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Faculté de Santé
Département PluriPASS
Pr.Frédéric Lagarce
Introduction
L’idée de ce cours est de montrer l’histoire de la pensée médicale et dans le dernier cours de se projeter
dans l’avenir, pour vous livrer comment on voit la médecine dans 10, 20 ans. On va voir comment on réfléchissait
avant, le présent et le futur : on ne peut pas être un bon professionnel de santé si on n’a pas cette perspective en
tête. Cf la citation de Jean de Mésué, médecin : il n’y a pas de vérité absolue en médecine, c’est un mixte entre
l’expérience du médecin et toute la partie scientifique d’acquisition des connaissances.
A) Objectif du cours : comprendre comment diagnostic et thérapeutique se sont développés pour
être un acteur de santé de demain.
B) Contenu du cours
• Histoire des diagnostics et des thérapeutiques (4h)
• Méthodologie de la recherche clinique au travers d'exemples (4h)
• Représentation du médicament (1h20) (cours entre sociologie et science médicale et
pharmaceutique)
• Le médicament post AMM (1h20)
• La médecine des 4P (1h20) (médecine actuelle)
• Le médicament du futur (1h20)
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Les révolutions en médecine
Pour avoir une idée de plus de deux siècles de l’évolution de la pensée médicale, finalement vous avez 5
révolutions en médecine :
-400 : Première révolution médicale : Hippocrate : on verra comment la médecine
hippocratique a complètement changé la pensée médicale et qu’il reste pas mal de choses développées
à cette époque qui reste d’actualité aujourd’hui : il est important de savoir d’où ça vient, ce qui a été gardé,
abandonné, modifié.
1700 : Première révolution biologique : Vésale, Harvey : un service au CHU d’Angers
s’appelle le service Harvey, un service de maladies sanguines car Harvey a découvert la circulation
sanguine, au XVIIIe siècle ! Jusque-là on n’avait pas complètement compris comment circulait le sang
dans l’organisme, donc toute la médecine en était affectée : la montée des connaissances a été très lente
et s’est accélérée pour arriver au XXIe à une accélération très forte des données acquises de la science, ce
qui a complètement changé la donne en médecine.
1800 : deuxième révolution médicale : l’anatomo-clinique : ensuite ça s’accélère, plus
que 50 ans pour arriver à la deuxième révolution biologique
1850 : deuxième révolution biologique : la médecine expérimentale, puis 100 ans
pour arriver à la troisième révolution médicale
1950 : troisième révolution médicale : la thérapeutique, révolution d’ailleurs beaucoup
plus pharmaceutique que médicale : arrivée de l’industrie pharmaceutique, de la production des
médicaments à grande échelle. C’est ça qui a changé l’espérance de vie au XXe siècle. Le progrès médical
a amélioré les choses mais ce qui a changé l’espérance de vie, c’est la production en masse
d’antibiotiques. On a doublé l’espérance de vie entre début 1900 et début 2000 et ce qui a changé ça,
c’est les anti-infectieux : pouvoir les produire et le fait que des centaines de millions de personnes puissent
y avoir accès, et ça c’est l’industrie pharmaceutique et ce qu’on appelle les méthodes de screening, toutes
les méthodes qui permettent de mettre au point de nouvelles séries de médicaments.
Fin du XX et XXIe s : troisième révolution technico-biologique : l’information et la biologie moléculaire
Là on rentre dans les mécanismes fins des maladies, ce qui nous permet d’avoir des médicaments
beaucoup plus ciblés.
La naissance de la médecine
Si on revient en arrière après avoir vu cette grande évolution : quand est-ce que la médecine est née ?
• Le soin est aussi vieux que l’humanité : quand on a considéré que les singes devenaient des
êtres pensants qu’on a appelé des humains ; à partir du moment où il y a une pensée qui se développe il y
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a un attrait pour le soin et il y a même certains animaux qui prodiguent des soins. Chez les humains, il y a
toujours eu des personnes qui se sentaient investis de la mission d’aider les autres, de soigner.
• Au départ il n’y avait pas de connaissances, la seule connaissance qu’on avait venait de l’expérience,
c’est ce qu’on appelle l’empirisme.
– Empirisme : on fait un saut dans le temps, cet empirisme est encore revendiqué aujourd’hui :
pendant l’audition au Sénat de Didier Raoult, il a dit qu’il mettait en avant l’empirisme donc je ne
juge pas mais encore aujourd’hui, il y a des médecins qui se réclament de l’empirisme, on va voir
que ça a quand même un tout petit peu évolué en plus de deux siècles. Donc
empirisme=connaissance qui vient de l’expérience : on observe, on essaie de retenir des faits,
on se dit « si on frotte telle plaie avec telle feuille, on a moins de douleurs ». On verra dans un
cours qu’il y a l’effet placebo qui joue beaucoup aussi mais on a une expérience, on observe et on
va dans ce sens pour améliorer la pratique.
