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LE TRÉTEAU DES APATRIDES

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DU MÊME AUTEUR

La vie exemplaire d’Alcide 1er le pharamineux et de sa prochedescendance, théâtre, Montréal, Leméac, 1973.

La gloire des filles à Magloire, théâtre, Montréal, Leméac, 1975.

Le casino voleur, théâtre, Montréal, Leméac, 1978.

La longue marche dans les avents, théâtre, Montréal, Leméac,1984.

Le déversoir des larmes, théâtre, Montréal, Guérin, 1988.

Les baigneurs de Tadoussac, récit, Montréal, Triptyque, 1993.

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André Ricard

LE TRÉTEAU DES APATRIDESou

La Veillée en armesThéâtre

Introduction de Lucile Martineau

Les éditions du Septentrion reçoivent chaque année du Conseil desArts du Canada et du ministère de la Culture et des Communicationsdu Québec une aide financière pour l’ensemble de leur programme depublication.

Illustration de la couverture: Charles Alexander, L’Assemblée des sixcomtés en 1837, huile sur toile, 1890, détail. Coll. Musée du Québec(Photographie Musée du Québec, P. Altman, 1995).

Révision: Solange Deschênes

Mise en pages: Folio infographie

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRION

vous pouvez nous écrire au1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

ou par télécopieur (418) 527-4978

© Les éditions du Septentrion1300, av. MaguireSillery (Québec)G1T 1Z3

Dépôt légal – 3e trimestre 1995Bibliothèque nationale du QuébecISBN 2-89448-033-4

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À Sébastien

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INTRODUCTION

INTRODUCTION*

Le Tréteau des apatrides ou La Veillée en armes est la deuxièmepartie d’une grande trilogie qui, une fois complète, aura évoqué troisheures cruciales de l’histoire du Québec, les derniers jours de laNouvelle-France dans La Longue Marche dans les Avents, larévolte des Patriotes dans La Veillée au dix-neuvième siècle, et enfinle temps présent dans une troisième pièce à venir. Il s’agit donc dethéâtre qu’on peut appeler historique en simplifiant les définitions, maisles personnages sont fictifs, bien que taillés sur des modèles dontquelques-uns sont assez reconnaissables. C’est peut-être justement uneforce des deux pièces car, au-delà de leurs situations, il est possible d’envoir d’autres, ce qui redouble leur signification et lui donne des réso-nances universelles.

Cela était spécialement vrai de La Longue Marche. Dans lemonde coloré de la Nouvelle-France, et à travers les tribulations de per-sonnages frappants de vie et de vérité, aventuriers, habitants, aristo-crates plus ou moins authentiques, mystiques, profiteurs, faiseursd’empires, ecclésiastiques, jeunes qui veulent simplement vivre, onretrouve tous les «Autant en emporte le vent», la fin du Sud américain,la débâcle européenne devant les nazis, l’éternelle saga des groupes

* Lucile Martineau, professeur dans le système universitaire américain,travaille régulièrement sur la dramaturgie québécoise; elle a fait de fré-quentes conférences et communications sur ce sujet.

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nationaux qui se débattent dans l’adversité de l’histoire. Mais ici, lesens particulier de la tragédie est que l’indifférente histoire était en traind’engloutir non pas une société décadente, indolente ou foncièrementinjuste, mais une jeune nation qui regorgeait de forces vives.

Ce débordement, cette surabondance de vitalité étaient très évidentsdans La Longue Marche, solidement tenus en bride par les deux foisjumelles, foi dans les valeurs de la religion et dans l’éternité, et foi dansles valeurs du monde matériel, monde d’autant plus fascinant qu’il estencore en partie à découvrir et à maîtriser. Toutes les deux sontreprésentées en des personnages forts et mémorables, mais dont on saitqu’ils ont pu exister. C’était le temps de la démesure, c’était une époquefabuleuse. Est-il besoin de nommer Cavelier de La Salle, Marie del’Incarnation, et tant d’autres, faits comme eux à la hauteur de leuraventure? Dans ces conditions et avec cet élan, la tragédie devient secrè-tement explosive et se transforme en promesse latente, promesse de survieet d’une autre chance, et dans une scène centrale un enfant est conçuau pire de la débâcle.

Représentée en 1985 au Centre national des Arts à Ottawa sousle titre, moins heureux que l’original, de L’Année de la grossetempête, La Longue Marche dans les Avents est une admirablepièce dont la qualité québécoise n’est pas la moindre, mais pas non plusla seule, et quand elle aura passé par d’autres interprétations, par desmodifications peut-être, elle atteindra à sa plénitude, qui est de classeinternationale. Et comme le symbolisme de Noël qu’elle contenait appellecelui de Pâques, André Ricard donne une deuxième pièce historique àce Canada français qui a su tenir la promesse et se souvenir, et espère-t-il, continuera à se souvenir.

