98
Programme ESC Promotion 2010 / 2011 IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES D’IMPLANTATION: CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES EN RUSSIE. Mémoire de fin d’études présenté et soutenu publiquement le 15 septembre 2011 par Emilie JACQUEMIN Membre du Jury : Directeur du Mémoire : Irina SUSSIN, responsable du pôle Langues et Civilisations / Professeur de russe

IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

Programme ESC

Promotion 2010 / 2011

IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES

D’IMPLANTATION:

CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES

EN RUSSIE.

Mémoire de fin d’études présenté et soutenu publiquement le 15 septembre 2011

par Emilie JACQUEMIN

Membre du Jury :

Directeur du Mémoire : Irina SUSSIN, responsable du pôle Langues et

Civilisations / Professeur de russe

Page 2: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

1

Remerciements

L’élaboration de ce mémoire de fin d’études n’aurait pas été possible sans l’aide de

plusieurs personnes.

Je tiens tout d’abord à remercier Irina SUSSIN, mon directeur de mémoire qui a su me

soutenir tout au long de ce travail et me donner les indications nécessaires pour réussir mon

mémoire de fin d’études.

J’ai également envie de la remercier pour m’avoir tout simplement permis de

découvrir la Russie, lors des cours de russe durant ma première année au sein du groupe Sup

de Co La Rochelle. Sans sa passion pour ce pays et mes expériences sur le territoire russe, ce

mémoire de fin d’études n’aurait certainement jamais traité de ce sujet et de cet étonnant pays.

Ensuite, je n’aurais jamais pu faire aboutir mon analyse sans l’aide de Denis JULIEN,

Directeur Technique du groupe MALTEUROP et de Pierre-Louis GRAS, Directeur

Marketing du groupe ADEO. Ils m’ont permis, grâce à leurs précieuses réponses,

d’approfondir mon étude exploratoire et de tirer des conclusions sur un sujet qui est encore

peu étudié jusqu’à présent. J’insiste sur la gentillesse et la patience dont ils ont fait preuve en

m’accordant de leur temps.

Je tiens également à remercier mes collègues de travail du groupement des

MOUSQUETAIRES, qui ont su me soutenir moralement durant tous ces mois de recherches

et de travail.

Pour finir, je remercie Nadège PETEUIL ainsi que Philippe LE PAGE qui ont

participé à la relecture de ce mémoire de recherches.

Page 3: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

2

Résume / Abstract

Résumé

« Les conflits involontaires naissent souvent de rencontres interculturelles»

(HOFSTEDE et MINKOV, 2010). Les raisons sont multiples, mais toutes liées à la

problématique du management interculturel. L’étude ci-dessous est dédiée à la compréhension

des difficultés que les entreprises françaises rencontrent lorsqu’elles souhaitent s’implanter

en Russie. Ce pays, connu pour ses prouesses économiques et ses nouveaux riches, mais aussi

pour son Histoire soviétique, sa vodka et ses chapkas, est devenu le pays de toutes les

convoitises des entrepreneurs internationaux. Ce pays mystérieux et chaleureux, à seulement

4h de vol de la France, a pourtant fait chuter plus d’une entreprise française lors des tentatives

de pénétration de son marché. L’analyse ci-dessous relève plus particulièrement des

difficultés liées à la gestion du facteur humain et à l’importance d’une gestion internationale

des Ressources Humaines ainsi que des choix stratégiques pour réussir son implantation en

Russie. Les raisons des succès français tels qu’Yves Rocher, Danone, Auchan et L’Oréal

seront évoqués pour illustrer la revue de la littérature des grands auteurs. Par la suite, les

implantations de Leroy Merlin et de Malteurop en Russie seront étudiées et la gestion de leurs

Ressources Humaines analysée. Les propositions de recherches dégagées de cette étude seront

alors validées par une étude exploratoire du sujet.

Mots-clés :

Culture, Implantation, Management Interculturel, Russie, Gestion des Ressources Humaines

Abstract

“Involuntary conflicts are often due to intercultural situations”. The reasons of these

issues are multiples, but all are linked in a way or another to intercultural management. The

goal of the following study is to understand the difficulties the French companies can meet

when they try to establish themselves in Russia. Everyone knows Russia for its economic

boom, its new wealthy people, its soviet History, its vodka, its “chapkas” and become a land

of desire for lots of international entrepreneurs … Nevertheless, this mysterious and warm

country, only at 4 hours flight from France, often brings down French companies when they

try to penetrate this market. The following analysis especially point out to difficulties of the

Human Resources’ management and the importance to think global to manage the

International Human resources to succeed in the establishment. The French successful

Page 4: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

3

establishment’s stories such as Yves Rocher, Danone, Auchan and L’Oréal will be mentioned

in the goal to illustrate the authors’ theories. In the objective to validate or to refute the

theoretical frame, the study will also present two French establishments in details: the case of

Malteurop and Leroy Merlin. Their Human Resources’ management will be analyzed and the

exploratory researches will help us to conclude on our initial hypothesis.

Key-words:

Culture, Establishment, Intercultural Management, Russia, Human Resources’ Management

Page 5: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

4

SOMMAIRE

INDEX DES SIGLES ET ABBREVIATIONS ...................................................................... 5

INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................ 6

I. ENTREPRISES FRANCAISES ET CONTEXTE RUSSE : REVUE DE LA

LITTERATURE ..................................................................................................................... 10

A. Culture d’organisation VS Culture nationale ................................................................ 10

B. L’Implantation : une adaptation humaine nécessaire .................................................... 22

C. Facteurs clés de réussite en Russie ................................................................................ 30

II. ETUDE EXPLORATOIRE ........................................................................................... 43

A. Champ d’application de l’étude .................................................................................... 43

B. La méthodologie suivie ................................................................................................. 46

C. Le contre-rendu d’entretien ........................................................................................... 47

D. Les résultats : Les clés de réussite d’une implantation française en Russie ................. 60

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................... 62

ANNEXES ............................................................................................................................... 65

INDEX DES TABLEAUX ET FIGURES ............................................................................ 89

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 90

TABLEAUX DES MATIERES ............................................................................................. 95

Page 6: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

5

Index des sigles et abréviations

GIRH : Gestion Internationale des Ressources Humaines

GRH : Gestion des Ressources Humaines

IDE : Investissement Direct à l’Etranger

PME : Petites et Moyennes Entreprises

RH : Ressources Humaines

TPE : Très Petites Entreprises

URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques

Page 7: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

6

Introduction Générale

« L’objectif n’est pas de faire changer tel ou tel mais de créer des conditions pour

que chacun se mette à agir différemment ». Cette citation, extraite de « Les Interactions par-

delà les frontières culturelles » (FORTHOMME et ANDRYUSHCHENKO, 2007) amène la

problématique de la nécessité pour les individus de s’adapter à l’environnement mouvant de la

société actuelle.

En effet depuis les années 70, le commerce international et les échanges entre les pays

ne cessent de se développer. L’ouverture des frontières a permis une plus grande liberté de

circulation des capitaux, des marchandises et des Hommes. Ces mouvements internationaux

ont mené à la découverte de nouvelles cultures et à la mixité des peuples.

La mondialisation est aujourd’hui indispensable au bon développement d’un pays. Un

système d’échanges est né : un Etat A se spécialise dans un ou plusieurs secteur(s) afin de

faire des économies d’échelle et commercialise ainsi sa production dans le pays B qui est lui-

même spécialisé dans un autre secteur. Les exemples sont multiples, mais celui qui est

développé ici est celui de la France et de la Russie : pour ne citer qu’un exemple d’échanges,

la Russie et l’un des leaders mondiaux dans la production gazière ; la France quant à elle est

reconnue pour ses produits de luxe tels que les cosmétiques ou le vin.

Afin de profiter des biens produis dans les deux pays, les Hommes ont appris à

échanger avec les pays du monde entier et c’est ainsi qu’est né le principe de globalisation des

marchés.

Avant d’aborder le sujet plus en détail, il est important de définir certains concepts.

Tout d’abord, une implantation à l’étranger est définie comme « des délocalisations et des

implantations de nouveaux sites à l’étranger sans réduction d’activité en France en

contrepartie » (PLIQUET et RIEDINGER, 2008). Ensuite, ce concept implique une mixité

des Hommes et des cultures. La culture est un « ensemble de significations, valeurs et

croyances de nature collective et dotées d’une certaine durabilité qui caractérisent un groupe

d’individus sur une base nationale, ethnique ou autre et orientent leurs conduites» (FAURE

Guy-Olivier, 2004); elle peut être nationale ou organisationnelle. Pour faire collaborer des

individus d’origines différentes, il est important d’adopter un management interculturel, qui se

Page 8: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

7

définit comme l’ « ensemble des stratégies ou modes de gestion des hommes ou des marchés

qui prennent en compte les cultures nationales des interlocuteurs» (THERY Benoit, 2002).

Pour finir, ce management interculturel ne peut être établit qu’avec une bonne gestion

internationale du facteur humain, qui est définie (SEKIOU, BONDIN et ale, 2004) comme

l’ensemble des techniques de gestion du personnel qu’une entreprise, qui souhaite se

positionner internationalement, doit maitriser pour obtenir une place favorable dans le

contexte de globalisation actuel.

Le choix des pays de l’étude résulte de mes différentes expériences en Russie et du

manque de connaissance qu’ont les Français sur cette culture. L’objectif est de démontrer que

malgré les différences culturelles qui séparent les deux pays, les relations commerciales sont

possibles et peuvent même aboutir à de réelles réussites.

Il était d’autant plus naturel pour moi de choisir le sujet de l’implantation d’entreprises

françaises en Russie que j’ai effectué mon stage de césure au sein du groupe français

Malteurop (malterie) à Belgorod (ville de l’Ouest, située à la frontière de l’Ukraine). Etant la

seule française de la filiale russe, j’ai ainsi pu me fondre dans la culture russe et comprendre

l’importance d’une bonne gestion du facteur humain lorsque deux cultures différentes se

rencontrent.

La deuxième raison de ce sujet est issue une fois de plus de mes deux expériences sur

le territoire russe (la première était une expatriation universitaire à Petrozavodsk, au nord

ouest, près de la Finlande). En effet, je me suis rendue compte d’une véritable contradiction

entre l’image souvent négative que reflète le pays et la réalité russe. Des personnes,

considérées comme dures, ayant un caractère froid et fermé aux autres sont au contraire des

hommes d’affaires soucieux du bien-être de leur hôte et qui cherchent à créer des liens

amicaux.

Pour toutes ces raisons, il serait selon moi intéressant de connaitre « Quelle est

l’importance du facteur humain et des stratégies d’entreprises dans le cas

d’implantation d’entreprises françaises en Russie ? »

A travers cette problématique, il serait utile d’observer si la gestion du facteur humain

est identique en France et en Russie. Plusieurs questions se posent alors : Les différences de

management ont-elles un impact majeur ou secondaire dans la réussite d’une implantation ?

Selon la réponse, quelles pourraient être les raisons de ces différences de management ?

Page 9: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

8

Deux propositions de recherche se posent face à cette problématique.

- Un management interculturel efficace permet de réduire les problèmes de

communication lors d’une implantation française en Russie,

- Le facteur humain est l’élément majeur à prendre en considération lors d’une

implantation à l’étranger.

Dans le but de confirmer ces propositions de recherche, l’étude est composée d’une

partie théorique illustrée par des cas d’implantations françaises en Russie et par mes propres

expériences et d’une partie empirique, basée sur les résultats d’une étude qualitative posée

auprès de managers franco-russes ainsi que des témoignages d’entrepreneurs français.

Dans un premier temps, il est utile de définir précisément la différence entre culture

d’organisation et culture nationale. Cette dernière présentera la culture russe au quotidien afin

d’étudier les différences de comportement, les habitudes et la vision du peuple russe par

rapport aux Français. Ensuite, ce point sera approfondi par l’analyse des relations d’affaires et

les divergences visibles entre les deux pays.

Cette première partie mène vers deux nouveaux termes liés à la culture :

l’implantation et l’adaptation humaine nécessaire. Tout d’abord, il serait judicieux d’observer

l’impact du facteur humain dans l’entreprise sur une implantation géographique. Ce sujet

permet d’en déduire l’importance d’une gestion internationale des Ressources Humaines.

Pour finir cette partie théorique, il est nécessaire d’établir les facteurs clés de réussite

lors d’une implantation française en Russie. Il en existe deux types : les choix stratégiques,

qui peuvent être déterminants pour l’avenir de l’entreprise et l’aptitude au management que

doivent posséder les responsables de l’implantation. Ces facteurs de réussite seront ensuite

illustrés par des cas d’implantations françaises en Russie.

La deuxième partie consiste à l’analyse des enquêtes menées pour valider ou réfuter

les hypothèses extraites de la revue de la littérature. Elle sera menée sous forme d’étude

exploratoire.

Dans un premier temps, les champs d’application de l’étude seront exposés : l’analyse

portera sur la gestion du facteur humain et des différences culturelles au sein de Malteurop et

de Leroy Merlin, deux entreprises françaises implantées en Russie. Elles correspondant

respectivement au secteur industriel et au secteur de la distribution.

Ensuite, la méthodologie utilisée permettra de comprendre le choix de la démarche

d’investigation et quel en est son but.

Page 10: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

9

Le contre-rendu d’enquête viendra par la suite illustrée la méthodologie choisie en

suivant deux analyses : premièrement une analyse méthodologique de l’entretien, dans le but

de critiquer le déroulement des entretiens et deuxièmement une analyse sociologique qui

permettra d’étudier la problématique selon trois axes d’analyses.

Pour finir, les résultats extraits du contre-rendu des enquêtes permettront de proposer

des facteurs clés de succès pour réussir son implantation en Russie.

Page 11: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

10

I. Entreprises françaises et contexte russe :

revue de la littérature

A. Culture d’organisation VS Culture nationale

1. La culture d’organisation : une nécessité pour l’entreprise

a) Définition et mise en place d’une culture d’organisation

SLOBODSKOI et KRYLOV (SLOBODSKOI et KRYLOV, 2005) définissent la

culture d’organisation comme « les valeurs partagées par l’ensemble de son effectif ou, au

minimum, par les instances dirigeantes. […] La rencontre des cultures représente ainsi un

échange de réactions différentes sur les situations communes». Cette définition met en avant

le fait que la mixité des valeurs fait naître une culture d’organisation spécifique à chaque

entreprise. Une culture d’entreprise est créée à partir du moment ou des individus se

retrouvent en groupe, qu’ils soient au sein d’une entreprise nationale ou internationale. Cette

culture d’organisation n’est pas figée et évolue en fonction de ses acteurs. Cette cohérence de

groupe verra le jour seulement si tous les individus impliqués partagent les mêmes valeurs.

Je rejoins la position de SEKIOU, BONDIN et ale. (SEKIOU, BONDIN et ale, 2004,)

lorsqu’ils affirment que la culture d’entreprise fonctionne grâce à un mélange d’implication

individuelle et d’implication collective : c’est-à-dire, d’une part grâce à l’importance de tous

les individus pris séparément et d’autre part des atouts qu’ils apportent lors d’actions

communes. Chaque employé apporte un plus à l’entreprise, fait part de ses expériences

antérieures et aide à construire l’entreprise grâce à son passé. Mais il faut aussi prendre en

considération le groupe dans son ensemble et de la création de valeurs qui en résulte. Lorsque

les individus se retrouvent ensemble, ils créent sans même s’en apercevoir une force qui

pousse l’entreprise à évoluer. Bien entendu, une culture d’organisation comme décrite ci-

dessus n’est possible que si les membres de la société sont pris en considération et se sentent

impliqués dans l’entreprise.

Page 12: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

11

Je rejoins également la position de Jocelyne ROBERT (ROBERT Jocelyne, 2007) sur

l’idée que l’implantation d’une véritable culture d’entreprise soit construite autour de trois

pôles :

- Un objectif commun : tous les employés doivent avoir une vision globale de

l’entreprise. L’objectif de l’entreprise doit être compris par tous et vécu comme un

enjeu, une volonté de réussir par tous les membres.

- Des outils de communication : La direction d’entreprise doit accorder de l’importance

à la communication interne et externe de l’entreprise. En interne, il est important de

partager les informations avec toute l’organisation, que ce soit via des documents

rédigés par un service de l’entreprise (newsletter à destination des employés, des

synthèses sur l’activité de l’entreprise…) que par des séminaires.

En externe, l’entreprise doit communiquer pour montrer une image positive du

groupe ; dans cette situation, les employés ne seront que motivés pour continuer à faire

évoluer la société et pour conserver cette fierté d’y travailler.

- Transmettre le projet : La vision commune de l’entreprise doit être enseignée aux

managers de manière à ce qu’ils comprennent les enjeux et les transmettent aux

employés pour qu’ils ressentent ces objectifs communs et y travaillent pour y parvenir.

b) Le rôle d’une culture d’organisation à l’international

Toute culture d’organisation est difficile à mettre en place mais celle qui demande le

plus d’attention est la mise en place d’une culture au sein d’une multi nationale.

En effet, dans un même pays, plusieurs origines se côtoient, entrainant une différence

de valeurs entre les individus ; cependant, il existe une certaine similitude à travers la culture

nationale du pays.

Lors d’une implantation à l’étranger, l’entreprise est un jour ou l’autre amenée à

employer des salariés locaux et c’est alors qu’apparaît un réel mixte des cultures. Dans cette

situation, établir une culture d’organisation devient une obligation pour faire naître une

cohérence parmi les individus et créer des valeurs d’entreprise communes.

Cependant, la création d’une culture d’organisation à l’international prend plus de

temps et demande plus de travail. Un problème se pose : la création d’une véritable culture

d’entreprise est indispensable au-delà des frontières, mais pose de réelles difficultés à mettre

en place.

Page 13: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

12

Un autre paramètre entre en jeu dans la difficulté d’enseigner une culture d’entreprise

à l’international : celui de la différence de cultures entre le pays d’origine et le pays

d’implantation. En effet, une entreprise européenne qui décide de s’implanter dans un autre

pays européen ne sera pas confrontée à une grande différence culturelle. En revanche, si cette

même entreprise européenne décide de s’implanter en Asie par exemple, la culture

d’organisation prendra beaucoup de temps à mettre en place.

C’est pourquoi le fossé entre les différentes cultures nationales est à prendre en

considération avant de s’implanter à l’étranger.

2. Culture nationale : France VS Russie

a) Au quotidien

Il suffit qu’un Français parte en Russie pour découvrir à la minute de son entrée sur le

territoire les premières différences culturelles. Les deux pays ont deux historiques différents :

l’un a connu les restrictions et la dureté de l’époque soviétique et a pu ouvrir ses frontières il y

a seulement vingt ans ; l’autre, l’un des pionniers de la création de l’Europe est concentré

depuis plus de quarante ans sur son développement.

Ces différents passés ont engendré des traditions et valeurs traduisant leur vécu. Outre

l’aspect historique d’un pays, de nombreux autres facteurs orientent sa culture : le climat, les

croyances, la localisation géographique… Tous ces paramètres ont eu et ont une importance

sur les cultures nationales.

Il faut bien comprendre que la vie des Russes a toujours été compliquée: le pays connu

plus de temps de guerre que d’années de paix. Les conflits avec les peuples frontaliers se sont

enchainés durant des siècles, entrainant de lourdes pertes humaines. Puis, vint l’époque

soviétique qui fut une période de restrictions, d’obéissance et d’isolement par rapport au reste

du monde. Mais ces faits historiques ne sont pas les seuls facteurs qui renforcèrent le

caractère des Russes : le climat y est également pour beaucoup. Habitués à vivre dans des

conditions souvent rudes (surtout en Sibérie), les Russes ont appris à vivre et à vaquer à leurs

activités habituelles malgré les températures (elles peuvent descendre jusqu’à -40 ou -50°C en

hiver). Ces conditions de vie ont endurcis leur caractère. L’image qu’ils reflètent aujourd’hui

aux yeux des étrangers, et notamment ceux des Français est celle de personnes froides,

moroses, non accueillantes. A première vue, et selon Alla SERGUEEVA (SERGUEEVA

Alla, 2006) le pays tout entier donne l’impression d’une population non chaleureuse. En effet,

Page 14: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

13

j’ai un souvenir négatif de mon arrivée à Moscou : que ce soit à la douane, dans la rue ou

encore à la gare ferroviaire, personne ne parlait anglais, on me dévisageait avec un regard

froid et les gens ne faisaient aucun effort pour essayer de m’aider. J’ai eu l’impression que les

étrangers n’étaient pas les bienvenus en Russie…

De part leur passé, les Russes se sont construits une culture bien à eux : En Russie, il

existe une véritable conscience russe, celle d’être comme tout le monde. Les Russes n’aiment

pas se faire remarquer et préfèrent passer inaperçus plutôt que d’attirer l’attention. Les

Français quant à eux sont plus exubérants ; lors de promenades dans les villes françaises, il

n’est pas rare de trouver des personnes habillées de façon étrange, de telle sorte à être vu ; au

contraire, les tenues vestimentaires en Russie sont plus discrètes et passe-partout.

Cependant, cette conscience russe est en train de s’effacer avec l’apparition d’une part

des nouveaux riches et d’autre part avec l’ouverture des frontières. En Russie, contrairement à

la France, il est important et même tout à fait naturel de montrer sa réussite et de l’étaler aux

yeux de tous : vêtements de haute couture, voitures de luxe, maisons hors norme… Les

nouveaux riches russes sont reconnaissables à travers le monde pour cet étalage de richesses.

Ce côté démonstratif des Russes est lié à leur fatalisme : ils croient au destin et pensent

que rien de pourra le modifier. Dans cette logique, il ne sert donc à rien de cacher ses

richesses ; s’ils doivent se faire voler, cela arrivera, quoi qu’il advienne ; c’est en ce sens que

les Russes et les Français sont différents : ces derniers ne croient pas au destin et pensent

pouvoir orienter leur vie. Toujours selon l’exemple de la richesse et du luxe apparent, les

Français cachent leur réussite pour éviter les jalousies et d’attirer les regards des personnes

mal intentionnées.

Ce fatalisme en Russie est le résultat du passé : les habitants ont connu beaucoup

d’années difficiles sans pouvoir intervenir pour faire changer le cours de leur existence ; pour

ne pas s’effondrer, les Russes se sont rattachés au destin et sont devenus fatalistes, se disant

qu’ils ne pouvaient rien changer mais seulement espérer qu’un jour leur vie deviendra

meilleure.

