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1 Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017 SÉANCE 8 et 9. LA FILIATION PAR PROCRÉATION CHARNELLE Objectifs : Comprendre la façon dont s’établit le lien de filiation, de façon non contentieuse comme contentieuse. Saisir les différences entre filiation en et hors mariage, paternelle et maternelle. Comprendre la façon dont peut être contesté un lien de filiation et le résultat auquel cela conduit. Pour une meilleure approche du TD, respecter l’ordre de la séance présenté dans le plan ci-dessous. I. L’ÉTABLISSEMENT DE LA FILIATION A. Préalables Lire l’article 310-3 du Code civil Doc. 1. Tableau récapitulatif sur les modes d’établissement de la filiation Doc. 2. Considérations temporelles en droit de la filiation B. L’établissement non contentieux de la filiation 1. L’établissement de la filiation par l’effet de la loi - L’acte de naissance : lire l’art. 311-25 C. civ. - La présomption de paternité : lire les art. 312, 313, 314 et 315 C. civ. et étudier le doc. 3, Civ. 1 ère , 29 mai 2001, n° 99-21830 et comparer cette décision avec les règles en vigueur. 2. L’établissement de la filiation par la reconnaissance - La reconnaissance : lire les art. 315 et 316 C. civ et étudier le doc. 4, Civ. 1 ère , 7 avril 2006, Benjamin. 3. L’établissement de la filiation par la possession d’état - Les éléments constitutifs de la possession d’état : lire les art. 311-1 et 311-2 C. civ. et étudier le doc. 5, Civ. 1 ère , 25 octobre 2005. - La constatation de la possession d’état par acte de notoriété : lire l’art. 317 C. civ. C. L’établissement contentieux de la filiation 1. Les règles communes aux actions relatives à la filiation - Doc. 6 : Civ. 1 ère , 8 juin 2016, n°15-16696 : peut-on être certain d’être le père ? - Doc. 7 : Cons. Const., QPC 30 septembre 2011 : la question de l’expertise post-mortem. - Doc. 8 : CEDH, Canonne c. France, 25 juin 2015 (extraits).

I. ÉTABLISSEMENT DE LA FILIATION - Faculté de … famille Saulier 08-09 L1A.pdf · -Doc. 8 : CEDH, Canonne c. France ... Préparez un exposé d’une dizaine de minutes sur le thème

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

SÉANCE 8 et 9. LA FILIATION PAR PROCRÉATION CHARNELLE

Objectifs : Comprendre la façon dont s’établit le lien de filiation, de façon non contentieuse comme

contentieuse. Saisir les différences entre filiation en et hors mariage, paternelle et maternelle.

Comprendre la façon dont peut être contesté un lien de filiation et le résultat auquel cela conduit.

Pour une meilleure approche du TD, respecter l’ordre de la séance présenté dans le plan ci-dessous.

I. L’ÉTABLISSEMENT DE LA FILIATION

A. Préalables

Lire l’article 310-3 du Code civil

Doc. 1. Tableau récapitulatif sur les modes d’établissement de la filiation

Doc. 2. Considérations temporelles en droit de la filiation

B. L’établissement non contentieux de la filiation

1. L’établissement de la filiation par l’effet de la loi

- L’acte de naissance : lire l’art. 311-25 C. civ.

- La présomption de paternité : lire les art. 312, 313, 314 et 315 C. civ. et étudier le doc. 3, Civ. 1ère, 29 mai 2001, n° 99-21830 et comparer cette décision avec les règles en vigueur.

2. L’établissement de la filiation par la reconnaissance

- La reconnaissance : lire les art. 315 et 316 C. civ et étudier le doc. 4, Civ. 1ère, 7 avril 2006, Benjamin.

3. L’établissement de la filiation par la possession d’état

- Les éléments constitutifs de la possession d’état : lire les art. 311-1 et 311-2 C. civ. et étudier le doc. 5, Civ. 1ère, 25 octobre 2005.

- La constatation de la possession d’état par acte de notoriété : lire l’art. 317 C. civ.

C. L’établissement contentieux de la filiation

1. Les règles communes aux actions relatives à la filiation

- Doc. 6 : Civ. 1ère, 8 juin 2016, n°15-16696 : peut-on être certain d’être le père ?

- Doc. 7 : Cons. Const., QPC 30 septembre 2011 : la question de l’expertise post-mortem.

- Doc. 8 : CEDH, Canonne c. France, 25 juin 2015 (extraits).

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2. Les modalités d’établissement contentieux du lien de filiation

- L’action en recherche de maternité : lire les art. 325 et 326 c. civ.

- L’action en recherche de paternité : lire l’art. 327 C. civ. et étudier le doc.9 : Civ. 1ère, 9 novembre 2016 (action en recherche de paternité et contrôle de constitutionnalité).

- L’action en constatation judiciaire de la possession d’état : lire l’art. 330 C. civ. et étudier le doc. 10 : Civ. 1ère, 23 nov. 2011, n° 10-26993.

- L’action en rétablissement de la présomption de paternité : lire l’art. 329 C. civ.

D. Les interdits à l’établissement de la filiation

1. L’inceste

- Doc. 11 : Civ. 1ère, 6 janvier 2004

2. L’accouchement sous X

- Doc. 12 : Civ. 1ère, 8 juillet 2009

- Doc. 13 : Cons. Const., QPC, 16 mai 2012.

II. LA CONTESTATION DE LA FILIATION

A. Préalable

Doc. 14 : Tableau comparatif des actions en contestation de la filiation avant et après l’ordonnance du 4 juillet 2005

Lire l’article 320 du Code civil

B. Possession d’état conforme au titre

Lire l’article 333 du Code civil

Doc. 15 : Civ. 1ère, 24 février 2011 – examen d’une QPC relative à l’art. 333 du Code civil.

Doc. 16 : Civ. 1ère, 6 juillet 2016 – contrôle de proportionnalité et article 333 du Code civil.

Doc. 17 : Civ. 1ère, 1er février 2017, n° 15-27.245.

C. Absence de possession d’état conforme au titre – art. 334 C. civ.

Lire l’article 334 du Code civil.

D. Contestation de la possession d’état constatée dans un acte de notoriété

Lire l’article 335 du Code civil.

E. Conflit en présence d’une reconnaissance paternelle prénatale

Lire l’article 336-1 du Code civil

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Exercices à réaliser

NB : La jurisprudence présente dans votre fascicule doit être maîtrisée pour pouvoir réaliser les cas

pratiques qui suivent.

I. Sur l’établissement de la filiation

Préparez un exposé d’une dizaine de minutes sur le thème suivant, en organisant vos idées à l’image d’un

plan de dissertation (2 parties et deux sous-parties) : L’avenir de la présomption de paternité

Cas pratiques :

Vous venez de vous installer en tant que jeune avocat spécialiste en droit de la famille. La rumeur court que

vous êtes le nouveau ténor du barreau du Val d’Oise. La foule se presse donc dans votre cabinet et voici

vos premiers clients.

La compagne de Pascal, Coline, lui a appris en 2016, le jour de Noël, qu’elle était enceinte de 2 mois. Mais

Pascal a appris par un ami très proche que Coline avait entretenu avec Simon, le voisin du couple, des

relations au moment de la conception. Fou d’amour pour Coline, il vous dit être prêt à passer sur cette

infidélité et affirme vouloir être père coûte que coûte. Coline est d’accord. Le couple voudrait sceller cet

accord pour éviter toute incertitude. Qu’en pensez-vous ?

Léa, votre deuxième cliente, s’effondre dès la porte de votre bureau franchie. Suite à une aventure sans

lendemain, dans une boîte de nuit branchée de Pontoise, Léa est tombée enceinte. Elle n’avait aucun

renseignement sur le père et a décidé de mener sa grossesse jusqu’à son terme, quitte à élever seule cet

enfant. Au 6e mois de grossesse, elle a rencontré Éric qui est immédiatement tombée sous le charme de la

jeune femme et qui est décidé à exercer le rôle de père auprès de cet enfant. Néanmoins, une amie du

couple, Marie Rabajoie, leur affirme que Eric ne pourra jamais être reconnu comme le père de cet enfant.

Qu’en pensez-vous ?

Michel et Suzanne se sont mariés en 2008, chacun ayant déjà des enfants issus d’une précédente union. En

juillet 2014, Elena apprend qu’elle est enceinte. Cela aurait pu être une extraordinaire nouvelle. Pourtant,

tel ne fût pas le cas. À cette époque, déjà, le couple se disputait beaucoup et ne partageait plus grand-chose.

Suzanne n’a donc pas révélé à Michel qu’elle était enceinte et a décidé d’accoucher en mars 2015 sans

révéler son identité. Mais la semaine dernière, Michel a rencontré un ancien ami du couple, Joël, qui lui a

appris que Suzanne avait été enceinte. Il est dévasté : il veut absolument retrouver SON enfant.

Claire-Anne est dans une mauvaise passe. Célibataire de trente-neuf ans, elle n’a pas vu les années passer

et regrette amèrement d’avoir consacré tant de temps et d’énergie à sa profession d’avocat. Aujourd’hui,

elle souhaite plus que tout fonder une famille mais n’a malheureusement pas trouvé le prince charmant qui

lui convenait. En 2013, après s’être inscrite sur le site de rencontre easyflirt, Claire-Anne a eu plusieurs

rendez-vous avec Paul-Armand, célibataire endurci de 46 ans. Deux mois après leur dernière entrevue, en

août 2013, Claire-Anne découvrait qu’elle était enceinte. Quelle joie ! Mais il était hors de question qu’elle

prévienne Paul-Armand. Cependant, depuis quelques semaines, Claire-Anne est tracassée : elle ne parvient

plus à joindre les deux bouts et se demande ce qu’elle peut faire….

