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ET MAINTENANT ? FOLIO LE CAUCHEMAR AMÉRICAIN

Folio n°10

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Magazine d'information et d'actualité

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ET MAINTENANT ?

FOLIO

Le cauchemar américain

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2 - Folio n°10 - Du 12 au 19 mai 2011

Rédactrice en chef : Coline Benaboura Secrétaire de rédaction : Nicolas Gil Maquettiste : Nicolas Gil Rédaction : Marie Aubazac, Coline Benaboura, Marine Chapelle, Nicolas Gil, Benoît Jacquelin, Claire Monnerat, Jérémie Nadé, Lauriane Rialhe, Natacha Verpillot.

Edito

Elle aura bien été secouée la classe politique française cette semaine. Comme si nous ne le savions pas déjà, la campagne 2012 semble bien lancée...

Le pavé jeté dans la mare par Laurent Wauquiez a donné le ton la semaine dernière : « l’assistanat est le cancer de la société ». Autrement dit, il faut justifier le versement d’une aide sociale par une contrepartie (cinq heures de travaux hebdomadaire non rémunérés), selon le ministre chargé des Affaires europée-nnes, qui, soit dit en passant, n’est en charge ni du travail, ni des affaires so-ciales. Un axe majeur donc pour le gouvernement UMP, qui, faute de résultats dans les sondages, et pour masquer les inégalités les plus flagrantes, n’hésite pas à désigner les coupables : les ménages les plus pauvres. Comme si être bénéfi-ciaire d’aides sociales était aujourd’hui un crime. On n’arrive pas à supprimer la pauvreté ? On criminalise le pauvre et hop : la conséquence des désordres devient la cause des problèmes. Le cas Wauquiez n’est cependant pas isolé. S’il a été désavoué par une partie de sa classe politique la semaine dernière, n’oublions pas qu’il y a un mois, au nom de « la justice » sociale, un député UMP proposait de conditionner les indemnités des chômeurs de longue durée à un travail gratuit.

Il s’agit donc de jouer sur la crédulité populaire pour évincer les ennemis politiques, le parti socialiste en premi-ère ligne : « les bénéficiaires du RSA ou du RMI gagnent plus qu’un honnête travailleur », « les immigrés coûtent trop cher à l’Etat avec le versement des allocations ». Autant d’idées reçues qui ressurgissent aux échéances élec-torales et qui frisent avec un extrémisme douteux. Une bonne opération de communication, qui, quoi qu’on en pense, permet d’évincer des problèmes de fond comme la trop faible rémunération des salariés. Ainsi, tout le monde est content : le MEDEF qui juge que les salariés ne sont plus assez rentables car trop assistés, les élect-eurs de droite qui sentent se ressouder les bonnes vieilles valeurs bourgeoises, et le gouvernement qui grappille des voix. Une citation dans L’Express est d’ailleurs riche de sens : « Si Nicolas Sarkozy n’a finalement pas licencié son ministre à chaud, c’est “parce que ce qu’a dit Wauquiez sur le fond n’est pas absurde”, précise l’Élysée ».

C’est donc un bel axe de la prochaine campagne UMP qui vient d’être mis au jour, mais un axe tout aussi con-testable. Si le pauvre Français est assisté, qu’en est-il du bon rentier ? Laurent Wauquiez, à ce sujet, se courcir-cuite lui-même en soulignant qu’en France, les revenus ne sont plus avantageusement liés au travail. Autrement dit, mieux vaut-il avoir un bon patrimoine pour le faire fructifier ? Comment expliquer alors à un bénéficiaire du RSA, qui touche 43% du SMIC, qu’il est assisté ? Il reste pour cela quelques mois au gouvernement UMP pour donner l’exemple, dans la bonne tradition gaulliste, en renonçant à toute forme d’assistanat : cuisiniers, voitures de fonction avec chauffeur et logements d’aisance... aux frais du contribuable fainéant !

Coline Benaboura

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

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A LA UNE

L’affaire DSK est un vé-ritable séisme politique, qui est venu secouer bien plus que l’homme seul. Innocent ou non, tout est désormais différent, aus-si bien pour lui que pour tous ceux qui l’entourent. Folio fait le point sur ces événements, et tout ce qui en découle.

A lire page 4

INTERNATIONALLybie : une situation toujours plus difficileBien que l’actualité en parle moins, la crise en Lybie est loin d’être terminée. De récents évé-nements montrent que la situation est toujours très complexe dans le pays.............................................10

POLITIQUEScandales politiques : la France serait-elle plus laxiste ?Ces derniers mois, plusieurs scandales ont éclaboussé la classe politique française. Pourtant, les per-sonnes mis en cause sont toujours au pouvoir. La France pardonnerait-elle plus facilement qu’ailleurs ?...........14

SOCIÉTÉLes dessous tragiques de la politique antina-taliste chinoiseL’enlèvement d’enfants chi-nois met en lumière les déri-ves de la politique de l’enfant unique....16

ECONOMIEMicrosoft s’offre Skype et menace GooleLe géant américain de l’informatique vient de ra-cheter le logiciel de télépho-nie gratutite pour une somme colossale. Un challenge ris-qué, mais une stratégie pay-ante..........................18

ENVIRONNEMENTLes Pays-Bas, plus verts que la FranceLes bonnes pratiques écologiques se répandent lentement en France. Zoom sur les Pays-Bas, dont la France aurait de nombreuses leçons à tirer.............................20

MÉDIASBig Brother serait-il devenu réalité ?Depuis 2006, la surveillance des télécommunications en France est autorisée. Une pra-tique dangereuse tant le risque de dérives est grand..............22

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ET MAINTENANT ?

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Le cauchemar américain

Accusé de faits gravissimes, Dominique Strauss-Kahn voit son rêve présidentiel s’évanouir. Tout comme, peut-être, son avenir entier. / © DR

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TROUBLES PERSPECTIVES

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isage fermé, marqué, barbe de trois jours, l’air hagard. Les images de Dominique Strauss-Kahn comparaissant devant le tribu-nal de Manhattan lundi 16 mai

ont fait le tour du monde. Il y a tout juste deux semaines, il était déjà dans l’actualité, pour être monté dans une Porsche luxueuse aux côtés de son épouse, Anne Sinclair. Il y a tout juste deux semaines, il écrasait ses rivaux dans les sondag-es pour la présidentielle de 2012. Comme si un monde s’était écoulé entre ces deux instants pré-cis. Entre ces deux instants : une chambre à New York, une femme de ménage, quelques minutes encore floues où une vie vacille, une arrestation dans un avion qui s’apprêtait à partir pour Paris, des accusations graves et un homme qui nie tout. Puis la prison, en attendant une nouvelle compa-rution vendredi devant un grand jury qui décidera de l’inculper ou non.

L’affaireSoupçonné d’« agression sexuelle », de « tenta-tive de viol » et de « séquestration », Dominique Strauss-Kahn encourt jusqu’à 74 ans de prison, voire la peine maximale s’il plaide non-coupable, le FMI assurant qu’il ne bénéficierait d’aucune immunité. Et les faits ne jouent pas vraiment en faveur de l’ancien patron du FMI, qui a présenté jeudi sa démission. Selon les premiers éléments de l’enquête, DSK serait sorti nu de sa chambre et aurait poussé une femme de ménage, Nafis-satou Diallo, sur le lit. Elle se serait débattue, il l’aurait à nouveau attaqué dans le couloir près de

« Comme un coup de tonnerre ». Les mots de Martine Aubry résument la portée de l’affaire qui vient de toucher Dominique Strauss-Kahn. Entre suspicions et zones d’ombres, ce n’est pas seulement l’avenir personnel de l’homme qui est remis en ques-tion, mais aussi celui d’institutions comme le FMI, et surtout le parti socialiste. Décryptage.