Voici donc le deuxième volet de la trilogie, La Veillée en armes,cette longue veillée, ce long couvre-feu du dix-neuvième siècle, et lespremières étincelles, dans la nuit, du mot magique liberté. Dix-huit centtrente-sept, dix-huit cent trente-huit, il s’agit encore d’une défaite, etpourtant il émane de cette pièce, comme de la première, un sens trèsintense de force, et de force tournée vers l’avenir. Qu’est donc, parrapport à l’histoire, le théâtre historique, qui a toujours existé sous uneforme ou sous une autre?

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INTRODUCTION

En France, curieusement, le genre est presque inexistant, car il n’estbien entendu pas question de prendre les héros et les rois de Corneilleet Racine pour espagnols, grecs ou romains de l’époque, et ceux deVictor Hugo pour autres que romantiques et hugolesques. Quant àL’Aiglon et L’Alouette, beaux oiseaux blessés et aux destinées excep-tionnelles, ils touchent beaucoup plus au cœur et à l’imagination qu’àla corde patriotique. Car c’est justement la proximité du sentiment natio-nal qui caractérise la véritable pièce historique. Autrement, le dépla-cement dans le temps serait plutôt une forme de l’exotisme.

On peut ainsi percevoir, qu’ils soient Romains ou monarquesbritanniques, dans l’immensité même des personnages de Shakespeare,ce sentiment national, à la fois clair et diffus, d’un pays qui est en trainde se découvrir une destinée exceptionnelle. Mieux encore avec le cas dela noble et malchanceuse Espagne, on trouve représenté ce qui est peut-être la plus pure forme du théâtre historique, c’est-à-dire celle où deshéros véridiques se meuvent dans des circonstances conformes à lavraisemblance, vers des dénouements connus d’avance. Les grandsauteurs y ont presque tous contribué, et il est à noter que cette lignedramatique, qui est longue et continue, semble commencer au momentmême où l’empire de Charles Quint, sur lequel autrefois le soleil ne secouchait jamais, glisse dans une irréversible décadence, victime de sespropres richesses, de ses fautes, et de conditions historiques malencon-treuses. On dirait que les forces vives et les gloires du passé, enferméeset gardées dans le théâtre, constituent une sorte de réserve d’énergie,toujours prête à être relâchée pour venir au secours de forces présen-tement diminuées, inadéquates, ou qui doutent d’elles-mêmes. Il s’agitici de fierté nationale, mais aussi d’un potentiel dynamique qui peutpousser à l’action.

De nos jours, le théâtre historique a un rival redoutable, le cinémaqui, avec ses ressources techniques presque illimitées, est éminemmentapte à recréer, représenter et vulgariser le passé. L’opulence américaine,jusqu’à présent inégalée, y a été pour beaucoup. Ainsi, le grand pro-ducteur de Hollywood Cecil B. de Mille avait à son emploi toute uneéquipe de chercheurs et d’experts afin d’assurer l’exactitude de sesfresques bibliques et médiévales, et il devenait impossible après lui de

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faire moins. Le film El Cid, avec Sophia Loren et Charlton Heston,a été réalisé en collaboration avec les plus hautes compétences enEspagne, mais pourtant le souci d’excellence et d’authenticité dansl’exécution, qui par ailleurs fait heureusement contrepoids aux évidentesconcessions à la rentabilité, ne suffit pas à donner à une superproductioninternationale le souffle des grandes pièces de maîtres comme Lope deVega, ou Tirso de Molina. Mais c’est que les prémisses sont différentes,car le cinéma, devenu très vite une forme d’art universel, s’intéressebeaucoup plus à traiter les personnages historiques comme individusfabuleux qu’à exalter leur patriotisme. Il reste que El Cid est quandmême plus proche de son fondement réel que Le Cid de Corneille, quiest une œuvre du classicisme français et non une vraie pièce historique.

