ` re doit s’attarder encore longtemps dans les patientes et minu-tieuses recherches des monographies, qui nous livrent un coin de vie berbe ` re

longuement et directement observe ´ e.Certaine grande synthe ` se ethnographique et linguistique dont l’appareil

scientifique nous avait d’abord impressionne ´ , quand nous avons voulu ene ´ prouver la solidite ´  pour le petit compartiment que nous avions explore ´   unpeu, s’est re ´ ve ´ le ´ e a `   nous au moins sur ce point ou nous pouvions juger enconnaissance de cause, singulie ` rement fragile, pour ne pas dire davantage. Lereste du monument e ´ tait-il plus se ´ rieusement construit ?

Il nous a semble ´  pre ´ fe ´ rable pour que le lecteur puisse mieux comprendre de

donner d’abord de nombreux textes de ces poe ´ sies qui ont e ´ te ´   la documenta-tion dont nous avons de ´ gage ´  nos de ´ veloppements.

Ces poe ´ sies ont e ´ te ´  recueillies par nous personnellement au cours de plu-sieurs anne ´ es d’intimite ´  avec une tribu berbe ` re. Elles sont du dialecte Ichqirr.Les Ichqirr ont leur habitat au sud-est de Khe ´ nifra. Leur ksar principal estKebbab (Lqbab).

Cependant avant de donner les textes memes, nous permet-on quelquesremarques pre ´ liminaires ? Elles sont indispensables pour e ´ viter qu’au premiercontact avec cette poe ´ sie si fruste en apparence ne se cre ´ e dans l’esprit du

lecteur non averti, le pre  juge ´   de ´ favorable dont il aurait de la peine a `   revenir.

Qu’on ne l’oublie pas un seul instant, cette poe ´ sie, c’est une litte ´ raturepurement orale, d’inspiration toute populaire.

Le poe ` te berbe ` re, nous avons eu souvent l’occasion de le dire, n’est pas unpersonnage a `   part du peuple et il n’emploie pas un langage spe ´ cial. Les« hommes de lettres » sont inconnus ici.

Le poe ` te, qui ce soir l’amuse ou l’e ´ meut ou attise en elle le sentiment dudevoir musulman, demain la foule le retrouvera, la faucille a `  la main, et avec

elle, il moissonnera l’orge qu’il avait seme ´ e lui-meme dans son champ. Ce poe ` tevit au jour le jour la vie de son peuple, il est lui-meme ce peuple assez simplecomme lui, ardent et passionne ´   comme lui... Dans son cœur, c’est tout unpeuple qui vit et dans sa voix, c’est tout un peuple qui chante.

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Litte ´ rature d’inspiration toute populaire ! Alors elle ne sait pas, cette poe ´ sie,fille du peuple, inattentive qu’elle serait a `  la foule et a `  ses admirations faciles estbruyante, elle ne sait pas se retirer a `   l’e ´ cart, et la ` , toute seule, longuements’attifer, se peigner, se fignoler... et pour y enfermer la recherche aristocratique

et un peu hautaine de ses pense ´ es rares et de ses sentiments raffine ´ s, ciselerpatiemment l’e ´ crin myste ´ rieux d’un langage inaccessible, s’e ´ tant re ´ serve ´ e pourla jouissance secre ` te de quelques initie ´ s.

Elle veut, cette poe ´ sie, la place publique. Improvise ´ e, est-elle un dialogueinstitue ´ entre le poe ` te et la foule ? Faut-il dire qu’elle est collaboration du poe ` teet de la foule ? Elle n’aime pas le silence et le myste ` re des ames replie ´ es sur elles-memes en une solitude quelque peu de ´ daigneuse.

Elle e ´ clot en pleine vie, en pleine vie bruyante, en pleine vie du peuple tout

entier. Ne pas avoir e ´ te ´  meˆle ´   imme ´ diatement et longuement a `  l’au jour le jourde la vie berbe ` re, c’est, jugeant toute cette poe ´ sie du dehors comme quelquechose qui vous est e ´ tranger et a `  quoi l’on est e ´ tranger, c’est, pour ainsi dire, etreimmobilise ´   sur le seuil incapable d’entrer en elle et d’en « re ´ aliser » toute lacomplexe et prenante richesse.

Aux premiers contacts avec tout cela qui est si diffe ´ rent et de nos habitudesde vie et des formules d’art qui nous sont familie ` res, a `  la premie ` re rencontre, lacuriosite ´  joue, on est inte ´ resse ´ .

Mais bientot on s’en de ´ tourne, on renie ses premiers enthousiasmes et on

croit tout ca tout au plus bon pour un muse ´ e d’ethnographie. On refuse del’appeler poe ´ sie et ca ne paraıt plus que cris de ´ sordonne ´ s et explosionsde ´ sarticule ´ s d’un art e ´ le ´ mentaires et sans souffle. Des pierres brutes amonce-le ´ es furieusement sans architecture qui les ordonne...

C’est ine ´ vitable : on vient a `   cette poe ´ sie berbe ` re, en attendant d’elle et enexigeant d’elle tout ce que nous donnent les complications de notre poe ´ sie et dela meme manie ` re qu’elles nous le donnent. Alors, on est de ´ cu. Toujours cetorgueil qui nous fait tout juger sur le standard d’Occident. Il n’y a d’humaineque l’humanite ´   d’Occident : c’est le postulat sous-entendu dans tous les juge-

ments que nous portons sur ces races primitives. L’humanite ´   berbe ` re a samanie ` re a `   elle d’etre humaine, mais elle l’est vraiment.

La poe ´ sie est poe ´ sie chez les Berbe ` res non pas de la meme facon, mais pourles memes motifs peut-etre que chez nous. La poe ´ sie est poe ´ sie parce qu’elle est,pour les individus comme pour les races, e ´ vocation de ces forces obscures dontnous sentons que, reste ´ es a `   l’e ´ tat fruste ou plie ´ es sous le joug, tourbe malsaineou collaboratrices pour des buts de beaute ´ , au plus profond de nous-memeselles me ` nent l’aventure de notre vie plus impe ´ rieusement que les motifsconscients auxquels nous croyons obe ´ ir.

Forces obscures ou envers inexplore ´ s et profondeurs non encore fouille ´ esdes forces conscientes auxquelles nous avons livre ´  notre vie.

Le bien comme le mal cherchent a `  mobiliser a `  leur service l’e ´ lan myste ´ rieux

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et irre ´ sistible de ces forces obscures dont la complicite ´  assure a `  ceux-la `  du cote ´desquels elles ont pese ´   de tout leur poids d’avoir le dernier mot.

Ces forces obscures, celles qui me ` nent l’individu vers ses fins d’e ´ panouisse-

ment personnel comme celles qui me ` nent les races vers leurs fins ethniques, lepoe ` te les fait surgir devant nous et les met en mouvement.

D’avoir de ´ chire ´  les voiles et pour ainsi dire le dedans de nous retourne ´   audehors, d’avoir devant nous vide ´   et e ´ tale ´   toutes les richesses ou de trouble oud’auste ` re grandeur que nous portons en nous, voila `  ce dont nous savons gre ´  a `la poe ´ sie et ce que nous attendons d’elle et pourquoi par elle le plus profond denous-meˆmes se laisse tellement prendre.

Toutes ces remarques ne sont pas un hors-d’œuvre, mais sont le vrai sujet, cequi nous met au cœur du vrai sujet, quand il s’agit de poe ´ sie berbe ` re.

La poe ´ sie berbe ` re a ses proce ´ de ´ s d’e ´ vocation tre ` s spe ´ ciaux. Ils arrivent a `   leurbut comme notre poe ´ sie mais par des chemins qui sont ses chemins a `   elle.

Ces proce ´ de ´ s d’e ´ vocation, nous essaierons de les e ´ tudier ex-professo, de lesanalyser dans quelques pages qui auront pour titre « La technique d’expressiondans la poe ´ sie berbe ` re et la technique d’expression dans la poe ´ sie occidentale ».Qu’on nous permette de ` s a `   pre ´ sent d’en dire quelques mots.

Ces textes poe ´ tiques que nous apporterons, il ne faut pas les juger en eux-

memes et pour eux-memes. Les remettre dans leur cadre, leur redonner vie etassister par la pense ´ e a `  tout le de ´ clenchement de vie dont ils vont donner lesignal et qu’ils vont mettre en branle eux-meˆmes.

Replonger toute cette poe ´ sie dans le grand fleuve bouillonnant de la vieberbe ` re dont elle n’est a `   vrai dire qu’une e ´ mouvante palpitation, dont ellen’est qu’un moment, le moment le plus compre ´ hensif et le plus riche... commeen un de ces tourbillons vers lesquels, comme vers un rendez-vous, l’ouedsubitement grossi par l’orage se pre ´ cipite a `   la hate, ou il s’attend lui-meme, seramasse, et toutes ses e ´ nergies concentre ´ es, e ´ clate en des crispations furieuses

de ses eaux farouchement brasse ´ es et en des grondements sourds, de ses crissauvages jete ´ s a `  tous les e ´ chos : explosion magnifique de tout lui-meme, qui lelivre tout entier et par quoi l’on sait de ´ sormais ce qu’il portait en lui et cedont il est capable.

Langage symbolique qu’on trouvera peut-etre vague, mais c’est le seul, nonpas qui puisse dire, mais qui puisse faire pressentir tous les obscurs profonds dela vie qu’on ne re ´ duit pas cependant en formules claires.

Remettre toute cette poe ´ sie aussi dans le cadre plus limite ´   ou pendant

quelques jours de fete va s’enfermer momentane ´ ment toute la vie berbe ` re: lecadre de l’ahidous, et ce qui est le principal de l’ahidous, la danse.

La poe ´ sie dans l’ahidous  berbe ` re, est au service de la danse – e ´ tant bienentendu que cette danse berbe ` re est autre chose qu’un simple tre ´ moussement

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de jambes et de ventres, mais a toute l’ampleur d’un vrai rite, ou le Berbe ` rearrache ´  un instant a `   lui-meme reprend contact avec l’ame meme de la race.

Le role de la poe ´ sie dans l’ahidous : d’aller sonner au fond des ames le rappeldes puissances obscures, ces puissances obscures, les mettre en mouvement, et,quand elles sont de ´ chaıˆne ´ es, son role est fini, elle reste la ` . Tout se passe peut-ondire maintenant au-dela `  de la poe ´ sie. Ou plutot, au-dela `  des paroles, plus surles le ` vres, rien que dans les ames, c’est maintenant vraiment qu’est donne ´ e lapoe ´ sie.

Les portes du myste ` re ont e ´ te ´  ouvertes : il n’est que de se livrer au myste ` re.Plus de paroles ou le moins possible, c’est-a ` -dire ce qui revient au meme,re ´ pe ´ ter sans fin les memes paroles.

Car re ´ pe ´ ter toujours, a `   en perdre haleine, les memes choses, c’est une

manie ` re aussi de faire le silence en soi. Tout l’etre exte ´ rieur ainsi occupe ´ ,nous allons dire, distrait, le dedans de nous-memes se sent libe ´ re ´  pour n’eˆtreplus tout entier qu’a `   la grande chose dans le poe ` te a re ´ veille ´   en nous lanostalgie.

Ici, que l’on ne croie pas a `   du verbiage de notre part ou a `  des imaginationsgratuites. Les vrais Berbe ` res, en qui l’ame de la race est reste ´ e la plus intacte,n’aiment pas que le poe ` te prenne a `  chaque instant la parole. Le charme estrompu ainsi a `   tout moment quand sans cesse le cercle s’arrete et que la danses’interrompt pour e ´ couter un bavard prodigue de sa poe ´ sie.

Il y a un espe ` ce d’ahidous ou la poe ´ sie n’intervient qu’en commenc¸ant unefois, comme pour intimer le garde a `   vous et mettre en marche la danse et

 jusqu’au bout, la danse va s’alimenter de cet izli du de ´ but.

Nous sommes-nous fait comprendre un peu ? Poe ´ sie e ´ le ´ mentaire et sanssouffle, c’est bien vite dit. Elle n’a pas la meme manie ` re que notre poe ´ sie d’etreriche et d’avoir du souffle.

Oui, c’est bien vite dit. Supposez des e ´ toiles suspendues a `  un firmament quiserait invisible a `   nos yeux : voila `  la poe ´ sie berbe ` re.

La poe ´ sie d’Occident, elle, pique ses e ´ toiles patiemment cisele ´ es sur la toilede fond bien pre ´ sente et bien visible d’un firmament aux reflets changeants sansdoute, mais chaque fois soigneusement brosse ´ .

La toile de fond dans la poe ´ sie berbe ` re, c’est la vie berbe ` re qui s’exprimetellement en tout ca. Encore une fois, cette poe ´ sie n’a pas rompu les attachesavec la vie et elle n’est pas devenue un pur exercice intellectuel.

Alors ces accents essouffle ´ s aux re ´ sonances courtes de la poe ´ sie berbe ` re, ilfaut, se faisant une ame berbe ` re, les enrichir de tous le sous-entendus qui au

cœur du Berbe ` re leur donnent tous leurs profonds lointains.Autrement, si vous ne vous etes pas plonge ´  en pleine vie berbe ` re, si cette vie

berbe ` re un instant n’est pas devenue notre vie, vous ne pouvez rien comprendrea `  cette poe ´ sie.

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C’est comme une trame sans la chaıˆne, c’est comme des phrases me ´ lodiquesde ´ tache ´ es sans le sentiment ethnique qui fait leur unite ´   et en compose unensemble expressif ; c’est la note chantante sans le substratum musical surlequel elle s’appuie et sur lequel elle brode les fantaisies capricantes de ses

tre ´ moussements inapprivoise ´ s.

De souffle tre ` s court, cette poe ´ sie ! Non, en apparence seulement.

Par ce cri sauvage isole ´ , les forces obscures ont e ´ te ´  libe ´ re ´ es. Cette poe ´ sie, descris inarticule ´ s ! Non ! en re ´ alite ´  replongez-la dans l’immense courant de la vieberbe ` re dont elle n’a e ´ te ´  qu’une vague de fond. Cette vague de fond, un instantprojete ´ e a `  la surface mais de nouveau happe ´ e par les masses profondes dontelle e ´ tait sortie, elle est revenue comme une force de ´ chaıˆne ´ e qui va maintenanta `   son tour les soulever les brasser sans fin.

Ce cri se prolonge avec toute l’ampleur d’un appel venu du fond des ages. Ila e ´ te ´   la chiquenaude qui a ope ´ re ´   le de ´ clenchement d’une vie bouillonnantetoute preˆte a `  exploser. Il a sugge ´ re ´  d’une indication bre ` ve le motif d’architec-ture vivante autour duquel cette vie libe ´ re ´ e va enrouler sans fin les arabesquesfurieuses de rythmes endiable ´ s.

D’un geste sec, ce cri a marque ´   le point de rassemblement autour duquelvont cristalliser toutes les nostalgies ethniques auxquelles il a fait signe d’ac-courir.

Columbia a enregistre ´   ces rythmes poe ´ tiques et chore ´ graphiques en desdisques dont la perfection technique ne laisse rien a `   de ´ sirer. Sans vouloir nefaire de la peine a `  personne, nous permet-on de dire que c’est un bien mauvaisservice qu’on a rendu a `   ces chants berbe ` res : une vraie cacophonie ou il estimpossible de discerner le moindre soupcon d’art.

C’est que cette poe ´ sie, encore une fois, il ne faut pas simplement l’entendretoute seule en dehors des cadres ou elle e ´ volue habituellement.

Cette poe ´ sie, il faut la voir en œuvre, sur place, la voir ope ´ rer dans les ames

ces de ´ clenchements prodigieux de vie berbe ` re, ces explosions de vie berbe ` re, cesde ´ chaıˆnements de vie berbe ` re. Pauvres cailloux insignifiants, e ´ tale ´ s la `   devantnous ! mais la petite pierre, que vous de ´ daignez et que vous croyez inoffensive,est tombe ´ e sur la nappe d’eau en apparence immobile. Et la nappe d’eaud’abord surprise, s’est doucement et gracieusement ride ´ e, puis comme incer-taine et inde ´ cise, tour a `   tour souleve ´ e et tour a `   tour apaise ´ e et retombant surelle-meme, ne sait bientot plus re ´ sister aux sourdes nostalgies de tempeˆte quitravaillent en elle. Et alors les ondes s’ajoutant aux ondes, les ondes se heurtantaux ondes et se re ´ percutent les unes contre les autres, c’est maintenant le

remous formidable des vagues de fond qui emportent tout et ne connaissentplus rien.

Voila `   peut-etre symboliquement exprime ´   le sche ´ ma psychologique d’unedanse berbe ` re.

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La danse, c’est elle la reine dans l’ahidous et la poe ´ sie n’est que son humbleservante, mais quelle servante ! Tellement fie ` re de celle qu’elle sert !

Reine a `   l’e ´ trange et sauvage beaute ´   a `  qui son peuple enamoure ´   re ´ clame a `chaque instant de se montrer a `   lui.

Et me ´ fiante et secre ` te, en vraie Berbe ` re qu’elle est, elle he ´ site, il lui en cou ˆ tede sortir du myste ` re ou elle se cache. Si, mele ´  a `  son peuple, l’e ´ tranger e ´ tait la `  !Elle ne veut pas etre donne ´ e a `   l’e ´ tranger.

Il faut qu’on la tire par force. Alors interme ´ diaire entre elle et son peuple, laservante jette ses appels impe ´ rieux.

Et la reine a `   l’e ´ trange et sauvage beaute ´   ne re ´ siste plus a `  venir vers sonpeuple. Et son peuple reste la `   lui aussi intimide ´   au premier instant. Maisbientot rien que de l’avoir vue venir vers lui et bientot de l’avoir regarde ´ e, il

s’est tellement reconnu en elle. Il pressent qu’il a tellement a `  recevoir d’elle etqu’il faut que par elle lui soit redonne ´  tout ce qu’il a de  ja ` , pour que ce soitvraiment sien.

Il sait maintenant que jamais il ne pourra etre plus lui-meme que d’avoir e ´ te ´pris par elle et d’etre vraiment devenu elle.

A ` pre ´ sent que la rencontre s’est faite, qu’a-t-on besoin de celle par qui elles’est faite. Mais elle ne se fu ˆ t pas faite sans elle.

II. NOTES ET OBSERVATIONS SUR L’E ´ TUDE

DE LA DANSE BERBE ` RE

La chore ´ graphie est un compartiment de l’ethnographie, un des plus ne ´ -glige ´ s – en ethnographie berbe ` re a `  peu pre ` s comple ` tement ne ´ glige ´ .

Cette e ´ tude de la danse berbe ` re soule ` ve les proble ` mes les plus divers et il y a

bien des manie ` res de l’aborder.« Essai d’interpre ´ tation de la danse chez une tribu berbe ` re du Moyen-Atlas :

ce que veut exprimer cette danse » : tel est le titre sous lequel de ` s le premierinstant nous avons groupe ´  nos travaux sur un tel sujet. Par la `   est nettementindique ´  le sens de nos pre ´ occupations.

Titre bien pre ´ tentieux a `   premie ` re vue.

Qu’on le sache, toutes ces recherches, nous les conside ´ rons simplementcomme des travaux d’approche pour essayer de voir quelque chose dans une

des questions les plus complique ´ es de l’ethnographie.Essayer de voir quelque chose ! Peut-etre ne re ´ ussira-t-on a `   ne rien voir!

Mais ces tentatives n’auront pas e ´ te ´  inutiles. Elles auront pose ´ le proble ` me sousun point de vue particulier. Elle ouvriront peut-etre quelques horizons.

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En tout cas au moins elles de ´ blaieront de  ja `   un peu la route ou d’autrespourront s’avancer.

Toute science est coope ´ ration dans le temps comme dans l’espace. Meme a `

supposer que nous nous engagions dans une direction ou nous ne puissionsaboutir a `   rien, ce sera une facon aussi de faire œuvre utile. Que nous noussoyons trompe ´ , d’autres seront par le fait meˆme dispense ´ s de se tromper de lameˆme manie ` re que nous. Ce sera du temps gagne ´   malgre ´  tout pour d’autreschercheurs.

D’ailleurs, si l’hypothe ` se a `   laquelle nous nous serons attache ´ provisoirementse re ´ ve ` le fausse, c’est entendu, on y renoncera, mais sera acquise toute ladocumentation et toutes les observations dont elle aura e ´ te ´  pour nous l’ins-trument de recherche et le guide.

De toute facon, en ces e ´ tudes on pe ´ ne ` tre sur un terrain ou tout est a `   fairepeut-on dire : une ve ´ ritable foret vierge a `  explorer. Et l’on est un peu impres-sionne ´  de s’y engager presque le premier.

Simples travaux d’approche pour un essai d’interpre ´ tation de la danseberbe ` re : redisons-le, voila `   simplement la porte ´ e que nous attribuons a `   cesnotes.

Est-ce avant tout une danse guerrie ` re ? Est-ce une danse agreste ? Est-ce unedanse voluptueuse ? Est-ce tout cela a `   la fois ? Nous avons pose ´   la question

avec plus de de ´ veloppement dans un article du  Maroc catholique   (janvier1934).

Il est d’ailleurs plus facile de la poser que d’y re ´ pondre. Y re ´ pondre, non pasen litte ´ rateur, non pas en esthe ´ ticien, non pas en poe ` te, mais en vrai savant,soucieux de pre ´ cision qui ne veut se mettre en marche et n’avancer que guide ´par les directives claires d’une me ´ thode scientifique rigoureuse.

Qu’en de telles e ´ tudes, le vrai savant, s’il en est capable, soit amene ´  souvent,et qu’il y gagne beaucoup et qu’il en ait besoin, a `   etre en meme temps

litte ´ rateur, esthe ´ ticien et poe ` te, cela revient a `  dire que l’esprit de ge ´ ome ´ tries’ave ` re comple ` tement impuissant la `  ou l’esprit de finesse re ´ ussit ses plus bellesde ´ couvertes.

Cette re ´ serve faite, reste que les recherches chore ´ graphiques doivent etremene ´ es avec toute la minutie de vraies enquetes scientifiques.

Il y a en Europe actuellement un effort tre ` s curieux et tre ` s inte ´ ressant a `propos de ces danses primitives.

On a meme mis sur pied une chore ´ graphie compare ´ e. Nous croyons que c’est

aller un peu vite.On essaie de retrouver et on croit avoir retrouve ´  pour certaines figures de la

danse et pour certains mouvements leurs zones propres d’origine et leurschemins de migrations.

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Il y a des techniciens – et non des moindres – qui choisissent de ´ libe ´ re ´ ment departir de la chore ´ graphie compare ´ e pour en arriver a `   la chore ´ graphie particu-lie ` re de tels ou tels peuples : voir d’abord en quoi se ressemblent les diversesdanses ethniques pour mieux de ´ couvrir en quoi elles diffe ` rent. C’est tre ` s

dangereux. On risque a `   e ´ tirer le re ´ el dans le sens de the ´ ories pre ´ concues.

Que l’ethnographie berbe ` re se garde de succomber a `  une telle tentation 3. Iciaussi qu’elle consente a `  s’attarder d’abord aux patientes et minutieuses ana-lyses des monographies chore ´ graphiques. Le seul terrain solide et su ˆ r, pourcela comme pour tout le reste, c’est au moins provisoirement, la monographie.

La danse berbe ` re, poe ` me plastique, drame plastique,envisage ´ e avant tout comme spectacle des yeux

Mais meˆme re ´ duites aux limites e ´ troites et humbles de la monographie, cesrecherches doivent aborder le proble ` me dans toute sa complexite ´  et dans touteson ampleur.

Et alors, disons-le tout de suite, la me ´ thode que nous essaierons d’e ´ laborer etde formuler pour l’e ´ tude de la danse berbe ` re repre ´ sente une tentative tre ` sre ´ solue et tre ` s consciente pour dessaisir les musicologues qui jusqu’ici s’en sontoccupe ´ s a `   peu pre ` s exclusivement et re ´ inte ´ grer de telles recherches dans un

domaine plus ge ´ ne ´ ral de l’ethnographie qui est le leur.Les musicologues, si c’est en musicologues avant tout qu’ils e ´ tudient ces

questions, sont condamne ´ s d’avance a `  ne pas nous apprendre grand-chose denouveau.

Le principal leur e ´ chappe. Et pour pouvoir prendre le proble ` me de leurbiais, ils ont du ˆ  commencer par le re ´ tre ´ cir au point de tout fausser et de toutde ´ former.

Ce qu’ils retiennent dans la danse berbe ` re, s’ils ne restent que musicologueset meme s’ils s’efforcent d’etre autre chose, c’est avant tout sa texture ryth-mique. Ils «e ´ coutent » plutot qu’ils ne « regardent ».

D’ailleurs meme leurs me ´ thodes propres de ´ fectueuses et aussi impuissantesqu’elles soient sur un tel terrain, ils ne peuvent meme les appliquer telles quelles

 jusqu’au bout quand il s’agit du rythme berbe ` re.

3. Tentation tre ` s subtile et tre ` s dangereuse que celle de s’e ´ vader des horizons si e ´ troits enapparence de la monographie! Les faits berberes y sollicitent presque, pourrait-on dire.

Pour rester uniquement dans le cadre des danses berbe ` res, d’une tribu a `  l’autre, ou du moinsd’une re ´ gion a `   l’autre, il y a des variations essentielles que semblent repre ´ senter des e ´ tats

diffe ´ rents et comme des e ´ tapes dans l’e ´ volution de cette danse collective et a `   la chaıˆne vers lecouple dansant comple ` tement de ´ tache ´   et e ´ voluant a `   part.

Magnifique tremplin pour s’e ´ lancer vers de splendides synthe ` ses ! Si parfois nous-memes,nous nous laissons surprendre a `   formuler de telles synthe ` ses, qu’on les prenne comme nous lesdonnons et que l’on n’y attache pas plus d’importance que nous n’en attachons nous-memes.

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Car la `   le rythme musical est sous l’absolue de ´ pendance du rythme verbal. Etle rythme inte ´ rieur des mots, comment pourraient-ils en deviser en l’absencecomple ` te d’une phone ´ tique expe ´ rimentale berbe ` re ? Car le rythme est tout dememe autre chose et chose plus complique ´ e que de simples airs musicaux.

La danse berbe ` re est avant tout figure et mouvement.

Le langage familier berbe ` re est tre ` s expressif sur ce point-la ` : « on va voir »disent les Berbe ` res pour s’inviter a `  aller ensemble a `  l’ahidous... « voir », ce motpris dans son sens le plus strict. Ils ne disent pas « on va e ´ couter ».

Et si quelque Roumi s’exprime ainsi, frappe ´  surtout par le tintamarre aumilieu duquel se de ´ ploie cette danse... les Berbe ` res ne comprennent pas. Et ilsrectifient.

Le langage familier berbe ` re se trouve d’accord avec les mises au point desme ´ thodes les plus modernes pour les recherches chore ´ graphiques.

La danse berbe ` re est essentiellement un spectacle « visuel ».

C’est un poe ` me qui se dit devant nous, qui se chante devant nous. Mais lesmots de ce poe ` me, les phrases, les cadences et le rythme de ce poe ` me, ce sont lesfigures memes de cette danse... ces figures envisage ´ es a `  la fois du point de vueplastique et du point de vue cine ´ matographique.

La danse berbe ` re est un drame qui se joue devant nous, drame d’unerichesse, d’une complexite ´   et d’une subtilite ´   d’autant plus e ´ tonnantes qu’a `

premie ` re vue le langage employe ´   est tellement primitif, tellement concret,tellement pre ` s de la nature.

Cette danse, un organisme vivant dont on suit le de ´ veloppement, qui ne vapas au hasard par n’importe quels chemins, qui est spontane ´ ite ´ sans doute maisspontane ´ ite ´  en marche vers quelque chose, par des routes qu’elle ne s’est paspre ´ cise ´ es mais dont elle ne de ´ vie pas, une force instinctive mene ´ e vers un butpar une ide ´ e directrice, disons plutot par une intuition directrice, qu’on voit etqu’on sent peu a `   peu s’emparer des corps, s’emparer des ames, vaincre leurre ´ sistance, les tenir a `  merci, se jouer d’elles, puis a `  bout de souffle, tout d’uncoup, brusquement les jeter a `  terre, e ´ puise ´ es elles-meˆmes et ne sachant pas cequi s’est passe ´   en elles, ne le sachant pas mais s’y e ´ tant livre ´ es avec une totalefre ´ ne ´ sie et ne demandant que de recommencer a `  s’y livrer sans fin.

Mais ce drame qu’est la danse berbe ` re, par dela `   la poe ´ sie et la musique,malgre ´  les tambourins et les battements de mains, malgre ´  tous les vacarmes,il reste que c’est un drame muet, un drame sans paroles, un drameplastique.

Alors ne disons pas un drame sans paroles... un langage qui parle non pas a `

l’oreille mais un langage qui parle aux yeux, ve ´ ritable discours plastique dontles syllabes, les mots et les locutions sont les figures que dessine le corps et lesmouvements qu’il exe ´ cute.

La danse berbe ` re, pour tout dire, c’est une pantomime, mais ce mot pris

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dans le sens le plus profond et le plus riche, une pantomime ge ´ niale qui a suexploiter a `  fond toutes les ressources d’expression du geste et du mouvement ettoutes leurs ressources d’e ´ vocation.

En ce spectacle « les e ´ le ´ ments auditifs, visuels, cine ´ matiques et dramatiquesse confondent en une vivante unite ´  qui semble indissoluble », mais pre ´ cisonsqu’en dernier ressort l’e ´ le ´ ment auditif est au service de tout le reste.

Le point de vue « visuel » que prime le point de vue « auditif » : voila `  au fondtoute notre me ´ thode.

Poe ` me plastique, discours plastique, drame plastique, avons-nous dit : voila `ce qu’est cette danse berbe ` re.

Alors les techniciens ont pu, empruntant le langage des grammairiens, a `propos des diverses figures de la danse, des divers mouvements, de la manie ` re

de passer d’une figure a `  l’autre ou d’un mouvement a `  l’autre, ils ont pu parlerde morphologie et de syntaxe.

Morphologie et syntaxe : en somme pour une monographie chore ´ graphique,les deux grandes divisions que l’on retrouve dans toute e ´ tude dialectale.

Et il faut de part et d’autre une autre scrupuleuse minutie.

Il y a des danses du Moyen-Atlas comme il y a des dialectes du Moyen-Atlas.La danse du Moyen-Atlas, cela n’existe pas en soi, pas plus que n’existe ledialecte du Moyen-Atlas.

Ce qui ne veut pas dire que les diverses danses du Moyen-Atlas ne soient pasplus proches les unes des autres que l’une quelconque d’entre elles ne l’est desdanses du Sous. Sans doute... Mais l’heure n’est venue de ramener a `  l’unite ´ quelorsque l’on a e ´ tudie ´  a `  fond la diversite ´ .

Donner a `  la phone ´ tique et a `   la linguistique berbe ` res compare ´ es les moyensde repe ´ rer dans l’espace et les temps les cheminements phone ´ tiques, morpho-logiques, syntaxiques et se ´ mantiques de la langue berbe ` re: voila `   la raisond’eˆtre des e ´ tudes dialectales.

Par la ` , elles se de ´ passent elles-meˆmes, mobilise ´ es pour un but plus grandqu’elles et qui les grandit a `   leur tour.

De meme la chore ´ graphie berbe ` re compose ´ e – au moment voulu, mais cen’est pas encore – ne pourra retrouver aussi les cheminements des diversesfigures et des divers mouvements que si les chercheurs ont accumule ´   a `   sonintention des monographies qui auront vise ´  a `  eˆtre tre ` s rigoureusement exactesdans les plus petits de ´ tails et par conse ´ quent que d’abord auront repe ´ re ´   etidentifie ´  les plus petits de ´ tails.

Ici surtout pas d’a ` -peu-pre ` s : un esprit d’analyse dont les observations soientpousse ´ es a `   l’extreˆme minutie.

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L’appel.

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III. A ` LA RECHERCHE D’UN PLAN

POUR UNE MONOGRAPHIE CHORE ´ GRAPHIQUE

Proce ´der pour une monographie chore ´graphique berbe ` recomme pour une e ´ tude dialectale berbe ` re

La danse berbe ` re envisage ´ e avant tout comme un langage plastique, le pointde vue « visuel » retenu plutot que le point de vue « auditif » : voila ` , avons-nousdit, l’essentiel de ce qui nous semble la me ´ thode vraie pour l’e ´ tude de cettedanse berbe ` re.

Alors pour nous, une monographie chore ´ graphique, c’est une ve ´ ritable

e ´ tude dialectale – puisque dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de langageet comme pour une e ´ tude dialectale, on y retrouvera les deux grandes divi-sions : morphologie et syntaxe.

Il faut y ajouter le vocabulaire.

Morphologie, syntaxe, vocabulaire, est-ce tout ?

Il est vrai, les e ´ tudes dialectales concernant le langage verbal berbe ` re, lelangage phone ´ tique, s’en sont tenues la `   jusqu’ici. C’est insuffisant.

Certains pre  juge ´ s ont la vie dure et ce sont eux qui arretent les chercheurs a `

mi-chemin.

Langue faite uniquement de mots concrets, ressasse-t-on a `   propos de lalangue berbe ` re, langue pauvre, langue impuissante, faute de mots abstraits, a `rendre des pense ´ es subtiles ou profondes et des sentiments de ´ licats ou raffine ´ s !

Toutes nos e ´ tudes de linguistique4 ont obstine ´ ment essaye ´ de de ´ montrer quele Berbe ` re n’est pas plus embarrasse ´  que nous pour exprimer les choses del’ame. Avec son langage concret, il les exprime a `  sa manie ` re qui n’est pas lanotre... tout simplement.

Qu’on ne re ´ e ´ dite pas les meˆmes cliche ´ s a `   propos du langage plastique de ladanse !

Peut-eˆtre au sortir de la plastique des danses occidentales, trouvera-t-on ces

4. Il nous a paru extremement interessant d’amorcer – et il est deja suffisamment avance – lare ´ daction d’un Dictionnaire psychologique du dialecte Achqer.

A ` propos de chaque mot du vocabulaire, dire :a) quelles idees ce mot suggere au Berbere ;b) quels sentiments ce mot sugge ` re au Berbe ` re.On fait, a `  s’attarder a `  ce travail, double de ´ couverte. D’abord que le Berbe ` re de fait dispose de

tout un lot important d’ide ´ es et de pense ´ es profondes et subtiles et aussi d’un lot important desentiments de ´ licats et subtiles. Ensuite que le Berbe ` re de fait, pour exprimer soit ces pense ´ es, soitces sentiments, dispose d’un lot important d’expressions concre ` tes qui y re ´ ussissent tout a `   fait.

Si seulement la recherche scientifique e ´ tait libre au Maroc, que de de ´ couvertes dans tant dedomaines inexplore ´ s !

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images de la danse berbe ` re frustres et simplistes et ce vocabulaire plastiqueparaıˆtra-t-il un peu pauvre.

Vue superficielle : ici aussi, manie ´  par le Berbe ` re comme il sait le manier, cevocabulaire se charge de tellement de sens.

D’ailleurs – disons-le de ` s a `  pre ´ sent et peut-etre reviendrons-nous un jour surun tel sujet – le langage plastique, chez les Berbe ` res, a beaucoup plus e ´ volue ´vers l’abstraction que leur langage parle ´ . Vers l’abstraction ! nous voulons direvers des formes stylise ´ es.

Cette stylisation est particulie ` rement accentue ´ e dans les gestes et mouve-ments des mains, dans les gestes et mouvements des doigts de la main.

La chironomie et la dactylologie compare ´ es retrouveraient a `   certains mo-ments dans nos danses berbe ` res du Moyen-Atlas une gesticulation des mains et

des doigts de la main aussi de ´ lie ´ e et de ´ licate de touche, aussi raffine ´ e, ausside ´ mate ´ rialise ´ e et oserons-nous dire aussi intellectualise ´ e 5 que dans les dansesqui passent pour les plus savantes et les plus complique ´ es.