Par Nicolas Gil

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TROUBLES PERSPECTIVES

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la salle de bain. Elle serait finalement parvenue à se libérer, et aurait aus-sitôt prévenu des membres du per-sonnel de l’hôtel, qui ont contacté la police. Quand les forces de l’ordre sont arrivées sur place, DSK avait déjà quitté les lieux, laissant un télé-phone portable et des effets person-nels. La police new-yorkaise parle d’un départ qui semble avoir été précipité. Des enquêteurs en civil de l’Autorité des ports de New York et du New Jersey sont alors partis le

chercher à l’aéroport de JFK, où il avait déjà embarqué à bord d’un vol Air France qui s’apprêtait à décoller. Ensuite, tout s’est en-chaîné. Les révélations et les rumeurs ont foisonné un peu par-tout : autour de ce qu’il s’est réel-lement passé, autour de l’identité de la jeune femme, sur l’existence d’un supposé alibi, la possibilité d’une relation sexuelle qui se-rait consentie, etc. Car, dans ce-tte affaire, énormément de zones

d’ombres sèment le doute dans certains esprits.

La théorie du complotLa possibilité d’un piège, notamment, en a effleuré plus d’un au fur et à mesure de certaines révélations depuis diman-che. C’est d’ailleurs, selon un sondage BFMTV paru mardi, une certitude pour 57% des Français. Le fait que tout cela arrive alors que l’ex-patron du FMI cara-cole en tête des sondages pour 2012 en a fait réfléchir beaucoup, et ce n’est pas l’existence de certains éléments obscurs qui va les faire changer d’avis. La présomption de tentative de fuite, d’abord, semble fausse puisque DSK a pris le temps de régler sa note, et que le billet d’avion qu’il a utilisé était réservé depuis un bon moment déjà. A noter aussi qu’il a lui-même appelé l’hôtel pour signaler qu’il avait oublié un téléphone, afin qu’il lui soit retourné. C’est grâce à ce coup de fil que la police a pu le localiser et procéder à son arrestation. A première vue, ce ne serait pas ce que ferait une per-sonne en fuite. Mais l’élément qui intrigue le plus, c’est l’existence d’un tweet, posté par un jeune Franco-Canadien dénommé Jonathan Pinet. A 23h00 heure française, il poste sur le réseau le message suivant : « Un pote aux Etats-Unis vient de me rapporter que DSK aurait été arrêté par la police dans un hôtel à NYC il y a une heure ». Outre le fait qu’il ait eu l’information près d’une heure avant les médias américains, il précise bien que l’arrestation aurait eu lieu à l’hôtel, alors que celle-ci s’est dé-roulée à l’aéroport. Une incohérence qui a mis la puce à l’oreille des défenseurs de DSK, renforcée par le fait que Jonathan Pinet est membre des jeunes de l’UMP et venait récemment de participer au lance-ment d’un site dénonçant « les men-songes de la gauche » (www.o-m-g.fr). Dernier élément, la sortie médiatique lundi de la journaliste et romancière française Tristane Banon, qui révèle avoir été agressée sexuellement par Dominique Strauss-Kahn en 2002. Elle est loin d’être inconnue, puisqu’elle est

Evenement➢

Dominique Strauss-Kahn, visage fermé, comparaît devant le tribunal de Manhattan / © DR

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Evenementl’une des meilleures amies de Camille, l’une des filles de DSK, et la filleule de Brigitte Guillemette, sa seconde épouse. Elle rapporte avoir constitué un dossier à l’époque mais n’était pas allé plus loin, ne voulant pas « être jusqu’à la fin de [ses] jours la fille qui a eu un problème avec un homme politique ». A l’instar de ce qui s’était passé lors de l’affaire Polanski il y a tout juste un an, et la plainte subitement déposée par une actrice anglaise par abus sexuel alors que le cinéaste était en pleine tourmente, tout cela a de quoi surprendre.Tous ces éléments combinés poussent à s’interroger, et certains n’ont déjà pas hésité à franchir le pas pour parler de complot savamment orchestré. D’autant plus que DSK aurait déclaré en avril à deux journalistes de Libération craindre d’être victime d’un coup monté de la part de ses adversaires politiques. Mais tout cela, ce sera à la police de l’éclaircir.

Bouleversements en chaîneAinsi, en quelques heures, ce n’est pas seulement le destin d’un homme à qui l’avenir promettait énormément qui a basculé, c’est aussi celui du FMI, et de la gauche en France. Deux institutions qui ont tout à perdre dans cette histoire. Pour la première, ce sont tous les pro-cessus de redressement initié par DSK qui sont ébranlés. La Grèce, le Portugal, l’Irlande : autant de pays qui tenaient par le fil des plans de restriction mis en place par l’ancien patron du FMI, qui ne retrouvera jamais son poste. Pour autant, nul doute que cette institution saura réa-gir très vite pour se remettre en selle. Côté socialistes en revanche, tout ne sera pas aussi facile. Eux qui courent après le pouvoir depuis seize longues années ont vu leur champion fauché en plein vol. Sauf miracle, il lui sera impossible de se présenter aux primaires du PS, le 28 juin prochain. Dans le parti, on serre les rangs, affirmant sans cesse que l’intérêt des Français passe avant toute cette his-toire. DSK hors-jeu, cela fera-t-il les af-faires de Martine Aubry, qui avait affirmé ne pas vouloir se présenter contre lui ? Rien de moins sûr, le bruit courant qu’elle

ne franchirait pas le pas, certaine d’être battue par François Hollande. Celui-là même qui, après avoir réussi à rendre sa candidature crédible, voyait l’horizon s’assombrir une nouvelle fois devant la popularité de Strauss-Kahn. Désormais, la voie semble toute tracée. Car plus le temps passe, plus son ancienne com-pagne, Ségolène Royal, semble perdre de l’ampleur. Et lorsque l’on apprend, selon RTL, qu’elle devait se rallier aux côtés de DSK pour les primaires, on la voit mal en leader du parti. De fait, à moins d’une vraie surprise (Arnaud Montebourg, Manuel Valls), la place de présidentiable devrait se jouer entre ces trois-là, avec un avantage réel pour François Hol-lande. C’est d’ailleurs ce que confirme un sondage paru mercredi, avec 23% d’intentions de vote pour le socialiste, devant Nicolas Sarkozy (22%) et Ma-rine Le Pen (20%). Et côté Elysée ? C’est le calme le plus total. Pas un mot, pas une réaction. Pour certains, il s’agit d’éviter tout tri-omphalisme mal placé. Un par un, les ministres ont annulé leur participation à des émissions télévisées. Seul François Baroin, porte-parole du gouvernement, est autorisé à s’exprimer et appelle prudemment à respecter « la présomp-tion d’innocence ». Pour autant, difficile

de contraindre tout le monde au silence, et certains, comme le député de Paris Bernard Debré, n’hésitent pas à charger DSK, le qualifiant de « délinquant sex-uel » qui devrait « se faire soigner ». Mais le véritable enjeu tourne bien sûr autour de Nicolas Sarkozy, qui vient de voir s’évanouir subitement la plus grande menace à sa réélection. Pas sûr que cela suffise, mais c’est un poids énorme qui a dû disparaître de ses épaules.

Son poste, son avenir, sa crédibilité. Quoi qu’il ressorte de cette affaire, beau-coup pensent que Dominique Strauss-Kahn a tout perdu en l’espace de 48 heu-res. Pour autant, s’il s’avère que toute cette affaire n’est qu’un coup monté, il pourrait se produire l’effet totalement inverse : il en sortirait en icône de ce-lui qu’on a voulu abattre, comme un semblant de martyr moderne. Dans ce cas, bien malin celui qui pourra pré-dire la suite des événements. A con-trario, si tout est vrai, il s’agira là du point final de sa carrière. Quoi qu’il en soit, l’imbroglio DSK a secoué le monde politique, et rebattu des cartes qui semblaient déjà distribuées. Ce qui est sûr en revanche, c’est que rien ne sera plus comme avant. Pour lui, et pour tous ceux auxquels il est lié.

