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SOUS L’ANTIQUITE LES GERMAINS Au commencement, vivaient les Germains, un ensemble de peuples et de tribus auxquels ce nom a été attribués par les Romains, qui parlent des dialectes différents. Ce sont des indo-européens, masse nomadisante qui circulait vers les 3 ème et 2 ème millénaires avant JC dans les grandes plaines de l’Asie Centrale et de la Russie méridionale. La branche germanique composée comme les autres de tribus nomades et guerrières d’éleveurs de bétails s’est détachée de cette masse pour se diriger vers les régions voisines de la mer Baltique en Basse-Saxe et au sud de la Scandinavie, le Jutland, les îles danoises et la Scanie. Ces territoires étaient déjà peuplés, ce qui a provoqué des affrontements, des mélanges, des couches sociales. L’artisanat germanique le plus ancien porte l’influence de l’art des Steppes (poterie, métal forgé, aux dessins abstraits et motifs d’animaux). Jusqu’au début du Moyen Age, la civilisation germanique repose largement sur la guerre, le « raid », la conquête, l’expédition de pillages, la migration de masse, un grand esprit d’aventure. Les Cimbres et les Teutons font irruption dans le monde romain à la fin du 2ième siècle avant JC. Les Romains, connaissant bien les Gaulois qui sont mêlés à l’histoire romaine depuis des siècles, distinguent parfaitement les Germains des Celtes. Dans les étendues sauvages de ce qui va devenir l’Allemagne, les Germains vus par Tacite vivent groupés au milieu des grandes forêts, des marécages et des Heiden, des landes, s’organisent en sociétés de nobles, hommes libres, serfs, esclaves. Pour les raids, un chef riche et prestigieux, ambitieux, promettait gloire et butin. Les tribus et les peuples se font et se refont ainsi sans cesse. D’une expédition heureuse menée derrière un grand chef peut naître un peuple nouveau. Ainsi d’un siècle à l’autre, les noms des peuples germaniques surgissent et disparaissent sans qu’on puisse établir des généalogies crédibles ! Au 3 ème siècle après JC, apparaît le nom d’un peuple : les Alamans (alle Mannen = tout le monde) signifie qu’ici un peuple nouveau s’est constitué en ramassant ceux qui restaient d’un peu partout au cours d’une longue pérégrination qui 1/29

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Page 1: Histoire de l'Allemagne

SOUS L’ANTIQUITE

LES GERMAINS

Au commencement, vivaient les Germains, un ensemble de peuples et de tribus auxquels ce nom a été attribués par les Romains, qui parlent des dialectes différents. Ce sont des indo-européens, masse nomadisante qui circulait vers les 3ème et 2ème millénaires avant JC dans les grandes plaines de l’Asie Centrale et de la Russie méridionale. La branche germanique composée comme les autres de tribus nomades et guerrières d’éleveurs de bétails s’est détachée de cette masse pour se diriger vers les régions voisines de la mer Baltique en Basse-Saxe et au sud de la Scandinavie, le Jutland, les îles danoises et la Scanie. Ces territoires étaient déjà peuplés, ce qui a provoqué des affrontements, des mélanges, des couches sociales. L’artisanat germanique le plus ancien porte l’influence de l’art des Steppes (poterie, métal forgé, aux dessins abstraits et motifs d’animaux).

Jusqu’au début du Moyen Age, la civilisation germanique repose largement sur la guerre, le « raid », la conquête, l’expédition de pillages, la migration de masse, un grand esprit d’aventure. Les Cimbres et les Teutons font irruption dans le monde romain à la fin du 2ième siècle avant JC. Les Romains, connaissant bien les Gaulois qui sont mêlés à l’histoire romaine depuis des siècles, distinguent parfaitement les Germains des Celtes.

Dans les étendues sauvages de ce qui va devenir l’Allemagne, les Germains vus par Tacite vivent groupés au milieu des grandes forêts, des marécages et des Heiden, des landes, s’organisent en sociétés de nobles, hommes libres, serfs, esclaves. Pour les raids, un chef riche et prestigieux, ambitieux, promettait gloire et butin. Les tribus et les peuples se font et se refont ainsi sans cesse. D’une expédition heureuse menée derrière un grand chef peut naître un peuple nouveau. Ainsi d’un siècle à l’autre, les noms des peuples germaniques surgissent et disparaissent sans qu’on puisse établir des généalogies crédibles ! Au 3ème

siècle après JC, apparaît le nom d’un peuple : les Alamans (alle Mannen = tout le monde) signifie qu’ici un peuple nouveau s’est constitué en ramassant ceux qui restaient d’un peu partout au cours d’une longue pérégrination qui en plusieurs siècles a parcouru le sud de la Scandinavie, la Vistule, la Thuringe, pour venir frapper aux portes de l’empire romain, entre Rhin et Danube. Le monde des mythes et légendes germaniques est celui d’un peuple profondément inséré dans une nature dure et avare, peuplée d’esprits et de forces plus que de sylphes et de muses.A travers les landes et les forêts de ce qu’on appellera plus tard la Germanie, des contacts s’établissent avec les voisins Celtes et Illyriens, qui appartiennent à d’autres branches de la grande famille indo-européenne. Plus tard apparaîtront les Slaves et les peuples baltiques. Il faudra 7 siècles entre l’apparition des Cimbres et des Teutons dans le monde méditerranéen et l’achèvement de la mise en place des « Stämme » (tribus, peuples souches) qui formeront la nation allemande (Francs, Saxons, Souabes, Thuringiens, Bavarois) dans une mêlée énorme et confuse où les peuples se font et se défont. La plupart des noms de tribus cités par Jules César et Tacite auront disparus 2 ou 3 siècles plus tard.

Autant les Gaulois se montrent prêts à l’assimilation romaine, autant les Germains se montrent réfractaires. Les Romains construisent une ligue fortifiée, le « Limes » germanique, ligne de défense avancée. L’Empire romain a atteint là une extension extrême que ses forces ne lui permettent plus de dépasser. Sur le Limes et le long du Danube, les empereurs romains des 2ème et 3ème siècles rencontrent une forte et agressive confédération germanique,

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celle des Marcomans (=les hommes de la frontière) qui aurait donné naissance à la tribu des Bavarois qui apparaît brusquement vers l’an 500 en Bohême. La Confédération marcomane disparaît à son tour et d’autres peuples et groupements de peuples surgissent à leur place :- Les Alamans, face au Limes, belliqueux et sauvages.- Les Visigoths et Ostrogoths (Westgoten et Ostgoten) au Nord-Est des Balkans, venant

de Scandinavie, Suède.

Peuples nombreux et vigoureux, ils sont les premiers Germains à fonder quelque chose qui ressemble à un Etat. Au 4ème siècle, ils sont envahis par les Huns venus du fond de l’Asie. les Visigoths se jettent sur les frontières de l’Empire romain, les Ostrogoths sont entraînés dans l’avalanche nomade des vainqueurs. Tour à tour alliés et ennemis, colons établis sur le bas Danube pour assurer la défense de l’Empire et envahisseurs pillards courant l’aventure, semant la destruction jusqu’au cœur de l’Anatolie (=Turquie), de la Grèce, les Visigoths finissent par abandonner l’Orient dévasté pour se jeter vers le début du Vème siècle sur l’Occident encore en partie intacte. En 410, le roi Alaric prend Rome pour mourir quelques mois plus tard en Italie du Sud. Ses successeurs envahissent la Gaule méridionale et fondent un royaume autour de Toulouse que les Francs refoulent début Vème siècle au-delà des Pyrénées. Ils s’établissent en Espagne, y règnent durant deux siècles jusqu’à la conquête arabe. De la Scandinavie à Tolède, capitale gothique, la migration aura durée 3 ou 400 ans, avec un détour par la mer Noire et Rome ! Des restes de l’aristocratie visigothique réfugiée dans les montagnes des Asturies surgira au 13ème siècle l’Espagne médiévale de la « Reconquista ».

Pendant ce temps, le peuple Ostrogoth avait suivi le destin des vainqueurs hunniques. A la cour d’Attila, roi des Huns, des princes Goths et exilés Romains étaient nombreux et influents. Après l’écroulement foudroyant des Huns, les Ostrogoths font comme leurs cousins les Visigoths et tente de s’établir au Sud du Danube. Le roi Théodoric chasse Odoacre, roi des Hérules, peuple germanique, qui avait déposé le dernier empereur de Rome avec mission de l’empereur de Constantinople, de reprendre l’Italie. Ce qu’il fait en 488 et fait de Ravenne sa capitale. Il meurt en 526. Les Hérules alors établis en Pannonie (=Hongrie) retournent en Scandinavie d’où ils étaient partis plusieurs siècles plus tôt.

A la mort de Théodoric, l’empereur de Constantinople profite des troubles surgis dans l’aristocratie gothique et entreprend de conquérir l’Italie avec la complicité d’une grande partie des « Romains » italiens. La guerre gothique racontée par Procope dure 30 ans, 536-562, le peuple goth est anéanti. Félix Dahn, écrivain du 19ème siècle, en a fait un roman populaire « Ein Kampf um Rom » (=un combat pour Rome) qui a galvanisé l’émotion nationale de plusieurs générations de jeunes allemands, faisant de cette branche des peuples germaniques disparue sans héritier, les ancêtres par adoption des Allemands modernes qui ne sont en fait que leurs lointains petits-cousins !

Les Vandales eux aussi venus du Nord, de l’Elbe, ont traversé la Germanie d’Est en Sud-Ouest, pour se joindre à de nombreux autres peuples qui se jettent sur la Gaule en 406. Un flot terrible de dévastateurs se répand jusqu’aux Pyrénées et au-delà. Ils passent en Afrique du Nord, s’y établissent en maîtres et devient un peuple de marins-pirates qui sème la terreur sur toute la Méditerranée. Ils sont restés 100 ans puis ont été décimés par Justinien, empereur d’Orient.

