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Copyright IMAF (Suisse) – Version du 8 octobre 2011 HANE GOSHI Analyse et applications du mouvement Par Pascal DUPRÉ – IMAF Suisse Postulant pour le titre « Renshi » Kokusai Budoin IMAF

HANE GOSHI - Junomichi · 2018. 4. 2. · blié par le Kodokan Bunkakai, mars 1926)“… pour pratiquer cette tech-nique, se préparer d’abord à projeter avec Uki Goshi. Uki Goshi

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Copyright IMAF (Suisse) – Version du 8 octobre 2011

HANE GOSHIAnalyse et applications du mouvement

Par Pascal DUPRÉ – IMAF Suisse

Postulant pour le titre « Renshi » Kokusai Budoin IMAF

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HANE GOSHI : éléments historiques

Dès 1895, cette technique de hanche fait partie du cursus des mouvements du Gokyo no Waza dans le Dai Sankyo, avec les autres techniques que sont : Okuri Ashi Barai, Harai Goshi, Ushiro Goshi, Uchimata et Obi Otoshi.

Selon Maître K. Watanabe1 , 6ème Dan, la création de ce mouvement est à attribuer à Maître K. Iizuka, 10ème Dan (1875–1958) : « le retour du Hane Goshi doit faire plaisir aux mânes [spirit] de son premier inventeur, Maître Iisuka ». Mais dans un article paru en 19572, intitulé « Je me souviens par Maître Iisuka, » il dénie cette information : « Isogai Hajime, 10ème Dan (1871–1947), l’inventeur du Hane Goshi,

avait un corps très fort ». Maître K. Iisuka précise alors, concernant ce mouvement : « le Hane Goshi de cette époque n’était pas aussi technique que celui d’aujourd’hui. Cette projection consistait à atti-rer l’adversaire de force sur soi et à le projeter en donnant un coup de hanche et en levant une jambe ».

Maître M. Yoda, 8ème Dan, propose une autre attribu-tion, dans un article paru en 19563, intitulé : Mon Hane Goshi : « cette projection, la 5ème du 3ème Kyo, est attri-buée à Maître Eitaro Suzuki, un des premiers élèves de Maître Kano ». Il ajoute également dans ce même article : « il a pour base : soit Uki Goshi, soit Tsurikomi Goshi, selon que l’on ne hanche pas (principe du Uki Goshi), soit que l’on engage la hanche (principe de O Goshi), d’où est dérivé Tsurikomi Goshi ».

1 Revue Judo Kodokan, Vol. XI – No 1, janv. 19612 Revue Judo Kodokan, Vol. III – 15 mai 19573 Revue Judo Kodokan, Vol. VII – No 2, 15 mars 1956

Ainsi, ce mouvement semble avoir été formalisé lors de la création du Judo Kodokan, mais est sans doute issu du Ju-Jutsu traditionnel que pratiquait Maître Jigoro Kano. Nous en trouvons d’ailleurs une démonstration dans l’ouvrage de Mr K . Higashi et Mr I . Hancock intitulé « Le Jujitsu Kano » sous la technique 33 (qui ne porte d’ailleurs pas de nom). Avec l’aide de ses premiers élèves, Maître Kano a puisé dans ce savoir ancestral des formes, qu’il a ensuite affinées afin de le rendre conforme à ses souhaits.

Si son attribution n’est pas évidente, il semble toute-fois que ce mouvement ait eu par le passé ses adeptes. Maître H. Cour-tine4, 10ème Dan (1930– ) déclare : « il s’agit d’une grande technique très pratiquée dans le passé, mais qui actuellement l’est assez peu ; la raison en est simple : son exécution suppose un style de Judo très acadé-mique, ce qui est, en compétition, de moins en moins le cas ».

HANE GOSHI : décodage du mouvement

Dans le lexique des façons de projeter proposé par Maître T. Kawakami, 8ème Dan, nous trouvons :

• Hiki-Otosu(fairetomberenrabaissant),

• Hane-Ageru(fairesauterparl’actiondelajambeetde la hanche),

• Tsuri-Komu(attirerauprèsdesoicommeàlapêche),et enfin

4 Henri Courtine, Judo et Jiu-Jitsu, 1977, Éd. Denoël

Maître Jigoro Kano

Maître H. Courtine

Maître K. Iizuka

HANE GOSHI : définition et objectifHane Goshi (Haneru : jaillir, bondir, sauter à l’intérieur et Koshi : hanche) est une technique de hanche [Koshi Wasa] intégrée au Gokyo no Waza développé par Maître Jigoro Kano, fondateur du Judo. Hane Goshi est la 5ème projection de hanche sur les dix mouvements figurant dans le Gokyo.