DSK était la plus grande menace pour la réélection de Nicolas Sarkozy / © REUTERS / Alessandro Bianchi

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Evenement

Affaire DSK : les médias français ne savent plus sur quel pied danser

Sans minimis-er l’impact de l’affaire sur la vie politique française,

ni sur le fonctionnement du FMI,, on peut tout de même s’interroger sur le déluge des « prétendues » infor-mations déversées par tous les médias.

Certains commentateurs n’hésitent pas à affirmer haut et fort qu’ils respectent la présomption d’innocence, tout en multipliant les dé-tails faisant de Dominique Strauss-Kahn un coup-able avéré. Et, dans cer-tains médias, le traitement de l’affaire Strauss-Kahn tourne au voyeurisme. Quelle que soit l’issue de la procédure, quels que soient les faits reprochés à celui qui est mis en cause, quelle que soit la vérité judiciaire qui émergera à la fin de la procédure, il convient pourtant de respecter la dig-nité de la personne. C’est d’ailleurs Robert Badinter qui s’est fait le porte parole de ce « principe intangible » a l’antenne de France Inter.

Une presse hors-la-loiSans doute DSK a-t-il été traité comme un justiciable ordinaire au plan de la pro-cédure, même si la France

possède un régime différent. Mais le traitement médiatique qui a été infligé à l’ancien directeur gé-néral du FMI relève d’une autre nature : « entre la sortie du com-missariat et l’exhibition devant le tribunal de New York, le tout of-fert à l’œil avide des caméras, il semble que tout ait été fait pour pour donner l’image d’un homme condamné par avance », explique Bruno Roger Petit. Que toutes ces images soient diffusées à l’appui de récits se basant sur des faits n’est pas condamnable (bien que de telles diffusions soient con-damnables stricto sensu en droit français), mais qu’elles soient rediffusées pendant des heures et des heures (de BFM en ITV ou en LCI) provoque une sorte d’oubli de la présomption d’innocence et ressemble fort à un lynchage mé-diatique.

En théorie, la presse française est plus respectueuse de la présomp-tion d’innocence depuis la Loi Guigou, qui punit la diffusion d’une image faisant apparaître un accusé menotté tant que sa culpa-bilité n’est pas établie. En réalité, aucun média ne s’est privé de la publier, et la France entière était collée devant les télévisions. Ce qui explique que le Conseil supé-rieur de l’audiovisuel ait jugé utile de rappeler la loi mardi, appelant les chaînes « à la plus grande re-tenue dans la diffusion d’images relatives à des personnes mises

Personne n’aura échappé au déferlement médiatique autour des accusations contre Dominique Strauss-Kahn, le traitement de l’affaire interpelle la profession de journaliste et pose question. - Par Marie Aubazac

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en cause dans une procédure pé-nale. » Un des avocats de DSK a d’ailleurs menacé de poursuites les médias qui diffuseraient ces images.

Complaisance et stupéfactionPourtant, les médias français sont accusés de complaisance, par la presse britannique et américaine notamment. En effet, si les médi-as français ont bel et bien relayé ces images, ils n’en restent pas moins quelque peu complaisants pour l’ex-patron du FMI, traitant l’affaire avec des pincettes. « Incroyable, invraisemblable, incon-cevable, impossible », s’exclament les éditorialistes qui évoquent « le piège », « le coup tordu », le « coup de tonnerre » ou le scénario d’un mauvais film ou d’un thriller américain, tout en s’interrogeant sur les bénéficiaires du scandale.Dans la plupart des journaux, on voit que l’affaire est traitée avec prudence et attentisme. Toute la

presse exprime la « stupeur » et la « consternation » face au « coup de tonnerre », « incroyable », « impensable ». Libération, qui ose le « DSK out », a choisi le por-trait d’un homme blessé au re-gard triste. On comprend que cet homme-là, coupable de rien, n’est frappé que par une adversité mal-heureuse, un coup du sort immé-rité.

La fin d’une candidatureUne partie de la presse a été sous le coup de la sidération et attend la version de DSK, traitant l’affaire un peu en retrait, protégeant peut-être, pour certains, l’ex-patron du FMI. La presse a perdu un poten-tiel futur président de la Répub-lique et s’en désole. Ce n’est pas l’image de Dominique Strauss-Kahn qu’affichent aujourd’hui les Unes. C’est l’autoportrait d’une presse en plein desarroi face à la disparition de son candidat préféré.

Pourtant, ce sont les grands mé-dias qui avaient « élu » Strauss-Kahn avant même 2012 qui ont la dent la plus dure pour leur ex-champion et qui, en retournant leur veste, font de l’affaire un événement à grand spectacle pour créer de l’audience. Ce déluge au-tour de sa personne n’est que le résultat de la « peopolisation » de la vie politique que Dominique Strauss-Kahn a, lui aussi, large-ment contribué à alimenter.

La surexploitation de cette af-faire reste très importante, et la presse doit faire attention et respecter à la fois la présomp-tion d’innocence et la mesure dans son traitement. Certaines voix s’élèvent d’ailleurs pour mettre en garde et ne pas faire d’amalgame, comme l’explique Christian Delporte : « il est im-portant de distinguer le DSK sé-ducteur de l’éventuel DSK vio-leur . »

Qu’est-ce qui est choquant pour vous, dans le traitement qui est fait de l’affaire DSK dans les médias ?Dans les premiers jours, le peu de considération accordée à la présumée victime. Sa parole a été méprisée par l’imagination de complots et de manipulations. On a tout de suite pensé qu’elle avait été payée pour faire tomber DSK. C’est un soupçon qui revient très souvent dans les affaires de vio-lences faites aux femmes. Il y a la présomption d’innocence, oui, mais cette affaire révèle un cer-tain mépris pour le viol en tant que phénomène de société.

Les réseaux sociaux se sont aussi en-flammés dans cette affaire, quelles dérives avez-vous constaté ?Cette affaire montre l’existence de certaines idées reçues sur le viol. Les blagues sexistes ont afflué, une dépêche AFP a même compilé les meilleurs morceaux et a été reprise par plusieurs médias. Cela minimise dangereusement le viol en tant que crime sexuel. On a laissé entendre « qu’elle l’avait sans doute bien cherché », que le physique de la plaignante serait peu séduisant, et que DSK n’avait pas un « profil » de vio-leur. Cela prouve la méconnaissance du viol : 75 000 femmes sont violées chaque année en France, et ce ne sont

pas toutes des bombes sexuelles. Il n’y a pas de violeur type, et toutes les catégories sociales sont représentées chez les prédateurs sexuels.

Vous ne pensez pas que ce type de dérives est inévitable étant donné le statut de l’accusé ?La célébrité de DSK participe à cette minimisation. Mais on observe couramment ce genre de réaction dans les affaires de crimes sexuels. Quand on entend que DSK « aurait pu être relâché, parce qu’après tout, il n’y a pas mort d’homme », il y a de quoi être choqué. Le viol est un crime.Propos recueillis par Marie Aubazac

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3 questions à ... Céline Grisoni, représentante d’Osez le Féminisme 69.

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Folio n°7 - Événement- 4 Folio n°10 - International- 10

Lybie :

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Folio n°7 - Événement - 5Folio n°10 - International - 11

Une situation toujours plus difficile

es tensions sont de plus en plus grandes entre le colonel Kad-hafi et les pays de l’OTAN. Vendredi 13 mai, onze imams ont été tués par un raid aérien

de l’OTAN, à Brega, dans l’est de la Libye. Dans un communiqué, l’OTAN explique avoir touché un centre de commandement et de contrôle, affir-mant qu’il était utilisé par le régime pour « coordonner des frappes con-tre la population civile ». Très vite, le gouvernement libyen a tenté de trans-former les funérailles en une démon-stration de soutien à Mouammar Kad-hafi. Le régime a avisé la population du lieu et de l’heure de l’événement par la télévision d’État. Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans un cimetière près du port de Tripoli, la capitale libyenne et certaines sont déjà prêtes à se venger. « Que Dieu écrase leurs forces (de l’OTAN) sur

Bien que l’actualité en par-le moins, la crise en Lybie est loin d’être terminée. Les récents bombardements de l’OTAN et la mort d’un Français montrent que la situation est toujours très complexe dans le pays.