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

II. Sur la contestation du lien de filiation

1°Charles et Bérénice, deux jeunes étudiants de l’Université de Cergy-Pontoise, se sont mariés en juin 2016,

alors que Bérénice était enceinte de trois mois. Ils se sont très rapidement installés dans un beau duplex de

120 m2, situé à quelques pas de leur faculté. Charles, passionné de décoration intérieure, a pris les choses

en main et a passé de longues heures de travail pour réaliser une somptueuse chambre d’enfant. Il a aussi

accompagné Bérénice à tous les examens prénataux. Au jour de la naissance de la jolie Sidonie, il y a deux

semaines, Charles a été déclaré la naissance de sa fille. En sortant de la mairie, il rencontre Pablo, un ami

des parents de Bérénice. Celui-ci lui fait une révélation pour le moins qu’étonnante : il lui affirme avoir

vécu, au cours de l’été 2016, une idylle passionnée avec Bérénice... Charles ne supporte pas cela. Il décide

de ne pas remettre les pieds à la maternité et est décidé à « renier cet enfant qui n’est pas le sien ». Pablo,

quant à lui, n’est pas certain de vouloir être père à nouveau. Il a déjà 6 enfants.

2°Antoine est né le 22 mai 1982 et a toujours ressenti quelques troubles existentiels. À la suite d’une très

longue thérapie, il a découvert que celui qui l’avait reconnu au jour de sa naissance n’était pas son père

biologique. Il a compris, en outre, qu’un collègue de travail de sa mère, René, aujourd’hui âgé de 71 ans,

était son père biologique. Décidé à rétablir la vérité, Antoine souhaite agir en justice. Qu’en pensez-vous ?

3°Liv et Arthur se sont rencontrés en novembre 2011. À cette époque, Liv était déjà maman de deux

enfants, Jade, 4 ans et Emmy, 1 mois et demi, chacune ayant un père différent. Dès qu’il a appris la grossesse

de Liv, David, le père d’Emmy, a pris la poudre d’escampette et n’a plus jamais donné de nouvelles à Liv.

En 2013, Arthur a fait établir un acte de notoriété constatant sa possession d’état devant le tribunal

d’instance. Liv est aujourd’hui bouleversée. Elle a reçu une lettre de David lui disant qu’il pouvait désormais

assumer son rôle de père auprès de Emmy. Quid juris ?

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Doc. 1. Tableau récapitulatif sur les moyens d’établissement non contentieux de la filiation

Établissement non contentieux de la

filiation

Établissement contentieux de la filiation

Filiation en

mariage

Filiation

paternelle

Présomption de paternité : art. 312

C. civ.

Reconnaissance : art. 315 et 316 C.

civ.

Possession d’état : art. 317 C. civ.

Action en rétablissement de la présomption

de paternité : art. 329 C. civ.

Filiation

maternelle

Acte de naissance : art. 325 C. civ.

Reconnaissance : art. 316 C. civ.

Possession d’état : art. 317 c. civ.

Action en recherche de maternité : art. 325

C. Civ.

Action en constatation de possession d’état :

art. 330 C. civ.

Filiation hors

mariage

Filiation

paternelle

Reconnaissance : art. 316

Possession d’état : art. 317

Action en recherche de paternité : art. 327

C. civ.

Action en constatation de la possession

d’état : art. 330 C. civ

Filiation

maternelle

Acte de naissance : art. 325 C. civ.

Reconnaissance : art. 316

Possession d’état : art. 317 c. civ.

Action en recherche de maternité : art. 325

C. Civ.

Action en constatation de possession

d’état : art. 330 C. civ.

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

Doc. 2. Considérations temporelles en droit de la filiation

LE PRINCIPE :

art. 321 : Sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent

par 10 ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui

lui est contesté. À l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité.

ETABLISSEMENT DE LA FILIATION PAR EFFET DE LA LOI :

Reconnaissance Pas de délais (art. 316 al. 1er c.civ)

Possession d’état

(constatée par un acte de notoriété)

5 ans à compter de la cessation de la possession

d'état alléguée ou à compter du décès du parent

prétendu (art. 317 al. 3)

ACTIONS AUX FINS D’ETABLISSEMENT DE LA FILIATION :

Recherche de paternité / maternité

Exercée par le parent : pendant la minorité de

l’enfant (art. 328).

Exercée par l’enfant : 10 ans à compter de sa

majorité (art. 328).

Rétablissement de la présomption

de paternité

Exercée par les parents : pendant la minorité

de l’enfant (art. 329).

Exercée par l’enfant : 10 ans à compter de sa

majorité (art. 329).

Constatation de possession d’état

(par voie de jugement)

10 ans à compter de sa cessation ou du décès du

parent prétendu (art. 330).

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

Doc. 3. Civ. 1ère, 29 mai 2001, présomption de paternité

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mardi 29 mai 2001

N° de pourvoi: 99-21830

Publié au bulletin Cassation.

Attendu que M. Y... et Mme X... se sont mariés le 31 août 1972 ; que l'épouse a donné naissance, le 13

février 1973, à un fils, prénommé Olivier, qui a été déclaré à l'état civil sans indication du nom du mari ;

que le divorce des époux a été prononcé le 10 mai 1973 ; que le 29 septembre 1993, Mme X... a assigné

M. Y... en rétablissement de la présomption de paternité ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 313-1, 313-2 et 314 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que l'enfant né avant le cent-quatre-vingtième jour du mariage est légitime

et réputé l'avoir été dès sa conception ; que la présomption de paternité est écartée quand, inscrit sans

l'indication du nom du mari, il n'a de possession d'état qu'à l'égard de la mère ; que chacun des époux peut

demander que les effets de cette présomption soient rétablis, en justifiant que, dans la période légale de la

conception, une réunion de fait a eu lieu entre eux, qui rend vraisemblable la paternité du mari ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande, l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ.

1, 3 juin 1998, Bull. n° 193), énonce que, lors de la période de conception, M. Y... et Mme X... n'avaient

pas la qualité d'époux et qu'il n'y avait donc pas de place pour une présomption de paternité à rétablir qui

ne peut exister que s'il y a mariage au temps de la conception, hors le cas de l'article 314 qui déclare légitime

l'enfant conçu nécessairement hors mariage, mais à la condition qu'il ait été déclaré issu des oeuvres du

mari de la mère ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les articles 313-1 et 313-2, alinéa 2, du Code civil s'appliquent aux

enfants relevant de l'article 314 comme aux enfants conçus pendant le mariage, la cour d'appel a violé les

textes suvisés ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande, la cour d'appel énonce encore qu'en toute hypothèse,

elle ne rapporte pas la preuve d'une réunion de fait à l'intérieur de la période légale de la conception sans

répondre à ses conclusions d'appel selon lesquelles M. Y... avait reconnu, dans ses écritures du 15 février

1994, qu'il avait eu une relation intime avec elle à cette époque-là ;

En quoi, elle a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

Vu les articles 313-2 et 311-12 du Code civil, ensemble l'article 146 du nouveau Code de procédure civile

;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande subsidiaire d'expertise biologique, l'arrêt attaqué re-

tient qu'elle n'établit pas la vraisemblance de la paternité de M. Y... ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que cette mesure d'instruction, qui est de droit en matière de filiation,

sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder, pouvait permettre à Mme X... de rapporter cette

preuve, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen, ni sur la

deuxième branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 1999, entre les parties, par

la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trou-

vaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Doc. 4 : Civ. 1ère, 7 avril 2006, arrêt Benjamin

Joint les pourvois n° V 05-11285 et W 05-11286 ;

Sur la recevabilité du pourvoi incident contestée par la défense :

Attendu que, par ordonnance du 4 novembre 2003, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Nancy a

désigné le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Nancy en qualité d'administrateur ad hoc chargé

de représenter les intérêts de Benjamin Damien Y... dans les deux instances pendantes devant la cour d'ap-

pel de Nancy relatives à sa restitution et à son adoption ; que, les deux instances ayant pris fin par deux

arrêts du 23 février 2004, le bâtonnier est sans qualité pour représenter les intérêts de Benjamin Damien

Y... dans une instance distincte ; que le pourvoi incident est irrecevable ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° V 05-11.285, pris en ses deux premières branches, et sur le premier

moyen du pourvoi n° W 05-11.286, pris en sa première branche, après avis donné dans les conditions de

l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Vu l'article 7.1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, en-

semble les articles 335, 336, 341-1, 348-1 et 352 du Code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, applicable directement devant les tribunaux français, l'enfant

a, dès sa naissance et dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents ; qu'il résulte des autres

dispositions visées que la reconnaissance d'un enfant naturel prend effet à la date de naissance de l'enfant

dès lors qu'il a été identifié, que la filiation est divisible et que le consentement à l'adoption est donné par

le parent à l'égard duquel la filiation est établie ;

Attendu que le 13 mars 2000, M. X... a reconnu devant l'officier d'état civil l'enfant dont était enceinte Mme

D. ; que le 14 mai 2000 est né Benjamin Damien Y..., sa mère ayant demandé le secret de l'accouchement ;

que l'enfant a été remis, ce même jour, au service de l'Aide sociale à l'enfance, admis à titre provisoire

comme pupille de l'Etat puis, à titre définitif, le 17 juillet 2000 et placé, en vue de l'adoption, à effet du 28

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

octobre 2000 au foyer de M. et Mme Z... ; que le 26 juin 2000, M. X... a entrepris auprès du procureur de

la République une démarche pour retrouver son enfant ; que l'ayant ultérieurement identifié, il a saisi le 18

janvier 2001 la cellule d'adoption du Conseil général d'une demande de restitution ; que le conseil de famille

a donné son consentement à l'adoption projetée, le 26 avril 2001 ; que le tribunal de grande instance de

Nancy a été saisi, par les époux Z... , d'une requête en adoption plénière et par M. X... d'une demande en

restitution de l'enfant ; que, par deux jugements du 16 mai 2003, le tribunal a, d'une part, rejeté la requête

en adoption, celle-ci étant jugée contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant d'être élevé par son père qui l'avait

reconnu, et, d'autre part, après avoir admis les interventions volontaires des époux Z... et de l'association