Pourtant, la grande rivale de la pièce historique est bel et bienl’histoire elle-même, car l’histoire est théâtre, et on ne lui fait pasconcurrence impunément. Le théâtre historique est un genre vulnérable,toujours en danger de tomber dans le domaine du manuel scolaire, dela leçon de civisme, ou même simplement du ridicule. C’est pourquoi ilse doit d’être avant tout théâtre, ce qui n’est pas simple, et AndréRicard y a pleinement réussi, dans La Longue Marche et peut-êtreencore plus dans La Veillée. La Longue Marche était toute demouvements, fuite devant l’événement, élans mystiques, repli sur soi, etsur un immense espoir contenu dans le symbolisme de Noël. Dans LaVeillée, le symbolisme est celui de Pâques: dans la nuit du tombeau,tout à coup, il s’ouvre une brèche, une échappée vers la lumière. Ce nesera encore, de nouveau, qu’un espoir, même s’il se précise, mais laRévolte des Patriotes prend de plus en plus de sens au fur et à mesureque le temps se déroule jusqu’à aujourd’hui.

Avec Le Tréteau des apatrides ou La Veillée en armes,nous sommes dans ce lieu d’élection de la dramaturgie contemporaine,un monde clos, arbitraire, où l’être humain se débat à la limite de lui-même, c’est-à-dire dans la solitude. Nous sommes dans cette «province»oubliée, humiliée, dont l’asservissement a dû être une savoureuserevanche pour l’orgueilleuse Albion, au moment où elle perdait lemeilleur de son empire nord-américain avec l’indépendance des États-Unis, cette province emmurée à l’intérieur d’une marée anglophone qui

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INTRODUCTION

s’amplifie sans cesse, représentée ici par un grand nombre de person-nages britanniques, lesquels évidemment sont aux commandes, et lehéros de la pièce, Jean-Eudore, est, sans forcer la vraisemblance, à leuremploi.

Cette terre où l’on venait autrefois chercher l’aventure et la libertén’est plus, pour l’extérieur, qu’un secteur de l’administration anglaise,où vivent les étranges humains décrits dans le rapport Durham, et iln’est pas un hasard que des scènes importantes de La Veillée aient lieudans la nuit, ou dans des espaces clos, prison, maisons de passe. Il enrésulte que les forces ainsi contenues demandent impérieusement àéclater, et il faut admirer l’art infini avec lequel André Ricard nous faitpénétrer dans ce monde fermé, partager ses intensités et leur besoind’être résolues, quand finalement Jean-Eudore, un anti-héros trèsmoderne, passe à l’action.

Afin de relier les deux pièces et les deux époques, le spectateur estd’abord soumis à une sorte de brouillage du temps autour de deuxpersonnages clés, matriarche et patriarche, ennemis et conjoints selon laloi implacable de toute guerre, qui exige qu’àprès elle la vie continueà n’importe quel prix. Elle, c’est Manette, la jeune paysanne de LaLongue Marche, «pouliche à demi domptée», enlevée puis épousée deforce. Lui, c’est l’Écossais McLeod, venu comme soldat, puis restécomme colon privilégié par la victoire, c’est-à-dire grand propriétaireterrien et ravisseur de femmes, qui fait souche et fortune en Canada,grâce à l’assistance d’une Française, d’une Anglaise et d’une Indienne...lesquelles lui assurent la nombreuse descendance nécessaire à la colonie.

Cette sorte de prologue, qui est par ailleurs fort utile en jetantquelques traits de clarté sur une période sombre et confuse, ne retardepas l’action qu’on attend. D’abord, le personnage de McLeod, con-quérant, figure paternelle et usurpateur, annonce que la nation britan-nique ainsi fondée n’aura pas un avenir facile. Les rapports de sa tripledescendance, frères rivaux et ennemis, qui apparaissent dans ladeuxième partie, préfigurent des conflits inévitables, où l’incompré-hension, l’oppression et l’humiliation domineront trop souvent sur cetteterre illimitée qui semblait à prendre. Enfin, ces retours dans le passénous font mieux apprécier la manière admirable dont l’auteur engage

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LE TRÉTEAU DES APATRIDES

son héros dans la situation historique et dans sa destinée, manière natu-relle et absurde comme la vie elle-même. Envoyé à la ville pour sontravail à l’emploi du vieux McLeod, Jean-Eudore tue accidentelle-ment une fille de joie, dans une de ces querelles de cabaret où lespistolets partent tout seuls. Condamné à mort et jeté en prison, c’est làqu’il rencontre un prisonnier politique, Pierre Bédard, et entend pourla première fois parler d’idées, de patriotisme, de lutte constitution-nelle.