Par Jérémie Nadé

L

Lybie :

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terre, sur mer et dans les airs », scandait la foule, tandis que des soldats tiraient en l’air.

Les bombardements s’intensifientMalgré cet incident, l’OTAN continue d’intensifier ses raids contre les forces pro-Kadhafi dans plusieurs secteurs de la Libye, dans le but d’affaiblir la contre-offensive face à l’insurrection. Quatre explo-sions, vraisemblablement liées à des frappes alliées, ont été entendues samedi 14 mai au matin à Tripoli. Le soir même, la télévision d’État a rapporté qu’un raid de l’OTAN aurait ciblé un site de la base mili-taire de Bab al-Aziziya, où se trouve la résidence de Moua-mmar Khadafi. L’OTAN dit plutôt avoir visé un centre de commande et de contrôle mili-taire.

L’étrange mort de Pierre MarzialiMais une autre affaire pose problème en Libye : la mort du Français Pierre Marziali à Benghazi mercredi 11 mai. Son décès reste pour l’instant entouré de mystères. Sous-officier à la retraite et patron d’une société militaire privée (SMP), la Secopex, Marziali aurait été tué par balles « au cours d’un contrôle de police » dans la capitale de la rébellion libyenne, selon le Quai d’Orsay. Pierre Marziali aurait été tou-ché par une ou plusieurs balles, que les médias libyens quali-fient de balles perdues. Touché à l’abdomen, il serait mort des suites de ses blessures avant son arrivée à l’hôpital de Jalaa. Difficile de savoir pourquoi cette fusillade a éclaté. « Ba-nal contrôle de police tournant à la fusillade ou sombre affaire

d’espionnage ? », se demandait vendredi 13 mai l’AFP. Pour les services de renseignement, la sec-onde hypothèse est plus probable, et Marziali pourrait avoir été victime d’un règlement de comptes. Au-delà des circonstances concer-nant sa mort, deux hypothèses contradictoires circulent à pro-pos de la présence à Benghazi de la Secopex, composée pour l’essentiel d’anciens militaires français. Soit elle serait à Benghazi pour former les com-battants rebelles libyens avec l’accord tacite des services français ; soit Secopex ferait du renseignement pour le compte de Kadhafi, et la mort de Mar-ziali serait liée à ces activités d’espionnage. La situation de-meure donc très compliquée en Libye, et ces récents incidents aggravent encore un peu plus les tensions que connaît le pays depuis février.

Il n’avait plus donné de nouvelles depuis le bombardement de la maison de son fils, Seïf al-Islam Kadhafi, le 30 avril. Pourtant le Guide libyen n’est pas mort, contraire-ment à ce que disent certaines rumeurs, et il a tenu à le faire savoir. Démentant des déclarations du ministre des Affaires étrangères italien, le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a affirmé vendredi 13 mai que les bombar-dements de l’OTAN ne pourraient pas l’atteindre car il est porté dans « les cœurs de millions de Liby-ens », dans un mes-

sage audio diffusé par la télévision d’Etat. Kadhafi précise qu’il se trouve en un lieu « inatteignable » et condamne le raid de l’OTAN contre son QG le 12 mai.

Un peu plus tôt dans la journée, le chef de la diplomatie itali-enne, Franco Frat-tini, avait affirmé que Mouammar Kad-hafi avait probable-ment été blessé par des raids de l’OTAN et qu’il ne se trouvait sans doute plus dans la capitale libyenne. Le ministre s’appuyait sur des déclarations de l’évêque de Trip-oli « en contact étroit

avec le régime », selon Franco Frattini. Le porte-parole du gouvernement libyen a aussitôt réagi en qualifiant ces propos d’ « absurdes ». « Le colonel Khadafi a le moral, il dirige le pays jour après jour. Il n’est pas du tout blessé », a indiqué Moussa Ibra-him, porte-parole du gouvernement libyen. Il a affirmé qu’il était à Tripoli et « en bonne santé ». Interrogé sur le dé-menti de Tripoli, Frat-tini a maintenu ses propos. De son côté, le département d’Etat américain, comment-ant des « informations de presse », a déclaré

ne disposer d’aucun élément permettant d’affirmer que le di-rigeant libyen Moua-mmar Kadhafi aurait été blessé. La télévi-sion libyenne avait déjà diffusé, mercredi 11 mai, des images de Kadhafi tournées, selon elle, dans la journée lors d’une réunion dans un hô-tel de Tripoli avec des chefs tribaux. Mais dans une inter-view au Corriere della Sera, Frattini a mis en doute l’authenticité de ces images. « Je doute fortement que ces images aient été filmées ce jour-là et surtout qu’elles aient été prises à Tripoli. »

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INTERNATIONAL

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es Libyens font les sourdes oreilles. Baghdadi Mahmoudi, chef du gou-vernement a affirmé qu’un arrêt des violences coïncide-

rait avec l’arrêt des bombardements par l’OTAN. Selon le vice-ministre libyen aux Affaires étrangères, Khaled Kaaim, la création d’une zone tampon serait envisageable à Ajdabiya, dans l’est du pays, une situation stratégique, puisque cette ville a été une ligne de front pendant plusieurs semaines. Au-trement dit, cette ville « tampon », source de conflits entre plusieurs tri-bus libyennes, serait le point de départ pour entamer un dialogue national. Le vice-premier ministre aurait lui-même négocié cet accord avec les chefs de tri-bus en rébellion.

Le gouvernement fait bien ce qu’il veutBien loin donc de considérer l’intervention de l’ONU et de l’OTAN, et les avertissements de la Cour pénale internationale, le gouvernement libyen entend régler seul son conflit interne : le vice-premier ministre libyen exclut d’ailleurs toute discussion avec le Con-seil National de Transition de la rébel-lion, estimant qu’il ne représente pas les Libyens. Un Conseil de Transition qui n’arrive d’ailleurs pas encore à con-tenir les violences armées des factions rebelles. L’émissaire de l’ONU a in-sisté auprès du régime de Mouammar Kadhafi pour accélérer la mise en place du cessez-le-feu et permettre l’accès de l’aide humanitaire.La pression est donc forte par le con-seil de sécurité car, en plus de la vis-ite se son émissaire dimanche auprès de Baghdadi Mahmoudi, c’est Ban

Ki-moon qui s’est entretenu par télé-phone avec M. Mahmoudi. Mais face à un tel refus de coopération et de red-dition, la Cour pénale internationale a requis lundi trois mandats d’arrêts contre les trois grands responsables des crimes commis contre le peuple libyen : Mouammar Kadhafi, son fils Saïf al-Islam et le chef des renseigne-ments libyens, Abdallah al Senoussi, sont donc recherchés pour crimes con-tre l’humanité. Ces mandats d’arrêts sont le fruit des requêtes du procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, qui s’affirme prêt pour un procès et dis-posant de preuves solides et suffisantes. Ils vont être examinés par les juges du tribunal de La Haye, qui décideront à l’issue de l’étude des éléments fournis par le procureur de la délivrance ou non des mandats d’arrêts.

Les autorités internationales ont-elles encore des pouvoirs ?Le gouvernement libyen trouve réponse à tout. Bien loin de s’inquiéter de cette décision, Khaled Kaaim a indiqué que son pays n’était « pas concerné » par les décisions de la CPI, dans la mesure où la Libye n’est pas signataire du traité de Rome instituant la Cour. Le vice-ministre libyen aux Affaires étrangères va même plus loin puisqu’il ac-cuse le tribunal international d’être une création occidentale, ayant

pour but unique de poursuivre les di-rigeants africains. Le plus inquiétant dans cette situation est que deux entités telles que l’ONU et la CPI ne livrent pas le même son de cloche. Pendant que la CPI étudie les requêtes pour crime con-tre l’humanité, l’ONU, selon le ministre des affaires étrangère italien, travaille « pour que soit trouvée une porte de sor-tie politique afin que le dictateur et sa famille se retirent de la scène ». De plus, « certains (membres de l’entourage de Kadhafi, NDLR) ont parlé sous couver-ture (de l’anonymat) et commencent à dire que Kadhafi cherche une porte de sortie honorable », a assuré M. Frattini. Seule la CPI aura le dernier mot quant au sort des dirigeants libyens. Nous sommes pour l’instant spectateurs d’une justice à deux vitesses. Kadhafi a encore de beaux jours devant lui. Rappelons que depuis le début de la révolte, le 15 février, les violences ont fait des milliers de morts, selon le procureur de la Cour pénale internationale, et poussé près de 750.000 personnes à fuir, d’après l’ONU.