Leur gestion du temps est liée à cette fatalité. En effet, cette différence est due à une

différence de perception de la vie et de l’importance de la vie personnelle au quotidien.

D’une manière générale, pour les Européens le temps est fixé en fonction des buts et

objectifs à réaliser. Lorsqu’ils sont face à un objectif, ils organisent leur vie par rapport à cet

Page 15: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

14

objectif. Les Russes quant à eux ont une notion du temps qui varie en fonction des

événements et des personnes. C'est-à-dire que l’objectif final peut être modifié selon les

imprévus qui ont lieu que ce soit dans leur vie personnelle ou professionnelle.

Cette distinction de la prise en compte du facteur temps dans ces deux cultures met en

avant une totale opposition : les Français ont tendance à passer pour des personnes rigides et

beaucoup trop intéressés par le but final d’une affaire aux yeux des Russes. Alors que ceux-ci

apparaissent auprès des Français comme des personnes sans parole et à qui l’on ne peut faire

confiance. Ces conflits sont tout simplement dû à une signification différente de la vie : les

Russes profitent du moment présent, s’intéressent aux personnes et prennent le temps qu’il

leurs faut pour conclure une affaire, tandis que les Français sont des personnes plus stressées

et rigides dans le suivi des règles.

Cette différence s’explique par la perception de la vie d’un pays à l’autre. Les Russes

croient au destin. Ils font des projets sur le court terme, ce qui les amène à choisir leurs

priorités : c’est pourquoi aujourd’hui, lorsqu’un événement (heureux ou malheureux) parvient

dans la vie personnelle d’un Russe, il choisira de prioriser sa vie personnelle à sa vie

professionnelle. Il ne faut pas entendre par là qu’ils ne s’impliquent pas dans leur travail ou

qu’ils ne tiennent pas leur parole : les Russes partent du principe que les événements qui se

passent au sein de leur vie privée peuvent être inattendus, mais restent prioritaires (Alla

SERGUEEVA explique ce sens des priorités comme étant le résultat d’années de souffrance,

surmontées grâce à la famille, le pilier d’une vie (SERGUEEVA Alla, 2006)). La vie

professionnelle quant à elle est prévisible et un rendez-vous d’affaires manqué ou annulé peut

être réorganisé à une date ultérieure.

De plus, Les Russes ont une vision cyclique de leur vie : c’est-à-dire qu’ils

considèrent que la vie est un éternel recommencement et que celle-ci est constituée d’étapes

répétitives. Ce rapport au temps les lie au passé : ils gardent en mémoire les expériences

passées, pour prendre des décisions futures. Ce trait de personnalité implique une prise de

décisions lente ; les Russes préfèrent reculer le moment de prendre une décision. Cette

caractéristique culturelle est en totale opposition avec la gestion du temps des Français et plus

globalement des Occidentaux. Au contraire, ils ont une gestion du temps linéaire, c’est-à-dire

qu’ils agissent par étape et que chaque étape est considérée comme un mouvement vers le

futur. Ce fait implique que les Français ont tendance à vouloir prendre des décisions

rapidement, afin de passer à l’étape suivante. Cette différence de conception de la vie et de

l’avenir engendre des incompréhensions culturelles.

Page 16: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

15

Les différences de cultures nationales sont nombreuses et affectent les relations

professionnelles. Ci-dessous sont présentés quelques exemples de sujets de discordes entre

Français et Russes sur le lieu de travail.

b) Les relations d’affaires

Les relations d’affaires entre Russes et Français sont souvent délicates car les deux

cultures ont de nombreuses habitudes et principes qui s’opposent.

D’une manière générale, les Français aiment la formalité, les contrats écrits et ont le

sens du détail. Comme l’explique Laurent GOULVESTRE, les Russes préfèrent au contraire

les relations plus amicales, aiment aller droit à l’essentiel et accordent une grande importance

à établir des relations de confiance avec leur interlocuteur (GOULVESTRE Laurent, 2008).

Le Russe a une façon de négocier plus directe, il veut des profits importants et rapides, sinon

il ne voit pas l’intérêt de l’affaire ; le Français préfère de longues négociations, prend le temps

d’aborder chaque point et tente de trouver un résultat convenant aux deux parties.

Ces désaccords peuvent être résumés comme le centre des conflits franco-russes lors

des relations d’affaires.

Afin de mieux appréhender ces discordes d’ordre culturel, il serait intéressant

d’analyser plus en détails toutes les raisons qu’Alla SERGUEEVA donne pour justifier ces

relations conflictuelles (SERGUEEVA Alla, 2006).

Une approche différente du travail

Les relations franco-russe peuvent être conflictuelles de part leur vision différente de

travailler. En effet, comme expliqué brièvement ci-dessus, les Russes n’ont pas de limites

entre la vie privée et la vie personnelle : l’une affecte l’autre et vice-versa. Tandis que les

Français font une grande distinction entre les deux. Le résultat de ces implications différentes

est la création de conflits involontaires : les Français se demandent pourquoi les Russe ne

tiennent pas les délais et leurs rendez-vous et les Russes ne comprennent pas pourquoi les

Français sont si prévisibles et ponctuels, même si les circonstances changent.

Page 17: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

16

Si chaque culture reste dans ses traditions, les relations seront alors très conflictuelles

et il n’y aura aucune avancée possible. En revanche, si chacun fait des compromis, les

relations s’en trouveront donc améliorées.

Cette différence au travail va de pair avec l’importance que chacune des deux cultures

portent à leur travail. Le Russe accorde beaucoup d’importance à l’environnement dans lequel

il travaille. Il est primordial qu’il ait de bonnes relations avec ses collègues, qu’il ne soit pas

dans un environnement stressant et qu’il y passe de bons moments. Ces aspects relationnels

sont plus importants que la satisfaction matérielle ou bien même que l’épanouissement

professionnel : le Russe préférera avoir un travail peu intéressant et un salaire moindre, mais

passer du bon temps avec ses collègues. En effet, j’ai été très surprise de voir pendant mon

stage au sein de MALTEUROP (à Belgorod) que toutes les raisons étaient bonnes pour se

retrouver entre collègues et organiser un repas avec une multitude de plats et d’alcool. Chaque

anniversaire, chaque fête nationale était une occasion de se retrouver tous ensemble le temps

du déjeuner et de s’amuser, comme le montre ci-dessous la photo, prise le jour de la journée

de la femme.

Valery KRYLOV met en avant le fait que les Russes privilégient le relationnel plutôt que

l’évolution professionnelle (KRYLOV Valery, 2007). Ce trait de la personnalité russe

explique cette difficulté à travailler avec des Français, qui eux n’ont pas l’habitude de

mélanger vie professionnelle et vie privée. Selon moi, les Français sont plus carriéristes et

entrent dans la vie active en pensant évoluer dans leur vie professionnelle ; l’importance d’un

bon relationnel avec leurs collègues est moindre ; ils sont plus accès sur leur évolution au sein

de l’entreprise que sur le maintien des relations.

Page 18: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

17

Bien entendu, cette analyse repose sur les traits de caractère de la majorité de la

population de chaque pays et ne tient pas compte des exceptions.

La notion de hiérarchie

Ensuite, comme le confirme également Valery KRYLOV, en Russie la hiérarchie est

bureaucratique, c’est-à-dire que le manager a beaucoup de pouvoir sur ses employés, au

contraire de la France qui a une hiérarchie beaucoup plus horizontale (peu de niveaux de

hiérarchies) et les décisions prises par le manager sont souvent le résultat d’une consultation

avec ses employés (KRYLOV Valery, 2007). Il est également commun de caractériser les

managers russes de paternalistes, c’est-à-dire qu’ils ont pour habitude de se comporter comme

des pères pour leurs employés et de se faire obéir (ARDICHVILI et DIRANI, 2005).

Encore certaines régions reculées de la Russie ont conservé ce style de management de

l’époque soviétique : le pays était dirigé par le Parti, et prenait toutes les décisions pour le

peuple, qui n’avait qu’à suivre les ordres. Ce système éducatif soviétique, fondé par Anton

MAKARENKO (écrivain russe sous influence communiste, du XIXème

siècle1) était basé sur

l’ « idéologie selon laquelle un salarié devait se livrer corps et âme à son travail, exigeait la

mobilisation totale des travailleurs, et induisait une logique d’obéissance » (KRYLOV et

SLOBODSKOI, 2005). A l’époque, les dirigeants faisaient régner l’ordre et se faisaient

respecter par la peur, qui prenait la forme de menaces et de cris. Si les étrangers adoptent

aujourd’hui ce style de management, les employés ne l’accepteront pas, car ils se

souviendront alors de l’époque soviétique et se sentiront humiliés qu’un étranger ose les

diriger de cette manière.

Aujourd’hui heureusement, le style de management a évolué. Les dirigeants

continuent à se faire respecter et obéir, mais par simple reflexe, lié à la tradition qui persiste.

Durant des années, les Russes ont pris l’habitude d’obéir à leur patron sans discuter.

Aujourd’hui, même si les menaces ne sont plus utilisées pour contrôler, les employés ont

toujours l’habitude d’accepter les ordres du dirigeant et le niveau hiérarchique est en ce sens

toujours fort, mais mieux accepté.

De plus, différents styles de managers cohabitent en Russie. Alla SERGUEEVA en a

décris trois dans son ouvrage. Tout d’abord, le cas le moins courant est celui du dirigeant qui

1 http://www.skolo.org/spip.php?article145

Page 19: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

18

se sert de stimulants matériels pour se faire obéir, qui pourrait également se définir comme le

principe de chantage. Ce cas est rare, à cause de l’injustice de cette méthode.

Ensuite, le cas le plus pratiqué en Russie est celui du dirigeant charismatique. Le

patron est alors défini comme une personne qui a eu accès au pouvoir grâce à sa volonté de

réussir et à sa forte personnalité et moins par ses compétences. Cependant, avant de pouvoir

diriger, la personne doit avoir démontrée à tout le monde son énergie, sa détermination et son

courage de prendre des décisions. Il ne « mérite » pas son poste de part ses compétences

professionnelles, mais grâce à son caractère.

Et pour finir, il y a le cas du dirigeant venu de l’Occident, sous influence Européenne. C’est le

cas du dirigeant qui a les compétences professionnelles, qui a de nombreuses expériences

dans le domaine et qui mérite son poste. Ce modèle est encore rare en Russie, mais grâce à la

mondialisation et à l’ouverture des marchés, il se répand de plus en plus.

La Russie est en plein changement d’ordre structurel : les influences occidentales sont

en train de moderniser le système de management du pays et annonce une hiérarchie de moins

en moins verticale et plus horizontale, permettant la participation des employés à la prise de

décisions. Cette nouvelle orientation est également confirmée par les auteurs de « Leadership

styles and management practices of Russian entrepreneurs : Implications for transferability

of Western HRD Interventions » (ARDICHVILI, CARDOZO, GASPARISHVILI, 1998) qui

citent la théorie de Sheila M. PUFFER (auteur du XXème

siècle qui rédigea de nombreuses

publications sur les affaires internationales et la Russie2) selon laquelle les managers Russes

ont tendance, depuis la chute de l’ex-URSS, de partager le pouvoir et de déléguer les prises de

décisions, afin de se concentrer sur la stratégie d’entreprise.

Un accès différent à l’information

L’un des autres sujets de discorde entre les deux cultures est la manière de collecter

l’information. Laurent GOULVESTRE rejoint la position de SERGUEEVA et affirme que les

Français et les Russes possèdent chacun une manière différente d’aller chercher l’information

manquante (GOULVESTRE Laurent, 2008). Les Français ont tendance à se référer à des

sources écrites, telles que des livres, des statistiques, des bases de données, Internet… D’une

certaine manière, il faut comprendre que les Français ne font confiance qu’à des sources

officielles, considérées comme sûres.

2 http://www.gfna.net/peopledetail.php?people=14&

Page 20: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

19

En revanche les Russes collectent l’information auprès des personnes : ils parlent

affaires avec leur proches, leur demandent conseil et font confiance à leur jugement, même

s’ils ne sont pas du milieu professionnel en question. Une fois de plus, il est intéressant

d’observer que les Russes privilégient le relationnel aux documents officiels.

Cette habitude peut s’expliquer par leur passé. Les Russes ont toujours été confrontés à la

corruption qui entraina des falsifications de documents et des informations cachées. Ne

pouvant pas faire confiance à l’Etat, ils ont appris à se renseigner seuls, auprès des personnes

à qui ils pouvaient faire confiance, c'est-à-dire leurs proches.

Cette époque mena à la destruction complète de la confiance du peuple aux forces

supérieures telles que l’Etat, la Défense du pays et le système judicaire, qui furent tous un jour

ou l’autre corrompus (BENAROYA François, 2006). Aujourd’hui, l’Etat russe lutte contre la

corruption et tente de changer la perception négative que le peuple a du gouvernement.

Cependant, des pratiques illégales sont toujours utilisées comme le prouve mes expériences en

Russie.

Lors de mon premier séjour en Russie, le conducteur de la voiture dans laquelle j’étais s’est

fait arrêté par la police pour excès de vitesse : après une discussion rapide et le versement

d’un pot de vin, le conducteur est reparti sans aucune contravention… Ensuite, pendant mon

deuxième séjour en Russie, qui était initialement prévu pour une durée de 6 mois, j’ai

malheureusement eu un problème de visa qui m’a forcé à rentrer définitivement en France au

bout de 3 mois. En apprenant cette nouvelle, le directeur général de Malteurop Russie m’a dit

qu’il essaierait de faire toutes les démarches légales possibles pour me faire revenir, mais en

vain. Je pense que le terme « légal » confirme bien que des pratiques illégales sont toujours

utilisées pour enfreindre les lois.

Même si de nombreuses améliorations sont à noter, le peuple, une fois de plus par

habitude et par tradition, considère les sources orales plus fiables que les sources officielles

écrites.

La négociation et ses coutumes

Pour finir, la culture intervient également dans les négociations commerciales. En

effet, « la culture est introduite dans les négociations par les acteurs eux-mêmes. Elle

conditionne la manière dont ceux-ci conçoivent l’interaction » (FAURE Guy-Olivier, 2004).

Page 21: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

20

C’est-à-dire qu’une négociation peut représenter un acte différent selon les cultures. Par

exemple en Russie, l'importance est portée sur la personne plutôt que sur l'affaire négociée.

En revanche, les négociations occidentales sont axées sur le sujet de la négociation. Chaque

partie a ses objectifs et essaie de négocier pour tirer un maximum de profits ; les Russes quant

à eux se concentrent sur l’interlocuteur de la négociation et le sujet de la négociation arrive en

seconde ligne. Le Russe va chercher à connaître l'adversaire pour savoir s'il pourra à terme lui

accorder sa confiance ou non. Un bon relationnel lors d'une négociation aboutira à la

conclusion de l'affaire en question.

Cette confiance mutuelle est le résultat d’un certain nombre de traditions russes et de

certains rituels d’affaire : il est par exemple normal pour l’entrepreneur russe d’inviter son

interlocuteur au Bania, le bain traditionnel russe, dans lequel de nombreuses négociations et

discussions d’affaires ont lieu. Dans cet environnement beaucoup moins formel que dans un

bureau, le Russe peut découvrir et avoir des discussions amicales avec son adversaire.

Ensuite, il peut décider si oui ou non, il pourra accorder sa confiance dans un cadre

professionnel.

Il en est de même avec la tradition liée à la vodka ; inviter son interlocuteur au

restaurant et porter plusieurs toasts de vodka fait partie des mœurs russes. Il est du devoir de

l’étranger d’accepter cette proposition et de connaitre ses limites. Les Russes préféreront un

interlocuteur qui connait ses limites et ose refuser d’autres verres plutôt qu’une personne qui

finira par se ridiculiser par l’abus d’alcool. J’ai moi-même assisté à plusieurs reprises à des

repas entre Russes. Sans l’avoir vécu au moins une fois, on ne peut pas s’imaginer à quel

point la vodka a une place importante sur la table, c’est une véritable tradition et tous les

Russes participent aux toasts portés.

Je rejoins la position d’Alla SERGUEEVA qui infirme que toutes ces manières

d’appréhender une négociation peuvent interloquer l’étranger (SERGUEEVA Alla, 2006).

C’est pourquoi il est important de connaitre les habitudes et traditions russes avant de se

lancer dans les affaires avec eux. Bien entendu, il y a une grande différence entre connaître les

coutumes russes et les vivre ; une fois dans le pays, les étrangers ne peuvent être que surpris

par les traditions.

Pour conclure cette partie dense en informations culturelles sur les deux nations

étudiées ici, il est important de retenir que de nombreux obstacles rendent très difficile les

relations franco-russe. A priori, tous les opposent dans les relations professionnelles : les

Page 22: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

21

différences hiérarchiques, l’intérêt porté au travail, leurs différentes visions pour traiter une

affaire (formelle et informelle)… Et pourtant, une fois les barrières culturelles passées et

quelques compromis réalisés des deux côtés, les relations aboutissent à de réels succès. Plus

bas dans cette analyse seront détaillées les expériences réussies d’implantation telles

qu’Auchan, Yves Rocher, Danone et L’Oréal, tous les quatre ayant su s’adapter à toutes ces

différences culturelles.

A présent, il serait judicieux d’évoquer les enjeux d’implantations françaises en Russie

et de se rendre compte de quelle façon les entreprises françaises sont parvenues à

concurrencer les entreprises russes sur leur propre territoire, grâce à une bonne gestion du

facteur humain.

Page 23: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

22

B. L’Implantation : une adaptation humaine nécessaire

1. Impact du facteur humain sur l’implantation

Une implantation représente une étape clé dans le développement de l’entreprise et de

nombreux efforts doivent être faits en termes de capital humain. En effet, l’entreprise

étrangère prépare ses équipes, les forme, organise des cours de préparation ayant pour objectif

de les aider à appréhender la culture avec laquelle ils s’apprêtent à travailler, mais toute cette

partie théorique est loin de ressembler à la réalité, une fois l’entreprise implantée.

Pierre FORTHOMME et Irina ANDRYUSHCHENKO ont dit que « Quand les

acteurs ne partagent pas le même contexte de référence, ils se retrouvent mutuellement

piégés » (ANDRYUSHCHENKO, FORTHOMME, 2007); les auteurs ont tout à fait cerné le

problème auquel se heurte toute entreprise lors d’une implantation à l’étranger. De

nombreuses questions apparaissent, que ce soit pour l’étranger ou pour l’hôte qui accueille :

Pourquoi ces réactions ? Pourquoi ces comportements ? Pourquoi ne comprend-t-il pas

l’importance de telle ou telle chose ? Ces questions perturbent les relations et des conflits

involontaires naissent alors.

Dans un monde idéal, cette incompréhension pourrait être évitée si les individus avaient été

élevés sur un modèle de biculturalisme : c’est-à-dire évoluer dans un milieu ou coexistent

deux cultures. Ainsi, un enfant grandissant selon une éducation qui l’oblige à jongler entre

deux cultures différentes l’aiderait à apprendre à s’adapter aux changements culturels ;

malheureusement, cette situation est peu fréquente.

Lors d’une implantation, il est sujet de transferts de capitaux, de marchandises, et

d’Hommes. Le transfert de capitaux représente un flux monétaire alors que les deux autres un

flux physique. Le transport de marchandises ne demande à l’entreprise que de l’organisation

logistique, tandis que le transfert d’Hommes, est plus problématique.

Le transfert du capital humain regroupe d’une part, les personnes en charge de

l’implantation dans le pays et d’autre part tous les salariés du pays d’accueil qui seront

embauchés grâce à cette nouvelle entité. Comme vu dans le paragraphe ci-dessus, la culture

engendre des dysfonctionnements involontaires au sein des groupes, mais si ces

dysfonctionnements d’ordre organisationnel et structurel sont surpassés, le facteur humain

peut alors se révéler être un avantage compétitif sur le marché. En effet, l’élément qui reflète

Page 24: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

23

le mieux les valeurs et la réussite d’une entreprise est son capital humain. Si l’Homme est

bien formé, il développera des compétences ; s’il est satisfait de son travail, il donnera en

retour tout son savoir-faire ; si tous les employés de l’entreprise adoptent cette attitude, le

bien-être de l’ensemble du groupe n’en sera que meilleur. C’est dans ce sens que le facteur

humain pourra devenir l’avantage compétitif du groupe.

De plus, comme il a déjà été mentionné, une implantation implique la mixité des

cultures : ouverture d’esprit, confrontation d’idées, de méthodologies différentes,

développement des connaissances interculturelles… tout ce panachage de cultures permet de

ne prendre que le meilleur de chaque organisation culturelle et ainsi de se différencier des

entreprises nationales qui n’ont pas l’ouverture d’esprit des multinationales.

Pour conclure sur l’impact du facteur humain dans une implantation à l’étranger, il est

important de rappeler que malgré les difficultés (liées au facteur humain et aux divergences de

cultures) rencontrées lors d’une implantation, le facteur humain est également un facteur de

réussite, une fois la création d’une culture d’entreprise commune.

Cette culture d’entreprise commune résulte d’une gestion internationale des Ressources

Humaines efficace ; il est maintenant nécessaire de développer cette notion.

2. Création d’une Gestion Internationale des RH dans une

implantation

a) Concept de Gestion Internationale des Ressources Humaines et son utilité

« Globalement les ressources humaines réfèrent à la contribution que l’humain fait à

la définition et à la réalisation des objectifs des organisations de travail et de leur

fonctionnement. C’est cette contribution qui fait l’objet de gestion […]. La GRH englobe des

composantes essentielles qui s’intègrent et se manifestent internationalement pour aider

chaque pays à obtenir sa juste place dans le contexte de la mondialisation des marchés »

(SEKIOU et BONDIN, 2004). Cette définition de la gestion des Ressources Humaines met en

avant l’importance de la gestion du personnel pour le pays tout entier. Avant l’ouverture des

frontières et la mondialisation, le service des Ressources Humaines se préoccupait du

fonctionnement de la structure de l’entreprise. Le facteur humain n’était qu’un outil à

manipuler pour atteindre des objectifs d’ordre structurels.

Page 25: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

24

La fin des trente Glorieuses a laissé place dans les années 70 à l’apparition de

difficultés économiques. C’est à cette période que les gouvernements décidèrent d’accélérer le

phénomène de mondialisation (LASSERRE Michel, 2005), en favorisant les échanges entre

les pays grâce à une plus grande liberté de circulation des marchandises, des capitaux et des

Hommes. Dans ces conditions, la gestion des Ressources Humaines eut un nouveau paramètre

à gérer et pas des moindres : la coordination du facteur humain et de ses compétences

(internationales et d’adaptation à des systèmes managériaux étrangers) au sein de la structure.