Les Suèves même famille que les Souabes alémaniques, créent un petit royaume au Nord-Ouest de l’Espagne en Galice et au Nord du Portugal.A peine les Byzantins ont-ils reconquit l’Italie qu’une nouvelle vague de Barbares les envahissent : les Langobars (=longues barbes, soit les Lombards). Le Pape au 8ème s. fait appel aux rois qui régnaient sur la Gaule et une partie de la Germanie. Les Langobards s’allient avec les Bavarois. Pépin le Bref et son fils Charlemagne ont vaincu tour à tour le

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royaume lombard et le duché bavarois. Ils ont été germanisés. Dans le reste de l’Italie, ils se sont fondus dans la masse romaine.

Les Burgondes, autre peuple germanique, franchissent le Rhin en 406 et s’établissent définitivement dans les régions Savoie, Dauphiné, Franche-comté et la Bourgogne, qui conserve son nom. Ils restent durant 3 générations entre 460 et 534. Ils sont vaincus par les Francs, sont annexés et les Burgondes se perdent dans la majorité franco-gallo-romaine.

Au cours des 3 et 4ème s. les tribus des Francs (= homme libres) participent à de nombreux raids, parfois avec les Saxons, terrestres et maritimes, en Gaule. Ils ne s’élancent pas tout d’un coup dans une migration lointaine. Au fur et à mesure que l’autorité romaine s’affaiblit dans ces régions extrêmes de la « Belgique »  actuelle, les Francs avancent dans un pays peu peuplé, s’y installent avec leurs familles et leurs serviteurs. A la fin du 5è s., après l’écoulement des structures romaines, les Francs  occupent rapidement, par bonds successifs, l’espace jusqu’à la Seine. Un de leurs rois, Clodevec, Clovis, (soit Ludwig en allemand et Louis en français) se débarrasse de tous ses parents et rivaux et unifie sous son commandement l’ensemble des tribus franques. Ils se convertit au catholicisme. Petit à petit, Clovis et ses fils chassent les barbares établis en Gaule et à l’exception du Sud-Ouest gascon, des Basques et de la Bretagne, en voie d’occupation par des Bretons (Celtes venus de Bretagne, chassés par l’invasion anglo-saxonne) les royaumes sont unis sous les sceptres des rois francs.

Au 6ème s. c’est la descente des « Bavarois » venus de Bohême. Ils rencontrent des tribus slaves qui s’installent lentement dans les espaces laissés libres par les peuples germaniques (Goths, Vandales) ou par les reculs de l’empire romano-byzantin incapable de se maintenir au Nord des Balkans et en Pannonie (=Hongrie). Les peuples « barbares » de ces régions, Turcs, Mongoles, Bulgares ou Avars, faibles en nombre ne peuvent pas faire obstacle aux infiltrations slaves : les Bulgares, tribu turque à l’origine, sont peu à peu slavisés… en Bohême, les Tchèques, slaves, remplacent les proto-Bavarois. En Carinthie et en Styrie, les Bavarois se heurtent aux Slovènes. Tout un puzzle de peuples se met en place vers les 6 et 7ème s., structure de l’Europe centrale actuelle. Au 7ème s. les rois francs ayant soumis les Alamans, commencent à intervenir en Bavière. A la fin du siècle suivant, Charlemagne achèvera d’intégrer à son royaume ce 4ème peuple germanique (après les Francs, les Burgondes et les Alamans (= Souabe). Ensuite ce sera le tour des Saxons.

Les Saxons n‘avaient pas de roi, mais se regroupaient en période de guerre autour de chefs choisis parmi les Nobles, comme les Alamans. Ce peuple constitué par la victoire d’une ou plusieurs tribus sur d’autres races belliqueuses et audacieuses, s’établit sur les côtes de la mer du Nord et sur l’embouchure de l’Elbe et de la Weser d’abord, puis descendent jusqu’en Westphalie. Pendant les grandes migrations, des Saxons avec ou sans les Francs, s’avancent le long des côtes de la Gaule jusqu’au Sud de la Loire, semant terreur et dévastation. Ils avaient une certaine expérience de la navigation qui leur a été fort utile quand, au 6ème s., ils s’attaquent à l’île de Bretagne avec leurs voisins les Angles et les Jutes (danois). D’ailleurs les romains abandonnent « la Terre des Angles » (=Angleterre) et ses tribus bretonnes très peu romanisées, devant les brigands et pirates, les mercenaires, les Saxons et leurs alliés maintenant, où ils installent femmes et enfants, et y demeurent de plus en plus nombreux, se substituant aux Bretons qu’ils repoussent vers les régions pauvres et montagneuses de l’Ouest. Une fois maîtres de la meilleure partie de l’île, ils fondent des royaumes, développent une civilisation originale par la langue, la littérature (légendes et chansons) par le Droit et les structures politico-sociales. Tous les Saxons ne sont pas partis en Angleterre. Aux 7 et 8ème s. c’était le peuple le plus important de Germanie, après les Francs. Ils se sont opposés farouchement aux tentatives franques de les conquérir. Il faudra 30 ans de guerres implacables pour venir à bout des Saxons à la fin du 8è s. et les intégrer dans l’Empire et dans l’Eglise.

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Voilà donc en place les éléments qui vont un jour constituer le peuple allemand, les quatre « Stämme » fondateurs (Alamans, Francs, Bavarois, Saxons).

SOUS LE MOYEN-AGE

L’ALLEMAGNE CAROLINGIENNE

Charlemagne, roi Franc germanique, conscient et fier de ses origines, parlait le germain avec ses amis, ses compagnons, les ecclésiastiques savants d’origine anglo-saxonne (Acuin). Le commandement de ses armées et le gouvernement de ses provinces était confié à des comtes et marquis (gardiens des marches) d’origine austrasienne. Sa famille est d’origine souabe et bavaroise. Il choisit ses femmes et concubines en Souabe, dans les grandes familles austrasiennes et germaniques. Il réside de préférence à Aix-la-Chapelle de langue germanique.

Le peuple carolingien est un peuple paysan. Disséminé dans la forêt, ou regroupé dans les vallées anciennement occupées. Ce sont pour une grande part des hommes libres, propriétaires de leur terre, assujettis seulement au service des armes. D’autres sont « semi-libres », travaillent et vivent sur les domaines appartenant à d’autres, aux nobles, au roi ou à l’Eglise. Dans le royaume franc, il existe aussi des serfs, hommes non libres, asservis à des seigneurs, ou roi, ou l’Eglise, par hérédité, par suite d’un jugement ou parce qu’ils n’ont pas pu s’acquitter d’une dette. Il y a enfin des esclaves qui sont des prisonniers de guerre ou de razzias pris chez les Slaves (d’où leur nom), en Scandinavie, en Russie et dans les steppes d’Asie. Le trafic des esclaves est un des commerces les plus florissants de l’époque carolingienne (fait essentiellement par des juifs), destiné surtout aux musulmans…

Pour la cour brillante du roi empereur Charlemagne, le soin qu’il prend aux arts et à la culture, les richesses qu’il tire de ses conquêtes, son prestige, les relations qu’il établit avec Byzance, l’annexion des 4/5ème de l’Italie et son commerce méditerranéen, l’ambre et les esclaves du Nord-Est, les laines d’Angleterre, les produits de luxe de l’Inde, la Perse, l’Arabie et la Syrie s’entrecroisent au bénéfice de marchands dont beaucoup de juifs, protégés par Charlemagne et ses descendants. Armes, tissus, vins fins et épices, pierres précieuses et vêtements de luxe, pour notamment le sacerdoce, tiennent une grande place et n’intéresse qu’une infime minorité de puissants et de possédants. Des bourgades naissent et voient s’établir des marchands à titre temporaire d’abord, à demeure ensuite. Ils s’ajoutent aux serviteurs des gouverneurs, comtes, marquis, seigneurs et évêques, aux artisans que ces cours font vivre, et naturellement aux agriculteurs qui s’occupent des terrains alentour. C’est l’ébauche des futures cités médiévale. Cette évolution sera difficile : combien de bourgs en Germanie brûleront, une fois, deux fois, dix fois au cours du siècle sous les coups des peuples envahisseurs ?

Au 9ème s., les invasions pillardes des Normands sauvages (Vikings) venant de Scandinavie se multiplient tandis que les côtes de la Méditerranée sont livrées aux razzias arabes et ce juste avant la mort de Charlemagne. A sa mort, l’Empire est partagé entre ses trois fils et c’est Louis le Germanique qui reçoit la Francie Orientale, la Saxe, la Thuringe, l’Austrasie, l’Alamanie, la Bavière et la Carinthie. Il réside à Rastibonne, la Bavière est alors le cœur du royaume. Mais les invasions féroces, les guerres civiles et de divisions font renaître le désir impérieux de rétablir l’unité et de revoir à la tête de l’héritage de Charlemagne un prince défenseur du peuple chrétien. C’est un fils de Louis le Germanique, Charles le Gros, qui est élu. Il est peu courageux, sans énergie : il est déposé en 886, et c’est la division définitive des royaumes : la Francie orientale (future Allemagne) revient à Arnulf (Arnoul), un neveu bâtard de Charles le Gros. Mais il meurt jeune et ne laisse qu’un enfant au berceau qui mourra avant sa majorité. Tout ceci favorise à nouveau le désordre, l’anarchie et la montée

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au pouvoir des grands, des comtes et ducs, des évêques et abbés qui se rendent de plus en plus indépendants d’un pouvoir central inexistant.Surviennent alors de nouveaux envahisseurs, les Magyars (=Hongrois) peuple sauvage venu des steppes de Russie du Sud-Est, qui reviennent chaque année comme les Normands, au printemps, chercher nourriture, richesses et esclaves. La fin de l’âge carolingien en Allemagne est un temps de désordre et de barbaries atroces.