Le présent exposé vise à explorer et mettre en valeur – à nouveau –, la technique Hane Goshi. C’est à la fois une technique ancienne et actuelle, qui peut être adaptée à de nombreuses situations. C’est une grande technique.

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• Okuri-Komu(lancerparaccompagnement).

Nous verrons dans la présente analyse que Hane Goshi peut, dans des proportions particulières, réunir ces diffé-rentes façons de projeter.

Explorons maintenant différentes formes de Hane Goshi. Nous partirons des fondamentaux, pour enchaîner avec les variantes (Kuzure), et enfin aborder les contre-prises (Kaeshi).

Comme nous l’avons vu dans l’historique, il est évident que cette technique est une adaptation de Uki Goshi, mouvement favori de Maître Kano lui-même.

Dans l’ouvrage de Maître T. Daigo5, 10ème Dan (1926–   ), nous trouvons : « l’im-portance de se pencher en arrière [bending back] est expliquée dans Hane Goshi Renshuho (Sako, pu-blié par le Kodokan Bunkakai, mars 1926)“ … pour pratiquer cette tech-nique, se préparer d’abord à projeter avec Uki Goshi. Uki Goshi est la clé pour comprendre l’action de se pen-cher en arrière … ” ». Cette notion de la forme du corps de Tori est difficile à comprendre, et surtout difficile à pratiquer, car il y a un risque évident pour Tori de se faire jeter sur son arrière. Ce point est évoqué par Maître S. Nagaoka (1876–1952) et Maître K. Samura (1880–1964), tous deux 10ème Dan6 – et ce concernant Uki Goshi – : « Tsukuri (préparation) : pour faire le Tsukuri, il faut un Taisabaki (mouvement tour-nant) très rapide et décidé, il faut marcher à petits pas, si on marche à grands pas le mouvement sera lent et sera d’aucun effet, il sera contré (Ura Waza) par exemple par Ushiro Goshi ou par Ura Nage … c’est alors facile pour Tori de faire tomber Uke en avant par le mouvement de ses mains et la torsion de son corps ».

Abordons maintenant spécifiquement Hane Goshi à proprement parler. Nous utiliserons plusieurs éclairages issus des maîtres du Judo de différentes époques.

En 19607, la Commission technique du Kodokan pro-pose une explication technique très détaillée de ce mou-vement : « Principes : en déséquilibrant l’adversaire de manière à ce qu’il se penche vers l’avant ou vers l’avant droit, on se glisse sous le corps de celui-ci en se tournant de manière que notre corps vienne en contact étroit avec

5 Toshiro Daigo, Kodokan Judo : throwing techniques, 2005, Kodansha

International6 Revue Judo Kodokan, Vol. XXI, Printemps 19517 Revue Judo Kodokan, Vol. X, No 5, 15 novembre 1960

la partie inférieure de l’abdomen de l’adversaire. En utili-sant un mouvement de bascule des hanches, on projette l’adversaire en poussant vers le haut une de ses jambes par l’intermédiaire de la nôtre correspondante et pliée ». Les grandes lignes de Hane Goshi sont ainsi exposées.

Selon Maître Yoda, précédemment cité : « dans le même temps où vous bondissez sous le ventre de l’adversaire en lançant votre corps (et votre pied gauche) avec votre jambe droite à peine fléchie (orteils frôlant le sol), vous chassez avec votre mollet droit sa jambe droite comme pour l’écarter au loin avec force … en maintenant vos deux corps en contact, votre buste s’incline vers le sol en même temps que votre jambe monte (dans le prolonge-ment de votre buste comme dans un T) et votre adver-saire tombe en chute avant … Faire le mouvement avec son corps, plier très peu la jambe droite pour chasser la jambe adverse, descendre au maximum sous le ventre de l’adversaire, maintenir le contact des deux bustes jusqu’à la fin de la chute ».