Aujourd’hui, les entreprises se sont rendu compte que le facteur humain n’était plus un

simple outil à manipuler pour accroitre les objectifs d’ordre structurel : l’entreprise évolue

grâce aux compétences humaines développées et non plus à défaut de la main d’œuvre ; il y a

une véritable différence de vision entre ces deux options. La deuxième met en avant le

développement du potentiel de la structure ; et cet axe d’évolution permet à un pays d’en

augmenter sa puissance économique et sociale.

Comment cela est-il possible ? Une entreprise française par exemple, qui décide de

s’étendre à l’international, qui fait les bons choix stratégiques d’implantation et qui comprend

la différence culturelle de chacun parviendra à s’épanouir avec cette nouvelle entité et

apportera du chiffre d’affaires au siège français. Selon moi, si toutes les entreprises de la

France adoptent le même axe d’évolution, la bonne santé des entreprises françaises favorisera

le développement économique et social du pays et participera à l’enrichissement de celui-ci.

b) Des évolutions de GIRH différentes

Cependant, pour parvenir à de tels résultats, l’une des décisions importantes à prendre

lors de l’implantation dans un pays étranger est de choisir quelle stratégie de GIRH est

préférable d’adopter pour gérer le facteur humain. Le problème est que chaque pays conçoit la

GRH de manière différente, à cause de sa culture nationale, de ses traditions et de ses valeurs.

C’est pourquoi à l’heure actuelle la gestion des ressources humaines est différente selon les

pays.

Dans les pays en développement (définis comme des Etats recevant de hauts revenus,

mais à la merci des fluctuations erratiques des capitaux privés donc marqués par le poids de

crises financières récurrentes3), la GRH n’est pas encore développée et il s’agit surtout d’une

« administration des Ressources Humaines ». C’est-à-dire que le rôle du service est de

maintenir la structure en place, en priorisant l’intérêt de l’entreprise et en délaissant quelque 3 « Quel pays en développement ? », www.ladocumentationfrancaise.fr, 2003

Page 26: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

25

peu le facteur humain. Il faut entendre par là, qu’à ce stade, le service RH gère des

problématiques de base : la rémunération des salariés, l’embauche, la gestion des congés…

Pour synthétiser, la GRH des pays en développement se résume à une vision à court terme des

employés.

C’est à ce niveau que se situe la différence entre le service RH d’un pays développé et

celle d’un pays en développement.

La GRH des organisations actuelle des pays développés a dépassé ses missions initiales.

Aujourd’hui, elle prend en compte non seulement ses activités de base, mais également des

activités favorisant la mondialisation des entreprises et le bien-être du facteur humain dans ce

nouveau contexte économique et social. La GRH comprend aujourd’hui des missions telles

que le management interculturel des cadres et intègre des dimensions psychosociologiques au

sein de l’entreprise. Ces nouvelles activités apparues avec la mondialisation développent des

capacités d’adaptation interculturelles chez les individus. Ces formations sont nécessaires

dans plusieurs situations.

Premièrement, elles permettent de sensibiliser les employés restant dans le pays

d’origine de comprendre les dimensions internationales de l’entreprise, d’expliquer ses choix

d’implantation et ses stratégies, variables d’un pays à l’autre.

Ensuite, toute multinationale est amenée à recevoir un jour ou l’autre ses homologues

étrangers au siège de l’entreprise. A ce moment, les cadres et managers doivent pouvoir gérer

la différence de cultures et s’adapter en fonction de la culture et des valeurs qui viennent à

eux.

Et enfin, les formations au management interculturel et la sensibilisation aux

dimensions psychosociologiques sont fondamentales pour les managers participant à

l’implantation dans le pays et qui doivent négocier avec une culture différente de la leur.

Page 27: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

26

c) Passage d’une GRH soviétique à une GRH Occidentale

A la chute de l’URSS, l’ancien système économique et politique, confortable en un

sens fut bouleversé du jour au lendemain et la Russie traversa une thérapie de choc, non sans

conséquence pour la GRH. Comme expliqué par les auteurs KRYLOV et METZGER, à cette

époque, les entreprises russes suivaient un système de gestion correspondant à un système

centralisé, planifié et très hiérarchisé (KRYLOV et METZGER, 2009). Elles fonctionnaient

selon le modèle taylorien, laissant aucune prise d’initiative aux salariés, caractérisé par une

répétition des tâches et une hiérarchie fonctionnant avec le principe de la terreur et des

menaces pour faire régner l’ordre. Le pays et plus particulièrement les entreprises à ambition

internationales ont dû accepter un nouveau système de management, importé par les

entreprises étrangères. Les compagnies russes furent confrontées à une économie ultra libérale

qui mena à un bouleversement complet des organisations. Ce néo-management les obligea à

traiter avec la fluctuation des prix, la privatisation des entreprises (qui étaient jusque là sous le

contrôle de l’Etat), l’ouverture des marchés et les nouvelles obligations financières.

La culture russe se retrouva bouleversée et sans aucune cohérence avec le nouveau

système qui leur fut imposé par les importateurs.

Durant cette période, la GRH n’était plus la priorité des entreprises. Le but était de

réadapter l’appareil productif à la demande et de trouver des solutions pour sauver la

structure. D’un côté, les entrepreneurs russes ont conservé leurs traditions de gestion russe et

d’un autre côté, elles ont dû adopter le nouveau système de management d’origine anglo-

saxonne.

La coexistence de ces deux systèmes d’organisation créa un déséquilibre dans

l’organisation.

Ce bouleversement mit en avant la tendance du « retour en arrière», terme employé

par KRYLOV et METZGER (KRYLOV et METZGER, 2009) ; il faut entendre par là que

dans cet environnement incertain, les managers russes avaient tendance à se replier sur le

mode de management soviétique : dirigeants paternalistes, forte hiérarchie, centralisation de la

prise de décisions et recrue des sens des réseaux claniques, que je peux définir comme étant le

recours à une organisation basée sur les relations interpersonnelles, utilisée dans les réseaux

personnels et professionnels.

Mais d’un autre côté, les managers russes n’ont pas eu le choix et ont dû adopter le

mode de management anglo-saxon. Seulement, plutôt que d’adopter entièrement les stratégies

Page 28: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

27

du néo-management, les dirigeants russes ont préféré utiliser ce nouveau concept de gestion

selon leurs intuitions. C’est ainsi que sont réapparues d’anciennes pratiques, autrefois utilisées

à l’époque soviétique. L’une des plus marquantes et caractéristiques de ces années est le

recours aux retards de versement de salaires. Durant cette thérapie de choc, le service des

Ressources Humaines a même utilisé cette menace comme facteur de motivation pour les

salariés.

L’un des autres changements du fonctionnement de la GRH, caractéristique de

l’époque soviétique, était la façon de recruter les employés: Les compétences et l’expérience

du salarié pour le poste n’étaient plus les raisons de son embauche ; seuls ses réseaux

professionnel et personnel jouaient un rôle dans le recrutement. Les embauches par relations

claniques (à cette époque, le réseau social des Russes était le seul moyen d’avoir une situation

convenable et d’être reconnu au sein de la société) ont permis de sélectionner les candidats en

toute confiance, malgré l’environnement incertain. Une fois encore, cette pratique de

recrutement appartient au passé soviétique.

Cette période de transition économique fut difficile au niveau organisationnel et

encore aujourd’hui, toutes les anciennes pratiques n’ont pas disparu de toutes les entreprises

russes.

La France quant à elle, est composée d’entreprises ayant un niveau de GRH

développé. Le terme de gestion des Ressources Humaines est apparu en France dans les

années 70, suite à de grandes modifications sociales telles que le chômage, l’augmentation de

la concurrence et les progrès techniques, qui ont eu des impacts majeurs sur les relations

professionnelles entre employés et patrons. Aujourd’hui, la quasi-totalité des entreprises

françaises sont composées d’un service Ressources Humaines, département obligatoire pour

le maintien des entreprises. Seules quelques très petites entreprises (TPE) et petites et

moyennes entreprises (PME) peuvent s’autoriser un fonctionnement sans ce service

(PINAUD Henri, 2008).

Comme observer ci-dessus, la Russie n’a pas encore atteint ce niveau de développement de la

gestion des Ressources Humaines. Bien entendu, il ne faut pas oublier que ce décalage est

justifié par le fait que la France se développe depuis une soixantaine d’années, contrairement

à la Russie qui en est qu’au début de son développement.

Un retard de management des entreprises est donc visible et les salariés français

expatriés en Russie peuvent paraître décontenancés face à ces différences de GRH. En effet,

Page 29: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

28

derrière le masque de la pratique du néo-management, les étrangers se retrouvent dans des

situations de gestion d’entreprises difficiles à gérer s’ils n’ont pas pleinement connaissance

des anciennes pratiques soviétiques, et peuvent se retrouver déstabilisés et finir par échouer

dans leur stratégie d’implantation.

d) GIRH et cultures différentes : une combinaison difficile

Depuis une quarantaine d’années les services Ressources Humaines du monde entier

ont été contraints de s’adapter aux évolutions des marchés et à la mondialisation grandissante.

Pour règlementer ce nouveau système de croissance, le service des RH a mis en place des

normes pour organiser le facteur humain dans l’entreprise et pour lutter contre les

préoccupations sociales qui en découlent (mobilité des salariés, rémunération, formations…).

Ce système de réglementation est nécessaire, mais chaque pays a ses propres règles en matière

de GRH. Au fur et à mesure des années, une multitude de normes sont nées à travers le

monde. Malheureusement, ces normes n’ont pas évoluées internationalement et ce manque de

règlementations communes à l’ensemble des pays pose aujourd’hui problème dans la

cohérence des pratiques.

Même si dans un monde idéal il existait des normes internationales en termes de GRH,

il serait intéressant de voir qu’il y aurait toujours des dysfonctionnements de pratique. En

effet, les gouvernements peuvent obliger le respect des règles, mais ne peuvent modifier les

cultures des pays. Par exemple, un pays qui considère le sexe féminin comme inférieur à celui

de l’homme ne pourra pas considérer que le traitement des salariés (et des salaires) soient

identiques aux deux sexes ; selon moi, si les normes internationales venaient à l’encontre de la

culture nationale (ici respecter l’égalité des sexes), il y aurait une certaine confusion et les

individus ne sauraient quelle règle respectée. Je rejoins la position d’HOFSTEDE et de

MINKOV lorsqu’ils affirment que la culture et les valeurs acquises tout au long de la vie sont

plus fortes que des normes imposées (HOFSTEDE et MINKOV, 2010). Ces règles

internationales finiraient par perdre leur sens et entraineraient le mécontentement de toute la

population.

Pour résumer, chaque pays a sa propre culture pour laquelle en découle sa propre

gestion des Ressources Humaines. Cette problématique de GRH n’a toujours pas été résolue,

mais il existe des solutions pour maximiser ses chances de découvrir et de comprendre une

autre culture.

Page 30: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

29

L’une d’elle, imaginée par Benoit THERY serait l’adoption d’une « politique de

Groupe pour la gestion internationale des ressources humaines » (THERY Benoit, 2002) par

toutes les multinationales. Concrètement, il s’agit de créer un modèle commun, une ligne

directrice de GRH à toutes les filiales de l’entreprise (nationale et internationale) afin de

développer une véritable culture d’entreprise internationale. Cette méthode consiste en

l’élaboration de règles communes à tous les salariés (système de rémunération, de

formation..) et à divulguer des valeurs communes, partagées par tous les salariés, quelque soit

leur pays. Ce modèle sert de repère pour tous les employés de l’entreprise. C’est un

compromis entre adopter complètement une culture et ses valeurs et l’incompréhension totale.

Ainsi en cas de problème ou d’incompréhension, ces normes établies au préalable permettent

de rétablir l’ordre et d’éviter les désaccords d’ordre social.

Cette politique de Groupe permet ainsi d’obtenir une GRH efficace, qui favorise l’expansion

de potentiel de chaque employé.

Page 31: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

30

C. Facteurs clés de réussite en Russie

1. Adopter des choix stratégiques judicieux

Etre convaincu des potentiels du marché russe: telle est la marche à suivre pour

quiconque souhaiterait lancer ses activités en Russie. En effet, selon Alla SERGUEEVA tout

étranger au pays a des aprioris sur le pays: individus peu chaleureux, pays hostile dû à la

rudesse du climat, forte présence de la mafia dans les affaires, pays fermé sur lui-même

(SERGUEEVA Alla, 2005). Les adjectifs négatifs au sujet de la Russie sont nombreux, mais

souvent faux. La Russie telle que les personnes se l'imaginent aujourd'hui est encore un pays

mené par une politique soviétique et fermé aux échanges avec l'étranger. Seulement, cette

Russie des années 80 est abolie et a laissé place à une envie de découvrir le reste du monde en

acceptant les capitaux étrangers et leurs expériences. C'est pourquoi il est essentiel pour

l'investisseur étranger de passer au-delà des aprioris et de découvrir les réels atouts d'une

implantation dans ce vaste pays.

Le fait d’être persuader par le potentiel de l'économie russe est lié au besoin pour les

investisseurs étrangers de s'adapter à la culture et aux traditions russes. En effet, comment

peuvent-ils miser sur l'avenir de la Russie sans être passer outre les aprioris et sans avoir

étudier le comportement des Russes ?

Si, lors de l'implantation, l'investisseur a compris l'environnement culturel et

développe ses affaires en cohérence avec les valeurs partagées par tous les Russes,

l'implantation n'en sera que réussie. En revanche, si l'entreprise décide de s'implanter sans

s'adapter aux coutumes locales et de conserver ses orientations occidentales, l'implantation

n'en sera que plus difficile et aura de grande chance d'échouer au bout de quelques mois

seulement.

Pour favoriser ses chances de réussir une implantation sur le marché russe, les

entreprises étrangères ont tout intérêt d’une part, à comprendre la culture du pays d’accueil et

d’autre part à faire des choix stratégiques avant de se lancer.

Page 32: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

31

a) Un secteur d’activités porteur

Premièrement, le choix du secteur d’activité est l’un des éléments majeurs à prendre

en compte. Il est important de savoir que le marché russe, communiste d’origine, a connu une

grande vague de privatisation de ses entreprises lors de la chute de l’ex-URSS à partir de

1991. Seulement, certains secteurs sont restés sous le contrôle de l’Etat et la concurrence

étrangère est très difficilement acceptée. C’est le cas de l’industrie énergétique, du gaz, de la

métallurgie, des voies de communications telles que les transports maritimes et aériens ainsi

que la Défense Nationale. Pour investir dans ces secteurs, les groupes étrangers doivent

effectués des demandes spécifiques à l’Etat Russe, ne facilitant pas les IDE (Investissement

Directs à l’Etranger) dans ces domaines. Selon moi, le meilleur exemple pour illustrer la main

mise de l’Etat russe sur les secteurs à fort potentiel est l’entreprise russe GAZPROM, détenue

à 51% par l’Etat. Cependant, le groupe a besoin d’importants investissements pour financer

ses nombreux projets ; tel est le cas par exemple avec le gisement de Chtokman (ECKERT

Denis, 2007) qui devrait produire à partir de 2013, 11milliards de m3 de gaz. Ce projet a

demandé au groupe russe de s’associer à Total à 25% et à Statoilhydro à 24%... bien entendu,

Gazprom reste majoritaire à 51% et reste donc le décisionnaire de cette nouvelle entité

multinationale. Bien que la Russie souhaite conserver ses secteurs clés, le pays a conscience

de la nécessité de laisser entrer sur le marché des compagnies étrangères, afin de financer ses

projets.

Même si ces secteurs sont et resteront inaccessibles aux entreprises étrangères pendant

encore longtemps, d’autres secteurs sont majoritairement portés par des groupes étrangers et

notamment français. La distribution alimentaire est l’une des portes d’accès au marché russe.

L’un des exemples français est le distributeur Auchan, qui a su parfaitement s’imprégner de la

culture russe et envisager les évolutions du marché en termes de grande distribution. Implanté

pour la première fois en Russie en 2002, Auchan possède aujourd’hui 44 hypermarchés et fait

partie du top 5 des distributeurs en Russie, occupant la 2ème

place du marché4. L’industrie

cosmétique est quant à elle dominée par les groupes français, leaders en Russie, remportant

40% des parts de marché du secteur. L’un des grands groupes est Yves Rocher, avec ses

boutiques partout en Russie et son savoir-faire dans la vente par correspondance. Cette

présence française dans le milieu de l’esthétique symbolise l’image de la mode et du luxe à la

française, ce dont les Russes raffolent (SERGUEEVA Alla, 2006).

4 www.groupe-auchan.com

Page 33: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

32

D’autres industries, telles que l’industrie de la viande et du blé sont quant à elles

détenues par des capitaux russes. Ces deux industries sont privatisées et n’appartiennent donc

pas à l’Etat comme les secteurs précédemment analysés, mais les marchés de la viande et du

blé tiennent à cœur aux Russe qui sont décidés à conserver leur pouvoir et à démontrer leur

savoir-faire dans ces domaines. C’est pourquoi Alla SERGUEEVA conclue que les étrangers

ne se risquent pas d’investir dans ces secteurs.

b) Une implantation géographique stratégique

Deuxièmement, le choix du lieu de la première implantation est un point essentiel à

prendre en compte dans la réussite de son intégration en Russie. Effectivement, le territoire de

la Russie étant si dense, que toutes les régions ne sont pas aussi fertile en terme de commerce

les unes par rapport aux autres. La région Occidentale, c'est-à-dire l’Ouest de la Russie est la

plus prisée et la plus conseillée en termes de première implantation. Les pôles économiques et

commerciaux s’y trouvent : il y a tout d’abord Moscou et Saint-Pétersbourg, capitales

économique pour la première et culturelle pour la seconde, qui représentent le cœur du pays.

Mais le résultat de cet engouement est le prix excessif que les étrangers doivent payer pour

pouvoir s’y implanter. En 2010, Moscou a été élu la ville la plus chère d’Europe en terme

d’immobilier et arrive à la seconde place au niveau mondial (derrière Tokyo), avec au mètre

carré dépassant la barre des 3000€. Proportionnellement, les Moscovites gagnent également

trois fois plus que les habitants des autres villes plus reculées de Russie (GRYNSZPAN

Emmanuel, 2010). Avec de tels loyers, l’implantation de bureaux et de magasins dans ces

deux monopoles demandent aux investisseurs de grands moyens uniquement pour s’installer,

sans parler de la gestion du groupe.

C’est pourquoi l’Oural, région connue pour sa ville à fort potentiel Ekaterinbourg, peut

également être un lieu stratégique à envisager par les potentiels investisseurs. Jean-François

COLLIN (COLLIN, Jean-François, 2009) définit cette ville comme étant plutôt centrale par

rapport au reste du territoire russe, permettant une meilleure gestion de l’espace et facilitant

les transports avec les autres régions.

Page 34: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

33

Source : www.daletale.net

A contrario, si l’investisseur décide de s’implanter sur le marché russe sans prendre en

compte les zones à fort potentiel économique, les chances de réussite sont encore plus fines.

En effet, les régions plus reculées de Russie ont un niveau de consommation bien plus faible

et très différent de la partie Occidentale du pays. Ces régions représentent de grands risques

pour les investisseurs étrangers ; c’est pourquoi le peu d’entreprises ayant essayé cette

stratégie ont renoncé et se sont retirées du pays seulement après quelques mois.

c) Une stratégie d’implantation efficace

Ensuite, il faut reconnaitre que l’un des autres facteurs primordiaux pour réussir son

implantation en Russie réside également dans la stratégie d’implantation. En effet, deux

solutions sont envisageables pour les entreprises qui décident de se lancer sur le marché

russe : la croissance interne ou l’acquisition de sociétés russes.

La croissance interne consiste pour l’entreprise étrangère à construire de nouveaux

magasins, c’est-à-dire de créer de nouvelles entités sur le territoire russe. Tel fut le cas par

exemple du distributeur français Auchan. Le groupe a ouvert son premier hypermarché à

Moscou en 2002 et compte à ce jour 44 hypermarchés dans le pays5.

La deuxième solution est l’acquisition d’entités russes afin d’agrandir l’entreprise qui

s’implante. Dans les faits, l’entreprise arrive sur le marché en rachetant des sociétés russes

5 www.groupe-auchan.com

Page 35: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

34

déjà existantes, dans le même secteur d’activité et s’agrandit de la même façon. L’exemple

récent d’une implantation par acquisition est l’achat de Vimm Bill Dann, le leader des

produits laitiers en Russie par PepsiCo en 2010. Le groupe Américain est devenu propriétaire

du groupe Russe à 66%6.

Pour conclure cette partie sur les clés de la réussite d’une implantation en Russie il est

juste de souligner que les traditions et mœurs russes sont toujours très présentes, et même lors

de rencontres internationales. Il est nécessaire de garder à l’esprit que le peuple russe a vécu

de longues années en autarcie, suivant ses propres règles et s’est donc habitué à des

comportements (tel que la corruption) qui sont aujourd’hui difficile d’effacer et de gérer lors

de relations internationales. Le passé difficile des Russes a renforcé leur envie de croître et de

devenir un peuple respecté comme d’antan. Il est donc primordial de traiter ses interlocuteurs

Russes de manière particulière. Il doit se sentir important, doit être valorisé et pris au sérieux

lors des négociations malgré toutes les différences de comportements observées ci-dessus.

2. Passer d’une perception uni-culturelle au management

interculturel

La problématique de cette partie se résume à la recherche de solutions pour parvenir à

transmettre son savoir malgré le contexte interculturel, sous-entendu un environnement

incertain. L’objectif du manager est d’arriver à passer du transfert des connaissances au

développement des compétences ; pour cela, le manager doit être une personne dotée

d’expériences à l’international.

a) Les qualités requises d’un manager international

Tout d’abord, il est nécessaire de préciser que tous les managers ne sont pas destinés à

devenir des managers internationaux. Certains seront très efficaces dans leur pays d’origine,

mais ne sauront pas s’adapter aux conditions de travail d’autres cultures, alors que d’autres,

munis d’un fort potentiel d’adaptabilité, et d’expériences pourront devenir de très bons

managers dans un contexte interculturel.