– Animisme : 2è point important, encore présent dans beaucoup de cultures mais date de l’aube
de l’humanité, cela consiste à dire que les éléments qui nous entourent ont une âme comme les
humains Dans toutes les cultures, les humains sont considérées comme ayant une âme et un
certain nombre de personnes croient encore aujourd’hui - et la majorité des humains le croyaient
pendant la préhistoire- que les objets, qu’ils soient naturels ou fabriqués, comme un couteau, une
épée, avaient une âme : on retrouve ça dans beaucoup de contes et légendes. Cela jouait dans le
soin, dans la façon d’utiliser ces objets.
– On est à la frontière entre religion, croyances, superstition, qui ont un impact très important
dans le soin : on verra dans ce cours à partir de quel moment l’homme s’est peu à peu éloigné
de la religion dans sa façon de soigner les malades : c’est dans beaucoup de pays plus de mille
ans après JC. Encore aujourd’hui, il y a un impact très important des croyances et de la
superstition dans le soin.
Mais aussi…
– Empathie : Dans l’acte de celui qui veut soigner il y a l’importance de l’empathie : je comprends
l’autre, je me mets à sa place.
– Observation : Importance de l’observation, on ne peut être un bon soignant si on ne regarde pas,
si on n’écoute pas. Cela était vrai à la préhistoire, c’est encore vrai aujourd’hui : si vous arrivez
avec vos certitudes et si vous n’avez pas d’empathie, vous ne pouvez pas bien prendre en charge
le patient. Que vous soyez médecin, pharmacien, sage-femme, infirmier…, il faut avoir de
l’écoute et de l’observation.
– Prémices des sciences biologiques et chimiques : Petit à petit il y a eu des prémices de sciences
bio et chimiques et puis ce qui est important c’est le partage.
– Echange d’expériences entre « savants » : comme on l’a vu, il y avait cette partie expérience,
c’est le partage d’expérience entre savants, ça se faisait au présent, avec les contemporains et
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avec l’écriture les savants ont pu transmettre leurs savoir via l’écriture. Cet échange d’expérience,
petit à petit fait avancer la connaissance.
Evolution lente et chaotique
Tout cela donne une évolution lente et chaotique de la science médicale, cela va être lié aux pays, aux
zones avec plus de superstitions, avec une science plus développée etc. Ce qu’il faut comprendre c’est que d’une
manière générale :
• La maladie est de moins en moins reliée au religieux avec une mise en avant progressives des causes organiques
C’est-à-dire lié aux organes, dans l’ancien temps, on pensait qu’être malade était une malédiction divine :
le, ou les dieux en fonction de la religion, punissait la personne malade, puis on s’est dit que la maladie
était liée à des déficiences de certains organes. Cela peut paraître anodin mais quand vous comprenez
que la maladie est liée à une déficience d’un organe, vous vous dites qu’il faut soigner cet organe et que
vous allez pouvoir soigner la maladie ; tant que vous vous dites que c’est lié à une cause divine, il vous faut
juste prier le ou les dieux pour que cette cause se calme et que la personne soit soignée. Ce n’est pas du
tout la même façon de prendre en charge votre patient à partir du moment où vous mettez en avant une
cause organique ou si vous mettez en avant une cause divine, ça change complètement la façon de voir
les choses.
• Vers une méthode d’évaluation plus objectives (des symptômes, des effets)
Ce qui a aussi changé la manière de voir les choses, c’est la méthode d’évaluation du malade, qui est de
plus en plus objective, c’est-à-dire fondée sur des faits et non subjective, fondée sur des impressions. Ces
faits-là, c’est l’observation, ce sont des symptômes, des effets.
Symptômes : rougeur sur la peau, douleur à un endroit ; effet : la personne ne peut plus marcher. Donc vous
observez et votre évaluation est de plus en plus objective.
• Vers plus de techniques (immobilisation, chirurgie, massages, dispositifs médicaux etc.)
On va aussi vers de plus en plus de techniques :
- immobilisation d’un membre qui a été cassé par exemple, ça date de l’antiquité
- chirurgie : il y a des preuves que déjà les hommes préhistoriques faisaient de la chirurgie,
dont de la chirurgie crâniale (on n’est pas certains que quand ils ouvraient le crâne et le
refermaient, les gens vivaient longtemps après mais on a des squelettes avec
manifestement des crânes ouverts puisqu’on a des trous circulaires. Est-ce que c’est de
la chirurgie post-mortem où on essaie de comprendre ce qui se passe dans le cerveau ? Il
y avait déjà des techniques de chirurgie et en Égypte ancienne, il y avait beaucoup de
chirurgie.
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• Vers plus de transformations des produits naturels pour obtenir des médicaments complexes et des formes galéniques performantes
Au départ, on a ce qu’on trouve dans la nature, puis petit à petit on a des thérapeutiques, des
médicaments de plus en plus complexes, on obtient des formes galéniques, c’est-à-dire la forme que prend le
médicament, complexe.