Quant à Maître Mikinosuke  Kawaishi8, 10ème Dan (1899–1969), il nous propose le point de vue suivant : « le tronc et la jambe droite fléchie de Tori restent en prolongement pen-dant toute la projection. La jambe droite et la hanche de Tori forment une sorte de plateforme sur laquelle Uke bascule … Mais l’important est la rotation de Tori en fonction de l’attaque de sa propre jambe droite et de sa hanche ». Nous sommes très proches de la forme Uki Goshi, d’autant plus que Maître Kawaishi insiste sur : « Tori, profitant du dé-séquilibre d’Uke, se penche en avant d’un seul bloc en chassant de sa jambe droite celle de Uke vers le haut, et en fléchissant sa jambe gauche ».

Attardons-nous quelques instants sur un point qui me semble des plus importants, et que présente Maître Kawaishi, et Maître Shinzo Takagaki9. Nombreux sont les experts qui proposent de tendre la jambe d’appui (Tori), tel un ressort qui se détend afin de projeter Uke vers le haut. Ainsi, Maître Ichiro Abe10 nous dit : « en étendant la jambe gauche, Tori soulève avec sa hanche, la jambe droite suivant et amplifiant cette action ».

8 Ma Méthode de Judo, M. Kawaishi, Éd. Cedam9 Shizo Takagaki & Harold E. Sharp, The Techniques Of Judo, Éd Tuttle

Publishing, 195710 Ichiro Abe, Judo par Ichiro Abe, Presses Universitaires de Bruxelles, Éd.

Chiron, 1969

Maître T. Daigo

Maître M. Kawaishi

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Maître T. Inogai11, 8ème Dan (1908–1978), précise : « dans l’instant où je lance en arrière et vers le haut, pied en extension, je tourne vers la gauche et plaque Uke contre moi, le plus possible, en me redressant sur la jambe d’appui ».

Maître Kuyzo Mifune12, 10ème Dan (1883–1965) et co-fondateur de Kokusai Budoin, IMAF en 1952, explique : « … rapidement, élever vos hanches en projetant l’énergie, en renforçant le genou gauche ».

Maître Jigoro Kano13 nous pro-pose : « redressant sa jambe d’appui, Tori soulève Uke avec une action

de ressort de la hanche et de la jambe droite ».

Cette façon de faire « sauter » Uke grâce à l’action d’ex-tension de la jambe d’appui, rejoint bien le sens que l’on peut donner à Hane– Ageru. Dans ce cas précis, si l’on veut garder le déséquilibre acquis de Uke, l’action main–hanche–jambe doit se faire dans un même temps, sinon le point de rotation que représente les hanches de Tori va se transformer en « point d’arrêt ». Uke risque de gar-der les pieds au sol, fixé qu’il sera au niveau des hanches par cet à-coup, et penché en avant par l’action des mains de Tori. Aucune mobilité de Uke et de Tori n’est alors possible à cause des forces qui entrent en contradiction.

Ainsi, nous avons là deux façons différentes de concevoir le Kake. L’une en tendant la jambe d’appui de Tori ou, l’autre en la fléchissant. Pour ma part, j’estime que le fait de plier la jambe d’appui, plutôt que de la tendre pour le Kake, projette plus efficacement Uke. Cela découle du fait que Uke ne doit pas d’abord monter avant de redes-cendre. L’action de jeter est plus directe du haut vers le bas, que du bas vers le haut puis vers le bas. Toutefois, l’extension de la jambe d’appui peut se faire lorsque le corps de Uke est déjà dans la chute. Il sera par l’action de cette jambe, ainsi que de l’action des mains et du corps de Tori, jeté plus fort, plus sûrement vers le sol . En fait, cette jambe d’appui pousse Uke vers le bas.

Il y a de toute façon, dans ces différentes formes de pra-tiques, des notions fondamentales et incontournables qui permettent l’exécution correcte de Hane Goshi :

11 Judo pratique , T. Inogai- R. Habersetzer , Éd. Amphora , 200212 K. Mifune, The Canon Of Judo By K. Mifune, Éd. Kodansha International,

2004 ISBN-10 4-7700-2979-9, 224 p.13 J. Kano, Judo Kodokan, Éd. Kodansha, 1956

• seglissersouslepartenaire,

• organiser une bascule du corps de Uke, avec leshanches comme point de rotation.

Certains professeurs insistent sur cette notion de contact de la hanche, dont Maître Michel Novovitch14, 6ème Dan. De son point de vue, il souligne la notion du « principe de l’énergie cinétique : c’est l’énergie de la boule qui percute la quille du pen-dule, de l’impact de la pierre lancée ou de la flèche … ». C’est une ap-proche du mouvement plus percus-sive. Il n’est pas le seul à promouvoir cette façon de faire, puisque Maître Henri Courtine nous dit en conclusion de son explication du mouvement : « il est indispensable de synchroniser parfaitement le déplacement du pied droit, le mouvement de “ percussion ” et la bascule du buste ».