6 L a Tribune, « Pepsi s’offre le géant russe WBD », www.latribune.fr, 2010

Page 36: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

35

Selon Benoit THERY, avant d’envoyer un manager à l’étranger, il est important que le

service des Ressources Humaines décèle les compétences suivantes chez le candidat (THERY

Benoit, 2002):

- Le manager doit être curieux et à la recherche de nouveautés et de nouvelles

expériences. Si le manager possède ce trait de caractère, il cherchera inconsciemment

à comprendre le contexte dans lequel il évolue et fera l’effort de comprendre les

valeurs inculquées. Après cette période de découverte, le manager pourra établir une

relation stable avec son équipe.

- Il doit avoir un esprit d’analyse poussé, afin de gérer des situations complexes au-delà

des frontières. Le manager en charge de l’implantation peut se retrouver seul de son

pays d’origine et doit donc découvrir, comprendre et analyser les problématiques du

marché pour en tirer une analyse qui lui permettra de construire une structure solide

dans ce nouveau pays.

- Il doit être capable de prendre des décisions, même dans un contexte incertain et

savoir négocier avec tact, c’est-à-dire agir en ayant compris les valeurs de

l’interlocuteur étranger. Cette capacité à décider dans de telles conditions n’est pas

donnée à tous les managers. Il doit savoir prendre le recul nécessaire pour analyser la

situation et décider en faisant abstraction de ses lacunes dans ce contexte interculturel.

- Enfin, le manager international doit avoir avant tout un fort potentiel d’adaptabilité qui

lui permettra de gérer les situations sans stress et être capable de vivre au sein d’autres

cultures que la sienne. Ce trait de caractère est la clé de réussite lors d’une

implantation. La facilité d’adaptation du manager lui permettra de s’intégrer et de

devenir opérationnel rapidement.

Le manager peut être d’un caractère extraverti, curieux et à l’aise dans ses relations

mais il aura tout de même besoin de longues années d’expériences avant de développer un

véritable savoir-faire et savoir-être à l’étranger.

b) Les compétences professionnelles nécessaires

Un bon management interculturel ne repose pas essentiellement sur les compétences

ci-dessus. Le manager international doit utiliser une communication adaptée pour transmettre

ses connaissances à son équipe afin qu’elle en développe des compétences. La réussite de

cette communication repose sur quatre aspects.

Page 37: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

36

Le premier est la maîtrise de la langue ; le manager doit maîtriser l’anglais, langue

universelle dans les relations internationales. Il sera d’autant plus efficace s’il parle également

la langue nationale du pays ; même s’il ne la maîtrise pas, son équipe lui sera reconnaissante

de ses efforts pour s’intégrer et s’imprégner de la culture.

Ensuite, le manager devra adapter son style de management au contexte interculturel

du pays, ce qui sous entend qu’il aura étudié et pris connaissance de la culture, se sera

renseigné sur les habitudes culturelles et sur les traits de caractères de ses habitants. D’après

une définition de « Manager dans la diversité culturelle » (THERY Benoit, 2002) le

« management interculturel est la capacité à adapter sa communication, sa négociation et son

leadership au contexte culturel différent d’un pays ou d’un groupe de pays ».

Deux solutions s’offrent alors au manager : soit il décide de créer un style de management qui

sera utilisable dans plusieurs pays, soit il adopte un style de management pour chaque pays.

Le choix se fait en fonction de l’aptitude du manager à s’adapter et des leçons retenues de ses

diverses expériences.

Le troisième aspect est le fait de transférer ses connaissances via des formations et des

séminaires à destination des équipes. Le manager doit être capable d’enseigner ses

connaissances de façon claire et explicite. Le manager doit avoir l’esprit de synthèse et une

bonne communication orale.

Pour finir, le manager international ne pourra pas être en permanence dans le pays

d’accueil. Il est dont important que l’entreprise développe des outils qui permettent de

communiquer efficacement à distance : l’utilisation de l’Intranet de l’entreprise, l’organisation

de vidéoconférences et tout autre système permettant le dialogue entre les deux pays.

c) L’approche théorique de la différenciation culturelle dans le management

D’après différentes études, la solution la plus efficace dans cette situation est d’étudier

la théorie des grands auteurs du management interculturel tels qu’ Hofstede, Trompenaars et

Hall&Hall et de développer cette théorie avec la participation des personnes du pays

d’accueil. Les approches peuvent être différentes, mais le résultat doit rester le même :

transmettre des messages clairs et efficaces qui aboutiront au développement des compétences

de l’équipe interculturelle.

Benoit THERY, dans son œuvre « Manager dans la diversité culturelle » (THERY

Benoit, 2002), a établit un tableau résumant les six principaux critères de différenciation

Page 38: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

37

culturelle dans le management, basé sur les travaux des principaux auteurs du management

interculturel.

Critères Pôles Auteurs de référence

Relation hiérarchique Distance hiérarchique

Partenariat

Hofstede

Hampden-Turner

Relation dans l’entreprise Individualisme

Sens communautaire

Hofstede

Trompenaars

Relation dans l’équipe Compétition

Consensus

Hofstede

Gestion du temps Programmation

Réactivité

Hall et Hall

Trompenaars

Gestion de l’information Explicite

Implicite

Hall et Hall

Gestion du statut socioprofessionnel Au mérite

Au statut d’origine

Trompenaars

Ce tableau synthétique met en avant les différents choix de management. D’une

manière naturelle, le manager va opter pour un style de management en fonction de son

caractère et de son ressenti sur le pays. Avant de partir à l’international, le manager doit

travailler sur lui-même pour définir et comprendre sa manière de transmettre les informations

et de gérer son équipe. En fonction de sa définition propre du management, il lui sera plus

facile de savoir dans quels pays il pourra utiliser ce management et dans quels pays il devra

faire des efforts pour s’adapter et établir une bonne relation avec son équipe interculturelle.

Par exemple, un manager français rencontrera peu de difficultés à travailler dans un autre pays

occidental ; en revanche, il devra revoir sa méthodologie s’il souhaite s’implanter dans un

pays tel que la Chine ou la Russie, qui ont des cultures à tendance orientale.

Le travail du manager lors de son arrivée dans le pays d’implantation repose donc sur

le degré d’accentuation qu’il souhaite établir pour chaque critère de différenciation culturelle.

Selon mon analyse et pour ne citer que les dimensions qui touchent le sujet

directement, le manager doit tout d’abord déterminer quelle relation hiérarchique il souhaite

avoir avec son équipe. S’il est issu d’une culture à faible relation hiérarchique (comme la

Page 39: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

38

France), il doit prendre en compte la distance hiérarchique habituelle du pays et s’adapter

pour trouver le juste milieu entre sa perception et celle de son équipe.

Il en est de même avec la relation dans l’équipe : le manager doit savoir allier

consensus et compétition ; c’est-à-dire qu’il doit trouver le moyen de challenger les membres

de son équipe, sans que la compétition affaiblisse la cohésion du groupe ; à l’inverse, il doit

maintenir un certain degré de rivalité pour maintenir l’ambition de son équipe à atteindre les

objectifs.

Un autre exemple de choix de management que doit adopter le dirigeant est la gestion

du statut socioprofessionnel : certains managers, en fonction de leur culture nationale

préféreront récompenser les membres de leur équipe en fonction des efforts menés et d’autres

s’en tiendront au statut d’origine des postes de chacun. Une fois de plus, le manager devra

mettre de côté son instinct naturel et prendre en compte les habitudes culturelles du pays

d’implantation.

Pour finir, le rôle du manager international est de transformer, de part ses

compétences, un contexte incertain en environnement connu et maîtrisé par lui et son équipe.

Ainsi, il ne sera plus perçu comme l’étranger, mais aura crée une situation dans laquelle il se

sent en confiance, malgré les différences culturelles et aura formé son équipe pour qu’elle se

sente également à l’aise dans cette nouvelle organisation biculturelle. L’idée centrale du

management interculturel est de faire avancer de manière égale les deux parties l’une vers

l’autre pour créer une culture d’organisation interculturelle.

3. Exemples de réussites françaises en Russie.

Les entreprises françaises ayant réussies leur implantation en Russie sont le résultat

d’une parfaite maitrise des facteurs clés de succès étudiés auparavant.

Malgré un risque d’échec élevé lors de l’implantation, un grand nombre de secteurs

d’activités sont aujourd’hui représentés en Russie : les cosmétiques avec Yves Rocher et

l’Oréal, le secteur agroalimentaire avec Danone, le secteur bancaire avec BNP-Paribas et la

Société Générale, le secteur de la grande distribution avec Auchan, l’industrie avec Arcelor et

Alstom, les médias avec Lagardère, le BTP avec Bouygues Construction…

Cependant des échecs ont lieu : les deux plus importants français sont ceux de

Carrefour et de Casino, tous deux concurrents de la grande distribution. Ils ont tenté

l’implantation en Russie en 1998, année de la crise économique et se sont confrontés en

parallèle à l’arrivée de leurs concurrents allemand et turc (respectivement Metro et Ramstore),

Page 40: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

39

qui ont su conquérir toutes les parts de marché, laissant les deux groupes français abandonner

l’aventure seulement quelques mois après leur arrivée dans le pays (MARITON Hervé, 2003).

Quelles sont les raisons de ces réussites ? Il serait intéressant d’analyser ces cas

d’implantations au travers les dimensions culturelles d’HOFSTEDE. Cette analyse porte sur

les implantations d’Auchan, d’Yves Rocher, de Danone et de L’Oréal.

La première dimension développée par HOFSTEDE et MINKOV (HOFSTEDE et

MINKOV, 2010) est la distance hiérarchique. Elle désigne « l’acceptation de l’inégalité de

pouvoir par celui qui y est soumis ».

Historiquement, la France a une distance hiérarchique faible définie comme ayant peu de

niveaux hiérarchiques dans l’entreprise (organisation horizontale) contrairement à la société

russe qui avait de nombreux niveaux de hiérarchies dans ses entreprises (hiérarchie verticale).

Depuis la chute de l’URSS, ce mode d’organisation est devenu de plus en plus rare et tend à

devenir horizontal, suivant le modèle Occidental. Cette dimension n’a pas d’impact décisif sur

la réussite ou l’échec d’une implantation française en Russie.

En revanche, la deuxième dimension développée par les deux auteurs, le contrôle de

l’incertitude, peut avoir une incidence sur l’implantation. Cette dimension met en avant le

« degré de tolérance qu’une culture peut accepter face à l’inquiétude provoquée par les

événements futurs ».

En France, les individus n’acceptent pas l’incertitude alors que les Russes la tolèrent très bien,

de part leur passé chaotique. Auchan illustre bien cette dimension. En effet, en tant que

pionnier de la distribution française en Russie, Auchan s’est implanté en 2002 sur le territoire

russe en développant un nouveau modèle de distribution : les hypermarchés. Les concurrents

russes d’Auchan (X5 Retail Group et Magnit) étaient alors des supermarchés et ne

bénéficiaient pas d’une aussi grande offre de produits que le distributeur français. Auchan a su

s’imposer sur le territoire russe en tentant une nouvelle stratégie, alors inconnue de la

population. Le groupe français a fait preuve d’une innovation fondamentale sur un marché

inconnu. Les Russes ont tout à fait accepté ce nouveau concept.

La troisième dimension est la différence de vision entre l’individualisme et le

collectivisme. Elle désigne le « degré de liberté d’un individu par rapport à un groupe ».

Toujours selon l’ouvrage « Cultures et Organisations » (HOFSTEDE et MINKOV, 2010), la

France et la Russie sont deux pays avec une vision semblable, qui repose sur l’individualisme,

se traduisant par un grand degré de liberté des individus au sein d’un groupe. Les deux pays

réagissant de la même manière, cette dimension ne représente pas un frein aux implantations.

Page 41: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

40

Ensuite, HOFSTEDE et MINKOV ont identifié le degré de masculinité et de

fémininité de chaque culture. Il faut comprendre cette dimension comme la « séparation

marquée ou non des rôles des deux sexes dans les tâches de la vie quotidienne » ainsi que la

« sensibilité aux facteurs émotionnels ».

Les individus peuvent être soit sensibles aux facteurs émotionnels (fort degré de fémininité)

soit sensible aux facteurs factuels (fort degré de masculinité). La France et la Russie ont une

dimension masculine, avec des tendances différentes : la France a sensiblement un degré de

fémininité supérieur à la Russie. Cependant, L’Oréal, le numéro un du cosmétique en Russie a

su joué avec la part de fémininité de la population russe, lors de son implantation en 1994. A

l’époque, la société a dû faire preuve d’une grande pédagogie auprès des femmes de l’ex-

URSS pour les convertir à l’utilisation de cosmétiques. L’Oréal a usé de stratégies :

distribution d’échantillons de crèmes gratuits, vente de shampoings à prix abordables

(CAHUZAC Adrien, 2010). Le groupe français a détourné la dimension masculine du pays

pour sensibiliser la population aux facteurs émotionnels, alors fragilisée par la nouvelle

économie.

Auchan quant à lui a misé sur des faits concrets pour conquérir la Russie. Les raisons de sa

puissance sont une bonne gestion des coûts, des moyens de financement moins chers que ses

concurrents et à sa puissance d’achats supérieure de part ses hypermarchés.

Enfin, les deux auteurs ont différencié les cultures grâce à leur orientation à court

terme (« synonyme du respect des traditions ») ou à long terme (représentant la persévérance

et l’économie). La France est caractérisée par sa vision à long terme alors que la Russie a une

orientation à court terme (dû à l’Histoire du pays).

Yves Rocher est typiquement l’exemple de réussite sur le sol russe de part sa parfaite

adaptation à l’orientation du temps7. Yves Rocher, groupe de cosmétique français est apparu

en Russie en 1991. La vision à long terme de l’entreprise était le développement de la vente

par correspondance de ses produits. Pour atteindre son but, elle a fixé plusieurs objectifs à

court terme : tout d’abord, développer ses ventes par l’intermédiaire d’agents locaux, ensuite

en expatriant son personnel français en Russie pour finalement atteindre son objectif de

vendre principalement par correspondance. Aujourd’hui, malgré ses 120 magasins implantés

sur tout le territoire, Yves Rocher est davantage connu pour son système de vente à distance.

Ce succès est la preuve que le groupe a su trouver un juste milieu entre la gestion du temps

française et l’orientation à cours terme de la Russie.

7 MERCATOR, « Yves Rocher Vostok, ou la stratégie de marketing glocal d’une entreprise internationale en

Russie », www.mercator-publicitir.fr, 2009

Page 42: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

41

Conclusion

Cette première partie basée sur la revue de la littérature du sujet de l’implantation

d’entreprises françaises en Russie a permis d’éclaircir plusieurs points.

Tout d’abord, la culture nationale est le pilier d’un Homme ; cette culture lui inculque

des valeurs, des normes et des habitudes qui rythment sa vie. La présence de cette culture est

inévitable et incontrôlable, posant problème lorsqu’il y a une mixité des cultures, qu’elle soit

désirée ou non. En effet, la mondialisation actuelle impose un mélange quotidien des cultures.

Afin de tirer une véritable puissance de cette mixité, les entreprises internationales,

implantées dans le monde entier, sont aujourd’hui contraintes de créer une réelle culture

d’organisation, dédiée à réunir tous les individus sous de même valeurs et croyances. La

création de cette culture d’organisation est le travail de tout manager international qui tente

d’établir des relations avec son équipe locale.

Cette culture d’entreprise implique bien entendu la création d’une gestion

internationale des Ressources Humaines, permettant ainsi de fixer des normes communes à

tous les membres du Groupe.

J’ai choisi de centrer cette étude théorique sur le cas de l’implantation d’entreprises

françaises en Russie et sur les troubles liés aux rencontres franco-russes.

En effet, l’observation de ces cultures a permis de mesurer le peu de similitude que

possèdent les deux pays. Ce cas d’implantation est d’autant plus intéressant que les essais

pour pénétrer le marché russe sont nombreux et les échecs se succèdent. En revanche,

lorsqu’une entreprise française réussi son implantation, son succès est exemplaire.

A ce point de la recherche et avant de commencer l’analyse, les propositions de

recherches de départ semblent être confirmées.

Pour rappel, la première était : Un management interculturel efficace permet de

réduire les problèmes de communication lors d’une implantation française en Russie. La

théorie extraite des propos des auteurs de ce domaine valide cette affirmation. Grâce à un

manager doté de bonnes qualités d’adaptation et d’expériences à l’international, le groupe

multiculturel, composé du manager français et des équipes locales, parviendra à créer une

réelle culture d’organisation.

Page 43: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

42

La deuxième proposition de recherche était la suivante : Le facteur humain est

l’élément majeur à prendre en considération lors d’une implantation à l’étranger. En effet,

une implantation requiert la mise en place d’une gestion internationale des Ressources

Humaines efficace ainsi que des choix stratégiques adaptés à la culture russe.

Afin de pouvoir répondre d’une manière complète à la problématique « Quelle est

l’importance du facteur humain et des choix stratégiques lors d’une implantation française en

Russie ? », l’analyse se porte à présent sur la gestion du facteur humain au sein de deux

groupes français, implantés en Russie : Malteurop et Leroy Merlin.

Page 44: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

43

II. Etude exploratoire

Cette étude exploratoire va permettre dans un premier temps de valider ou de réfuter

les propositions de recherches et dans un second temps, de comparer les différentes approches

d’une implantation selon le secteur d’activités.

Dans cette analyse, il est question du secteur de l’industrie avec le cas de MALTEUROP et du

secteur de la distribution avec le groupe LEROY MERLIN. Les réponses aux enquêtes ont été

complétées par des témoignages d’entrepreneurs français implantés en Russie, également

présents dans le secteur de l’industrie. Les entreprises en question sont ALSTOM, l’un des

leaders mondiaux de la production et de la transmission d’électricité et STEP

CONSTRUCTION, entreprise russe spécialisée dans la construction de projets industriels.

A. Champ d’application de l’étude

1. Le secteur de l’Industrie : Cas de Malteurop

a) Le contexte

Malteurop est une malterie, c’est-à-dire que son activité principale est de transformer

l’orge, récoltée auprès des coopératives agricoles et de le transformer en malt après un

processus de transformation de plusieurs semaines. Malteurop vend ensuite ce malt aux

brasseries, ingrédient indispensable pour la fabrication de la bière.

Son principal concurrent, lui aussi français, est le groupe Soufflet. Soufflet et

Malteurop se partagent ainsi le marché mondial du malt.

Malteurop a développé sa première filiale à l’étranger en 1991, avec la création d’une

usine en Espagne. Depuis 2008 et grâce à ses implantations à travers le monde (Europe,

Ukraine, Etats-Unis, Russie, Chine, Australie…), Malteurop est devenu le leader de

l’industrie du malt. Le groupe possède aujourd’hui 23 usines, présentent dans 12 pays, avec

une capacité de production de 2 200 000 tonnes par an8.

8 www.malteurop.com

Page 45: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

44

L’usine de Belgorod en Russie est ouverte depuis 2009 et peut produire jusqu’à

100 000 tonnes de malt par an.

b) Le choix de l’implantation

Le groupe Malteurop s’est implanté en Russie pour des raisons économiques : la

consommation de bière du pays ne cessant d’augmenter, il était donc logique de prendre une

place sur ce marché en plein essor économique. De plus, les partenaires du groupe étant des

brasseurs reconnus internationalement tels que Heineken, Carlsberg et ABInBev, Malteurop

est entré sur le marché russe en concluant de nouveaux accords avec ces brasseurs déjà

implantés dans le pays.

Maintenant, la raison pour laquelle Malteurop a choisi de s’implanter à Belgorod est

une raison d’ordre stratégique. En effet, l’oblast (région) de Belgorod est connue pour avoir la

plus grande production d’orge du pays. En y implantant une usine, Malteurop fait donc des

économies sur les coûts de transports entre les coopératives agricoles et l’usine.

2. Le secteur de la Distribution : Cas de Leroy Merlin

a) Le contexte

Leroy Merlin est une enseigne française de grande distribution, détenue par le groupe

ADEO et spécialisée dans le bricolage d’intérieur et d’extérieur ainsi que la décoration et

l’ameublement. Aujourd’hui Leroy Merlin est le leader sur le marché français des grandes

surfaces spécialisées dans le bricolage et l’aménagement de la maison9.

Le groupe a décidé de s’internationaliser dès 1989 en exportant son concept tout

d’abord en Espagne, en Belgique et en Italie, avant de s’étendre à travers le monde. A ce jour,

Leroy Merlin est présent dans 12 pays et son parc s’étend quasiment à 300 magasins.

9 www.leroymerlin.fr

Page 46: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

45

Le groupe est présent en Russie depuis 2004 et a ouvert jusqu’à aujourd’hui 17

magasins à travers le pays10

. A ce jour, Leroy Merlin est le leader du marché, devant ses

concurrents locaux Maxidom et Klondike.

b) Le choix de l’implantation

Leroy Merlin a tout naturellement décidé de s’implanter sur le territoire russe à la vue

de l’engouement de la population pour le domaine du bricolage et d’aménagement de la

maison.

Il est important de savoir que la Russie connait depuis la chute de l’ex-URSS une

modification complète du mode de vie de ses habitants. Par exemple, la population a

maintenant accès à la propriété privée, et peuvent s’acheter des biens immobiliers. C’est donc

pour cette raison que le chiffre d’affaires du marché du bricolage en Russie a augmenté de

25% chaque année, entre 2003 et 200811

.

Leroy Merlin a alors profité de cette tendance économique positive pour, en 2004,

ouvrir son premier magasin à Moscou, qui fut le premier d’une grande série (actuellement 15

magasins dans toute la Russie).

10

www.leroymerlin.com 11

D.B, « Un défi de taille pour Leroy Merlin », www.pointsdevente.fr, n°1068, 2010

Page 47: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

46

B. La méthodologie suivie

1. La démarche d’investigation

Cette étude exploratoire a été menée pour répondre aux propositions de recherche

dégagées durant la revue de la littérature.

Les études sur les différences culturelles entre la Russie et la France existent, mais peu

nombreuses sont celles qui préconisent des solutions pour adopter une bonne gestion du

facteur humain dans cette situation. C’est pourquoi la démarche de recherches est basée sur un

raisonnement hypothético-déductif, c’est-à-dire sur la déduction faite à partir des propositions

de recherches posées.

L’étude empirique sur les deux entreprises Malteurop et Leroy Merlin va alors

permettre de déduire les tendances à adopter lors d’implantations d’entreprises françaises en

Russie.