En 911, les seigneurs franconiens et les Souabes se mettent d’accord pour élire roi le duc de Franconie, Conrad, qui a eu beaucoup de mal à se faire admettre des Bavarois et des Saxons. En 918, sur son lit de mort, il désigne comme successeur le duc de Saxe, Henri 1er

l’Oiseleur (chasseur). A partir du Xème s. la Francie orientale est appelée « Germanie » et forme désormais une communauté indissociable. Il est Saxon, d’où le choix, descendant de Widukind, héro païen de la lutte saxonne contre Charlemagne.Henri 1er comme son prédécesseur Conrad et comme tous ses successeurs devra lutter sans cesse contre la désobéissance des grands et faire face à des conspirations et soulèvements souvent animés par des membres mécontents de la famille royale elle-même. Chaque roi élu et acclamé devra chevauché (Rundritt) à travers le royaume pour obtenir au prix de difficiles négociations voire de combats sanglants, la reconnaissance toujours précaire des ducs, comtes et évêques qui constituent la classe politique de cette Allemagne primitive.Les rois saxons n’ont pas de capitale fixe et voyagent sans cesse à travers le royaume germanique puis l’Italie. Cependant le centre de leur puissance se trouvent en Saxe méridionale, là où se situent leurs domaines familiaux. Ils bâtissent leurs palais et fondent des monastères où ils célèbrent les grandes fêtes chrétiennes, où ils établissent leurs filles et où ils se font enterrer.

Au 10ème s. les mines du Tyrol, de la Forêt Noire, la Carinthie, du Harz se développent grâce aux progrès du commerce après les attaques normandes et magyares, et à ceux des techniques. Les mines d’argent constituent la ressource la plus importante de la chrétienté et du revenu des rois Saxons. Pendant ce temps, les raids Magyares (hongrois) sévissent toujours et c’est son fils et successeur Othon 1er, 936-973 qui en 955 mettra définitivement fin à leurs raids en Occident. Othon 1er est couvert de gloire et couronné empereur. Il marie deux de ses sœurs, l’une au roi carolingien, l’autre au chef de la maison rivale des Robertiens. Il fait acclamer de son vivant son fils Othon II, 973-983, roi de Germanie, âgé de 7 ans, ce qui conduit à l’hérédité de la couronne, comme en Francie occidentale et en Angleterre. Mais cela n’a pas abouti, dû à la brève durée des dynasties : celle des Saxons ou othoniens s’éteint en 1025. Othon II a 18 ans à la mort de son père et meurt à 28 ans. Othon III, 983-1002, majeur à 16 ans, meurt à 22 ans. Henri II le dernier empereur Saxon meurt à 52 ans après un règne de 22 ans. Pour succéder à Othon III les Grands ont choisi comme successeur Henri II 1002-1024 duc de Bavière, petit-fils d’un frère d’Othon 1er le grand. A sa mort, la dynastie des Saliens (=Pays-Bas) s’éteint. L’Assemblée électorale choisit un seigneur important, possédant de vastes territoires dans le Palatinat rhénan actuel : Conrad II, 1025-1039, qui est par les femmes un arrière petit-fils d’Othon le Grand. Il a eu lui aussi comme ses prédécesseurs à lutter et pour consolider sa dynastie, il se résigne à l’inévitable, et reconnaît l’hérédité des grands fiefs. La grande réussite de son règne a été d’avoir pu en 1033 réunir la Bourgogne à la mort de son dernier roi Rodolphe III à l’Allemagne et à l’Italie. Ainsi Genève, Lyon , Besançon, Arles, Marseille sont et seront pour des siècles villes d’Empire allemandes.Son fils Henri III, 1039-1056, lui succède. Il épouse Agnès de Poitiers et ont un enfant, le futur Henri IV qui a 6 ans lorsque Henri III meurt à 39 ans. Henri IV ne règnera qu’une année 1056, puis il sera excommunié par le Pape. Il mourra en 1106 en exil chez des bourgeois de Liège.Au 11ème s. les pèlerinages en Terre Sainte s’intensifient. L’art Roman permet des réalisations prestigieuses. Ce sont encore les églises et les monastères qui, seuls bâtiments construits en pierre (à l’exception des palais royaux) portent témoignage des progrès des

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arts de la peinture, sculpture, architecture surtout, et aussi de l’écriture des livres avec leurs images peintes (manuscrits, livres d’heures) permettant de conclure à un enrichissement continu de l’Eglise qui prélève une partie croissante de la rente foncière, prix – jusqu’à un certain point – des services immenses et indispensables qu’elle rend à la société, mais prix excessif parce que la puissance de l’Eglise permet aux clercs, aux évêques et aux abbés d’exploiter la masse des « travailleurs », c’est à dire des paysans qui relèvent d’eux, et cela d’autant mieux que hiérarchie ecclésiastique et seigneurie séculière se confondent chez les hauts dignitaires – qui oseraient résister à des princes aussi puissants que l’archevêque de Cologne et celui de Bohême qui se disputent la tutelle du petit Henri IV ? Au-dessous de ces seigneurs riches, ambitieux et fastueux (le haut clergé), croupit la masse d’un bas clergé affamé, ignare, concubin ou marié…

L’ hérédité des grands fiefs depuis la dislocation de l’Empire de Charlemagne entraînera peu à peu l’hérédité des fiefs secondaires et subordonnés, chaque tenancier cherchant à arracher à son seigneur la libre disposition du bien qu’il peut réclamer après la mort du vassal. Ainsi se met en place la pyramide féodale, alors que disparaît l’ancienne division par statut personnel. Des hommes libres tombent en bas de l’échelle féodale pour cause de dettes non honorées. D’autres, attachés à la personne du Seigneur, voire du roi, deviennent administrateurs de biens importants qu’ils ont à leur tour l’ambition de transformer en fief, à moins qu’ils en obtiennent un en récompense des services rendus. Ceci est à l’origine de la catégorie importante des « ministériaux », serviteurs personnels du roi-empereur. Contre les grands vassaux exigents et pas toujours fiables, le roi se doit de maintenir et d’élargir le domaine de la couronne et son domaine familial (chaque dynastie – Saxons, Saliens…- réunit à son domaine les biens de la précédente). Ce sont les serviteurs personnels du roi qui gèrent et défendent ces biens comme baillis. Pendant les minorités royales et les guerres intestines, les grands vassaux cherchent à s’en emparer. Parfois, c’est le bailli qui, à force de gérer une terre en devient lui-même le Seigneur à titre personnel et définitif.

Au 11ème s. aussi, il faut noter les changements considérables dus au contact des grands seigneurs et hauts prélats avec l’Italie (qui appartient à l’Empire). Ils découvrent une civilisation plus riche, plus complexe, moins primitive. Les villes Milan, Pavie, Rome et Venise sont de « vraies » villes comptent des milliers d’habitants où les commerçants, les artisans, les artistes et les lettrés sont de plus en plus nombreux. Les écoles épiscopales et abbatiales développent l’étude de la théologie et de la philosophie, mais aussi du Droit de l’Eglise et de l’Empire, le Droit romain dont on retrouve et approfondi les recueils et les codes. Ayant pris des habitudes nouvelles, consommé et utilisé des produits qui leur étaient jusque là inconnus, les seigneurs séculiers et ecclésiastiques, de retour en Allemagne, ramènent de nouveaux besoins que seul peut satisfaire le commerce interrégional dont l’essor favorise celui des bourgades, des lieux de foire et d’échange, et celui des ports. La conquête de l’Angleterre par les Normands en 1066 (Guillaume le Conquérant, fils bâtard de Robert le Diable) va de plus intensifier les relations entre les îles britanniques et les provinces proches du continent par la Flandre impériale (moins importante que la Flandre royale), le Brabant, la Hollande. Des villes comme Lubeck, Brême, Hambourg, métropoles du commerce du Nord deviennent au 11ème s. des centres où se regroupent des artisans détachés des domaines seigneuriaux et qui exigent des droits et s’opposent aux maîtres des lieux, comtes ou évêques.

Henri III et son épouse Agnès de Poitiers ont favorisé la propagation en Allemagne et dans tout l’Eglise romaine des idées de la Réforme religieuse développée en France au 10ème s. à Cluny (fondation des ducs d’Aquitaine et de la maison de Poitiers dont l’impératrice Agnès était issue) réforme contre un monde d’horreur et de bassesses jusque chez les moines. Purifier le culte, purifier la vie des moines, pour qu’elle ne soit qu’au service de Dieu et rejeter tout contrôle de la vie religieuse et de ses institutions par les laïcs, retrouver l’enseignement divin dans sa pureté et agir sur le monde pour le purifier lui aussi et le pacifier autant que faire se peut : voilà les grandes aspirations de ce mouvement spirituel,

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une des plus importantes qui périodiquement naissent pour arracher l’Eglise aux compromissions, corruptions du siècle. Henri III confie d’ailleurs la papauté à un évêque lorrain formé dans l’ esprit Cluny, pour la purifier de sa corruption romaine. Il restaure entre autre le célibat des moines.

Henri IV sera confronté à la force montante de la bourgeoisie urbaine des communes, une force qui se place hors du système féodal, une force d’avenir. Elle a comme point commun avec la Réforme, le refus de l’ordre établi, mais pour des motivations très différentes. La ville est étrangère au monde féodal et elle finit par le faire éclater.Mais quand le pouvoir monarchique princier aura triomphé des structures féodales, il finira dans d’autres siècles par soumettre les villes à leur tour. Henri IV est excommunié en 1056, ses deux fils Henri V et Conrad III lui succèderont.

Henri V succède en 1106 à la mort de son père et meurt en 1125. Avec lui s’éteint la dynastie Salienne. Il n’a pas d’héritier mâle ce qui entraîne un nouvel affaiblissement du pouvoir central. Les biens de la famille royale passent au neveu de Henri V, Frédéric duc de Souabe, fils de la princesse Agnès et d’un seigneur local Frédéric de Büren à qui son beau-père Henri IV avait donné le duché de Souabe.

Lothaire III de Supplinburg, duc de Saxe 1125-1137 a été choisi par l’Assemblée électorale. Il a passé une grande partie de son énergie et de son temps à lutter contre Frédéric de Hohenstaufen et son frère Conrad, duc de Franconie, qui ont refusé de reconnaître son élection. Le Pape appelle Lothaire III à la rescousse contre les attaques de Roger II, roi Normand de Sicile, il meurt en Italie en 1137.