Paradoxalement, ici encore le vent de la liberté viendra soufflerd’une façon inattendue et surprenante: par la visite d’une jeuneAnglaise intellectuelle et dilettante, Peggy Hammerslough, fille dumédecin-chef de l’Amirauté, qui utilise le pouvoir de sa position pourse livrer au morbide passe-temps, à valeur anthropologique, de collec-tionner les portraits de condamnés à mort. Autre coïncidence: l’artistebesogneux qui l’accompagne et les exécute a étudié aux États-Unis, etrécite la constitution américaine, que Peggy commente avec quelquecynisme! Pourtant, ce bouillonnement d’idées ne devient pas le seulmoteur de l’action, cela aurait été un danger capable de l’affaiblir, etAndré Ricard a très bien su l’éviter, tout en lui faisant sa juste place.C’est au contraire une des beautés de la pièce d’avoir utilisé la prisoncomme espace privilégié, non pas voué à la dégradation et à la seulepunition, mais lieu de réflexion, de regroupement d’énergies, de ger-mination, matrice dont on sort pour l’action, comme cela a été depuistoujours, de Cervantes à Malcolm X.

Mais ni la vie ni la mort ne veulent encore de Jean-Eudore, et sadestinée prend un nouveau détour. Le choléra sévit sur la ville, etcertains condamnés sont mis en sursis et relâchés pour servir detravailleurs sanitaires. On apprendra plus tard que Peggy est intervenueen sa faveur, mais leurs vies pour longtemps ne se toucheront plus, etJean-Eudore, enveloppé de vêtements, bandelettes et cagoule qui le fontressembler à un mort, sort de la cellule comme le Christ le matin dePâques, vers l’accomplissement d’une incertaine promesse.

La société ne le poursuivra pas davantage, et il sera donc libre dese jeter dans son aventure personnelle. Mais il faudra encore bien dutemps, beaucoup de péripéties, de coïncidences, de débats, de rencontres

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INTRODUCTION

pour qu’il soit enfin rejoint par son destin, représenté par la jeunefemme assassinée qui revient à la fin pour l’envoyer au combat.

À la fois ardent dans sa soif de vivre aiguisée par le contact avecla mort, et hanté malgré lui par la responsabilité de son crime invo-lontaire, jusqu’au bout il essaiera de l’oublier, de le répudier. Déchiréde contradictions — il pousse le désir de la réussite jusqu’à devenir lesecrétaire de Lord Lambeth, commissaire enquêteur britannique! —, ilcache son mal sous la façade de l’aimable célibataire un peu viveur, luiqui n’a même pas eu le temps d’aimer la femme qui le tient pourtoujours. Meurtrier sans l’avoir voulu et finalement héros sans l’avoircherché, viril en même temps que mené par les circonstances, Jean-Eudore est un proche cousin des personnages de Camus, et un des plusbeaux rôles masculins de la dramaturgie québécoise.

Ici, comme d’habitude, André Ricard jette sur les femmes unregard d’une singulière perspicacité. Ce n’est pas que les hommes, ducôté anglais, manquent dans leurs conduites à montrer l’odieux, l’in-digne, le sadique du colonialisme, au contraire.

Mais leurs compagnes, par ailleurs parfaitement féminines, ajoutentau tableau des notes subtilement puissantes et qui font songer. Il existepeu d’illustrations plus frappantes que Peggy Hammerslough, visiteusedu soir et collectionneuse de portraits de condamnés, pour l’idée sar-trienne que le rapport maître/esclave, dominateur/dominé, colonisateur/colonisé est caractérisé par le privilège abusif de voir sans être vu, deregarder sans être regardé. Et quand plus tard dans l’intrigue elleessaie de séduire Jean-Eudore, le malsain de ce rapport éclate auxyeux. Une autre Anglaise qui navigue en eau trouble est ce personnageuniversel de l’épouse d’un haut administrateur colonial. Décrite avechumour par l’auteur comme «une forte jeune fille de cinquante ans»,Lady Henricke est la femme de Lord Lambeth, représentant de SaMajesté britannique et chargé de faire un rapport sur l’agitation auCanada. Tout comme son auguste époux plane au-dessus de la situa-tion, jetant des regards hautains et des mots lapidaires, elle, complè-tement inutile, respectée et servie, sans aucun intérêt pour ce qui l’en-toure, sans aucun désir ou pouvoir d’y comprendre quoi que ce soit,flotte, en se droguant à l’éther, et se livre à des rites naturistes le matin

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LE TRÉTEAU DES APATRIDES

devant la mer, en guise d’attache avec le réel, ou peut-être parce quel’océan baigne toutes les rives du glorieux Empire et qu’elle est ainsi encommunion avec lui. Semblablement, les jeunes femmes enceintes del’armée américaine d’occupation en Allemagne après la guerre, frappéessans doute de mal du siècle, soignaient leurs insomnies à la thalidomide,moins chanceuses qu’Henricke dans leurs résultats!