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L

Quelle issue de secours pour la Lybie ?

Le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini, affirmait lundi : « les heures du régime libyen sont comptées ». La Cour pénale internationale (CPI) a commencé à étudier ce même jour trois mandats d’arrêts pour crime contre l’humanité trois mois après le début du conflit. Décryptage...

- Par Coline Benaboura

© DRLybie : une situation toujours plus difficile

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POLITIQUE

Scandales politiques : La France serait-elle plus laxiste ?

Le dernier à remuer la presse française, et étrangère, c’est Dominique Strauss-Kahn. L’homme, ancien

patron du FMI, a été arrêté et mis en garde à vue le week-end dernier alors qu’il allait prendre l’avion à New-York. Dans l’hôtel qu’il ve-nait de quitter, la femme de chambre soutient que Dominique Strauss-Kahn serait sorti nu de la douche, l’aurait jeté sur le lit, et aurait essayé de l’enfermer dans la salle de bain. Autant dire que les primaires social-istes, la présidence du FMI, les élec-tions présidentielles de 2012, pour l’homme à femmes, c’est terminé. Pas si sûr, puisqu’il semblerait qu’en France, on pardonne vite. Alors que deux affaires embarrassantes ve-naient déjà noircir le tableau de DSK, le socialiste restait l’homme politique préféré des futurs électeurs de gauche jusqu’à il y a quelques mois.

Argent et pouvoir ne font pas bon ménageEn France, on est plus habitué aux scandales politico-financiers qu’aux histoires de dessous la ceinture. Si au

Royaume-Uni, la presse se délecte d’histoires d’adultère et de harcèle-ment, les Français eux, préfèrent remettre en question l’honnêteté politique de leurs élus et nommés, les soupçonnant de toutes sortes de conflits d’intérêts, fraudes et abus de biens sociaux. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, aucun des sus-pectés ayant fait pendant plusieurs semaines la une des journaux n’a réellement eu à payer de son poste les soupçons qui pesaient sur lui.Affaire la plus importante de ces derniers mois : Michèle Alliot-Ma-rie. La députée UMP et ministre des Affaires étrangères au moment des faits, a déchaîné les passions en début d’année pour ses amitiés pré-sumées avec le président tunisien Ben Ali et ses accointances avec Aziz Miled, homme d’affaires des plus en vue dans le pays, auquel les parents de la ministre auraient d’ailleurs acheté des parts dans une société civile immobilière. Des in-formations qui remettent gravement en cause, au moment des manifes-tations tunisiennes, sa voix de chef de la diplomatie. Mais Michèle

Alliot-Marie ne démissionne de son poste que deux mois plus tard, en affirmant n’avoir commis aucun manquement. Sa démission n’est pas forcée puisque le soir même, Nicolas Sarkozy annonce un rem-aniement ministériel. En Tunisie, pour avoir simplement prononcé un discours élogieux au sujet de sa collègue française, Ahmed Ounajes, nouveau ministre tunisien des Af-faires étrangères, est contraint de démissionner moins d’une semaine plus tard.

Critiqués, ils tiennent bonCombien ont été livrés en pâ-ture à la presse, pour finalement être oubliés aussi rapidement qu’on les avait soupçonnés de tous les maux ? Parmi ceux qui s’accrochent le plus : Eric Besson. En septembre, il est soupçonné d’avoir fait payer son voyage de noces par son ministère. L’affaire s’arrête aussi vite qu’elle a été ébruitée par l’hebdomadaire Bak-chich, et Eric Besson reste à sa place. Brice Hortefeux est accusé à maintes reprises de propos rac-

Ces derniers mois, plusieurs scandales ont éclaté au sein de la classe politique française. Des scandales qui ont agité bien plus les citoyens et les médias que nos hommes de pouvoir, restés… au pouvoir. La France pardonnerait-elle plus facilement qu’ailleurs ?

Par Lauriane Rialhe

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istes et diffamatoires. Condamné financièrement en 2010 pour in-jure publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine, il est tout de même reconduit au ministère de l’Intérieur. Il sem-blerait qu’il en faille plus que cela pour ébranler l’échiquier poli-tique français. Même Eric Woerth aura tenu bon, et avec le soutien du président de la République, dans l’affaire Woerth-Bettencourt. Alors trésorier du parti, l’ancien ministre est accusé d’avoir reçu 150 000 euros en liquide pour fi-nancer la campagne de l’UMP. Il comparait actuellement pour fa-voritisme et prise illégale d’intérêt dans la vente de l’hippodrome de Compiègne. Et dans les gé-nérations passées, c’est le même modèle : en 1972, Le Canard En-chaîné publie la feuille d’impôt de Jacques Chaban-Delmas, qui ne paierait aucun impôt du fait d’une optimisation fiscale judicieuse. Il garde son poste de Premier ministre.

Ailleurs on est plus sévèreEn Espagne, Jaume Matas n’aura pas connu l’indulgence à la française. An-cien ministre sous le gouvernement de José Maria Aznar, il a été accusé d’avoir détourné 40 millions des 110 millions d’euros facturés pour la con-struction du vélodrome de Palma de Majorque. Alors qu’une enquête est ouverte en 2008, l’ancien ministre est appelé à s’expliquer devant le comité d’éthique du Partido Popular des îles Baléares, et n’exerce plus ses fonctions. Du même ordre, au Royaume-Uni, le scandale des notes de frais aura fait tomber les têtes de plusieurs députés. Michael Martin, speaker de la Cham-bre des Communes, démissionne en 2009. Une première depuis 300 ans. Au moins trois personnalités sont suspendues de leur poste et plusieurs membres de la Chambre des Com-munes et de la Chambre des Lords ont été poursuivis et condamnés à de la prison pour avoir obtenu des rem-boursements extrêmement élevés sur

des dépenses personnelles.Les Finnois n’auront pas supporté l’affaire sur les financements de par-tis politiques l’année dernière. Matti Vanhanen a fini par démissionner de la présidence du Parti du centre puis de son poste de Premier ministre.Les Etats-Unis ont carrément vu leur président démissionner pour une affaire d’espionnage. En 1972, une longue enquête sénatoriale lève le voile sur des pratiques illé-gales à grandes échelles au sein de l’administration présidentielle de Richard Nixon, liées de très près au scandale du Watergate.Mais en France, François Mitterrand, lui, n’aura jamais eu à trembler de son implication dans l’attentat du Rain-bow Warrior, le bateau de Green-peace, dynamité en juillet 1985, dans un port de Nouvelle-Zélande. Un photographe y trouve pourtant la mort et l’enquête met en cause les services secrets français et le ministre de la Défense, Charles Hernu. Mais l’histoire s’arrête là.

L’Elysée, trop permissive ? / © DR

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évélée par un hebdoma-daire économique chi-nois, Caixin, l’affaire a pour toile de fond la politique de l’enfant

unique. Ces rapts d’enfants au-raient eu lieu dans les années 2000 dans une contrée très pauvre et montagneuse de la Chine ap-partenant au comté de Longhui. Si les autorités ont déclaré avoir ouvert une enquête directement après la révélation, leur bonne foi est mise en doute par la popu-lation. Ces cas d’enlèvements auraient déjà été exposés aux au-torités par des habitants mais les gouvernements du comté les au-raient dissuadé de porter plainte au bureau des pétitions de Pékin, ou n’y auraient donné aucune suite. Un habitant a ainsi déclaré au quotidien Global Times qu’un « villageois a même été battu par les autorités du canton de Gaop-ing pour avoir demandé qu’on lui restitue son enfant ». Ce scan-dale intervient alors que les abus liés à la politique familiale et les enlèvements d’enfants seraient fréquents dans le pays.