Conrad de Franconie 1137-1152, frère de Frédéric de Souabe (ou Staufen) ou Hohenstaufen mort, petit-fils de Henri IV et neveu de Henri V lui succède. Il lutte longtemps pour imposer son autorité et peut ainsi enlever le duché de Bavière à ses adversaires. Il décide de prendre la Croix et part avec une importante armée en Terre Sainte pour s’unir au roi de France Louis VII (1er époux d’Eléonor d’Aquitaine). A la 2ème croisade, il revient déçu et malade. Il meurt en 1152 après 15 ans de règne et après avoir recommandé son neveu Frédéric duc de Souabe, Frédéric 1er « Barberousse ».

Tandis que les empereurs affrontent le Pape et combattent en Italie, les seigneurs de l’Allemagne du Nord agrandissent le territoire du peuple allemand vers l’Est dans des proportions prodigieuses. Une seconde Allemagne prend naissance sur ces sols colonisés (l’ « Ostkolonisation »). Colonisation qui s’est faite sans le pouvoir central et presque à son insuvers l’est (Pologne, Tchéquie, Silésie, Poméranie, le Mecklembourg). Les tribus tchèques et polonaises isolées et ennemies, résistent mal sous le nombre et le poids d’une civilisation matérielle et intellectuelle plus développée. Dans la partie du Holstein, les Slaves ont été submergés par l’assaut allemand et se sont noyés dans la seigneurie des comtes de Schauenburg. Sur la moyenne Elbe, le comte Albert de Ballenstätd dit « l’Ours » conclut un arrangement avec un prince slave possédant des terres qui s’étendaient le long des rivières Havel et Spree, traité par lequel les deux seigneurs s’instituaient mutuellement héritier au cas où ils mourraient sans descendance. Le Slave étant mort quelque temps après, Albert s’empare de ses domaines qui forment désormais la marche de Brandebourg. Des ports sont créés sur les côtes méridionales de la Baltique (Riga en Livonie 1202, Stralsund en Poméranie 1209, Stettin et Danzig connaissent un grand essor). A l’intérieur des terres aussi les villes se développent rapidement ou sont fondées et ce jusque dans le Sud-Est de la Pologne (Lvov 1259). Quelques années plus tard, c’est la Silésie (peuple germanique, les Silingnes sous-tribu des Vandales) qui se détache du royaume slave. Elle se divise en duchés et principautés qui passent rapidement sous l’influence politique et culturelle de l’Allemagne. Les dynasties silésiennes se germanisent et font appel aux allemands pour développer l’agriculture, les villes et les mines de leurs territoires. Soumise à la suzeraineté de la Bohême, elle sera

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incorporée à la Prusse après 1740, et y restera jusqu’à la fin du Saint Empire romain germanique en 1806.Partout en Allemagne, dans les pays slaves et magyares qui conservent leur autonomie politique, les villes se peuplent de commerçants et d’artisans allemands qui doivent respecter les chartes de droit allemand garantissant aux bourgeois germanisés ou pas une large autonomie de gestion. Le droit de Lubeck et de Magdebourg va s’étendre jusqu’en Russie. Cet immense mouvement qui intéresse aussi bien l’histoire politique que l’économie et la culture ne s’achèvera qu’au 14ème s. Un nouvel Etat se formera, celui de l’Ordre Teutonique. Singulière création séculière d’un ordre de moines-chevaliers qui étendront leur domaine et celui de l’Empire allemand jusqu’en Estonie tout en menant contre les Prussiens une longue guerre d’extermination. En même temps autour de Lubeck se constitue une autre puissance non moins singulière, la Ligue Hanséatique, d’abord association de marchands, ensuite alliances de villes, en 1350 jusqu’à 250 cités maritimes et continentales, de Bruges à Cracovie, de Tallin (=Reval) jusqu’à Cologne. Mais les conquêtes de l’Ordre Teutonique ne sont pas réellement incorporés à l’Europe et la Hanse reste un groupement non étatique, bien qu’elle ait eu à certains moments une force militaire commune, essentiellement navale, et un tribunal suprême.La nouvelle Allemagne naissante vas dépasser en importance l’ancienne, le vieil empire (Altreich). Alors que se décomposent les vieux duchés de Saxe, Franconie et de Souabe, seule la Bavière reste un ensemble relativement cohérent et étendu.

L’apogée de l’Empire médiéval de Frédéric 1er Barberousse à Frédéric II 1152-1250

Frédéric 1er Barberousse 1152-1189 Barberousse devient roi à 27 ans. Il épouse l’héritière de la Franche-Comté qui rentre ainsi dans le patrimoine des Hohenstaufen. Lors de son règne, c’est l’art gothique qui se répand en Allemagne et les premiers grands textes de la première littérature classique en langue allemande qui s’écrivent et se récitent . En Italie, le Pape essaie d’étendre des territoires pontificaux sur ceux de la souveraineté impériale, au-delà du Latium. L’Eglise a pour alliés les plus importantes villes de l’Italie du Nord que l’on appelle maintenant « Lombardie » (du nom les Langobards = longues barbes) constituée en républiques autonomes à la tête d’importants territoires. Les villes impériales d’Italie restées fidèles fournissaient des contributions financières considérables. Frédéric Barberousse conclut la paix de Venise en 1177 avec le pape et en 1183 à Constance avec les villes lombardes, ramenant les villes lombardes sous la souveraineté impériale en leur garantissant une autonomie réelle. Barberousse est désormais maître de l’Italie et incontesté en Allemagne. A 70 ans, il part en croisade et disparaît noyé par hydrocution dans un fleuve anatolien (=turc).

Henri VI 1190-1197 le Lion, son fils âgé de 18 ans lui succède. Henri VI épouse Constance de Sicile, fille de Roger II et tante du roi régnant Guillaume II (elle avait plus de trente ans). Guillaume II meurt en 1190. Les Normands placent à la tête du royaume un fils naturel de Roger II, Tancrède de Lecce, qui meurt en 1994. Depuis l'arrivée des Normands en Italie, ceux-ci étaient les plus acharnés adversaires de l’empereur qui n’a jamais cessé depuis Othon 1er de vouloir réunir l’Italie du Sud à l’Empire.Henri Vl récupère la Saxe et la Bavière dont il faut séparer le margraviat d’Autriche, érigé en duché autonome au profit de la dynastie des Babenberg, proches parents du roi qui tiennent à Vienne une vie fastueuse. A sa chute en 1180, la Saxe est dépecée. Henri VI part en exil en Angleterre et c’est Otto de Wittelsbach qui le remplace dans le duché de Bavière. Dans le Nord de la Saxe démantelée, Henri VI le Lion ne conserve que les possessions familiales et l’archevêque de Cologne et les descendants d’Albert l’Ours se partage l’ancien duché avec une foule de princes moins importants.

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Henri VI se lance lui aussi dans la croisade. Il meurt à Messine en 1197, à 30 ans, probablement empoisonné par l’impératrice elle-même. Elle détestait son mari cruel. Il laisse un enfant Frédéric II 1197-1250, âgé de quelques mois seulement, roi de Sicile, élu roi d’Allemagne du vivant de son père Henri VI.Tandis que la domination allemande s’écroule en Italie et que l’impératrice Constance chasse de Sicile les troupes de feu son époux, les princes germaniques se rallient au frère de Henri VI, le duc Philippe de Souabe 1198-1208, roi des Romains. Il est assassiné en 1208 par un seigneur mécontent.

Frédéric II de Sicile, 15 ans, unique Hohenstaufen survivant, devient le maître en Allemagne, mais un maître pressé de repartir vers son Italie natale. Il appartient davantage à l’histoire de l’Italie qu’à celle de l’Allemagne. Il part en croisade en 1229, épouse la fille du dernier roi franc, se couronne roi de Jérusalem. Il revient en Italie, reprend la lutte incessante avec la papauté et certaines villes lombardes, luttes sans fin, épuisantes, où défaites et triomphes se succèdent. Il meurt à 56 ans. Il laisse à son fils Henri VII, élu roi des Romains, encore enfant, du vivant du son père. Vaincu et déchu, il se suicide dans le transport de prisons italiennes. C’est le Henri de Luxembourg 1308-1312 qui sera le « vrai » Henri VII que l’on verra plus tard.

Conrad IV 1250-1254, frère de Henri VII et deuxième fils de Frédéric II, succède à son frère. A l’annonce de la mort de son père, Conrad IV se précipite en Italie et reprend les combats de son père. Il meurt à son tour en 1254 avant d’avoir été couronné empereur. Il laisse un vide politique. 27 ans après, c’est Rodolphe 1273-1291, comte de Habsbourg, filleul de Frédéric II qui est désigné par les princes-électeurs.

La période finale des Hohenstaufen n’est pas seulement pour l’Allemagne un temps de désordre et de désastres. Dans beaucoup de territoires allemands, c’est au contraire une période de progrès, de floraison matérielle et culturelle, une période d’expansion nationale qui s’achève avec l’ « Ostkolonisation » qui sert de cadre à la création et la montée en puissance de l’Etat de l’Ordre Teutonique en Prusse. Comme les autres ordres de chevalerie, l’Ordre Teutonique a été fondé en Terre Sainte pour soigner blessés, malades croisés et pèlerins. Les Templiers et les chevaliers de Saint Jean (futur ordre de Malte) se recrutent principalement parmi les nations francophones, anglaises, et même quelques italiens. Dans ce monde romain, les Allemands se sentaient isolés. Les chevaliers allemands veulent être infirmiers et gardes-malades et se rassemblent donc à part. Ils ont leur siège à la fois hospitalier et combattant, portant croix noire sur manteau blanc.Le roi de Hongrie en proie aux assauts de nomades païens fait appel aux Chevaliers Teutoniques en échange de quoi il leur propose de s’établir en Transylvanie. Ainsi l’Ordre Teutonique s’établit en Europe. Quelques années plus tard, un grand seigneur polonais, le duc de Mazovie les appelle à son tour pour lutter contre les incursions dévastatrices que les Pruzzes (=prussiens) faisaient sans cesse sur le territoire mazovien.Les Pruzzes appartenaient à une branche des peuples baltes, proches parents des Lituaniens et Lettons (Litonie). En 1225, les premiers chevaliers-prêtres de l’Ordre négocient en contre partie la propriété entière et en pleine souveraineté des territoires qu’ils pourraient « sauver ». Les chevaliers-prêtres avec leurs serviteurs organisent une croisade permanente. On a du mal à comprendre la vie intérieure de ces prêtres combattants, tuant et blessant au nom du Christ, hommes pieux et durs, excellents tacticiens militaires et stratèges politiques, excellents administrateurs et grands bâtisseurs. Les « Deutschritter » (= chevaliers Teutoniques) avancent en couvrant de châteaux forts les territoires conquis. Leur conquête, longue et difficile, de plus d’un siècle est marqué par plusieurs grands évènements de régions que l’Ordre tentent de pacifier. La répression est féroce. l’Ordre fonde Königsberg. De l’Orient et d’Italie les Chevaliers apportent un nouvel art de gouverner et de bâtir. Ils créent un Etat le plus autoritaire et le plus centralisé de l’époque, une sorte de république présidentielle absolue où le grand maître et son Conseil possèdent tous les pouvoirs spirituels et temporels où une gestion méticuleuse et implacable enregistre toutes