Maître T. Inogai nous rappelle : « la jambe droite est plus ou moins pliée. Elle l’était davantage dans les formes anciennes de la technique où Tori percutait la partie in-terne de Uke, mollet au niveau du genou ».

Cette manière nous avait été décrite par Maître Iizuka dans la partie historique figurant en introduction à l’ana-lyse.

Afin que ce soit un Koshi Waza, la notion essentielle est bien celle de l’utilisation des hanches, celles de Uke comme celles de Tori.

Dans un article, Maître Kenshiro Abe15, 8ème Dan, nous rappelle les fondements des Nage Waza. Il insiste sur un point : « dans des techniques telles que celles des hanches, le centre de gravité de l’un des adversaires se trouve sur le corps de celui qui exécute la prise. Dans ce cas, ce dernier doit veiller à ce que les deux centres de gravité se trouvent sur le même plan quand il y a pro-jection, autrement sa force dispersée n’est pas effective. Cependant, la

distance entre les deux centres de gra-vité doit être aussi petite que possible, de façon à ce que l’effet de friction (sans choc) puisse se produire ».

Dans l’ouvrage de Maître Jigoro Kano, sous la descrip-tion de Hane Goshi, nous trouvons encore : « déséqui-14 M. Novovitch, Judo Gravité Zéro , Éd Pupliday-Multidia 200315 K. Abe, Revue Kodokan, Printemps 1951

Maître M. Novovitch

Maître K. Mifune

Maître Kenshiro Abe

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librant Uke sur l’avant droit, Tori l’amène contre sa hanche droite et le projette par une action de ressort vers le haut de sa hanche droite et de sa jambe droite, associé à une traction vers le bas des deux mains ».

À ce stade de l’analyse, nous avons cerné que deux ma-nières de projeter peuvent être relevées.

Revenons plus précisément sur cette fameuse action des mains : l’action des mains de Tori pourra être différente selon les experts, et selon le moment du Tsukuri, du Kuzushi et du Kake.

De son côté, Maître Ishiro Abe af-firme : « par une traction de la main gauche vers l’aisselle et l’action sou-levée de la droite vers l’avant droit, Tori amène le pectoral droit de Uke en contact avec le sien (position Migi Shizen Tai) ».

Cette manière de « tirer–pousser » avec les mains est sans doute celle qui va s’inspirer le plus de Tsuri Komi Goshi.

Maître Inogai précise : « je lève Uke en tirant de la main gauche (environ 70% de la force) et en soulevant de la main droite (environ 30% de la force), bras droit plié, coude engagé sous l’aisselle de l’adversaire en faisant bras de levier ». Maître Inogai est de ceux qui privilégient l’ac-tion Tsurite.

Toutefois, dans l’article écrit par la Commission tech-nique du Kodokan16, une mise en garde est mentionnée : « si l’action de la main gauche est trop forte, en “ Migi Hane Goshi ”, ceci a pour conséquence de rétablir l’équi-libre chez l’adversaire par sa réaction ». Étant entendu que l’action pour faire avancer le pied droit de Uke ne doit pas le contraindre, mais plutôt l’inviter à le faire, afin de ne pas produire chez lui une réaction opposante.

Maître Kano n’insiste pas trop sur le Kuzushi dans son exposé du mouvement, mais par contre formule une information essentielle qui est : « associée à une traction vers le bas des deux mains ». Ce point paraît des plus im-portants. Cela indique clairement que Tori ne doit pas se trouver sur le chemin que prend Uke en direction du sol. S’il ne respectait pas cela, son action conjuguée des deux mains serait impossible. Enfin, cela suggère que l’action de Tori est clairement de jeter Uke vers le bas le plus directement possible.

16 Revue Judo Kodokan, Vol. X, No 5, 15 novembre 1960

HANE GOSHI : opportunités du mouvement

Venons-en aux opportunités propices à l’exécution de Hane Goshi.