Trafic d’enfants Entre 2000 et 2005, une ving-taine d’enfants auraient été en-levés par des fonctionnaires du planning familial puis placés en orphelinat pour les soumet-tre à l’adoption à l’étranger. Ces fonctionnaires revendaient les enfants jusqu’à 1000 yuan soit 106 euros aux centres d’accueil. Certains de ces enfants en bas

âge auraient été adoptés par des familles américaines et hollan-daises, croyant qu’ils étaient orphelins, en échange de la co-quette somme de 3000 dollars. Dans cette contrée défavorisée, la politique de l’enfant unique, instaurée dans les années 70 pour enrayer la future surpopulation du pays, a été très brutalement appliquée au cours des années 80 et 90. L’histoire de ce père, Yang Lib-ing, a d’ailleurs fait le tour des médias. En 2005, la fille d’un an de ce travailleur migrant est enlevée par les services locaux

du planning familial et envoyée dans un orphelinat. Il n’a pas pu payer l’amende requise pour le dépassement autorisé d’enfants, avoisinant les 640 euros, ce que le gouvernement chinois appelle plus communément « compensa-tion de soutien social ». Le but de cette transaction : renflouer les caisses des localités et punir ces pauvres familles. Le temps que la famille retrouve l’orphelinat dans lequel avait été « vendue » leur fille, l’enfant avait déjà été adoptée par une famille vivant aux Etats-Unis. En somme, un vrai trafic d’enfants, livrés en

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SOCIÉTÉ

Les dessous tragiques de la politique antinataliste

chinoise

R

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échange d’argent à des centres d’accueil, de nouveau vendus à des familles étrangères. Un abus grave de la politique de l’enfant unique. L’article explosif de Caixin ré-vèle également que la politique de l’enfant unique aurait entraîné la perte pour un couple de leur unique enfant.

Multiplications de méthodes brutalesCe n’est malheureusement pas les seuls abus relevés à ce jour. Les parents ayant dérogé à la rè-gle sont régulièrement victimes

d’avortements ou de stérilisa-tions forcés. En 2010, une chi-noise enceinte de huit mois avait été arrêtée, battue et emmenée de force dans une clinique où lui fut injectée un produit pour tuer le bébé qu’elle portait. Bien sûr, les médias relatent très peu voire pas du tout ces incidents tant la censure est extrême. Souvent, les couples qui subissent ces drames ont recours aux nouvelles tech-nologies pour relater leur his-toire. Dans ce cas précis, le mari de la jeune femme a mis son récit en ligne sur un blog. Officielle-ment, les personnes enfreignant la loi doivent s’acquitter d’une amende pour peu qu’ils aient l’argent suffisant. Mais outre ces moyens brutaux, ils peuvent perdre leur emploi ou voir leur domicile détruit ou saisi. Un rapport d’Amnesty International datant de 2001 met aussi en lu-mière des exécutions et des tor-tures en cas de non-respect de la politique de natalité.

Cette mesure est à l’origine d’une prolifération de pratiques populaires. Certains couples pratiquent des avortements sélectifs en fonction du sexe de l’enfant ou commettent des infanticides de filles. Abandons de filles et mauvais traitements à leur égard sont aussi de plus en plus fréquents.Si cette politique ne se décline que sous forme de majorations fiscales, les autorités ne se sont pas contentées de ces méthodes.

Cette mesure a ainsi engendré des dérives étatiques et popu-laires plus qu’inquiétantes. Ré-sultat : disproportion des sexes, vieillissement de la popula-tion et crimes en tous genres. Aujourd’hui, le ratio garçon-fille en Chine s’élève à 119 pour 100 et plus de 130 pour 100 dans certaines provinces. Malgré les problèmes engendrés par cette politique, le président chinois Hu Jintao a fait savoir le mois dernier qu’elle resterait en vigueut, évoquant toutefois un possible assouplissement de la politique actuelle.

Certains défenseurs de droit tentent d’attirer l’attention sur ces monstruosités. C’est le cas de l’avocat Chen Guancheng, emprisonné qua-tre ans pour avoir dénoncé les avortements forcés répé-tés dans sa province de Shan-dong. Libéré en septembre dernier, il est assigné à ré-sidence après avoir été battu pour avoir dévoilé ses con-ditions d’emprisonnement. Le magazine Caixin ayant révélé l’affaire des enlève-ments d’enfants de la prov-ince d’Hunan a également fait preuve d’un grand courage, puisqu’un de ses journalistes a été enlevé dernièrement par les autorités pour avoir déjà couvert des dossiers délicats comme le scandale du lait à la mélamine ou l’arrestation du dissident chinois Ai Weiwei.

Des enfants chinois ont été enlevés dans la province du Hunan par des fonctionnaires, dans les années 2000. Ils ont ensuite été proposés aux circuits internationaux d’adoption. Le but : faire respecter la politique de l’enfant unique. Une nouvelle affaire qui fait la lumière sur les sombres coulisses de cette politique. - Par Natacha Verpillot

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ÉCONOMIE

Pas moins de 8,5 milli-ards de dollars. C’est la somme que Micro-soft offre pour rachet-

er Skype, le logiciel de télé-phonie sur Internet. Il s’agit de la plus importante acquisi-tion de l’histoire de Microsoft, dont la politique est plutôt de racheter des start-up jugées prometteuses avant qu’elles ne soient fortement valori-sées. Crée en 2003, Skype est un logiciel qui permet de pas-ser des appels téléphoniques gratuitement, d’ordinateur à ordinateur, et des appels vers des fixes ou des mobiles à un coût avantageux. Skype dis-pose également d’une version mobile, disponible seulement sur certaines plateformes. En 2010, 660 millions de person-nes y étaient inscrites, dont 124 millions d’utilisateurs ac-tifs. Le logiciel est largement utilisé dans le milieu profes-sionnel pour communiquer entre collègues, partenaires et collaborateurs. Autant dire que Skype est devenu un in-contournable.

Ce qui justifie un rachat aussi coûteuxEn 2005, eBay avait acquis Skype pour 3,1 milliards de

dollars, avant de céder en 2009 une bonne partie de son capital à un groupe d’investissement privé, pour seulement 1,9 mil-

liard de dollars. Entre temps, le nombre d’utilisateurs du logiciel a continué d’exploser, au point d’intéresser non seulement Microsoft, mais

aussi Google et Facebook, qui se sont positionnés pour un rachat. Microsoft a contre-attaqué en proposant une offre

sur laquelle il était difficile de s’aligner.L’opération est onéreuse pu-isque son montant est dix fois plus élevé que le chiffre

Microsoft s’offre skype et Menace GooGle

Le géant américain de l’informatique vient de racheter le logiciel de téléphonie gratutite, et devance les offres colossales de ses concurrents tels que Google. Un challenge risqué, mais une stratégie payante. - Par Marine Chapelle

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Gaz de schiste : le trésor empoisonné

d’affaires de Skype en 2010 (860 millions de dollars), qui accuse des pertes (7 millions de dollars l’an dernier).Le plus surprenant reste que Microsoft possède déjà un logiciel de chat par message et vidéo, Windows Live Mes-senger. Il mobilise 300 mil-lions d’utilisateurs soit deux fois plus que les utilisateurs actifs de Skype. Et même si Skype était un bien meilleur logiciel que Live Messenger, il est difficile de croire qu’il

est 7 milliards de fois meil-leur. Selon les termes de l’accord, pour chaque utilisateur de Skype, Microsoft paie envi-

ron 1 000 dollars. Et en moy-enne, ces utilisateurs sont une source de profit d’environ 30 dollars. La différence peut laisser perplexe. Ainsi, l’opération pourrait s’avérer concluante seulement si Mi-crosoft exploite efficacement cette acquisition sur tous les créneaux dans lesquels la firme est positionnée. Au contraire d’eBay, dont le profil spécifique ne lui a pas vraiment permis de valoriser Skype.