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les ressources et fait de l’Ordre une grande puissance militaire, économique et financière. Les polonais se mordent les doigts d’avoir fait appel à ces moines-soldats aux ambitions démesurées. L’Ordre leur arrache la Poméranie (de Thorn à Danzig) qui devenait le centre commercial principal de la Baltique centrale qui s’étendait jusqu’en Ukraine occidentale. Le coup le plus dur que l’Ordre a subi est la conversion des Lituaniens au catholicisme et la jonction du grand-duché de Lituanie à la Pologne chrétienne par le mariage du grand Duc Jagellon avec la reine Edwige d’Anjou en 1386. A partir de ce moment, l’Ordre perd sa raison d’être : plus de païens à conquérir et convertir. C’est le début de leur décadence.

(Jusqu’en 1940, la Prusse Occidentale reste une terre partagée et contestée entre Polonais et Allemands. En Prusse Orientale, si l’Ouest et le Nord sont germanisés à la veille de l’exode de 1945, le Sud-Est, la région des lacs de Mazurie, a été peuplée de Slaves qui ont remplacé les établissements prussiens peu nombreux).

Revenons maintenant à l’Interrègne et les débuts du deuxième Moyen Age 1254-1347

Quelque chose d’irréversible et d’irréparable s’est produit avec la défaite des Hohenstaufen : La convergence des intérêts et passion de l’Eglise des princes Allemands et des villes

italiennes A l’arrière-plan la puissance montante de rois de Francea mis un terme à l’étape centrale de l’histoire allemande, au haut moyen âge politique de la nation allemande.Pendant longtemps, les rois allemands n’auront plus le temps de se mêler activement aux affaires italiennes. Aucun roi allemand n’y descendra de 1254 à 1313. L’importance économique et culturelle de l’Italie ne cesse de grandir et sera trop longtemps abandonnée à elle-même pour peser sur la politique allemande et elle ne fera plus vraiment partie de l’Empire. Charles d’Anjou (frère de Saint-Louis ou Louis IX) , futur roi de Naples, a hérité de la Provence par son mariage qui soustrait ce riche comté à l’autorité impériale.A la mort en 1291 du roi Rodolphe de Habsbourg, c’est le comte Adolphe de Nassau que les Electeurs choisissent. Albert, fils aîné de Rodolphe le tue à la guerre et est élu à sa place en 1298. Il meurt en 1308 assassiné par un de ses neveux. Les électeurs élisent un grand seigneur, Henri, comte de Luxembourg. Henri VII riche, puissant, expérimenté et brillant 1308-1313, tente de soumettre l’Italie mais n’y parvient pas et meurt jeune, là-bas. En 1314, c’est Louis IV, duc de Bavière 1314-1348, appartenant à la prestigieuse maison d’Allemagne, les Wittelsbach, qui avaient reçu la Bavière à la chute de Henri VI le Lion. Louis IV disparaît en 1347 et c’est Charles IV de Luxembourg 1347-1378, petit-fils de Henri VII qui est élu.

Survient ensuite la Grande Peste et la crise de l’Eglise 1347-1437

La peste bubonique (la « mort noire ») effrayante par la rapidité de sa progression et l’affreuse modification au corps humain, boursouflé et noirci, couvert de pustules suintants. La peste embarque sur les navires italiens en Asie et débarque en Sicile et en Ligurie. Elle aborde l’Italie en 1347 et parcourt l’Europe jusqu’en Ecosse, la Scandinavie et la Russie en moins de 2 ans.

Charles IV se fait couronné empereur en Italie et roi de Pologne à Arles, prince francophone sinon français par sa famille paternelle, tchèque par sa mère, sera néanmoins un grand souverain allemand mais un bon roi bien différent des princes-chevaliers d’un moyen âge désormais révolu, diplomate habile, administrateur consciencieux et efficace, préférant une politique de mariages dynastiques aux campagnes militaires, collectionneur d’œuvres d’art et de reliques, homme de culture et de réflexion (premier roi-empereur a avoir laissé des mémoires, sorte de récits autobiographiques). Il marie son fils cadet Sigismond 1410-1437 à

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l’héritière de Hongrie. Quant à son fils aîné et successeur, Venceslas ou Wenzel, qui une fois élu roi des Romains, ne quittera plus la Bohême et se désintéressera de l’Empire mais ne voulait cependant jamais abdiquer. Roi fainéant, mal vu en Allemagne, jalousé par ses frères et cousins, s’appuie sur le sentiment national tchèque qui se développe rapidement chez les nobles, le clergé et aussi dans le peuple. Dans le Reich, son inaction lasse les princes qui le déposent en 1400 et c’est le compte palatin Rupert de Wittelsbach qui luis succède et ne fera rien non plus. A sa mort en 1410, les Electeurs font appel au frère cadet, roi de Hongrie, Sigismond 1410-1437 qui s’attaque aussitôt élu à l’Eglise. Dans l’Eglise universelle, la Bohême sera désormais un cas à part, et la colonisation allemande est stoppée en Bohême et en Moravie. Quelques années après Sigismond, la Bohême deviendra une royauté nationale. Son destin paraît alors se séparer du Reich. Avec Sigismond s’achève le règne de la dynastie luxembourgeoise. Son unique fille suivante, Elisabeth, mariée à l’archiduc Albert d’Autriche, Albert II, ligne aînée de la famille des Habsbourg. Il succèdera à son beau-père comme roi de bohême et de Hongrie. Les électeurs le désigneront également comme roi des Romains. La maison (des Habsbourg) d’Autriche se maintiendra à la tête du Saint Empire jusqu’à la disparition de l’Ancien Reich en 1806 (par Napoléon). Pendant 50 ans, sous Charles IV et son fils Venceslas, Prague est la capitale de l’Empire.

Albert II de Habsbourg, meurt en 1439 après un règne de deux ans, laissant son épouse enceinte. Le garçon qui naît quelque mois après la mort de son père reçoit le nom slave de Ladislas et le surnom de « Posthmus ».Les Electeurs ont choisi son cousin l’archiduc Frédéric, duc de Styrie, de Carinthe et comte de Carniole. Frédérick III (arrière-grand-père de Charles Quint) favorise Charles le Téméraire qui voulait annexer la Lorraine à son domaine pour établir une liaison entre les Pays-Bas et les deux Bourgognes. L’Alsace est donnée en gage au « Grand Duc d’Occident ». Frédérick III obtient la main de Marie de Bourgogne, fille unique héréditaire de Charles le Téméraire, pour son fils unique et héritier l’archiduc Maximilien. Ils ont un fils Philippe (d’Autriche) le Beau. Maximilien en s’unissant à Marie de Bourgogne récupère les Pays Bas, la Franche-Comté, la Flandre française et l'Artois.

En 1494, Charles VIII de France commence les guerres d’Italie que poursuivra François 1er.

En 1526, le deuxième roi polonais Louis II roi de Bohême et de Hongrie est tué lors d’un raid turc. Ferdinand, frère de Charles Quint, marié à la sœur de Louis II, devient roi de Bohême et de Hongrie.

Le 15ème s. surtout dans sa 2ème moitié, voit en Allemagne s’accroître et se fortifier encore le rôle et la puissance des villes. L’immense majorité de la population reste rurale (elle le restera jusqu’à la révolution industrielle du 19ème s.). Mais pour leur triple fonction : commerçante, artisanale et financière, les villes constituent l’élément moteur d’une économie dont la partie rurale a été affaiblie par les conséquences de la grande peste.

Les puissants – papes, empereurs, rois, princes séculiers et ecclésiastiques – ont besoin de numéraire pour payer les mercenaires qui remplacent les armées féodales, pour payer les administrateurs, les juges de métier, pour acheter les voix des membres des corps électoraux, cardinaux ou chanoines, princes-électeurs, pour payer les consentements pontificaux… Pour favoriser tous ces nouveaux besoins d’argent, de monnaie, de numéraire, l’économie n’aurait pas suffit sans une expansion impressionnante des activités (commerce et manufacture) minières, (mines d’or et d’argent qui passent entre les mains de capitalistes ayant les finances et qui prêtent de l’argent aux puissants et reçoivent d’eux en garantie ou en paiement des monopoles miniers. Les plus fortunés des capitalistes de l’époque sont les Fugger et les Welser d’Augsburg qui financent les guerres et les élections impériales ou pontificales et qui « produisent » eux-mêmes une partie de l’argent et de l’or qu’ils prêtent. Par ailleurs au moyen âge finissant, l’artisanat individuel, celui des maîtres assistés de

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compagnons et d’apprentis, unis dans des guildes et corporations, voit se développer à ses côtés une activité « préindustrielle » financée par les capitaux marchands. De véritables manufactures (produits textiles, armes et armures) emploient des travailleurs regroupés en ateliers. Dans d’autres cas, comme le tissage, les marchands font travailler à domicile une population rurale en leur fournissant la matière première et leur imposant leurs prix. La main d’œuvre des ateliers n’ait pas protégée par les règlements des corporations. Ils sapent l’ordre social et économique des villes. Avec le moyen âge finissant et l’exode de la campagne vers les villes, s’accroît dans les villes un sous-prolétariat sans emploi, sans revenu, et sans domicile stable. Foule nombreuse et flottante, vivant de mendicité et de rapine.