Mais heureusement c’est dans le camp opposé qu’on trouve la plusbelle création dramaturgique de La Veillée, Palmyre, la jeune pros-tituée qui meurt de bonne heure dans la pièce, comme dans sa vie.Venue du Richelieu où elle avait grandi, fidèle dans son souvenir à saterre natale dont elle porte un peu, dans un sachet sur son sein, niJeanne d’Arc ni Maria Chapdelaine, elle était à la ville pour nourrirson enfant, et, comme les filles à Magloire d’une autre pièce d’AndréRicard, elle est vue simplement comme une femme au travail plutôt quecomme un vrai objet d’érotisme. Elle n’est en scène qu’environ quinzeminutes et quatre fois, dont une seule fois vivante, et pourtant elledomine invisiblement toute la pièce. Elle en est le nœud, la forcedynamique, le symbole si on veut. La dernière scène, quand elleapparaît pour apporter à Jean-Eudore son uniforme de combattant, luiannonçant que la cause, dans l’immédiat, est perdue d’avance, et luipasser au cou le sachet qui contient la terre sacrée à défendre, est d’uneindescriptible beauté parce que pur théâtre. Femme fatale au sens leplus fort du terme, Palmyre représente la certitude de la mort, maisaussi et surtout la certitude qu’elle est nécessaire, car seuls les sacrificesfont les vraies causes. Et cela est sans doute la signification de cetteRévolte des Patriotes, si vite étouffée, trop vite oubliée. Aucun récitenflammé, aucun truquage cinématographique, aucun effet spécial nepeut avoir la force de cette présence d’une absente sous nos yeux sur lascène, et des mots très simples que Palmyre et Jean-Eudore échangentet qui sont leurs adieux.

Si ces choses, ou des choses semblables, n’étaient pas arrivées, leQuébec d’aujourd’hui ne serait pas possible, ne serait pas ce qu’il est,et André Ricard a bien mérité de la patrie pour en avoir parlé. Et siles Québécois s’interrogent sur eux-mêmes, ils n’ont qu’à se tourner versses pièces, car leur gloire vient d’eux, et retourne vers eux.

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INTRODUCTION

Ce serait pourtant rapetisser La Longue Marche dans lesAvents et La Veillée en armes que de les réduire à leur seulemission québécoise, car une telle œuvre est d’abord sa propre justifi-cation. Mais si elle touche au cœur du groupe national dont elletémoigne, et si encore elle touche à d’autres cœurs pareillement humiliéset maltraités par l’histoire, et au sens de justice de tous, alors onpourrait peut-être penser aux mots d’Anne Hébert...

«Que celui qui a reçu fonction de la parole vous prenne en chargecomme un cœur ténébreux de surcroît, et n’ait de cesse que soientjustifiés les vivants et les morts en un seul chant parmi l’aube etles herbes.»

Lucile Martineau

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INTRODUCTION

REMERCIEMENTS

L’auteur remercie cordialementMmes Michelle Rossignol, Lucile Martineau et Lorraine

Pintal;Mmes Michelle Allen, Lorraine Hébert et M. Dominic

Champagne;MM. Pierre Tousignant et Gaston Deschênes, et tout

spécialement M. Guy Beausoleil.Au cours des années où s’est élaborée cette pièce,

l’auteur a bénéficié d’une bourse des Affaires culturelles etdu Conseil des Arts du Canada.

1. Pour les fins de la lecture, des allégements ont été apportés à l’ensembledu texte de façon à conserver sa structure à la pièce. Le rituel du Jeudisaint à la prison, avec les deux évêques, a été la seule scène globalementomise.

Le Tréteau des apatrides ou La Veillée en armes forme le voletcentral d’une trilogie qui commence avec La Longue Marchedans les Avents.

Le Tréteau des apatrides a été proposé en lecture publique1

le 3 avril 1995, sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde.Cette lecture, dirigée par Guy Beausoleil, a été réalisée encollaboration avec le Théâtre d’Aujourd’hui, le Centre desauteurs dramatiques et le Théâtre du Nouveau Monde.

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction 9

Remerciements 19

Liste des personnages 21

PREMIÈRE PARTIETribulations d’un homme du commun 23

DEUXIÈME PARTIELes mauvais perdants 131

COMPOSÉ EN BASKERVILLE CORPS 11SELON UNE MAQUETTE RÉALISÉE PAR JOSÉE LALANCETTE

ET ACHEVÉ D’IMPRIMER EN AOÛT 1995SUR LES PRESSES DE AGMV

À CAP-SAINT-IGNACE, QUÉBEC

POUR LE COMPTE DE GASTON DESCHÊNES

ÉDITEUR À L’ENSEIGNE DU SEPTENTRION

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