Les exploitations possiblesMicrosoft pourrait donc avoir la possibilité d’élargir considé-rablement la base d’utilisateurs en intégrant Skype sur sa con-

sole de jeux X-Box, sur le sys-tème d’exploitation Windows 7, et sur la version pour mobiles (Windows Phone), ce qui était impossible jusqu’à présent.

Ce qui peut justifier la somme, c’est aussi que le grand perdant de cette opération pourrait être Google, ennemi juré de Micro-soft. Facebook, dont Micro-soft est actionnaire, avait déjà un partenariat avec Skype, qui permettait aux utilisateurs du logiciel de téléphonie d’appeler directement leurs « amis » Fa-cebook. En échange, Facebook pourrait aussi pleinement pro-fiter des technologies de Skype pour mettre en place ses outils de tchat vidéo. De quoi faire languir Google avec ses services GTalk, et GVoice.

L’objectif premier de Mi-crosoft sera de développer la formule payante de Skype, qui est aujourd’hui utilisée par seulement 10% des inscrits. Car passer au tout-payant, se-rait un changement trop radi-cal qui risquerait d’entraîner un départ massif vers les of-fres concurrentes. De plus, nombreux sont les concur-rents en matière de téléphonie. En France, les fournisseurs d’accès internet tels que Free et SFR proposent des abonne-ments avec des offres de télé-phonies gratuites vers les fixes et les mobiles. Certes, Micro-soft a plusieurs ennemis inqui-ets de voir cette nouvelle fusion dominer la concurrence, mais ils guettent patiemment l’échec d’une stratégie difficile à mettre en place.

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ENVIRONNEMENT

uelques minutes à pied dans la ville suffisent à noter la différence entre la France et les Pays-Bas. A Amsterdam,

les rues sont propres ! Malgré la clientèle fêtarde, les coffee shop, le quartier rouge, les artistes qui font leurs numéros dans les rues et les touristes, il y a très peu de détritus par terre. Ce sont plutôt les vélos qui envahissent les rues. Aux Pays-Bas, ce moyen de loco-motion occupe une place impres-sionnante. Le pays est le seul où le nombre de vélos est supérieur à celui des habitants (environ 18 millions de bicyclettes pour près de 16,5 millions de Hollandais). En moyenne, un Hollandais pos-sède 1,1 vélos. Et pour cause : la politique cyclable est essentielle dans le pays. Plus de 15 000 kil-omètres de pistes cyclables sont à disposition des usagers sur pra-tiquement toutes les routes. Il existe même des « autoroutes à vélos », des liaisons de plusieurs kilomètres qui relient les villes entre elles. Il est très courant dans le pays de se rendre à vélo de son domicile à la gare, prendre un train

de banlieue pour rejoindre la ville où ils travaillent, puis de repren-dre un vélo pour atteindre leur en-treprise. Un tiers des Hollandais utilise un vélo pour aller travail-ler. En moyenne, un habitant utilise son vélo pour 26% de ses déplacements, contre 5% seulement en France. D’après une étude de France Pub No-Logic parue dans L’Express (4 au 10 mai), seuls 46% des Français se déclarent prêt à renoncer à leur voiture pour les déplacements de tous les jours. Aux Pays-Bas, la pratique du vélo touche tous les publics. Les en-fants, même les plus jeunes, sont nombreux à se rendre à l’école en deux-roues. A disposition de ces usagers de plus en plus nom-breux, des parkings à vélo ver-sion XXL ont été créés. A Am-sterdam par exemple, à la sortie de la gare, impossible de passer devant l’impressionnante gare à vélos sans la remarquer. Deux milles cinq cents places sont ré-parties sur 3 étages de 200 mètres de long et 14 mètres de large. Une grande capacité qui n’empêche pas le parking d’être souvent plein et les Hollandais (ainsi que

les touristes) de garer leur vélo dans d’autres parkings, plus pe-tits, ou sur le bord des trottoirs. Des habitudes qui surprendraient en France sont devenues cou-rantes aux Pays-Bas. Par exemple, de nombreuses entreprises ont choi-si d’installer des douches dans leurs locaux pour faciliter la vie de leurs employés qui peuvent se changer et enfiler leurs costumes lorsqu’ils arrivent à leur travail unique-ment. Certaines attribuent égale-ment des vélos de fonction à la place d’une voiture. Et le succès du vélo n’empêche pas le pays de mettre en place un système de voitures en libre-service pour limiter la pollution. Le concept existe depuis 1995 avec plus de 1000 places de parking dissémi-nées dans 75 villes et 80 gares. Dans les grandes villes comme Amsterdam ou La Haye, on peut trouver des emplacements tous les 400 mètres.

Les politiques influencent les bons comportements écologiquesSi le développement durable des Hollandais est à ce point ancré dans leur culture, ce n’est pas

Q

Les Pays-Bas, plus verts que la FranceLe développement durable, une problématique importante dans l’Union Européenne. Circuits courts, recyclage, économies d’énergies, réduction de la pollution… Les bonnes pratiques écologiques se répandent lentement en France. Plus lentement en tout cas que chez ses voisins européens. Zoom sur les Pays-Bas dont la France aurait de nombreuses leçons à tirer.

Par Claire Monnerat

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forcément parce qu’ils sont plus attentionnés ou plus courageux que nous. Ces bonnes pratiques écologiques sont avant tout le fruit d’efforts intensifs des mu-nicipalités, des provinces, et du gouvernement qui consacre des millions d’euros à leur politique écologique. L’aménagement des pistes cyclables par exemple né-cessite de gros investissements pour les rendre plus agréables, plus rapides et plus sûres. Ces politiques incluent de revoir les plans d’urbanisme dans leur en-semble. Et l’attention écologique des Pays-Bas ne s’arrête pas là. Le tri des déchets ménagers est courant et surtout encouragé. Pour inciter les citoyens à recycler, une large partie des bouteilles en verre porte une consigne. Une fois consom-mées, les Hollandais peuvent les rapporter en magasin et recevoir en échange une petite compensa-tion (en moyenne dix centimes par bouteille) sous forme de bon d’achat. Il existe également un or-ganisme de contrôle du recyclage.

Aux Pays-Bas, les poubelles de tous les jours, dans lesquelles rien n’est recyclé, sont placées à même les trottoirs avant le ramassage. Des « contrôleurs » effectuent des contrôles aléatoires des sacs. S’ils trouvent du verre parmi les dé-chets, la personne à qui appartient la poubelle écope d’une amende. Une méthode radicale, mais qui a l’avantage de convaincre. Les Pays-Bas ont également de plus en plus recours au “Cradle to Cradle”, un principe qui consiste à recycler à l’infini tous types de produits.

Une étude réalisée par l’Institut Research Now montre que les Français sont largement informés sur les programmes de recyclage existants (70% des sondés). Mal-gré leurs connaissances sur les dispositifs en place, les Français font partie des mauvais élèves eu-ropéens pour le recyclage. Seuls 50% des Français affirment re-cycler autant que possible. La France a beau mettre en place des politiques pour inciter les pra-

tiques écologiques et décourager les comportements et productions polluants, elle fait figure de cancre dans le classement des pays ayant la fiscalité la plus écologique. Elle se contente d’une toute pe-tite vingt et unième place parmi les vingt-sept pays de l’Union Européenne (les Pays-Bas se plaçant dans les trois premiers du classement). La part des taxes en-vironnementales représente à pei-ne plus de 2% du PIB alors que la moyenne européenne se situe autour de 2,45%, et la meilleure s’élève à 6%. Parmi les mesures mises en place par la France se trouvent la taxe intérieure sur les produits pétroliers, les bonus-malus pour les voitures les moins polluantes, la taxe de fiscalité écologique ou encore les travaux de rénovations écologiques. Et si les plus sensibilisés au dével-oppement durable aimeraient voir l’apparition de nouvelles taxes, la plupart des Français ne sont pas prêts à restreindre leurs libertés in-dividuelles et leur train de vie au nom de l’écologie. Ainsi, 77% des Français refuseraient de payer plus de taxes affectées directement à la défense de l’environnement.