2. Le choix de la méthodologie de recherche

Cette étude a été menée dans une démarche qualitative afin de pouvoir extraire les

tendances comportementales à développer dans ce type de situation.

De plus, cette étude qualitative va permettre de faire ressortir les principaux thèmes à

analyser, tels que le management interculturel, la gestion des Ressources Humaines et les

différences culturelles entre la France et la Russie.

Une fois les thèmes dégagés, l’analyse des réponses pourra être réalisée.

3. Le but

Le but de l’étude exploratoire est de mesurer l’importance du facteur humain et de sa

gestion, dans l’implantation d’entreprises françaises en Russie. La recherche théorique a

permis d’extraire des propositions de recherches, qu’il est impératif de valider ou de réfuter

afin de trouver des solutions.

C’est la raisons pour laquelle les secteurs de la distribution et de l’industrie ont été

analysés au travers les cas de Malteurop et de Leroy Merlin.

Page 48: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

47

C. Le contre-rendu d’entretien

1. Introduction

a) Le choix du public cible

Les entretiens ont été réalisés auprès de managers français et russes, qui ont participé à

une implantation française en Russie. Plus précisément, l’analyse porte sur trois managers,

tous trois ayant participé soit à l’implantation de l’entreprise Malteurop à Belgorod en 2009,

soit à l’implantation de Leroy Merlin à Moscou en 2004.

Tout d’abord, j’ai choisi d’interroger deux personnes au sein de la multinationale

Malteurop. J’ai contacté ces personnes à la suite de mon stage de césure au sein la filiale

russe, dirigée par Andrey Kichigin, directeur général des opérations de Malteurop en Russie.

Durant ces trois mois au service marketing du groupe, M. Kichigin fut mon

interlocuteur direct pour l’élaboration de mon étude de marché sur la bière en Russie. Après

plusieurs postes à responsabilité dans le milieu agricole et plus précisément dans celui de

l’orge, il fut embauché pour prendre la direction de la filiale. Il a pour mission de développer

le réseau commercial en Russie et dans les pays frontaliers et d’optimiser la production du

malt.

M. Kichigin est un Russe, originaire de Moscou, qui a un style de management à

tendance occidentale ; il souhaite modifier le style de management russe et est en parfaite

adhésion avec la gestion occidentale du service des Ressources Humaines.

Ensuite, j’ai également décidé d’interroger Denis Julien, le directeur technique du

groupe Malteurop. Il a une carrière très internationale : il parcourt le monde pour définir les

choix stratégiques des différentes filiales du groupe et pour veiller au bon déploiement

opérationnel des filiales. Il est en charge d’implanter les nouvelles usines : M. Julien a entre

autre déjà passé trois ans en Chine, a participé à l’implantation de l’usine en Ukraine et a

également passé l’année 2009 en Russie, au côté d’Andrey Kichigin pour démarrer les

opérations à Belgorod.

Page 49: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

48

M. Julien m’a permis d’effectué mon stage en Russie. Je l’ai rencontré lors de l’une de

ses visites à l’usine de production et nous sommes restés en contact depuis ce temps.

J’ai donc la chance de pouvoir comparer la vision russe et la vision française sur le

déroulement de l’implantation de la filiale de Malteurop en Russie.

Afin d’étoffer mon analyse, j’ai également interrogé Pierre-Louis Gras, ancien

directeur marketing et achat du groupe français Leroy Merlin en Russie. Je suis entrée en

contact avec ce professionnel par l’intermédiaire de Philippe Vigier, ancien professeur du

groupe Sup de Co La Rochelle. En effet, les managers de Leroy Merlin expatriés en Russie

sont formés au sein de l’établissement ; M. Vigier était l’un de leurs formateurs.

M. Gras a participé au lancement du premier magasin Leroy Merlin à Moscou ; il est

resté en poste de 2002 à 2008. Son profil est très intéressant de part ses nombreuses

expériences à l’international : en vingt ans de carrières, M. Gras est resté 6 ans en Russie et

auparavant 7 ans sur le continent asiatique.

Grâce à sa participation active dans l’élaboration de ce mémoire de recherches, j’ai pu étendre

mon analyse sur le secteur de la distribution.

Pour finir, j’ai décidé d’exploiter des témoignages tirés d’Internet, d’entrepreneurs

français qui se sont implantés il y a quelques années en Russie.

Il y a tout d’abord le témoignage de Joël-Henri Micheau, embauché par l’entreprise

russe Step-Construction (spécialisée dans la construction de projets), en tant que responsable

du développement international du groupe. Il est arrivé à Saint-Petersbourg en 2003 en tant

que professeur de marketing et d’économie en université. Après s’être créé un réseau

relationnel aux seins d’associations culturelles, on lui a proposé de prendre ce poste qu’il a

accepté12

.

Ensuite, j’ai également utilisé le témoignage d’Eric Brisset, directeur général de

l’usine Alstom Grid à Ekaterinbourg. Il a commencé à découvrir la culture russe au travers de

courtes missions en Russie pour le groupe Lesaffre (fabriquant de levure). C’est en 2008

12

Témoignage de M. Micheau, p 83

Page 50: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

49

qu’un cabinet de recrutement français lui a proposé le poste de directeur général de l’usine de

production d’AREVA T&D (filiale d’Alstom et de Schneider Electric depuis 2010)13

.

b) Le contexte des enquêtes

Par des soucis de localisation, les enquêtes ont toutes été menées par écrit.

En effet, Andrey Kichigin vit à Belgorod en Russie ; Denis Julien est rarement en France ;

Pierre-Louis Gras travaille dans le Nord de la France.

La prise de contact avec les interlocuteurs s’est donc faite par mail, dans lequel je leur ai

exposé le but de mon mémoire de recherches et joins le questionnaire. J’ai obtenu des

réponses positives de la part de M. Julien et de M. Gras sans difficultés. En revanche, après

quelques échanges de mails avec M. Kichigin, je n’ai pas pu récupérer les réponses à ses

questions à temps pour la rédaction de l’étude.

L’étude a donc été menée seulement auprès des deux managers français.

Les réponses aux questionnaires sont authentiques (cf. Annexes B et C p. 67 et 75).

c) L’entretien semi-directif

Le guide d’entretien est la ligne directrice des interviews (cf. Annexe A, p 63). Il a été

mené sous la forme d’un questionnaire semi-directif. Les questions sont majoritairement

orientées grâce à des propositions de réponses et demandent toutes d’illustrer les propos par

des exemples et des remarques. Il a été rédigé en français et également en anglais, dans le but

d’interroger le contact russe.

La version française a pour but d’analyser la perception qu’ont eue les managers

français au sujet des Russes, lors de l’implantation. La version anglaise quant à elle examine

le ressenti des Russes lors de l’arrivée des Français pour procéder à l’implantation.

Enfin, cette enquête est organisée par thèmes : le premier traite de l’implantation en

Russie et du ressenti des intervenants sur la culture russe. Ensuite, le sujet est approfondi sur

13

Témoignage de M. Brisset, Q1. R1., p. 85

Page 51: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

50

l’organisation du travail en Russie. Pour finir, l’enquête interroge les intervenants sur les

différences géographiques en Russie et leurs impacts sur le management.

Le premier thème cherche à comprendre la réaction des managers français lors de leur

arrivée en Russie. Cette première partie analyse la phase du choc culturel, son intensité et sa

durée. Elle traite également de l’accueil qui leur a été réservé par leurs hôtes russes et sur

leurs premières impressions. Pour finir, je demande également aux intervenants de me décrire

la façon dont ils ressentent la culture russe.

Ensuite, l’enquête traite le thème de l’organisation du travail en Russie. Cette partie,

volontairement plus grande que les deux autres a pour but d’observer différents aspects de la

vie en entreprise en Russie. Elle analyse l’organisation structurelle de l’entreprise et ses

différents services internes (service des RH, juridique, marketing…) ainsi que ses relations

avec les différents partenaires externes tels que l’Etat, les fournisseurs et les clients. De cette

analyse est demandée quelles sont les évolutions majeures visibles entre le moment de

l’implantation et aujourd’hui.

Puis, cette partie met en avant les différences de comportements dans les relations

d’affaire dues à la divergence des cultures entre la France et la Russie. Sont traitées ici les

problèmes d’ordre stratégiques liés à une possible différence de visions professionnelles, les

difficultés à établir une relation hiérarchique équitable entre les deux cultures ainsi que la

notion de relation de confiance au travail.

Enfin, l’enquête aborde le thème de la localisation géographique des entreprises et de

leur impact sur le mode de management à adopter.

Page 52: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

51

2. L’analyse méthodologique de l’entretien

Comme dit précédemment, ces entretiens se sont déroulés par écrit. La distance de

mes interlocuteurs fut le frein principal aux entretiens physiques. Malgré des réponses

pertinentes, l’ensemble des questions ne traitaient pas suffisamment en profondeur l’ensemble

du sujet. Par exemple, le thème de la gestion internationale des Ressources Humaines ne fut

pas assez approfondi. Ce manque de développement dans les questions aurait pu être rattrapé

lors d’un entretien en face-à-face ; il est plus facile de rebondir sur des réponses, au moment

de l’interview qu’une fois le questionnaire complété.

Afin de compléter l’étude, des témoignages tirés d’Internet d’entrepreneurs français en

Russie ont également été utilisé. Ils vont permettre d’approfondir et de valider ou réfuter les

propos tenus par les deux intervenants.

La prise de contact fut très positive : M. Gras qui ne me connaissait pas à tout de suite

accepter de m’aider dans mon analyse en répondant au questionnaire et en m’encourageant

pour la réalisation de mon mémoire de recherches.

M. Julien, que j’avais déjà rencontré lors de mon stage chez Malteurop Russie, m’a également

répondu positivement.

Je n’ai malheureusement pas obtenu les réponses de M. Kichigin, le directeur général

de Malteurop Russie. Il m’a informé à deux reprises qu’il allait répondre à mon étude, mais

qu’il était très occupé pour le moment. La date de remise du mémoire approchant, j’ai donc

décidé de poursuivre mon étude exploratoire sans attendre les propos de M. Kichigin.

Cet échec dans la récolte de réponses a certainement réduit les possibilités d’analyses

du sujet. Le thème de la différence de perception entre les deux cultures aurait pu permettre

d’analyser plus en profondeur les différences culturelles entre Français et Russes et permis

d’observer des raisonnements différents.

Page 53: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

52

3. L’analyse des enquêtes

Ces entretiens, témoignages et leurs confrontations avec la théorie ont permis d’en

extraire une problématique qui se pose tout au long de l’analyse des résultats : Quel est

l’impact de la différence de cultures sur les implantations en Russie ? C’est-à-dire que le but

de cette partie est de comprendre quels sont les éléments clés qui ont joué un rôle dans ces

deux cas d’implantation.

Il s’en dégage alors trois axes d’analyses :

- La compréhension de la culture nationale est l’élément majeur pour réussir une

implantation.

- La confrontation de cultures, ici française et russe, a des conséquences sur la gestion

du facteur humain.

- Une implantation à l’internationale nécessite des choix stratégiques pertinents.

Afin de suivre une démarche démonstrative, il est maintenant nécessaire de créer un parallèle

entre la théorie des grands auteurs citée dans la première partie et les réponses des managers

interrogés.

Axe d’analyse n° 1 :

La compréhension de la culture nationale est l’élément majeur pour réussir une

implantation.

A la lecture des réponses des différents intervenants, il semble tout à fait primordial de

comprendre et de tolérer les différences culturelles pour réussir son implantation. En effet,

comment réussir à collaborer avec les Russes si les personnes en charge de l’implantation ne

perçoivent pas les subtilités de la culture ? Il semble évident que M. Gras a compris la culture

russe en la définissant de la sorte : « la fameuse âme russe qui mélange la plus grande dureté

au plus grand romantisme14

». M. Julien complète également cette définition de la culture

russe en caractérisant les Russes comme des personnes fières de leur pays, et cultivant un

caractère très individualiste15

. Ces définitions correspondent aux traits de la personnalité des

Russes, décrits par Alla SERGUEEVA (SERGUEEVA Alla, 2006).

14

Interview de M. Gras, Q4.R4, p. 71 15

Interview de M. Julien, Q4.R4, p. 79

Page 54: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

53

Cependant, M. Gras vient compléter la théorie sur le sujet en relevant un « certain

complexe d’infériorité ». Il explique que ce sentiment est dû à leur retard sur le reste du

monde, causé par l’ancien régime, qui les coupa du monde jusqu’à la chute de l’ex-URSS.

Comme l’a si clairement mentionné M. Micheau dans son témoignage, « La Russie

d’aujourd’hui, c’est l’Europe il y a vingt ans16

». En effet, je comprends ce sentiment : les

Russes estiment qu’ils doivent prouver en un temps record la puissance de leur pays s’ils

veulent eux aussi faire partie des grandes puissances mondiales.

Un élément vient néanmoins compliquer cette volonté. Alla SERGUEEVA

(SERGUEEVA Alla, 2006) affirme que la culture russe est le résultat d’un mélange de pensés

occidentale et orientale ; M. Gras a confirmé les propos de l’auteur: la culture russe est « un

mix entre un esprit assez rationnel européen et cette forme très asiatique de faire confiance

au destin17

». En effet, la situation géographique de la Russie a crée une réelle mixité des

cultures occidentale et orientale qui tend à compliquer leur insertion dans l’une des deux

cultures. L’effort pour le pays est donc considérable.

Un point rassurant et positif pour les relations franco-russe a été relevé dans les

réponses de M. Gras18

: la culture française et la culture russe ont des similitudes de part leurs

relations historiques. Les deux pays ont très souvent été alliés, les mariages royaux franco-

russes étaient fréquents et leurs liens d’amitiés ont toujours été très forts19

. Cette complicité

peut se ressentir par exemple dans l’architecture de Saint-Pétersbourg, ville construite en 1703

par Pierre le Grand20

, sous influence de l’architecture française. Des traits de caractères

communs aux deux pays en découlent, comme par exemple l’importance portée à la politesse

dans les relations21

.

Les réponses des intervenants sur l’importance de la compréhension de la culture

nationale lors d’une implantation viennent confirmer les propos développés dans la revue

littéraire. Sans une approche préalable de la culture russe, l’implantation française en Russie

est plus difficile et l’implantation peut être ponctuellement compromise.

16

Témoignage de M. Micheau, Q6. R6, p. 84 17

Interview de M. Gras, Q4.R4, p. 71 18

Interview de M. Gras, Q14.R14, p. 76 19

Les relations officielles franco-russes, http://www.russie.net/paris-moscou/histoire.htm 20

Saint-Pétersbourg : repères historiques, http://www.russie.net/russie/pet-histoire.htm 21

Interview de M. Gras, Q14.R14, p. 76

Page 55: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

54

Axe d’analyse n° 2 :

La confrontation des cultures, ici française et russe, a des conséquences sur la gestion du

facteur humain.

Les intervenants ont remarqué un nombre assez important de différences de pensées,

résultat de la confrontation culturelle, qui intervient dans la gestion du facteur humain.

Tout d’abord le premier élément commun aux deux questionnaires est la différence de

hiérarchie entre la culture française et la culture russe. M. Julien et M. Gras ont tous deux

trouvé que les relations en Russie sont hiérarchiques22

et voir même très hiérarchiques23

. A

priori, ce sens de l’organisation ne semble pas avoir d’impact direct sur les Hommes de

l’entreprise. Et pourtant, les managers français doivent s’adapter aux habitudes locales tout en

sachant imposer leur propre organisation. M. Brisset décrit le management russe comme « un

management directif, avec une très forte personnalité du directeur24

». L’adaptation peut alors

se révélée difficile. Comme l’a mentionné M. Julien dans ses réponses, l’idée est de

développer une « hiérarchie intermédiaire25

», afin de ne pas perturber les salariés russes

habitués à un management autoritaire et de ne pas faire perdre la face au Français qui pourrait

se retrouver en difficulté pour manager une équipe russe. Au sein de Malteurop, implanté

depuis deux ans à Belgorod, cette hiérarchie intermédiaire semble encore avoir quelques

difficultés à se mettre en place. Denis Julien a dit que le « DG est encore trop souvent

confronté aux problèmes quotidiens, qui ne sont pas de son ressort26

». Cette affirmation me

fait penser que le travail d’adaptation est peut-être encore plus délicat dans le sens ou le

Directeur Général n’est autre qu’Andrey Kichigin, un russe. Je suppose donc que les

employés, tous russes également, ont quelques difficultés à comprendre cette nécessité

d’alléger la hiérarchie, alors qu’ils travaillent dans un environnement totalement russe, sans

expatrié français à leur côté quotidiennement.

L’un des autres facteurs dans lequel intervient la divergence de cultures dans la

gestion du facteur humain est le mode opératoire dans les affaires commerciales et

administratives, principalement avec les intervenants extérieurs. M. Gras et M. Julien sont

22

Interview de M. Julien, Q10.R10, p. 81 23

Interview de M. Gras, Q10.R10, p. 75 24

Témoignage de M. Brisset, Q8. R8, p. 87 25

Interview de M. Julien, Q10.R10, p. 81 26

Interview de M. Julien, Q10.R10, p. 81

Page 56: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

55

tous deux d’accord sur le fait que les relations d’affaires sont compliquées dues aux

démarches administratives obligatoires occidentales. Tous les entrepreneurs français des

différents témoignages sont également convaincus des difficultés à établir des contrats écrits

avec les Russes. M. Puteaux insiste sur la longueur des procédures administratives en Russie

et sur la nécessité, voir l’obligation pour les étrangers de « rédiger des contrats très précis 27

»

pour ne pas avoir de soucis professionnel. En effet, comme vu dans la revue de la littérature

les Russes ne font pas confiance aux contrats écrits et concluent souvent les affaires

oralement. Pour reprendre les mots de Denis Julien, « […] la part administrative, tels que les

contrats, garanties, etc.…reste très compliquée. Les accords commerciaux ne sont pas

toujours très fiables […28

] ». Quant à M. Gras, il explique que même si les partenaires

externes ne comprennent pas l’utilité des contrats écrits et qu’ils ne conçoivent pas ce genre

de relations, ils n’ont aujourd’hui plus le choix : s’ils veulent faire des affaires avec Leroy

Merlin, leader du marché russe rappelons-le, ils doivent se plier aux règles occidentales29

.

Ces témoignages confirment la théorie de Laurent GOULVESTRE, (GOULVESTRE

Laurent, 2008), selon laquelle la confiance dans le monde des affaires russe s’accorde

oralement, par manque de confiance dans les documents officiels. Mais cette analyse

démontre également que le monde occidental s’impose aux Russes, sans qu’ils ne puissent

refuser ; si la Russie souhaite évoluer et s’ouvrir au monde, les entreprises locales sont

obliger de se soumettre aux volontés occidentales, sans même toujours comprendre l’utilité de

ces documents.

Comme l’a mentionné M. Gras, les relations commerciales et administratives tendent à

s’améliorer ces dernières années30

; mais je me pose la question de savoir si ces améliorations

sont dues au pouvoir de Leroy Merlin en Russie ou tout simplement à l’évolution de la culture

russe. J’aurai tendance à penser que la force de négociation est l’élément majeur dans

l’amélioration et dans la soumission des Russes aux règles occidentales. En effet, le discours

de Denis Julien est moins optimiste sur l’amélioration des relations commerciales et

administratives et laisse à penser que Malteurop, implantée dans une région plus reculée de la

Russie que Leroy Merlin, a encore du mal à convaincre les locaux de l’utilité, de la valeur et

surtout de l’obligation des documents officiels écrits.

27

« Travailler avec des sociétés russes. Les conseils pour réussir en affaires », www.journaldunet.com 28

Interview de M. Julien, Q5.R5, p. 79 29

Interview de M. Gras, Q5.R5, p. 72 30

Interview de M. Gras, Q5.R5, p. 72

Page 57: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

56

Pour finir l’analyse sur cet axe de discussion, la notion de vision abordée par Alla

SERGUEEVA (SERGUEEVA Alla, 2006) semble être validée par l’expérience terrain des

deux intervenants français. En effet, selon la théorie, les Russes ont acquis de leur Histoire,

une vision à court terme basée sur les actions passées. Lors de la question « Comment

définiriez-vous la vision professionnelle de vos collègues russes ? », M. Gras a répondu qu’ils

avaient une vision à court terme. Il a argumenté cette réponse par deux explications : « une

confiance dans l’avenir très limitée par rapport à l’Histoire » et « une méfiance naturelle vis-

à-vis du discours de l’entreprise31

».

La première explication confirme exactement la théorie évoquée lors de la revue de la

littérature et notamment celle d’Alla SERGUEEVA. La deuxième explication quant à elle est

une réponse supplémentaire à la vision à court terme des Russes. M. Gras complète cette

deuxième raison par un exemple tout à fait surprenant, mais typique du manque de confiance

qu’ont les Russes envers les entreprises. Il explique qu’ « un collaborateur préférera changer

de job pour une augmentation de 100€ plutôt que de croire au discours de son employeur sur

les promotions potentielles32

». Cet exemple est très fort et montre selon moi le chemin qu’il

reste à parcourir par les entreprises russes et étrangères pour faire changer la mentalité des

employés et leur redonner une confiance disparue depuis des années.

Tout comme l’effort que réalisent les Russes pour croire à la nécessité des documents

écrits, les Russes une fois de plus sont obligés de raisonner différemment de leur volonté.

Comme l’explique M. Julien dans sa réponse à la question « Comment définiriez-vous la

vision professionnelle de vos collègues russes ? », par soucis d’évolution à l’internationale et

d’ouverture des frontières, les Russes sont obligés de trouver un juste milieu entre leur vision

à court terme et la vision à long terme des entrepreneurs étrangers33

. C’est la raison pour

laquelle ils sont contraints de raisonner au minimum à moyen terme. C’est pourquoi Lydie

EVRARD et Ronan VENETZ conseillent d’entrer sur le marché avec une vision à court

terme, avec pour objectifs de petits projets afin de tester le marché. Une fois les objectifs

atteints et la culture assimilée, l’entreprise peut envisager des projets à moyen et long terme

(EVRARD et VENETZ, 2010).

31

Interview de M. Gras, Q8.R8, p. 74 32

Interview de M. Gras, Q8.R8, p. 74 33

Interview de M. Julien, Q8.R8, p. 80

Page 58: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

57

La localisation géographique a également son importance : suite à l’étude menée par

les auteurs de « Human Capital Practices of Russian Enterprises » (ARDICHVILI et DIRANI,

2005), il a été prouvé que les entreprises situées à Moscou ont obligatoirement une vision qui

tend vers le long terme dû à la plus grande compétitivité et à l’internationalisation des

entreprises qui ont des modes de management occidentales.