Les grandes divisions d’une monographie chore ´graphique

Alors a `   une monographie chore ´ graphique il faut lui donner toute son

ampleur tout comme a `  une e ´ tude dialectale.

D’ailleurs, ne craignons pas de nous re ´ pe ´ ter, e ´ tude dialectale plastique oue ´ tude dialectale verbale, c’est tout un et les memes me ´ thodes s’imposent.

E ´ tudier d’une manie ` re toute brute les e ´ le ´ ments du langage, et, ces e ´ le ´ mentsune fois identifie ´ s en eux-meˆmes et dans les diffe ´ rentes formes qu’ils prennent,e ´ tudier d’une manie ` re toute brute aussi comment ils se groupent ensemble :voila `   le point de vue des « classes de grammaire ».

Certes, que « les classes de grammaire » ne soient pas manque ´ es !

Mais apre ` s les «classes de grammaire», les «humanite ´ s»; apre ` s l’e ´ tudegrammaticale des textes, l’e ´ tude litte ´ raire ; apre ` s l’analyse, la synthe ` se.

5. Le mot est peut-etre un peu fort. Il est trop froid en tout cas.Il subsiste sous-jacents dans toute cette plastique de la danse berbere, dans tous ses symboles

plastiques, tant d’ardeurs, tant de passion dont une stylisation cependant assez pousse ´ e n’a pasre ´ ussi a `   la de ´ canter.

L’a-t-elle meme cherche ? Nous parlerons plus tard de l’impassibilite du visage chez lesfemmes.

Impassibilite ´ , oui, mais non pas l’impassibilite ´  de certaines danses d’Extreme-Orient.

Le froid bru ˆ le comme le feu.Alors faut-il dire impassibilite ´  ou il y a du feu et qui met le feu autour d’elle.Que la passion soit exprime ´ e ainsi par les attitudes de l’impassibilite ´ , que la passion jaillisse au

contact de l’impassibilite ´  ou allume ´ e par elle, voila ` , croyons-nous, une des plus profondes et unedes plus subtiles re ´ ussites psychologiques de l’ahidous berbe ` re !

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Ces e ´ le ´ ments qu’il utilise, le langage n’en fait pas seulement un complexelogique. Il les combine suivant certains proce ´ de ´ s afin qu’en jaillisse une œuvred’art.

Une danse berbe ` re, en meme temps qu’un organisme logique et ordonne ´ , esta `   la lettre un poe ` me plastique, c’est un discours plastique, c’est un drameplastique.

Donner toute son ampleur a `  une monographie chore ´ graphique, comprend-on maintenant ce que nous entendons par-la `  ? Sans doute d’abord une mor-phologie, une syntaxe, un vocabulaire, mais ensuite et s’appuyant sur tout celamais le de ´ bordant, une se ´ mantique, une stylistique, une poe ´ tique, une rhe ´ to-rique, etc., en somme l’e ´ tude de toutes les manie ` res diverses qu’a la danse demettre en œuvre son langage plastique : voila `   ce que comporte, si elle veut etre

comple ` te, une monographie chore ´ graphique. Expliquons-nous un peu ende ´ tail.

A ` la base de tout, une morphologie tre ` s pousse ´ e et tre ` s minutieuse des figureset mouvements de la danse

La danse est un langage plastique : c’est le leitmotiv de tous nos de ´ veloppe-ments.

Pour comprendre a `  fond ce langage plastique, il n’y a qu’un moyen commepour se mettre en e ´ tat de comprendre a `  fond le langage parle ´ .

Le langage plastique lui aussi est fait de mots ; ces mots sont groupe ´ s enpropositions ; ces propositions sont groupe ´ es en phrases. Et l’ensemble desphrases forme le discours.

Ce discours plastique, on ne peut en retrouver tout le sens que si l’on partd’une e ´ tude tre ` s pre ´ cise et tre ` s de ´ taille ´ e des e ´ le ´ ments les plus simples pours’e ´ lever progressivement a `   l’e ´ tude des combinaisons de plus en plus vastes que

forment ces e ´ le ´ ments amalgame ´ s les uns avec les autres.Les e ´ le ´ ments les plus simples du discours plastiques qu’est la danse – les

mots de ce discours plastique – ce sont les images de la danse, les diversesfigures et les divers mouvements.

Chaque image de la danse fixe le corps momentane ´ ment en certainesattitudes. Mais a `   peine dessine ´ e, elle fait signe a `  d’autres images qui vont laremplacer et provoquer le corps a `  d’autres attitudes qui de  ja `   e ´ taient plus oumoins en puissance dans les premie ` res.

Alors cette image peut donc et elle doit etre envisage ´ e sous un double aspect :comme dessin et comme mouvement, du point de vue plastique et du point devue cine ´ matique, du point de vue statique et du point de vue dynamique.

Donc que chaque figure soit isole ´ e, c’est-a ` -dire e ´ tudie ´ e a `  part, pour pouvoir

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Tenue du tambourin : Diverses attitudes dans le me ˆ me mouvement et au me ˆ me moment.

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etre mieux saisie sur le fait – qu’ainsi isole ´ e, chaque figure soit identifie ´ e enparticulier. Et pour cela qu’elle soit re ´ duite par une analyse tre ` s serre ´ e en sescomposantes les plus simples qu’a `  leur tour l’on distingue et l’on identifie, ellesaussi – que chaque figure et chaque composante de ces figures soit retrouve ´ e et

identifie ´ e d’abord au repos, puis retrouve ´ e et identifie ´ e «en mouvement» – c’est tout cela que nous appelons morphologie.

Exprimons-nous d’une manie ` re diffe ´ rente pour redire la meme chose ?

Le danger est qu’on prenne ces mots « figure de la danse » trop vite dans unsens trop ge ´ ne ´ ral.

Ils ne signifient pas pour nous – tant que nous restons sur le terrain de lamorphologie – une attitude d’ensemble de tout le corps ou un mouvementd’ensemble de tout le corps.

Pas encore. Ces attitudes et ces mouvements forment de  ja `   comme untableau ; c’est de  ja `  une combinaison, c’est de  ja `  un complexe.

L’attitude d’ensemble de tout le corps, le mouvement d’ensemble de tout lecorps est fait de la somme des attitudes particulie ` res et des gesticulationsparticulie ` res de chaque partie du corps, attitudes et gesticulations accorde ´ esles unes aux autres et toutes accorde ´ es a `   l’ide ´ e a `   exprimer.

Ceci de ´ borde la morphologie : c’est de  ja `  mis en jeu tout le me ´ canisme d’unesyntaxe assez complique ´ e.

Comment retrouver toute la richesse d’une attitude d’ensemble ou d’unmouvement d’ensemble si d’abord on n’a retrouve ´ et identifie ´ les attitudes et lesgestes particuliers qui en sont comme les composantes.

L’attitude d’ensemble d’un individu ! Que sera-ce alors s’il s’agit de l’attituded’ensemble et du mouvement d’ensemble de tout un groupe, de tout le cercle dedanseurs.

Un exemple. L’ahidous de nos tribus 6 est une danse collective a `  la chaıˆne quiignore le couple dansant inde ´ pendant, soit encadre ´  soit de ´ tache ´ .

6. Dans la tribu chez laquelle nous avons fait nos observations ces dernie ` res anne ´ es, lesdanseurs forment un cercle ferme ´ . Hommes est femmes sont mele ´ s.

Ailleurs le cercle s’ouvre : ce sont deux lignes paralle ` les de danseurs. Ici, les deux lignes – hommes et femmes intercale ´ s – restent sur place. La ` , les deux lignes – hommes et femmessepares, les hommes d’un cote, les femmes de l’autre – les deux lignes ont un mouvement de va-et-vient l’une vers l’autre, comme si le danseur voulait choisir et inviter sa « cavalie ` re » (facon deconcevoir les choses et de les exprimer a `   l’occidentale).

Dans d’autres tribus, un homme et une femme se detachant des autres danseurs et evoluentensemble au milieu du cercle: c’est le couple dansant e ´ bauche ´   mais non encore tout a `   faitinde ´ pendant.

Dans d’autres tribus encore, autre chose encore. Que de monographies, que de monographiesa `  mettre sur pied. Les travailleurs ne manquent pas qui en ont le de ´ sir et qui ne demandent rienque de n’etre pas entrave ´ s.

Si seulement la recherche scientifique e ´ tait libre au Maroc: nous ne disons pas si elle e ´ taitencourage ´ e mais simplement, re ´ pe ´ tons le mot, si elle n’e ´ tait pas entrave ´ e.

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C’est aussi une danse « basse » ou l’individu ne s’arrache jamais du sol, nipar pirouettes ni par bonds ni d’aucune autre manie ` re.

Cependant cette danse, en plein de ´ chaıˆnement, laisse l’impression que le

cercle des danseurs est souleve ´  au-dessus de terre, ne touche plus terre ou ytouche, si c’est y toucher, a `   la facon du serpent furieux qui, tout dresse ´ ,de ´ veloppe et de ´ ploie rapidement ses orbes a `   la poursuite d’une proie.

Une ligne ondulante, dont l’axe mouvant d’ondulation est a `  hauteur de laceinture, tout ce qui est au-dessus s’orientant en bas vers cet axe, tout ce qui estau-dessous s’orientant en haut vers cet axe : tel est le sche ´ ma vivant en lequels’exprime le mieux le dessin d’ensemble et le mouvement d’ensemble de cettedanse.

Cette ligne ondulante : voila `  la figure-me ` re autour de laquelle, comme vers le

chef-d’œuvre voulu et cherche ´  se mobilisent, s’ordonnent et s’amalgament lesimages fragmentaires.

Les images fragmentaires que dessine chaque corps individuel et les imagesencore plus fragmentaires que dessine chacune des parties du corps ?

Envisage ´ e du point de vue dynamique, cette ligne ondulante est la re ´ sultantea `   la fois d’un mouvement vertical et d’un mouvement horizontal tre ` s subtile-ment imbrique ´ s l’un dans l’autre pour produire l’impression d’ensemble.

D’ou est venue a `  la race l’ide ´ e premie ` re d’un tel dessin 7 ? Ceci n’est pas la

question pour le moment.

Restons sur le terrain des faits. Cette ligne ondulante, en fait, un faitplastique, un fait cine ´ matique.

Un fait d’ensemble qui s’engendre de la masse de faits particuliers.

Ce mouvement vertical-horizontal d’ou re ´ sulte l’impression ge ´ ne ´ rale deligne ondulante que produit le cercle des danseurs, le retrouver dans lamimique de chaque corps individuel, et, poussant le travail d’analyse aussiloin que possible, le retrouver dans la mimique de chaque partie du corps.

Effectivement, meme pour un observateur superficiel, de chaque danseur, le

7. D’ou est venue a `  la race l’ide ´ e premie ` re d’un tel dessin ?Est-ce l’ondulation des ble ´ s ? Dans une confe ´ rence faite en fe ´ vrier 1933, nous e ´ mettions cette

idee. Elle a ete reprise depuis : peut-etre y a-t-on attache trop d’importance. Une hypothese, sansplus.

Est-ce l’ondulation du serpent? Il y a encore chez nos Berbe ` res comme une horreur sacre ´ edu serpent et a son aspect, une terreur sacree. Voila qui va faire plaisir aux Messieurs totem-tabou?

Est-ce l’ondulation des vagues ou bien des dunes dans le de ´ sert ? D’ou sont venus primitive-

ment nos Berbe ` res et quelles visions de quels pays se sont grave ´ es et ressortent dans les re ´ flexessubconscients de la race ?

Est-ce l’ondulation des chaınes de montagnes ? La chore ´ graphie compare ´ e moderne aime a `professer qu’aux peuples primitifs les dessins ge ´ ne ´ raux de leurs danses leur ont e ´ te ´  inspire ´ sparlespaysages qui leur sont familiers.

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corps d’une manie ` re tre ` s nette ondule verticalement et ondule horizontale-ment.

Mais de quelles chiquenaudes minuscules, en nombre infini, additionne ´ es lesunes aux autres, accuse ´ es comme dessin les unes par les autres, renforce ´ escomme e ´ nergie les unes par les autres, est fait ce mouvement total si vaste et sisimple ?

La grande chose, avec quels infiniment petits se construit-elle ?

D’ou pour toute monographie chore ´ graphique, pour toute e ´ tude dialectaleplastique, voici quelles nous semblent les subdivisions de cette premie ` re partiequ’on appelle morphologie.

1) Morphologie : a) des gestes et mouvements des mains ; b) des gestes etdes mouvements des doigts de la main.

2) Morphologie des diverses positions et mouvements des pieds et des jambes.

3) Morphologie des diverses positions et mouvements des genoux.

4) Morphologie des attitudes et mouvements du buste : a) e ´ paules ; b) bas-sin.

5) Morphologie des diverses positions et mouvements de la tete, des yeux,etc.

N.B. : Pour chacune de ces subdivisions : a) prendre chacun de ces gestes etl’e ´ tudier un a `   un ; identifier le geste au repos et l’identifier en marche, enmouvement ; b) identifier l’e ´ nergie mise en jeu par chacun de ces mouvements(direction, intensite ´ , nature, de ´ clic ou lent de ´ ploiement, etc.).

IV. AUTRES NOTES ET OBSERVATIONS

Monographie chore ´graphique et chore ´graphie compare ´ e

Mettre au point une morphologie tre ` s minutieuse et tre ` s fouille ´ e des figureset des mouvements de la danse berbe ` re: voila `  quel nous semble le travail debase quand on aborde l’e ´ tude de la chore ´ graphie au Moyen-Atlas.

Travail de base qui doit etre entrepris avec me ´ thode, non pas a `   l’e ´ tatsporadique ni au hasard des rencontres, mais pour chaque tribu, dans le

cadre strict d’une monographie.Que le lecteur nous excuse de laisser ainsi percer a `   chaque instant l’extreme

de ´ fiance que nous inspire la me ´ thode comparative en ethnographie. Tropd’hypothe ` ses ont e ´ te ´   baties sur de simples rapprochements superficiels et

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artificiels par une ethnographie purement exte ´ rieure qui de la similitude desgestes concluait rapidement a `   la similitude des sentiments et des ames.

Cependant cette me ´ thode comparative, si elle est employe ´ e a `  bon escient et a `son heure, peut se hausser peut-etre a `  toute la rigueur d’une vraie disciplinescientifique.

L’analyse avant la synthe ` se: et le moment n’est venu de comparer et deramener a `   l’unanimite ´  que lorsque l’on a e ´ tudie ´   a `   fond la diversite ´ .

La me ´ thode comparative, seulement comme conclusion des travaux demonographie ? Ce serait trop peu dire. En cours de route aussi, elle peutrendre de grands services. Et a `   certains moments, peut-etre serait-il ose ´  de sepasser comple ` tement d’elle.

Pour le cas particulier des e ´ tudes chore ´ graphiques poursuivies ici, il est

vraisemblable – en tout cas cette hypothe ` se explique le mieux pour le momentles faits de  ja `  du ˆ ment observe ´ s – il est vraisemblable que les danses des diversestribus ou des divers groupes de tribus repre ´ sentent des e ´ tapes diffe ´ rentes,comme des ages diffe ´ rents dans l’e ´ volution de la chore ´ graphie berbe ` re – peut-eˆtre e ´ volution vers le couple dansant comple ` tement de ´ tache ´   et inde ´ pendant.

« L’enfant est le pe ` re de l’homme » a-t-on dit. Certaines figures et certainsmouvements plus diffe ´ rencie ´ s et plus stylise ´ s dans telle tribu se comprennentmieux et s’interpre ` tent mieux si on les retrouve, en leurs enfances pour ainsidire, plus frustes, par conse ´ quent plus spontane ´ s et plus riches dans une autretribu.

La re ´ ciproque est vraie. Il y a des e ´ bauches qui ne re ´ ve ` lent tout leur sens quesur les sommets ou toutes leurs promesses se sont e ´ panouies. Et tels premiers

 jets, ve ´ ritable fouillis de foret vierge, ne laissent voir clair en eux que lorsquetoute cette ve ´ ge ´ tation de ´ sordonne ´ e de vie a e ´ te ´   e ´ monde ´ e par un travail destylisation assez pousse ´ .

Il nous eu ˆ t semble ´   inte ´ ressant d’indiquer pour notre part de quelle manie ` renous croyons qu’en restant dans les limites de toute la prudence scientifique

voulue, on peut utiliser la me ´ thode comparative dans l’e ´ tablissement d’unemonographie chore ´ graphique.

Quelques-uns des proble ` mes de chore ´graphie berbe ` re compare ´ e,en ce qui concerne le Moyen-Atlas

Par exemple, ayant choisi syste ´ matiquement toute une re ´ gion berbe ` re jusqu’ici isole ´ e des influences du dehors – il le faut pour que les observations

soient vraiment de valeur8, – a `  partir du ddir vers la haute montagne, essayer

8. Pour trouver l’ahidous  berbe ` re a `   l’e ´ tat pur, il faut observer les Berbe ` res chez eux. Nonseulement chez eux, mais lorsqu’ils sont uniquement entre eux. La pre ´ sence du « Roumi » connue

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de retrouver les cheminements de certaines figures et de certains mouvements – d’identifier les voies de migrations par ou s’infiltrent ces cheminements (trans-versalement aux valle ´ es ou en les suivant).

Descendent-ils, ces cheminements, des sommets vers la plaine ou remontent-ils de la plaine vers les sommets ?

Jusqu’a `   quel point et de quelle manie ` re ces influences ge ´ ographiques etphysiques jouent-elles un role dans la diffe ´ renciation des diverses chore ´ gra-phies berbe ` res?

Peut-on retrouver des influences morales et religieuses qui elles aussi jouentun role ? Faut-il affirmer la pre ´ ponde ´ rance du facteur social ? du facteurhistorique ?

Le « paysage », par les dessins et mouvements du relief dont les visions segravent dans les regards et dans les ames, sugge ` re-t-il aux diverses chore ´ gra-phies des diverses tribus leurs figures et leur cine ´ matique propres.

Les paysages d’aujourd’hui. Et aussi les paysages d’autrefois. D’ou viennentnos Berbe ` res ? Quelles visions superpose ´ es de quels pays traverse ´ s, au dedansd’eux-meˆmes, sans qu’ils le sachent, les fascinent toujours et en eux comman-dent encore.

Faisons-leur place a `   la structure et au tempe ´ rament physiologiques, au

re ´ gime de vie, au climat, etc. L’homme dont les saisons sont scande ´ es aularge et ample rythme de la vie nomade peut-il danser de la meme manie ` re quel’homme confine ´  dans les rues e ´ troites et les limites resserre ´ es d’un ksar ? Lemangeur de maı ¨s ou de dattes de la meme manie ` re que le mangeur de ble ´ ?L’athle ` te montagnard nerveux et muscle ´  de la meˆme manie ` re que le ksouriensaux chairs flasques et aux nerfs sans tension.

Entre l’ahidous du ddir zaian et achqer ou le cercle des danseurs est ferme ´  etse de ´ place et l’ahidous des Ait Haddidou ou le cercle s’est brise ´  et transforme ´en deux lignes paralle ` les – de l’une a `  l’autre, il y a un ve ´ ritable hiatus – peut-on

retrouver le chaıˆnon interme ´ diaire et comme la transition ?

Ces deux chore ´ graphies – qui ont tant de points de commun par ailleurs – nesont plus du meme ordre, pour ainsi dire. Les moyens d’expression e ´ tant sidiffe ´ rents, ce qui s’exprime par eux l’est-il aussi ?

Les figures et mouvements des diverses danses se diffe ´ rencient-elles partransitions insensibles ou par variations brusques ?

Que de proble ` mes psychologiques non encore re ´ solus ! Magnifique champ

ou meme seulement soupconne ´ e gate tout : l’ahidous – nous en avons fait souvent la constata-tion – n’est plus reconnaissable : village ne ` gre a `   l’usage des Expositions universelles.

C’est un proble ` me pour l’observateur   «roumi»   – nous croyons l’avoir re ´ solu – que dedissimuler sa pre ´ sence.

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d’expe ´ rience que ce Maroc au point de vue de la prospection scientifique.Champ tellement en friche, tellement inexplore ´ !

Il est fouille ´   et de ´ fonce ´   en tous sens par les prospections me ´ tallife ` res,phosphatie ` res, pe ´ trolife ` res ! Le Maroc vit-il donc seulement de pain ?

Nous aurions voulu, non pas re ´ pondre a `   toutes ces questions mais poserquelques jalons a `  l’usage des travailleurs qui demain chercheront une re ´ ponse.

Le Protectorat n’a pas cru pouvoir nous accorder les autorisations ne ´ ces-saires pour aller nous documenter sur place 9. Demain, ce sera trop tard. Leschoses berbe ` res e ´ voluent si rapidement et les danses comme le reste.

Quant a `   nous plutot que de nous re ´ signer a `   pratiquer cette force qu’estl’ethnographie par informateurs – oraux ou livresques, c’est tout un – nouspre ´ fe ´ rons nous taire.

Quel but poursuivaient ces recherches sur la danse berbe ` re ?

Ces recherches sur la danse, nous nous y attachions non pas seulement dupoint de vue scientifique pur, mais surtout, si nous pouvons ainsi dire, du pointde vue humain.

Elles e ´ voluent tre ` s rapidement, ces danses, disons-nous. Elles avaient garde ´ jusqu’ici toute l’ampleur, toute la richesse et toute la profondeur d’un ritemagnifique et e ´ mouvant en lequel la race vivait et livrait le meilleur et le plusauthentique d’elle-meme.

Les voila `  qui de ´ gringolent vers le vide insipide et superficiel d’un sche ´ mapornographique. Les « moins de trente ans » ne savent plus l’ahidous berbe ` re.Ils n’y comprennent plus rien.

En ces danses, c’e ´ tait sous nos yeux 10 le Berbe ` re pasteur et agriculteurs’exaltant dans la fierte ´  de son labeur terrien auquel il s’adonne avec tout le

9. Pour des raisons de se ´ curite ´ .

10. Sous nos yeux. Et sous les yeux des siens. Vrai rite, avons-nous dit. « L’ahidous estde ´ chaıˆne ´ . L’individu ne se sent plus, ne se sait plus : seule la race parle, seule la race chante. Ellechante! non... employons les mots les plus se ´ rieux, les plus graves. Cette danse maintenant n’estplus un amusement, mais dans toute la force du terme, une explosion imperieuse et triomphantede la vie ethnique... devons-nous dire un rite... comme une sorte de culte des ancetres... la race quienjoint a `   l’individu de ne pas oublier d’ou il sort et de ne pas laisser mourir ce qu’il porte en lui...l’ame de la race qui reprend possession de l’individu par force et l’individu qui entend l’appel etqui s’y abandonne.

Comme niant les limites du temps et de l’espace, la race a ‘‘ramasse ´ ’’, a enferme ´  dans ce seul

instant tout le plus vrai d’elle-meme, de ce qu’elle fut, de ce qu’elle est, de ce qu’elle sera. En unseul instant, elle vit tout cela, elle le vit goulu ˆ ment, elle s’en saoule, elle ne peut plus s’enarracher. »

Ainsi nous exprimions-nous, il y a quelques anne ´ es, dans le Maroc catholique. Nous n’avonsrien a `   changer en ces lignes apre ` s plusieurs anne ´ es de plus passe ´ es au milieu des Berbe ` res.

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se ´ rieux et toute la solennite ´  d’un vrai sacerdoce. Les champs et les troupeaux,la grande noblesse berbe ` re est pour eux, la seule noblesse humaine !

C’e ´ tait le Berbe ` re pasteur et agriculteur continuellement alerte ´  et se dres-

sant devenu le Berbe ` re guerrier pour de ´ fendre ses troupeaux, sa terre et sestentes.

En ces danses, l’homme voulait se hausser a `  la dignite ´  de « maıtre de tente ».Il se mettait a `  la recherche d’une compagne pour fonder son foyer. De cettecampagne, il faisait le sie ` ge pour la gagner et quelle se laisse volontairement a `lui pour eˆtre la me ` re de ses enfants, ou bien il la ravissait de force.

Ces danses : la vie vraie avec ce qu’elle a de spontane ´  et d’audacieux maisaussi ce qu’elle a de tellement sain et de tellement humain : loin des hypocrisiescomme loin de la crapule.

Quel est le sens de l’ahidous maintenant, si c’est encore pour lui avoir unsens ? Non plus le foyer qui se fonde ou le foyer de ´ fendu, mais – qu’on nouspardonne la brutalite ´  de ces expressions – la « fille » qui s’offre et qui se donne.

Et parfois pire encore. La race berbe ` re si saine, re ´ pe ´ tons-le, tellement librede mœurs mais reste ´ e si comple ` tement dans le sens de la nature, cette race, c’estdans les gesticulations de sa danse pervertie par des contacts malsains qu’elleva recevoir les premie ` res suggestions de vices spe ´ ciaux par elle insoupconne ´ s

 jusqu’alors.

Nos tribus seront bientot mu ˆ res pour les cheikhats et les danses du ventre...et pour autre chose aussi.

Ce n’est pas un progre ` s, ce n’est pas un enrichissement : nous ne parlons passeulement du point de vue strictement moral.

Tout un pan de la vieille ame berbe ` re est en train de s’e ´ crouler : un morceaude belle humanite ´  s’effrite 11.

11. Il est curieux d’e ´ tudier ce que deviennent ces danses berbe ` res dans certaines tribus, moins

de ´ fendues des influences du dehors, par exemple chez telle tribu des environs de Rabat.Ladansedecettetribu:ve ´ ritable confluent d’emprunts venus on ne sait d’ou. De ces emprunts

on en identifie quelques-uns que l’on reconnaıt imme ´ diatement comme autochtones ou du moinscomme importe ´ s et comme en action depuis longtemps dans le pays.

Mais en cette danse, il y a aussi telles figures et tels mouvements dont on est tellement su ˆ rd’avoir vu leurs semblables – ou quelque chose de la meme lignee – si loin du Maroc que toutetonne, on hesite a se prononcer.

Quelque chose qui s’apparente aux danses populaires d’Europe et qui aussi s’apparente auxdanses du Soudan.

Entoutcas,cettechore ´ graphieberbe ` re,avecsestre ´ moussements agite ´ sd’uneve ´ ritablehyste ´ riepassionnelle – pre ´ cisons : une hyste ´ rie passionnelle assez mesure ´ e et assez maıˆtresse d’elle-meˆmepour e ´ viter en ses moyens d’expression tout ce qui pourrait sentir le crapuleux et le pornogra-

phique – cette chore ´ graphie berbe ` re avec ses bonds en l’air, ve ´ ritables sauts de grenouille, avec sespirouettes, est d’un autre ordre que la chore ´ graphie berbe ` re du Moyen-Atlas. Et cependant,incontestablement, cela est berbere. Oui, il y a un je ne sais quoi qui, de la diversite de ces elementsemprunts de-ci de-la `  a fait un tout qui est tre ` s authentiquement berbe ` re. C a exhale un parfumberbe ` re ; ca rend un son berbe ` re. Il y a l’e ´ tincelle berbe ` re. On ne s’y trompe pas.

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Quand l’homme n’a pas de tambourin (les croquis pre ce dents ont indique  les manie `resdiverses de tenir le tambourin et de le frapper), il prend un pan de son burnous

et frappe dessus.

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Aucune e ´ volution n’est fatale. Le vrai conque ´ rant – ou sont-ils les vraisconque ´ rants aujourd’hui au Maroc – le vrai conque ´ rant ne se re ´ signe pas a `laisser la vie s’en aller a `  la de ´ rive emporte ´ e par des forces aveugles qu’il auraitrenonce ´   a `  maıˆtriser. Le vrai conque ´ rant, il sait – et il a cette ambition et il a

cette audace – qu’on peut incurver la vie vers des directions, ou, tout ens’adaptant et en s’enrichissant, elle reste elle-meme. Oui diriger la vie, a `condition de connaıˆtre les lois de la vie et de les respecter.

Ces recherches sur la danse berbe ` re, c’e ´ tait alors dans notre pense ´ e unetentative pour retrouver l’ame de cette danse berbe ` re. Et l’ayant retrouve ´ e,peut-eˆtre re ´ ussir a `  faire se retrouver elle-meˆme et la sauver.

Une telle tentative n’est pas chime ´ rique. Levinson re ´ pe ´ tait volontiers – et ildisait toute son admiration pour un tel redressement – comment un danger

pareil avait menace ´   les danses indige ` nes de l’Indochine et comment uneDirection des Arts Indige ` nes tre ` s attentive et tre ` s avertie les avait restaure ´ esdans leur purete ´  primitive.

Nous aurions voulu, nous personnellement, pour notre part chercher lesbases techniques et ethniques – pour tout dire les bases scientifiques et re ´ alistes

 – sur lesquelles les organismes qualifie ´ s au Maroc eussent pu appuyer enconnaissance de cause un tel effort de restauration.

Nous nous plaisons d’ailleurs a `  reconnaıˆtre de quelle manie ` re tre ` s de ´ licate,

la Direction des Arts Indige ` nes ici a bien voulu nous faire savoir qu’elle suivaitavec sympathie de telles recherches.

Nous essaierons de voir dans les e ´ tudes qui suivront comment une mono-graphie chore ´ graphique, apre ` s la mise au point de la morphologie, peutconcevoir la mise au point d’une syntaxe, d’une se ´ mantique, d’une poe ´ tique...en dernie ` re analyse comment de tous les e ´ le ´ ments e ´ tudie ´ s dans la morphologie,la chore ´ graphie berbe ` re fait de tout cela jaillir l’œuvre d’art, le poe ` me plas-tique, le discours plastique, la symphonie plastique qu’est ve ´ ritablement ladanse berbe ` re.

En tous ces de ´ veloppements, une fois pour toutes, que le lecteur un peuaverti, que le technicien ne nous fasse pas grief de ne pas avoir recours meme

Ici peut-etre – et ce que nous allons dire semblera paradoxal a `  premie ` re vue – en cet organismechoregraphique qui s’est constitue en grande partie par developpement et enrichissement«exoge ` nes », au milieu de tant d’e ´ le ´ ments e ´ trangers, l’e ´ le ´ ment berbe ` re e ´ tant re ´ duit non pas auminimum, mais a `   l’essentiel, peut-etre serait-il possible, en une ve ´ ritable analyse chimiquemorale et psychologique ou triompherait la methode des residus, d’isoler plus facilement etpar conse ´ quent d’identifier plus facilement ce qui est vraiment l’ame spe ´ cifique de la danseberbe ` re, ce qui est son essence, ce que, tous les traits secondaires e ´ limine ´ s, la sacre berbe ` re.

Autre proble ` me: dans une e ´ tude dialectale chore ´ graphique, essayer de retrouver de quellemanie ` re et suivant quelles lois ont e ´ te ´   «berbe ´ rise ´ s» les emprunts faits aux chore ´ graphiese ´ trange ` res... tout comme dans une e ´ tude dialectale verbale, on e ´ tudie de quelle manie ` re etsuivant quelles lois ont e ´ te ´  «berbe ´ rise ´ s » les emprunts faits aux phone ´ tiques et aux linguistiquesnon berbe ` res.

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dans les limites de la prudence que nous avons indique ´ e, aux suggestions et auxlumie ` res de la chore ´ graphie compare ´ e.

C’est un grave manque a `  avoir, nous le sentons bien. Ce n’est pas notrefaute.

Ne pouvant voir par nous-memes, nous pre ´ fe ´ rons encore une fois nous taireque de pratiquer cette force qu’est l’ethnographie « par information ».

JEAN PEYRIGUE ` RE *

* Cet article est paru dans le Maroc catholique en cinq livraisons (de janvier 1934 a `  mars 1934)sous le pseudonyme de Paul Hector. Il te ´ moigne de son e ´ poque. Nous remercions le pe ` re MichelLafon d’avoir bien voulu mettre a `  la disposition de la revue des e ´ le ´ ments ne ´ cessaires. (O. O.-B.)

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DEUX CONTES BERBE ` RES DU RIF

DANS LE PARLER DES AYT WERYAGHEL1

recueillis, transcrits 2 et traduits

par

Mohamed El Ayoubi

« Dinfas, a wrad --i d -  ttarix-nneg , d -  awar-nneg  aqd - im. E awd -en-aneg -t-end rejd -ud - . Nes  umi i d -ay-nnan infas-a, ira  e ad -   g i g   t-takkuh. t-. Xari ira  g a--sd -manin sna, ree qer n d -emz.i uxa ksi g -t-end. ruxa, te awdeg -t-end h. uma ad qqimend i jjir i d-igguren 3...»

«Les contes, mes fils: c’est notre histoire, c’est la tradition orale denotre peuple. Ils sont conte s par nos ance ˆtres.  J’e tais encore toute petitequand mon oncle 4, a ˆ  ge   de 80 ans, me les a conte s. Je les ai me morise s,

maintenant je les conte a `  mon tour pour les transmettre aux ge ne rations a `venir... »

FAT. IMA N MUBEH. RUR

1. Signalons que ces deux textes, font partie d’un recueil de contes berbe ` res du Rif enpre ´ paration, qui fera l’objet d’une publication en version bilingue berbe ` re-francais. Il s’agit

d’un corpus d’une vingtaine de contes que nous avons recueillis dans la region des AytWeryaghel du Rif central, entre 1990 et 1997.

2. La notation adopte ´ e dans ces textes est une transcription d’inspiration phonologique quitient compte a `   la fois, des symboles de l’A.P.I, la tradition berbe ´ risante de la notation et lestravaux re ´ cents dans ce domaine, pour rendre la lecture des textes plus pratique et mieux adapte ´ ea `  la langue berbe ` re. Tout en conservant la re ´ alisation re ´ elle des traits phone ´ tiques et phonolo-giques du parler rifain des Ayt Weryaghel [Ayt- Wa- yag er], dont je suis locuteur natif.

3. Extrait de l’autobiographie de Fat.ima n Mubeh. rur : une vieille femme rifaine, monolingue,ne ´ e en 1910 a `  Ayt H. difa, l’un des cinq Khoms de la tribu des Ayt Weryaghel. Elle a ve ´ cu lesgrands e ´ ve ´ nements historiques du Rif, du de ´ but de ce sie ` cle jusqu’a `  nos jours: le de ´ barquementcolonial espagnol en 1912, les conflits tribaux, la re ´ volution d’Abdelkarim El Khattabi (1921-

1926), le soulevement des populations rifaines (1958-1959), etc.Mubeh. rur est une conteuse extraordinaire : une merveilleuse artisane de la langue archaı ¨que.

Elle nous transmit une langue parle ´ e tre ` s ancienne, particulie ` rement riche, extremement rythme ´ eet tre ` s harmonieuse.

4. Il s’agit ici de Mohamed n Bouzelmad, l’oncle de la conteuse.

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 249-267

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CONTE 1

D- anfust- n sebe a wumat-en d -  wec ma-t-sen 5

H . ajit-kum 6 ! 

Iz n d -emg a-t- zik-   ira g a--s sebea n d -a-wa-ines. D-   iwet-man s sebea, qqaemg a-n-d d -ewren d -   ya- gazen. Iz n nha- d -ek- si s ddqer, d -et.t.ef as.g un a tar.u.NNan-as d -a-wa-ines: «Nes nin a na-h.   a- ddha- wayefrani, mara d -a-. w-ed d -ah. a-mus t- gg-aneg -d b-andu d -  as emrar a d-ned -wer. Mara d -a-. w-ed ah. a-mus  gg-aneg -d b-andu d -  azeggoag  a nug

-u- a nea-q. » D- seg -asen d -emg a-t- n  ezizi-

t-sen.

Iwa d -ekka-  yemma-t-sen d -ezna. Dexreq g a--s d -h. a-mus t-. D- rah.   d -emg a-t- nezizi-t-sen d -egga-sen b-andu d -   azeggoag . Wami t--z.rin, nnan-as: «Qa

 yemma-t-neg  d -a-. w-ed afrux eawed - ! » Iwa ug-

u-n ea-qen.