La vie intellectuelle du dernier Moyen Age allemand correspond à la montée de la bourgeoisie urbaine. Il voit disparaître le privilège clérical de la culture écrite. Certes, des différences profondes subsistent et s’élargissent encore entre les cultures des lettrés et les cultures populaires - la très grande majorité des Allemands reste illettrée et ignorent l’art du lire et de l’écrire - mais le nombre et le pourcentage des instruits ne cessent de progresser. Beaucoup de laïcs savent leurs lettres et ont un minimum d’instruction indispensable pour avoir du succès dans toutes les activités bourgeoises.

LE XVIème siècle – LA RENAISSANCE

Dynastie des Habsbourg

- 1493-1519 Maximilien 1er, fils de Frédéric III de Habsbourg.1ère ép. Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne. Elle a un frère roi d’Angleterre, Edouard IV.2ème ép.

- 1519-1556 Charles Quint, petit-fils, duc de Luxembourg, roi de Hollande, roi d’Espagne, empereur du Saint Empire romain germanique.Ep. de Portugal

- 1556-1564 Ferdinand 1er, frère. Ep. , fille du roi Jagellon de Bohême et de Hongrie.

- 1564-1576 Maximilien II, fils. Ep.

- 1576-1612 Rodolphe II, fils. Ep.

Maximilien est élu roi des romains en 1486, du vivant de son père Frédérick III, l’empereur fainéant. Il règne de 1493 à 1519. Maximilien 1er a échoué dans ses guerres en Italie, en Suisse. Négociateur rusé et rêveur, humaniste, grand amateur d’art, il pensionne tous les grands noms de la grande génération de l’art allemand : Dürer, peintre officiel de la cour, Altdorfer, paysagiste et peintre des grandes batailles, Lucas Cranach, Roland Frühauf, Hans Schaüffelein, les sculpteurs Peter Vischer, Veit Stoss, Adam Krafft, l’historien Stabius, le musicien Heinrich Isaac. L’empereur roi est aimé des savants, des écrivains, des artistes qui faisaient sa gloire. Lui, de son côté, les recevait à sa cour, les pensionnait, les comblait de largesses, prélevées sur les produits des prêts qui lui consentaient chèrement les banquiers. C’est un humaniste convaincu et rassemble à Ambras, son château tyrolien près d’Innsbruck, sa résidence préférée de ses dernières années, pour le « Livre des Héros », les manuscrits des anciens textes poétiques, dont l’unique texte de la « Chanson de Gundrun»,

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une des épopées classiques du haut passé germanique. A son petit-fils et héritier, le jeune Charles (Quint), Maximilien, vieil empereur de cœur et de volonté, laisse avec tous les anciens domaines des Habsbourg, tous les grands problèmes non résolus de l’histoire allemande : la tension entre le pouvoir central et les « Stände », la tension entre la nation germanique et l’Eglise de Rome. .Charles de Gand (Charles Quint) étranger aux réalités allemandes, pieux catholique, maître des Pays-Bas et roi d’Espagne, d elangue et de culture française, allait avoir le rendez-vous historique avec Martin Luther.Voir « La Réforme » en Annexe. La Réforme, une des plus grandes périodes de l’histoire allemande qui équivaut chez nous à la Révolution.

A la mort de Maximilien en 1519, sa succession n’est pas assurée, son fils Philippe le Beau meurt avant lui. Deux candidats sont alors en lice : Charles de Gand, son petit-fils (fils de Philippe le Beau et de Jeanne de Castille) roi d’Espagne, Naples et de Sicile, et François 1er roi de France.Le pape Léon X (Médicis) craint voir renaître l’empire des Hohenstaufen qui est une menace pour l’indépendance des Etats de l’Eglise et pour celle de ses proches parents, els maîtres de Florence. Dans ces conditions, Léon X n’hésite pas à soutenir François 1er contre Charles Quint ainsi que les prétentions françaises sur le Milanais pour créer en Italie un contrepoids à la puissance du Habsbourg espagnol. Comme ses prédécesseurs Charles VIII et Louis XII, François 1er se lance dans les guerres d’Italie. débute ainsi la grande rivalité des Maisons de France et d’Autriche qui sera une des dominantes de l’histoire politique européenne pendant plus de trois siècles (jusqu’à Napoléon en 1806). C’est pourquoi Rome ne se hâte pas à instruire le procès intenté à Luther pour ses agissements hérétiques, des négociations autrement plus importantes s’engagent en parallèle au sujet de l’élection du roi des Romains. C’est Charles qui sera finalement élu. L’élection de Charles d’Espagne, Charles V 1519-1556, Charles Quint, a coûté très cher. Le financement a été confié exclusivement (comme ce fut le cas pour le trafic des indulgences) à Jacob Fugger, alors au sommet de sa richesse et de sa puissance (les Fugger sont intimement liés à l’empereur qui les fera comtes du Saint Empire). Les Electeurs ont voulu des assurances. Un véritable traité, la « capitulation électorale », a été imposé à Charles Quint qui est en fait un étranger, élevé dans les Flandres, parlant le français et le flamand comme langues maternelles, et n'ayant jamais mis les pieds en Allemagne. Il s’engage à ne prendre que des conseillers allemands, à partager le pouvoir avec un « Regiment » élu par le Reichstag, à ne pas engager l’Allemagne dans des guerres étrangères, à ne faire juger aucun Allemand par des tribunaux étrangers, ni à l’étranger. cette dernière clause vise directement le cas Luther. Charles Quint, aux prises avec de grandes révoltes sociales en Espagne, n’a pas encore étudiée à fond ni mesuré la dimension nationale et transnationale de cette affaire. La capitulation électorale le liera quand les affaires espagnoles lui permettront enfin, en 1521, de venir en Allemagne, de s’y faire couronner et de réunir le Reichstag. De plus, il sera engagé à fond dans la lutte avec la France. François 1er a mal accepté son échec à l’élection royale allemande et reprend les efforts de ses prédécesseurs (Henri VIII et Louis XII) pour s’assurer en Italie tout au moins la possession du Milanais. Charles aura besoin de toute la bienveillance des princes pour obtenir des moyens, finances et troupes nécessaires à la guerre qui a pour enjeu des terres d’empire en Italie. A l’Est, le Turc (Soliman le magnifique) menace. Jamais dans ces conditions Charles ne pourra imposer aux princes une solution de force de l’affaire Luther. Charles d’Autriche ou de Flandres a alors 20 ans. Fils du brillant Philippe Le Beau et de Jeanne de Castille (Jeanne la Folle) qui vit depuis des années enfermée dans des châteaux prisons. Elevé à Gand et à Bruxelles par sa tante Marguerite d’Autriche (devenue Marguerite de Savoie et veuve de Philibert de Savoie et qui a fait construire la merveilleuse église de Brou près de Bourg-en-Bresse à la mémoire de son jeune époux). Charles est un garçon timide, renfermé, sans le brillant et la beauté de son père ou grand-père qui attiraient l’admiration et l’amour. profondément pieux, réfléchi, hésitant. Face au brillant et lumineux roi de France, Charles est sombre et pâle. Homme de cabinet et d’étude, bien plus que chef de guerre, ses passions même sont discrètes et obscures, le plus souvent cachées, à de rares exceptions

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près, comme la liaison qu’il a eut avec une jeune patricienne de Rastibonne, Barbara Blomberg, qui lui a donné un fils, Don Juan d’Autriche, le plus brillant, le plus génial des chefs de guerre de l’Espagne habsbourgeoise (1547-1578), le vainqueur de la bataille de Lépante.L’empereur, au bout de 35 ans de harassants efforts reconnaîtra son échec en choisissant l’abdication.

Le deuxième grand événement des années 1521-1526 est le soulèvement d’une partie de la noblesse féodale contre les puissances modernes, l’Etat princier, territorial et administratif ainsi que les villes marchandes et capitalistes, en Rhénanie centrale, en Souabe et en Franconie, c’est à dire dans des contrées où après la disparition des Hohenstaufen, l’absence simultanée d’un pouvoir central et d’un pouvoir princier fort, avait favorisé le développement d'une noblesse d'Empire, d'une chevalerie quasi indépendante. La chevalerie d’Empire se compose en grande partie d’anciennes familles ministériales dont la fortune est liée aux Hohenstaufen. Après 1250, des militaires de vocation et de destination ont vu leur fonction social mise en cause par le développement des armes « technologiques» de l’arme à feu individuelle et surtout de l’artillerie qui a entraîné des armées de métier. De plus, l’artillerie menace la sûreté des places fortes, des Burgen, base de la puissance de cette noblesse de plus en plus sans emploi, si elle ne consent pas à servir les nouveaux pouvoirs princiers, successeurs des rois et des anciens ducs.

L’évolution économique menace doublement cette noblesse ex-féodale :- perte de son quasi-monopole de la guerre, des fonctions de commandement,- la crise de la main d’œuvre rurale du 14ème s., la baisse des prix manufacturés,

l’inflation continue, accélérée par la politique des princes et des villes, ce qui diminue progressivement les revenus que la noblesse tire essentiellement des redevances dues par les paysans, en monnaie dont la valeur ne cesse de se rétrécir.

Le prince s’intercale entre le Chevalier et l’Empereur. Les chevaliers s’endettent auprès des marchands, deviennent des Raubritter , chevalier pillards, ce que font aussi de nombreux membres de la noblesse territoriale quand l’autorité princière est faible. Les villes et les Etats se mobilisent alors et créent des grandes ligues qui deviennent les principales armées, comme la « Schwäbische Bund » dans l’Allemagne du Sud. La crise des années 1521-1523 est l’aboutissement d’un processus engagé depuis de nombreuses décennies, un dernier et violent retour de flamme d’une classe condamnée : c’est le soulèvement d’une classe en perte de fonction et en décadence économique, qui éclate à une époque de grands bouleversements moraux et politiques et qui reçoit les courants de modernisation de l’humanisme et de la Réforme. Mais ce n’est pas une révolution innovatrice comme on en verra en Angleterre au 17ème s. et en France au 18ème s.