Malgré ces chiffres décourag-eants, d’autres indicateurs se veulent tout de même rassurants quant aux comportements écologiques des Français. Les vélos en libre-service gagnent de plus en plus de villes, de même que les systèmes de voitures à emprunter. Le covoiturage sé-duit également de plus en plus de Français. Certaines chaînes de grande distribution en-couragent aussi à effectuer des travaux pour se tourner vers des énergies plus respectueuses de l’environnement, en rembour-sant une part de l’investissement en bons d’achats en magasins.

Le vélo, moyen de déplacement privilégié des Hollandais / © DR

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Depuis 2006, le parquet et les forces de police judiciaire françaises ont le droit de surveiller les télécommunications des Français dans le cadre de la « lutte contre le terrorisme », le tout avec l’aval de l’Europe. Pourtant, le risque de dérive est grand. Plusieurs pays européens ont d’ores et déjà déclaré l’application de la directive inconstitutionnelle.

Par Benoît Jacquelin

n vertu d’une directive européenne, et dans le but premier de lut-ter contre la « menace terroriste », les activ-

ités des Français sur Internet sont conservées par les opérateurs de téléphonie et du net pour une du-rée d’un an (entre six mois et deux ans dans le reste de l’Europe). Pourtant, selon les chiffres en an-nexe du dernier rapport de la Com-mission européenne sur la con-servation des données, la France aurait procédé à 514 813 de-mandes d’accès aux données de trafic (plus connues sous le nom de « logs »). Résultat : le 11 mai dernier, le Canard

enchaîné titre : « 500.000 de-mandes en un an ! La police française championne d’Europe des fadettes. »Des chiffres qui contrastent éton-namment avec ceux avancés par le Figaro le 26 avril dernier (en ef-fet, le journal parle de « 500 inter-ceptions par an sur Internet […] contre 35 000 écoutes télépho-niques »), mais également avec ceux du CNCIS, la Commission Nationale de Contrôle des Inter-ceptions de Sécurité, qui elle re-censait 39 070 écoutes en 2009.

Les OPJ français, premiers de la classeEn théorie, l’ensemble des citoy-

ens français est donc sous surveil-lance, leurs données étant ac-cessibles aux forces de l’ordre dès lors que celles-ci en font la requête aux opérateurs. Une atteinte à la présomption de l’innocence à en croire cer-tains. Pourtant la procédure est aujourd’hui en pleine expan-sion. Une révision du cadre régissant la conservation des données est même à l’ordre du jour et il pourrait y être ajouté la conservation des données à posteriori (une mesure qui obligerait les opérateurs ayant reçu une injonction judiciaire à « conserver des données portant uniquement sur des personnes

MÉDIAS

E

Big Brother serait-il devenu réalité ?

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déterminées soupçonnées d’une activité criminelle »).A en croire le même tableau, le Royaume-Uni arriverait en seconde position avec 470 222 demandes d’accès, la Litu-anie, troisième avec 83 315 demandes et les Pays-Bas (85 000 demandes). Loin der-rière, l’Allemagne ne compte que 12 684 demandes pour plus de 81 millions d’habitants. Les Officiers de Police Judiciaire français semblent donc avoir bien plus de travail que leurs collègues allemands en matière de surveillance.

A l’origine, la lutte anti-ter-roristeCette législation découle di-rectement des attentats du 11 septembre 2001. A cette date, le dispositif est introduit en France dans le but d’informer des com-munications éventuelles entres membres de groupuscules ter-roristes sur le sol français. La directive sur la conservation des donnés a quant à elle été adoptée en 2006 en réaction aux attentats de Londres et de Ma-drid. Depuis lors, la directive autorise donc la surveillance pour permettre l’identification de la source, la destination, la date, l’heure, la durée et le type de communication ainsi que le matériel utilisé (et dans le cas des téléphones mobiles, la géolocalisation). Un paradoxe, lorsque l’on sait que le super-viseur à la protection des don-nées de l’UE, Peter Hustinx, dénonçait les dérives de ladite directive le 3 décembre dernier lors d’une conférence intitulée « Taking on the Data Reten-tion Directive » : « conserver les données relatives aux com-munications et les données de positionnement de tous les cit-oyens de l’Union européenne,

chaque fois qu’ils utilisent leur téléphone ou internet, constitue une énorme ingérence dans le droit au respect de la vie privée de la population ».

Abus et contournement de la protection des sourcesEn France, seul sont censés avoir accès aux données le parquet, les gendarmes et les officiers de po-lice judiciaire. Chaque agent doit théoriquement demander une « autorisation de la personne du ministère de l’intérieur désignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ». Pourtant, il y a peu, le Canard enchaîné et OWNI avaient dévoilé des documents qui prouveraient que des entités comme le fisc et les douaniers y auraient aussi accès, et ce sans contrôle judiciaire. Plus grave encore, les affaires d’espionnage de journalistes, survenues en fin d’année dernière, pourrait avoir directement découlées de ce type d’abus. Des scandales similaires ont ainsi vu le jour dans d’autres pays de l’UE sous le coup de la même directive : en Pologne, où deux services de renseigne-

ments s’en sont servis pour dé-couvrir les sources de plusieurs journalistes mais également en Allemagne où près de soixante journalistes et syndicalistes au-raient été espionnés par Deutsch Telekom.

Anticonstitutionnelle et sur-tout inefficace ?La Roumanie, l’Allemagne et la République Tchèque ont annulé la transposition de la directive à l’échelle nationale pour motif d’inconstitutionnalité. La France pourrait bien être amenée à suivre tôt ou tard le même chemin. De plus, les chiffres avancées par le Figaro montrent bien le peu d’efficacité de la mesure en l’état actuel des choses. Pourtant les forces de police la qualifie, dans le même rapport, comme étant « indispensable et déter-minante ». En Allemagne, une étude de l’office fédéral de police criminelle allemande, révélée par Heise Online aurait montré que le taux d’élucidation des crimes et délits était passé de 55% à 55,005% depuis l’exploitation des données de trafic. Une pro-gression de 0,001%.

© DR

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FOLIOBest

of

EvEnEmEnt P.4 EconomiE P.18

c’est, en milliards

de dollars, la somme payée par Microsoft

pour racheter le logiciel de téléphonie

gratuite Skype.

intErnational P.10

Le gouvernement libyen trouve réponse à tout. bien loin de s’inquiéter de cette décision, le vice-ministre lybien aux Affaires étrangères, Khaled

Kaaim, a indiqué que son pays n’était “pas concerné” par les décisions de la CPI, dans la

mesure où la Libye n’est pas signataire du traité de Rome instituant la Cour.

L’ensembLe des citoyens français

est donc sous surveiLLance. Leurs

données étant accessibLes aux

forces de L’ordre dès Lors que

ceLLes-ci en font La requête aux

opérateurs. une atteinte à La

présomption de L’innocence à en croire certains.

médias P.22

La France a beau met-tre en place des poli-tiques pour inciter les pratiques écologiques et décourager les com-portements et produc-tions polluants, elle fait figure de cancre dans le classement des pays ayant la fiscalité la plus écologique.

EnvironnEmEnt P.20

Les dessous tragiques de la politique antinataliste

chinoise

société P.16

En France on est plus habitué

aux scandales politico-finan-

ciers qu’aux histoires de

dessous de la ceinture...Les Français, eux,

préfèrent remettre en

question l’honnêteté politique de leurs élus...

PolitiquE P.14

Folio n°10 - 24

L’affaire DSK est un véritable séisme politique, qui est venu secouer bien plus que l’homme seul. Innocent ou non, tout est désormais différent,

aussi bien pour lui que pour tous ceux qui l’entourent. Folio fait le point sur ces événements,

et tout ce qui en découle.

8,5