D- eb-d -a d -h. a-mus t--nni temg u-, teffeg   s wit a- b-a-ra. QQa-nd-as d -h. a-mus in nned -. en : « KKa- ssa a m-zzreg  n seb-ea n ayet-ma-s. » A trah. ad - as-t d -eawed - i 

 yemma-s. D- eqqar-as: «LLa a d - sa-inu, lla. » Wami d-d -emg a- t-tah. ud -rit-,d -eb-d -a teffeg   d -zeddm-ed. QQa-nd-as d -h. a-musin: «Iwa rux ra d -   s s em

d -essawared -  a m-zzreg  n seb-ea n ayet-ma-s!»D- rah. a- yemma-s d -enna-s : « A yemma ixessa ad - ay-demmred - mizi g i g  d -

zzreg  n seb-ea n ayet-ma. Mux id -   ay-d -ewwqee  nes  ? » D- enna-s yemma-s :« A yeg i h. ennu ! Qa g a--m seb-ea n ayet-ma-m. Wami g a kka-g  s ddqer-inem,ira tnad -. u-g  a d a-. weg  dah. a-must-. NNan-ay ayet-ma-m: Mara t-tah. amust- gg-aneg -d b-andu d -  as emrar a d-ned -wer. Mara d -  ah. a-mus gg-aneg -d b-andu d -azeggoag  a nea-q. Wami  g a d -xerqed - s em t-tah. a-must-, d -rah.  d -emg a-t- n eziz-em d 

-

egga-sen b

-

andu d 

-

 azeggoag  ea-qen.

D- enna-s nettat- : «Aya yemma h. ennu ! Ixessa ad -  awd -. eg  ayet-ma-nni gi mani ma g an. » D- enna-s: «Iwa aya d - sa-inu, wi  g a s em issiwd -. en a- s i nayet-ma-m ? » D- enna-s : « Iwa a ralla yemma! Ad -  awd -. eg , ad -   awd -. eg  a-  y-ayet-ma-nni. Ad - ug

-u-g  ag d -esmeg t--nneg  a x-sen a-zug . » D- enna-s yemma-s :

« Iwa a yeg i ma a tettiqed -  gi d -esmeg t--nneg ? » D- enna-s yeg i-s : « LLa ad -nnyeg  x uyis ni g  x usa-d -un uxa ad - ug

-u-g . » Ruxen d -esseqsa d - ismeg t-, d -enna-

s : « Ma aki-s d - rah. ed - ? » D- a-ra x-s d -enna-s : « Yih. »

5. Nous avons recueilli ce conte a `  Al Hoceima en mars 1994. La narration de ce conte estassure ´ e par Fat.ima n Mubeh. rur.

6. H . ajit-kum ! « Je vais vous conter une histoire ! » : c’est la formule, par laquelle s’ouvrent lescontes chez les Ayt Weryaghel.

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Iwa d -essa-b-u-y-as yemma-s anina. D- essug-

ur-it ag t-tesmeg t-. Ug-

u-nd ws ind i ddenya. D- afruxt--nni d -enya x uyis, d - ismeg t-   d -eggu- x id -. an. Ad -ug

-u-nd ad -   ug

-u-nd... Ad -   as d - ini d -esmeg t- : « D-. D-. a

- ad -   nnyeg ! D-. D-. a- ad -

nnyeg ! » Ad - igg unina-nni : Trenn, trenn... ! Ad - as d - ini nettat- : « Ad - xed -. reg a tini g  i ralla-m.»

Ikka- iwd -. a-yas unina-nni. A tug-

u- a tug-

u- ad -  as-d - ini d -esmeg t- : « D-. D-. a- ad -

nnyeg ! D-. D-. a- ad -   nnyeg ! »  _U ssa manis id igga s wit: Trenn! D- enna-s

d -efruxt--nni:«Ad - xed -. reg  a tini g  i ralla-m. » D- ug-

u-, d -ug-

u- d -eawed --as eawed - .D- enna-s : « D-. D-. a

- a d nnyeg !» Anina-nni issg ed - , walu rh. iss-ines. S . afid -ekka- d -essed -. r-it. Ruxen d -enya d -esmeg t-. D- afruxt--nni d -eqqim d -eggu- xid -. a-n.

GGu-nd, ggu-nd... H . ta wami ufind d -nayen d -ariwin w-waman. Iz n d -arassirid -end g

--s d - s emrarin, is ten ssirid -end g

--s d -b-ark- anin. Iwa d -ekka- d -esmeg t-

d -essrir-as id  -efruxt--nnigid -ara n d -semg in, nettat- i ixef-ines d -essı-d - gi d -ara nd -h. u-riyyin. Iwa d -afruxt--nni, t-en ig an t-tah. u-rit- d - wec ma-t-sen i yeb- ri g en-nni d -ed -wer t-tab-ark- and. D- ismeg t--nni d -ed -wer t-tas emrac . D- enya x uyis. Aqarux e rayen ad -  xed -. rend.

Wami   g a xed -. rend. Ufind seb-ea n d -ud -rin, seb-ea y-a- gazen, seb-ea nd -

emg arin: D-

  dds a-  yekmer ! Iwa rqan-t id, fa-h. en zeg-

-s, bbuhelen swec ma-t-sen. Mas a qa d -a-ra-sen-t t-tismeg t-. Nettat-  d -eqqar-as: «Ah. ! qamara d -essed -. ha--d aza-k- uk- -inem ad -   am-g a-s.eg .» A tesmun aza-k- uk- -inesd -efruxt--nni. Qa d -eggoed - , uxa a x-s d -eqqen d -ak- emb-us t-. Iwa nha--nni qad -emmunsu akid --sen d - in. D- ud -es s a-ines, d -enna-sen d -esmeg t- : «LLa ayayet-ma h. ennu ! T - a a trah.   a ta-wes a b-a-ra ik- san, a tes s  ag yit.an, a tet.t.esag yenyan.» D- afruxt--nni walu d -ugi a tessiwer. Iwa ammen id -  as ggin.SSa-wasen-t i yek- san, sses s an-t ag yit.an, ssud -. usent ag yenyan. T - en ig g an d -wec ma-t-sen s lmeequl.

Iwa zid, zid a tug-

u- a tsa-h.  meskina. Seb-ea yek- san, qa seb-ea y-a- gazen.S ˇ mi  g a d -exd -. er a- iz n wemk- an, a tesg uyyiw ad -  as d -eqqa- :

« e ug a, e ug a a daz.rut-a! 7

Mani-s d  g a z.a-g  dadda-t- n baba d yemma ? g ar-i sebe a n ayet-ma

SSes s an-ay ag yit.an

SSud -. usen-ay ag yenyan ».

D- in iz uyis d - ad -. ehs u-, wenni qa ifa-red - . Setta n ned -. en, ta-wwah. en-d qewsen

7. Chant chante ´  par la jeune fille, l’he ´ roı ¨ne de ce conte avec une me ´ lodie rifaine tre ` s ancienne.

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a- d -adda-t-. Uxa neqqen-t s uemud - . QQa-n-as : « A yeg i-s n reh. ram ! mani t-end -a-wsed - ? Mani t-en d -ewwid - ? » D- eqqar-asen nettat- : « LLa, lla qa wwi g -t-ena- w-emk- an-nni id -   ay-d -ennim.» QQa-n-as net-nin: «LLa, i mag a- qewsen

ammin ? » S ˇ S ˇ at-en-t meskina.

Ikka- iz n nha- ag iz ikes.b-eh. , d - rah.   a tsa-h.   ik- san-nni am leb-da. D- uri xd -ez.rut-nni deb-d -a d -esg uyyiw:

« e ug a, e ug a a daz.rut-a! 

Mani-s d  g a z.a-g  dadda-t- n ba ba d yemma ? g ar-i sebe a n ayet-ma

SSes s an-ay ag yit.an

SSud -. usen-ay ag yenyan ».

D- eqqim d -ekks-d a tems ed -. . I ed -a-d ssin iz umesseb-rid - , itwara   g a--sas eewaw immut--as gi d -euwwat., d - g-

aru-it-  g uhsi. Iwa s.afi iseg   qqae  mind -eqqa-. Irah.  inna-sen i yewd -an-nni :

 – D- ismeg t--nk- um qa u- d - eg i b-u t-tismeg t-.

 – Mag a- ? 

 –  ga--s as eewaw itnus-as x ifadden. Qa ha min d -eqqa-, ha min d -eqqa-, ha min

d -eqqa-...

Rah. en a- d -ez. rut-nni, ufin d -eqqa- :

« e ug a, e ug a a daz.rut-a! 

Mani-s d  g a z.a-g  dadda-t- n ba ba d yemma ? 

g ar-i sebe a n ayet-ma

SSes s an-ay ag yit.an

SSud -. usen-ay ag yenyan ».

Seg en-as yenni s seb-ea. Irah.   g a--s umez. yan-nsen yenna-s : « Mag a-

d -eqqa-d - amya a yeg i ? » D- enna-s : « Qa nes  d - wec ma-t-k- um. Wami id xerqeg d -   rag a i k- um d-iggin b-andu d -   azeggoag , d - ug

-u-m-d d -ea-qem-d. Iwa b-d -and 

qqa-nd-ay d -h. a-mus in a m-zzreg  n seb-ea n ayet-ma-s. Uxa sseqsi g  yemmamizi  g i g  nes  d - zzreg  n seb-ea n ayet-ma. Uxa d -eawed --ay mux d -emsa-. Wami id-usi g  ag t-tesmeg t--nneg  a x-k- um a-zug , nxed -. r-d a- d -nayen d -ariwin. Is t nd -b-ark- anin, is t n d - s emrarin. Nes   d - essı-d - -ay gi t-en n d - semg in, d -ewreg   t-tab

-ark

-and. Nettat

- d -essı-d 

- i ixef-ines gi t

-en n d 

-h.u-riyyin d 

-ed 

-wer t-tas emras .

Qa d - nnes  ig g an d - wec ma-t-k- um nsenniyet. Mara u- d -uminem nnad -. u-t- mant-en mi g a- yeg a us eewaw : ma d -  nnes , ma d -  nettat- ? »

Iwa yug-

u- ya-wweh. , inna-send i d -emg arin-nni : « Xayellah nhar-a g a-s.end 

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i yaz. id -. en ggend sek- su. eed - rend s way amensi, aki-neg  d -es s  d -esmeg t--nneg meskina. Zeg wami id d -usa u- ki-neg  d -es s i s i, u- ki-neg  d -efrih.   s i ».

Wami d-swezd -end d -emg arin-nni amensi,   g rind-as-d i d -efruxt--nni.

NNand-as: «Arah. id a Mb-a-k- a-nneg   aki-neg   d -emmunswed - . » D- eqqar-asen d -esmeg t--nni: «LLa ay ayet-ma h. ennu ahdam-t a tes s   g umk- an-ines.» NNan-as: «LLa nhar-a a d tas a tes s   aki-neg , qa zeg wami id d -usa ma d -es s a aki-neg . Negga g

--s   r fut.er gi d -esmeg t--nneg .» Nettat-

tennirid - : «LLa, lla ay ayet-ma!» NNan-as: «LLa walu a tes s   aki-neg nhar-a ».

Iwa h. ed . d . a-nd  mmunswen, qes.s.a-n. NNan-asend :

 – Xayellah a d -

ib-

ri g in awind-id a nz.a- iza-k-

uk-

en-nk-

end nhar-a! 

D- enna-sen d -esmeg t- :

 – Ay ayet-ma h. ennu! min g a d -z.a-m rux g za-k- uk- ? 

D- afruxt--nni d -ekkes d -ak- emb-us t-, imma-s-as-d uza-k- uk-  g fadden. NNan-as : «I s em a frana ? » D- enna-sen : « Lla, lla ! » Iwa kksen-as d -ak- emb-us t-,ufin aza-k- uk- n d -esmeg t- iqezˇzˇee-d iqezˇzˇee-d. NNan-as : « Xya- d - s s em ig g ant-tismeg t- ! Ih ya weddi! Uxa d -exxrid - -aneg   gi wec ma-t-neg . Xz.a- mind -xed -med - ! S ˇ em t-tismext-   n b-ab-a-t-neg , d - usid - -d  g a--neg   zeema d -ewwid --

aneg -d wec ma-t-neg   d -eggid -   rxı-. Uxa amux  g a--neg   d-d -usid -   t-tismeg t-   nb-ab-a-t-neg , ammen i g a ki-neg  d - irid - . A tes s ed - , a teswed - , a ta-sed - , a tegged -mux d -exsed - . I wec ma-t-neg  immi id -  as d -eggid -  amya?»

Iwa s.afi nnan-as i d -efruxt--nni : « A wec ma ! mux tus ed -  ad -  as negg i t-arux ? » D- enna-sen : « Ay ayet-ma h. ennu u- xiseg  urah. Xseg  a x-s d -essekemas ten x-i d -essek nettat- : a ts eddem zeg za-k- uk- a- drar uyis-nk- um, a th. a-rk- em gi tteh. rik- ug anim, ad - k- si g  i g es. a t--ggeg  t-tasrit-, a zeg

--s e ya-g . » NNan-as :

«Waxxa!»

Iwa ammen id - as ggin. S ˇ edden-t g a- drir uyis, h. a-rk- en-t gi tteh. rik- ug anim.Kur as eqs iq iwwi ak- sum-ines. Iqqim ufus d -eggi-t- t-tasrit- tee ya- g

--s. Qa ead -

t-tamez. yand.

Iwa ixreq wec ma-t-neg  d -  tta! Rux a na-wweh.  a- d -mu-t- a nz.a- b-ab-a-t-neg  d - yemma-t-neg . Iwa kka-n ug

-u-n. Seb-ea y-ek- san, seb-ea y-a- gazen, seb-ea n

demg arin d - ih. a-mus en. QQimen ggu-n, ggu-n wwd -. en a- rwest. ub-rid - d -enna-s i eziz-s:

 – Aya eziz-i H . emmu! aya eziz-i H . emmu! 

 –  Min s em yug en ? 

 – Aya eziz-i H . emmu ttug  d -asrit--inu! 

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 – Ug-

u- rux aya wec ma, a na-wweh. a nxd -. er uxa ad - am-ggeg  t-en n ned -. en.

 – LLa, lla, Nes  a g a--s d -ewreg ! 

Iwa d -ed -wer  a- d -esrit--nni. Wami d -eswiz.z.ed -.   a t-id-d -ek- si, d -ed -wer-as t-

tamz.a. D- et.t.ef-it, uxa d -ewwi-t-id ag ufus. D- eqqim d -efruxt--nni d -eqqa- :

« Aya yis aneggaru! 

Aya yis amzg-

aru! 

Ini-as i  e ziz-i H . emmu:

Dasrit--inu dedwer -ay t-ta- g-

u ! »

Yis-nni qa d - ad -. ehs u-, yeggu- ur itesri s i. Yen nned -. en seg en-as d -esg uyyiwh. a-nen. Iwa ixreq: «A wlay llah! wec ma-t-neg  yug i-t s i ! » Wami  g a--sen

d -exder, d -ed -wer  d -amz.a-nni d -   akes s ud. D- et.t.ef-it d -efruxt--nni g fus amuxmara tee ya- g

--s. Iqqar-as eziz-es:

 – A wec ma nd . ar-it! 

 – LLa, a eziz-i h. ennu ! a t-k- si g , a g-

-s e ya-g .

Iwa d -egg-it g uh. si-ines. D- eqqim d -eggu-, nettat-   d - eddem-it g   eeddis.D- eqqar-as :

 – Aya eziz-i  h. ennu teddem-ay ! 

 – Aya wec ma nd . ar-it.

 – LLa, a eziz-i h. ennu! 

Wami  g a xed -. ren s a-rfen x dds a--nsen, x yemma-t-sen d -   b-ab-a-t-sen. Ufinddunit- d - fa-h. . I g a-s. b-ab-a-t-sen i yfunasen. Igga-sen fis t.a i d -a-wa-ines. Seb-ea ndemg arin, seb-ea y-a- gazen, seb-ea y-ek- san d -   ih. a-mus en. Iz n refrah. et-   t-tameqrand. I ea-d -. -ed zˇzˇmaeet--nsen qqae. S ˇ S ˇ in, swin, ag d -meddit-, d -enna-sd -efruxt--nni : « A eziz-i h. ennu akid --i ssud -. seg  d -asrit--inu.»

 – GG-it a wec ma arawan.

 – LLa, lla ! A tet.t.es akid --i.

Iwa s.afi iwd -an-nni qqae   a-wwh. en. KKa-n net-nin ad -   t.t.sen, d -essud -. es-itakid - -s. KKa-n-d ag ikes.b-eh.  ufin d - ziyyef-it. D- amz. a d -eng a d -afruxt--nni.

Ha nes  kki g -d ssiha d ssiha ! 8

8. Ha nes  kki g -d ssiha d ssiha!  « Je suis passe ´  par ci par la ` » c’est la formule, par laquelle seterminent les contes chez les Ayt Weryaghel.

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TRADUCTION

Les sept fre `res et leur sœur

Je vais vous conter une histoire ! 

Jadis, une femme eut sept enfants males, tous parvenus a `   l’age adulte. Un jour, alors qu’elle e ´ tait enceinte et sur le point d’accoucher, ses enfants luidirent : « O ˆ   ! me ` re, nous allons jusqu’a `  cette montagne. Si tu accouches d’unefille, tu mettras un signal blanc pour que nous revenions. Si c’est un garcon, cesera un signal rouge pour que nous partions. »

La femme de leur oncle les entendit. Finalement, la me ` re donna naissance a `

une fille. Mais la femme de leur oncle mit un signal rouge. De ` s qu’ils le virent,ils se dirent : « Notre me ` re a encore mis au monde un garcon » ; et ils s’e ´ loi-gne ` rent.

La fille commenca a `  grandir et a `  sortir dehors. Les autres filles lui dirent :« E ´ loigne-toi d’ici, malheur de ses sept fre ` res. » Elle alla raconter cela a `  sa me ` re.

 – Mais non ma che ´ rie ! dit la me ` re.

Quand elle devint jeune femme, elle commenca a `   sortir pour ramasser lebois. Les filles lui dirent : « Meme toi tu commences a `   faire l’inte ´ ressante,malheur de ses sept fre ` res.»

Elle revint vers sa me ` re et lui dit :

 – Me ` re, il faut que tu me dises en quoi je suis le malheur de mes sept fre ` res?Comment est-ce arrive ´ ?

Sa me ` re lui dit :

 – Che ` re fille, tu as sept fre ` res, Quand j’e ´ tais enceinte de toi, je souhaitaisavoir une fille. Tes fre ` res m’ont dit : « Si c’est une fille, mets un drapeau blancpour qu’on revienne. Si c’est un garcon, mets un drapeau rouge pour qu’on

parte ! » Quand tu es ne ´ e, la femme de ton oncle a mis un drapeau rouge, alorsils partirent.

 – O ˆ   ! me ` re che ´ rie, il faut que je trouve mes fre ` res la `   ou ils sont, dit la jeunefille.

 – O ˆ  ! ma che ´ rie, qui va t’emmener jusqu’a `  tes fre ` res?

 – Ma me ` re, je suis su ˆ re d’arriver jusqu’a `  mes fre ` res, j’irai avec notre esclave a `leur recherche.

 – O ˆ  ! ma fille est-ce que tu as confiance en notre esclave ? dit la me ` re.

Sa fille lui re ´ pondit :

 – Non ! Je vais monter sur notre cheval ou sur notre mulet et je partirai.

A ` ce moment-la ` , la me ` re demanda a `   l’esclave :

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 – Veux-tu partir avec elle ?

 – Oui, re ´ torqua l’esclave.

La me ` re mit a `  la jeune fille une clochette sur le dos et la fit accompagner par

l’esclave. Elles partirent, la fille montant le cheval, alors que l’esclave la suivaita `  pied. Elles marche ` rent pendant un moment et l’esclave lui dit :

 – Descends que je monte !

La clochette se mit a `   tinter :

 – Ding ! ding !...

La fille lui dit :

 – Quand je retournerai je le dirais a `   ta maıˆtresse.

Elles continue ` rent a `  marcher. Il arriva que la clochette tomba. L’esclave luidit:

 – Descend que je monte a `  mon tour !

On ne savait pas d’ou venait un petit ding !

 – De ` s que j’arriverai, je le dirais a `  ta maıˆtresse, dit la jeune fille.

Elles marche ` rent, elles marche ` rent (longtemps) et l’esclave lui dit encore :

 – Descends que je monte !

La clochette ne tinta point, alors l’esclave la fit descendre, et prit sa place.Quant a `   la fille, elle se mit a `   marcher a `   pied. Elles marche ` rent longtemps

 jusqu’a `  ce qu’elles trouve ` rent deux fontaines : dans l’une se lavaient les femmesblanches, dans l’autre, les esclaves.

Pour la rafraıˆchir, l’esclave lava la fille de sa maıˆtresse dans la fontaine desesclaves. Par contre, elle, se lava dans celle des femmes blanches. Alors la jeunefille, la sœur des sept jeunes hommes, devint noire. Tandis que l’esclave devintblanche. Elle monta le cheval a `  la place de la fille et elles continue ` rent leurchemin.

Elles arrive ` rent a `  un endroit ou elles trouve ` rent sept maisons, sept hommes,sept femmes, tout un village. On les accueillit et les sept hommes furentinforme ´ s qu’ils avaient une sœur et s’en re  jouirent.

L’esclave dit a `  la jeune fille :

 – Va-t-en ! Si tu fais paraıtre l’ombre de tes cheveux, je te tuerai.

La jeune fille eut tellement peur qu’elle rangea bien ses cheveux et les cachaavec son foulard. Ce jour la ` , elle dıˆna avec eux.

Le lendemain, l’esclave leur dit : « Mes chers fre ` res ! celle-la ` , elle va garder leschevaux dehors, elle mangera avec les chiens et dormira a `   cote ´  des pierres dufoyer. »

La fille, celle qui e ´ tait leur vraie sœur n’osa pas parler, alors elle garda les

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chevaux, mangea avec les chiens et dormit a `  cote ´  du foyer. Au moment ou ellealla garder les sept chevaux des sept hommes, elle arriva a `   un endroit etcommenca a `   dire en criant :

« E ´ le `ve-toi! E 

´ le `ve-toi ! O

 ˆ , rocher ! D’ou ` est-ce que je peux voir la maison de mon pe `re et de ma me `re

J’ai sept fre `resIls me font manger avec les chiensIls me font dormir a ` co ˆ te  des pierres de foyer. »

L’un des sept chevaux e ´ tait sourd et paissait bien ; les six autres revinrent a `   lamaison avec le ventre creux. Alors, ils la frappe ` rent en lui disant :

 – Batarde ! Ou les as-tu garde ´ s ? ou les as-tu emmene ´ s ?

 – Je les ai emmene ´ s a `   l’endroit que vous m’aviez indique ´ , dit la fille.Ils re ´ plique ` rent:

 – Non ! Et pourquoi ont-ils le ventre creux ? Ils la frappe ` rent, la pauvre.

Un jour, tot le matin, elle alla garder les chevaux comme d’habitude, ellemonta sur le rocher et commenca a `   crier:

« E ´ le `ve-toi! E ´ le `ve-toi ! O ˆ , rocher ! D’ou ` est-ce que je peux voir la maison de mon pe `re et de ma me `reJ’ai sept fre `res

Ils me font manger avec les chiensIls me font dormir a ` co ˆ te  des pierres de foyer. »

Elle s’assit pour se peigner les cheveux, un pie ´ ton passa par-la `   et vit que sescheveux s’allongeaient jusqu’a `   la ceinture et elle les rangea dans son giron.

Il e ´ couta tout ce qu’elle dit et alla vers ces fre ` res et leur dit :

 – E ´ coutez ! Votre esclave n’est pas une vraie esclave !

 – Pourquoi ?

Il leur re ´ pondit :

 – Elle a des cheveux qui lui arrivent jusqu’aux genoux et voila `  ce qu’elle dit...

Ils partirent vers le rocher et l’e ´ coute ` rent dire :

« E ´ le `ve-toi! E ´ le `ve-toi ! O ˆ , rocher ! D’ou ` est-ce que je peux voir la maison de mon pe `re et de ma me `reJ’ai sept fre `resIls me font manger avec les chiensIls me font dormir a ` cote  des pierres de foyer. »

Le cadet alla vers elle et lui dit : « Pourquoi dites-vous ca, ma fille ? »

Elle lui re ´ pondit : « Je suis votre sœur, quand je suis ne ´ e, c’est la femme demon oncle qui vous a mis le signal rouge pour que vous partiez. Alors, les filles

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commence ` rent a `   me dire « Malheur de ses sept fre ` res ! » J’ai demande ´   a `   mame ` re : « Pourquoi suis-je le malheur de mes sept fre ` res ? » Elle me raconta tout.

« Lorsque je suis parti avec notre esclave a `   votre recherche, nous nous

sommes arreˆte ´ es a `  deux fontaines. Une pour les femmes blanches et l’autrepour les esclaves. Elle m’a lave ´  dans celle des esclaves, alors je suis devenuenoire. Quant a `  elle, elle s’est lave ´ e dans l’autre et elle devint blanche. C’est moivotre vraie sœur. Si vous en doutez encore, regardez laquelle de nous a descheveux long : elle ou moi ? »

Il retourna chez lui et dit aux femmes : « S’il vous plaıt, aujourd’hui vouse ´ gorgerez des coqs et pre ´ parez-nous un bon couscous pour le dıˆner, pour quenotre pauvre esclave puisse dıner avec nous ce soir. Depuis son arrive ´ e, elle n’ani mange ´  avec nous, ni eu la moindre joie. »

A ` l’heure de dıˆner, ils invite ` rent la jeune fille pour qu’elle dıˆne avec eux.

L’esclave leur dit: «Non! Non! Mes chers fre ` res. Laissez-la manger a `   saplace ».

Ils re ´ pondirent : « Non, aujourd’hui, elle dıne avec nous. Depuis son arrive ´ e,elle n’a pas mange ´  avec nous. Nous avons commis une faute a `   l’e ´ gard de notreesclave. »

Quant a `   elle, elle insistait : « Non, non mes fre ` res!»

Ils re ´ pondirent : « Non. Ce soir, il faut qu’on dıne tous ensemble. »Alors, ils dıˆne ` rent ensemble. Au cours de la soire ´ e, ils leur demande ` rent:

« Jeunes filles, s’il vous plaıt ! Nous voulons voir vos cheveux. »

L’esclave leur dit : « O ˆ   ! Chers fre ` res, qu’est-ce que vous comptez trouverdans nos cheveux ? »

La jeune fille ota son foulard, ses cheveux se re ´ pandirent jusqu’aux genoux.Ils demande ` rent a `  l’esclave: «Et toi?»

Elle re ´ pondit: «Non! non!»

Alors ils lui enleve ` rent le foulard et trouve ` rent qu’elle avait des cheveuxcre ´ pus. Ils lui dirent : « Eh ! Bien, c’est toi la vraie esclave, tu n’as pas honte ! Tuas fait du tort a `  notre propre sœur. Regarde ce que tu as fait ? Tu es l’esclave denotre pe ` re, tu e ´ tais venue chez nous faire le bien. Alors tu devais vivre avecnous, comme tu e ´ tais chez mon pe ` re : « Tu e ´ tais nourrie, loge ´ e et blanchie. Tufaisais comme tu voulais. Et notre sœur, pourquoi l’as-tu rendue comme ca ? »Enfin, ils dirent a `   la jeune fille : « Notre sœur ! Qu’est-ce que tu veux qu’on fassede celle-la ` ? »

La sœur re ´ pondit : « Mes chers fre ` res, je veux qu’elle souffre comme j’aisouffert a `   cause d’elle : vous allez l’attacher par ses cheveux a `   la queue ducheval et je ferai une poupe ´ e avec le reste de ses os pour jouer. »

 – D’accord, lui dirent-ils.

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Ils l’attache ` rent a `   la queue du cheval, son corps fut e ´ cartele ´   et il resta un osde sa main avec lequel elle fabriqua une poupe ´ e.

Maintenant que les sept hommes avaient retrouve ´ leur vraie sœur, ils dirent :« Nous allons retourner chez nos parents. » Alors, ils partirent. Sept chevaux,sept hommes, sept femmes et leur enfants. Ils marche ` rent, ils marche ` rent... Aumilieu du chemin, la jeune fille dit a `  son fre ` re aıˆne ´ :

 – O ˆ   ! Mon oncle Hemmou ! mon oncle Hemmou !

 – Qu’est-ce que tu as ?

 – Mon oncle Hemmou, j’ai oublie ´  ma poupe ´ e.

 – Ma sœur, continue a `   marcher. Lorsqu’on arrivera, je t’en offrirai uneautre.

 – Non, non, je retournerai pour la ramener.Elle retourna sur ses pas. Au moment ou elle se pencha pour la prendre, la

poupe ´ e se transforma en une ogresse. Elle l’emmena par la main et la jeune fillecriait :

« O ˆ  ! Dernier cheval ! O ˆ  ! Premier cheval ! Dites a ` mon oncle 9 Hemmou :Ma poupe e c’est transforme e en ogresse. »

Le cheval qui e ´ tait sourd, continua a `   marcher. Tandis que les six autresl’entendirent crier, alors ils s’arrete ` rent.

Les fre ` res furent pris d’un doute : « O ˆ  ! Mon Dieu ! Il y a quelque chose quiarrive a `   notre sœur ! »

Lorsqu’ils arrive ` rent, l’ogresse se transforma en baton, la jeune fille le tenaita `  sa main comme si elle jouait avec. Son fre ` re lui dit :

 – Jette-le ma sœur.

 – Non, mon cher oncle, je la prendrai pour jouer avec.

Alors, elle le mit sous ses vetements et continua a `   marcher. Il arriva quel’ogresse la mordit et la jeune fille cria :

 – O ˆ  ! Mon cher oncle elle m’a mordue.

 – Jette-la, lui dit-il.

 – Non mon oncle !

Quand ils arrive ` rent a `   leur village tout le monde fut content. Le pe ` re e ´ gorgeades bœufs pour feter le retour de ses sept fils, avec leur sept femmes et leur

enfants. Il invita tout le village, et ce fut une grande fete. Ils mange ` rent etpasse ` rent une bonne soire ´ e.

9. Oncle : signifie ici « grand fre ` re».

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La jeune fille se leva pour dormir et elle dit a `   son fre ` re :

 – Je vais dormir avec ma poupe ´ e.

 – E ´ loigne-la de toi, lui re ´ pondit-il.

 – Non, elle dormira avec moi.

Quand tout le monde rentra chez lui, ils se leve ` rent pour dormir.

Le lendemain, ils trouve ` rent la jeune fille morte, e ´ trangle ´ e par l’ogresse.

Je suis passe  par-ci par-la ` !...

CONTE 2D- anfust- n d -nayen d -eb- ri g in 10

H . ajit-kum ! 

Iz n d -emg a-t- gi zik- ira g a--s d -nayen yessi-s. Is t g a--s yemma-s u- g a--s baba-s, is t g a--s baba-s u- g a--s yemma-s. Iz n d -wara, d -esqad --it-end a d-ag

-mend 

aman zeg ug za-, denna-send: «T -

en   g a yezg-

u-n a tag-

em aman, a tes s rqeddid -

 11 ag b-ab-a-s».

D- a-b-ib- t-   d -ews a-s d -ag und, yeg i-s d -ews a-s d -aqeg ac . Xed -. rend a- weg za-.Yeg i-s d -es s u--d aman, d -usi-d a tes s   rqeddid -   ag b-ab-a-s. D- a-b-ib- t-   iwwi-yasug za- d -ag und. D- ug

-u- meskina dettb-ee-it. D- ufa s i imeksawen a-wsen, d -enna-

sen:

 – Ay imek- sawen! Ay imek- sawen! A h. enna ma u- d -ez.rim bu d -ag und d -ekki-d ssa ? 

 – SS ea-q-aneg  d - i g et.t.en-nneg , ad -  am-t-nemmer.

D- et.t. f-ed, d -a-h.  qqae d - g-a-w-asend d - i g et.t.en-nni. NNan-as net-nin:

 – A-

h.  sseqsa awessa--yin.

D- a-h.  g a--s, d -enna-s :

 – A xari ! A xari ! A h. enna ma u- d -ez.rid -  bu d -ag und d -ekki-d ssa ? 

 – Fes s ed - -ay ad -  am-t-mmreg .

D- et.t.ef-it--id -  d -ebby-as meskina, d -h. eyye-d-as d - is s in zeg uzeg if-ines.

10. Recueilli a `   Al Hoceima en septembre 1990 aupre ` s de Fatima n Mubeh. rur.

11. R qeddid - : de ´ signe les morceaux de viande de conserve se ´ che ´ s au soleil.

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Inna-s uwessa--nni:

 – _Ah. a- d -adda-t--in ; d -adda-t- n d -amz.a, g a- : « A xac i C ˇ efrih. u C ˇ efrih. a 12 ! »

Wami d 

-

ewwed 

-.

 d 

-

eg ra :

 – A xac i C ˇ efrih.  u C ˇ efrih. a ! A xac i C ˇ efrih.  u C ˇ efrih. a ! 

D- eff g -ed d -emz.a, d -enna-s:

 – Wi id -  ay-yesfa-h. en, yessfa-h. -it- rebbi ! 

 – D-   nnes  a h. enna ! Ma u- g a--m d -a b-u d -ag und? 

 – Yih a h. enna aqa-t d -a.

Qb-er ma a t-ssid -ef, d -enna-s:

 – Manis g a d -ekked - ? Ma zi d -ewwu-t- n d -esg-

enfin ni g  zi t-en n d - ferwin ? 

 – A xac i h. ennu! ra b-ab-a, ra yemma, ad -  kkeg  zi t-en n d -esg-

enfin.

 – Wellah h. ta a tekked -  g ı- zi t-en n d - ferwin a yeg -i h. ennu.

D- essid -ef-it ar uxxam, d -enna-s d - emz.a :

 – Ma a tes s ed -  s-ek- su, ma a tes s ed -  d - is s in ? 

 – A xac i h. ennu! ra b-ab-a, ra yemma, ad -   s s eg  d - is s in.

 – Ag -am a d - sa-inu, wellah u- d -es s id -  g ı- s-ek- su.

D- es s a d -eswa, d -enna-s d -emz.a :

 – A d -sa-inu! Ma a ted -. d -. a-d -   gi d -esraft-   ifig riwen, ma gi t-en n ddheb- ? 

 – A xac i h. ennu! ra b-ab-a, ra yemma, ad -  d -. d -. a-g  gi t-en ifig riwen.

 – Wellah a yeg -i h. ennu! u- d -ed -. d -. ı-d  g ı- gi t-en n ddheb- .

D- essed -. r-it gi d -esraft-  n ddheb- . Haya min d -   as-d -a-sa! Haya min d -   as-

d -ews a ! D- ed -wer qqae ts ees i e, d - reqq. D- enna-s :

 – Ma a tenyed -  x ug  yur ah. ida-, ma x wen mi g a- g an id -. a-n ? 

 – A xac i h. ennu! ra b-ab-a, ra yemma, ad -  nyeg  x wen ah. ida-.

 – LLa a yeg i h. ennu! Wellah u- d -enyid -  g ı- x ug  yur mi g a- g an id -. a-n.

D- enna-s eawed - :

 – Ma a tek- sid -   s t.at.u, ma a tek- sid -  d -ag und? 

 – A xac i h. ennu! ra b-ab-a, ra yemma, ad -  k- si g  d -ag und? 

12. Sfih. a u Frih. a au lieu de C ˇ efrih.  u C ˇ efrih. a : dans une autre version du meme conte que j’airecueilli en janvier 1995 a `   Al Hoceima, conte ´   cette fois-ci par une jeune femme.

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 – Wellah a yeg i h. ta ad -  am-us eg  s t.at.u.

D- esseny-it x ug  yur mi g a g an id -. a-n, d -essek-it a ta-wweh. a- d -adda-t-. Nettat-,d -eggu-, d -eggu-... Iz.r-it uyaz. id -. , igga:

 – Qi qi hi !... Rag a d -ewwi-d g ug  g u13 ! 