Uke sera en Shizen Tai, en Migi Shizen Tai ou Hidari Shizen Tai, voire en position défensive, légèrement pen-ché en avant. Tori devra s’adapter à la forme de corps de Uke, soit en prolongeant son pas de recul, afin d’entrer sous le corps de Uke. Cette manière de faire pourrait faire penser à Harai Tsurikomi Ashi . Soit en faisant un plus grand Tai Sabaki avec le pied gauche en prenant garde de ne pas se trouver sur l’arrière, c’est-à-dire qu’il faut toujours aller sur l’avant pour Tori, même s’il fait un Tai Sabaki. Ou encore en faisant une attaque directe sur la jambe droite de Uke (Migi Shizen Tai). Lors de cette action, il faudra « ouvrir la porte » à Uke en faisant une rotation du corps de droite à gauche afin de ne pas heurter sa jambe.

J’aimerais également proposer une forme d’attaque que j’affectionne particulièrement, et que j’appelle « en pas-sant ». En garde fondamentale à droite, lorsque Uke recule ou déplace son pied droit sur le côté, passer de-vant lui rapidement (Ayumi Ashi), tout en conservant le poids de Uke sur son pied droit. Par le fait de l’avancée de Tori, Uke se trouve emporté vers l’avant en pivot sur ce point d’appui. Il est alors facile d’engager le mouvement en prenant garde de ne pas s’arrêter devant, mais plutôt de pratiquer Hane Goshi « en passant ».

Tori peut également attaquer la jambe droite de Uke sur son déplacement « en cercle », comme lors de l’exécution de Uchi Mata dans le Nage no Kata.

Une précision intéressante nous est apportée par Maître Shinzo Takagaki : « si l’équilibre de votre adversaire est sur le centre ou sur la partie basse de son corps, il sera difficile de le lever à la puissance de votre hanche et de votre jambe. Vous devez transférer son équilibre vers le haut de son corps en le tirant sur son avant ».

Maître Ishiro Abe

Les techniques présentées sur les photographies des pages suivantes sont exécutées par :

Tori : Pascal Dupré

Uke : Adrien Beck

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Projection sur le pas de recul de Uke

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Projection position Shizen Tai de Uke

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Projection position Migi Shizen Tai de Uke

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Projection « en passant »

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Projection « en cercle »

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HANE GOSHI : contre-prises et enchaînements

Selon les principes de base du Judo, la pratique des contre-prises se doit de respecter la non-opposition. Ainsi, Tori exploitera la forme de corps de Uke afin d’engendrer la meilleure contre-prise possible.

La contre-prise peut-être quasiment en Sen no Sen, ou en Go no Sen.

La notion la plus importante à nouveau – qui va carac-tériser la contre-attaque –, est de ne pas rompre l’action première, mais de la prolonger, la diriger pour soi. Par exemple, dans le Go no Sen no Kata17, sur l’attaque de Hane Goshi, il est proposé en contre, Sasae Tsuri Komi Ashi, qui se pratique dès que Uke cherche à ressortir de son mouvement et à reprendre son équilibre (Go no Sen). On peut également au moment où l’attaquant tente de recouvrer sa position de départ, suivre avec Ushiro Goshi ou Utsuri Goshi. Il est aussi possible de contour-ner l’attaquant dans son dos, et contre-attaquer sa jambe d’appui avec Kosoto Gake, ou Tani Otoshi par exemple.

Pour ce qui concerne les enchaînements, la qualité de cette action n’aura d’effet qu’en suivant les mouvements défensifs de Uke, tant dans sa forme de corps que dans son énergie déployée. Ainsi Tori pourra selon ces critères suivre par O Uchi Gari, Hane Makikomi, voire Koshi Guruma.

17 Kata non recensé par le Kodokan, créé dans les années 1910 par les Maîtres

de l’université de Waseda (Tokyo), où a étudié Maître Kawaishi de 1919 à

1923

Ancien Kodokan

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Contre-prise Ushiro Goshi

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Contre-prise Utsuri Goshi

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Contre-prise Kosoto Gake

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Contre-prise Tani Otoshi

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Enchaînement O Uchi Gari

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Enchaînement Hane Makikomi

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Enchaînement Koshi Guruma

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HANE GOSHI : remarques conclusives

Personnellement, je pratique Hane Goshi avec beaucoup d’attention, car malgré plusieurs décennies de pratique du Judo, je commence seulement à en saisir la finesse.

Je suis conscient que d’expliquer un mouvement, de le transcrire, est chose ardue et limitée. Seul, le contact avec un enseignant permet d’en comprendre toutes les subti-lités ; il en va de même pour toute la pratique du Judo bien sûr.

Pour ma part, je préfère pratiquer Hane Goshi proche de la forme Uki Goshi, qui s’appuie sur l’action « Hikite », plutôt que la forme « Tsurite » , où le déploiement d’une certaine force est demandé.