Enfance et familles d'adoption, ordonné la restitution de Benjamin Damien Y... à M. X..., son père naturel

;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de restitution formée par M. X..., donner effet au con-

sentement du conseil de famille à l'adoption et pour prononcer l'adoption plénière de Benjamin Damien

Y... par les époux Z..., le premier arrêt retient d'abord que la reconnaissance s'est trouvée privée de toute

efficacité du fait de la décision de la mère d'accoucher anonymement, l'identification de l'enfant par sa mère,

contenue dans la reconnaissance, étant devenue inopérante et ensuite que la reconnaissance paternelle n'est

jamais devenue effective, l'enfant n'ayant été identifié qu'après son placement en vue de l'adoption ; que le

second arrêt énonce, d'une part, que le consentement à adoption, donné le 26 avril 2001, par le conseil de

famille, est régulier, la réclamation de M. X... ayant été faite le 19 janvier 2001, à une date où le placement

antérieur en vue de l'adoption faisait obstacle à toute demande de restitution et d'autre part que l'adoption

plénière est conforme à l'intérêt de l'enfant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, l'enfant ayant été identifié par M. X... à une date antérieure au consentement

à l'adoption, la reconnaissance prénatale avait établi la filiation paternelle de l'enfant avec effet au jour de

sa naissance, de sorte que le conseil de famille des pupilles de l'Etat, qui était informé de cette reconnais-

sance, ne pouvait plus, le 26 avril 2001, consentir valablement à l'adoption de l'enfant, ce qui relevait du

seul pouvoir de son père naturel, la cour d'appel, qui a méconnu le droit de l'enfant de connaître son père

déclaré, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi incident du pourvoi n° V 05-11.285 ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts 405/04 et 406/04 rendus le 23 février

2004, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy (…).

Doc. 5 : Cass. 1ère Civ., 25 octobre 2005

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 311-1 du Code civil, ensemble l'article 334-8 du Code civil ;

Attendu que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de

filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir ; qu'elle doit être continue

;

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

Attendu que M. X... est né le 28 octobre 1954 à Paris 14e ; que son acte de naissance, dressé conformément

aux dispositions de l'article 58 du Code civil, ne comporte aucune mention de filiation ; que par acte du 28

avril 2000, il a engagé une action tendant à faire constater qu'il a la possession d'état d'enfant naturel de

Jacques Y..., condamné à mort et exécuté en 1957, et à porter le nom de Y... ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt retient d'une part qu'en septembre 1957, Jacques

Y... a écrit à son avocat, lui indiquant joindre à son envoi la reconnaissance de son fils Gérard, qu'était

jointe une lettre dans laquelle il précisait : "par ces quelques mots, je voudrais confirmer mon intention de

reconnaître mon fils Gérard X...", que dans son journal, en septembre 1957, Jacques Y... a fait plusieurs

allusions à son fils, souhaitant que sa fille fasse tout pour le retrouver et qu'il en a fait également mention

dans des lettres à son père et à sa femme ainsi que dans la dédicace d'une image et, d'autre part, que compte

tenu de la période très brève pendant laquelle ces écrits ont été rédigés, ils doivent être considérés, pour

l'appréciation de l'existence de la possession d'état, comme un fait unique ;

Qu'en considérant isolément chacun de ces faits sans rechercher si, précisément et compte tenu qu'un

temps très bref s'était écoulé entre la naissance de l'enfant, alors que Jacques Y... était déjà emprisonné, et

l'exécution de celui-ci, ces écrits, confortés par l'ensemble des faits invoqués par M. Gérard X..., ne consti-

tuaient pas une réunion suffisante de faits établissant sa possession d'état, la cour d'appel n'a pas donné de

base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche : CASSE ET ANNULE, dans

toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Doc. 6 : Civ. 1ère, 8 juin 2016, n°15-16696

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 juin 2014), statuant sur renvoi après cassation (Civ. 1re,

25 septembre 2013, n° 12-19. 528), que M. X... a assigné en référé Mme Y... pour obtenir, sur le fondement

de l'article 145 du code de procédure civile, la réalisation d'un test de paternité sur lui-même et l'enfant de

celle-ci, Raphaël Y..., né le 7 janvier 2010 ;

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Attendu que M. X... soutient qu'une déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 16-11 du code civil, à

intervenir à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par lui, doit priver l'arrêt de tout

fondement juridique ;

Attendu que, par arrêt du 2 décembre 2015 (n° 1485 F-P+B), la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à

renvoi devant le Conseil constitutionnel ; que le moyen est devenu sans objet ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

11

Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

1°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que l'article 16-11, alinéa 5, du code civil,

qui prévoit qu'en matière civile l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être

recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit

à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides,

en imposant à celui qui soupçonne sans certitude être le père d'un enfant de le reconnaître préalablement

de manière mensongère, pour ensuite introduire en justice une action en contestation de sa reconnaissance

à l'occasion de laquelle l'expertise génétique, qui est de droit en matière de filiation, pourra être ordonnée

afin de vérifier le lien biologique de filiation, est contraire au droit au respect de la vie privée et familiale,

tel que garantit par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en retenant cepen-

dant, pour juger que l'article 16-11 du code civil s'opposait à ce qu'une expertise génétique soit ordonnée,

qu'aucune action judiciaire relative à la filiation paternelle de l'enfant n'avait été intentée, la cour d'appel a

méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale de M. X... et a ainsi violé l'article 8 de la Convention

européenne des droits de l'homme ;

2°/ que, selon les termes de l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre

1989, l'enfant se voit reconnaître « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et être élevé

par eux » ; que le juge doit en toutes circonstances en assurer la protection dans ses décisions (article 3 de

la CIDE), de sorte que l'intérêt supérieur de l'enfant peut justifier qu'un homme qui se déclare prêt à le

reconnaître obtienne, avant tout litige, une expertise en vue de s'assurer de la véracité de sa paternité ; qu'en

se bornant à relever que l'intérêt supérieur de l'enfant commandait de ne pas faire droit à la demande

d'expertise génétique formée par M. X..., parce que l'établissement d'une filiation par le père, qui serait une

démarche responsable et raisonnée, ne pourrait être lié par principe à la vérification scientifique préalable

de sa paternité, quand l'intérêt supérieur de l'enfant commandait, tout au contraire, qu'une expertise soit

ordonnée pour que M. X... puisse, en toute connaissance de cause, décider de reconnaître l'éventuel lien de

filiation qui pourrait être confirmé par la mesure sollicitée, la cour d'appel a violé les articles 3 et 7 de la

Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ensemble l'article 145 du code de

procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient, à bon droit, qu'il résulte du cinquième alinéa de l'article 16-11 du code civil

qu'une mesure d'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être ordonnée en

référé mais seulement à l'occasion d'une instance au fond relative à la filiation ;

Et attendu que ces dispositions, qui ne privent pas M. X... de son droit d'établir un lien de filiation avec

l'enfant ni de contester une paternité qui pourrait lui-être imputée, ne portent pas atteinte à son droit au

respect de la vie privée et familiale ; qu'elles ne méconnaissent pas davantage le droit de l'enfant de connaître

ses parents et d'être élevé par eux ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

NB : Art. 145 Code de procédure civile : S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout

procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement

admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

Doc. 7 : Cons. Const., déc. n° 2011-173 QPC, 30 sept. 2011

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitu-

tionnel ;

Vu le code civil ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les ques-

tions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour les défendeurs par la SCP Vincent-Ohl, avocat au Conseil d'État et à la

Cour de cassation, enregistrées le 25 juillet 2011 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2011 ;

Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil

d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 août 2011 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Farge, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné

par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20 septembre 2011 ; Le rapporteur

ayant été entendu ;

Considérant que l'article 16-11 du code civil énumère les cas dans lesquels l'identification d'une personne

par ses empreintes génétiques peut être recherchée ; que le cinquième alinéa de cet article dispose qu'en

matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction or-

donnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation,

soit à l'obtention ou la suppression de subsides ; qu'il précise en outre que le consentement de l'intéressé

doit être préalablement et expressément recueilli ; qu'aux termes de la dernière phrase de ce cinquième

alinéa : « Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes

génétiques ne peut être réalisée après sa mort » ;

2. Considérant que, selon les requérants, l'interdiction de recourir à l'identification par les empreintes géné-

tiques sur une personne décédée, dans une procédure civile en matière de filiation, porte atteinte au respect

de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ; qu'en outre, les dispositions contestées

instaureraient entre les hommes et les femmes une différence de traitement contraire au principe d'égalité

devant la loi ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l'état et la

capacité des personnes » ; qu'à ce titre, il appartient au législateur de déterminer les règles de preuve appli-

cables en matière d'établissement et de contestation des liens de filiation, notamment lors de l'exercice

d'actions en justice ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compé-

tence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres

dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

que l'article 61-1 de la Constitution, à l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un

pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui

donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d'une disposition législative aux droits

et libertés que la Constitution garantit ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles

de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ; que, d'autre part, le droit de mener une vie

familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La

Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'enfin, aux

termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi. .. Doit être la même pour tous, soit qu'elle protège,

soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente

des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans

l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui

l'établit ;

5. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 310-3 du code civil prévoit que lorsqu'une action relative

à la filiation est engagée, « la filiation se prouve et se conteste par tous moyens, sous réserve de la recevabilité

de l'action » ; que, toutefois, les dispositions contestées ne permettent, à l'occasion d'une action en justice

tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou à la suppression

de subsides, de recourir à l'identification par empreintes génétiques sur une personne décédée, que si celle-

ci avait, de son vivant, donné son accord exprès à l'exécution d'une telle mesure d'instruction ; qu'ainsi, en

dehors de ce cas, les parties au procès ne peuvent avoir recours à l'expertise génétique sur le corps de la

personne décédée avec laquelle un lien biologique est revendiqué ou contesté ;

6. Considérant qu'en disposant que les personnes décédées sont présumées ne pas avoir consenti à une

identification par empreintes génétiques, le législateur a entendu faire obstacle aux exhumations afin d'assu-

rer le respect dû aux morts ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation

à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, du respect dû au corps humain ; que, par suite,

les griefs tirés de la méconnaissance du respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale

normale doivent être écartés ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 325 du code civil, la recherche de maternité implique que l'enfant

prouve qu'il est celui dont la mère prétendue a accouché ; que, par suite, la circonstance que les dispositions

contestées, relatives à la preuve de la filiation par l'identification au moyen des empreintes génétiques, trou-

vent principalement à s'appliquer lorsque la filiation paternelle est en cause ne saurait être regardée comme

une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi ;

8. Considérant que la dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 16-11 du code civil n'est contraire à

aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit

D É C I D E :

Article 1er.- La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 16-11 du code civil est conforme à la Cons-

titution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée

dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Doc. 8 : CEDH, Canonne C. France, 25 juin 2015 (extraits du communiqué de presse).