En comparant les réponses de M. Julien et de M. Gras, une question se pose : à

combien d’années correspond une vision à court terme ? Une vision à long terme ? À en juger

par les réponses des deux interlocuteurs, une vision à long terme serait une vision à partir de 5

ans. En effet, M. Gras écrit qu’il est difficile de faire des « démarches stratégiques de type

plan à 5 ans 34

». Par simple déduction, je conviendrai qu’une vision à court terme correspond

à des prévisions à un an, une vision à moyen terme est un plan sur environ 3 ans et un plan à

long terme en Russie correspond à une vision à partir de 5 ans. Cette analyse est limitée à une

déduction personnelle et est donc discutable. En effet, elle ne repose sur aucun fait

scientifique.

Axe d’analyse n° 3 :

Une implantation à l’internationale nécessite des choix stratégiques pertinents.

Ce troisième axe d’analyse met en avant d’une part l’importance de la prise en compte

du facteur humain et d’autre part les choix stratégiques favorables à l’implantation

d’entreprises françaises en Russie.

Le premier choix stratégique pour l’implantation en Russie est la localisation de la

filiale sur le territoire. Comme mentionné dans la partie théorique par Jean-François COLLIN

(COLLIN Jean-François, 2009) la Russie comporte des régions bien plus reculées que

Moscou et Saint-Pétersbourg où l’ouverture à l’international est encore assez limitée et où

l’adaptation à la culture locale est plus que nécessaire. Par exemple, M. Julien est bien sûr au

courant de ces différences, mais l’unique filiale russe de Malteurop étant située dans la région

sud-ouest, à la frontière ukrainienne (pays dans lequel le groupe s’est implanté dès 2002), il

34

Interview de M. Gras, Q8.R8, p. 74

Page 59: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

58

n’a pas ressenti le besoin de s’adapter différemment culturellement parlant35

. En effet, la

région de Belgorod et l’Ukraine cultivent une culture identique.

En revanche, Leroy Merlin qui possède des magasins dans tout le pays est organisé

sous forme de PME (Petite et Moyenne Entreprise), qui évoluent en fonction des clients et des

besoins locaux. M. Gras insiste sur le fait que cette démarche est primordiale pour réussir

dans toutes les régions du territoire36

.

Ensuite, le modèle d’organisation a également un impact sur le succès d’une

implantation. Comme énoncé précédemment, chaque magasin Leroy Merlin est une PME et

chacune d’entre elle évolue en fonction de la région d’implantation. Cependant, M. Gras met

en évidence « l’importance de réfléchir à des notions de gouvernance pour accompagner

l’autonomie et la prise de décision de chacun37

». Selon moi, sa position confirme la théorie

de Benoit THERY (THERY Benoit, 2002) qui convient de l’importance d’une culture

d’organisation dans une multinationale.

M. Julien quant à lui, explique le choix stratégique d’organisation du groupe

Malteurop : « La filiale dépend de l’organisation commerciale, achat des matières premières

et industrielles centralisés par Malteurop Groupe. Rapprochement avec la filiale Ukraine

pour bénéficier des services du laboratoire central de Kharkov et des expertises techniques de

process. RH organisation commune, mais responsable en Ukraine38

». Le choix stratégique

réside dans la division des services : une partie stratégique centralisée et dépendante de

l’orientation générale du Groupe, et une partie plus opérationnelle raccrochée à la filiale

Ukrainienne, déjà bien implantée et efficace.

Il est selon moi important de relever ici que les deux modèles d’organisation sont

différents, mais ont tous deux une ressemblance : Malteurop Russie et Leroy Merlin Russie

possèdent une partie propre à la filiale et à sa zone géographique et une autre partie reliée à la

stratégie globale du groupe.

Pour finir, le dernier choix stratégique qui ressort des réponses de M. Julien, de M.

Gras et des témoignages est le système de recrutement adopté.

35

Interview de M. Julien, Q13.R13, p. 81 36

Interview de M. Gras, Q13.R13, p. 76 37

Interview de M. Gras, Q5.R5, p. 72 38

Interview de M. Julien, Q6.R6, p. 79

Page 60: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

59

Toutes les entreprises ont procédé à l’implantation d’une manière différente, mais avec

une vision identique. Comme le résume M. Gras, « seul un commerçant russe peut

comprendre des clients russes39

». En effet, l’embauche de salariés locaux est la priorité à

donner lors d’une implantation.

M. Julien est resté la première année à Belgorod pour lancer la filiale dans ses activités

de production et développer le réseau commercial. Aujourd’hui, Malteurop Russie emploie

dans sa globalité uniquement des salariés russes40

. C’est également le cas avec l’entreprise

Alstom Grid : M. Brisset est arrivé seul en Russie et a été rejoint par un directeur financier

français. Ils sont les deux seuls expatriés de l’usine41

.

Leroy Merlin en revanche, de part sa forte présence sur tout le territoire, emploie 6000

russes et 40 expatriés sont toujours sur place pour « établir un transfert de compétence le plus

fort possible42

».

D’après mon analyse, quelque soit le secteur d’activités, la présence d’expatriés est

indispensable, au moins au lancement de la filiale russe. Ensuite, l’étendue de l’entreprise

justifie un contrôle continu ou non des activités étrangères par la société mère. Dans tous les

cas, il est important que la communication entre le pays d’origine et le pays d’accueil soit

efficace et permanente afin de garder le contrôle sur les activités. La théorie de Benoit

THERY (THERY Benoit, 2002) sur la pertinence d’une communication effective est donc

validée.

Afin de conclure sur cette analyse des enquêtes, il est indispensable de retenir que

cette étude exploratoire suit une démarche démonstrative ; les suppositions sont donc

seulement basées sur des tendances et non pas sur des faits scientifiques. Les éléments de

recherches et leurs réponses sont discutables et de nombreux axes de discussions sont

envisageables.

39

Interview de M. Gras, Q6.R6, p. 74 40

Interview de M. Julien, Q6.R6, p. 79 41

Témoignage de M. Brisset, Q11. R11, p. 87 42

Interview de M. Gras, Q6.R6, p. 74

Page 61: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

60

D. Les résultats : Les clés de réussite d’une implantation française

en Russie

L’utilisation des entretiens de M. Gras et de M. Julien ainsi que de témoignages

d’entrepreneurs français m’ont permis d’élaborer une liste des facteurs clés de réussite dans le

cas d’une implantation d’entreprise française en Russie. J’en ai relevé quatre.

Premièrement, l’élément majeur à prendre en compte avant son entrée sur le territoire

russe est de prendre conscience des différences culturelles et de les comprendre. Comme l’ont

démontré les personnes interrogées ci-dessus, il est essentiel de comprendre la personnalité

contrastée des Russes et de s’en imprégner. Les Russes sont tantôt froids et fiers, tantôt

accueillants et chaleureux ; les entrepreneurs français doivent sans cesse s’adapter aux

situations pour ne pas froisser leurs interlocuteurs et établir des relations de confiance stables.

Deuxièmement, il est impératif pour les managers français de connaître l’Histoire du

management russe à l’époque soviétique et d’être au courant du style de management actuel.

Les deux pays sont opposés de part leurs structures hiérarchiques. Afin de trouver un équilibre

entre les deux managements, les entretiens ont permis de relevé l’importance d’installer une

hiérarchie intermédiaire dans les entreprises franco-russes. Elle permet alors de rapprocher les

deux cultures, qui sont toutes deux obligées de faire des efforts pour pouvoir collaborer. Elles

se retrouvent donc sur un terrain neutre, sur lequel Français et Russes doivent s’adapter pour

évoluer ensemble.

Troisièmement, il a largement été démontré que les Russes accordent une grande

importance à leur réseau relationnel pour accorder leur confiance. La logique de ce système

d’organisation par clan est de faire confiance oralement et de minimiser les contrats écrits.

Cependant, les règles administratives françaises sont d’une part beaucoup plus contractuelles

qu’en Russie et d’autres parts sont obligatoires dans les relations franco-russes pour ne pas se

faire avoir lors des négociations. C’est pourquoi l’une des clés de réussite en Russie est

d’établir des règles administratives claires et les plus précises possibles afin d’être couvert en

cas de litige.

Pour finir, la quatrième clés de succès pour une entreprise française implantée en

Russie est de pénétrer progressivement le marché Russe. En effet, les entretiens et les

enquêtes ont mis en avant l’importance d’adopter une stratégie d’implantation progressive, en

Page 62: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

61

prenant le temps de fixer des objectifs à court terme au début et d’augmenter cette vision

stratégique si l’implantation est réussie. Cette stratégie d’implantation réside également dans

le choix de localisation de l’entreprise. Il a également été démontré qu’une première

implantation devrait toujours commencer à Moscou ou Saint-Petersbourg afin de tester le

marché et de se développer dans d’autres régions par la suite si le marché est porteur.

Finalement, Eric Brisset, leur de son témoignage, a très bien résumé le comportement

à adopter pour un Français en Russie : « Une des clés de succès, c’est qu’il faut être Russe en

Russie 43

». C’est-à-à-dire que pour augmenter ses chances de réussite, il faut s’adapter au

maximum à la culture russe et ne pas essayer d’imposer le mode de gestion occidentale ; je

pense que les Russes ne sont pas encore tout à fait prêts pour cela.

43

Témoignage de M. Brisset, Q12. R12, p. 88

Page 63: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

62

Conclusion Générale

« C’est dans la durée que le succès se construit » (BRISSET Eric,

www.lecourrierderussie.com, 2011). Effectivement cette phrase résume parfaitement la

patience dont doivent faire preuve les managers français pour implanter leurs entreprises sur

le territoire russe.

Pour rappel, ce mémoire de recherches a été mené dans le but de comprendre

l’importance du facteur humain et des choix stratégiques dans le cas d’implantations

d’entreprises françaises en Russie. Pour répondre à cette problématique, deux propositions de

recherches sont ressorties de la revue de la littérature :

- Un management interculturel efficace permet de réduire les problèmes de

communication lors d’une implantation française en Russie,

- Le facteur humain est l’élément majeur à prendre en considération lors d’une

implantation à l’étranger.

L’étude exploratoire menée en deuxième partie de ce mémoire de recherches a permis

de valider ces deux propositions de recherche.

En effet, la première proposition de recherche, extraite entre autre de l’ouvrage d’Alla

SERGUEEVA (SERGUEEVA Alla, 2006) a été validée par tous les intervenants, que ce soit

à travers les enquêtes de M. Julien et de M. Gras que les témoignages de M. Brisset et de M.

Micheau. Ils affirment tous que la réussite d’une implantation repose en grande partie sur la

compréhension de la culture nationale russe. Je rejoins moi-même leur position pour avoir

également vécu deux immersions totales au sein de la culture russe. Son insertion au sein de la

société russe demande des efforts pour comprendre la culture et surtout, pour ne pas juger

ouvertement leur mode de vie, sous peine de vexer ses interlocuteurs russes et de bloquer la

communication. Une bonne compréhension de la culture nationale permet donc un

management interculturel efficace.

De plus, la mise en place d’une culture d’organisation, c’est-à-dire la création d’une

véritable identité d’entreprise partagée par tous les employés est primordiale pour favoriser

l’adhésion de toutes les cultures aux valeurs de l’entreprise. Je pense effectivement que la

Page 64: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

63

culture d’organisation permet de créer une nouvelle culture, basée sur la culture française et la

culture russe. Ainsi, chacun fait un pas vers l’autre et permet que les deux parties soient

égales en termes d’efforts à fournir pour évoluer dans un environnement international

nouveau.

Enfin, un management interculturel efficace passe par un entrepreneur possédant des

qualités multiculturelles et de longues expériences dans le domaine du management

international. En effet, les enquêtes et témoignages ainsi que Benoit THERY (THERY Benoit,

2002) sont convaincu que des années d’expériences sont nécessaires pour maitriser toutes les

qualités essentielles d’un manager international. M. Julien, M. Gras ou bien encore M. Brisset

et M. Micheau ont tous acquis de l’expérience à l’international avant de diriger une équipe

russe.

Tous ces éléments permettent donc de valider la première proposition de recherche qui

consistait à faire réduire les problèmes de communication grâce à un management

interculturel efficace.

La deuxième proposition de recherche, qui était « Le facteur humain est l’élément

majeur à prendre en considération lors d’une implantation à l’étranger » a également été

validée par les propos des intervenants. En effet, la revue de la littérature a permis de

développer l’importance de la présence d’une gestion internationale des Ressources Humaines

au sein d’une entreprise internationale. Si le service des Ressources Humaines occupe une

place si importante dans la vie de l’entreprise, c’est pour une raison : sans employés motivés

et à l’aise dans leur travail, grâce à une bonne gestion de leurs carrières, une entreprise ne peut

pas fonctionnée correctement et étendre ses activités.

De plus, toutes les entreprises analysées au cours de ce mémoire de recherches ont

toutes un point commun : toutes fonctionnent avec une ou plusieurs personnes françaises au

sein de leurs usines russes, mais la grande majorité des employés sont des Russes. Comme

déjà cité auparavant par M. Gras, « seul un commercial russe peut comprendre un client

russe ». Une fois de plus, cette affirmation valide la proposition de recherche.

Cependant, j’aimerais ajouter un complément à cette proposition de recherche : le

facteur humain est l’élément majeur à prendre en considération lors d’une implantation à

l’étranger, mais les choix stratégiques d’implantation représentent également un facteur

incontournable dans la réussite d’une implantation. En effet, comme mentionné plus en détails

auparavant, toutes entreprises ne peuvent pas s’implanter en Russie : certains secteurs

Page 65: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

64

d’activités tels que la production gazière sont condamnés pour le moment à rester

majoritairement russes, car ils représentent la fierté du pays.

Le choix de la ville d’implantation est également important. La théorie de Jean-François

COLLIN (COLLIN Jean-François, 2009) ainsi que les témoignages et enquêtes portent tous

un intérêt important à la localisation des filiales russes. Tous (Leroy Merlin, Step

Construction, Yves Rocher, Alstom) ont commencé leurs affaires en Russie par une

implantation stratégique à Moscou ou Saint-Pétersbourg ; la seule exception est Malteurop,

qui a choisit de s’implanter à Belgorod, pour des raisons également stratégiques, mais cette

fois-ci en terme de logistique.

Pour résumer, les deux propositions de recherche ont été validées et même complétées

par l’importance des choix stratégiques lors d’une implantation.

Cependant, cette étude a quelques limites. En effet, ce mémoire de recherches est basé

sur une analyse exploratoire et permet de relever des tendances. Aucune réponse n’a été

scientifiquement prouvée et le sujet de discussion reste ouvert.

Ensuite, cette étude a été possible car la culture française est très différente de la

culture russe, de part leurs origines (occidentale pour la France, orientale et occidentale pour

la Russie). En revanche, cette étude aurait été bien plus difficile à mener s’il était question de

deux pays à tendance similaires, tels que la France et l’Italie par exemple, tous deux étant des

pays latins.

Le sujet de l’implantation d’entreprises françaises en Russie peut amener de

nombreuses autres problématiques, et notamment celle de la différence de la prise en compte

du facteur humain en fonction du secteur d’activité. En effet, il pourrait être intéressant de

comparer plus en détails les différences de management entre le secteur de la distribution et

de l’industrie, toujours dans le cadre des différences culturelles franco-russes.

Page 66: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

65

Annexes

A. Grille de l’enquête terrain ................................................................................................ 66

B. Questionnaire semi-directif : Réponses de M. Pierre-Louis GRAS ................................. 70

C. Questionnaire semi-directif : Réponses de M. Denis JULIEN ......................................... 78

D. Témoignage de Joël-Henri Micheau : "Les Russes sont très directs en affaires" ............. 83

E. Témoignage d’Eric Brisset : « Je pense qu’il y a une vraie valeur ajoutée à être Français

en Russie » ............................................................................................................................... 85

Page 67: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

66

A. Grille de l’enquête terrain

GUIDE D’ENTRETIEN INDIVIDUEL SEMI-DIRECTIF

Nom : Prénom :

Entreprise : Poste occupé :

Introduction

Etudiante en dernière année du programme ESC au sein du groupe Sup de Co La

Rochelle, je réalise un mémoire de fin d’études sur le thème de l’importance du facteur

humain lors d’implantations d’entreprises françaises en Russie.

Cette enquête est menée dans le but de comprendre l’importance du management

interculturel lors d’implantations d’entreprises françaises en Russie et d’analyser les

différences de comportements entre les deux cultures.

Ce questionnaire a également pour but de montrer l’évolution de la structure et de la

gestion du facteur humain en fonction des phases de l’implantation.

Je vous remercie de répondre le plus précisément à cette enquête en illustrant vos

propos par des exemples.

L’IMPLANTATION EN RUSSIE

1) A votre arrivée en Russie, la phase du choc culturel fut de/d’ :

1 semaine

1 mois

3 mois

6 mois et plus

Page 68: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

67

2) Ce choc culturel fut :

Très difficile

Difficile

Facile

Très facile

3) La réaction de vos hôtes fut :

Agressive

Froide

Courtoise

Chaleureuse

Remarques / Exemples :

4) Comment définiriez-vous la culture russe ?

Dans leur vie quotidienne :

Dans leur vie professionnelle :

L’ORGANISATION DU TRAVAIL EN RUSSIE

5) Quelles évolutions avez-vous observé entre cette date et aujourd’hui (observations

d’ordre organisationnelles, structurelles, relationnelles..) ? :

Au sein des services internes de l’entreprise (tels que les services RH,

juridique, marketing, financier…)

Dans vos relations avec les prestataires externes (tels que les fournisseurs, les

agences, les clients…)

Remarques / Exemples :

6) Quel type d’organisation avez-vous choisi d’implanter ?

Embaucher en intégralité des expatriés français

Embaucher des expatriés français et des salariés russes

Embaucher seulement des salariés locaux

Remarques / Exemples :

Page 69: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

68

7) Aujourd’hui, quelle est la situation de l’organisation initiale ?

Organisation identique

De légères adaptations ont été mises en place

De grandes modifications organisationnelles ont été mises en place

Organisation totalement différente

Remarques / Exemples :

8) Comment définiriez-vous la vision professionnelle de vos collègues russes ?

Très court terme

Court terme

Court terme à moyen terme

Long terme

Remarques / Exemples :

9) Ces différences de visions stratégiques ont-elles été problématiques ?

Oui

Non

Si oui, de quelle manière les avez-vous géré ?

10) Comment qualifieriez-vous les relations hiérarchiques en Russie ?

Très hiérarchiques

Hiérarchiques

Peu hiérarchiques

Manque de hiérarchie

Remarques / Exemples :

11) Pensez-vous que les règlements / normes internes à l’entreprise sont bien respectées ?

Oui

Non

Remarques / Exemples :

Page 70: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

69

12) Afin d’établir une relation de confiance au travail, les russes utilisent souvent leurs

différents réseaux (qu’ils soient professionnel ou personnel).

Que pensez-vous de ce fonctionnement ?

DIFFERENCES GEOGRAPHIQUES EN RUSSIE

13) Des différences culturelles apparaissent en fonction de la situation géographique en

Russie.

Le saviez-vous ?

Oui

Non

Si oui, avez-vous adapté votre mode de fonctionnement en fonction de la région

d’implantation ?

Oui

Non

Remarques / Exemples :

Conclusion

14) Quelle conclusion générale pourriez-vous tirer de cette expérience d’implantation en

Russie ?

Je vous remercie pour le temps accordé à cette enquête et pour la précision de vos

réponses.

Page 71: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

70

B. Questionnaire semi-directif : Réponses de M. Pierre-Louis GRAS

GUIDE D’ENTRETIEN INDIVIDUEL SEMI-DIRECTIF

Nom : GRAS Prénom : Pierre-Louis

Entreprise : LEROY MERLIN

Poste occupé : Directeur Marketing et Achat de Leroy Merlin Russie

L’IMPLANTATION EN RUSSIE

Q1 : A votre arrivée en Russie, la phase du choc culturel fut de/d’ :

1 semaine

1 mois

3 mois

6 mois et plus

R1 : Je ne peux pas vraiment parler de choc culturel. Cette expatriation n’était pas pour

moi la première et mes précédentes expatriations se sont déroulées en Asie Chinoise (sur 20

ans de carrière pro, j’en ai effectué 13 hors de France avec une première expatriation à

Taiwan à l’âge de 24 ans). D’un point de vue personnel on doit plutôt parler d’une

construction de repères plus que de choc culturel. Effectivement il y a une première étape où

l’on doit reconstruire ses référentiels et ses habitudes (quelque chose d’aussi basique que

faire ses courses est un peu compliqué).

Sur le plan pro, je suis arrivée en Russie pour le lancement d’un projet (ouverture de Leroy

Merlin) et non pour rentrer dans une société/équipe déjà en marche. Cela veut dire que je

n’ai pas été confronté à une autre culture directement. Au final nos amis russes restent très

proches de nous.

Q2 : Ce choc culturel fut :

Très difficile

Difficile

Facile

Très facile

Page 72: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

71

R2 : Nous ne parlons pas de choc mais de prise d’habitudes. D’un point de vue professionnel

cela fut facile. D’un point de vue personnel, c’est plutôt difficile car il faut apprendre la langue

et se repérer dans un environnement de commerce et service très peu développé et sortant de

70 ans de collectivisme.

Q3 : La réaction de vos hôtes fut :

Agressive

Froide

Courtoise

Chaleureuse

R3 : Les Russes ont un premier abord plutôt froid mais deviennent chaleureux à partir du

moment où l’on rentre un peu dans leur intimité. Vous êtes toujours désagréablement surpris

par l’accueil déplorable de votre boulanger mais séduit par l’attention que va porter votre

concierge à vos enfants en bas âge.

Q4 : Comment définiriez-vous la culture russe ?

Dans leur vie quotidienne :

Dans leur vie professionnelle :

R4 : C’est une culture façonnée par plusieurs paramètres : un pays immense aux conditions

extrêmes (froid, nature hostile….) couvrant deux continent (Europe-Asie), De nombreux

échanges de populations (slaves, turco-mongols, asiatique…), une histoire assez agitée, 70

ans de totalitarisme (faisant suite à 450 ans d’autocratie absolue – mais bon , cause ou

conséquence)….etc. Il faut également comprendre que pendant 50 ans, la Russie (à travers

l’URSS) a fait trembler le monde, mais qu’ils sont réduits aujourd’hui sur beaucoup de

points au rang de pays en voie de développement.