Deux noms symbolisent ce mouvement : Franz von Sickingen et Ulrich von Hutten.

Hutten est un chevalier savant, plus homme de plume que d’épée, humaniste et patriote. Il critique les princes, les marchands, le clergé, glorifie la patrie allemande dont la grandeur lui paraît inséparable de sa classe , la chevalerie. Il attend du jeune empereur qu’il libère l’Allemagne de Rome et des princes. Il écrit des poèmes en langue allemande avec un immense talent, mais aussi et d’abord dans un latin d’une rare élégance. Il célèbre le libérateur Luther. C’est un des plus grands noms de la littérature allemande. C’est un intellectuel militant. Son importance politique découle de son amitié avec Franz von Sickingen. Hutten, isolé et malade, se réfugie en Suisse et meurt là, jeune et désespéré. Son destin romantique a passionné l’Allemagne du 19ème s.

Franz von Sickingen est un des plus riches et plus puissants des  Reichsritter, possédant de nombreux châteaux, capable de lever de véritables armées et qui a guerroyé au service de l’empereur. Homme cultivé, ardent patriote, à la recherche de ses intérêts, nourrissant de

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grandes ambitions. Mais il saute d’un projet à l’autre sans aller jusqu’au bout des choses, s’attaque à des villes riches, à de grands princes. Il va d’échec en échec puis s’enferme dans sa forteresse de Landstuhl et est pris par une armée de princes, les énormes murailles ne résistent pas à l’artillerie moderne. Sickingen meurt des suites de blessures reçues pendant le siège . Il est déçu de l’empereur qui n’a pas pris le parti de la noblesse contre les princes (Charles ne peut les attaquer puisqu’il attend de l’argent et des hommes de la part de ces princes). Les princes et les villes profitent de la guerre de Sickingen pour en finir avec les menaces représentées par les Raubritter (chevaliers pillards). Plus de 50 places fortes sont prises et brûlées rien qu’en Souabe. Sickingen a inspiré Ferdinand Lassalle, fondateur de la social-démocratie allemande. En 1525, la noblesse d’Empire, déjà gravement compromise à l’issue de l’aventure de Sickingen, va être confronté lourdement à la guerre des Paysans, grande incendiaire de châteaux. Après cette épreuve, la plupart des Reichsritter s’intègreront directement ou indirectement, comme officiers ou administrateurs, dans les Etats territoriaux. Leur rôle politique comme classe autonome est terminée.Les troubles déclenchés par Sickingen sont les conséquences des changements sociaux, économiques et politiques de l’Allemagne de la moitié du XVIème siècle mais est toute relative à côté de l’immense secousse de la grande guerre allemande des Paysans, la « Deutscher Bauernkrieg » 1524-1526. Mouvement de masse transrégional (Souabe, Franconie, Alsace, Thuringe, Tyrol) pratiquement toute l’Allemagne du Sud, excepté la Bavière et l’Autriche, et une bonne partie de l’Allemagne centrale. Ce qui montre que les zones d’insurrection paysanne et les troubles de la chevalerie (Ritterschaft) se recouvrent ce qui n’est pas un hasard, car ce sont les chevaliers les plus appauvris qui pressurent le plus « leurs » paysans. Les masses paysannes que la révolte de l’extrême misère amène à cotoyer la résistance des ruraux assez bien nantis, n’acceptent pas l’aggravation de leur situation matérielle et personnelle des nobles et des nouvelles administrations princières.Les dirigeants de al révolte sont des paysans, des aubergistes, des maîtres artisans, des « lansquenets » (mercenaires fils de paysans). Il n’y a plus de travail dans une agriculture morcelée alors que la progression démographique a compensé vers 1500 les pertes dues aux grandes pestes. L’ère des conquêtes coloniales à l’Est (l’ Ostkolonisation) est close. Les surfaces abandonnées au 14ème s. ne sont pas remises en culture. Une aggravation sensible du climat jusqu’au milieu du XVIème s. qui constitue peut être la cause la plus fondamentale et la plus déterminante des troubles avec comme apogée la grande Guerre des Paysans. Les paysans révoltés s’unissent dans des grands mouvements régionaux, « Haufen » (= tas), chaque unité menant son propre combat et ses propres négociations. Chaque Haufen se fera battre séparément. Les chefs les plus avisés comprennent la nécessité d’une union plus large, mais il est trop tard, à un moment où les réactions des princes a déjà repris l’offensive. nulle part les paysans mal armés, mal entraînés, n’opposent une résistance sérieuse. Dés qu’ils voient des troupes de métier, ils s’enfuient. Sébastien Lotzer écrit les « Douze articles de la paysannerie en Souabe » exigeant l’abolition des redevances et des corvées, le rétablissement du vieux droit et de la justice rendue par des juges élus, l’élection des curés. Naturellement les « douze Articles » ont été soumis à Luther qui répond par un appel à la paix, à la négociation, condamne la violence. Dans le sud, la révolte réclame l’abolition pure et simple des privilèges, l’égalité, voire la communauté des biens. Elle détruit les sièges de l’adversaire, les châteaux de la noblesse et les couvents, hauts lieux par excellence d’une religion pervertie. Alors beaucoup de princes et de villes composent avec les insurgés pour gagner du temps, mais la riposte se prépare et sera implacable. Les grands rassemblements paysans sont écrasés et dispersés, et la répression des vainqueurs (princes et villes) sera à la mesure de leur peur et colère. Les paysans sont frappés de lourdes pénalités qui mettent fin au relatif bien-être dont jouissait beaucoup de famille. Les meneurs sont cruellement exécutés (rôtis vivants à petit feu !). Les droits féodaux, les redevances et les corvées sont partout rétablis. Les vainqueurs ne sont pas les petits seigneurs mais les Etats territoriaux. C’est la ligne Souabe, les landgraves de Hesse, les ducs de Saxe et de Lorraine, qui ont organisé l’attaque et la répression. Les administrateurs et les juges vont maintenant rétablir et figer l’ordre à la campagne, supprimer

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les anciennes libertés et l’autonomie des communautés rurales et les plier sous l’autorité du souverain. L’empereur a été absent et étranger à toute cette énorme secousse qui vient d’ébranler la société allemande. Tout le monde a pu voir qu’en cas de crise, le pouvoir réel se situe au niveau des princes et de quelques rares grandes villes. La leçon ne sera pas oubliée. Les paysans révoltés en brûlant les châteaux des nobles ont rendu un service important aux princes : une partie de la noblesse est ruinée et est contrainte à servir dans l’armée et l’administration des Etats. Ils ont compris que seule la puissance des princes garantit ce qui reste de leurs privilèges. La Guerre des Paysans accélère ainsi l’intégration des nobles dans le nouvel ordre territorial où s’élaborent les idées et les moyens de la monarchie absolue !

Entre 1520 et 1530, autres grands évènements de l’époque : la guerre avec la France c’est-à-dire bloquer l’offensive française vers l’Italie du Nord et rétablir l’autorité impériale contre le pape et contre les Etats et les seigneuries qui s’y sont rendus pratiquement indépendants.Charles Quint passe son temps entre les Pays-Bas, l’Italie et l’Espagne, et ne peut se consacrer aux affaires allemandes. La guerre française et la menace turque accapare son attention et l’oblige à composer avec les princes et les villes d’Allemagne pour obtenir les moyens et les fonds nécessaires à sa grande politique. Ce qui l’amène à céder aux princes allemands la plus grande partie des droits et prérogatives attachées à la dignité royale et impériale. Quand l’empereur est enfin victorieux à l’extérieur, il se tourne vers l’Allemagne pour y restaurer l’ordre. mais aussitôt une nouvelle crise s’annonce sur la frontière française en Italie et après de longues années de guerre, Charles Quint l’emporte à nouveau, le désordre a progressé en Allemagne à tel point que la situation est devenue irréversible. Le manque d’argent de Charles Quint, son incapacité à soumettre par la force des armes les princes allemands, la prolongation des combats en Italie, les troupes non payées, conduiront au sac de Rome : prise et pillage par les soldats révoltés car laissé sans solde, de la capitale dont la splendeur ne s’en remettra jamais ! L’empereur catholique n’avait pas lui-même ordonné la prise de Rome, ce qui montre à quel point l’événement échappe à sa puissance immense et dérisoire, son incapacité à maîtriser les problèmes de son temps avec ses idées et ses moyens. La Paix des Dames (sa tante Marguerite d’Autriche et la mère de François 1er Louise de Savoie) permettra à l’empereur de revenir en Allemagne en 1529. Mais les dissensions internes en Allemagne serviront la cause des rois de France. Les princes protestants s’allieront avec Henri II qui aura en 1552 des terres de Lotharinge Metz, Toul et Verdun, ce qui est une défaite pour Charles Quint dont il ne se relèvera plus moralement, très las, et constitue une perte substantielle irrémédiable pour l’Allemagne.

Autre grande affaire extérieure qui s’ajoute à la guerre française de la 1ère moitié du XVIème s., c’est la menace turque. La conquête de l’Europe du Sud-Est, nomades asiatiques islamisés, est la revanche musulmane sur les croisades, la destruction de l’Empire byzantin par les Latins. Déjà Sigismond, roi de Hongrie, avait subi l’effroyable bataille perdue de Nicopolis. L’arrêt de leur expansion en Europe n’est due qu’aux défaites des Ottomans en Asie infligées par les Mongoles de Tamerlan. L’Orient conquis et pacifié, l’acquisition de l’Egypte et la vassalisation de l’Afrique du Nord ont donné au sultan, Soliman le Magnifique, la maîtrise de la mer puis la reprise du chemin de l’Europe. Premier choc en 1526 en Hongrie, à Mohacs, la guerre des Paysans à peine terminée, et François 1er encore prisonnier à Madrid. Louis II de Hongrie meurt au cours du combat, sans héritier. C’est l’archiduc Ferdinand, frère de Charles Quint, qui accède aux trônes de Bohême et de Hongrie. Pendant un siècle et demi, la Hongrie sera coupée en trois :- au centre : partie turque administrée par des pachas, autour de la capitale d’ Ofen- à l’Est : la Transylvanie, sous l’autorité des princes autochtones hésitant entre vassalité

turque et suzeraineté royale, recherchant eux-mêmes surtout la couronne.- Au Sud  et au Nord : une longue bande territoriale en forme de croissant, la « Hongrie 

royale» avec la nouvelle capitale Presburg (Bratislava, Poszonyi).