Dans sa décision en l’affaire Canonne c. France (requête no 22037/13), la Cour européenne des droits de

l’homme déclare, à l’unanimité, la requête irrecevable. Cette décision est définitive. Dans cette affaire, le

requérant se plaint du fait que les juridictions internes ont déduit sa paternité de son refus de se soumettre

à l’expertise génétique qu’elles avaient ordonnée. La Cour a jugé qu’en tenant compte du refus de M. Ca-

nonne de se soumettre à l’expertise ordonnée pour le déclarer père d’Eléonore P. et en faisant prévaloir le

droit au respect de la vie privée de cette dernière sur celui de M. Canonne, les juridictions internes n’ont

pas excédé l’importante marge d’appréciation dont elles disposaient.

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

Principaux faits

Le requérant, Christian Canonne, est un ressortissant français né en 1941 et résidant à CransMontana

(Suisse). Il est le petit-fils de l’inventeur de la pastille Valda et a exercé la fonction de vice-président de la

société propriétaire de la marque Valda. Christiane P., qui était alors en procédure de divorce et exerçait à

l’époque des fonctions de direction au sein de la société des laboratoires Valda, donna naissance, le 16 juillet

1982 à une fille, Eléonore. Le 6 janvier 1988, Eléonore fut reconnue par Jan Willem H., que Christiane P.

épousa peu après. Le couple divorça en 1997. Le 11 juillet 2002, Eléonore P. assigna M. Canonne devant

le tribunal de grande instance de Paris en déclaration judiciaire de paternité. Le 18 avril 2003, elle assigna

Jan Willem H. en nullité de sa reconnaissance de paternité. Les deux instances furent jointes. Le 21 sep-

tembre 2004, le tribunal ordonna une expertise aux fins de préciser les chances de paternité de Jan Willem

H. Le résultat conclut que sa paternité était exclue de manière certaine. Le 3 janvier 2006 le tribunal ordonna

une expertise en vue de dire si M. Canonne pouvait ou non être le père. Ce jugement fut confirmé par la

cour d’appel de Paris le 25 octobre 2007 et, M. Canonne n’ayant pas déféré à ses convocations pour se

soumettre à l’expertise, l’expert déposa un rapport de carence. Par un jugement du 20 octobre 2009, le

tribunal, tirant des conclusions du refus de M. Canonne de se plier à l’expertise, dit que M. Canonne était

le père d’Eléonore P. et ordonna que mention en soit faite en marge de l’acte de naissance de celle-ci. M.

Canonne interjeta appel devant la cour d’appel de Paris. Il soutenait qu’en déduisant sa paternité de son

refus de se soumettre à une expertise, le tribunal avait méconnu le principe constitutionnel de l’inviolabilité

du corps humain. La cour d’appel confirma le jugement. M. Canonne se pourvut en cassation. Il exposa

que certaines pièces produites par Eléonore P. (notamment des factures de chambre d’hôtel portant la

mention de la société Valda), appartenaient à l’ancien employeur de Christiane P., laquelle ne pouvait, selon

lui, les détenir légitimement après la cessation de ses fonctions pour les utiliser à des fins personnelles. M.

Canonne estimait que la production de ces preuves contrevenait au principe de loyauté. La Cour de cassa-

tion rejeta le pourvoi.

Griefs, procédure et composition de la Cour

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 3 mars 2013. Invoquant

l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), le requérant soutient que la procédure d’admission préalable des

pourvois en cassation est incompatible avec le droit à un procès équitable. Il critique en particulier le défaut

de motivation des décisions prises. Il se plaint également du fait que les juridictions internes ont omis de

déclarer irrecevables des pièces produites par la partie adverse. Invoquant l’article 8 (droit au respect de la

vie privée et familiale) pris isolément et combiné avec l’article 6 § 1, le requérant se plaint du fait que les

juridictions internes ont déduit sa paternité de son refus de se soumettre à l’expertise génétique qu’elles

avaient ordonnée. Il souligne qu’en droit français les personnes qui sont défendeurs à une action en pater-

nité, se trouvent obligées de se soumettre à un test ADN pour établir leur non-paternité. Il dénonce une

atteinte au principe de l’inviolabilité du corps humain qui, selon lui, interdit en matière civile toute exécution

forcée d’une expertise génétique. (…)

Décision de la Cour

Article 6 § 1

En ce qui concerne la procédure d’admission préalable des pourvois en cassation, la Cour rappelle qu’elle

a jugé cette procédure conforme à l’article 6 § 1 de la Convention. Elle relève, de plus, que M. Canonne a

eu accès au rapport de non-admission de son pourvoi en cassation. En ce qui concerne la question de

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l’irrecevabilité des pièces produites par la partie adverse, la Cour rappelle que la Convention ne réglemente

pas le régime des preuves en tant que tel. La Cour n’exclut pas, par principe, l’admissibilité d’une preuve

recueillie sans respecter les prescriptions du droit national. Il revient aux juridictions internes d’apprécier

les éléments obtenus par elles, ainsi que leur pertinence. La tâche de la Cour consiste à rechercher si la

procédure considérée dans son ensemble, y compris la manière dont la preuve a été administrée, a revêtu

le caractère équitable voulu par l’article 6 § 1. La Cour observe que M. Canonne a eu la possibilité de faire

valoir devant les juridictions du fond son argument relatif à la licéité des pièces en question. Celui-ci a fait

l’objet d’un débat contradictoire entre les parties et a été écarté à l’issue d’une procédure dont l’équité

n’apparaît pas contestable. De plus, la Cour souligne que les factures litigieuses n’ont pas été les seuls

éléments retenus par les juridictions du fond. Cette partie de la requête est mal fondée et doit être rejetée.

Article 8

Au regard du code civil, du code de procédure civile ainsi que de la jurisprudence de la Cour de cassation,

la Cour juge que l’ingérence dans l’exercice par M. Canonne de son droit au respect de la vie privée était

bien « prévue par la loi ». Le but poursuivi visait à garantir à Eléonore P. le plein exercice de son droit au

respect de sa vie privée, lequel comprend le droit de chacun de connaître son ascendance, mais aussi le

droit à la reconnaissance juridique de sa filiation. Un tel objectif relève de la « protection des droits et

libertés d’autrui » au sens du second paragraphe de l’article 8. La Cour rappelle que le choix des mesures

propres à garantir l’observation de l’article 8 dans les rapports interindividuels relève en principe de la marge

d’appréciation des Etats. Cette marge est importante lorsqu’il s’agit de mettre en balance les droits fonda-

mentaux concurrents de deux individus. La Cour constate que la réponse des juridictions françaises en

l’espèce est en phase avec ses conclusions dans les affaires Mikulić c. Croatie (n° 53176/99), et Ebru et

Tayfun Engin Çolak c. Turquie (n° 60176/00). Dans ces deux affaires, le constat de violation de l’article 8

de la Convention repose sur l’incapacité des juridictions internes à empêcher que la procédure en déclara-

tion de paternité ne soit entravée par le refus du père prétendu de se plier à un test ADN. Par ailleurs, pour

dire qu’il était le père d’Eléonore P., les juridictions internes ne se sont pas fondées sur le seul refus de M.

Canonne de se soumettre à l’expertise génétique demandée. Elles ont pris en compte les écrits et déclara-

tions de chacune des parties, des documents et des témoignages. Il ressort de l’arrêt de la cour d’appel de

Paris que ce refus qualifié « d’élément supplémentaire » tendant à prouver la paternité de M. Canonne n’est

venu que conforter une conclusion déjà partiellement établie au vu de ces autres éléments. En prenant en

compte le refus de M. Canonne de se soumettre à l’expertise génétique et en faisant prévaloir le droit au respect de la vie privée

d’Eléonore P. sur celui de M. Canonne, les juridictions internes n’ont pas excédé l’importante marge d’appréciation dont elles

disposaient. Cette partie de la requête est également manifestement mal fondée et doit être rejetée. La Cour à l’unanimité déclare

la requête irrecevable.