Dans leur vie quotidienne :

La fameuse âme russe qui mélange la plus grande dureté au plus grand romantisme. Ce sont

des gens à l’approche très abrupte, dur au mal (à mon arrivée j’ai vu 7 cadavres de

personnes renversée sur la route, sans que cela ne bouleverse personne). Puis ils sont

capable de s’émouvoir pour la beauté des choses, sont très cultivés, ont la larme facile. Ils

sont parfois allemands et parfois italiens.

Page 73: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

72

Ils sont également un mix entre un esprit assez rationnel européen et cette forme très

asiatique de faire confiance au destin.

Dans leur vie professionnelle :

Il s’appuie sur le précédent mais opère sur une espèce de no man’s land de jurisprudence et

pratiques éprouvées. Seuls les plus jeunes (20 ans maximum en 1990) ont compris comment

fonctionne le capitalisme. Il pratique ainsi une forme de capitalisme de la ‘première heure’

où la loi du plus fort à tendance à régner (un peu comme le développement du capitalisme au

USA à la fin du 19iéme). Une grande phrase : ‘tous mes millions sont honnêtes, sauf le

premier’.

C’est un pays ou la corruption est endémique (en partie héritage du communisme, en partie la

conséquence de cette vision asiatique du relationnel, en partie le résultat de l’absence de

repères et structures…).

Ce sont des gens redoutablement intelligent, qui apprennent très vite. Ils sont plus

spéculateurs que entrepreneur (mais j’aurai du mal à dire que cela est du à leur culture).

Dans les deux cas ils sont très nationalistes (pas chauvins, vraiment nationalistes), ce qui les

amène dans la vie professionnelle à alterner un certain complexe d’infériorité (le sentiment

d’avoir tout à apprendre après tant d’année à l’écart du monde ‘normal’) et en même temps

une envie de dominer le monde (ce que leur poids dans les matières premières mondiales et

l’hyper richesse que cela a entraine leur permet de nourrir)

L’ORGANISATION DU TRAVAIL EN RUSSIE

Q5 : Quelles évolutions avez-vous observé entre cette date et aujourd’hui (observations

d’ordre organisationnelles, structurelles, relationnelles..) ? :

R5 :

Au sein des services internes de l’entreprise (tels que les services RH, juridique,

marketing, financier…)

La société est passée de 3 collaborateurs (expatriés) à 5000 quand j’en suis parti (6000

aujourd’hui), de 1 magasin ouvert en 2004 à 12 en 2009 (18 aujourd’hui). Tout à donc

changé car mis en place, mais nous avions dés le départ des départements marketing-achats,

RH, Finance-gestion, Juridique, SI et développement (en charge de la recherche de nouveaux

terrains). Est venu s’ajouter en 2007 un département organisation (comment mieux gérer les

Page 74: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

73

‘gestes métiers’, les flux d’informations…) accolé au SI, puis la création de 3 régions

(ensemble de 4 à 6 magasins) en 2008 pour accompagner la chaine de management.

La principale avancée est bien entendu la prise de compétence de l’ensemble des

collaborateurs et ainsi la responsabilisation induite. Un développement d’une forme

d’affectio societatis faisant suite à non croyance du discours de la société, et au-delà un

rééquilibrage de la notion de droit et devoir chez les collaborateurs.

Enfin il a été important de réfléchir à des notions de gouvernance pour accompagner

l’autonomie et la prise de décision de chacun ‘au plus prés de l’action’. Cette notion ne

semble sur pas vitale qd il n’y a qu’un magasin et donc une grande proximité/présence des

dirigeants. A 5000 personnes et 12 magasins de Novosibirsk à Moscou, cela devient

primordial.

Dans vos relations avec les prestataires externes (tels que les fournisseurs, les agences,

les clients…)

Principalement une plus grande crédibilité devant la montée en puissance de notre société.

En parallèle les tiers sont devenus de plus en plus professionnels ce qui nous permet de

construire des partenariats beaucoup plus puissant (au service du client final par exemple).

Enfin nous pouvons plus facilement imposer nos règles du jeu qu’au tout début, ce qui ne veut

pas dire que nous déséquilibrons les relations en notre faveur :

Remarques / Exemples :

Aujourd’hui, tous les grands promoteurs immobiliers pensent à nous et viennent nous voir

quand ils travaillent sur des projets de centre commerciaux. Cela n’était bien sur pas le cas

au tout début.

A l’ouverture du premier magasin, seul 50% de nos fournisseurs était capable de ‘gencoder’

les produits (un gencode est primordial dans un système libre service) nous obligeant à le

faire nous même. Aujourd’hui ce cas a disparu.

Au début certains partenaires ne comprenaient pas pourquoi il fallait signer des contrats

pour formaliser notre relation (une société européenne moderne et responsable ne peut plus

faire autrement). Certaines discussions achoppaient sur ce point. Aujourd’hui certains

partenaires ne comprennent toujours pas (ils sont de moins en moins) mais ne discutent même

plus ce point dans l’espoir de travailler avec nous.

Page 75: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

74

Q6 : Quel type d’organisation avez-vous choisi d’implanter ?

Embaucher en intégralité des expatriés français

Embaucher des expatriés français et des salariés russes

Embaucher seulement des salariés locaux

R6 : La priorité est, et doit être, donnée au recrutement local (seul un ‘commerçant’ Russe

peut comprendre des clients Russes). Il faut cependant accepter que certaines compétentes ne

se trouvent pas sur le marché de l’emploi local. Il faut donc les ‘importer’ (expatriés) pour

établir un transfert de compétence le plus fort possible. Il y a aujourd’hui 40 expatriés pour

6000 collaborateur.s

Q7 : Aujourd’hui, quelle est la situation de l’organisation initiale ?

Organisation identique

De légères adaptations ont été mises en place

De grandes modifications organisationnelles ont été mises en place

Organisation totalement différente

R7 : J’ai répondu à la question 5

Q8 : Comment définiriez-vous la vision professionnelle de vos collègues russes ?

Très court terme

Court terme

Court terme à moyen terme

Long terme

R8 : Vision plutôt court terme. Deux explications (au moins), une confiance dans l’avenir très

limitée par rapport à l’histoire, une méfiance naturelle vis-à-vis du discours de entreprise

(pas de référentiel et beaucoup d’exagération). Cela a été accentué par une période

d’euphorie (2002 – 2008) où tout allé très vite et où les référentiels vont plutôt à l’argent

rapide.

Il est par exemple très difficile de lancer des démarche stratégique de type ‘plan à 5 ans’.

Un collaborateur préférera changer de job pour une augmentation de 100€ plutôt que croire

au discours de son employeur sur les promotions potentielles.

Page 76: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

75

Q9 : Ces différences de visions stratégiques ont-elles été problématiques ?

Oui

Non

Si oui, de quelle manière les avez-vous géré ?

R9 : On ne parle pas vraiment de vision stratégique, les différences prenant source dans bien

d’autres facteurs plus que dans la vision de l’échelle temps. Le plus problématique dans la

gestion de la vision court terme est d’arriver à fidéliser des collaborateurs et à leur faire

comprendre que la montée en ‘vraie’ compétence prend du temps et de l’investissement.

Q10 : Comment qualifieriez-vous les relations hiérarchiques en Russie ?

Très hiérarchiques

Hiérarchiques

Peu hiérarchiques

Manque de hiérarchie

R10 : Relation très hiérarchique. Tout d’abord, une construction de la société très

hiérarchique (450 ans d’autocratie absolue + 70 de totalitarisme). Puis un monde de

l’entreprise articulé autour de patrons-propriétaires qui décident (et veulent décider) de tout

et entretiennent une forme de paternalisme (comme Louis Renault en son temps). Enfin une

forme de société (voir et comprendre la pyramide de Maslow) où travailler sert à vivre et non

pas à s’épanouir.

Q11 : Pensez-vous que les règlements / normes internes à l’entreprise sont bien respectées ?

Oui

Non

R11 : Dans l’ensemble oui, car la Russie est un pays de règles et normes (tout cela est lié).

Par contre la corruption, même la plus petite, est un vrai problème (certainement pas

généralisé) et nous avons vu par exemple un collaborateur en magasin demander de l’argent

à un chauffeur-livreur s’il voulait que son camion soit déchargé (ce qui était son travail).

Page 77: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

76

Q12 : Afin d’établir une relation de confiance au travail, les russes utilisent souvent leurs

différents réseaux (qu’ils soient professionnel ou personnel). Que pensez-vous de ce

fonctionnement ?

R12 : Je ne suis pas sur de bien comprendre la question. Les russes utilisent effectivement

leur réseau mais pas dans le but d’établir une relation de confiance au travail. Dans certains

cas un patron ne va s’entourer que de membres de sa famille ou d’amis, c’est effectivement

pour lui une façon d’avoir confiance. Dans d’autres cas, par exemple, un acheteur va plus

travailler son réseau de ‘fournisseur’ que la négociation qu’il doit mener pour son

employeur. Ainsi fait, il garde son réseau quand il change d’employeur (comme le ferait un

VRP). On ne peut pas vraiment parler là de relation de confiance.

DIFFERENCES GEOGRAPHIQUES EN RUSSIE

Q13 : Des différences culturelles apparaissent en fonction de la situation géographique en

Russie. Le saviez-vous ?

Oui

Non

R13 : Cela semble évident

Si oui, avez-vous adapté votre mode de fonctionnement en fonction de la région

d’implantation ?

Oui

Non

R13 : Chacun de nos magasins est une PME qui est destiné à servir un client et des besoins

locaux et à s’inscrire dans une collectivité (locale). La première des clefs est donc pour nous

de comprendre et modifier nos approches. C’est primordial.

Conclusion

Q14 : Quelle conclusion générale pourriez-vous tirer de cette expérience d’implantation en

Russie ?

R14 : Tout d’abord beaucoup de plaisir et surtout une très grande aventure humaine

(couronnée d’un succès d’entreprise).

Page 78: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

77

Comme je le mentionnais au début je n’ai pas le sentiment d’avoir vécu de choc culturel mais

plus d’avoir rencontré les difficultés normales de quelqu’un qui à changé son environnement.

On s’aperçoit que les Russes ont énormément de points en communs, et d’ailleurs, de

croisement d’histoire, avec les Français (la notion de la politesse par exemple). Après ils sont

extrêmement multi-facettes car baignés de multiples influences (ethnique, géographique….)

ce qui peut les rendre un peu déroutants sur certaines situations.

La plus grande difficulté provient plus de ce manque de structuration des affaires et des

différents chaos qu’ont engendré l’histoire récente. Ils se construisent des repères et avancent

de façon parfois surprenante sur le chemin de la démocratie et de l’économie de marché, en

effectuant de temps en temps, ‘Un pas en avant et deux pas en arrière’ comme avait dit

Lenine au moment de lancer la NEP (1924). Rien de plus normal quand on voit le temps que

nous avons mis à construire la société française tel qu’elle est aujourd’hui.

Page 79: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

78

C. Questionnaire semi-directif : Réponses de M. Denis JULIEN

GUIDE D’ENTRETIEN INDIVIDUEL SEMI-DIRECTIF

Nom : JULIEN Prénom : Julien

Entreprise : MALTEUROP

Poste occupé : Directeur Technique du Groupe

L’IMPLANTATION EN RUSSIE

Q1 : A votre arrivée en Russie, la phase du choc culturel fut de/d’ :

1 semaine

1 mois

3 mois

6 mois et plus

R1 : Nous n’avons pas eu de choc culturel, grâce à notre expérience en Ukraine depuis de

nombreuses années. Mais je peux estimer cette période d’adaptation à 6 mois pour une

première expérience à l’Est.

Q2 : Ce choc culturel fut :

Très difficile

Difficile

Facile

Très facile

R2 : Très facile, de fait.

Q3 : La réaction de vos hôtes fut :

Agressive

Froide

Courtoise

Chaleureuse

Page 80: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

79

R3 : Nos contacts Russes sont essentiellement des producteurs d’orges, des traders ou des

fournisseurs d’équipements, donc très courtois. Les relations avec nos clients brasseurs

internationaux implantés en Russie sont identiques aux autres pays. Les relations

administratives et politiques sont plus délicates et sensibles, mais restent courtoises.

Q4 : Comment définiriez-vous la culture russe ?

R4 :

Dans la vie quotidienne : Les Russes sont très fiers de leur pays, mais n’ont pas de

vision de leur avenir à long terme. Ils sont donc très individualistes.

Dans la vie professionnelle : Idem dans la vie professionnelle, mais ils attendent un

grand support de l’entreprise employeur et sont très opportunistes.

L’ORGANISATION DU TRAVAIL EN RUSSIE

Q5 : Quelles évolutions avez-vous observé entre cette date et aujourd’hui (observations

d’ordre organisationnelles, structurelles, relationnelles..) ? :

R5 :

Au sein des services internes de l’entreprise (tels que les services RH, juridique,

marketing, financier…) : Les entreprises se structurent selon le modèle occidental.

Dans vos relations avec les prestataires externes (tels que les fournisseurs, les agences,

les clients…) : Les relations commerciales sont normalisées, mais la part

administrative, tels que les contrats, garanties etc… reste très compliquée. Les

engagements commerciaux ne sont pas toujours très fiables si la volatilité des cours

varie en défaveur du fournisseur.

Q6 : Quel type d’organisation avez-vous choisi d’implanter ?

Embaucher en intégralité des expatriés français

Embaucher des expatriés français et des salariés russes

Embaucher seulement des salariés locaux

R6 : …

Page 81: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

80

Q7 : Aujourd’hui, quelle est la situation de l’organisation initiale ?

Organisation identique

De légères adaptations ont été mises en place

De grandes modifications organisationnelles ont été mises en place

Organisation totalement différente

R7 : La filiale dépend de l’organisation commerciale, achats matière premières et industrielle

centralisées par Malteurop Groupe.

Rapprochement avec la filiale Ukraine pour bénéficier des services du laboratoire central de

Kharkov et des expertises techniques de process.

RH organisation commune, mais responsable en Ukraine.

Q8 : Comment définiriez-vous la vision professionnelle de vos collègues russes ?

Très court terme

Court terme

Court terme à moyen terme

Long terme

R8 : Ils sont confrontés aux contrats longs termse, préparés par le groupe avec les clients

internationaux et donc contraints de raisonner au minimum à moyen terme.

Q9 : Ces différences de visions stratégiques ont-elles été problématiques ?

Oui

Non

Si oui, de quelle manière les avez-vous géré ?

R9 : Nous avons du les former à cette nouvelle approche des marchés et aux visions long

terme des budgets de fonctionnement, notamment, les CAPEX.

Page 82: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

81

Q10 : Comment qualifieriez-vous les relations hiérarchiques en Russie ?

Très hiérarchiques

Hiérarchiques

Peu hiérarchiques

Manque de hiérarchie

R10 : Nous avons eu des difficultés à créer une hiérarchie intermédiaire et le DG est encore

trop souvent confronté aux problèmes quotidiens, qui ne sont pas de son ressort.

.

Q11 : Pensez-vous que les règlements / normes internes à l’entreprise sont bien respectées ?

Oui

Non

R11 : …

Q12 : Afin d’établir une relation de confiance au travail, les russes utilisent souvent leurs

différents réseaux (qu’ils soient professionnel ou personnel). Que pensez-vous de ce

fonctionnement ?

R12 : Il est pour le moment indispensable et il fait partie de leur organisation et culture.

Cette pratique doit être strictement contrôlée et transparente.

Il devrait toutefois tendre à se normaliser et nous y employons prudemment.

DIFFERENCES GEOGRAPHIQUES EN RUSSIE

Q13 : Des différences culturelles apparaissent en fonction de la situation géographique en

Russie. Le saviez-vous ?

Oui

Non

R13 : Oui, mais nous sommes concernés uniquement par la région sud_ouest.

Si oui, avez-vous adapté votre mode de fonctionnement en fonction de la région

d’implantation ?

Oui

Non

R13 : Très proche de la culture Ukrainienne que nous connaissions bien.

Page 83: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

82

Conclusion

Q14 : Quelle conclusion générale pourriez-vous tirer de cette expérience d’implantation en

Russie ?

R14 : La Russie est un pays à fort potentiel de développement et d’influence sur les pays

périphériques et reste pour le moment incontournable dans cette région du globe, malgré :

Notre expérience difficile dans un marché instable mais si il est en prévision de croissance et

de stabilité.

Un relationnel administratif compliqué, mais en légère évolution.

Une ouverture croissante vers l’Europe.

Fort potentiel de consommation et de production de matières premières agricoles.

Page 84: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

83

D. Témoignage de Joël-Henri Micheau : "Les Russes sont très directs

en affaires"

Etabli à Saint-Petersbourg depuis trois ans, Joël-Henri Micheau explique comment trouver un

travail sur place et évoluer dans le monde des affaires. Ses impressions, ses conseils.

Il y a déjà près de trois ans que Joël-Henri Micheau travaille à Saint-Petersbourg, tout d'abord

en tant qu'enseignant en université et maintenant pour le compte d'une entreprise russe : Step

Construction. Seul étranger dans l'entreprise, il occupe le poste de responsable du

développement international directement sous les ordres du PDG. Il est chargé de trouver des

investisseurs industriels étrangers, les accompagner, voire leur proposer de prendre en charge

la construction de leur usine sur le sol russe.

Q1 : Qu'est-ce qui vous a amené à travailler en Russie ?

R1 : A 53 ans, j'étais considéré comme un "vieux" en France, et après une courte période

sans activité, j'ai commencé à dispenser des cours de marketing et d'économie en français et

en anglais dans une université russe. On m'a ensuite proposé un poste avec un salaire de

cadre supérieur, des missions intéressantes, le tout couronné au final d'un certain succès.

Q2 : Comment avez-vous trouvé votre emploi ? Vers qui vous êtes-vous tourné ?

R2 : Je suis très rapidement entré dans des associations culturelles comme Les volontaires de

l'Hermitage, l'équivalent à Saint-Pétersbourg du Louvre, où j'ai travaillé et conçu les textes

en français pour la visite. Cela m'a ouvert les portes des musées de la ville et surtout celles

d'un important réseau relationnel, chose indispensable en Russie, plus qu'en France.

J'espérais un bon poste, c'est pourquoi je me suis fait très présent dans ce réseau pour me

faire remarquer. J'ai également passé du temps au Spiba - Saint-Pétersbourg International

Business Association - association ouverte à toutes les entreprises internationales.

Q3 : Comment se déroule une négociation en Russie ?

R3 : Une négociation doit aller vite. C'est-à-dire qu'il faut rentrer le plus rapidement possible

dans le sujet, sans prendre de précautions oratoires. Par contre, tant qu'on n'a pas signé

quelque chose, ça ne vaut rien. Les gens parlent et oublient vite. Il ne faut pas s'attendre non

plus à recevoir des écrits tout de suite. Il faut donc faire preuve de patience. Puis, il y a

immanquablement des moments de convivialité où les gens en profitent pour vous juger. Et

une vodka ne se refuse pas : vous risqueriez qu'on vous laisse mariner ou carrément qu'on

vous envoie balader ! Les Russes sont sur le même continent que les Chinois, ne l'oublions

pas...

Page 85: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

84

Q4 : Comment se présente l’organisation du travail, la vie des entreprises ou encore les

relations d’affaires ?

R4 : Les Russes sont plus désorganisés que les Français, qui le sont eux-mêmes nettement

plus que les Japonais. Concrètement, les Russes n'arrivent jamais à l'heure à un rendez-vous

ou une réunion. D'un autre côté, ils sont très directs, favorisent le fonctionnel, quitte à être un

peu brutal et ce, dans beaucoup de choses. C'est une caractéristique très slave. Par exemple,

si un sous-traitant ou un candidat à l'embauche n'intéresse pas un patron, il le lui dira

directement sans fioritures, de la même manière que pour embaucher ou licencier quelqu'un.

J'ai déjà vu des salariés quitter l'entreprise en l'espace de dix minutes. La Russie est ultra

libéraliste et le social passe en second.

Q5 : Qu'est-ce qui vous a surpris à Saint-Pétersbourg ?

R5 : Quand on ne connaît pas la Russie, on a une première impression de musée à l'air libre,

que tout est suranné, à l'image des bus par exemple. Au-delà de l'apparence, cela marche de -

30°C à +30°C ! Le plus difficile, ce sont les nuits qui s'étalent de 16h00 à 10h30 de fin août à

fin janvier. De mai à début août, les nuits blanches de Saint-Pétersbourg durent quant à elles

de 1h15 à 2h30, sans obscurité totale : une période propice à de nombreuses fêtes. Tout à fait

sur un autre plan, les gens consomment comme des fous, plus qu'en France je pense. Il y a

une sorte de frénésie et on sent bien qu'il y a eu auparavant des temps difficiles. De plus, c'est

une société de l'image, de l'apparence, où beaucoup veulent avoir les produits dernier cri.

Pourtant, les salaires sont peu élevés : 200 à 300 dollars par mois pour un ouvrier. Vous êtes

richissime si vous touchez 1.000 dollars par mois. Enfin, certains Russes sont très

nationalistes et peu tolérants, même au sein de leur propre pays.

Q6 : Quels conseils donneriez-vous à un Français qui serait amené à travailler avec des

Russes ?

R6 : Tout d'abord, de ne jamais se mettre en colère devant un Russe. Il risquerait de perdre

toute crédibilité car les affaires ou le travail ne sont pas primordiaux. On n'efface pas un

siècle d'habitudes soviétiques : le travail a pour beaucoup une connotation alimentaire, c'est

tout. Il ne faut pas non plus faire de critiques, ni de commentaires en prenant exemple sur la

France. Ils ont l'impression qu'on ne les prend pas au sérieux, et ont un certain complexe

d'infériorité. La Russie d'aujourd'hui, c'est l'Europe il y a vingt ans.

Q7 : Quel bilan faîtes-vous aujourd'hui de votre situation ? Souhaiteriez-vous revenir en

France ?

R7 : J'ai aujourd'hui un emploi indéboulonnable. Le fait que je parle russe est un avantage

important ici mais pas hors de Russie pour l'instant. Je suis certain que je ne trouverais pas

de poste équivalent au mien en France.