D- enna-s d -emg a-t--nni:

 – Ih ya a-bbi a tus ed -  i a-b-a-k-  us s en ! Rag a-k-   d -ewwi-d xixxi 14 ! 

Igga uqzin :

 – e aw eaw!... Rag a d - ewwi-d g ug  g u ! 

 – Ih ya a-bbi a tews ed -  i aba-k-   ssea- ! d -ewwi-d xixxi ! 

Igga yi g id - : – GGeb- , ggeb- !... Rag a d -ewwi-d g ug  g u ! 

 – Ih ya a-bbi a tews ed -   i ab-a-k-   dı-z. i ! d -ewwi-d xixxi ! 

Nettat- d - s a-rf-ed, d -exd -. er  aki-s d -a-qq temmsa-g a. « Ih ya d -sa-inu d -a-b-ib- t--inu! Ih ya d -sa-inu! Mani ira d -eg id - ? » Zeema, dessni emir d - fa-h. -as. D- ufi-thant u s enna! 

Yallah, yallah... edan wussan usin-d. D- enna-send d -emg a-t--nni : « Ag a-

k- end, a-h.  a tag- mend. T - en d-g a-yezg- u-n a tas, a tes s   rqeddid -  ag ab-a-s!»

D- a-b-ib- t-, ruxa d -ews -as d -aqeg ac . Yeg i-s d -ews -as d -ag und. Ug-

u-nd, yallah, yallah... a- weg za--nni. D- a-b- ib- t- d -ug

-m-ed, d -a-wh. -ed. Yeg i-s yewwi-yas ug za-

d -ag und-nni. D- ekka x imek- sawen-nni d - yenni. D- enna-sen :

 – A ymek- sawen! A ymek- sawen! Mu d -ez.rim b-u d -ag und d -ekki-d ssa ? 

 – A weddi nez. ri-t, ssea-q-aneg  d - i g et.t.en-a ad -  am-t-nemmer.

Nettat- d -

essea-q-asen-t-end, kur is t mani d 

-essek b

-ab

-a-s. NNan-as :

 – _Ah.  a- uwessa--yin! 

D- a-h.  g a--s, d -enna-s :

 –  A xari ! A xari ! Mu d -ez.rid -  bu d -ag und d -ekki-d ssa ? 

 – Sfes s ed - -ay ad - am-t-mmreg .

D- et.t.ef-d, d - fes s ed -  awessa--nni, d -ha-rat-. Inna-s :

 – Iwa, a-h.  a- d -adda-t--in, g a- : « A xac i C ˇ eqrih.  u C ˇ eqrih. a ! »

13. g ug  g u : langage enfantin qui de ´ signe les jouets, dans ce texte, il est utilise ´  pour de ´ signerl’or.

14. xixxi : langage enfantin qui de ´ signe les ordures.

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D- a-h.  a- d -adda-t--nni, a- d -amz.a-nni d -eg ra :

 –  A xac i C ˇ eqrih.  u C ˇ eqrih. a ! A xac i C ˇ eqrih.  u C ˇ eqrih. a ! 

 – Mag a ? Wi d -  ay-isqa-h. en, yesqa-h. -it- rebbi ? 

 – D-   nnes .

 – Min tus ed - ? 

 – Tus ˇeg  d- ag ˇ und.

 – Aqa-t d -a, yallah ad - f-ed.

D- esseqsa-t : « Ma a tekked - zi d -ewwu-t- n d -esg-

enfin ni g  zi t-en n d - ferwin ? »

 – S b-ab-a, s yemma, am-kkeg  zi t-en n d -esg-

enfin! 

 – Wellah, u-  yekki b-ab-a-m g ı- ssin a s em-s ukend.

D- essekk-it ssin. d -enna-s: «Ma a tes s ed -   s-ek- su, ma a tes s ed -   d - is s i n ? »

 – Yak- ! S b-ab-a, s yemma, ad - am-s s eg  d - is s in ! 

 – Wellah, u- i g ez.z.  b-ab-a-m g ı- t-in-a.

Waha, d -enna-s :

 – Ma a ted -. d -. a-d -  gi d -esraft- ifig riwen ? Ma gi t-en n ddheb- ? 

 – S b-ab-a, s yemma, ad -  am-g  d -. d -. a-g  gi t-en ifig riwen!  – Wellah, u-  yed -. ri b-ab-a-m g ı- gi t-a.

 – Ma a tenyed -  x ug  yur ah. ida-, ma x wen mi g a- g an id -. a-n ? 

 – S b-ab-a, s yemma, ad -  am-nyeg  x wen ah. ida- ! 

 – Wellah, u-  yenyi b-ab-a-m g ı- x wenni.

D- enna-s eawed - :

 – Ma a tek- sid -   s t.at.u, ma a tek- sid -  d -ag und?  – S b-ab-a, s yemma, ad -  am-k- si g  d -ag und! 

 – Wellah u-  yek- si b-ab-a-m g ı- t-enni.

D- essed -. r-it gi d -esraft- ifig riwen, d -a-sa-s isid -. ud -. en, d -essg ez.z. -as di g u-d -ma-win, d -euwwed -. -as ifig riwen, d -esseny-it x ug  yur ah. id -. a-, d -ews a-s d -ag und, uxad -essqad - -it i yemma-s.

D- eggu-, d -eggu-... Igga uyaz. id -. :

 – Qi qi hi... ! Rag a d -ewwi-d xixxi ! 

D- enna-s d -emg a-t--nni:

 – Ih ya a-bbi a tus ed -  i a-b-a-k-  us s en ! d -ewwi-d g ug  g u ! 

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Igga uqzin :

 –  eaw eaw... ! Rag a d -ewwi-d xixxi ! 

 – Ih ya a-bbi a tews ed -   i a-ba-k-   ssea- ! d -ewwi-d g ug  g u ! 

Igga yi g id - :

 – GGeb- , ggeb- ... ! Rag a d -ewwi-d xixxi ! 

 – Ih ya a-bbi a tews ed -   i a-b-a-k-   dı-z. i ! d -ewwi-d g ug  g u ! 

H . ta wami k- i-s d-d -exd -. er, d -ufi-t qqae d -es s u-reb- . Nettat- ira ts eeear, d -enna-s : « Ha ya d  -sa-inu! Ha ya d -sa-inu!» D- ek- si-t, d -ettk- a-t gi d - yennu-t-

15,zeema s ek a t-tfekk. D- ettk- a-t h. ta wami t-d -es s a d -messi qqae. Nettat- irad -ea-ra x d -eg mas, d -enna-s : « D. D. eh. k- ed -  a yeg i-s n reh. ram, d . d . eh. k- ed - ! Fek-

keg -s em yak- !» Nettat- d -eh. h. ad -a-yas aqemmum, net-nind wwd -. and-id.

Ha nes  kki g -d ssiha d ssiha ! 

TRADUCTION

Le conte des deux jeunes filles

Je vais vous conter une histoire ! 

Une femme avait une fille, et une autre qui ne l’e ´ tait que par adoption, carc’e ´ tait la fille de son e ´ poux. Un jour elle leur dit : « celle qui rame ` nera de l’eau lapremie ` re aura le privile ` ge de manger de la viande avec son pe ` re».

Elle tendit la cruche a `  la premie ` re, un tamis a `  la deuxie ` me puis les envoya a `la rivie ` re chercher de l’eau. Sa fille fut la premie ` re a `   revenir, quant a `   ladeuxie ` me, son tamis fut emporte ´  par le courant. Elle se mit a `  longer la rivie ` reafin de la re ´ cupe ´ rer. Sur son chemin, elle rencontra des bergers et leur

demanda : « Bergers ! Avez-vous vu un tamis emporte ´  par l’eau ? »Les bergers lui re ´ pondirent :

 – Nous ne le te dirons que si tu nous rame ` nes nos che ` vres.

Elle retrouva les che ` vres et les ramena.

 – Demande a `  ce sage, lui te dira ou se trouve ton tamis, lui dirent les bergers.

Elle se dirigea vers l’homme et lui dit :

 – Sage homme ! Aurais-tu vu mon tamis, l’eau me l’a emporte ´ ?

 – Je ne te re ´ pondrais pas que si tu me de ´ barrasses des puces qui me rongentle corps, dit-il.

15. d -ayennu-t- : petit four en terre qui sert uniquement a `  la cuisson du pain.

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La jeune s’exe ´ cuta, et l’homme lui dit :

 – Vas vers cette maison et appelle : Ma tante C ˇ efrih.   u C ˇ efrih. a ! Ma tanteC ˇ efrih.   u C ˇ efrih. a !

De ` s qu’elle arriva, elle se mit a `   he ´ ler l’inte ´ resse ´ e, et s’entendit re ´ pondre parl’ogresse :

 – Celui qui me contente aujourd’hui, que Dieu le contente.

 – C’est moi tante C ˇ efrih. a, aurais-tu vu mon tamis ?

 – Oui ma fille, je l’ai ici.

 – Par quelle porte veux-tu entrer ? celle en planches ou celle en aiguilles ? luidemanda l’ogresse, avant de la faire entrer.

 – Telle une orpheline, j’entrerai par la porte en aiguilles. – Tu n’entreras que par la porte en planches.

La jeune fille entra.

 – Que de ´ sires-tu manger ? du couscous ou des puces ! demanda l’ogresse.

 – Telle l’orpheline, par ma me ` re, je mangerai des puces.

 – Ma fille ! c’est du couscous que tu mangeras.

Quand elle eut fini de manger ; l’ogresse lui demanda :

 – Veux-tu descendre dans la cave des serpents ou dans celle d’or ?

 – Telle une orpheline, je descendrai dans la cave des serpents.

 – Non, ma fille ! tu ne descendrais que dans la cave d’or.

Elle descendit dans la cave. Quand elle remonta, elle e ´ tait vetue comme uneprincesse, pare ´ e d’or et d’argent.

L’ogresse lui demanda a `   nouveau :

 – Veux-tu monter l’ane boiteux ou l’ane vigoureux ? – Telle une orpheline, je monterai l’ane boiteux.

 – Non, ma fille ! tu monteras l’ane vigoureux.

Elle ajouta :

 – Veux-tu emporter le tamis a `  fond de me ´ tal ou celui a `  fond de soie ?

 – Telle une orpheline, je prendrai le tamis a `  fond de me ´ tal.

La jeune fille prit le tamis a `  fond de soie, pare ´ e d’or et retourna chez elle.

A ` son arrive ´ e, le coq se leva et clama :

 – ki ki hi !... ma maıtresse rame ` ne avec elle de l’or.

Une femme l’entendit et lui dit :

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 – Ferme ton bec ! que le chacal te manges, ta maıtresse a plutot ramene ´  desordures.

Le chien aboya et exclama aussi :

 – Wa ! Wa ! ma maıtresse rame ` ne de l’or. – Que la rage te prenne, elle rame ` ne des ordures, lui dit la femme.

Le chevreau cria a `  son tour :

 – Geb ! geb !... Ma maıtresse rame ` ne de l’or.

 – Que Dieu te casse les pattes ! ta maıtresse rame ` ne des ordures.

La jeune fille passa le seuil de la porte, et la femme vit que les dires du coq, duchien et du chevreau e ´ taient fonde ´ s. Elle lui dit : « O ˆ  ! viens ma che ` re fille ! Oue ´ tais-tu donc ? L’on s’inquie ´ tait pour toi!»

Ainsi les jours passe ` rent, et la femme demanda de nouveau a `  ses deux fillesd’aller chercher de l’eau. Cette fois-ci, elle tendit a `  sa fille le tamis, et remis lacruche a `   l’autre.

La fille de son mari rapporta de l’eau et rentra. Tandis que l’autre partit a `   larecherche du tamis emporte ´  par la rivie ` re.

Sur son chemin elle rencontra des bergers et leur demanda :

 – Bergers ! Avez-vous vu un tamis emporte ´  par l’eau ?

Les bergers lui re ´ pondirent :

 – Nous ne le te dirons que si tu jettes nos moutons dans la rivie ` re.

Quand elle eut exe ´ cute ´  leur demande, ils lui dirent :

 – Demande a `   ce sage, lui te dira ou se trouve ton tamis.

Elle se dirigea vers l’homme et lui dit :

 – Sage homme ! Aurais-tu vu mon tamis, l’eau me l’a emporte ´ ?

 – Je ne te re ´ pondrais pas que si tu me de ´ barrasses des puces qui me rongent

le corps, dit-il.

La jeune fille lui cassa la tete en lui donnant des coups, et l’homme lui dit :« Va vers cette maison et appelle : Ma tante C ˇ eqrih. u C ˇ eqrih. a!MatanteC ˇ eqrih.u C ˇ eqrih. a ! »

De ` s qu’elle arriva, elle se mit a `   he ´ ler l’inte ´ resse ´ e, et s’entendit re ´ pondre parl’ogresse :

 – Celui qui me rend malheureux que Dieu le rende malheureux.

 – Aurais-tu vu mon tamis ? Ne serait-il pas chez toi ? demanda la fille.

Avant que l’ogresse ne l’invite a `   entrer, elle l’entendit demander :

 – Par quelle porte veux-tu entrer ? par la porte en planches ou celle enaiguilles ?

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 – Moi, j’ai ma me ` re et mon pe ` re, j’entrerai par la porte en planches.

 – Tu n’entreras que par la porte en bois.

La fille entra et l’ogresse lui dit :

 – Que veux-tu manger ? Couscous ou puces ?

 – Moi, j’ai une me ` re et un pe ` re, je mangerai du couscous.

 – Tu ne mangeras que des puces, dit l’ogresse.

La fille mangea les puces et elle lui demanda a `   nouveau :

 – Veux-tu descendre dans la cave a `   serpents ou celle d’or ? »

 – Moi, j’ai ma me ` re et mon pe ` re, j’irai dans la cave d’or.

 – Tu n’iras que dans la cave a `  serpents. dit-elle.

Elle descendit dans la cave. Lorsqu’elle remonta ses vetement e ´ taient lace ´ re ´ set sales, l’ogresse la fit monter sur l’ane boiteux, lui remit le tamis a `   fond deme ´ tal et la renvoya chez elle.

A ` son arrive ´ e, le coq se moqua d’elle et commenca a `   crier :

 – Ki ki hi ! Ma maıtresse rame ` ne des ordures.

La maıtresse de la maison lui dit :

 – Ferme ton bec ! ma fille a ramene ´  de l’or, que le chacal te mange !

Le chien aboya et exclama aussi : – Wa Wa ! Ma maıtresse rame ` ne des ordures.

 – Que la rage te prenne, ma fille rame ` ne de l’or, dit la femme.

Le chevreau cria a `   son tour :

 – Geb ! geb... ! ma maıtresse rame ` ne des ordures.

 – Que Dieu te casse les pattes ! ma fille rame ` ne de l’or.

Lorsque la me ` re apercut sa fille vetue comme une mise ´ rable et sale, elle la mit

dans le four, la bru ˆ la et la re ´ duit en cendres.Au milieu du tas, il ne restait que ses dents blanches qui brillaient et sa me ` re

lui dit:

 – Batarde ! Et tu ris en plus !...

Elle essaya de lui fermer la bouche, toutes les dents de la jeune filletombe ` rent.

Je suis passe  par-ci par-la ` !...

MOHAMED EL AYOUBI

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LE BERBE ` RE EN AL-ANDALUS 1

par

Federico Corriente

Il est connu de longue date que les Berbe ` res ont joue ´  un role de ´ cisif dansl’occupation musulmane de la Pe ´ ninsule Ibe ´ rique et dans de nombreux e ´ ve ´ -nements qui ont eu lieu sur son territoire au long des sie ` cles, jusqu’aux derniers

 jours du Royaume de Grenade. Mais, par contre, les donne ´ es sur leur langue etles te ´ moins des emprunts que l’on se serait attendu a `   trouver dans l’arabeandalou, et meme dans les langues romanes, sont presqu’inexistants et parfoiserrone ´ s, et ceci non seulement chez les chercheurs occidentaux qui se sontattache ´ es a `   l’e ´ tude de l’Islam d’Occident, mais aussi chez les auteurs arabesme ´ die ´ vaux.

Les raisons en sont claires : d’un cote ´ , le berbe ` re e ´ tait et reste tre ` s mal connu,du fait ancien de sa dialectalisation et de l’arabisation culturelle de la plupartde ceux qui le parlent, ce qui l’a empeche ´   de devenir une grande languelitte ´ raire, mondiale ou locale, comme le persan, le turc, l’ourdou ou le malais,parmi les langues de l’aire islamique ; et, d’un autre cote ´ , les Andalousn’aimaient pas leurs voisins du Sud, qu’ils me ´ prisaient et haı ¨ssaient instincti-vement a `  cause des diffe ´ rences ethniques et culturelles, dont la langue n’e ´ taitpas la moindre. Et ils ont transmis cette haine a `   leurs voisins chre ´ tiens duNord, lesquels, par la suite, ont su parfois reconnaıˆtre les me ´ rites de la

civilisation andalouse ou de la culture arabe, mais n’ont presque jamais eudes mots obligeants pour les natifs de l’Afrique du Nord, sauf e ´ videmmentpour des raisons politiques, quand il s’agissait de jouer cette carte contre lenationalisme arabe.

Il est vrai que cette situation injuste est en train de changer, puisque certainsImazighen ont retrouve ´ l’orgueil de leur nation et de leur langue, et qu’on e ´ tudiele berbe ` re dans plusieurs pays d’Europe et d’Ame ´ rique, et pas seulement,comme au de ´ but, dans des institutions tre ` s proches des bureaux coloniaux dela France, a `  laquelle il faut, ne ´ anmoins et bien su ˆ r, reconnaıˆtre la plupart des

progre ` s faits dans la connaissance de cette langue et de ses dialectes.

1. Confe ´ rence donne ´ e a `   l’INALCO, le 21/05/1997, par F. Corriente, de l’Universite ´  de Sara-gosse (Espagne). Le texte francais a e ´ te ´  revu par S. Chaker.

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E ´ tudes et Documents Berbe `res, 15-16, 1998 : pp. 269-275

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Les conse ´ quences de cette ne ´ gligence ont e ´ te ´ tre ` s lourdes et il faudra attendrelongtemps avant que les traite ´ s sur la civilisation islamique occidentale nesoient corrige ´ s en fonction des donne ´ es d’une e ´ tude impartiale de la contribu-tion des Berbe ` res a `   l’histoire, a `   la litte ´ rature et aux sciences, le plus souvent

re ´ dige ´ es en langue arabe, comme du reste celles des Juifs, mais aussi avec destraits particuliers.

Mais revenons aux Berbe ` res en Al-Andalus, les seuls envisage ´ s dans cettepre ´ sentation et exclusivement du point de vue linguistique. Leur pre ´ sencen’e ´ tait pas seulement genante pour les Andalous pendant la pe ´ riode musul-mane : elle l’est devenue aussi pour les historiens, qui les ont classe ´ s dans deuxgroupes, les baladiyyuˆn, ou petits-fils des premiers conque ´ rants, et les t.ura ˆ ’ , ouimmigre ´ s plus re ´ cents, surtout des soldats amene ´ s en raison des besoinsmilitaires et leurs descendants. On a dit parfois que les Berbe ` res enrole ´ sdans les arme ´ es musulmanes de la conquete e ´ taient de  ja `   arabise ´ s, ce qui estfort improbable ; on dit parfois encore que les baladiyyuˆn se sont arabise ´ s vite,car eux-memes ne voulaient pas qu’on se souvienne de leur origine, ce quisemble etre vrai, au moins dans de nombreux cas, et cela pour une bonneraison : a `   savoir que meme la de ´ nomination de « berbe ` re » e ´ tait devenue uneinsulte pour ceux qui l’e ´ taient. Mais ces donne ´ es des historiens ne peuvent riennous apprendre au sujet de la continuite ´  de l’usage de la langue berbe ` re en Al-Andalus, sauf la haute probabilite ´  de son oubli chez ceux qui ne voulaient paseˆtre conside ´ re ´ s comme Berbe ` res.

Il faut donc chercher ces donne ´ es linguistiques dans les sources habituelles,c’est-a ` -dire, dans les ouvrages contenant des informations sur les parlersvernaculaires et, peut-etre, dans les noms de lieu et de personnes. Dans cebut, nous avions re ´ dige ´  un petit article, paru en 1981 dans le nume ´ ro 4 de larevue espagnole des e ´ tudes arabes   Awra ˆ q   (pp. 27-30), comme une sorted’addendum a `   notre e ´ tude sur les emprunts romans dans l’œuvre de Pedrode Alcala ´   (pp. 5-27 du meme nume ´ ro). Contribution qui semble n’avoir euaucun e ´ cho, alors qu’elle contenait quelques donne ´ es phonologiques inte ´ res-santes pour l’e ´ tude synchronique, diachronique et diatopique du berbe ` re; cequ’il faut sans doute attribuer au fait que cette revue n’e ´ tait pas l’endroit oul’on se serait attendu a `  trouver une e ´ tude sur le berbe ` re.

Cet article contenait une vingtaine de mots suppose ´ s berbe ` res, releve ´ s dansles œuvres de P. de Alcala ´  et dans le Vocabulista in arabico attribue ´  au moinecatalan Raimon Marti, dont quelques uns ne sont plus a `  retenir, comme nousle verrons par la suite. Mais, heureusement, a `   l’occasion des travaux dere ´ daction de notre   Dictionnaire de l’arabe andalou   qui vient de paraıˆtre a `Leiden aux e ´ ditions Brill, nous avons pu accroıtre leur nombre au dela `  de la

cinquantaine, ce qui est naturellement loin des proportions atteintes par lesemprunts romans dans ce dialecte arabe, mais garde des rapports plus pre ´ cisavec l’importance des Berbe ` res et du berbe ` re en Al-Andalus.

Nous pensons que le classement de ces emprunts berbe ` res introduit dans

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notre premier travail selon les domaines se ´ mantiques est a `   retenir, puisqu’ilnous apprend beaucoup au sujet des rapports sociolinguistiques entre lesberbe ´ rophones et leur voisins, bien qu’il faille le comple ´ ter par des observa-tions morpho-phone ´ tiques et que l’on puisse regretter qu’on n’y trouve pres-

que rien sur la syntaxe, puisqu’il s’agit surtout de mots isole ´ s, hormis quatresyntagmes dont on parlera plus loin.

Le domaine se ´ mantique le plus riche en emprunts berbe ` res est celui desnoms de plantes, la phytonomie, ce qui met en e ´ vidence l’importance atteinteen Al-Andalus par les e ´ tudes de botanique et de pharmacie, et l’inte ´ reˆt porte ´par ses savants aux proprie ´ te ´ s des ve ´ ge ´ taux et a `  l’identification de leurs espe ` ceset varie ´ te ´ s qu’on pouvait trouver dans la Pe ´ ninsule Ibe ´ rique et dans les paysd’Islam les plus proches. C’est pour cela que dans les traite ´ s d’Ibn Albayt.ar,Ibn Buqlaris ˇ, Ibn Aljazzar, Maı ¨monide etc., on trouve maintes fois des nomsde plantes en berbe ` re, a `   cote ´   de leurs e ´ quivalents en arabe, latin, dialectesromans, grec ancien ou moderne, persan, etc. E ´ videmment, il faut pas enconclure que tous ces noms berbe ` res ont e ´ te ´  communs en Al-Andalus, mais ilne faut pas non plus l’exclure a priori, car parfois, on les retrouve dans dessources moins spe ´ cialise ´ es. Nous avons la `   quatorze noms : addad =Atractylisgummifera=chame ´ le ´ on blanc, ad   ery   es=Thapsia garganica=thapsie ou fauxfenouil ; ad . ar aylal  (lit. « pied d’oiseau »)=Carum ammioides=cerfeuil ; mas-maquˆrah (corruption d’ammas im   eqqur   en, lit. « hanches larges », a `  cause de sesvertus obste ´ triques)=Aristolochia longa=aristoloche longue ;   atrar=Ber-

beris vulgaris=e ´ pine-vinette ;   aw  e

rmi =Ruta montana=rue de montagne;imlil   es=Rhamnus tinctoria=nerprun des  teinturiers ; arg

.is=Berberis hispa-

nica=e ´ pine-vinette de l’Espagne ;   arq/k/ja ˆ n=Argania sideroxylon=argan;az   ezzu=Daphne gnydion=garou ; taqarni/unt « chardon d’Espagne », refle ´ te ´par Alcala ´   comme   taqarnı  na, du latin   cardus, a `   travers le roman   carlina ;tas   emmunt=Rumex acetosa=oseille commune ; taserg

.int=Telephium impe-

rati=te ´ le ` phe; tig.and   est=Anacyclus pyrethrum=pyre ` thre, et wajdim=Caca-

lia verbascifolia=cacalie, refle ´ te ´  par le Supple ment de Dozy comme twjdh, sansvocalisation.

Le second domaine important, apre ` s les noms des plantes, est celui des nomsd’animaux, ou nous avons :  af   ellus  « poulet », du latin pullus, mais qui n’estexplicable en andalou qu’a `   travers le berbe ` re ;   ag

.lal   « escargots »,   afennis 

« camard », avec le sens de « mulet » dans le Vocabulista (vraisemblablement) ;ar   ez.z.  « guepe » (qui semble se trouver dans Alc.  rac¸ta bal  « hanneton », quenous relisons *(a) r   ez.z. t.abba l  « guepe au tambour », a `  cause de son bourdon-nement) ; issi  ou  tissist « araigne ´ e» (refle ´ te ´  dans le Madxal ila taqwı ˆ m allisa ˆ nd’Ibn His ˇ am Allaxmı comme   sa ˆ s) ;   taq   erru   (lit. « petite tete », e ´ tymologieprobable du nom d’une espe ` ce de faucon appele ´ e   tagarote   en espagnol et

portugais) ; enfin, taf   e

rma, qui est une sorte d’aigle du marais au Maroc, refle ´ te ´par le  Vocabulista,   tafurmah ; il est explique ´   dans cette source comme « lafemelle du faucon », et refle ´ te ´  par l’emprunt espagnol atahorma, dont la formeest, sans doute, berbe ` re, mais dont le second e ´ le ´ ment rappelle le latin  falco

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 femina  (devenu  *fe mra  en bas latin, et ayant subi une me ´ tathe ` se), ce qui, a `notre avis ne veut pas dire que celui-ci en e ´ tait le signifie ´   exact mais qu’onl’appelait ainsi a `  cause d’une certaine ressemblance, ou meme de vieilles be ´ vuesdu peuple, comme dans le cas du narval, en andalou,  rumı s kal , qui e ´ tait pris

pour le male de la baleine, selon la meme source et le proverbe no 15 deAzzajjalı.

Le troisie ` me domaine est celui des vetements, bijoux et ustensiles me ´ nagersdont on doit supposer qu’ils ont e ´ te ´   utilise ´ s surtout ou introduits par lesBerbe ` res; nous avons:   ag   elmus   et   aq   elmun  « capuchon » (quoique ce mot,refle ´ te ´   comme   cormu c   par Alcala ´ , est lui meme d’origine latine :  cumulus) ;ah   erkus ou  arkas (   en), « espadrille » (refle ´ te ´   comme  hirka ˆ sah   et vraisembla-blement un emprunt du latin calceus) ; amzur, « natte tresse ´ e avec un ruban »(refle ´ te ´   par Alcala ´ :   mazu ra   et le   Vocabulista :   muzuˆra) ;   s   e g

.n   es   «agrafe de

collier » (lit. « aiguille », refle ´ te ´  par le Vocabulista : zag.naz) ; et t   e gra « e ´ cuelle,boıte » (refle ´ te ´  par le Vocabulista ta\qrah ; et Alcala ´   te qra).

Le quatrie ` me groupe important est celui des noms d’armes, coups et termesmilitaires, parmi lesquels nous trouvons : ab   erqi  « soufflet » ; ag   ergit « sorte de

 javeline », refle ´ te ´  par Alcala ´  gargı   yya, de  ja `  arabise ´ , mais aussi par l’espagnol etportugais gorguz et le catalan gorgoto, plus proches du berbe ` re ; agzal  «piquecourte caracte ´ ristique des Nord-Africains » (refle ´ te ´ , sous une forme diminu-tive, par l’espagnol tragacete, et normalement par Ibn Quzman et Ibn ‘Abdu ˆ n,

mais aussi par le Vocabulista ; zug

.

zal , donne ´   sous pugnus mais qui ne semblepas avoir signifie ´  « coup de poing », attendu qu’il est traduit comme « gaffe »dans le Formulaire notarial d’Aljazıˆrıˆ et qu’a `  son origine s-ugzal  signifie « avecla pique»); ag

.«jeter» (refle ´ te ´  par le Vocabulista : zaga ˆ  yah et Alcala ´   zaga  ya

« javelot », espagnol azagaya, vraisemblablement un vieux nom d’instrument).

Les mots du domaine de la politique et du pouvoir sont aussi bien repre ´ -sente ´ s parmi les emprunts berbe ` res en andalou, tels que   afrag   «tente dusultan » (qui est passe ´   en espagnol et portugais  alfaneque) ;  ag   ellid  «prince,roitelet », am   eqran « chef » (qui pourrait se trouver dans Ibn Quzman 27/8/4, et

am  e

zwaru « premier, chef » (bien e ´ tudie ´  par Dozy dans son Supple ment).Le domaine des technicismes de la cuisine nous fournit aussi quelques

emprunts berbe ` res comme   erk   em, refle ´ te ´  dans Alcala ´   comme he rqueme «ra-gou ˆ t de tripes », suspect de de ´ river du latin farcimen ; isswi n tifayi lit. « sauce deviande », refle ´ te ´   dans   tafa  ya   (cf.  marocain   tfaya,  cf.  aussi l’espagnol  atafeadont le ve ´ ritable sens vient d’etre de ´ couvert par notre colle ` gue de l’Universite ´de Cadix, J. Bustamante),   tl   exs.a, refle ´ te ´   par   taraxs.a   dans les proverbesd’Azzajjalı, un met de fe ` ves cuites (qui semble se rattacher a `   la racine araberxs.   « etre tendre ») ;  adg

.   es  « colostrum » (chez Ibn His ˇ am Allaxmı) ;  ag.rum

« pain », refle ´ te ´   par aqru n « sorte de crepes qu’on mange avec du sucre ou dumiel », selon le livre de cuisine publie ´   par A. Huici ; z   eb   ezzin, mentionne ´   parAlcala ´  comme une sorte de couscous aux le ´ gumes, mis en rapport par Dozyavec des mots semblables du Nord de l’Afrique, peut-etre issues du bas latin

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 pisellum « pois » ; tarfist, nom du dessert appele ´  rafı ˆ sah en arabe, mais dont laforme berbe ` re est refle ´ te ´ e par le susdit livre de cuisine et, avec me ´ tathe ` se, par lecatalan ratafia, qui est passe ´  en franc¸ais comme le nom d’une certaine liqueurdouce aux noix vertes ; et  b   erkuk   es «couscous a `  gros grains » qui pourrait se

rattacher au latin praecox « fait trop vite ».

Le domaine de la vie sociale est repre ´ sente ´  par tam   e g.ra « repas de mariage »

dans le Vocabulista in arabico, et sm   ens « festin » ou plus exactement « dıner »,refle ´ te ´   aussi dans cette source par asamas.

Il y a encore en andalou deux noms ge ´ ographiques d’origine berbe ` re,Qina wa «Guine ´ e », c’est-a ` -dire, le pays des Noirs, qui refle ` te agnaw «muet»,le sobriquet donne ´   a `  ceux-ci par les Berbe ` res a `  cause de la diffe ´ rence linguis-tique, et azg

.ar « la plaine du Gharb » chez Azzajjalı, qui est le berbe ` re azag

.ar,

« plaine ».Enfin, il y a quelques mots hors classement, comme as kd  « viens ici »,   e fkiyyi 

«donne moi»,   erw   el   «fuyez», trouve ´ s par M. Bencherifa au cours de sese ´ tudes sur les proverbes d’Azzajjalı, et peut-etre   is s ir   « garcon » chez IbnQuzman, et qui ne sont en fait pas des emprunts mais simplement des motsberbe ` res qu’il connaissait ; it   ermim   en « le derrie ` re», refle ´ te ´  comme tara mi  dansles proverbes d’Ibn ‘As.im ; asfirn   es/n « sourire », refle ´ te ´  par le verbe nifarnas farnast  dans le  Vocabulista, quoique vraisemblablement provenant du greceuphrosyne ; et  mummu  « la prunelle de l’œil » refle ´ te ´   comme  mimmı  dans le

Vocabulista.A ` cote ´  de tous ces mots dont l’origine berbe ` re est certaine, il y en a d’autres

qui sont douteux, comme   err, refle ´ te ´  par l’andalou et marocain ara  « donne-moi », qu’on trouve partout, mais qui pourrait aussi de ´ river de la racine araber’y ;   myini  « s’entretenir », qui pourrait se cacher sous l’e ´ nigmatique   muna `wa ˆ mı ˆ nı ˆ  wamuna ` dans le Vocabulista sous « detractio » ; et d’autres encore quiont e ´ te ´   recense ´ s, a `   tort, comme berbe ` res meme par les auteurs les plusprestigieux, par exemple,  zabbuˆj  et  zanbuˆ’ , dont le premier revient a `   l’arabeclassique za’/g

.baj , le nom de ses fruits, sous une forme hypocoristique 1a22uˆ3,

bien que le berbe ` re l’ait parfois adopte ´   a `   la place ou a `   cote ´   de son motvernaculaire,   azemmur ; le second semble de ´ river du malais   jambuwa, dusanscrit   janbuˆla, selon Francoise Aubaile-Sallenave dans son article parudans le livre   Ciencias de la naturaleza en Al-Andalus   (Madrid 1992,pp. 111-133), mais non sans contamination phone ´ tique et se ´ mantique par lepersan dast anbuy « parfum des mains ». Il n’y a rien d’e ´ tonnant a `   trouver detelles fausses attributions, parce qu’il y a eu des arabisants qui assignaient auberbe ` re n’importe quel mot arabe occidental dont l’origine n’e ´ tait pas claire.

Quant a `   la possibilite ´   de tirer des indices linguistiques diachroniques et

panchroniques de ces mate ´ riaux, je l’ai fait pour la premie ` re fois dans mone ´ tude sur les phone ` mes /p/, /c / et /g/ en andalou, paru dans Vox Romanica 37(1978, pp. 214-8), ou il e ´ tait question d’e ´ tablir si ce dialecte avait connu ladistinction phone ´ mique entre la consonne ve ´ laire sonore /g/  et l’uvulaire /g

./,

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une nuance dont personne ne semblait s’etre soucie ´ , peut-etre du fait que legraphe ` me   ghayn   est habituellement employe ´   pour refle ´ ter le   /g/   des motsromans, quoique le qa ˆ  f  se trouve aussi dans cet emploi. Les donne ´ es hispani-ques n’e ´ taient pas utiles, car ces deux consonnes sont des allophones position-

nels du phone ` me /g/, mais les donne ´ es du berbe ` re, ou ce sont des phone ` mesbien diffe ´ rencie ´ s ont permis de constater que le /g

./ berbe ` re est toujours

repre ´ sente ´  par /g.

/ en andalou, comme il fallait s’y attendre, mais aussi que le/g/ berbe ` re est re ´ gulie ` rement refle ´ te ´  par le qa ˆ  f , ce qui permet non seulement deprouver que l’andalou aussi avait les deux phone ` mes, mais cela sugge ` re en plusque l’articulation du qa ˆ  f  e ´ tait, au moins partiellement, sonore, et apporte despre ´ cisions importantes a `   l’e ´ tude de l’e ´ volution des sourdes intervocaliqueslatines en roman, grace aux transcriptions arabes de tels mots.

Mais, c’est le berbe ` re qui nous concerne ici, pas le roman, et on peutconstater que ces mate ´ riaux, en de ´ pit de leur nombre tre ` s re ´ duits, peuventnous apprendre quelque chose sur le berbe ` re d’une e ´ poque assez ancienne pourlaquelle les donne ´ es sont notoirement insuffisantes. Voyons quels sont lesre ´ sultats de notre recherche.