Doc. 9. Civ. 1ère, 9 novembre 2016 – action en recherche de paternité et contrôle de proportionnalité

exercé par la Cour de cassation

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 31 mars 2015), que, le 12 novembre 2011, M. X, né le xx, sans

filiation paternelle établie, a assigné M. Y en recherche de paternité ;

Attendu que M. X fait grief à l’arrêt de déclarer sa demande irrecevable comme prescrite alors, selon le

moyen :

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

1°/ que M. X faisait valoir que M. Y produisait une attestation de sa propre fille, laquelle avait un intérêt certain à ce que

l’action de M. X soit déclarée irrecevable, qu’un tel témoignage aurait dû être écarté d’autant qu’il ne s’appuie sur aucun

élément objectif et apparaît peu crédible au regard des circonstances décrites alors que M. X ne serait pas revenu des Etats-

Unis où il vit pour rencontrer un père qui a toujours refusé de prendre ses responsabilités à son égard, lui offrir un cadeau,

pour ensuite disparaître pendant plus de vingt-deux années sans s’en soucier, réfutant avoir rencontré M. Y dans les

circonstances décrites dans l’attestation de sa fille et sollicitant le rejet de cette attestation ; qu’en décidant qu’il est établi par

l’attestation de Mme Y, épouse Z, fille légitime de M. Y, qu’elle a rencontré M. X en février 1989 à sa demande, ce dernier

ayant demandé à être mis en contact avec M. Y qui, selon ses dires, était probablement « son père géniteur », que les deux

parties ont été mises en présence, que M. X ne conteste pas les événements retranscrits dans cette attestation, la cour d’appel

qui a dénaturé les écritures de M. X, a de ce fait méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que M. X faisait valoir que M. Y produisait une attestation de sa propre fille, qu’à suivre le raisonnement développé par

M. Y, l’on devrait considérer que Mme Z, sa fille, avait un intérêt certain à ce que l’action de M. X soit déclarée irrecevable,

qu’un tel témoignage aurait dû être écarté d’autant qu’il ne s’appuie sur aucun élément objectif et apparaît peu crédible au

regard des circonstances décrites alors que M. X ne serait pas revenu des Etats-Unis où il vit pour rencontrer un père qui a

toujours refusé de prendre ses responsabilités à son égard, lui offrir un cadeau, pour ensuite disparaître pendant plus de vingt-

deux années sans s’en soucier, M. X réfutant avoir rencontré M. Y dans les circonstances décrites par l’attestation de sa fille

et sollicitant le rejet de cette attestation ; qu’en décidant qu’il est établi par l’attestation de Mme Y, épouse Z, fille légitime de

M. Y, qu’elle a rencontré M. X en février 1989 à sa demande, ce dernier ayant demandé à être mis en contact avec M. Y

qui, selon ses dires, était probablement « son père géniteur », que les deux parties ont été mises en présence, que M. X ne

conteste pas les événements retranscrits dans cette attestation, sans se prononcer sur le moyen soutenu par M. X, la cour d’appel

a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

3°/ que le délai d’ouverture d’une action en recherche de paternité ne saurait être appliqué automatiquement sans constituer

un délai d’introduction rigide en matière de procédure en recherche de paternité, ne tenant pas compte des circonstances

particulières de l’espèce ; que M. X faisait valoir que la prescription édictée par l’article 321 du code civil n’est ni nécessaire

ni proportionnée à la protection de la sécurité juridique et de la stabilité des relations familiales, constituant l’objectif poursuivi

par le législateur par l’instauration d’un tel délai de prescription dès lors que M. X n’a aucune autre filiation paternelle établie,

que l’établissement de sa filiation à l’égard de M. Y n’emporterait la remise en cause d’aucun droit acquis, que la famille de

M. Y est au fait de son existence et semble avoir eu le désir de nouer des liens familiaux, M. Y ne faisant plus secret de sa

paternité ; qu’en décidant par motifs propres que les règles de prescription énoncée aux articles 321 et 2234 du code civil sont

compatibles avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des

droits de l’homme, qu’il convient en effet de mettre en balance le droit d’un enfant de connaître ses origines, l’intérêt d’un père

éventuel à être protégé de revendication de paternité concernant des faits remontant à de nombreuses années et la sécurité

juridique de l’état civil et des personnes et par motifs adoptés que selon la Convention européenne des droits de l’homme

l’existence d’un délai de prescription n’est pas en soi incompatible avec la Convention, la Convention européenne des droits de

l’homme fustigeant l’application d’un délai inflexible de prescription qui s’écoule sans tenir compte de l’âge de l’enfant et de sa

capacité juridique et qui n’offre aucune exception, qu’a contrario il doit être admis qu’un délai de prescription flexible et tenant

compte de l’âge de l’enfant ainsi que de sa capacité est en conformité avec la Convention, que le délai de prescription prévu à

l’article 321 du code civil est un délai suspendu pendant la minorité de l’enfant, qu’il ne saurait être considéré comme portant

atteinte à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dans la mesure où il s’agit d’une ingérence proportionnée,

prévue par la loi et nécessaire à la protection des droits et libertés d’autrui, en l’espèce l’intérêt général à la protection de la

sécurité juridique, que M. X ne peut valablement affirmer que, la demande en reconnaissance de paternité qu’il présente, ne

présente aucune atteinte à la sécurité juridique ou à la stabilité des relations familiales, M. Y étant âgé de xx ans, marié et

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

ayant eu une fille, qu’il doit être admis qu’une situation stable et non remise en cause pendant cinquante ans ne puisse l’être

au-delà du délai légal de prescription sans pour autant que cela puisse être analysé comme une atteinte à l’article 8 précité, les

juges du fond qui s’attachent ainsi aux seuls intérêts du père éventuel et de sa famille, ont violé l’article 8 de la Convention

européenne des droits de l’homme ;

4°/ que les juges du fond qui retiennent la stabilité de la relation non remise en cause pendant cinquante ans, pour affirmer

que dès lors cette situation ne pouvait plus être remise en cause au-delà du délai de prescription légale, ont par là même,

constaté que l’article 321 du code civil est inconventionnel et partant, en statuant comme ils l’ont fait, ils ont violé l’article 8

de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale ;

Mais attendu que, l’action ayant été engagée après l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2005-759 du 4

juillet 2005 portant réforme de la filiation, elle est soumise aux dispositions issues de ce texte ;

Que, selon l’article 321 du code civil, sauf lorsqu’elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les

actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de

l’état qu’elle réclame, ou a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté ; qu’à l’égard de l’enfant, le délai

de prescription est suspendu pendant sa minorité ;

Qu’ainsi, le point de départ du délai de prescription de l’action en recherche de paternité exercée par l’enfant

majeur se situe au jour de sa majorité ;

Attendu que le délai de prescription de l’action en recherche de paternité était de deux ans, en application

de l’article 340-4 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 4 juillet 2005 ;

Que, selon le IV de l’article 20 de cette ordonnance, sous réserve des décisions de justice passées en force

de chose jugée, les actions en recherche de paternité prévues à l’article 327 du code civil peuvent être

exercées, sans que puisse être opposée la forclusion tirée de la loi ancienne, lorsque, à la date de l’entrée en

vigueur de l’ordonnance, la prescription prévue à l’article 321 n’est pas acquise ; que l’action doit alors être

exercée dans le délai restant à courir à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, sans que ce délai puisse

être inférieur à un an ;

Qu’il résulte de ces dispositions transitoires que les enfants devenus majeurs moins de dix ans avant l’entrée

en vigueur de l’ordonnance pouvaient bénéficier du nouveau délai de dix ans, sans se voir opposer la

forclusion tirée de l’expiration du délai de deux ans prévu par la loi ancienne ;

Attendu que, selon l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette

ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est

nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de

l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la

protection des droits et libertés d’autrui ;

Que, si l’impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une

ingérence dans l’exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par ce texte, la prescription

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des actions relatives à la filiation est prévue par la loi et poursuit un but légitime en ce qu’elle tend à protéger

les droits des tiers et la sécurité juridique ;

Qu’il s’en déduit que, s’agissant en particulier de l’action en recherche de paternité, l’ordonnance du 4 juillet

2005 a prévu des dispositions transitoires favorables, dérogeant à la règle selon laquelle la loi n’a pas, en

principe, d’effet sur une prescription définitivement acquise, afin d’étendre aux enfants nés avant l’entrée

en vigueur de l’ordonnance le nouveau délai de prescription de dix ans ;

Qu’ainsi, ces dispositions, qui ménagent un juste équilibre entre le droit à la connaissance et à

l’établissement de son ascendance, d’une part, les droits des tiers et la sécurité juridique, d’autre part, ne

méconnaissent pas les exigences résultant de l’article 8 précité ;

Attendu qu’il appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la

mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas, au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par

la Convention, une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ;

Que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que l’action de M. X, majeur depuis le 26 septembre 1980,

n’a été engagée que le 12 novembre 2011, de sorte qu’en application des textes susvisés, elle est prescrite ;

qu’il retient que cette action, qui tend à remettre en cause une situation stable depuis cinquante ans, porte

atteinte à la sécurité juridique et à la stabilité des relations familiales, M. Y étant âgé de xx ans, marié et père

d’une fille ; qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a pu en déduire que la prescription opposée à

M. X ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect

de sa vie privée et familiale ;

Qu’il s’ensuit que, la dénaturation alléguée par la première branche du moyen étant sans incidence sur

l’issue du litige et le grief de la deuxième branche étant inopérant, le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Doc. 10. Civ. 1ère, 23 novembre 2011, n° 10-26993 - Action en constatation de la possession d’état.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...- Y... Grégory et Mme X...- Y... Carine, nés respectivement les 17

octobre 1979 et 7 avril 1976 sans filiation paternelle connue, ont assigné, courant octobre 2007, Mmes Z...

Sylvie, A... Catherine, B... Jacqueline, C... Martine, ainsi que MM. C... Pascal et Jean Louis venant à la

succession de Gilbert D..., décédé le 10 septembre 2007, aux fins de voir reconnue à leur égard la paternité

naturelle de ce dernier, celui-ci ayant vécu avec leur mère de 1974 à 1984 ; que, par jugement du 5 mars

2009, le tribunal de grande instance de Vienne a déclaré prescrite leur action en recherche de paternité,

mais recevable celle en constatation de possession d’état d'enfants naturels et les a dit enfants naturels de

Gilbert D... ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches :

Attendu que Mme Z..., soeur de Gilbert D..., fait grief à l'arrêt (Grenoble, 15 septembre 2010) d'avoir

déclaré recevable l'action en en constatation de possession d’état d'enfants naturels des consorts X...- Y...,

alors, selon le moyen, que :

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1°/ la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 « portant

réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant certaines dispositions relatives à la filiation » ne modifie

l'article 330 du code civil que pour fixer la date maximale des effets de la possession d’état d'enfant au décès

du père prétendu, sans préjudice d'une durée moindre ; qu'en affirmant que cette loi « décide que la date

de point de départ de la cessation de la possession d’état est fixée au jour où le parent présumé est décédé

», la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 330 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi

précitée ;

2°/ en affirmant purement et simplement que les consorts X... Y... avaient été privés de la possession

d’état le jour du décès de leur père prétendu, Gilbert D..., le 10 septembre 2007, sans caractériser, pour

chacun des intéressés, une possession d’état d'enfant continue, paisible, publique et non équivoque jusqu'à

la date du décès, par des événements significatifs dûment datés, la cour d'appel a privé sa décision de toute

base légale au regard de l'article 330 du code civil, issu de la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, ensemble

les articles 311-1 et 311-2 du même code ;

3°/ lorsque la possession d’état n'a pas perduré jusqu'au décès du père prétendu, l'action en constatation

de la possession d’état doit être exercée au plus tard dans le délai de dix ans à compter de la majorité de

l'enfant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait déclarer recevables les actions exercées par Carine X...