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De 1526 à 1687, dans les Etats de Habsbourg, le Reich allemand est directement impliqué dans la guerre turque : raids et razzias incessantes sur les frontières. En 1529, l’année de la Paix des Dames, Vienne, chef-lieu des Etats habsbourgeois et résidence principale du roi Ferdinand, est assiégée par une puissante armée turque qui ne lève le siège qu’à la suite des conflits internes qui secouent l’Empire Ottoman (dissensions au sein de leurs classes dominantes, la guerre permanente avec la Perse, défauts de structure d’un Etat fait de nomades…).

En 1552, la Réforme qui jusqu’ici était la cause de la nation allemande, fait appel à une aide extérieure dont la cause nationale fera les frais. Attaqué par surprise alors qu’il n’a pas de troupes en Allemagne, Charles Quint humilié cherche refuge en Italie. La guerre reprend avec la France, l’Italie, les Pays-Bas. Charles Quint est usé. Les échecs ont ruiné sa santé autant que les fatigues de toute une vie de voyages, de campagnes et d’excès de table (il souffre très tôt de la goutte). Il remet à son fils l’Espagne, les Pays-Bas, la Franche-Comté, Naples et Milan, les provinces du Nouveau monde, et il abdique l’Empire en faveur de son frère Ferdinand en 1556. Ce n’est pas une vie de moine, mais une brève vie de retraite qui l’attend près du couvent de San Geronimo de Yuste en Espagne, bien loin de l’Allemagne qui lui est toujours restée étrangère, dans un luxe décent et dans le recueillement.

Après l’échec des tentatives de restauration impériale, l’économie allemande paraît, elle, entrer dans une longue phase de léthargie, où la grande floraison du génie pictural et plastique s’éteint, la poésie et la littérature (à l’exception du chant luthérien) ne se fait plus entendre. Quant aux banquiers de l’époque, les Fugger et les Welser, leurs héritiers deviendront princes et les banques feront banqueroute. La Hanse se disloquera aussi devant les princes allemands et les rois étrangers. A la même période, la France et l’Angleterre traversent elles aussi des crises profondes, mais de ces crises, la monarchie française et l’Etat anglais en sortiront renforcés, alors que l’Allemagne voit progresser sa division et son affaiblissement. Révolution nationale à ses débuts, la Réforme devra sa survie à l’alliance de ses princes avec la royauté française (Henri II) ennemie à la fois du protestantisme français et de la nation allemande.

Si la première moitié du XVIème s. allemand a connu des éclats de génie et de fureur, des grandes agitations et des grandes personnalités, durant la deuxième moitié du XVIème s. se passe comme si l’humanité allemande prenait un temps de repos. On consolide l’acquis, on pense les blessures, on tente de reprendre du terrain perdu. Les grandes affaires du monde se passent ailleurs. Les hommes, les collectivités doivent maintenant « digérer » cette situation inimaginable : l’existence de plusieurs religions, de plusieurs Eglises chrétiennes…Dans la plupart des pays d’Europe, l’unité de la foi sera maintenue ou rétablie par la force : luthérisme des pays scandinaves, calvinisme de Hollande et d’Ecosse, catholicisme en Espagne et Italie. En France, la longue succession des guerres de religion se termine par la victoire du catholicisme, parachevée sous Richelieu et Louis XIV. L’Angleterre connaîtra au 17ème s. une véritable guerre de religion intérieure au protestantisme où l’élimination du catholicisme y est poussée jusqu’au bout. En Pologne, la Contre-Réforme ne laissera que quelques îlots de protestantisme dans les zones de peuples allemands. La religion du XVIème s. reste profondément marquée de magie et de mysticisme. La crainte de Dieu est une VRAIE crainte, une VRAIE terreur. L’amour de Dieu est continuellement contrarié par la frayeur de l’Enfer et l’horreur des puissances diaboliques qui s’incarnent surtout dans des femmes ( !). Aux 16è et 17è s. se multiplient à travers toute l’Europe, comme une épidémie, les procès de sorcellerie, de sorcières surtout, dans une société violemment masculine. Qui a le besoin fou de se défendre du Malin qui domine la période. Les procès en sorcellerie, effroyablement fréquents, occupent une place considérable dans le système de la répression, du maintien et du rétablissement de l’ordre tenu par les maîtres de la vie politique, du gouvernement des âmes et des corps.Cette deuxième moitié du XVIème s. voit émerger le calvinisme et la Réforme catholique (= la Contre-réforme). En France, Hollande, Ecosse, en Angleterre aussi, dans la petite et

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moyenne bourgeoisie, la Réforme religieuse s’établira selon Calvin. L’Allemagne restera luthérienne.Ce qui caractérise le calvinisme intégral de Calvin, c’est le remplacement de l’Eglise institutionnelle par la communauté, la cité qui se gouverne elle-même, fixe les règles de sa vie religieuse et contraint ses membres à s’y conformer. Ce qui ne s’adapte pas à la forme monarchique de la plupart des « Stände » allemands. On retrouver dans le calvinisme allemand l’attachement à la lecture et à l’étude. chaque Stand calviniste qui en a les moyens se dote d’une université sinon d’un lycée ou d’une académie, et développe à tous les niveaux l’enseignement public, populaire, imposé aux enfants de tous les habitants. L’université calviniste de Heidelberg est l’une des plus réputées d’Europe, à la fin du XVIème s. le fameux catéchisme d’Heidelberg sera reçu dans beaucoup d’Eglises calvinistes même hors d’Allemagne. en Europe occidentale, le calvinisme se heurte au catholicisme et en Allemagne contre une autre confession de la famille protestante : luthériens, calvinistes, évangéliques et réformés, High Church anglicans et presbytériens…Luther a été un phénomène spécifiquement allemand. Il a voulu libérer le peuple allemand et son équipe de la servitude du pontife romain. Son action visait l’Allemagne essentiellement et s’est étendue aux peuples scandinaves, proches parents des Allemands.La Contre-Réforme ou Réforme catholique, domine la scène idéologique, politique et culturel de la deuxième moitié du siècle. L’Eglise romaine pour survivre a dû répondre aux défis de Luther et de Calvin,  définir de manière claire et moderne les contenus de sa foi visés par les attaques de ces « hérésiaques » et sur lesquelles il n’est pas possible de céder. La Contre-Réforme redéfinit le dogme sans le modifier et réorganise les structures traditionnelles par un clergé capable de faire front. La Réforme catholique en Allemagne est lente et difficile, et se solde par un demi-succès. Neuf Allemands sur dix sont luthériens, et seulement la moitié à peine a été récupéré par les catholiques.

L’Angleterre et les Pays-Bas sont sur la défensive face à l’énorme puissance espagnole dont les échecs et l’épuisement se feront sentir vers la fin du XVIème s. la France, ennemie de l’Espagne et de l’empereur, est paralysée par les guerres de religion. Les Pays-Bas méridionaux reviennent au catholicisme grâce à l’aide militaire espagnole. Après la mort de l'empereur Maximilien II (1564-1576), esprit tolérant attiré par le luthérisme, son fils Rodolphe II (1576-1612) élevé à la Cour d’Espagne dans l’esprit de la Réforme catholique, nomme des majorités catholiques dans les deux grandes cours impériales : le « Reichskammergericht » (cour de justice de la chambre impériale) et le « Reichshofrat » (conseil de la Cour impériale ou Conseil aulique). Mais au début du XVIIème s. l’Allemagne glissera vers une guerre de religion qui a désolé depuis 1/82 siècle la France et les Pays-Bas au moment même ou ces deux pays retrouveront la paix avec la conversion de Henri IV (Edit de Nantes) en France et l’armistice entre la Hollande et l’Espagne de 1609.

LE XVIIème SIECLE

En 1608, l’ « Union » est fondée autour du prince-électeur palatin Frédéric IV ou les calvinistes jouent un rôle moteur. L’Union est une alliance armée qui noue des relations étroites avec les puissances protestantes occidentales et avant tout avec les Pays-Bas que le Stathouder Maurice d’Orange (1572-1632), fils aîné du Taciturne, a engagé sur al voie d’un calvinisme rigoureux. Le duc de Bavière est chargé d’obliger la ville libre protestante de Donauworth à respecter la liberté du culte catholique. Il triomphe facilement et conserve sur le plan militaire la ville pour gage des frais occasionnés par cette « exécution impériale ». Peu de temps après, il l’annexe et au bout de quelques années, il ne reste plus un protestant dan s cette ville naguère entièrement luthérienne. De son côté, le duc de Bavière constitue en 1609 un certain nombre de Stände catholiques. La « Liga » qui s’arme elle aussi et trouve des appuis politiques, financiers et militaires auprès de l’Espagne et du pape.

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Une nouvelle et grave crise éclate en 1609 au sujet de la succession d’un des princes les plus puissants d’Allemagne du Nord-Ouest : le duc de Juliers (Jülich), Berg et Clèves, comte de la Mark et de Ravensberg. L’héritage est réclamé par plusieurs dynasties dont les meilleures, deux maisons protestantes, les ducs de Prusse (Hohenzollern) et les comtes de Neubourg, branche cadette de la famille palatine. Le duc de Prusse n’a pas de fils, son gendre et héritier est l’Electeur de Brandebourg. Etant donné la situation géographique et l’importance de l’héritage, toutes les puissances européennes s’en mêlent. Afin de s’assurer des appuis décisifs, les prétendants n’hésitent pas à changer de religion. Finalement les deux prétendants principaux s’entendent sur un partage provisoire (jusqu’en 1806) : les Neubourg obtiennent Juliers et Berg (Düsseldorf devient le siège d’une cour brillante) et le Brandebourg obtient Clèves et deux comtés. Peu à peu le nom de la Prusse s’impose dans cette association de territoires disperser sur 1000 km du Rhin au Niémen.

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