Dans les pages précédentes, je vous ai fait part de la forme « en passant », car il se trouve que cette forme cor-respond bien à ma vision actuelle du Judo. Je considère que cette manière de faire doit s’inscrire dans un conti-nuum de temps – comme un promeneur qui poursuit son chemin. Les secondes qui s’enchaînent sans s’arrêter sont à l’image de Hane Goshi que l’on pratiquerait « en passant ». Quant à la forme qui consiste à prolonger le pas de recul de Uke, il faut une très grande finesse d’ac-tion, comme le sont d’ailleurs tous les mouvements de fauchages, de balayages. En cela cette forme m’est très chère également.

Hane Goshi, tel que je le conçois, est inscrit dans une courbe évitant à tout prix une ligne brisée, en essayant le plus possible de ne pas heurter mon partenaire, mais plutôt de « l’accélérer » :

• accélération de son propre mouvement sans qu’ilpuisse s’y soustraire,

• accélération du mouvement de son corps par monattaque, grâce à l’usage de mon propre corps – lui-même lancé dans le vide – et de l’action conjuguée de mes mains.

À cet égard, j’insiste sur le fait que « lancer dans le vide » est une action contrôlée. Elle doit l’être afin de préserver le partenaire (Uke), pour qu’il puisse toujours trouver le chemin de la chute (Ukemi) dans la confiance et la sécu-rité. Tori reste toujours au contrôle de l’action. L’harmo-nie entre les deux partenaires est la condition première pour une pratique correcte du Judo. Ni gagnant , ni per-dant, deux pratiquants qui cherchent ensemble et, grâce à l’autre, réussissent à s’épanouir dans le bienfait et le res-

RemerciementsJe remercie respectueusement mes professeurs de Judo, par ordre

chronologique : M. Norbert Jacob, Maître Pascal Krieger, Maître

Igor Correa, Maître Kazuhiro Mikami, Maître Christian Demarre,

Maître Jacques Le Berre, Maître Mitsuhiro Kondo, ainsi que tous

ceux qui ont su me transmettre l’Art et la passion du Judo.

Je tiens également à remercier chaleureusement mes partenaires

et élèves et plus particulièrement Robert, Adrien, Christophe,

Rodolphe, car sans eux la pratique du Judo aurait été impossible. Je

remercie M. Robert Rapin, Branch Director IMAF-Switzerland

(cf. www.imaf-ch.org) et Président de l’association IMAF Suisse,

pour : son indéfectible engagement, la conception graphique, la

publication assistée par ordinateur et les supports photos.

Toute ma gratitude à Maître Pascal Krieger, 10ème Dan Shodo,

pour sa calligraphie Hane Goshi.

Mes remerciements vont également à Richard Toth pour sa

contribution à la production de ce document.

pect mutuel (Jita Kyoe).

Je m’attache à pratiquer un Judo « fluide » et sans à-coups. Ceci permet au pratiquant d’être en contact avec ce que doit être un mouvement : un mouvement qui per-dure et qui ne sombre pas dans l’inertie. Ceci permet éga-lement de ménager le corps, afin de pratiquer ce Judo le plus longtemps possible. À chaque arrêt du mouvement, l’inertie s’installe et tout est à refaire, alors que si l’on maintient cette mobilité, l’enchaînement des actions est davantage facilité. Ce principe se retrouve dans la pra-tique des Tachi Waza (techniques debout) comme des Ne Waza (techniques au sol).

Au regard de cette analyse, il ressort que la pratique de Hane Goshi est du plus grand intérêt. D’abord, ce mou-vement – dont l’origine probable est Uki Goshi –, nous met en contact avec le travail fondamental des Koshi Waza. Ensuite, Hane Goshi offre plusieurs variantes, que ce soit sur le déplacement de Uke, ou sur celui de Tori. C’est un mouvement qui peut s’adapter aux diffé-rents gabarits des pratiquants. S’il y a insuccès dans son exécution, Tori peut enchaîner sur un autre mouvement.

Pour toutes ces raisons, il est à regretter que ce magni-fique mouvement, que l’on pourrait croire à tort venu d’une époque révolue, ne soit pas plus pratiqué et en-seigné. Il est de ces mouvements qui ne sont pas faciles d’accès, mais qui permettent au travers de leur pratique d’aller au cœur des fondements du Judo.

Pascal Dupré, août 2011