Y... et Gregory X... Y..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par Mme Z... dans ses conclusions

d'appel, si ces actions, introduites au mois d'octobre 2007, n'étaient pas prescrites pour avoir été exercées

plus de dix ans après leur majorité, advenue le 7 avril 1994 en ce qui concerne Carine X... Y... et le 17

octobre 1997, en ce qui concerne Gregory X... Y... ; qu'en l'absence de cette recherche, la cour d'appel a

privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 321 et 330 du code civil;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 330 du code civil dispose que la possession d’état peut être cons-

tatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou

du décès du parent prétendu, l'arrêt retient, à bon droit, qu'ayant été privés de possession d’état le jour du

décès de leur père présumé avec lequel ils avaient continué à entretenir des relations jusqu'à ce jour, le 10

septembre 2007, les consorts X...- Y... pouvaient agir en constatation de possession d’état jusqu'en sep-

tembre 2017, de sorte qu'ayant fait délivrer leur assignation le 11 octobre 2007, leur action était recevable ;

que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Doc. 11. Civ. 1ère, 6 janvier 2004

Sur le moyen unique : Vu l'article 334-10 du Code civil ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, s'il existe entre les père et mère de l'enfant naturel un des empêchements

à mariage pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit de l'établir à

l'égard de l'autre ;

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Attendu que Y... est née le 7 février 1990, ayant été préalablement reconnue par Mme Y... ; qu'elle l'a été

ensuite par M. Y... ; que les deux parents ayant la même filiation paternelle, la seconde reconnaissance a été

annulée par un jugement du 12 septembre 1991 sur le fondement de l'article 334-10 du Code civil ; que le

23 juillet 1998, M. Y... a déposé une requête aux fins d'adoption simple de l'enfant ;

Attendu que pour accueillir cette demande, la cour d'appel a retenu que la loi n'interdisait pas l'adoption de

son propre enfant et que l'adoption simple, ne manifestant pas une filiation biologique, ne pouvait être

assimilée à la reconnaissance d'un enfant dont les père et mère connaissent un des empêchements à mariage

prévu par les articles 161 et 162 du Code civil ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la requête en adoption présentée par M. Y... contrevient aux

dispositions d'ordre public édictées par l'article 334-10 du Code civil interdisant l'établissement du double

lien de filiation en cas d'inceste absolu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE

ET ANNULE

Doc. 12. Civ. 1ère, 8 juillet 2009, n° 08-20153.

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et le deuxième moyen :

Attendu que C ..., est né le 12 décembre 2005 à Paris, sa mère ayant demandé le secret de son identité ; que

l'enfant a été remis le 14 décembre 2005 au service de l'aide sociale à l'enfance en vue de l'adoption ;

qu'immatriculé définitivement comme pupille de l'Etat le 15 février 2006, il a été placé en vue de son

adoption, le 3 mai 2006, chez les époux Z ..., ; que ceux-ci ayant formé une requête en adoption plénière

de l'enfant, les époux X ..., soutenant être ses grands-parents maternels, ont déclaré intervenir

volontairement à l'instance, s'opposant à l'adoption et disant vouloir assumer la charge de l'enfant ; qu'ils

ont fait appel du jugement du 6 juin 2007 ayant déclaré leur intervention irrecevable et ayant prononcé

l'adoption plénière de C ..., par les époux Z ..., et dit qu'il porterait désormais les prénoms et nom de C ...

Z ..., ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2008 rectifié par Paris, 15 mai 2008) d'abord

d'avoir déclaré l'intervention volontaire des époux X ..., irrecevable puis d'avoir prononcé l'adoption

plénière, alors, selon les moyens :

1°/ que l'intervention volontaire est recevable lorsqu'elle se rattache aux prétentions des parties par un lien

suffisant, et que l'intervenant élève une prétention à son profit ; que la demande des grands parents

biologiques, qui prétendent à la reconnaissance de leurs droits à l'égard de leur petit fils, se rattache par un

lien suffisant à la requête sollicitant l'adoption plénière de cet enfant, de sorte qu'en statuant comme elle l'a

fait, la cour d'appel a violé les articles 325 et 329 du code de procédure civile ;

2°/ que la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, ratifiant l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la

filiation, a supprimé l'interdiction d'exercer une action en recherche de maternité à l'encontre de celle qui a

accouché dans l'anonymat ; que, dès lors, l'action en recherche de maternité est ouverte à C ..., ; que le

prononcé de l'adoption plénière qui ferait obstacle à ce droit de voir établir sa filiation maternelle, et, en

conséquence, son lien de parenté avec ses grands parents, est contraire à son intérêt, de sorte que la cour

d'appel a violé l'article 353 du code civil;

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3°/ que la possession d'état s'établit par des faits qui révèlent le lien de parenté entre l'enfant et la famille à

laquelle il appartient ; que, la reconnaissance de ce lien par l'autorité publique est suffisant dès lors que

d'autres éléments constitutifs ont été rendus impossibles par des circonstances exceptionnelles ; que la cour

d'appel, qui n'a pas recherché si ce lien était suffisant à rattacher la demande des grands-parents biologiques

à la requête en adoption plénière de l'enfant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 311 1

du code civil et 325 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'intervention des époux X ..., qui, en s'opposant à l'adoption plénière et en prétendant

assurer la charge de l'enfant ou, au moins, créer des liens avec lui, forment des demandes propres, est une

intervention principale ; qu'elle suppose la réunion d'un intérêt et d'une qualité pour agir ; que l'arrêt retient,

d'abord, par motifs propres et adoptés, que, pour leur conférer qualité pour agir, doivent être établis le lien

de filiation qui les unit à D ... X..., et celui allégué entre celle ci et C ..., ; puis, que le nom de la mère ne

figure pas dans l'acte de naissance de l'enfant et que celle ci a, au contraire, souhaité que son identité ne soit

pas connue, aucune reconnaissance ou possession d'état n'ayant en conséquence existé ; encore, que l'action

n'est pas une contestation, prescrite, de l'immatriculation de l'enfant comme pupille de l'Etat , le 15 février

2006 ou de son placement, le 3 mai 2006, en vue de l'adoption ; que la cour d'appel a exactement déduit de

ces éléments, sans que la modification, par la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, de l'article 326 du code

civil soit susceptible de modifier cette situation, qu'en l'absence de filiation établie entre leur fille et C ..., les

époux X ..., n'avaient pas qualité pour intervenir à l'instance en adoption ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ; (…) PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Doc. 13. Cons Const. QPC 16 mai 2012

Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur

le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu la loi n° 2002-93 du 22 janvier

2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'État ; Vu le règlement du 4 février

2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de

constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Christel Corbeau-Di Palma,

avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 avril 2012 ; Vu les observations produites par le Premier

ministre, enregistrées le 10 avril 2012 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Corbeau-Di Palma,

pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience

publique du 10 mai 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ;

1.Considérant qu'aux termes de l'article L. 147-6 du code de l'action sociale et des familles : « Le conseil

communique aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 147-2, après s'être assuré qu'elles maintiennent

leur demande, l'identité de la mère de naissance : « - s'il dispose déjà d'une déclaration expresse de levée du

secret de son identité ; « - s'il n'y a pas eu de manifestation expresse de sa volonté de préserver le secret de

son identité, après avoir vérifié sa volonté ; « - si l'un de ses membres ou une personne mandatée par lui a

pu recueillir son consentement exprès dans le respect de sa vie privée ; « - si la mère est décédée, sous

réserve qu'elle n'ait pas exprimé de volonté contraire à l'occasion d'une demande d'accès à la connaissance

des origines de l'enfant. Dans ce cas, l'un des membres du conseil ou une personne mandatée par lui

prévient la famille de la mère de naissance et lui propose un accompagnement. « Si la mère de naissance a

expressément consenti à la levée du secret de son identité ou, en cas de décès de celle-ci, si elle ne s'est pas

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opposée à ce que son identité soit communiquée après sa mort, le conseil communique à l'enfant qui a fait

une demande d'accès à ses origines personnelles l'identité des personnes visées au 3° de l'article L. 147-2. «

Le conseil communique aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 147-2, après s'être assuré qu'elles

maintiennent leur demande, l'identité du père de naissance : « - s'il dispose déjà d'une déclaration expresse

de levée du secret de son identité ; « - s'il n'y a pas eu de manifestation expresse de sa volonté de préserver

le secret de son identité, après avoir vérifié sa volonté ; « - si l'un de ses membres ou une personne mandatée

par lui a pu recueillir son consentement exprès dans le respect de sa vie privée ; « - si le père est décédé,

sous réserve qu'il n'ait pas exprimé de volonté contraire à l'occasion d'une demande d'accès à la

connaissance des origines de l'enfant. Dans ce cas, l'un des membres du conseil ou une personne mandatée

par lui prévient la famille du père de naissance et lui propose un accompagnement. « Si le père de naissance

a expressément consenti à la levée du secret de son identité ou, en cas de décès de celui-ci, s'il ne s'est pas

opposé à ce que son identité soit communiquée après sa mort, le conseil communique à l'enfant qui a fait

une demande d'accès à ses origines personnelles l'identité des personnes visées au 3° de l'article L. 147-2.