Du point de vue synchronique, il est presque e ´ tonnant, e ´ tant donne ´ el’origine ze ´ natienne d’une grande partie, si ce n’est de la plupart, des Berbe ` resqui sont venus en Al-Andalus, qu’il n’y ait aucune trace de spirantisation de /t/et /d/, laquelle aurait e ´ te ´   signale ´ e par l’utilisation des graphe ` mes correspon-

dants a `   /q/ et /d/ chez les e ´ crivains andalous qui en connaissaient tre ` s bien lesdiffe ´ rences. Mais il n’y a pas un seul cas de la sorte (sauf, peut-etre, i q rar, dansquelques sources au lieu de  atrar), ce qui signifierait que la spirantisationcaracte ´ ristique des parlers ze ´ natiens n’avait pas encore eu lieu.

Au meme titre, il faut ajouter que les nombreux changements subis par /r/ et/l/ dans les parlers ze ´ natiens ne semblent pas se refle ´ ter dans ces mate ´ riaux, ounous avons des e ´ quivalences normales pour af   ellus, ag   ellid, amzur, am   ezwaru.et  taraxs.a. Dans le cas d’ag   ellid , les documents relatifs au Rif des archivesespagnoles du XVI

e sie ` cle cite ´ s par Garcı ´a Go ´ mez (Todo Ben Quzma ˆ n, III, 466)

refle ` tent de  ja `   allid.Par contre, il est surprenant que la pre ´ position instrumentale, qui est aussi le

pre ´ fixe des noms d’instrument, /s/, apparaıˆt toujours comme /z/, ce qui pour-rait eˆtre du ˆ  au hasard, car les trois exemples atteste ´ s, zag

.naz, zug

.zal et zag

.a ˆ  ya,

ont tous des racines dont la premie ` re consonne est un ghayn. Nous sommes,e ´ videmment, en face d’une assimilation re ´ gressive de sonorite ´ , mais un telphe ´ nome ` ne n’e ´ tant pas signale ´  pour le berbe ` re, et meme pour l’arabe maro-cain, ou nous avons   seg

.nes, il faut se demander s’il s’agissait d’un trait de

quelques dialectes du berbe ` re a `   cette e ´ poque. Mais peut-etre pourrait-on

attribuer le changement a `   la prononciation des Andalous, qui substituaientparfois un /z/  au /s/ et meme au /s./ (vgr. /zaba  j/, /‘ukka z/, /mihra z/, /qafa z/, /zag

.a /, etc. Voir Arabe andalusı   y lenguas romances, Madrid 1992, pp. 51-2),

mais la question n’est pas simple parce que la substitution de /z./ au /s./ est

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caracte ´ ristique du berbe ` re et pourrait etre a `   la racine de cette particularite ´  del’andalou.

Le /g/ intervocalique est repre ´ sente ´ constamment par qa ˆ  f , qui devient un /k/,dans les cas ou ces mots ont e ´ te ´  adopte ´ s par le roman (vgr. afrag

=alfaneque,

taq   errut=tagarote, ag   elmus, refle ´ te ´  par cormu c chez Alcala ´ , etc.). Cela sembleconfirmer que ce  /g/  n’e ´ tait pas spirantise ´  et, s’il faut en juger par les tran-scriptions romanes, il devait etre encore un peu sourd, ce qui doit etre mis enrapport avec le phe ´ nome ` ne bien connu de la ge ´ mination de /g

./ comme /qq/ en

berbe ` re.

Sous un point de vue panchronique, il faut relever quelques particularite ´ sdes mots emprunte ´ s par le berbe ` re a `  d’autres langues et vice-versa. Le /p/ et le /s/ latins sont re ´ gulie ` rement refle ´ te ´ s par /f/ et /s/, ce qui permet de distinguer ces

emprunts des cas ou les mots ont e ´ te ´  transmis a `  travers le roman qui a toujours/b/ et /s / dans les meˆmes circonstances. De meˆme, il semble que le  /k/ latin n’estpas palatalise ´  devant une voyelle ante ´ rieure, contre la re ` gle du roman hispa-nique, vgr. ah   erkus, urkim   en, mais malheureusement ces deux cas ne sont pasabsolument certains. Il est curieux aussi que quelques emprunts du latinsemblent avoir subi des dissimilations consonantiques, voir,   ah   erkus   (s’ilrefle ` te calceus), et urkim   en (s’il refle ` te farcimen), ou les se ´ quences /k...k/  et / f...m/ auraient abouti aux re ´ sultats /Ø...k/ et  /Ø...m/.

En ce qui concerne l’arabe andalou, il ne faut pas s’e ´ tonner de l’assimilation

du groupe  /ns/  dans l’emprunt  asama s   (du berbe ` re  asm

  e

ns), un phe ´ nome ` nereleve ´  dans notre  A grammatical sketch of the Spanish Arabic dialect bundle(§ 2.9.2), ou du fait que les mots berbe ` res sont souvent, mais pas toujours,arabise ´ s, en leur otant les pre ´ fixes de classe nominale masculin  a- ou  i-, vgr.qillı  d, muzu ra, mizwa r, ras.tabba l, qurmu s, mais non celui du fe ´ minin ta-, vgr.tamag

.ra, ta qra, etc.

En somme, nous croyons que l’e ´ tude de ces traces laisse ´ es par le berbe ` redans les documents andalous s’ave ` re assez utile, non seulement pour mieuxconnaıˆtre l’ancien berbe ` re, mais aussi pour ame ´ liorer nos connaissances des

dialectes arabes les plus anciens qui nous soient connus. Il faut, donc, conti-nuer ces e ´ tudes mais, surtout, il faudrait a `   pre ´ sent qu’elles soient re ´ alise ´ es parde ve ´ ritables berbe ´ risants, ayant des connaissances e ´ tendues sur l’arabe et leroman.

FREDERICO CORRIENTE

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CHRONIQUE

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Le Centre de recherche berberedel’INALCO

«J euneEquipe»no334

I. LE CENTRE DE RECHERCHE BERBEREDE L’INALCO SUR INTERNET

LeCentredeRechercheBerbere disposedesormais(depuis mai 1998), d’un site sur le serveur del’INALCO : http/ / www.inalco.fr

Unefois connecte sur l’INALCO, choisir «Offredeformation», puis«Berbere» dans la liste deslangues representees a l’institut. On accedealorsaux rubriques suivantes, accessibles a partir delapaged’accueil generaledu CRB:

– L a langue berbere: presentation sommaireet bibliographie debase.– Le berbere a l’I NALCO : historiquedesetudesberberesa l’INALCO

– L’enseignement (lesetudesdeberberea l’INALCO):- Lesenseignants: noticesindividuelles- Lescourset lesdiplomes: presentation detailleeducursusdeberbere- Lesbonnesadresses: selection d’adressesdelibrairiesetcentresdedocumentation berberisants

a Paris– L a recherche (le Centre deRechercheBerbere: presentation generale):

- Lesprogrammesderecherche- Lespublications- Lestheses: listedesdoctorats, magisters et D.E.A. soutenussousla direction demembresdu

CRB- Relationsinternationales- Colloqueset reunions

– Documents en libre service: listedesarticleset textesdisponibles(actuellement 24, envoyesgracieusement par le CRB sur simple demande).

– Bibliographie berbere : presentation dela «base berbere» et des chroniques bibliographi-ques«langueet litterature berberes» publiees(acceset interrogationsen lignepossibles).

II. INFORMATION – RENCONTRES

Atelier «Amenagement linguistique de la langue berbere»  (circulaire no 1 – mars 1998

Danslaligneedesprecedentesrencontres(Tablerondeinternationale«Phonologieetnotationusuelleenberbere», avril 1993;  «Problemes en suspens de la notation usuelle du berbere», juin 1996), le Centre deRecherche Berbere de l’INALCO a organise un atelier consacre a l’«Amenagement linguistique dela langue berbere», durant la semaine du 5 au 9 octobre 1998, a Paris. L’atelier, a vocationprogrammatiqueet depropositions, a abordetrois themes:

1) Lanotationusuelle: bilan et complementsaux propositionsdejuin 1996 (unejournee). Il s’agira, apartir del’experimentation despropositionsde1996, d’aboutir a un document definitif dereference(Coordinateur: Kamal Naıt-Zerrad).

2) La standardisation de la langueberbere: orientations generales et propositions (une journee). Unereflexion et uneclarificationprealablesviseront a fixer lecadregeneral detouteaction en amenage-

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mentlinguistique. Pour leCRB, letravail danscedomainenepeutsefairequedanslecadred’«unestandardisationconvergentedesdialectesberberes», c’est-a-direa partir desdifferentesvarietesregionalesduberbere(cf . S. Chaker 1983 & 1989/ 90)1.

3) Laneologie: miseen placed’un reseauinternational determinologie berbere« T ermber » (deux

ou trois journees). En s’inspirant des experiences de langues dont la situation est proche de celle duberbere (catalan et basque notamment), il s’agit de constituer un cadre permanent d’orientation,d’elaboration, d’evaluation et de diffusion de terminologies specialisees (coordinateur: RamdaneAchab).

Compte rendu de la reunion «Berbere au Bac»

 Tenuelesamedi 4 juillet 1998, a 10h a l’INALCO

Etaient presents:– INALCO/ CRB: S. Chaker, K. Naıt-Zerrad

Associations:– Abc-Amazigh: Ali Ouchtal– Abc-Azar (Creteil): Nora Cheddad– Acb-Tiddukla (Paris): AbdelmoumeneBouyahia– Acb-Val d’Oise: AbdelmoumeneBouyahia– Acbs(Ass. Cult. Berb. Stephanoise): Athman Sayad– Afus(Essonne): Karim Aoudia– Ajbf (Paris): Mustapha Saadi, Samia Aouad– Amacahu(LesUlis): Karim Djermouli– Amazigh (Ass. Cult.)(Nantes)JedjigaOuggad-Douillard, Ouahab Mekaouchi, Larbi Harfouche– Amazigh Est-Paris/ 93: Louisa Kati– Awal (Lyon): Malika Assam, LahceneMessahli– Awal (Ass. Cult. Berb.)(Guyancourt): Mohammed Aggoun– Azamazigh (Paris): Karim Aguenaou– Facaf (Fed. Ass. Amaz. deFrance): AbdelmoumeneBouyahia– Mcb-France: MohandLounaci, Tassadit Baouz– Omime(Paris): Mehenna Mahfoufi– Tafsut(Clermont-Ferrand): NadiaMaouchi, GhaniaAbdi,MohamedAbdi,Nacer Benmansour– Tamazgha (Paris): K arim Timsiline, Tayeb Lakhdari, Mumuh Hadj-Saadi, Mabrouk Ferkal– Tilelli (Ass. Cult. Berb.): Mohamed Amalloul– Tiwizi (CCB)(Paris): Arezki Hamimi

– Ufb (Union desFemmesBerbere(Paris): Ourida ManseriExcuses:– Adcb (Ass. pour leDeveloppement dela CultureBerbere)(Bordeaux)– Amazigh (Ass. Cult.) (Grenoble)– Mistouta(Nanterre)– Abcd (St. Aygulf)Ordredujour: lareunion, convoqueea l’initiativedeS. Chaker, Professeur deberberea l’INALCO,

avait pour objet d’examiner lesproblemesdel’epreuvefacultativeecritedeberbereauBaccalaureat.

1. «De la description a la planification linguistique...», Tafsut – Etudes et debats, 1, 1983 & Berberes aujourd’hui/ Imazighen ass-a,1989/ 1990, Paris, L’Harmattan/ Alger, Bouchene, chap. 11 : «Letravail sur la langue».

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1. Aspects pe dagogiques

Nature de l’epreuve, preparation a l’epreuve, elaboration et diffusion d’outils pedagogiquesadaptes; diffusion del’information relativea l’epreuveaupresdeslyceenset desetablissements.

2. Aspects institutionnels

Demarcheset actionsa mettreen œuvre en direction desdiversesautoritesimpliquees: rectorats,autoriteslocales, parlementaires, Education nationale, presse...

** *

A`

 l’ouverturedela reunion sont distribueestroisdocumentsemanant du CRB/ INALCO

:1) Rapport sur lasituationdelalangueberbereenFrance(par. S. Chaker), 10 p.2) Noted’informationsur lesepreuvesdeberbereauBac,4p.3) Lesepreuvesfacultativesdeberbereaubaccalaureat, 28 p.Dansunexposepreliminaire, S. Chaker fait unepresentation historique, reglementaire, quantita-

tiveet pedagogiquedela situation desepreuvesdeberbereau Bac; presentation articuleeautour desaxessuivants:

a) Passagedel’epreuveal’ecrit depuis1asession1995. L’elaborationdessujetsetlacorrectiondescopiessontassureespar l’INALCO danslecadred’uneconventionavecla DirectiondesEnseignementsScolairesdu MEN.

Lepassagea l’ecritaete justifiepar leMinistere par plusieursraisons:

– Difficultespratiquesd’organisationdesanciennesepreuvesoralespour deslanguesagroseffectifscommele berbere (plusde1200 candidatslorsdela derniere session orale de1994);

– Souci d’equite puisque les epreuves orales ne pouvaient pas etre organisees dans toutes lesacademies(ellesn’etaient en fait assureesqu’a Paris et sur Aix-Marseille);

– Souci d’harmonisation des epreuves et de la notation, qui etaient extremement variablesd’unexaminateur a l’autredansle cadre desepreuvesorales.

Ce choix a eu pour implication principale la «normalisation» de l’epreuve, dont le format et lanotation se rapprochent fortement de ceux des epreuves obligatoires de langue: texte (publie:litteraire, de presse) de 15 a 20 lignes, version de 8 a 10 lignes, questions de comprehension etd’expression ecritesa partir decetexte.

b) Population stabilisee autour de 1300 candidats(fluctuations entre 1500 et 1200 sur 4 ans),repartieen 70% pour lekabyleet 30% pour letachelhit. LagrandemajoritedescopiesproviennentdesacademiesdeParis-Ile-de-France, Lyon, Lilleet Aix-Marseille. ViennentensuiteSaint-Etienneetles academies de l’Est (Nancy-Metz, Strasbourg). Les autres academies representees ne depassentgeneralement pasla dizainedecopies.

c) Leproblemepedagogiqueessentiel posepar cetteepreuveestl’absencedepreparationdeselevesau sein deslycees. S’agissantd’unexamen national, cettesituation paraıt d’autant plusanormalequela demandeest importanteet stabilisee.

Lesnombreusesdemarcheseffectueesacesujetpar S.Chaker sesontheurteesjusqu’apresentaunblocage: au niveau central ; le MEN refuse d’envisager un enseignement a  caractere officiel(M. Chaker donneasujet lecturedepassagesd’un courrier duConseiller duministredel’Education

nationale charge des langues vivantes). Mais il existe des possibilites au niveau local, soit sous laresponsabilite deschefsd’etablissements, soit souscelledesrecteursd’academies, qui disposent d’unereelle margedelibertepour instaurer localement desenseignementsfacultatifs.

Apresundebat general sur lesdifferentsaspectsdudossier, lesaxesdetravail suivantssontretenuspar consensus:

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1. Sur le plan des actions locales de pedagogie et d’information

Lesassociationspourront utilement et efficacement:a) Contribuer a une meilleure information des eleves sur l’existence de l’epreuve et sa nature,

notammentpar la diffusion au niveau deslyceesdela noted’information sur lesepreuvesdeberbere

au Bac;b) Contribuer a une meilleure information des chefs d’etablissements, des enseignants et des

conseillers d’orientation sur l’existence de l’epreuve et sa nature, notamment par la diffusion auniveau deslyceesdela noted’information sur lesepreuvesdeberbereau Bac;

c) Contribuer a une meilleure preparation des candidats a l’epreuve en instaurant chaque foisque cela est possible des cours specifiques en direction des eleves de terminale, au sein desassociations.

2. Sur le plan des actions locales en direction des institutions

a) Lesassociationsessayerontdeconvaincreleschefsd’etablissements, notammentdanslesregionsa forte population berberophones, de la necessite d’ouvrir des enseignementsfacultatifs de berberedansla perspectivedela preparation del’epreuve;

b) Elles engageront des demarches (courrier, entrevues, petitions locales) aupres des recteursd’academie dans les regions a forte population berberophone pour les convaincre de la necessited’ouvrir desenseignementsfacultatifsdeberbereet dedegager lesmoyensnecessairesa leur miseenplace; lesautoriteset personnaliteslocales(mairesdegrandesvilles, deputes)serontegalement saisiesdela question.

3. Sur le plan des actions pedagogiques globales

sont retenuslesobjectifssuivants:a) Elaboration, a partir du document actuel (no 3: LesepreuvesfacultativesdeberbereauBaccalaureat),

d’un manuel de preparation aux epreuves, qui comportera a la fois une selection de textes et les«Annales» desepreuvespassees.

Lesassociationssontinviteesaformulerpourlarentreedeseptembre1998toutesleursremarquesetsuggestionsapartirdudocumentexistant.

b) Le CRB essayera de repondre, chaque fois que possible, aux demandes d’encadrement et deformationformuleespar lesassociations; lesetudiantsavancesdel’INALCO (niveaumaıtrise, D.E.A. etdoctorat)seront systematiquement sollicitespour cela.

c) Leprincipedestagesdeformationendirectiondel’encadrementassociatif,pendantlesvacances

scolaires, sera explore des la prochaineannee universitaire. L’universite d’ete envisagee pour juillet1999 par l’association deSaint-Etiennepourrait constituer le cadred’unepremiere experience.

4. Sur le plan des actions institutionnelles globales

Uneseried’actionsconcerteesd’informationet/ oudepression sera engageeala rentree(courrier,demanded’entrevue, petition...)en direction:

– dela representation parlementaire,– despresidentsdegroupesparlementaires,– du Ministeredel’Education nationale

– dela presse.Danslesactionsa venir en direction despouvoirspublics, onmettra particulierementen avant lesargumentssuivants:

– Lescandidatsa l’epreuvedeberbereau Bac sont, tresmajoritairement (480%), denationalitefrancaise: il s’agit d’un besoin et d’unedemandedecitoyensfrancaiset non d’etrangersresidents. La

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questiondoit doncetretraiteecommeunproblemeinterieur francaiset nondanslecadrederapportsou considerationsdiplomatiques.

– La demande est de ja considerable et ne pourra que croıtre a l’avenir vu l’importance de lapopulation berberophoneen Franceet son attachement a sa langueet a sa cultured’origine.

– Lapriseenconsiderationdela langueberberepar l’E´ducationnationalefrancaiseestunpuissantfacteur devalorisation dupatrimoinepropredeseleves, donc d’integration harmonieuse.

5. Sur le plan du suivi du dossier « Berbere au Bac»

Il est decide, apresdiscussion desdiversessolutionsenvisageables:a) deconstituer ungroupedetravail restreint, chargedu suivi du dossier; il sereunira chaquefois

que debesoin et prendra toutes les initiatives adequates, dont il informera regulierement toutes lesassociations. Ce Groupe de Travail «Berbere au Bac» est constitue, autour de M. Chaker, de:

K. Aguenaou(Paris) M. Ferkal (Paris)M. Assam(Lyon) J. Ouggad-Douillard (Nantes)

A. Bouyahia(Paris) M. Saadi (Paris)N. Cheddad (Creteil) A. Sidous(Saint-Etienne)b) Chaque association designera en son sein un responsable «Berbere au Bac» qui sera le

correspond permanent du Groupe de Travail et se chargera de coordonner localement lesactionsrelativesa cettequestion.

L’ensembledesresponsableslocauxet desmembresdu GroupedeTravail sereuniront au moinsunefoispar an pour un bilan general et pour definir lesaxesdetravail del’annee suivante.

S. CHAKER

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Recherches sur l’Aures, bibliographie ordonnee

par NordineBoulhaıs1

L’Aures, massif montagneuxduNord-Est del’Algeriepeupledechaouıa(ouchaouis), presenteuninteretcertainpourqui veutetudier lesBerberes. En effet,malgrel’isolement(mythe?2)delaregionetsonhistoirelongtempsmisenavant,beaucoupaeteecrit– etil s’ecritencore– surl’Aures(oulesAures).

Dansle cadredenos recherches doctorales3, nousavons ete amenes a prendre connaissancedumaximumd’elementsbibliographiques concernant la region d’originedela communaute que nousetudionsdansnotretheseet qui est par ailleurslanotre. D’autrepart, nousconstituonsdepuispresde

troisansunfonddedocumentation personnel rassemblantlemaximumd’etudesrealiseessurl’Aures,dans un but de conservation. Certes nous n’avons pas pu tout consulter et les elements qui nousechappent encorea cejour nouschoisironsdelesciter, precedesd’un asterisque(*). Nousauronsunbutdesynthesebienquecetravail apourobjectif unlargepublic:ChaouisoupluslargementBerberesou Algeriens; personnes ayant connu l’Aures colonial (militaires, «Pieds-Noirs», administrationcoloniale, voyageurs); et surtout, plussimplement etudiants, chercheurset enseignants.

Noussommes partis notamment dela bibliographie etablie par Fanny Colonna4 en 1985. Nousavonsensuiteajoutecequi est,anotreconnaissance, paru entretemps(depuis13ansquandmeme)oucequ’ellen’apasjuge utilederetenir danssonchoix. Nousavonsegalementtrouvequelqueselementsdansla bibliographie, plus generalement consacree aux Berberes mais du point de vuelinguistique

seulement, deSalemChaker5

qui nousa d’ailleursinspirepourl’ideedecetravail. Dememecitonslatoute recentebibliographie deLamara Bougchiche6 qui nous a aussi servi. Nousavonsaussi reprisbeaucoupdereferencesdansla bibliographiela plusrecentesur l’Aures, celledel’article«Aures»del’Encyclopedieberbere(citeci-apres). Dememe, lesbibliographiesdechaquereferencequenousavonseua disposition, pourvu qu’elle en soit dotee, ont ete utilisees. Nousremercionsnotrecousin M. SalahBoulahis qui nousa apportecertain documents. Nousavonsenfin eu recoursa deslogicielscomme«Francis» ou «Docthese».

Nousavonslargementbeneficieduservicedepret inter-universitairedeLilleIII (memesi certainesbibliotheques refusent le pret de leurs ouvrages ou, comme la Bibliotheque nationale, font desphotocopies a des tarifs «dissuasifs»). Nous signalons egalement que certaines theses citees sontdisponiblessousformedemicrofichesal’Ateliernational deReproductiondesTheses(A.N.R.T.), rue

Angellier a Lille. Nous regrettons d’autre part quela situation en Algerie nenous autorise pas unvoyage qui aurait donne une autre dimension a ce travail, par exemple en nous permettant deconsulter la bibliographiedeBelkacemBoughida7. Lesvoyagesquenousavionsfait dansl’Auresen1991 et 1992 n’avaient pasete faitsdanscetteoptiquea l’epoque.

Denombreuxouvragesgenerauxevoquentdefaconpartiellel’Aures, nouschoisironsdeliberementdeneciter quelesreferencescentreessur cetteregion, saufquelquesexceptionsdontnousconnaissonsprecisement le contenu, ceci afind’eviter unebibliographiebien trop longue.

Nous avons beaucoup reflechi et hesite sur la maniere de presenter cette bibliographie qui

1. Etudiant en doctorat d’Histoire a l’UniversiteCharles-de-GaulledeLille III.2. Voir Jean Morizot, L’AuresouleMythedelaMontagnerebelle, citeplusloin.3. Voir notrethesedontlareferenceest ici citeedanscettebibliographie.4. Aures/ Algerie1935/ 1936, citedanscettebibliographie, pp. 209-214.5. Unedecennied’Etudesberberes(1980-1990). Bibliographiecritique, Bouchene, Alger.6. Lamara Bougchiche, Langueset Litteraturesberberesdesoriginesanosjours, Bibliographieinternationale, IbisPresse, 1997.7. Belkacem, K arimBoughida, Bibliographiesur l’Auresde1830a1880, voir § 4.3.

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comprend des references de toute nature: archives, ouvrages (biographies, militaires, romans...),articles, «litterature grise» (memoires, theses), articles d’encyclopedies, conferences, films, enregis-trementset meme expositions. Certainesreferences sont en langueetrangere, cequi a ete (en latin,allemand) oun’apasete(en anglais, italien, chaoui) unproblemepour nous. Nousavonsfinalement

opte pour une presentation thematique articulee autour des principales disciplines concernees(geographie, geologie, sciences naturelles, anthropologie; histoire de toutes les epoques – nousavons une formation d’historien; linguistique et litterature, sociologie, ethnographie et ethnologie,religion...). Noustiendronscependantcompted’unordrechronologiquedeparutiondesreferencesenmettantl’accentsur unecertainelogiquealaquellenousesperonsnoustenir. Notreplan tenteradoncde melanger themes et nature des elementsbibliographiques mais nous sommes bien conscient deslimitesdecetteorganisation memesi elle noussemblela pluspertinenteet moinsfadequ’un simplealignement par ordrealphabetique.

Leselementsbibliographiquesdereferenceet lesarticulationsdenotretravail serontsoulignesencaracteregras. Parfois, noussignalonslestitresenabregecar c’est souscetteformequenouslesavonstrouves.

Il est possibledecommencer par desetudegenerale, au senspluridisciplinaire, dela region. Il enexistededifferentesnatureset d’interet divers.

La premierequ’il fautconsulter car deloin la plusconciseet recenteest:– l’article «Aures» de l’Encyclopedieberbere, Edisud, Aix-en-Provence qui termine le no VII, 1989

(pp. 1066-1095) et debuteleno VIII, 1990 (pp. 1097-1169). Plusieursspecialistesontcontribuea cetecrit et nouslesciteronsau fur et a mesure denosdiversesrubriques.

Lememetyped’articlegeneral dansuneautreencyclopedie:– l’article «Awras» par G. Yver dans le tome I de l’Encyclopediedel’Islam. Dictionnairegeographique,

ethnographiqueet biographiquedesPeuplesmusulmans, Paris.Il ya deuxeditionsdecetouvrage. Danslaplusancienne(1913), il s’agit despages528a532.Dans

la nouvelle edition (1975), voir lespages793 et 794.Plusconsistantessont lesmonographies. Certainesanciennes, d’autresplusrecentes:– Raoul De Lartigue, Monographiedel’Aures, Constantine, Marle-Andrino, 1904, 491 p., ill. Etudes

geographique, historiqueet ethnographiquedela region.– *G. Rozet, Monographiedela Wilaya, Batna, imprimerie des arts graphiques A. Guerfi, 1971.– *Joseph Roland, EtudesurlaCommunemixtedel’Aures, Batna, A. Beun, 1894, 57 p., carte.Desarticlesplusoumoinsgeneraux et recentsegalement:– C. Latruffe, «LesmontsAoures, noticehistoriqueetgeographique» dansleBulletindelaSocietede

geographiedeParis, t. XX, 1880, pp. 577-585.L’etude du Dr Clastrier (voir § 3.2.), malgre son titre, est aussi en grande partie une etude

geographique(physiqueet humaine), historiqueet ethnographiquedu massif, dememeque:– E. Fallot, «Etudesur lesmontsAures» dansleBulletindela SocietedeGeographiedeMarseille,t .X,

1886.Oulememoireau C.H.E.A.M. du:– *CapitaineHenri Achard, L’Aureset lePayschaouıa, no 3295.Concis et neanmoins complets, elements interessants que sont ces archives militaires (Service

historiquedel’ArmeedeTerreaVincennes)faisant suiteadeuxepoques-clesdel’histoiredel’Aures,la conqueteet ledebut dela guerre d’independance:

– CapitaineFornier, Noticesur l’Aures, 8 janvier 1845, 17p., archive1H229. Faitavantlaconquetedumassif et a partir desarchivesturquesdeConstantineprobablement.

– Notesur l’Aures du Service des liaisons nord-africaines, 1er decembre 1954, 17 p. Cettearchive

evoquela geographie, la population, l’economie, la politiquedu massif. Deux cartes (geographie +tribus), deuxtableaux (tribus), archive2102/ 2.Unedesfaconslesplusagreablesd’aborder l’Auresdanstouteslesdisciplines– oupresque– est le

recent et tresinstructif numero del’emission TV Montagne(France3):– «Avoir 2000 ansdanslesAures» deDjamila Sahraoui, 1993.

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I. MILIEU ET POPULATION AURASIENS, BIBLIOGRAPHIEGEOGRAPHIQUE

Lepoint dedepart detouteetudegeographiqueest la carte, celledel’I.G.N (Saint-Mande)laplusancienne:

– «Aures, Batna»,1/ 200000, feuilleno38, servicegeographiquedel’armee, reviseen1932, copiemonochrome.

Anciennes etudes

Deux articlesdesAnnalesdegeographieconstituent desetudeslocalesvieillies:– Maurice Besnier, «Notes sur l’Aures: la plaine d’Arris» dans le t. VIII, 1899, pp. 366-369,

photos.– Henri Busson, «Les vallees de l’Aures» dansle t. IX, 1900, pp. 43-55 avec planches et carte.

Moinsancien:– A.-E. Mitard,«Apercussur lesgrandstraitsgeographiquesdel’Aures»danslaRevuedeGeographiealpine, vol. 29, 1941, pp. 537-578, photos, cartes. Fait l’etudedeslimites, divisionsregionales, voiesdecommunication.

Detresnombreuxvoyageursontparcouru le massif a l’epoquecoloniale(surtoutauXI Xesiecle)et

ont laisse des recitsinteressants. De meme, lesdifferentes personnes y ayant se journe pour diversesraisonsfaisaientaussi desdescriptions. Du plusancienauplusrecent, d’abordceuxqui evoquel’Auresprecisement:

– *Achille Cibot, Souvenirs du Sahara. Excursion dans les MontsAures, Alger, Galmiche, 1870, 13 p.,planches.

– *Dr DorotheeChellier, Voyagedansl’Aures, Notesd’unMedecinenvoyeenmissionchez lesfemmesarabes, Tizi-Ouzou, J. Chellier, 1895, 38 p.

– Th. Salome, «Uneascension dansl’Ahmar-K haddou» dansl’Annuaire du Club alpin, 1896,pp. 577-585.

– *G. Morael, «Uneexcursiondansl’Aures» dansleBulletindela SocietedeGeographiedeDunkerque,1900.

– GeorgesPillion, «Dansl’Aures»danslaRevueduTouring-ClubdeFrance, XXXIV, janv-mars1924,pp. 9-11& 107-112. Photos, cartes.

– S. Fremont, L’Afriqueinconnu: l’Aures, Paris, a compted’auteur, 1928, 63p., illustrations(dessins)del’auteur.

– *LeonSouguenet, J uliaDona. Missionsdansl’Aures(1915-1916), Bruxelles, Larenaissancedulivre,1928.– OdetteKeun,L’Auresinconnu, Soleil, PierresetGuelaas, Paris,Societefranc aised’editionslitteraireset

techniques, 1934, 219 p.Delameme:– *LesOasisdanslaMontagne, Paris, Calmann-Levy, 1919.– Cl. -M. Robert, LeLongdesOuedsdel’Aures, Alger, Bacconier, 1938, photographies, dessins, carte

(itinerairetouristique).– GeorgesRozet, L’Aures, Escalier duDesert, Alger, Bacconnier, 1938, 158 p., illustrations.Du meme:– *LesKabyles. L’Aures, Alger, publicationsducentenaire de l’Algerie, 1929.

Les descriptions locales

A. Papin:– *LaGuelaadeKebaıchet l’OasisdeMechounech, Paris, Joseph Andre, 1894.

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– *DescriptiondeMenaaetd’unGroupedeDanseusesdesOuladAbdi (Auresoccidental)accompagneedeNoteshistoriqueset archeologiques, Paris, J. Andre, 1895, 16 p.

– *J. Hurabielle, AuPaysduBleu, Biskraet lesOasisenvironnantes, Paris, 1899.Un artiste:

– B. Sarraillon, Rouffidansl’abımedel’Aures, Alger, La Typo-Litho, 1957. Cinquantecroquis.Destravauxincluent, au contraire, l’Auresdansdesdescriptionsplusetendues– *C. Carteron, VoyageenAlgerie, Paris, Hetzel, 1866, pp. 295-322.– *Colonel Vincent Noellat, L’Algerieen1882, Paris, L. Baudouin, 1882.– *L. Piesse, Itinerairedel’Algerie, dela Tunisieet deTanger, Paris, Hachette («guidesJoanne»), 1885

(1916).– Ernest Fallot, Au-deladelaMediterraneeKabylie, Aures, Kroumirie, Plon, Paris, dessins.– De L’Harpe, «Dans le Sud algerien. A travers les montagnes del’Aures et dans les Oasis du

Souf»dansLeTourduMonde, J ournal desVoyagesetdesVoyageurs, nouvelleserie,1901, pp. 133-156, Paris,Hachette& Cie, dessins.

– *A. Dupony, «UneAlgerie peu visitee: l’Aureset leZab-Chergui » dansla Revueuniverselle, t. 1,

1922.En langueetrangere:– *Leopold Buvry, «Mittheilungen aus Algerien. Der suddischeHohenzug. Der Djebel Aures»

dansZeitschrift fur Erdkunde, Berlin, 1857, 1858, 1860. La traduction a paru sousletitre«ExplorationscientifiqueduDjebel Aures»danslaRevuedel’Algerie, del’OrientetdesColonies, VI I, 1858, pp. 47-56&166-182.

– *J.-C. Dean, A Visit totheAuresMountainsin J ulydansLand and Water, 7th august, 1875.– *R.-L. Playfair, «Narrativeof aConsular Tour in theAuresMountainsundertaken in April and

May» dansConsular commercial Reports, part 2, 1875.Du meme:– * TravelsintheFoolstepsof BruceinAlgeriaandT unis, London, 1877, pp. 61-97.– *D. Randall Mc Iver, A. Wilkin, LybianNotes, London, Macmillan, 1901.– Capt. M. W. Hilton – Simpson, AmongtheHill-Folkof Algeria. J ourneysamongtheShawiaof theAures

Mountains, illustrations, carte, London, T. Fischer Unwin, 1921.

La geographie de l’Aures

Letravail dereferenceen geologie est unethesememesi elle est relativement ancienne:– Robert Laffitte, Etudegeologiquedel’Aures, facultedessciencesdel’universitedeParis, Alger, 1939.Lememeauteur a ecrit un article:– *«Structureet relief de l’Aures (Algerie)» dans le Bull. Ass. Geogr. fr., no 119, 1939, pp. 34-40.D’autres theses, la plupart realisees par des Algeriens, associent l’Aures a des regions voisines:– *Djafar Mohammed Aissaoui, LesSeries carbonateesduJ urassiquesuperieur desAures-Hodna(Algerie):

Sedimentologieet Diagenesesyn-sedimentaire, 1979, ParisVI , doctorat de3ecycle en sciences.– *Rachid Aıt Ouali, EtudedesStadesdiagenetiquesdesseriescarbonateesduJ urassiqueterminal desmontsdes

Aureset desOuledNail (Algerie), 1982, Pau, doctorat de3ecycle en sciences.– *DominiqueBureau, Approchesedimentairedela Dynamiquestructurale: Evolutionmesozoiqueet Devenir

tertiairedelaPartieseptentrionaleduFossepresaharien(Sud-OuestConstantinoisetAures, Algerie), doctorat d’Etaten Sciences, dirigepar Xavier LePichon, ParisVI , 1986.

– *HaceneGhanoriche, ModalitesdelaSuperpositiondeStructuresdePlissement– Chevauchementd’AgealpindanslesAures, thesededoctorat nouveau en Sciencesdirigeepar Jean Anorieux, ParisXI, 1991, bibl.

– *Abdelkrim Mihoubi, Les Series carbonatees du Cenomanien et du Turonien dans l’extremeNord-Est duSaharaseptentrional algerienetsaBordureNord-Ouest(Aures). DonneesdeSubsurfacesetAffleurements. Stratigraphie,Sedimentation et Diageneseprecoce, these de doctorat en Sciences dirigee par S. Elmi, Lyon I, 1994.