Page 86: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

85

E. Témoignage d’Eric Brisset : « Je pense qu’il y a une vraie valeur ajoutée à

être Français en Russie »

À 34 ans, Éric Brisset est directeur général de l’usine Alstom Grid à Ekaterinbourg. Pour lui,

l’expérience du management en Russie exige humilité et persévérance. C’est dans la durée

que le succès se construit. Et à l’entendre, plus l’expérience est longue, plus elle devient

passionnante.

Q1 : Comment a débuté votre carrière en Russie ?

R1 : Je suis arrivé en Russie pour une première mission en décembre 2003. Le groupe

Lesaffre était alors sur le point de racheter trois sites industriels : deux en Russie, à Kourgan

et dans la région de Toula, et un en Ukraine, à Krivoï Rog. Il fallait envoyer des experts

qualifiés techniquement et capables d’établir un plan d’action sur les premières mesures à

prendre pour améliorer la qualité, la rentabilité, etc. C’était une mission courte, disons de

reconnaissance, qui consistait aussi à faire connaissance avec les gens sur place et

comprendre les mentalités. Pendant trois à quatre mois, j’ai fait des allers-retours sur la

Russie : je passais une semaine au siège de l’entreprise puis une semaine sur chaque site.

Q2: Vous partiez seul ou avec des collègues ?

R2 : Non, non, seul. Enfin, des collègues m’accompagnaient les premiers temps, mais en

général, j’étais seul avec un interprète. Il y avait déjà une équipe d’expatriés sur le site en

Ukraine, mais personne en Russie. Ensuite, j’ai continué à sillonner la Russie pour le même

type de mission, mais cette fois en étant basé à Moscou. Puis on m’a proposé la direction

technique et, pratiquement dans la foulée, en mars 2006, la direction du site de Kourgan.

Une des clés est de trouver des gens motivés pour prendre la responsabilité d’un département

ou d’une activité; c’est cette motivation qu’il faut entretenir.

Q3 : Comment êtes-vous passé de la levure à l’électricité ?

R3 : Fin 2008, le groupe Areva T&D m’a contacté par l’intermédiaire d’un cabinet de

recrutement basé en France. Ils cherchaient quelqu’un pour diriger un gros site de

production dans l’Oural et assurer la distribution du courant de moyenne tension sur la

Russie. Ils voulaient une personne avec de l’expérience, autant dans le management avec des

Russes sur un site industriel au-delà de l’Oural, que dans les relations avec les

administrations. De ce point de vue, ils se sont montrés très constructifs car, venant de

l’agroalimentaire, je ne connaissais pas bien le monde de l’énergie. C’est un pari qui a été

tenté et qui a bien fonctionné.

Q4 : La pratique est-elle courante ?

R4 : Il y a plusieurs cas de figure : certaines entreprises françaises envoient des cadres en

mission, d’autres emploient des expatriés, d’autres recrutent – très cher – des Russes parlant

français ou anglais.

Page 87: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

86

Q5 : Vous pensez que recruter un Russe sur un poste de direction coûte plus cher que

d’embaucher un expatrié ?

R5: Ça peut arriver, oui. Par exemple, recruter un directeur financier russe qui parle

français et comprenne en profondeur les standards français, ou qui parle parfaitement

anglais, ce n’est pas évident. Et forcément – parce que beaucoup de demande et peu d’offres

– les salaires exigés sont élevés. La vraie valeur ajoutée d’un Français installé depuis

longtemps en Russie, c’est qu’il est capable non seulement d’expliquer à ses collègues russes

les réalités et les attentes de la maison-mère basée en France ou en Europe, mais aussi de

faire comprendre à la maison-mère la réalité du marché. Qu’on le veuille ou non, je crois que

dans la plupart des cas, les Français installés en France ont plus confiance dans les dires

d’un Français basé en Russie que dans un Russe, qui n’aura peut-être pas la même capacité

de conviction.

Q6 : Un jeune cadre français peut-il aujourd’hui réaliser un parcours similaire au vôtre ?

R6 : Oui, il y a beaucoup d’usines en construction, notamment dans la région de Kalouga,

mais pas seulement. Il y a également de nombreuses sociétés à capital partagé. Bien sûr, il y

a des opportunités. Je recommande aux jeunes qui ont de l’ambition, l’envie de démontrer

quelque chose, de partir pour ces aventures. D’un point de vue personnel, ça vaut le coup.

Moi j’ai appris énormément. Ce n’est pas facile comme expérience, mais je ne serais jamais

arrivé à un poste de direction si rapidement en France ou en Europe. Il y a de réelles

responsabilités à prendre vis-à-vis des gens que vous dirigez, vis-à-vis de votre employeur. Ce

n’est pas toujours évident de faire correspondre les attentes de l’employeur aux réalités du

marché et vice versa.

Q7: Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?

R7 : D’abord la langue. Mais aussi les mentalités. L’échelle de temps est différente. Quatre

ans après, j’attends toujours des tuyaux qui étaient censés arriver « demain ». Il ne s’agit pas

d’une critique, ce sont simplement des choses qu’il faut intégrer. Et c’est parfois un choc.

J’ai souvenir de trois phases :

Durant la première, juste après mon arrivée, mes sensations étaient excellentes. J’avais

l’impression que les gens comprenaient bien ce que je demandais, que je m’exprimais

suffisamment clairement pour que les projets avancent.

Et puis, au cours des mois qui ont suivi, j’ai ressenti complètement l’inverse. Cette deuxième

phase est une période d’expériences amères, je ne veux pas dire négatives, mais difficiles, où

vous êtes en proie au doute. C’est là que j’ai compris que les exigences de temps et de qualité

n’étaient pas les mêmes. On voit d’ailleurs beaucoup d’expatriés quitter la Russie dès la

première année.

Et puis je pense qu’à un moment, je suis entré dans une troisième phase, où j’ai essayé de

m’entourer d’une équipe de gens qui me comprenaient, en qui j’avais confiance, de

m’appuyer sur de petits succès pour remonter la pente et comprendre les moments où ça

marche et ceux où ça ne marche pas. Aujourd’hui, cela fait six ans que je suis dans cette

dynamique positive.

Page 88: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

87

Q8 : Quel regard portez-vous aujourd’hui sur vos collègues russes ?

R8 : Foncièrement, les Russes sont charmants. Ils sont attachants. Tous ceux qui vivent

depuis plus de 2 ou 3 ans en Russie vous diront la même chose. En revanche, quand vous leur

parlez de coordination au travail, il y a là des moments d’incompréhension qu’il faut savoir

surmonter. Le management russe tel que je l’ai observé est plutôt un management directif,

avec une très forte personnalité du directeur. Ce système a tendance à supprimer les

initiatives et ce n’est pas ma manière de faire. Mais la difficulté c’est que les gens en face de

vous attendent ça. A mon avis, une des clés est de trouver des gens motivés pour prendre la

responsabilité d’un département ou d’une activité; c’est cette motivation qu’il faut entretenir.

Q9 : Comment s’est passée votre prise de fonctions à Ekaterinbourg ?

R9 : Avant moi, il y avait un directeur allemand. Puis, quand il est parti à la retraite, le

directeur commercial russe a assuré l’intérim pendant deux ans. Quand je suis arrivé en

poste, j’ai pris deux mois pour observer comment les choses se passaient. Durant cette

période, j’ai laissé à mon prédécesseur le pouvoir de signer. J’ai identifié les potentiels,

notamment grâce à la responsable des ressources humaines, puis j’ai établi un plan d’action

qui devait permettre de mettre en place une nouvelle structure.

Plus vous êtes libre de récompenser une personne pour une bonne initiative, vos

commerciaux pour de bons résultats, plus vous avez de chance de réussir en Russie.

Q10: Vous parlez de restructuration, j’imagine que cela implique aussi des licenciements.

Comment avez-vous réussi à gérer cela au niveau de votre légitimité ?

R10 : Je suis arrivé au pire moment de la crise, il n’y avait plus de commandes, l’usine était à

l’arrêt. À mon arrivée, nous étions environ 320 dans l’usine. Aujourd’hui nous sommes 240.

Je pense que pour les gens cela a été un choc, car ils ont associé mon arrivée à des

licenciements. D’un autre côté, nous avons obtenu très rapidement des résultats. Nous avons

sauvé l’usine de la fermeture en 2009 et multiplié par quatre les commandes en 2010.

L’activité est repartie, et ça, les gens l’ont ressenti : ils n’étaient plus en chômage technique

et ont commencé de croire au projet. Je suis plutôt partisan d’un effectif plus réduit, avec des

gens mieux payés. Moins de personnes, mais qui travaillent beaucoup, qui sont bien formées

et motivées : je pense que c’est l’équation vertueuse. Avant le plan social, il y avait des gens

qui quittaient l’usine pour faire taxi. Plus vous êtes libre de récompenser une personne pour

une bonne initiative, vos commerciaux pour de bons résultats, plus vous avez de chance de

réussir en Russie. Actuellement, nous connaissons un turn-over extrêmement faible.

Q11 : Avez-vous des collègues français à l’usine ?

R11 : Nous ne sommes que deux : le directeur financier et moi. Ce n’est pas facile d’aller en

province, c’est un contexte russo-russe, ce n’est pas comme à Moscou. Par exemple, il n’y a

pas d’école française, et c’est un réel handicap pour un cadre expérimenté qui voudrait venir

avec sa famille. À Ekaterinbourg, nous travaillons actuellement sur ce dossier avec le nouvel

attaché culturel, Ronan Prigent.

Page 89: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

88

Q12 : C’est ce qui explique que vous n’êtes que deux ?

R12 : Non. La vraie raison, c’est que nous avons les bonnes ressources sur place, il y a

beaucoup de jeunes spécialistes compétents ici. Il faut juste éviter de tomber dans le piège du

spécialiste qui parle un fluent English, car ce n’est pas forcément le meilleur dans son

domaine. On trouve d’excellents spécialistes en Russie, mais ils ne parlent pas

nécessairement anglais. Il faut savoir les identifier, ce que saura faire un expatrié vivant

depuis longtemps ici et parlant la langue. Une des clés du succès, c’est qu’il faut être Russe

en Russie.

Q13: Et quelles sont les autres clés du succès ?

R13 : Il faut de l’humilité, il ne faut pas arriver en Russie et prétendre bouleverser le marché,

changer les mentalités. Le marché est tel qu’il est, il faut simplement essayer de le

comprendre au mieux. Il faut de l’ouverture d’esprit. Ensuite, ténacité et persévérance, car

des échecs, il y en aura, ça fait partie du paysage. Cela semble banal à dire, mais il faut se

préparer à vivre ces moments de solitude. Le troisième facteur – ça c’est le facteur perso, ma

clé à moi – c’est mon épouse, que j’ai rencontrée à Kourgan. Elle m’a aidé

professionnellement, elle me soutient beaucoup. Et puis il y a toute la partie culturelle. J’ai

découvert des films fantastiques et je suis devenu un fan du théâtre russe.

Q14: Comment voyez-vous votre avenir professionnel ?

R14 : Je le vois très clairement, à court et moyen terme, en Russie. D’abord, je m’y sens bien

malgré le climat. Les personnes les plus intéressantes que j’ai rencontrées ici, ce sont des

collègues ou des amis russes. Ensuite, d’un point de vue plus pragmatique, je pense qu’il y a

une vraie valeur ajoutée à être Français en Russie. Elle s’exprime surtout au bout de quatre

ans, lorsque vous parlez la langue, que vous êtes capable de mieux comprendre le pays et que

votre carnet d’adresses s’est étoffé.

Page 90: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

89

Index des tableaux et figures

Tableau

Critères de différentiation culturelle dans le Management, Partie I. C. 1 ................ 37

Figures

Repas russe, Partie I. A. 2 ........................................................................................ 16

Carte de Russie, Partie I. C. 1 .................................................................................. 33

Page 91: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

90

Bibliographie

Ouvrages/Manuels

BENAROYA François, « L’économie de la Russie », Paris, La Découverte, 2006

BOUTILLIER Sophie, PEAUCELLE Irina, UZUNIDIS Dimitri, « L’économie russe depuis

1990 », Bruxelles, De Boeck, 2008

CHEVRIER Sylvie, « Le management des équipes interculturelles », Paris, PUF, 2000

COLLIN Jean-Francois, « S’implanter en Russie », Moscou, UbiFrance, 2009

ECKERT Denis, « Le monde russe », Paris, Hachette, 2007

EVRARD Lydie, VENETZ Ronan, « Réussir ses projets en Russie », Paris, Presses de l’Ecole

des Mines, 2010

GOULVESTRE Laurent, « Les clés du comportement à l’international », La Plaine Saint-

Denis, Afnor, 2008

HOFSTEDE Geert, HOFSTEDE Gert Jan, MINKOV Michael « Cultures et organisations »,

Paris, Pearson, 2010

PINAUD Henri, « La gestion des Ressources Humaines en France », Paris, L’Harmattan,

2008

ROBERT Jocelyne, « Organisation et changement en entreprises », Belgique, Edition de

l’Université de Liège, 2007

SEKIOU, BONDIN et ale. , « Gestion des Ressources Humaines », Montréal, De Boeck,

2004

Page 92: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

91

SERGUEEVA Alla, « Qui sont les russes ? », Paris, Max Milo, 2006

THERY Benoit, « Manager dans la diversité culturelle », Paris, Editions d’Organisation,

2002

THEVENET M, DEJOUX C et ale. « Fonctions RH : politiques, métiers et outils des

ressources humaines », Paris, Pearson Eduction France, ……

Articles professionnels

ARDICHVILI A., CARDOZO R.N., GASPARISHVILI A., « Leadership styles and

management practices of Russian entrepreneurs: implications for transferability of Western

HRD interventions », Human Resource Development Quarterly, 1998, Vol.9, No.2, pp. 145-

155

ARDICHVILI Alexandre et DIRANI Khalil, « Human Capital Practices of Russian

Enterprises », Human Resource Development International, 2005, Vol.8, No4, pp. 403-418

KRYLOV Valery, « Culture et gestion en Russie : entre l’efficacité et l’incertitude », Gestion

en contexte interculturel : approches, problématiques, pratiques et plongées, 2007, Vol.13,

No.1, pp.1-41

Articles de recherche

FAURE Guy-Olivier, « Approcher la dimension interculturelle en négociation

internationale », Revue française de gestion, 2004, No.153, pp. 187-199

FORTHOMME Pierre et ANDRYUSHCHENKO Irina, “Les Interactions par-delà les

frontiers culturelles”, L’Expension Management Review, 2007, pp. 86-91

KRYLOV Valery, « Les Impacts des traditions et des innovations sur l’organisation du

travail des entreprises russes, Association francophone de Gestion des Ressources Humaines

(AGRH), 2006, No.1, pp.1-14

Page 93: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

92

KRYLOV Valery, METZGER Jean-Luc, « Organisation du travail en Russie

postsoviétique », Recherches sociologiques et anthropologiques, 2009, pp 97-119

SLOBODSKOI.Alexandre et KRYLOV.Valery, « L’évolution de la culture d’entreprise dans

la société en transition, Cas de la Russie », Sociologies pratiques, 2005, No.11, pp.121-134

Articles de presse

ALPI Claude, « Avec Unimilk, Danone devient n°1 en Russie », AGRA Alimentation, 2010,

n°2116

CAHUZAC Adrien, « L’Oréal construit son usine poupée russe », L’Usine nouvelle, 2010,

n°3207

GRYNSZPAN Emmanuel, « Auchan lève un voile sur sa pépite russe », LSA, 2010, n°2132

KISLINE Dimitri, « Les principaux obstacles au développement du petit entreprenariat en

fédération de Russie : l’avis des entrepreneurs », La nouvelle économie russe, Innovations

2007, No.26

LEMOINE Françoise, « Equilibres et déséquilibres mondiaux, L’émergence des BRIC »,

L’Economie mondiale : 30 ans de turbulences, Cahiers français n°357, 2010, pp.32-37

Webographie

« Auchan dans le monde », http://www.groupe-

auchan.com/groupe_auchan/Implantation/Russiecarte.html, 2011, consulté le 3/06/2011

BRISSET Eric, « Je pense qu’il y a une vraie valeur ajoutée à être Français en Russie »,

http://www.lecourrierderussie.com/2011/03/23/eric-brisset/, 2011, consulté le 22/06/2011

Page 94: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

93

COLONNA Antoine, « Marché russe : des places à prendre », La Revue parlementaire,

http://investirenrussie.com/spip.php?article14, 2006, consulté le 5/05/2011

La chambre de Commerce et d’Industrie franco-russe, http://www.ccifr.ru/, consulté le

16/05/2011

LASSERRE Michel, « La Mondialisation », http://www.m-

lasserre.com/educpop/lamondialisation.htm, 2005, consulté le 13/06/2011

La Tribune, « Pepsi s’offre le géant russe WBD », http://www.latribune.fr/entreprises-

finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-

luxe/20101202trib000578801/pepsico-s-offre-le-geant-russe-wbd.html, 2010, consulté le

3/06/2011

« Le cadre et les opportunités d’investissement en Russie », http://www.planet-

expert.com/fr/pays/russie/cadre-et-opportunites-d-investissement, 2011, consulté le

16/05/2011

Les relations officielles franco-russes, http://www.russie.net/paris-moscou/histoire.htm,

consulté le 3/06/2011

MAKARENKO Anton Semionovitch, « L’Ecole démocratique »,

http://www.skolo.org/spip.php?article145, 2004, consulté le 23/06/2011

MARITON Hervé, « Implantation des entreprises françaises en Russie », Rapport

d’information, http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0995.asp, 2003, consulté le

3/06/2011

MERCATOR, « Yves Rocher Vostok, ou la stratégie de marketing ‘glocal’ d’une entreprise

internationale en Russie », http://www.mercator-publicitor.fr/yves-rocher-russie-interview-

bruno-leproux, 2009, consulté le 3/06/2011

Page 95: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

94

MICHEAU Joel-Henri, « Les Russes sont très directs en affaires »,

http://www.journaldunet.com/management/dossiers/0605133travailler-russes/bayvet.shtml,

2006, consulté le 22/06/2011

PERTUZIO André, « La Russie Energétique », Géostratégique n°24,

http://www.strategicsinternational.com/24_05.pdf, 2009, consulté le 27/05/2011

PLIQUET E. RIEDINGER.N, « Les implantations à l’étranger des entreprises industrielles

françaises », http://www.industrie.gouv.fr/sessi/4pages/246/index.html, 2008, consulté le

15/06/2011

Saint-Pétersbourg : repères historiques http://www.russie.net/russie/pet-histoire.htm, consulté

le 13/06/2011

SPETSCHINSKY Serge, « Le correspondant du Figaro à Moscou analyse l’appréciation des

investisseurs à l’égard du monde économique russe », le Figaro,

http://www.investirenrussie.com/spip.php?article56, 2008, consulté le 23/05/2011

« Travailler avec des sociétés russes. Les conseils pour réussir en affaires »,

http://www.journaldunet.com/management/dossiers/0605133travailler-russes/conseils.shtml ,

2006, consulté le 22/06/2011

Page 96: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

95

Table des Matières

INDEX DES SIGNES ET ABBREVIATION ........................................................................ 5

INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................ 6

I. ENTREPRISES FRANCAISES ET CONTEXTE RUSSE : REVUE DE LA

LITTERATURE ..................................................................................................................... 10

A. Culture d’organisation VS Culture nationale ................................................................ 10

1. La culture d’organisation : une nécessité pour l’entreprise ....................................... 10

a) Définition et mise en place d’une culture d’organisation ...................................... 10

b) Le rôle d’une culture d’organisation à l’international ........................................... 11

2. Culture nationale : France VS Russie ........................................................................ 12

a) Au quotidien ........................................................................................................... 12

b) Les relations d’affaires ........................................................................................... 15

Une approche différente du travail ..................................................................... 15

La notion de hiérarchie ....................................................................................... 17

Un accès différent à l’information ..................................................................... 18

La négociation et ses coutumes .......................................................................... 19

B. L’Implantation : une adaptation humaine nécessaire .................................................... 22

1. Impact du facteur humain sur l’implantation ............................................................ 22

2. Création d’une Gestion Internationale des RH dans une implantation ..................... 23

a) Concept de Gestion Internationale des Ressources Humaines et son utilité ......... 23

b) Des évolutions de GIRH différentes ...................................................................... 24

c) Passage d’une GRH soviétique à une GRH Occidentale ....................................... 26

d) GIRH et cultures différentes : une combinaison difficile ...................................... 28

C. Facteurs clés de réussite en Russie ................................................................................ 30

1. Adopter des choix stratégiques judicieux .................................................................. 30

a) Un secteur d’activités porteur ................................................................................ 31

Page 97: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

96

b) Une implantation géographique stratégique .......................................................... 32

c) Une stratégie d’implantation efficace .................................................................... 33

2. Passer d’une perception uni-culturelle au management interculturel ....................... 34

a) Les qualités requises d’un manager international .................................................. 34

b) Les compétences professionnelles nécessaires ...................................................... 35

c) L’approche théorique de la différenciation culturelle dans le management .......... 36

3. Exemples de réussites françaises en Russie. ............................................................. 38

Conclusion ........................................................................................................................ 41

II. ETUDE EXPLORATOIRE ........................................................................................... 43

A. Champ d’application de l’étude .................................................................................... 43

1. Le secteur de l’Industrie : Cas de Malteurop ............................................................. 43

a) Le contexte ............................................................................................................. 43

b) Le choix de l’implantation ..................................................................................... 44

2. Le secteur de la Distribution : Cas de Leroy Merlin ................................................. 44

a) Le contexte ............................................................................................................. 44

b) Le choix de l’implantation ..................................................................................... 45

B. La méthodologie suivie ................................................................................................. 46

1. La démarche d’investigation ..................................................................................... 46

2. Le choix de la méthodologie de recherche ................................................................ 46

3. Le but ......................................................................................................................... 46

C. Le contre-rendu d’entretien ........................................................................................... 47

1. Introduction ............................................................................................................... 47

a) Le choix du public cible ......................................................................................... 47

b) Le contexte des enquêtes........................................................................................ 49

c) L’entretien semi-directif ........................................................................................ 49

2. L’analyse méthodologique de l’entretien .................................................................. 51

3. L’analyse des enquêtes .............................................................................................. 52

D. Les résultats : Les clés de réussite d’une implantation française en Russie ................. 60

Page 98: IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES · CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES ... Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’

97

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................... 62

ANNEXES ............................................................................................................................... 65

INDEX DES TABLEAUX ET FIGURES ............................................................................ 89

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 90