« Le conseil communique aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 147-2 les renseignements ne

portant pas atteinte à l'identité des père et mère de naissance, transmis par les établissements de santé, les

services départementaux et les organismes visés au cinquième alinéa de l'article L. 147-5 ou recueillis auprès

des père et mère de naissance, dans le respect de leur vie privée, par un membre du conseil ou une personne

mandatée par lui » ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-6 du même code : « Toute femme qui demande, lors de son

accouchement, la préservation du secret de son admission et de son identité par un établissement de santé

est informée des conséquences juridiques de cette demande et de l'importance pour toute personne de

connaître ses origines et son histoire. Elle est donc invitée à laisser, si elle l'accepte, des renseignements sur

sa santé et celle du père, les origines de l'enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé,

son identité. Elle est informée de la possibilité qu'elle a de lever à tout moment le secret de son identité et,

qu'à défaut, son identité ne pourra être communiquée que dans les conditions prévues à l'article L. 147-6.

Elle est également informée qu'elle peut à tout moment donner son identité sous pli fermé ou compléter

les renseignements qu'elle a donnés au moment de la naissance. Les prénoms donnés à l'enfant et, le cas

échéant, mention du fait qu'ils l'ont été par la mère, ainsi que le sexe de l'enfant et la date, le lieu et l'heure

de sa naissance sont mentionnés à l'extérieur de ce pli. Ces formalités sont accomplies par les personnes

visées à l'article L. 223-7 avisées sous la responsabilité du directeur de l'établissement de santé. À défaut,

elles sont accomplies sous la responsabilité de ce directeur. « Les frais d'hébergement et d'accouchement

des femmes qui ont demandé, lors de leur admission dans un établissement public ou privé conventionné,

à ce que le secret de leur identité soit préservé, sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance

du département siège de l'établissement. « Sur leur demande ou avec leur accord, les femmes

mentionnées au premier alinéa bénéficient d'un accompagnement psychologique et social de la part du

service de l'aide sociale à l'enfance. « Pour l'application des deux premiers alinéas, aucune pièce d'identité

n'est exigée et il n'est procédé à aucune enquête. « Les frais d'hébergement et d'accouchement dans un

établissement public ou privé conventionné des femmes qui, sans demander le secret de leur identité,

confient leur enfant en vue d'adoption sont également pris en charge par le service de l'aide sociale à

l'enfance du département, siège de l'établissement » ;

3. Considérant que, selon le requérant, en autorisant une femme à accoucher sans révéler son identité et en

ne permettant la levée du secret qu'avec l'accord de cette femme, ou, en cas de décès, dans le seul cas où

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elle n'a pas exprimé préalablement une volonté contraire, les dispositions contestées méconnaissent le droit

au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale ;

4. Considérant qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la

Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère (...) la protection de la santé » ; qu'il est à tout

moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs

ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne

prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme.

Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée

par cet article implique le respect de la vie privée ; que le droit de mener une vie familiale normale résulte

du dixième alinéa du Préambule de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les

conditions nécessaires à leur développement » ;

6. Considérant, que les dispositions de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles

reconnaissent à toute femme le droit de demander, lors de l'accouchement, la préservation du secret de son

identité et de son admission et mettent à la charge de la collectivité publique les frais de son accouchement

et de son hébergement ; qu'en garantissant ainsi un droit à l'anonymat et la gratuité de la prise en charge

lors de l'accouchement dans un établissement sanitaire, le législateur a entendu éviter le déroulement de

grossesses et d'accouchements dans des conditions susceptibles de mettre en danger la santé tant de la mère

que de l'enfant et prévenir les infanticides ou des abandons d'enfants ; qu'il a ainsi poursuivi l'objectif de

valeur constitutionnelle de protection de la santé ;

7. Considérant que la loi du 22 janvier 2002 susvisée a donné une nouvelle rédaction de l'article L. 222-6

du code de l'action sociale et des familles afin, notamment, que les femmes qui accouchent en demandant

le secret de leur identité soient informées des conséquences juridiques qui en résultent pour l'enfant ainsi

que de l'importance, pour ce dernier, de connaître ses origines et qu'elles soient incitées à laisser des

renseignements sur leur santé, celle du père, les origines de l'enfant et les circonstances de sa naissance ;

que les dispositions de l'article L. 147-6 du même code, issues de cette même loi, organisent les conditions

dans lesquelles le secret de cette identité peut être levé, sous réserve de l'accord de la mère de naissance ;

que cet article confie en particulier au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles la tâche de

rechercher la mère de naissance, à la requête de l'enfant, et de recueillir, le cas échéant, le consentement de

celle-ci à ce que son identité soit révélée ou, dans l'hypothèse où elle est décédée, de vérifier qu'elle n'a pas

exprimé de volonté contraire lors d'une précédente demande ; que le législateur a ainsi entendu faciliter la

connaissance par l'enfant de ses origines personnelles ;

8. Considérant qu'en permettant à la mère de s'opposer à la révélation de son identité même après son

décès, les dispositions contestées visent à assurer le respect de manière effective, à des fins de protection

de la santé, de la volonté exprimée par celle-ci de préserver le secret de son admission et de son identité

lors de l'accouchement tout en ménageant, dans la mesure du possible, par des mesures appropriées, l'accès

de l'enfant à la connaissance de ses origines personnelles ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel,

de substituer son appréciation à celle du législateur sur l'équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère

de naissance et ceux de l'enfant ; que les dispositions contestées n'ont pas privé de garanties légales les

exigences constitutionnelles de protection de la santé ; qu'elles n'ont pas davantage porté atteinte au respect

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dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ; 9. Considérant que les articles L. 147-6 et

L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la

Constitution garantit,

D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 147-6 et L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles sont

conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la

République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre

1958 susvisée.

Doc. 14. Tableau comparatif des actions en contestation de filiation avant et depuis l’ordonnance

de 2005

DROIT ANTERIEUR à 2005

I. Actions prévues par le code

En cas de possession d’état conforme au titre L'article 322, al. 2ancien disposait : Nul ne peut contester

l'état de celui qui a une possession d'état conforme à son titre de naissance

Exceptions :

1) Désaveu de paternité légitime : 312 ancien

- ouvert au mari de la mère

- preuve par tous moyens qu’il n’est pas le père

- dans les 6 mois de la naissance

2) Contestation de paternité légitime aux fins de légitimation : art. 318 ancien

-ouverte à la mère remariée avec le véritable père

-dans les 6 mois du remariage et à la condition que l’enfant n’ait pas atteint l’âge de 7 ans

-Preuve de la non paternité du premier mari et de la paternité du second

-Peu importe que l’enfant ait la possession d’état d’enfant légitime à l’égard du premier mari et ne l’ait pas

à l’égard du second (Civ. I, 16 février 1977)

II. Actions instaurées par la jurisprudence

Lorsque le titre et la possession d’état ne sont pas conformes

1) Action en contestation de paternité légitime sur le fondement de 334-9 a contrario (Civ. I 9 juin 1976)

-filiation légitime établie que par un titre, mais sans possession d'état conforme, il pouvait faire l'objet d'une

reconnaissance de la part d'un autre homme que le mari de la mère

-donne lieu à un conflit de filiation : la filiation de l’enfant est établie par la présomption de paternité à

l’égard du mari et par la reconnaissance à l’égard d’un tiers

-action en contestation doit être intentée pour régler le conflit par tout intéressé, délai de trente ans

-preuve par tous moyens de la filiation

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Cours de droit de la famille – Université Cergy-Pontoise – Cours de Madame Maïté Saulier – Année 2016-2017

2) Action en contestation de paternité légitime sur le fondement de 322, al. 2 ancien a contrario (Civ. I, 27

février 1985)

- toute personne peut contester l'état de celui qui n'a pas une possession d'état conforme à son titre de

naissance.

-délai de trente, preuve de la non paternité par tous moyens

Contestation de la reconnaissance 339 ancien

-par toute personne qui y ont intérêt y compris par son auteur. Quand la reconnaissance était corroborée

par une possession d’état ayant duré 10 ans au moins depuis la reconnaissance, aucune contestation n’était

possible, sauf de la part de l’autre parent, de l’enfant lui-même ou de ceux qui se prétendent les parents

véritables.

REFORME DE 2005

L’article 320 nouveau du Code civil interdit d’établir une filiation qui contredirait un premier lien légalement

établi.

I. Possession d’état conforme au titre

1) Aucune contestation si durée de cinq ans

Aucune contestation n’est possible lorsque la possession d’état conforme au titre a duré cinq ans depuis la

naissance ou la reconnaissance (333, al. 2 nouv. c. civ.).

2) Contestation limitée

Lorsque le titre est corroboré par une possession d’état de moins de cinq ans, une action en contestation

pourra être intentée par l’enfant, son père ou sa mère ou encore celui qui se prétend le parent véritable

(333, al. 1 nouv. c. civ.) et ce dans les cinq ans à compter du jour ou la possession d’état a cessé.

II. Défaut de possession d’état et titre conforme

A défaut de possession d’état conforme au titre, tout intéressé peut intenter une action en contestation

dans un délai de dix ans (334 nouv. c. civ.).

I. Contestation de la filiation établie par seule possession d’état : art. 335

Par tout intéressé en rapportant la preuve contraire dans un délai de 10 ans à compter de l’acte de notoriété

II. Cas particulier de l’article 336-1 C. civ.

Conflit avec reconnaissance paternelle prénatale

Doc. 15 : Civ. 1ère, 24 février 2011, n°10-40068

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

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Les dispositions de l'article 333 du code civil sont-elles conformes aux droits et libertés

constitutionnellement garantis et en particulier au principe d'égalité des articles 1er et 6 de la Déclaration

des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au droit à un recours effectif de l'article 16 de ladite

Déclaration et au droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l'article 2 de cette Déclaration ?