– *J. Benkhellil & J.-S.Magagnosc,EtudegeologiquedelaRegiondeMenaadanslesAures(Algerie),D.E.A.,stageprinc., Lab. geol. struct., UniversitedeNice, 1973, 18 p., 16 fig., 1 carte.

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– *MustaphaBensalah, L’Eocenecontinental d’Algerie: l’Importancedelatectogenesedanslamiseenplacedessedimentset desprocessusd’epigeniedansleurtransformation, these, 1989.

Desetudespluscourtes, plusou moinsanciennes:– E. Ficheur,«Lesplissementsdel’Aureset lesformationsoligocenesdansleSuddeConstantine»

dansComptesRendusdel’AcademiedesSciences, CX XVI, 1898, pp. 1826-1828.– *M. Dalloni, «Rapportgeologiquesurl’hydrologiedela region deTamagra(communemixtedeK henchela) » dansServ. Cartegeol. Algerie, 1925, 2e fasc, pp. 150-153.

– Jacqueline Beaujeu-Garnier, «Sur la presence de formations de type dit ‘‘periglaciaires’’ enAlgerie orientale» danslesComptesrendusdel’AcademiedesSciencesdeParis, t. 240,1955, pp. 1246-1248.

– *A. Cornet,N. Gouskov& C. Pinard,«Sur lafossesud-aurasienne(Algerie) »dansleCR Somm.Soc. Geol. Fr., 1959, 7eserie, t. 1, pp. 83-84.

– *D. Bureau,«ConditionsdesedimentationduValanginieninferieur auNorddel’Aures»dansleBull. Soc. Hist. nat. AfriqueduNord, Alger, t. 64, 1973, fasc 3 & 4, pp. 151-158.

Du meme:– *«Role du rhegmatisme dans l’interpretation des elements paleogeographiques du Nord de

l’Aures (Algerie) » dans les Ann. scient. Univ. Besancon, geologie, 3e serie, fasc. 22, 1974, pp. 101-121.

En geomorphologie, le specialistedel’Auresest Jean-LouisBallais– Sa these, disponible a  l’A.N.R.T (10 microfiches dont 2 de planches), s’intitule Recherches

geomorphologiques dans les Aures (Algerie), doctorat d’Etat, Paris I, 1981, 556 p. Il en a donne uncompte-rendu dans:

– *IntergeoBulletin.Bulletintrimestriel desInstitutsetCentresdeRecherchesgeographiques, Paris, 1982, vol.16,no 68, pp. 5-9.

– Il a donctout logiquement eteconvie a prendre part a l’article «Aures»del’Encyclopedieberbere(uneregion geomorphologique; lesgeosystemes). Pp. 1066-1095. Cettecontribution a fait suitea de

nombreux articles:– *«EtudecomparativedesglacisdespiemontsNord et Sud desAures» danslesColl. geom. Glacis, Tours, 1975, imp. univ., pp. 11-16.

– *«MorphogeneseholocenedanslaregiondeCheria(Nementchas-Algerie) »danslesActesSymp.Versants en Pays medit., Aix-en-Provence, 1976, CEGERM, vol. V, pp. 127-130, 1 fig., 2 tabl., disc.

– *avec T. Vogt, «Croutescalcairesdupiemont NorddesAures(Algerie) » danslesRech. geogr. aStrasbourg, 1980.

– *«Lesgrandesphasesdemodificationdel’environnementdanslesAures(Algerie)aucoursdelaperiodehistorique»dansBulletindel’AssociationdeGeographesfrancais, Paris, 1984, vol.61, no499,pp. 73-76, fig., res., bibl.

– *«Les rapportsentre les terrasses et l’evolution des versants dansles Aures (Algerie) » dans le

Bulletin del’Association francaisepour l’Etudedu Quaternaire, Paris, colloque AFEQ (1983), 1984, vol. 21,no 1-2-3, spec., pp. 170-172, 2 fig., res., bibl.

– *«Modifications del’environnement dansles Aures (Algerie) au cours de l’holocene» danslesCahiers ligures dePrehistoireet d’Archeologie; Modifications del’Environnement a laFinduPleistoceneet pendantl’HolocenedansleBassinmediterraneenoccidental, 1985, 1987, no 2, pp. 125-139, fig., tabl., bibl. Actesducolloque, Toulouse.

– *avecM.-K.Meharzi,«Leroledel’orographiedanslarepartitionspatialedesprecipitationsdansle massif del’Aures» dansMediterranee; Geographiephysiquedel’Algerieorientale, 1994, no 3-4, pp. 73-78,8 fig., 2 tabl., bibl.

– *«Zonationet aridificationau quaternaire moyen dansl’Atlassaharienalgerien oriental» dans

Physio-GeoParis; Heritages geomorphologiques et paleoenvironnements duQuaternairemoyen mediterraneen, 1985,no 14-15, pp. 125-130, cartes, res., bibl.– *J. Cabot, «Recherchesmorphologiquessur lepiemontmeridional del’Aures» dansla Revuede

Geomorphologiedynamique, XXeannee, no 3, 1971, pp. 129-140.– MarcCote, «Geomorphologie et evolution historiquesur quelquespiemontsdel’Est algerien»

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dansEtudesmediterraneennes; GeomorphologieetDynamiquedesBassins-VersantselementairesenRegionsmediterra-neennes, 1988, no 12, pp. 221-227, cartes. TablerondedePoitiers.

– *PierreMerlin, «Resultatd’uneanalysemorphometriquedequelquesmassifsmontagneuxnord-africains: GrandeK abylieet Djurdjura, Aures, Plateaucentral marocain»dansBulletindel’Association

desIngenieursgeographes, n

o

23, juillet 1962, pp. 134-137, multigraphie, tableaux, Paris, 1962.La floreet la fauneaurasiennesont fait l’objet d’etudes.– *ErnestSaint-CharlesCosson,RapportsurunVoyagebotaniqueenAlgerie, dePhilippevilleaBiskraetdans

lesMontsAures, V. Masson, Paris, 1856, 159 p., carte; extrait desAnnalesdesSciencesnaturelles, 4eserie,t. IV.

– *L. Faurel & R. Laffitte, «Facteursderepartition descedraiesdanslesmassifsdel’Aureset duBellezma» dansle Bulletin dela Societed’Histoirenaturelled’Afriquedu Nord, t. 40, no 5-6, 1949, Alger,pp. 178-186.

Deuxthesesavec un cadregeographiqueelargi :– *K helifa Abdessemed, LeCedredel’Atlas (Cedrus atlantica manetti.) dans les Massifs del’Aures et du

Bellezma: Etudephytosociologique, Problemes deConservation et d’Amenagement, these, sciences biologiquesfondamentaleset appliquees, 1981, Aix-MarseilleIII.– *WissamSafar,  Contributiona l’Etudedendro-ecologiquedu Pin d’Alep (Pinus halepensis mill.) dans une

Region semi-aride d’Algerie: l’Atlas saharien (Ouled Nail, Aures, Hodna), these de doctorat en sciencesbiologiquesfondamentaleset appliquees, dirigepar L. Tessier, Aix-MarseilleIII, 1994.

Sur la fauneau siecledernier :– *A.E. Pease, «On theantelopesof theAuresandeastern algerian Sahara» dansProc. Zool. Soc.,

part. IV, London, 1896, pp. 809-814.

L’Aures recent : geographie et economie

Un manuel scolairealgerien pour unepresentation:– *Institut pedagogique national, Manuel deGeographiede6eanneesecondaire, L’Algerie, Alger, 1969.Desguidestouristiquesetbrochuresofficiellesrelativesal’amenagementduterritoirefontunemise

aupointrespectivementlocaleetdesprojetsencequi concernel’economiedelaregionauxdifferentesepoques.

– *«LeTourismedanslesAures», 1912,– *«Itinerairesen Algerie. L’Aures», 1925,

supplementsau Bulletindel’OfficeduGouvernementgeneral del’Algerie.– Philippe Thiriez & Cherif Merzouki,  En flanant dans les Aures, editions Numidia, Aın-M’Lila

(Algerie), 1986, 118 p., ill.– Les Aures d’Hier a Demain est une brochure editee par le ministere de l’Information algerien

(directiondeladocumentationetdespublications), collection«Visagesdel’Algerie»,1968, 118p., ill.Deux etudesrealiseespour l’Etat:– *AARDES (Association algeriennepour la recherchedemographique, economiqueet sociale)et

CASHA (Centre africain des sciences humaines appliquees), Etudegeneraledu Departement del’Aures,Alger, AARDES, 1966, 7 volumes.

– *Bureau national d’etudes economiques et techniques (ECOTEC), Etudepour le Developpementregional dela Wilayadel’Aures, Alger, ECOTEC, 1970, 17 volumes, cartes.

La contribution de:– Jean-LouisBallaisal’article«Aures»(lesflux:del’autarcieal’integration)del’Encyclopedieberbere,

pp. 1081-1095.Les references concernant l’agriculture seront enoncees ulterieurement etant donne que nousenvisageons, memesi noussavonscettedistinction discutable, pluscelle-ci commeunaspectdela viequotidiennedepar sa traditionnalite qu’en tant quesecteur economique, cechoix est favorisepar lanaturedestravauxaciter. Cependantquelquestravauxsurl’agriculture; enparticulierlaplanification:

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– RolandMiette, Applicationd’unProgrammedeTravauxetdeMiseenValeur dansleCadreduPlan quinquennal pour le Departement del’Aures, rapport remis au general de division de Creve-Cœur le 13 mars 1959, 33 p. Bibliotheque du Centre des Hautes Etudes sur l’Afrique et l’AsieModernes, cote3052.

– RolandMiette, Rapport complementairesurlePland’E´

quipementquinquennal del’AgricultureduDepartementdel’Aures, rapport remisau general dedivision deCreve-Cœur le 13 mars1959, 49 p.Relativemental’economie,certainstravauxincluentl’Auresdansunensembleregional plusvaste:– ColetteBerthier, Activite, Chomageet Emigrationdansl’Est algerien(Essai deRegionalisationapartir d’un

 Traitement graphique de l’Information – Recensement de 1966, these pour le doctorat de 3e cycle engeographie, UniversitedeStrasbourg, 1974.

– R. Descloitres, H. Comet,  Commune et Societe rurale en Algerie. Administration et Participation auDeveloppementenAlgerie, Aix-en-Provence, CASHA, 1968, multigraphie, 87 p., cartes.

D’autresprennent l’Aurespour illustration deleursrecherchesen economie commeCh. Anders-son:

– *Le Contexte socio-economique de l’Amenagement forestier et pastoral, rapport final d’une mission FAO,

Constantine, 1973.– «Entre economie de marche et economie planifiee: l’exemple d’une economie paysanne des

Aures», vol. 1, pp. 398-404desActesduXXIVeCongresinternational deSociologie(Alger, 25-30mars1974),Alger, officedespublicationsuniversitaires, 1976.

Cependant, deuxtravauxont pour objet l’Aures:– *A. Metboul, Diagnosticdel’etatactuel desForcesproductivesdansl’AgriculturedelaWilayadel’Aures: Essai

d’AnalysepourleSecteurprive, diplomed’etudessuperieuresdescienceseconomiques, Universited’Alger,1972.

– Abdelaziz Louamri, Amenagementshydrauliqueset Irrigation. L’AuresetsesBorduresfaceauDeveloppement(Algerie), doctorat de3ecycleen geographie, dirigepar ReneFrecaut, Nancy II, 1984.

Uneserie d’articlesallemandsdansDieErde:– *D. Muller-Mahn, «Bauern, Forster, Planer: Unterschiedliche Problemsicht und die Planung

von Entwicklungsprojekten imAures– Gebbirge/ Ost – Algerien», 1992, vol. 123, no4,pp. 297-308,tabl., cartes, bibl. Evoqueleconflit entreleseleveurset le servicedesforets.

Lememeauteur presenteun projet agro-sylvo-pastoral planifiedepuis1985:– *«Landliche Regionalentwicklung. Ein Projektbeispiel in Algerien», 1993, vol. 45, no 5,

pp. 301-307, fig., photo, bibl.Sur unprojet germano-algerien qui apour but demontrer lesapplicationsdelateledetectiondans

lesdomainesdela vegetation et del’utilisation du sol:– M. Nusser, «Vegetation und Landnutzung im ostlichen Aures (Algerien). Untersuchungen in

einem nordafrikanischen Gebirgsraum mit Methoden regionaler Fernerkundung», 1994, vol. 125,

no

1, pp. 57-74, fig., tabl., phot., bibl.– M. Bartels& P. Ergenzinger, «FernerkundungundlandlicheRegionalplanung: Ressourcen imOst-Auresin Algerien», 1988, vol.119, no4, pp. 283-294, fig., tabl., carte(Inventairedupotentiel dubassin deBouhmama graceau Thematic-Mapper a partir desphotosdu Landsat V.)

Si l’onveutdesetudesauneechelle«intra-regionale», sur telleoutellepartie, villedumassif ouenperipherie decelui-ci, il existelesarticlesdel’Encyclopedieberbere:

– l’article«Arris» par Jean & PierreMorizot, vol. 6, 1989, pp. 912-916;– celui «Batna» par Marc Cote, vol. 9, 1991, pp. 1389-1394;– celui «Biskra» par Marc Coteegalement, vol. 10, 1991, pp. 1517-1522.En cequi concernela villedeBatna, unetheserecente:

– Louiza Haddad epouse Aouachria, LeRoledeBatna dans sa Wilaya, doctorat de3e

cycle, Aix 2,1988. Disponible a l’A.N.R.T (1 microfiche).Autrestravauxuniversitairessur un villageet unevilleaurasiens:– Alexandra Sainsaulieu, L’EvolutiondesActiviteset del’Habitat aMenaa(Aures), Maıtrise degeogra-

phie, dirigeepar M. dePlanhol, ParisI V.

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– *W. Lidi Selimanowski, Etudesocio-economiqued’unepetiteVilledel’Estalgerien: Khenchela, maıtrisedegeographie, Paris, 1974.

Dansun travail d’anthropologie que nousevoqueronsplustard, deux chercheurs(Marie-ClaudeChamla & FrancoiseDemoulin) font un prealablegeographiquea uneetudesur Bouzina:

– «Donnees demographiques sur une commune rurale de l’Aures (Bouzina, Algerie) » dansL’anthropologie, t. 79, no 2, pp. 285-298, Paris, 1975.– *«Etudehistoriqueet socio-demographiquedeBouzina, communeberberedel’Aures, Algerie»

dansL’Anthropologie, 1981/1982, no 2, pp. 269-298 & no 3, pp. 471-508.

– article «Aures» (conditions de vie et demographie d’une population chaouıa) de l’Encyclopedieberbere, vol. VIII, 1990, pp. 1152-1154.

– *«Condition de vie et structure demographique d’une population berbere rurale de l’Aures(Algerie) »dans TravauxduLaboratoired’Anthropologie, dePrehistoireetd’EthnologiedelaMediterraneeoccidentale,Aix-en-Provence, 1983, no 12, 22 p., 6 tabl., 4 fig., bibl.ou Population, Paris, 1983, vol. 38, no 4-5, pp. 849-865, 5 tabl., bibl.

Autresetudeslocalisees:

– *ANAT, Pland’Amenagement delaWilayadeBiskra, rapport final, Alger, 1988, 347 p.Desetudeslocaliseeset specialisee:– *M. Duquesnoy, «Barrage deFoum el Gherza» dans Terres et Eaux, no 7, Alger, 1949, 40 p.– *N. Gouskov, «LebarragedeFoumel-Gherza»,XIXeCong. geol. intern., Alger, 1952, t. 1, L, 13p.– *P. Rognon, «Labassevalleedel’oued Abdi »dansles Travauxdel’InstitutdeRecherchesahariennes,

Alger, vol. 11, 1er sem. 1954, pp. 79-94.– Anonyme, «Valleedel’oued el-Abiod» dansleDictionnaireillustredesMerveillesnaturellesduMonde,

collectif, selection du Reader’sDigest, Paris, pp. 25-26, photographie, 1977.Pour laperipherie dumassif, il fautsereporter a diversesetudes.– J. Blayac, «Le pays des Nemenchas a l’Est des monts Aures (Algerie)» dans les Annales de

Geographie, t. VIII, 1899, no 38, Paris, pp. 141-159.Sur cemassif voisin del’Aures, lesdeuxmemoiresau C.H.E.A.M. dePaul Nadler:– *Histoireet GeographiedesNemenchas, mai 1962, 53 p., photos, cartes. Cote3586.– *LesNemenchas– Geographiephysique, economiqueethumaine– Perspectivesd’Avenir, 1959, photos, cartes.

Cote3098.– *Y. Bellion,EtudegeologiqueethydrogeologiquedelaTerminaisonoccidentaledesMontsduBellezma(Algerie),

thesede3ecuycle, ParisVI , 221 p.– *Y. Bellion, J.S.Magagnosc, J. Nicod(dir.), «LestravertinsduKef Sefiane, extremiteoccidentale

desmontsdeBatna-Bellezma(confinsHodna-Aures;AlgerieduNord).Positionetsignificationdanslecontexte morphogenetique regional» dans Phenomenes karstiques III, Paris, CNRS, memoires etdocumentsdegeographie, 1982, pp. 181-202, fig., carte, coupes, res., bibl.

– MarcCote, article«Bellezma» dansEncyclopedieberbere, vol. IX, 1991, pp. 1415-1417.Quelquestravaux universitairesenglobent l’Auresou partie:– *M. J. Benoit, B. Lambert, J.M. Letulle & A. Rabec, La plainedeMerouana et son encadrement

montagneux(Algerie), maıtrisedegeographie, Caen, 249 p.– Marc Cote, Mutations rurales dans les hautes Plaines de l’Est alge  rien, the ` se lettres, Nice,

1977, 189 p.

– *Abdesselam Berkane, De veloppement rural des Plaines du Nord de Batna, 3e cycle, 1982,Montpellier.

G. Abdelwahab Lekhal, Essai methodologiquededefinitiondespetitesvillesalgeriennes:Exempledespetitesvillesdel’Est, these, Strasbourg, 1982.

Les hommes de l’Aures : etudes anthropologiques

Lesetudessur lesChaouıaenanthropologieontcommencedanslafouleedesetudessur lesracesetleursoriginesdudernier tiersdu XI X

esiecle.

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– M. Guyon, «Sur laraceblanchedesAures»danslesComptesrendusdel’AcademiedesSciences, 1845,pp. 1388-1389.

– Papillault, «Sur les populations de l’Aures. Notes redigees d’apres les observations deD. Chellier» dansleBulletindela Societed’AnthropologiedeParis, serie4, t. VII, 1897, tableaux.

– P. Barret, «Contribution al’etudeanthropologiquedesBerberes, lesChaouıasdel’Aures» dansL’Anthropologie, vol. 48, 1938, pp. 213-215.Maisles etudes en anthropologie sur lesChaouıa sont principalement, pour nepas dire exclusi-

vement, le fait de deux chercheurs: Francoise Demoulin et Marie-Claude Chamla. Un ouvragerassemble leursetudes:

– CroissancedesAlgeriensdel’Enfanceal’Ageadulte:Regiondel’Aures, Paris, EditionsduCNRS, 1976,176p.,tableaux, graphiques.

Mais, ellesontrealisedesarticlesdansL’Anthropologiesurl’etudequ’ellesontmeneedanslevillagedeBouzina:

– «Reflectancedelapeau, pigmentation descheveuxetdesyeuxdesChaouıasdeBouzina(Aures,Algerie)», 1978, no 1, pp. 61-94.

– «Donnees biometriques en rapport avec l’etat nutritionnel d’une population adulte ruraled’Afriquedu Nord (Algerie, Aures)», vol. 82, no 2, 1978, pp. 247-282, tableaux et graphiques.

– «Les dermatoglyphes digito-palmaires des Chaouıas de Bouzina (Aures, Algerie). Analyseintrapopulationnelle», vol. 83, no 4, 1979, pp. 626-664, tableaux et graphiques.

D’autresarticlescompletent:– *«Croissance et conditionsde vie dansla region de l’Aures (Bouzina, Menaa et Arris) » dans

Libyca, vol. 23, 1975, pp. 9-40.– *«Conditionsdevie et structures demographiquesd’unepopulation berbere ruralede l’Aures,

Algerie» dansPopulation, 1983, no 4-5, pp. 849-865.Enfin, ellesontnaturellement contribuea l’article«Aures»del’Encyclopedieberbere:– Morphologie desChaouıas, pp. 1141-1142.– Croissancedesenfantschaouıas, pp. 1142-1152.Ellesont utilise:– *Recensement general delaPopulationetdel’Habitat1966,Wilayadel’Aures, Sous-direction statistiques,

Oran, 1969, serie1, vol. 4, 224 p. roneot.

II . L’AURES AU FIL DES AGES: BIBLIOGRAPHIE HISTORIQUE

Peu de travaux font une etude a la fois complete (chronologiquement transversale) et centree

exclusivementsur l’Aures. Aveclavolontedeproposer unethesedifferentedecelletraditionnelled’unAures-forteresse (le titre est a lui seul tout un programme) – bien que l’on regrettera la rapiditesurprenante avec laquelle sont traitees des periodes-cle a l’origine de ce mythejustement (invasionarabe, guerre d’Algerie notamment) – une relativeexhaustiviteet une richedocumentation sont lesinteretsd’un desouvragesdereference:

– Jean Morizot, L’Aures ou le Mythe de la Montagnerebelle, L ’Harmattan, collection «histoires etperspectivesmediterraneennes», 1991, 274 p., ill.

Notons que ce livre inspire largement la contribution de son auteur a l’article «Aures» (partiehistorique)del’Encyclopedieberbere.

L’Aures prehistorique et antique

Il est possible decommencer avec l’etudede:– Ali Guerbabi, Recherches sur les Origines du Peuplement del’Aures, maıtrise d’histoire, universite de

Provence, dirigepar G. Camps, 1979, cartes, bibliographie.

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Laprehistoire en Auresa fait l’objet d’etudeslocalestresponctuelles: Jean-Louis Ballais, le geographedont nousavons citequelques travaux, a ecrit des articles a ce

sujet:– *«NouveauxsitesprehistoriquesdesAureset deleursbordures» dansLibyca,t.XXVI-XXVII,

1978-1979, pp. 135-145.– *Avec C. Roubet, «Morphogenese et prehistoire dans les Aures (Algerie) » dans la RevuedeGeologiedynamiqueet deGeographiephysique, vol. 23, 1}981-1982, pp. 375-384.

– *Avec J. Cohen, «Problemesdefossilisation et d’interpretation despollensd’un travertin actuelde Sidi-Masmoudi (Aures-Algerie)» dansles Comptes rendusdela SocietedeBiogeographie, 1985, 61 (4),Paris, pp. 118-128.

L. Joleaud & R. Laffitte:– *«GrotteprehistoriquedeK hanguet Si Mohamed Tahar (Auresseptentrional) »dansle J ournal

delaSocietedesAfricanistes, t. IV, fasc. 1, 1934, p. 111-114.– *«Le remplissage d’une grotte prehistoriquedeKhanguet Si Mohamed Tahar (Aures septen-

trional) » dansL’Anthropologie, 1934, p. 469.

– *M. Couvert, «Etude de quelques charbons prehistoriques de la grotte Capeletti (Aures-Algerie)» dansLibyca, Alger, t. XVI I, 1969, pp. 213-216.

A proposdecettegrotte, la thesedeColetteRoubet:– *LeNeolithiquedeTraditioncapsienneenAlgerieorientale: la GrotteCapeletti auKhanguetsi MohamedTahar

(Aures), doctorat d’Etat en histoire dirigee par Lionel Balout, 1976, Paris X. Publiee avec quelquescontributionssousletitre: EconomiepastoralepreagricoleenAlgerieorientale:leNeolithiquedetraditioncapsienne.Exemple: l’Aures, Etudesd’antiquitesafricaines, CNRS, Paris, 595 p.

Un articledu memeauteur sur la grotteetudieedanscettethese:– *«La grotte Capeletti de Khanguet si M ohamed Tahar (Aures-Algerie). Etude preliminaire»

dansLibyca, Alger, t. XVI I, 1969, pp. 203-211.

Desvoyageursdel’epoquecolonialeontlaissedesrecitsdeleursdecouvertesaproposdel’antiquite.C’est lecasd’Emile Masquerayavec troisarticlesdansle BulletindeCorrespondanceafricaine:

– «LebourgdesAoulad Zeıan et leFedj presKhenchela» (I), 1882, pp. 264-269.– «I nscriptionsinedites. Ouad Abdi », nov-dec 1882, pp. 327-341.– «Quelques inscriptions du Bellezma, de N’Gaous, de T obna et de Mdoukal» (II), 1884,

pp. 219-227.Et quatreautresdansla Revueafricainedont un rapport derechercheen deuxparties:– «Rapport a M. le Gal Chanzy, gouverneur de l’Algerie, sur sa mission dans le Sud de

Constantine», vol. 20, 1876, pp. 257-266, 352-366, 456-469.– «2e rapport a M. le Gal Chanzy: Seriana, le Belezma, Ngaou, Tobna, Tolba», vol. 21, 1877,

pp. 33-45.– «Ruines anciennes de Khenchela (Mascula) a Besseriana (Ad majores)», 1878, pp. 444-472;

vol. 23, 1879, pp. 65-81, 81-94.Lememe, dansle Bulletindela SocietedeGeographiedeParis, nov. 1876:– «Voyagesdansl’Aouras», pp. 449-472.– Leplan desruineset desnecropolesd’Ichorkkan.LathesedeMasqueray, en languelatine, portesur l’Auresdu debutdu II

esieclea l’expeditiondeSalomon:

– DeaurasioMonteabinitiosecundi p. chr. Saeculi usqueadsolomisExpeditionem, thesimfacultati litteraremin academia parisiensi proponebat, Paris, 1886.

Masqueray n’est pas le seul au siecle dernier a avoir ecrit sur ses decouvertes archeologiques:

– *Colonel Carbuccia,DescriptiondesRuinessitueessurlaRoutesuivieparlaColonneduGeneralSaint-ArnauddanslesNementchaset danslesAures, Bibliothequedel’Institut, Paris.– *Gal Franciades-FleurusDuvivier, RecherchesetNotessurlaPortiondel’AlgerieauSuddeGuelmadepuisla

FrontieredeTunis jusqu’auMont Aures compris, indiquant lesanciennesRuinesromainesencoreapparentes, Paris,L. Vassal, 1841, 66 p., carte.

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– *LeonRenier, Notesd’unVoyagearcheologiqueaupieddel’Aures, Paris, A. Leleux1852, 24p., planche;extrait dela Revuearcheologique, 8eannee.

– HenryDuveyrier, «Lettressur lesinscriptionsromainesrecueilliesdansl’Aures», dansleRecueildesNoticeset MemoiresdelaSocietearcheologiquedeConstantine, 1861, pp. 106-114.

– *StephaneGsell & Henri Graillot, «Exploration archeologiqueen Algerie. RuinesromainesauNorddel’Aures(aunord desmontsdeBatna)» danslesMelangesd’Archeologieetd’Histoire, EcolefrancaisedeRome, P. Cugginani, 1894/ 5, 2 vol., t. XIII & XIV, fig., pl., cartes.

– *G. Alquier, «Les ruines antiques de la vallee de l’oued el Arab» dans la  Revue africaine,1941, pp. 31 & suiv.

– *L. Leschi, «Un aqueduc romain dansl’Aures» dans la Revueafricaine, no 89, 1941, pp. 23-30.– *Jean & PierreMorizot, «Lesruinesromainesdela valleedel’oued Gechtane(Aures)» dansla

Revueafricaine, XCII, 1948, pp. 120-142.On a aussi trouvedesinscriptiuons«autochtones»:– *S. Gsell, «Inscription libyque d’El K antara» dansle Bulletin archeologiqueduComitedes Travaux

historiqueset scientifiques, Paris, 1901, p. CXCVII.

Sur un type particulier deruines, Lucien Jacquot a ecrit dansle Recueil desNoticeset MemoiresdelaSocietearcheologiquedeConstantinesur:

– «LesRefugesaeriensdel’Aures», vol. 44, 1910, pp. 35-42;– «RefugesaeriensdeRoumane», vol. 48, 1914, pp. 101-103.DememequeG. Sorand:– *«Guelaa (ouTag’liatti)» dansl’Encyclopedieberbere, 1987, no 41, 1 p., bibl.– *«La guelaa aurassienne» dansAwal, 1987, no 3, pp. 139-146, 5 fig., bibl.

Maisdesetudesplusrecentesont eterealiseessur l’histoire antiquedel’Aures.Lareferenceen la matierequi fait la synthesela plusrecenteest la contribution de:

– Ph. Leveau a l’article «Aures»deL’Encyclopedieberbere, pp. 1097-1103.Desspecialistesont ecrit sur lespouvoirsberberes. Gabriel Camps:– *«Massinissa oulesdebutsdel’histoire» dansLibycaArch. Epigr.,t.8,1er semestre 1960.– *«Nouvellesobservationssurl’architectureetl’ageduMedracen»dansCRAI,1975,pp.470-518.A proposdecedernier monument:– Odette Boucher, «Le Medracen, un mausolee royal» dans Historia magazine, no 225, 24 avril

1972, Tallandier, Paris, p. 992. JeromeCarcopino:– *«Un empereur maure inconnu d’apres une inscription latine recemment decouverte dans

l’Aures» dansla RevuedesEtudesanciennes,t .XLVI,no 1-2, janv-juin 1944, pp. 94-120.(– *Compterendu de JulesLucien VannerusdansAcademieroyaledeBelgique, Bulletin delaClassedes

Lettres, 5eserie, t. XXXII , 46, pp. 35-38.)– *«EncoreMasties, l’empereur maureinconnu» dansla Revueafricaine, t. 100, 1956, pp. 339-348.

Voir aussi :– *P.-A. Fevrier, «Masuna et Masties» dansAntiquitesafricaines, t. 24, 1988.– *PierreMorizot, «Pour unenouvellelecturedel’elogiumdeMasties»danslesAntiquitesafricaines,

t. 25, 1989, pp. 263-284.Quatrearticlesdegeographie et toponymie antiquedansl’Encyclopedieberbere:– Gabriel Camps, article«Abigas», vol. I, 1984, pp. 77-78.– SalemChaker, article«Abaratina/ Abaris– Awaris/ Awras», vol. I, 1984, p. 59.– P. Trousset, article«Badias(Badıs, Bades)», vol. IX, 1991, pp. 1299-1302.

– P. Trousset, article«Bagai (Baghaya)», vol. IX, pp. 1307-1310.L’Aureset Rome:PierreMorizot a defendu son point devuenouveau danssesarticles:– «Inscriptionsineditesdel’Aures(1941-1970)»dansZeitschriftfurPapyrologieundEtigrafik, band22,

1976, pp. 137-167, avec illustrations.

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– *«LegenieaugustedeTfilzi (nouveauxtemoignagesdela presenceromainedansl’Aures)»dansleBulletin archeologiqueduCTHS, nouv. ser., 10-11 b, pp. 45-91, Paris, 1977.

– «Vuesnouvellessur l’Auresantique»danslesComptesrendusdesSeancesdel’AcademiedesInscriptionsetBelles-lettres, oct. 1979, pp. 309-337.

– *«Renseignementsarcheologiquescomplementairessur la valleedel’Oued Mellagou(Aures)»,dansB.A.A., t. 7, 1977-1979, fasc. 1, Alger, 1985, pp. 271-279.– *«LeReseaudecommunicationdelaIIIeLegiondeLambeseauSaharaatraversl’Aures»dans

lesActesduIVeColloquesur l’Histoireet l’Archeologiedel’AfriqueduNord, t. II, 113 eCongresnational dessocietessavantes, Strasbourg, 1988.

– *«La Zaouıa des Beni Barbar, cite peregrine ou municipe latin» dansle Bull. archeologiqueduC.T.H.S., nouv. ser., fasc.18 B, pp. 31-75, Paris, 1988.

– *«LesinscriptionsdeTazembout,apercusur unvillageromaindehautemontagneau II Iesiecle»

dansle Bulletin duComitedesTravauxHistoriques, n. s. 20-21, Paris, 1989, pp. 31-75.– *«Economie et societeen Numidiemeridionale, l’exempledel’Aures» dansAfricaromana,VIII,

Atti del Convegno di Studi, Cagliari, 14-16/ 12/ 1990.

– *«Les stations de la table de Peutinger entre Lambese et El Kantara» dans Proceedings of theXVth international Congress of roman Frontier Studies, Canterbury, 1989, Exeter University Press, 1991,pp. 337-346.

– *«L’enceintefortifieedeMendour» danslesAntiquitesafricaines, t. 27, 1991, pp. 123-140.– *(en collaboration avec X. Dupuis), «Une vallee peu connue de l’Aures occidentale, l’Oued

Fedhala» dansAfrica romanaIX, Atti del IX Convegnodi Studio, Nuoro, 13-15/ 12/ 1991, Sassari, 1992,pp. 365-388.

– *«L’Aureset l’olivier» danslesAntiquitesafricaines, t. 29, pp. 177-240, 1993.– *«Recherchessur lescampagnesdeSolomonenNumidiemeridionale»danslesCompteRendusde

l’Academie/ desInscriptions, janv.-fev. 1993.

– *«Solomon et l’Aures» dans le Bulletin dela Societenationaledes AntiquairesdeFrance, Paris, 1994,pp. 325-337.– *«Timgad et son territoire» dansL’Afrique, la Gaule, la Religion a l’Epoqueromaine. Melanges a la

MemoiredeMarcel LeGlay, coll. «Latomus», Bruxelles, 1994, vol. 226, pp. 220-243.– *«Du nouveau sur la datation de Severinius Apronianus, praeses de Numidie, d’apres des

documentsphotographiquesinedits. Productionset exportationsafricaines» dansActualitesarcheologi-quesen AfriqueduNord antiqueet medievale. ActesduVeColloqueinternational, Pau, 1993, ed. du C.T.H.S.,1995.

Enfin signalonsdumemeauteur une:– Archeologieaeriennedel’Aures, ed. du C.T.H.S., Paris, 297 p. Richement illustre mais prix eleve.Il y a aussi lesarticlesdeMichel Janon dansAntiquitesafricaines:

– «Recherchesa Lambese», vol. 7, 1973, pp. 193-254.– «L’Aures au VI

e siecle – Note sur le recit de Procope», vol. 15, 1980, pp. 345-351. Aussi :– *«Lambeseetl’occupationmilitairedelaNumidiemeridionale»dansStudienzudenmili Targrenzen

romsII, K oln, Rheinland-Verlag, 1977, pp. 473-785, illustrations.– «Paysanset soldats» dansla Revuedel’Universited’Ottawa, vol. 52, no 1, 1979, pp. 47-63.A proposdu recit deProcope, unarticlebeaucoupplusvieux:– *L. Rinn, «Geographieanciennedel’Algerie. Localitesdesigneespar l’historienProcopeen son

recit deladeuxiemeexpeditiondeSolomondansleDjebel Aoures»danslaRevueafricaine,t.XXXVII,1893, pp. 297-329.