Attendu que la disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le

dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Attendu que la question ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le

Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application n'est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux, en ce que l'article 333 du code civil,

qui réglemente les conditions et les délais de l'action en contestation de la filiation, répond à une situation

objective particulière dans laquelle se trouvent toutes les personnes bénéficiant d'une possession d'état, en

distinguant selon la durée de celle-ci, afin de stabiliser leur état, dans un but d'intérêt général et en rapport

avec l'objet de la loi qui a recherché un équilibre entre les composantes biologique et affective de la filiation,

dans le respect de la vie privée et familiale des intéressés ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de

constitutionnalité.

Doc. 16 : Civ. 1ère, 6 juillet 2016 – contrôle de proportionnalité et article 333 du Code civil

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2015), que Daniel X...est né le 4 novembre 1950 d'Yvette Y...et de Louis X..., décédé le 2 décembre 1976 ; que, par un testament olographe du 7 juin 2002, René Z...a reconnu « son petit neveu », Daniel X..., comme son fils et l'a institué légataire universel ; que ce testament a été révoqué par un testament authentique reçu le 11 février 2009, dans lequel René Z...instituait comme légataires son neveu, Bernard Z..., à hauteur de 60 %, d'une part, Antoine X...et Julien X...(fils de Daniel X...), chacun à hauteur de 20 %, d'autre part ; que René Z...est décédé le 11 septembre 2009 ; qu'estimant être le fils biologique de ce dernier, Daniel X...a, le 24 novembre 2011, assigné sa mère ainsi que les autres ayants droit de Louis X...aux fins de contestation de la paternité de celui-ci à son égard ; que, parallèlement, il a fait assigner Bernard Z..., pris en sa qualité de légataire universel de René Z..., ainsi que les autres légataires universels de ce dernier, aux fins d'établissement de sa paternité à son égard ; que les deux instances ont été jointes par le tribunal qui a déclaré l'action irrecevable comme prescrite ; qu'après avoir relevé appel de ce jugement, Daniel X...est lui-même décédé en cours d'instance, le 1er décembre 2014 ; que l'action a été reprise par ses héritiers ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur les trois dernières branches du moyen :

Attendu que MM. Antoine et Julien X...et Mme Danièle A...veuve X...(les consorts X...) font grief à l'arrêt de constater l'expiration du délai quinquennal d'exercice de l'action en contestation de paternité et de déclarer cette action irrecevable alors, selon le moyen :

1°/ qu'en considérant, pour retenir que l'application en l'espèce des règles de prescription ne portait pas atteinte au droit au respect de la vie privée, que l'action reprise par les consorts X...ne poursuivait qu'un intérêt patrimonial, après avoir pourtant constaté que MM. Antoine et Julien X...étaient les fils de Daniel X..., ce dont il résultait que l'impossibilité de faire établir, au

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travers de celle de leur père, leur ascendance portait une atteinte directe à leur vie privée, la cour d'appel a violé les articles 333du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ subsidiairement, qu'en considérant, pour retenir que l'application en l'espèce des règles de prescription ne portait pas atteinte au droit au respect de la vie privée, que l'ascendance de Mme Danièle A..., veuve X...n'était pas en cause, quand la veuve dispose nécessairement d'un intérêt personnel, relevant du respect de sa vie privée, à faire établir la filiation de son défunt mari, la cour d'appel a violé les articles 333 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamen-tales ;

3°/ et en tout état de cause, que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que les règles qui restreignent le droit d'une personne à voir établie sa filiation biologique portent atteinte au respect dû à sa vie privée et familiale ; qu'en jugeant pourtant que l'application des règles de prescription prévues par l'article 333 du code civil, qui enferment dans un délai de cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé l'action en contestation de paternité, préalable nécessaire à l'action aux fins d'établissement de paternité, et qui font obstacle à une telle action lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, ne portait pas au droit au respect de la vie privée une atteinte justifiant d'écarter ces règles, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'abord, que, si l'application d'un délai de prescription ou de forclusion, limitant le droit d'une personne à faire reconnaître son lien de filiation paternelle, constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la fin de non-recevoir opposée aux consorts X...est prévue à l' article 333 du code civil et poursuit un but légitime, en ce qu'elle tend à protéger les droits et libertés des tiers ainsi que la sécurité juridique ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté, d'une part, que Daniel X..., dont la filiation paternelle était concernée, était décédé au jour où elle statuait ; qu'elle a relevé, d'autre part, que ses descendants ne soutenaient pas avoir subi, personnellement, une atteinte à leur vie privée du fait de l'impossibilité d'établir, au travers de celle de leur père, leur ascendance ; qu'après avoir retenu que cette considération était sans objet s'agissant de sa veuve, dont l'ascendance n'était pas en cause, elle en a déduit que l'action engagée par les consorts X...ne poursuivait qu'un intérêt patrimonial ; qu'en l'état de ces énonciations, elle a pu décider que l'application des règles prévues à l'article 333 du code civil ne portait pas au droit au respect de leur vie privée une atteinte excessive au regard du but légitime poursuivi, justifiant que ces règles fussent écartées et que l'action fût déclarée recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Doc. 17. Civ. 1ère, 1er février 2017

Quelques remarques - Forclusion : « Sanction qui frappe le titulaire d’un droit ou d’une action pour défaut d’accomplissement dans le délai légal, conventionnel ou judiciaire, d’une formalité lui incombant, en interdisant à l’intéressé forclos d’accomplir désormais cette formalité, sous réserve des cas où il peut être relevé de forclusion ». Un délai de forclusion est aussi appelé délai préfix. À l’inverse du délai de prescription, le délai de forclusion ou le délai préfix n’est en principe pas susceptible de suspension (V. art. 2220 C. civ.).

L’arrêt est ici relatif à l’article 333, al. 2 du Code civil : « Nul, à l’exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d’état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement ». Traditionnellement, ce délai est considéré comme un délai préfix ou de forclusion. Il n’est donc pas susceptible de suspension, ce qui veut dire que l’enfant mineur ne voit pas ce délai suspendu pendant sa minorité. Quant au point de savoir si ce délai est susceptible d’être interrompu par une action en justice, l’arrêt qui suit nous donne quelques pistes de réponses, la réponse est oui. Encore faut-il, comme on le voit ici , que l’action soit dirigée contre les bonnes personnes.

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2015), que Noé A... a été inscrit sur les registres de l’état civil comme étant né le [...] de M. A... et Mme Y..., qui l’avaient reconnu avant sa naissance ; que M. X... a assigné M. A... en contestation de paternité le 14 novembre 2012, puis la mère de l’enfant, en qualité de représentante légale, le 28 février 2013 ; qu’un jugement du 17 décembre suivant a désigné un administrateur ad hoc aux fins de représenter l’enfant ;

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Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... et M. X... font grief à l’arrêt de déclarer l’action en contestation de paternité irrecevable alors, selon

le moyen, que les délais de prescription comme de forclusion peuvent être interrompus par une demande en justice ; qu’en affirmant que le délai

quinquennal prévu par la loi était un délai de forclusion pour en déduire qu’il était insusceptible d’interruption et de suspension et qu’il n’avait

donc pu être interrompu par l’assignation délivrée le 14 novembre 2012, la cour d’appel a violé les articles 333, alinéa 2, et 2241 du code civil ;

Mais attendu que, si le délai de forclusion prévu par l’article 333, alinéa 2, du code civil peut être interrompu par une

demande en justice, conformément à l’alinéa premier de l’article 2241 du même code1, l’action en contestation de paternité

doit, à peine d’irrecevabilité, être dirigée contre le père dont la filiation est contestée et contre l’enfant ; que, la cour d’appel

ayant constaté que Noé A... n’avait pas été assigné dans le délai de cinq ans suivant sa naissance, il en résulte que l’action

était irrecevable, l’assignation du 14 novembre 2012, dirigée contre le seul père légal, à l’exclusion de l’enfant, n’ayant pu

interrompre le délai de forclusion ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l’article 1015 du code

de procédure civile2, à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme Y... et M. X... font le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, que l’auteur de la contestation soutenait que la

Convention européenne des droits de l’homme faisait prévaloir, en matière de filiation, la mise en conformité de la filiation juridique à la réalité

biologique, et que les règles de prescription ou la conformité du titre et de la possession d’état ne pouvaient faire échec à son droit au recours devant

les tribunaux tendant à privilégier la réalité biologique sur la filiation juridique ; qu’en affirmant que n’était pas contraire à l’intérêt supérieur

de l’enfant la décision du législateur qui, à l’expiration d’une période de cinq ans pendant laquelle le père juridique s’est comporté de façon

continue, paisible et non équivoque comme le père de l’enfant, avait fait prévaloir la vérité sociologique en ne permettant pas de rechercher quel

était le père biologique, sans rechercher si, en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme, celui qui se prétendait être le père avait le

droit de faire primer la vérité biologique, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde

des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que M. X... s’est borné, dans ses conclusions d’appel, à invoquer la prééminence de la vérité biologique ;

qu’après avoir constaté la possession d’état de l’enfant à l’égard de M. A..., l’arrêt énonce que le législateur a choisi de faire

prévaloir la réalité sociologique à l’expiration d’une période de cinq ans pendant laquelle le père légal s’est comporté de

façon continue, paisible et non équivoque comme le père de l’enfant, ce qui ne saurait être considéré comme contraire à

l’intérêt supérieur de celui-ci ; que la cour d’appel, qui a ainsi procédé à la recherche prétendument omise, a légalement

justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

1 Ce texte prévoit la règle suivante : « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ». 2 Le président de la formation ou le conseiller rapporteur doit aviser les parties des moyens susceptibles d'être

relevés d'office et les inviter à présenter leurs observations dans le délai qu'il fixe. Il en est de même lorsqu'il envisage de rejeter un moyen par substitution d'un motif de pur droit relevé d'office à un motif erroné ou lorsqu'il est envisagé de prononcer d'office une cassation sans renvoi.