NousavonsevoquelesitedeLambese; R. Cagnat:

– *GuidedeLambeseal’usagedestouristeset desarcheologues, Paris, 1893,– *MuseedeLambese, Paris, 1895.– *M. Janon, «Lambaesis: ein Uberblick» dansAntikeWelt, Feldmellen,Allemagne, 1977, p.2-20.Autreimportanteplaceromaineenlisierenorddel’Aures: Timgad. Il nenousparaıtpasinutilede

preciser quesurcesite, unmemoiredemaıtrised’histoireancienneal’universitedeLyon,avectravail

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sur leterrain, est prevu pour 1997-1998 par unetudiant d’originechaouie. Parcequecen’est qu’unprojetdont,pourl’heure,nousnesavonspaslesdetails,nousnepouvonsdonner dereferencesprecisesmaisil fallait le signaler. Voir aussi :

– OdetteBoucher, «Timgadautempsdescenturions»dansHistoriamagazine, no243,11septembre

1972, Tallandier, Paris, pp. 1437-1440.Sur lesrelationsentre l’Aureset Rome:– General Nyo, «Une insurrection dansl’Aures sous Tibere» dans Tropiques, no 370, fev 1955,

pp. 28-38.Un articleoriginal dansle sensou l’auteur, uneetudianteitalienne, aetudielesconteschaouisqui

evoquent la perioderomaine:– Daniela Merolla, «Il ‘‘tempo di Roma’’ in alcuni racconti dei gruppi berberofoni chaouia

dell’Aures(Algeria)»dansStudi eMateriali di StoriadelleReligioni, no54(12-1), 1988, Rome, pp.133-150.– H.K. Von Achenbach, «Romische und gegenwartigeformen der wassernutzung im Sahara –

VorlanddesAures(Algerien)» dansDieErde, vol. 104, no 2, 1973, pp. 157-175. Cet articleest publiedansunerevuedegeographie

Debordant le cadredel’Auresmaisl’incluanttoutdememe:– *J.Baradez,Fossatumafricae, Recherchesaeriennessurl’OrganisationdesConfinssahariensal’Epoqueromaine,

Gouv. general Algerie, Artset metiersgraphiques, Paris, 1949, 368 p.– *J. Birebent, Aquaeromanae, Recherches d’Hydrauliqueromainedans l’Est algerien, Alger, service des

antiquitesdel’Algerie, 1962. Ouvragequ’evoque:– *MarcCote, «AquaeromanaedeJean Birebent» danslesAnn. alg. geogr., 1968, 3eannee, no 6,

pp. 51-56.Pour l’invasion vandale dansl’antiquitetardive:– *Ch. Courtois, Les Vandales et l’Afrique, Paris, Arts et metiers graphiques, 1955. Traitedel’invasion

vandale.

Du haut Moyen-Age au X IXe siecle

Il est possibledebalayer cetteperiodegracea:– Jean Morizot, article«Aures» (dominationarabe, epoqueturque), EB pp. 1114-1123.

Laconquetearabeestunmomentcharnieredel’histoiredel’Aures, unmomententouredelegendeegalement avec la fameuse reine berbere Kahena sur laquelle il s’est tant ecrit. La source parexcellencea cesujet est:

– *IbnKhaldoun, HistoiredesBerberesetdesDynastiesmusulmanesd’AfriqueduNord, trad. del’arabeparle Baron deSlane, Paris, Geuthner, 1978 (1re ed. en francais, 1852-1856).

Il s’est ecrit touteunefloraisondetravauxdedifferentevaleur acesujetqu’il seraitlongetpasutilederappeler ici, il faut seulement savoir qu’un article fait l’etudedestravaux anterieurs:

– Jean De jeux, «La K ahina: de l’histoire a la fiction litteraire, mythe et epopee» dans Studimagrebini, no 15, 1983, pp. 1-42.

D’autrepart, unetheseetudiecequi est devenu unveritable mythelitteraire:– Noureddine Sabri, LeMythedela Kahena dans la Litteraturefrancaiseet ses Metamorphoses, these de

litteratureetcivilisationfrancaise, Montpellier III, dir.: MmeJ.-M. Claire, 1996. Publieeen«Theseala carte» auxPressesuniversitairesduSeptentrion, Lille.

Desauteursanciensarabo-berbereset italienontdecrit la«Berberie»dontl’Aureset leurstravauxont etetraduits, nousn’en citeronsquequelqu’uns:

– *Abou Obeid El-Bekri, Descriptiondel’Afriqueseptentrionale, traduction de l’arabe par le baron deSlane, Alger, 1857-1858, pp. 122-144, 168-177, 321-357; Paris, Maisonneuve, 1ereed. 1859.– *El-Idrisi, LeMaghrebauVI eSiecledel’Hegire, traduction Hadj Saddock, ed. Publisud, 1983.Lesdeuxarticlesdansla Revueafricainede:– *G. Marcais, «La Berberie au IX

e siecle d’apres Al-Yacoubi », t. LXXXV, 1961, pp. 40-61.

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LesarticlesducapitainePetignot dansla RevuedelaGendarmerie:– *«Crimeset delitsdansl’Aures», nov. 1937: pp. 789-817 et janv. 1938: pp. 49-78.– *«Le banditisme en pays chaouıa», 15 nov. 1938: pp. 753-771, janv. 1939: pp. 47-64, mars

1939: pp. 353-372, 1939: pp. 542-570.

– *G. Marcy, «Observationssur l’evolutionpolitiqueet s’ocialedel’Aures» dansPolitiqueetrangere,1938etauxpp. 126-149deEntretienssurl’EvolutiondesPaysdeCivilisationarabe, vol. III, Paris, Hartmann,1939.

Durant cette periode, certains elements ont marque l’histoire quotidienne en Aures comme lesbanditsd’honneur qu’a etudie Jean De jeux:

– «Lebandit d’honneur en Algerie:delarealiteet del’oralitealafiction»dansEtudesetDocumentsberberes, no 4, 1988, pp. 39-60.

– article«Bandit d’honneur (Kabylie, Aures)»del’Encyclopedieberbere, vol. 9, 1991.– *MauriceGirard, LePostedetacheduDj. Chercharet desParcourssahariens, memoiredu C.H.E.A.M.

no 293, 67 p., carte, photos, croquis.

Enfin, signalons l’existence a la Bibliotheque nationale (Paris) de journaux aurasiens d’epoque:– *L’Aures. J ournal deBatna. EchoduSuddel’Algerie. Numeros possedes: 1881-5.– LeSud. J ournal deBatna. Organedes Interetsdela RegionsudduDepartement deConstantine, 30 octobre

1886-6 fevrier 1892. Devenu:– *L’Aures. AncienAuresetSudreunis. OrganedesInteretsdeBatnaet duSudconstantinois, Batna. 13 fevrier

1892 au 10 fevrier 1894. Devenu:– *LeSud illustre. J ournal republicain independant. Organedes Interets deBatna. 17 mars 1894 (no 643).

La guerr e d’Algerie en Aures

La phase la plus importante du conflit est sansdoute le debut car l’Aures, qui allait devenir lawilaya 1, a eu un role primordial dansle declenchement desevenements. On consultera egalementavec profit:

– JeanVaujour, DelaRevoltealaRevolution. AuxpremiersJ oursdelaGuerred’Algerie, AlbinMichel, 1985.Ledebutdel’insurrectionestrelateatraversl’experiencepersonnelled’unethnologuequi ajoueun

grandrole:– Jean Servier, Dansl’Auressur lesPasdesRebelles, Paris, FranceEmpire, 1955, 301 p.Il est fait allusion a la «toussaint rouge» aurasienne surtout dans des ouvrages sur la guerre

d’Algerie ousur lesHarkis. Par exemple:Surtout letome1 («Lesfilsde la toussaint») de:

– YvesCourriere, LaGuerred’Algerie, Fayard 1990 ou R. Laffont1990.Aussi, avecuneinterpretationanotresenserroneequandalarepartitiondestribusengageesdansle

conflit, le premier chapitrede:– Michel Roux, LesHarkis: lesOubliesdel’Histoire, 1954-1991,LaDecouverte, 1991, 419 p.Un ouvragecollectif, publiea l’occasion ducinquantenairedela «Toussaint rouge», evoqueavec

originaliteet recul ceprocessuset la guerre:– Aures, Algerie1954, les Fruitsverts d’uneRevolution, dirige par Fanny Colonna, serie«Memoires»,

no 33, novembre1994, editions«Autrement», Paris, 174 p.Cinquanteansapres, lejournal LeFigaroa consacre deuxarticlesa l’insurrection en Aures:– «JeanServier:c’estmoiqui ai decouvert lesdeuxpremieresvictimesfrancaises»,proposrelispar

 Jean-ChristopheBuisson, 29 octobre1994.– «La toussaint rougedesgorgesdeTighanimine», 30 octobre1994.8

– *«Interview des acteurs du 1er novembre» dans Revolution africaine, no 40, 2 novembre 1963.

8. NousremercionsM. J.-R. Genty denousavoir communiquecesarticles.

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Il existe probablement d’autres articles dansd’autres periodiques, il nes’agit-la que dequelquesexemples.

HormisServier, unautrepersonnage, chaoui9 celui-la, tient unrolecrucial acetteperiode, il s’agitduleader desrebellesdela region.

– Gilbert Meynier (Nancy)et AndreCaudron, «Ben Boulaıd Mostefa(1917-1956)»dansParcours,no 16-17, 1992, pp. 57-58.– RabahYahiaoui, LesneufsChefshistoriquesdelaRevolutionalgerienne, maıtrised’histoire, ParisVII, 1986.Sur la mort de Ben Boulaıd, par uneradio piegee, il est possible d’utiliser le temoignage certes

romanceet subjectif d’Erwan Bergot, unancien du 11echoc qui a organisel’operation:– Chapitres 5 a 8 (pp. 40-66) deCommandos deChoc«Algerie»«leDossier rouge». Services secretscontre

F.L.N., Grasset, Paris, 1976, photos.– Jean Morizot, article «Ben Boulaıd Mostefa» dans   Encyclopedie berbere, vol. IX , 1991,

pp. 1441-1444.

Un travail universitaire,certesamanipuler avec precautioncar tressubjectif et sortantsouventdu

cadre aurasien:– Mouloud Boubaker, LaGuerred’AlgeriedanslesAures, maıtrise d’histoire, dir.: J. Chesnaux, Paris

VII, 1972/ 3, 212 p. dont annexes, 3 cartes.Notonsl’existence dedocuments devaleur sur la guerre danscette region dansles Archives du

servicehistoriquedel’armeedeterre (chateau deVincennes) parmi lesquels par exemple:– «Atlas»: Aures – cartes: implantation des bandes rebelles par douars, perspective du relief,

installationsmilitaires, installationset pointssensiblescivils, grandesfamilleset personnalites, econo-mie, archive1H 2872/1.

– Diversetatsdespopulationset statistiquesd’etat-civil, archive1H 4329/ 11.

Uneserie d’articledansHistoriamagazine(Tallandier, Paris) evoquent cetteperiode:

– Yves Courriere, «Le coupe-gorge de T ighanimine», no

194, 22 septembre 1971, pp. 1-14.– Jean Fontugne, «Un point noir: l’Aures», editorial, no 195, 29septembre 1971.– Georges Spillmann, «L’Aures: bastion de la revolte», no 195, 29 septembre 1971, pp. 33-40.– Jean Taousson, «Vie et mort de Grine: un bandit d’honneur», no 195, 29 septembre 1971,

pp. 40-41.– Antoine Quentin, «Les «historiques»: neuf hommes en colere», no 195, 29 septembre 1971,

pp. 42-47.– General J. Constans, «Soustelle et l’Aures», no 197, 13 octobre1971, pp. 121-128.– Philippe Masson, «Germaine Tillion l’Auresienne», no 198, 20 octobre 1971, pp. 129-135.– DenisBaldensperger, «Aures, Nemenchaet Kabylie, seulsatteintspar la nouvelle loi», no 202,

17novembre1971, pp. 259-265.– JacquesSimon, «Et la guerre s’organise», no 204, 1er decembre 1971, pp. 301-309.– General Andre Lenormand, «L’Aures? Parlange!», no 206, 15 decembre 1971, pp. 385-389.Dememeque:– «La toussaint rouge», «Ainsi commence une guerre de sept ans», «Naissance du F.L.N. »,

pp. 21-29; «Les paras de Ducourneau a la reconquete des Aures», «La K abylie et les Aures»,«5 Europeenset 20Chaouıas: lesSpahisdeK henchela», pp. 36-40, dansXX

esiecle, HistoiredesgrandsConflits: ‘‘Guerred’Algerie, volumeI’’», 1995, Ed. «Tresor du patrimoine».

En plusd’unesynthesedesevenementsdu 1er nov. 1954, noustrouveronsdesinformationssur lamiseen placedesformationssuppletives(lesHarkis) dansnotremaıtrise:

– NordineBoulhaıs, LesCommunautesHarkiesduNord, enparticulier celleduBassindela Sambre. Memoired’unePopulaction; Milieuxeconomiques,associatifsetsocioculturels, memoiredemaıtriseenhistoire,dirigeparMmeOdetteHardy-Hemery avec M. Jean-ReneGenty, Lille III, 1994, 260 p.

9. Celui-ci, Mostefaben Boulaıd, est l’oncle denotregrand-pere.

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Un articlequenousavonsecrit a partir decememoireest plusexclusivement centresur l’Aures:– NordineBoulhaıs, «LesHarkischaouıa, desAuresau bassin dela Sambre(1954-1996)»dansla

RevueduNord, LilleIII, t. LXXVIII, no 316, juil-sept 1996, pp. 581-604.– Nordine Boulhaıs, article «Harkis» de l’Encyclopedieberbere, normalement a paraıtre en 1998.

Enfin, nousretrouveronscesthemesdansnotre theseen cours:– NordineBoulhaıs, LesChaouıaduBassindelaSambre. HistoireetCultured’uneCommunauteberbere, thesededoctoratd’histoire, dirigeepar MM. Jean-MarieDelmaire(LilleIII)& SalemChaker (INALCO)puispar Jean Martin, universitedeLilleIII.

Deuxautobiographiesd’unHarki chaoui d’Arris(aucœur dumassif)etd’unautreoriginaired’uneregion en lisieredel’Aures:

– BrahimSadouni (d’Arrisaucœurdel’Auresetdel’insurrection), FrancaissansPatrie, chezl’auteur(mairie deRouen-les-sapins), 1985, 200 p.

– Saıd Ferdi, UnEnfant dansla Guerre, PointsSeuil, 1981, 160 p.Un roman donneune idee de la rancœur envers un ancien Harki des environs de Khenchela:– MayaArriz-Tamza,QuelquepartenBarbarie, roman,L’Harmattan,«Ecrituresarabes»,1993,90p.

Unearchivemilitaire:– Recensement deHarkismenacesenAures, archive 1H1397/ 8, Servicehistorique de l’armee de terre,

chateau deVincennes, Paris.

En plusdesHarkis, l’Auresa fourni a la Francenombredecombattantsa l’occasion deplusieursconflits, pour s’en convaincre il suffit de se rendre a Amboise (Indre & Loire) ou, grace a uneassociationd’«anciens» del’Aures, a eteerigeun«monumentauxmortsa lamemoiredesFrancaisoriginaires dela commune mixte d’Arris morts pour la France (14/ 18-39/ 45-Indochine-AFN)». Ilfallait dans ce travail en signaler l’existence, de meme que celle des articles du journal La nouvelleRepubliqueduCentre-Ouestqui l’evoquent:

– «Un memorial pour millemorts», 4 fevrier 1997,

– «Hommagesolennel aux Harkis», 5 fevrier 1997,– «Amboiseau cœur del’hommage», 6 fevrier 1997.

En cequi concernela viedessoldatsfrancaisdansl’Auresen guerre, memes’il s’agit defiction,untravail reel emailledu film:

– Avoir 20 ans dans les Aures de Rene Vauthier, 1972, 100 mn, production U.P.C.B., distributionF.R.A.M.O.

 Toujourspar unfilmfiction, realisepar unAlgeriencettefois,il estpossibled’avoir unapercudelavie descivils pendant la guerre dans:

– LeVent desAuresdeMohammed Lakhdar-Hamina, 1966.Enfin, il faut se pencher sur les rebellesde l’Aures. Un article de presse algerienne evoque (au

50e

anniversairedela «toussaint rouge») lespartisanes:– «L’aurassienne, digneheritieredelaKahena» dansEl Moudjahid, 11 octobre1994.Sur le parcoursdecertainsmembresaurasiensdela revolution:– Benjamin Stora, DictionnairebiographiquedeMilitants nationalistes algeriens E.N.A., P.P.A., M.T.L.D

(1926-1954), L’Harmattan. Voir pp. 272-273 & 121-136.

Notonsquecettepartiedel’articlesurlaguerred’AlgerieenAuresestlaplusincompletedupresentarticle.

L’histoire « privee» des Aurasiens

Enfin un dernier type d’histoire des Aures a ete menee, il s’agit de l’histoire des communauteschaouies(villages, tribus). Par exemple, l’autre thesede:– Emile Masqueray, Formation des Cites chez les Populations sedentaires del’Algerie, Kabyles du Djurdjura,

Chaouıa de l’Aouras, Beni Mezab, presente par Fanny Colonna, archives maghrebines, Centre derecherche et d’etudes sur les societes mediterraneennes, Edisud, Aix-en-Provence. Il s’agit de la

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reimpression de la these presentee a la faculte des lettres de Paris publiee en 1886 chez Leroux aParis.

Du meme:– «Voyagedansl’Aouras, etudeshistoriques»dansleBulletindelaSocietedeGeographiedeParis,t.XII,

 juin-dec. 1876, pp. 39-58.– «Documentshistoriquesrecueillisdansl’Aures»danslaRevueafricaine, vol. 21, 1877, pp. 97-123.– NoteconcernantlesAouled-DaoudduMontAures(Aoures), Alger, Jourdan,1879,cartes. Sur l’histoiredes

aurasiens: Toujourspour l’histoiredestribus,desarchivespeuventetreutilisees.Cesontlesproces-verbauxdu

senatus-consultedestribus(archivesdu cadastredela wilaya deConstantine, Algerie):– *del’Ahmar Khaddou, 1889, PV no 5,– *desO. Abdi, 1893, PV no 174.– *DememequecellesdesOulad Daoud auxarchivesd’outre-mer a Aix-en-Provence.D’autrescommunautesont egalement vecu dansl’Aures, parfoisdepuistreslongtemps:– E.D. Friedman, TheJ ewsof Batna, Algeria: aStudyof IdentityandColonialism, doctoral dissertation,

cityuniversity of New-York, 1977.

III . LA VIE DANS LES AURES: BIBLIOGRAPHIE SOCIOLOGIQUE,ETHNOLOGIQUE ET CULTURELLE

La societe chaouie

Il y a eu desrecherchesdequalitesur la societechaouıa.– Germaine Tillion, «Les societes berberes dans l’Aures meridional » dans Africa, t. 2, 1938,

pp. 41-51. Cetarticlefait suiteala mission archeologiquedesonauteur avec T. Rivieredansl’AuresdanslesAnnees30(voir Aures/ Algerie, 1935-1936).

Du memeauteur, pluslargemais evoquant souvent la societechaouie:– GermaineTillion, LeHaremet lesCousins, PointsSeuil, 1966.– R. Parant, LaFamillechaouıa, memoireauC.H.E.A.M., fevrier1951,37p.,carte. Bibliothequedu

Centre desHautesEtudessur l’Afriqueet l’Asie Modernes, cote1788.A proposdesfemmeschaouıa, l’œuvredereference, tresriche, est:– MatheaGaudry, LaFemmechaouıadel’Aures. Etudedesociologieberbere,thesededoctorat,Alger, 1928,

Paris, Geuthner. On la completera par sonarticle:– *«Analyse du role preponderant de la Chaouıa de l’Aures» dans les Documents algeriens, serie

monographique, no 2, Alger, 1948.– E. Bernus, article «‘Azriya (femme libre)» dansEncyclopedieberbere, vol. VIII, 1990, pp. 1223-

1224.– E. Bernus, article «La dot chez les Chaouıa de l’Aures» (d’apres Mathea Gaudry, La Femme

chaouıadel’Aures) dansEncyclopedieberbere, vol. XVI, 1995, pp. 2515-2516.Mais il y a aussi desChaouıa en France.Desetudesdenoscousinessont en cours:– SalihaBouregba,LaFemmechaouieduBassindelaSambre(titreaconfirmer), maıtrisedesociologie,Lille

I, 1998.– Yamina Boulahssa,  Les Mariages endogames des Chaouis en France (titre provisoire), D.E.A. de

sociologie, UniversitedeMetz, 1998 (en cours).

– *«FemmesdelaMediterranee»dansPeuplesmediterraneens, 1983, no

22-23. Cenumeroevoquelafemmedel’Auresentreautres.A proposdeschangementssociaux:– Germaine Tillion, «Dans l’Aures, le drame des civilisations archaıques» dans les Annales

Economies, Societes, Civilisations, vol. 13, 1957, pp. 393-402.

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Un deselementsdespratiquessocio-culturellesaurasiennesest etudiea l’echelledel’Algeriedansunethese:

– *Mohamed S. Chorfi, AnalysedesRepresentationsdelaCirconcisionenAlgerie, these, 1987.Voir egalement:

– *ThereseRiviere& JacquesFaublee, «DansleSud del’Auresen 1935. Circoncisions, Mariageset ‘‘Hiji’’ chez lesOuled Abderrahman» dansEtudeset Documentsberberes; Melanges, 1991, 1992, no 8,pp. 63-57, 5 photogr.

Modedevie

Desetudesgeneriquesen quantiteont eterealiseessur lesChaouis.Parmi lespremieresen anglais:– *A. Wilkin, D. Randall Mc Iver,  AmongtheBerbers of Algeria, London, T. Fischer Unwin, 1900.Maissurtout deM.W. Hilton Simpson:

– *«T heinfluenceofitsgeographyonthepeopleoftheAuresmassif, Algeria»dansleGeographical J ournal, vol. 54, no 1, janv. 1922.– *«T heBerbers of the Aures mountains: Algeria» dansle Scottishgeographical Magazine, vol. 38,

1922, pp. 145-163.– *«Algerian hill-folksof today» dansAntiquity, vol. 1, no 4, dec 1927, pp. 389-401.Aussi, lestravaux deG. Marcy:– *«LesBerbereschaouıadel’Aures»dansleBulletindel’EnseignementpublicduMaroc, Rabat,no172,

avril-juin 1942, pp. 117-134.– *«Cadregeographiqueet genredevieen payschaouıa»dansL’Educationalgerienne, vol. 1, 1942,

pp. 33-38.Quand ledebut de la guerred’Algerie attirait l’attention sur l’Aures, Marcelle Faublee-Urbain &

 JacquesFaubleeont ecrit:– «L’Aures, Lieu deRefuge» dans Tropiques, janv. 1955, no 369, pp. 13-18.– *«Lesmontagnardsdel’Aures» dansl’Encyclopedied’Outre-Mer, vol. 53, 1955, pp. 109-112.– «LesBerberesdel’Aures» danslaRevuefrancaisedel’Eliteeuropeenne, no 64, janv. 1955, pp. 8-11.– *«LesBerbereschaouıadel’AuresenAlgerie»dansSocieted’Etudegeographique, Bruxelles,17p., ill.– J. Nippgen, «Leselementsethniquesdel’Aures» dansla Revueanthropologique, t. XX XIII , mars-

avril 1923, pp. 94-97. Il s’agit d’uneetudepluspluridisciplinaire quele titrenel’indique.– *Seddik, «Mœurs, habitudes, usages et coutumes arabes» dans la  Revue algerienne illustree,

XIIIeannee, 2esem., 1899, pp. 626-629.Sur la tribu desAıt Frah, un travail d’ensembled’unegranderichesse:– AndreBasset, Textesberberesdel’Aures(Parler desAıt-Frah), Maisonneuve, Paris, 1961, 353 p.Desarticlespresentent cetteetude:– Jacques Faublee, Marcelle Faublee-Urbain, «La vie des Aıt-Frah d’apres le volume d’Andre

Basset,Textesberberesdel’Aures»dansle J ournal delaSocietedesAfricanistes, vol.34, no1,1964, pp. 85-116.

– *B.H. Striker, «Compterendu de: A. Basset, Textesberberesdel’Aures, 1961» danslesKroniekvanAfrika, Leyde, 1967, pp. 122-125.

Sur lesmemesAıt Frah, plusrecent:– KhedidjaNeddal epouseAdel, LesBeni Frahdel’Aures: uneRuraliteenDevenir, thesededoctorat de

3ecycle, Toulouse2, 1987, 257 p. Disponible a l’A.N.R.T (5 microfiches).Nouspouvonsillustrer utilement avec lesphotographiesdeThereseRiviere:

– Aures/ Algerie1935-1936, suivi de«Ellea passetant d’heures...» par Fanny Colonna, Officedespublicationsuniversitaires, Alger; Editionsdela maisondessciencesdel’homme, Paris,1987, 214p.En rapport avec celivrele:– Cataloguedes Collections del’Aures, Paris, Musee de l’Homme, 1943, 16 p. Ce livret realise par

 Therese Riviere et JacquesFaublee, que l’on netrouvequ’au laboratoire d’ethnologie du museeou

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nousl’avonsconsulte, plusqu’uncatalogue, presentelesaspectsdela viedesChaouisqueT. Riviereafrequentependantsamission.Il aeterealisealasuitedel’exposition, suivantsonretour, danslaquelleil devait guider lesvisiteurs. SignalonsenfinquelacollectionT. Riviere, memesi elleest,et deloin,laplus importante du musee en ce qui concerne l’Aures, n’est pas la seule, il y en a, a notre surprise

lorsquenousy sommesalles, quelquesautresdansle sous-sol dupalaisdeChaillot.Nouschoisissonsdeplacer lesreferencesauxcoutumeset audroit berberedanslaviequotidienne.– EmileMasqueray, «Traditiondel’Aourasoriental»dansleBulletindeCorrespondanceafricaine,t.III,

1885, pp. 72-110.L’administrateur H.J. Arripea ecrit:– «Essai sur le folklore de la communemixtede l’Aures» dans la Revueafricaine, no 283, 1911,

pp. 450-470.– «Les Chaouıa tels qau’ils sont» dans le Recueil des Notices et Memoires dela Societearcheologiquede

Constantine, vol. 57, 1926.DememeegalementqueG. Marcy:

– «Leproblemedudroit coutumier berbere» danslaFrancemediterraneenneetafricaine, 1939, vol. 2,fasc. 1, pp. 7-70.– «Un recueil coutumier deguelaachez lesChaouıadel’Aures» dansL’Educationalgerienne, vol. 1,

1942.G. H. Bousquet a lui aussi ecrit deuxarticles:– «La persistance des coutumes berberes en Aures» dans la RevuealgeriennedeLegislation, vol. 1,

1952, pp. 109-115.– «Un qanoun del’Aures» dansHesperis, vol. 40, 1953, pp. 77-88.

Quelquesetudesconcernent l’habitat.– *ThereseRiviere, «La maison del’Aures» dansAlgeria, dec. 1938.

– *R. Riche, «Lamaison del’Aures» danslesCahiersdesArtstechniquesd’AfriqueduNord, 1959, no

5, Toulouse, pp. 30-36.

– La contribution deS. Adjali a l’article«Aures»del’Encyclopedieberbere, pp. 1154-1162.– *N. Lebbal, «Traditional berber Architecture in the Aures» dans Vernacular Architecture, 1989,

vol. 20, pp. 24-37, 9 fig., bibl.Desetudeslocalisees:– Therese Riviere, «L’habitation chez les Ouled Abderrahman chaouıa de l’Aures» dansAfrica,

t. 11, 1938, pp. 294-331. Disponibleen annexedeAures/ Algerie1935-1936.– M.T. Ouili, A. Menard, A. Bouafi, N. Abdi, «L’Habitat rural dansles dairates d’Arris et de

M’Chounech(notessurunerechercheencours)»danslesCahiersdelaRecherche, Constantine, no13-14, juin-sept 1981, pp. 7-55, denombreusesplanches.

– *S. Abbas,  Vers uneProblematiquesociologiquedel’«Habitat traditionnel » (EtudedeCas du VillagedeM’Chounech), memoiredefin delicence, universited’Alger, departement desociologie, 1983.

– *O. Bensegueni, DanieleGouzon, Kh. Nezzal, Logiqued’Occupationspatialedansl’Aures. LeCasdesBeni Souik, Constantine, Centre universitaire de recherches, d’etudes et de realisations (CURER);vol. 1, 1981, 196 p.; vol. 2, 1982, 226 p., bibl.; Alger, ONRS.

– Daniele Jemma-Gouzon, Villagesdel’Aures, ArchivesdePierre, L’Harmattan, collection«histoire etperspectivesmediterraneennes», 1989, 240 p.

– *S. Adjali, «Habitat traditionnel dans les Aures. Le cas de la vallee de l’Oued Abdi » dansl’Annuairedel’AfriqueduNord, 1986, vol. 25, pp. 271-280, fig., bibl.

Pluslargement:

– L. Golvin, article «Architecture berbere» dansEncyclopedieberbere, vol. VI, 1989, pp. 865-877.

Etant donne la place de l’agriculture dans l’Aures, il est normal de frequemment retrouver cetheme. Les references indiquent une agriculturetraditionnelle qui tenait plus dela vie quotidienne,d’ou cechoix, qui peutetrediscutable, au niveau duplan.

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– Therese Riviere, «Coutumesagricoles del’Aures» dansEtudeset Documentsberberes, no 3, 1987,pp. 124-152.

– *MatheaGaudry, «LavieeconomiqueduChaouıadel’Aures»danslesDocumentsalgeriens, Alger,1948, pp. 257-266.

Deux conferences prononcees au Centre des hautes etudes pour l’administration musulmane(C.H.E.A.M.)deParis, par deuxspecialistesdel’Aures:– Jean Morizot, LeNomadismeagricolechez les Serahna et les Cherwfadel’Aures oriental. Ses Consequences

economiques,1942.– GermaineTillion, LePartageannuel dela Terrechez les Transhumantsdu Suddel’Aures, juillet 1939.Dememeque:– *A. Lebert,LeRegimedesTerrescollectivesdanslaCommunemixtedeBarika, memoireau C.H.E.A.M.,

no 1215, 1948, 18 p.Plusgeographique:LesarticlesdeMarc Cote:– «Un arch vif sur lepiemont desAures» danslesAnnalesalgeriennesdeGeographie, 5eannee, no 11,

pp. 92-94. Livreen annexedela these deM. Cote.– *«Comment les hommes ont utilise un piemont», hommage a G. Maurer, C.I.E.M., fasc. 11,

Poitiers, 1987, pp. 221-240. Mais aussi :– *IIe partie, chap. 3 («Sites familiaux del’Est algerien. Yabous, douar des Aures») de Methodes

d’ApprocheduMonderural editepar FannyColonnaet MustaphaHaddab,Alger, officedespublicationsuniversitaires, 1984.

Quelquesarticlesetudient quelquesproductions:– Therese Riviere & JacquesFaublee, «L’apiculture chez lesO. Abderrahman, montagnardsdu

versant Sud del’Aures» dansle J ournal delaSocietedesAfricanistes, vol. 13, 1943, pp. 95-107.– Gabriel Camps, article«Apiculture» dansEncyclopedieberbere, vol.VI, 1989, pp. 808-811.

LesarticlesdeMathea GaudrydansDocumentsalgeriens, seriemonographie:– «La fabricationdel’huileen Aures», no 4du8aoutetno 5 du 15 aout 1945.– «Lesechagedesabricotsen Aures», no 6 du30 octobre1949.A propos des greniers, deux articles de Marcelle Faublee-Urbain dans le J ournal dela Societedes

Africanistes:– «M agasinscollectifsdel’Oued el-Abiod(Aures)», vol. 21, no 2, 1951, pp. 139-150.– «Sceaux demagasinscollectifs (Aures)», vol. 25, 1955, pp. 19-23.A cepropos, unarticleespagnol comparelessceauxprehistoriquesdesIlesCanariesaux sceauxet

marquesdeproprietedesgreniersfortifiesdesAures:– * J. OnrubiaPintado,«Sellosy marcasdepropiedad degranerosfortificadosdel Aures, Argelia.

Consideraciones etnoarqueologicas en torno a las presuntas correlaciones norteafricanas de las

pinderasde Gran Canaria» dans TrabajosdePrehistoria, 1986, vol. 43, pp. 281-307, 3 pl., 5 fig., bibl.Dansun ensemblegeographiquepluslarge:– Abdelkrim Badjadja, Cartographieagrairedel’EstalgerienalafinduXIXesiecle, D.E.A., universitede

Constantine, departement d’histoire, 1974.Et delathesedeJean Servier traiteaussi desritesagrairesdesBerberes:– LesPortesdel’Annee. Traditionset Civilisationsberberes, Ed. duRocher, civilisation & tradition, 1985,

510p.Unethesea l’echelle detoutel’Algerieaetepubliee:– *FannyColonna,LesPaysansetleSavoir. HistoiresocialedesFormeslegitimesdeTransmissionculturelledans

l’Algeriecontemporaine, these, 1987.

– *Fanny Colonna, Savants paysans. E´

lements d’Histoiresocialesur l’Algerierurale, Office publicationsuniversitaires, Alger, avril 1987.Un articledu memeauteur:– *FannyColonna, «Oubli, reconstruction,censure. A proposd’unerecherchedansl’Aures»dans

CollectionExploration. CoursetContributionspourlesSciencesdel’EducationBerne;enseignerl’Histoire. DesManuels

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alaMemoire. TravauxduColloqueManuelsd’HistoireetMemoirecollective.U.E.R. DidactiquedesDisciplines,ParisVII, 1984, pp. 289-303.

Sur l’alimentation:– R. Fery, article «Alimentation (l’alimentation traditionnelle dans l’Aures avant la Seconde

Guerre mondiale)» dansEncyclopedieberbere, vol. IV, 1997, pp. 488-494.Des medecins ont etudie au siecledernier la bien curieuse pratique de la trepanation des cranes

chez deschirurgienschaouis.– *Dr L. Th. Martin,  La Trepanation du Crane telle qu’elle est pratiquee chez les Kabyles de l’Aures,

Montpellier, 1867. Notonsla grossiere erreur dansle titre qui confond les Chaouıa et les K abyles.NotonsqueMontpellier est unevilledetradition universitaire medicaleaffirmee.

Du meme:– *Dr L. Th. Martin,  La Trepanation du Crane telle qu’elle est pratiquee chez les Kabyles de l’Aures,

Montpellier, Boehm& fils, 13 p., planche; extrait du Montpellier medical, juin 1867.– Dr Amedee Paris, «De la trepanation cephalique pratiquee par les medecins indigenes de

l’Aures» dansla Gazettemedicaledel’Algerie, 1868, pp. 25-28.– Dr Henri Malbot & DR R. Verneau, «LesChaouıaset latrepanation du cranedansl’Aures»dansL’Anthropologie, t. VI II, 1897, pp. 1-18 & 174-204. Unepublication en resultera:

– *Etuded’Ethnographiealgerienne. Les Chaouıas et la Trepanation du Cranedans l’Aures, Paris, Masson,1897.

– *M.W. Hilton Simpson, Arab Medecineand Surgery, a Study of thehealing Art in Algeria, London,H. Milford, 1922.

D’autre part, une etudiante realise actuellement un D.E.A. sur la medecine traditionnelle dansl’Auresapartir delacollection«T . Riviere»duMuseedel’Homme. Ontrouveradoncdanscetravailen preparation deselementssur la medecinetraditionnelle:

– MathildedeLataillade, L’Herbier recoltepar ThereseRivieredansl’Auresen1935-36(titreprovisoire),

D.E.A. d’ethnologie, Paris, Museedel’Homme, 1998 (en cours). Toujoursen cequi concernelasante:– *L. Raynaud, «Un moisdansl’Aures» dansleBulletin medical del’Algerie, octobre1892.Du meme:– *«Notessur lesaffectionscutaneesetnerveusesdesBerberesdel’Aures»dans J ournal desMaladies

cutaneeset syphilitiques, t.V, 1893, pp. 65-86.– *«Notes sur les affectionsoculairesdes Berberes de l’Aures» dans le Bulletin medical del’Algerie,

1898.– *R. Ferry, HygienedesPopulationsdel’Ouedel-Abiod, imprimerie Attali, Constantine, 1952.– J. Clastrier, «Contribution a l’etude de la pathologie de l’Aures» dans les Archives del’Institut

Pasteur d’Algerie, vol. 14, no 4, 1936, pp. 449-557, 27plancheshors-textes.Il y a d’autresarticlessur la sante en Aures dansce volume et peut-etredansd’autres mais nous

n’avonspasdepouille la revue.

La culture chaouie

Undeselementsqui caracteriselepluslacultureaurasienneestlalangueberbere(lechaoui)etil estnormal qu’elle ait ete l’objet derecherches. Lespremieressont le fait depersonnesdusieclederniercommecettegrammaire chaouie:

– Gustave Mercier, LeChaouıa del’Aures (Dialectedel’Ahmar-Khaddou). Etudegrammaticale– Textes enDialectechaouıa, Paris, 1896.

Lememea apportedeuxfois sa contribution aux ActesduCongresinternational desOrientalistes:– «Etude sur la toponymie berbere de la region de l’Aures», XIe Congres, Paris, 1897, sect.«Egypteet languesafricaines», pp. 173-207.

– *«Les Noms des plantes en dialecte chaouıa de l’Aures», XVIe Congres, Alger, 1905, t. 2,4esection, pp. 79-92. Sur cedernier sujet:

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Mohamed M aougal a ecrit deux articles dans la revue Nedjma sur la situation et les evolutionslinguistiquesen Aures:

– «L’arabisation desChaouıa», no 1, Paris, 1981, pp. 20-42.– «Uneetudesociolinguistiqueen payschaouıa», no 6, 1984, pp. 35-50. Et sa these:

– *Mohamed Maougal,  Le Parler arabedes Chaouıa Harakta, Berberes des Aures, these, linguistique,ParisVII.LescontributionsdeSalemChaker a l’Encyclopedieberbere:– article«Aures» (linguistique), vol. VIII, 1990, pp. 1162-1168.– article«chaoui/ chaouıa (linguistique/ litterature)», vol. 12, 1993, pp. 1875-1877.Etudeslocales:– *Plault, «Etudesberberes, la langueberbere dansla communemixte deBarika» dansla Revue

africaine, 1946, pp. 194-207.– *A. Joly, «Lechaouya desouled Sellem» dansla Revueafricaine, 1911, no 4, pp. 441-449; 1912,

no 2, pp. 219-266.Signalons pour finir qu’a notre existence, aucun cours de langue chaouie n’est dispense en

universite, laseuleexperience(T.G. PenchoenaLosAngeles)aprisfinvers1980selonL. Bougchiche.

Qui dit langue dit litterature, au moins orale. On a souvent mis par ecrit des contes chaouis,autrefois:

– *R. Basset, Loqmanberbere..., Paris, Leroux 1890 (quinzetextesdel’Aures)– Gustave Mercier, «Mœurset traditions del’Aures: cinq textes berberes en dialecte chaouıa»

dansl’Extrait duJ ournal asiatique, Paris, 1900.– *F. Stuhlmann, «Ein kulturgeschichtlicher Ausflugin den Aures» dansAbhandlugendeshamburgi-

schenKolonialinstituts, vol. X, Hambourg, 1912.– *H. Stumme, ArabischeundberberischeDialekte, Preuus.Staatbibliothek, Berlin, 1928, 23p.(troistextes

auxpp. 14-19)– *Pere A. Giacobetti, Recueil d’Enigmesarabespopulaires, Alger, Bastide-Jourdan, 1916.– *MadeleineRiffaud, Si j’encroislejasmin, Coaraze, 1956. Selon MmeDjemaa Djoghlal, ce livre

contient despoemeschaouisliesa la guerre d’Algerie.Et denosjours:Abdallah Djarallah, dansAwal, Cahiersd’Etudesberberes:– *«Un contechaoui : Henduttegyult», no 1, 1985, pp. 163-175.– *«Bagyay, un contechaoui », no 3, 1987, pp. 198-201.– Du memeauteur dansEtudeset documentsberberes:– *«Un contedansleparler desAıt Abdi (Auresmeridional)», no 4, 1988, pp. 139-142.– *«Unerandonneedansleparler HaraktadeAın-Beıda: agzindnanna-s», 10, 1993, pp. 135-138.

– NordineBoulhaıs& SalahBoulahis, «Elementsdecultureaurasienne»,aparaıtre(certainementdansAwal ) (legende, proverbes, expressions, rimesd’enfants).

Original support quela radio:– Histoireet contesdesAurespar SalahBoulahis, Radio Canal Sambre(FM 89.8), Maubeuge(Nord),

17avril 1990.

LafetetientuneplacetresimportantedanslasocieteetsurtoutlaculturedesChaouis.Destravauxont eterealisessur leschantset la musique, lesbijoux, le tissageaurassiens.

– Jean Servier, ChantsdesFemmesdel’Aures, thesesecondaire, Paris, 1955.– *Y.-G. Kerhuel, «Chants et poemes des Berberes de l’Aures» dans Simoun, 1957, pp. 47-63.

– *B. Bartok & L. Barbes, «Musique populaire a Biskra» dans les Annales de l’Institut d’E´

tudesorientales, Alger, t. 18-19, 1960/ 1961, pp. 301-336.– Hasseine Mammeri, «Folklore musical des Chaouıa constantinois», pp. 335-340 des Actes du

Ier Congresd’EtudesdesCulturesmediterraneennes(Malte, 1972), editepar MichelineGalley, Alger, SNED,1973.

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Revuedel’Occident musulman et dela Mediterranee, 1977, 2e semestre, no 24, pp. 87-109. Et ceux del’Encyclopedieberbere:

– HenrietteCamps-Fabrer, article«Ambre», vol. IV, 1997, pp. 569-576.– HenrietteCamps-Fabrer, article«Argent (lfetta)», vol. VI, 1989, pp. 881-882.

– HenrietteCamps-Fabrer, article«Bijoux», vol. X, 1991, pp. 1506-1516.

En matiered’elegancefeminine, le tatouagefut caracteristiquedesfemmeschaouıa:– ThereseRiviere& JacquesFaublee, «LestatouagesdesChaouıadel’Aures»dansle J ournal dela

SocietedesAfricanistes, vol. 12, 1942, pp. 67-80.– *Therese Riviere & Jacques Faublee, «Les tatouages berberes dans l’Aures» dans Etudes et

Documents berberes, 1989, 1990, no 6, pp. 60-72, 5 fig., 4 photogr. h.t.

En cequi concernele textile:– Robert Godon, «Les formes du Batik dans l’Aures» dans la Revue africaine, vol. 98, 1944,

pp. 116-122, illustrations.

– HenrietteCamps-Fabrer, article«Batik»dansl’Encyclopedieberbere, vol.IX, 1991, pp. 1387-1388.– *R. Fery, «Aures(le haf )» dansl’Encyclopedieberbere, 1988, no 43, 1 p. (vetement feminin).

La religion en Aures, islamiquemais avec lesrestesd’un lointain paganisme, a interesse:– *Cl. M. Robert,«Lepaganismeberbere.Unpelerinageinconnu,l’oracleduDjebel Bouss» dans

Algeria, aout 1936, pp. 6-10, photographies.– GermaineTillion, «Laperiodedespelerinagesdansl’Aures»dansAnthropologie, vol. 58, 1938, p.

212.– G.-H. Bousquet, «Promenadessociologiques. Lapratiquereligieusedansl’Aures»danslaRevue

africaine, vol. 96, 1952, pp. 449-458.

Aussi Fanny Colonna qui a ecrit quelques articles puis un livre qui a fait la synthese de sesrecherches:– «Saints furieux et saints studieux dansl’Aures, comment le religion vient aux tribus» dansles

AnnalesEconomies, Societes, Civilisations, no special «Histoire et anthropologie de l’Islam», no 3-4, mai-aout 1980, Paris, pp. 642-663.

– «L’Islahchezlespaysans: l’Aures1936-1938»danslaRevuealgeriennedesSciencesjuridiques, vol. 14,no 2, juin 1977, pp. 277-288.

– *«La reconversion d’un lignage dans le Nord-Ouest de l’Aures,  X Ie-XX

e siecle» dans Histoiresocialedel’Algerie, Oran, 1983, no 4.

– *«Larepetitiondestolbadansunecommuneruraledel’Aures»dansl’Annuairedel’AfriqueduNord,1979, pp. 187-203.

– *«Rituel et Histoire. L’Aures» dansleBulletinduC.R.A.P.E., 12, 1981, pp. 58-73.– *«Rituel etHistoire: aproposd’unancienpelerinageaurasien»auxpp. 91-100d’IslametPolitique

auMaghrebdirigepar E. Gellner & J. Vatin, Aix-en-Provence, C.R.E.S.M., 1981.– Les Versets del’Invincibilite. Permanenceet Changementsreligieux dans l’Algeriecontemporaine, presses de

sciencespolitiques, 1995, 397 p.– *E. Gellner, «T heunknownApolloofBiskra: thesocial baseofalgerianpuritanism», chap.6de

MuslimSociety, London, Cambridgeuniversity press, 1981.Quelquesouvragesthematiquesqui evoquent l’Aures:– *Depont & Coppolani, LesConfreriesreligieusesmusulmanes, Alger, Jourdan, 1897.– *EmileDermenghem, LeCultedesSaintsdansl’Islammaghrebin, Paris, Gallimard(coll.«T el »), 1982

(1

re

ed. 1954). E´voqueegalement l’Aures:– *A.Popovic& G. Veinstein,Recherchesd’HistoireetdeSciencessociales;LesOrdresmystiquesdansl’Islam:

Cheminementset Situationactuelle, 1986, 325 p., cartes, bibl.Sansoublier:– HenrietteCamps-Fabrer, article«Amulette»dansEncyclopedieberbere, vol.IV, 1997, pp. 613-622.

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Laculture, c’est aussi lesdebatsautour del’identite, c’est l’histoire intellectuelle et FannyColonnas’y est interessee:

– «Discourssur le nom: identite, alterite» dansPeuplesmediterraneens, 18, 1982, pp. 59-65.– «L’Auresdanslesanneestrente: desstereotypesal’epreuvedela micro-histoire», pp. 30-53de

l’ouvragecollectif Lettres, IntellectuelsetMilitantsenAlgerie,1880-1950, U.R.A.S.C., Laboratoired’histoired’anthropologie sociale et culturelle(Oran); Officedespublicationsuniversitaires, Alger.10

On utilisera aussi :– *Abdelkader Djeghloul, Elementsd’Histoireculturellealgerienne, Alger, E.N.A.L., 1984, pp. 141-152,

183-190.

IV. DIVERS

Les Chaouis de France

De nombreux Chaouis vivent en France soit en tant qu’immigres «economiques», soit en tantqu’ex-Harkis. Il s’est peu ecrit sur eux. Quelques etudes leur ont ete consacrees. A commencer parcellesdeChaouiseux-memescommenous: nousavonscite(2.4.)notremaıtrise, l’articlequenousenavonstire, notretheseen coursmaisegalement la maıtriseet leD.E.A. desociologiedenoscousines(Saliha Bouregba sur La Femmechaouie du Bassin dela Sambre& Yamina Boulahssa sur Les MariagesendogamesdesChaouisenFrance[3.1.]).Signalonsl’existencedememoiresdemaıtrise, qu’aportesanotreconnaissanceMmeDjemaaDjoghlal, realisessurunefamillechaouiedeFranche-ComteoriginairedeK henchela:

– *Catherine Rouvet, DeKhenchela a Besancon, Itineraireurbain dequelques Familles Hakkar, maıtrised’histoire contemporaine, dir.: MmeJaninePonty, Besancon, 1994. Cote 1141408492D94125.

– *LiseBoiteuxFamilleHakkar, ParolesdeFemmesoul’I llusionperdue,maıtrised’histoirecontemporaine,

dir.: MmeJaninePonty, Besancon, 1994. Cote 1141684582D94151.

LapresselocaledesregionsaforteconcentrationdeChaouissefait parfoisl’echodeleursactivites,notamment culturelles. A titred’exemple, cesarticlesdela Voix duNord, Maubeuge:

– «Au RAIL-ATAC: la-bas dans les Aures», 6 decembre 1989. Ce quotidien annonce quel’exposition deS. Boulahisprendra placeunejourneeau centre socio-educatif deLouvroil.

Dememeque:– «DanslesAures, rien d’ephemereavec lesF.M.R.», 13 decembre 1989.

A cepropos, il existeplusieursassociationsculturelleschaouies. Nousenconnaissonstrois: «UniondesGenerationsaurasiennes» aSaint-Aubin-les-Elbœuf; «AwrasI chawiyen»,associationalgeriennea Paris; «L’Arete»a Besancon, cette derniere association possedeuneradio.

Il nousfautfaireuneplaceegalementaunsupportdesplusoriginauxqui traiteenFrancedel’Aureset desChaouis, lesexpositions:

– *l’exposition itinerante«Aures» creee par Salah Boulahis et constituee de panneaux et objetsdivers.Exposition:mannequins, patisseries,objetstraditionnels;diaporamasurlesruinesromainesde Timgad; video danses folkloriques chaouies; groupe folklorique. Cette exposition est constitueeessentiellement depanneaux (Lespersonnesinteressees peuvent prendrecontact avec nous, adresseen conclusion, pour faire suivre.)

– *l’exposition «le1er novembre1954, ledevoir dememoireoularesistanced’unpeupleatraversl’histoire» tenuepar l’association «Awrasichawiyen» a l’occasion du43eanniversaire dela «Tous-saintrouge» a eu lieu le2 novembre1997 a Saint-Denis.

– l’exposition prevuepour le27 juin 1998 par le Centreculturel algerien (171, rue de la Croix-Nivert, Paris 15e - 01 45 54 95 31) sur l’Aures. Projection du film «Le Refuge de la Kahina» de

10. Nousremercionsl’auteur denousavoir fait cadeaud’unexemplaire.

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BelkacemOuahdi des15h.;conferencedebat«Aures: deJugurthaaBenBoulaıd»par Ali Guerbabides17h30; concertdechantsetdemusiqueschaouisa20h,expositiondephotographies,peinturesetartisanat del’Aures; degustationdeplatset patisserieschaouies.

Il nousfaut terminer en citant quelquesetudessur lespersonnesqui en consacre leur vie ou unepartiea l’Aures, y vivre, etudier.

Les passionnes d’Aures

Lepremier d’entreeuxaavoir vecuetconsacreunegrandepartiedesonœuvreal’Auresest EmileMasqueray. Voici quelquesbiographies:

– Charles-Robert Ageron, LesAlgeriensmusulmanset laFrance(1871-1919), these, publicationsdelaSorbonne, Paris, P.U.F., 1968, 2 volumes, pp. 350-371.

– Augustin Bernard, «Emile Masqueray» dansla Revueafricaine, vol. 23, 1879, pp. 350-373.– Emile Masqueray a ecrit un livre autobiographique sur sa «vie africaine» intitule Souvenirs et

Visionsd’Afrique(Alger, Jourdan, 1914, 1re

ed. 1894, 405 p.)et Augustin Bernard y fait, au debut del’ouvrage, unebiographie et presentationdesesœuvres. FannyColonna fait lememetravail danslareedition de lathesedeMasqueray de jacitee.

– Alfred Rambaud, «Un pionnier d’Afrique» dansla Revuepolitiqueet litteraire(Revuebleue), no 6,4eserie, t. III, 9 fevrier 1895.

– *Jacques Faublee, «Emile M asqueray (1843-1894)» dans Hommes et Destins, Paris, 7, 1986,pp. 333-334.

Citonsaussi GustaveMercier:– *G. Marcais, «G. Mercier (1874-1953)» dansRevueafricaine, 97, 1953, pp. 5-14, bibl.– *G. Souville,«GustaveMercier(1874-1953)»dansHommesetDestins, Paris, 7,1986, pp. 344-346.Ou encoreAndreBasset, pour lequel nousciterons:

– *Memorial AndreBasset: 1895-1956, Paris, Maisonneuve, 1957, 158 p. en ajoutant denombreuxarticlesbiographiques(voir L. Bougchiche, dememepour R. Basset).

On a aussi ecrit sur l’ethnologueThereseRiviere(en dehorsdeEllea passetantd’heures... deFannyColonnade jacite):

– *JacquesFaublee, «A proposde Therese Riviere (1901-1970) et desesmissionsdansl’Aures»dans Etudeset Documentsberberes, 4, 1988, pp. 94-102.

Sur la colleguedemission deT. Riviere, tresagreablea lire:– GermaineTillion, LaTraverseeduMal, entretienavecJeanLacouture, Arlea, Paris, 1997, 125p.11

Autretype, lesarchivesd’un groupequi a vecudansl’Aures:– *DiairesetChroniquesdespostesd’ArrisetdeMedina(1893-1919), archivesdesmissionnairesd’Afrique,

Curiegenerale(archives«curia generalizia»), Rome.

D’autres bibliographies de l’Aures (quenousn’avonshelaspaspu consulter)

– *Belkacem, KarimBoughida, Bibliographiesur l’Auresde1830a1880, memoiredelicence, institutdebiblitheconomie,universitedeConstantine, dirigepar M.Ali,1988,103p., 2cartes,760references.

– *Centreafricain desscienceshumainesappliquees(C.A.S.H.A.), Bibliographiesur ledepartement deBatna, Aix-en-Provence, C.A.S.H.A., 1969.

Danscettebibliographie, nousavonsrecense 99 livres12 consacres tout ou partiea l’Aures(dont2monographies), 242articlesderevueet magazine, 31articlesd’encyclopedies(auneexceptionpres,tous de l’Encyclopedie berbere), 9 articles de journal, 55 travaux universitaires, 6 memoires du

C.H.E.A.M., 7 extraits d’actes de colloques ou congres, 4 conferences, 12 elements d’archives

11. Jeremerciel’auteur MmeTillion dem’avoir offert unexemplaire lorsdema visitechez elle en fevrier 1998.12. Concernant cescalculsfastidieux et aleatoires, nouspensonsnepasnousetre trompemaisil n’y a aucunegarantie en la

matiere.

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(8 militaires, 4 civiles), 11 rapportset brochures, 3 cartes, 3 films, 3 cassettesaudio, 3 expositions. Laplupart deces492 referencessontde ja ecrites, certainestout dememesont en preparation.

En cequi concernelesdisciplines, cesreferencesserepartissent dela maniere suivante:On compte 29 references generales sur l’Aures et les Chaouis; 123 en geographie (dont 31

descriptions de voyageurs et vieilles etudes, 15 en geologie, 14 en geomorphologie, 5 en biologie,20 en economie, 26 etudes locales, 11 en anthropologie); 166 en histoire (9 en prehistoire, 67 surl’antiquite, 12sur laperiodemedievale, 23surlaconquetepar lesFrancais, 46sur laguerred’Algerie,8 traitant de l’histoire des tribus); 102 en ethnographie (dont 13 en sociologie, 7 en droit, 11 surl’habitat, 21sur l’agriculture, 12 sur la medecine, 15 sur lesbijoux, 15 sur la religion) et enfin 31 enlinguistique, 26 en litterature et chants.

En cequi concernelesauteurs, notonsquel’ecrasantemajoriteestconstitueedeFrancaisdesouche(380), 78sont(d’origine)algerien(-ne)set enfin 32 ont ecrit dansunelangueetrangere.

Nousretiendronsneanmoinsquelquesnomsdespecialistesaqui il fautrendrehommagepourleurstravaux, MM. R. Laffitte, J.-L. Ballais, M. Cote F. Demoulin & M.-C. Chamla, J. & P. Morizot,C. Roubet, E. Masqueray, G. Camps, J. De jeux, A. Zouzou, F. Colonna, M. Gaudry, G. T illion,

D. Djemma-Gouzon, T. Riviere, J. Servier, G. Mercier, R.-P. Huyghe, A. Basset, S. Chaker, T.G. Penchoen, T. Benfoughal...

Certescertainesdecesreferencesontun contenuscientifiquement depasse, voireridicule, maisdenombreusesontsouventunevaleurinestimablequi ontconsiderablementfaitavancer laconnaissancequel’on a del’Aures.

Nousesperonsquecetravail, qui anecessitedeuxanneesderecherches, rendrabiendesservices, etsera apprecie dansson ensemble ou en partie selon la specialite du lecteur. En effet, la lecture desreferences contenues dans cet article, du moins celles que nous possedons, se revele absolumentpassionnante, autant pour le «non-initie» quepour le Chaoui quenoussommes.

D’emblee signalons que nos recherches ne sont pas finies, nous allons entreprendre une autre«vague»derechercheenbibliothequeset quedenombreuxelementsmanquantsvontetreconsultes.Mais noussavons, nousl’avionsprecise, quecetteetudeest – par nature – provisoire. Nousaurionsaime pouvoir depouiller quelques revues (Revue africaine, Recueil des Notices et Memoires de la SocietearcheologiquedeConstantine, Antiquitesafricaines...) ou journaux (Voix duNord...) mais cela nenousest paspossible materiellement pour l’heure. Cependant, reconnaissonsquela plupart destravaux d’impor-tancerelatifsa l’Auressont recenses. Si nousavonsoubliedestravauxousi d’autresparaissent entretemps, nousserionsheureuxqueleslecteursaient l’amabilitedenouslesignaler oudenousapporterleur utile avis, critiques negatives ou positivesa mais toujoursutiles. De meme, si certains lecteursdisposent d’elementsbibliographiquesquenousn’avonspas(ceux avec l’asterisque, qui en definitivesont nombreux), nousserionsravis qu’ils noussoient pretespour completer nosacquis. Noussavonsaussi quenotreplan est loin dela perfection mais il faut bien reconnaıtrepour nousexcuser queles

references sont souvent pluridisciplinairesor nous avons justement choisi un plan thematique, pardiscipline.Par contre,aurangdessatisfactions, nousnoussommesrenducomptequelesparagraphesseconstituaientbiensouventpresqueautomatiquement, par regroupementdesreferencespar theme.

D’autrepart, noussouhaiterions, desquenotresituationnouslepermettra, renouveler cetypedetravail surl’Auresmaisenutilisantcettefoislesdifferentessourcesarchivistiques(Archivesd’outre-merd’Aix-en-Provence, Archives du service historiquede l’armee de terre au chateau de Vincennes aParis...) que nousn’avons ici qu’effleurees quand nos recherches anterieures nousont permis d’enprendreconnaissance. Dememe, signalonsqu’il existedetresbellescollectionsdedocumentsphoto-graphiquessur l’Aures(I.G.N., E.C.P.A., S.H.A.T., S.H.A.A., Museedel’Homme...). De meme, debellescollectionsprivees,parmilesquelleslanotreetcellesdenotreentourage.Ellesferontl’objetd’uneautredenosetudes. Et pourquoi pas, nousjoindrionstoutescesetudespour unpetit guide.

NORDINE BOULHAI ¨S

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Sur l’oasis de Siwa

par MadjidAllaoua

 Jusqu’ou s’etendait le pays des Berberes? Lorsque les armees musulmanes atteignirent l’Egyptequ’ellesconquirentrapidement,ellesnepouvaients’empecher deporter leursregardsconquereursaupays du couchant qui s’etendait loin devant elles. Sansdoute ignorait-on que danscedesert memequ’ont parcourait, habitait depuisau moinsun millenaire unepopulation qui aurait pu donner auxArabesuneideedecet Occidentdontla conqueteleur exigeait toutela prudence. En effet, a 300kmenviron dans le desert ouest de l’Egypte, au sud-ouest de la ville portuaire Marsa al-Matruh et

seulement a 25kmenviron dela frontiere libyenne, s’etendait unebelle oasis, celle deSiwa, peupleeaujourd’hui encoredeBerberes. Cetteoasis, loin deconstituer unılotperdudansledesert, estrelieeade grandes villespar d’importantes routes qui ont probablement ete utilisees depuis des tempstresrecules. Parmi cesroutesonpeutmentionner cellequi meneaMarsaal-Matruh,cellequi meneverslesudenseramifiantaQara, cellequi menea Alexandrieenpassantpar Foukahet enfincellequi meneaWadi Natrunenpassantpar Mogarra.Lesdeuxdernieresroutesmentionneesontprobablementeteemprunteespar AlexandreleGranddanssonchemin pour rendrevisiteal’Oracled’AmmonaSiwa.

Avantl’introductionduchameaudansl’oasis, l’aneetait lemoyen delocomotionleplusordinaire.La voiturea moteur a desormais pris le relais, cequi a grandement soulage la circulation des gens.

En 1979, il y aurait, selonuneestimation faitepar lesautoriteslocales, 7500habitantsa Siwa. La

grandepartie de la population est concentree a l’interieur et autour d’une ville portant le nom del’oasis, Siwa. D’autres habitent dans de petits villages comme al-Maraqi, Aghurmi, Abu-Shuruf etenfin al-Zaytun quoi quededaterecente.

Il existe a Siwa un grand nombre de pointsd’eau. Dansun lointain passe, il existerait plus de1000sourcesdontpourtantseulement 281sontidentifiees.Legouvernementegyptienavaitsuppleelenombredesourcesexistantespar la construction d’un bon nombredepuitsqui vont constituer unebaseindispensabled’irrigation. On cultivea Siwadesfigueset desraisins, maislesoliveset lesdattesd’especes variees constituent la sourcederevenu la plus importante. Elles entrent dansun systemecommercial tresstable, cequi permet auxgensdeSiwadeseprocurer desproduitscommelesradios,lestelevisionset, a un moindredegre, lesvoitures.

Lesanimaux domestiquesjouent un role relativement peu important dansla vie quotidienne des

gensdeSiwa. On y trouvebetail, moutons, chevreset anes. Leschameaux nesont pasentretenusal’interieur del’oasis.

La temperature est tres haute en saison d’ete, afortiori dans la villeou lesconstructionssont tresserrees. Seuls les epais murs des habitations, qui empechent la chaleur de s’infiltrer a l’interieur,permettent demaintenir un soupcon defraıcheur. De tempsa autre des aversespeuvent avoir lieu.

Onnesait pasvraimentd’ouprovientlenomdeSiwaetcequ’il signifie. LesArabesauMoyen-Agedesignaient l’oasis par le nom de Santariyahet les gensde cette ıle par le nom de Siwiyah. Le nomSantariyahadisparu, tandisqu’ademeureSiwiyahqui afini souslenomdeSiwahouSiwatoutcourtpourdesigner l’oasis elle-meme.

Lacelebrite de Siwa est particulierement due a son antiqueville, l’actuelle Aghurmi, ou siege le

templedu dieu Ammon, et la ville deSiwa, construiteen l’an 1203 dont le prestigedurera jusqu’audebut denotresiecle.Selon Kuhlmann, le clerge d’Ammon, alors en Egypte, aurait sous la 18e Dynastie essaye de

repandreleculted’AmmonaSiwa. Kuhlmannsuggerequel’oasisdeSiwaserait officiellementsousladomination egyptienne de ja sous le regne de Ramses II. A  cette epoque les Egyptiens n’etaient

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Carte de l’E ´  gypte. 1) Oasis de Siwa ; 2) Marsa al-Matruh ; 3) Alexandrie ;4) Wadi Natrun. Les lignes discontinues indiquent les routes caravanie `res

reliant Siwa au monde environnant.

Carte de l’Oasis de Siwa. 1) Ville de Siwa ; 2) al-Maraqi ; 3) Aghurmi ;4) Abu-Shuruf ; 5) al-Zaytun.

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certainement interessesa controler l’oasis ni militairement ni politiquement. Ils auraient simplementtentederepandreleculted’Ammon, commeilsl’avaientfait en regard d’autresoasissisesnon loin dela vallee du Nil. Ceci n’est evidemment qu’une hypothese, basee sur des donnees tres fragiles. Ensomme,lesseulstemoignagesvraisdelapresencedesEgyptiensdansl’oasisremontentauVI-VII

esiecle

avant J.-C. L’existence du culte d’Ammon avant cette date s’explique par le fait qu’ou bien lesEgyptiensl’avaient introduit, ou bien qu’un dieu local aurait ete tout simplement identifie au dieuAmmon. Deux temples ont neanmoins ete eriges pour le culte et l’adoration du dieu. Un Oraclesiegeait dansl’un d’eux, et l’on venait y puiser connaissanceet sagesse.

PlusieurspersonnagesdumondeantiqueauraientvisiteSiwadansleseulbutdeconsulter l’Oracle.Parmi eux,onpeutmentionner AlexandreleGrandet leroi KreususdeLydie. Et onsait, atravers lalitteraturemystique, quePlatonet Pythagoreavaient eteen Egypteala recherchedusavoir. Cen’estpasexclu quecesdeuxgrandsphilosophesn’aient pasrendu visitea l’OracledeSiwa.

LorsquelesEgyptiensvinrent pour la premierefoisaSiwa, ils seheurterent probablement a unepopulation d’origine libyque, ancetre des Berberes actuels, et c’est effectivement une populationberbere qui habiteaujourd’hui encorea Siwa. Il est en somme difficile de faire la part de verite sur

l’originedesgensdeSiwa. Dessuggestionsont eteavanceespar Fakhryet Julien qui lesfontvenir desLybiens. Le premier avancequ’apres une longueimmigration, les Lybiensont fini par s’etablir auDelta. Menacespar leurgrandnombre, ilsauraienteterepoussespar lesEgyptiensverslesud, ouunepartie se serait etablie definitivement a Siwa. Le second par contre suggere qu’une populationlibyenne, apres une invasion massive des Lybiens de l’Egypte et la fondation de la 22e Dynastielibyenne, seserait etabliea Siwa.

Par ailleurs, rien ne prouve reellement que la population de Siwa viendrait d’ailleurs. L’oasis acertainementaimanteleshabitantsdudesert enraisondesarichesseeneauetautreressourcesvitales.Si le Sahara etait une terre d’originedecertaines populationsberberes, ce qui est fort probable, lapartie qui comprend Siwa peut fort bien etre le berceau des ancetres des gens actuels de Siwa.

Les inscriptions faites sur les monuments antiques et qui ont survecu jusqu’a nos jours sontcependant en hieroglyphes egyptiennes. Aussi est-il difficile desuggerer quoi que cesoit deconcretsur la languevehiculaire des habitants deSiwa dansles tempsanciens. Unechose possible est quel’egyptienetait lalanguequotidiennedesgens. Cettesituationaeteenfait celledesBerberesaulongdetouteleur histoire. Aujourd’hui encore, le berbere demeureunelanguedesecondeimportancepournepasdiremarginaliseepar lesinstitutionsofficielles.

L’oasis de Siwa a, jusqu’en l’an 1820, garde une certaine independance. A  mon sens, c’estparticulierementsousladominationromainequel’egyptienancienaurait perdusonprestigeauprofitdu berberequi etait et restela languematernelle desgensdeSiwa.

Il nesemblepasquelechristianismeait veritablement influenceSiwa. Laseuletracedel’existencedecette religion dansSiwa est les ruines du monument Bilad r-Rum(le pays des romains), quele

Manuscrit deSiwa pretendavoir eteuneeglise.Il n’y a cependant aucun douteque la tradition qui a le plus marque l’oasis de Siwa est bien laradiationarabo-musulmane, cequi est egalementlecasdansleresteduMoyen-Orientet l’AfriqueduNord. L’islama prevalu sur ledieu Ammonet est aujourd’hui la religion deshabitantsdeSiwa. Lesdeux anciennes villes, si prestigieuses – Aghurmi avec ses deux importants temples d’Ammon etd’UmmUbayda– ont desormaisperdu leur prestiged’antan et necompteaujourd’hui quequelquescentainesd’habitants.

LeshabitantsdeSiwa furent souventau Moyen-Agel’objet d’attaquesexterieuresaussi bien delapart desbedouins berberesqu’arabes. Leshabitantsdel’anciennevilled’Aghurmi auraient, selon lefameuxManuscrit deSiwa, quittelavillepour seconstruireen l’an 1203, non loindela villefortifiee,appeleeShali, l’actuelle ville deSiwa.

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Jeune fille de Siwa avec ses nombreuses tresses fineset ses bijouts imposants (selon Fakhry, The Oasis of Egypt I,

Siwa Oasis, Cairo, 1973, fig. 24).

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I. LA VILLE DE SIWA

LavilledeSiwaajoueunroleimportantdansl’histoire desgensdel’oasis. Ellefut unevillesacreepour leshabitantset demeureaujourd’hui la «capitale» del’oasis. Lavieillevilleest encoreentoureedesonrempart, doteedequatreportes,concuesdanslebutdepareratouteattaqueexterieure.LavilledeSiwaest caracteriseepar desconstructionstresserreeset est parcouruepar unreseaucomplexederueset ruellesetroites. Autrefoislesetrangersn’avaientaccesa la villequedansuncadrecommercial.A cetteepoque, lavilleetait tellementcompactequesesdirigeantsinterdisaientauxgensdeconstruiredavantage a l’interieur deses murs, probablement pour ne pas rendre les rues plus etroitesencore.Apresunehaussedela population, lesgensdevaient construiredesetagessupplementairespour ainsiloger tout le mondea l’interieur de la ville. Les maisons finirent ainsi par devenir si hautes que lalumiere neparvint jamaisa s’infiltrer dansla villequi devenait deplusen plussurpeuplee.

II. LESTRADITIONS

L’element le plusinteressant dansles traditionsdeSiwa est un groupeparticulier detravailleurs,appelesZaggalah. Cesgensconstituaientjusqu’aunedaterecentelaforcedetravail laplusimportanteaSiwa. Ilsetaientrecrutespar lesrichesparmi lesjeunesdeSiwapourtravailler pourunlapsdetempsdetermine, enprincipedel’agede20ansa40ansenviron.Ilsdevaientdemeurer celibatairesbienau-dela du mariageet avoir leurshabitationshorsdesmursdela ville pour eviter tout contact douteuxavec lesfemmes. Ilshabitaientsoit danslesjardins, soit dansdesgrottesauxalentoursdela ville. Ilspouvaient evidemment frequenter la ville le jour. Mais aussitot que le soleil se couchait, devaient-ils

quitter laville. Ilstravaillaientdanslesjardinsetparticipaientaladefensedelaville.L’homosexualiteneserait pasinconnuechez cesZaggalah et avaient a tout lemoinsla reputation d’amoraux.CenesontpasseulementlesZaggalahqui etaientfrappesd’interdictiond’habiter al’interieur dela

ville.Celaconcernait enfait touthommemajeur nonmarie, lesveufsetlesdivorces. En somme, seul lemariagedonnait le droit d’amenager a l’interieur dela ville.

Depuislesannees70, toutachange. LesystemedesZaggalahs’esttransformepetitapetitentravailsalarie, effectuepar despaysansvenusd’Egypte. LesjeunesdeSiwatravaillent aujourd’hui principa-lementdansletransport et lecommerceouvonttoutsimplemententreprendredesetudessuperieuresa Al-M atruh. Quelques-uns, enfin, travaillent dans l’agriculture comme travailleurs salaries ou enprivecommepaysansindependants.

Comme partout ailleurs chez lesBerberes, l’organisation de la societe de Siwa reposait sur une

structure binaire representee par deux groupes auxquels president des Cheikhs. Les conflits quiopposaient lesdeux groupes etaient del’ordredu quotidien et pouvaient parfois finir en guerre, silesCheikhsfaillaientdansleur tentativedelesapaiser. Cependant, en depitdecesconflits, lesgensdeSiwaetaienttoujourspretsas’unir contrel’etranger malveillant.C’estseulementjusqu’audebutdecesiecle, par l’etablissementd’unesectereligieuse, l’ordreSahnusi, quelesconflitsqui sevissaienta Siwaprirent fin. Plustard, un nouvel ordre, al-Madaniyah, fut etabli et vint renforcer le premier danslatentatived’etablir definitivementla paix et la solidariteentrelesdeux clans.

LesgensdeSiwa sont souvent decritscommeetant desgenssuperstitieux. On racontequ’ilssontdouteux en regard des etrangers qui sont susceptibles d’apporter malheur a l’oasis. Lorsque, parexemple, un etranger affiche un interet quelconque, les gens en deviennent tres vite douteux. La

superstition aurait laisse des traces profondes chez les habitantsdel’oasis. Ils croient fermement aumauvais œil qui devait entreautresmotiver leur douteenverslesetrangers. La croyanceaumauvaisœil demeurecependantunphenomenecommunpour touslesgroupesberberes. LesKabylesdanslatradition mettentlemauvaisœil en rapport aveclesvieillesfemmes. Aussi lesenfantsdoiventetremishorsdeleur champ devision.

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