Au départ ce sont donc juste des plantes qui sont broyées puis petit à petit on les fait sécher, après on peut les
casser en petits fragments solides qu’on peut par exemple mettre sous la paupière pour soigner la maladie d’un
œil et là vous avez fait un implant oculaire et on avait déjà ça dans l’Antiquité, dans l’Egypte ancienne. On appelait
déjà ça des collyres mais dans l’Antiquité les collyres étaient des formes solides alors qu’aujourd’hui c’est une
forme liquide. Petit à petit on arrive donc à de plus en plus de sophistication et puis après on va avoir les
médicaments injectables dès le XVIIIe siècle et plein de nouvelles formes galéniques.
Chronologie
-3000 -1500 0 476 1000 1453
Là on a une chronologie qui correspond au cours d’aujourd’hui, de l’Antiquité jusqu’au Moyen Age, et vous voyez
un certain nombre de grandes dates à retenir.
Antiquité Moyen âge
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La médecine chinoise Si on commence par la médecine la plus ancienne, on pourrait considérer, mais c’est sujet à discussion, que c’est
la médecine chinoise.
• 2698 av JC Premier traité de médecine chinoise Houang Ti
Il y a plus de 4500 ans, il y avait déjà des écrits qui permettaient de transmettre un savoir médical et
thérapeutique, c’est extrêmement ancien ; à partir du moment où on transmet, ça veut dire qu’on pense qu’on
peut partager l’expérience et la connaissance, et qu’il y a certaines « vérités », certaines connaissances qu’on peut
transmettre, donc c’est quelque chose d’important.
• 550 av JC fondation du Taoïsme par Lao-Tseu/ Médecine de l’équilibre
(Yin/Yang)
La médecine chinoise pendant très longtemps a été basée sur l’équilibre du Yin et du Yang qui est inclus
dans le taoïsme. L’idée, c’est d’essayer d’atteindre un juste milieu et on soignait en classant les maladies et les
thérapeutiques proposées visaient à rétablir un équilibre. Il y avait aussi beaucoup de soins basés sur
l’alimentation pour rétablir un équilibre de l’alimentation, un équilibre d’hygiène générale. Ça a été très vite
compris par l’homme, que l’hygiène, ce qu’on mange, a un impact extrêmement important sur la santé
• 500 ap JC Pharmacopée officielle de 730 médicaments de T’ao Hong-King
Soit mille ans après la fondation du taoïsme. La pharmacopée, c’est le livre qui comprend la description
de tous les remèdes.
• Peu de changements en 20 siècles
Il y a eu assez peu de changements de cette médecine chinoise, elle a assez peu évolué en vingt siècles.
Souvent quand on pense à la médecine chinoise, on pense à l’acupuncture, en plus de l’utilisation d’énormément
de substances naturelles, basée aussi beaucoup sur l’empirisme, la croyance, avec peu de niveau de preuve.
• Acupuncture interdite au XIX et réhabilitée par Mao Zi Dung en 1950 (retour à
la tradition)
Il faut savoir qu’au 19è l’acupuncture avait été interdite en Chine et qu’elle a été réintroduite par Mao Zi
Dung quand il a pris le pouvoir car il voulait revenir à une tradition chinoise. C’est intéressant de se dire,
aujourd’hui où on met beaucoup l’acupuncture en avant, que les Chinois avaient interdit cette pratique qu’ils
jugeait inefficace et aujourd’hui, il y a une controverse importante sur le niveau de preuve de l’acupuncture en
médecine : il y a des gens qui disent qu’il y a des papiers scientifiques qui montrent que ça marche et d’autres qu’il
y a des papiers qui montrent que ça ne marche pas et la grosse problématique avec l’acupuncture c’est la
problématique du groupe contrôle, car c’est compliqué d’adapter une essai clinique classique à l’acupuncture et
donc compliqué de conclure.
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Médecine des sumériens et Babyloniens
Si on regarde maintenant ce qui s’est passé chez les Sumériens et les Babyloniens, là vous aviez une médecine
qui était extrêmement liée à la religion, on disait que les démons étaient responsables de la maladie et le
diagnostic se faisait par divination : il y avait des oracles qui faisaient le diagnostic. On est à l’opposé de ce que
je vous ai décrit dans l’introduction où on arrive petit à petit vers une observation objective des symptômes, des
effets chez un patient : là, on a un diagnostic par divination ; quelquefois le patient était absent, quelquefois
présent, allongé sur une table et l’oracle ressentait quelque chose et disait « il a tel problème et il faut le traiter de
telle façon ». On est donc très loin de la médecine actuelle et pourtant il y avait déjà des choses qui se
développaient, comme l’hépatoscopie (le fait de pouvoir observer le foie) ; il y avait quand même un dieu des
sciences et de la médecine, donc c’était une notion importante, et comme je vous ai dit que la médecine était
très liée à la religion, on avait ce qu’on appelle une médecine théocratique, c’est-à dire que ce sont des prêtres
médecins : à cette époque et dans cette zone du globe, on pensait que la médecine était médiée par la divinité
et que les maladies étaient liées à des démons qui avaient jeté un sort aux malades.
Une chose qui était très intéressante, à cette époque-là on avait un enseignement par témoignage des
malades, ça veut dire que dans les villes et villages, sur les places principales, les gens qui étaient malades allaient
parler aux gens qui étaient bien-portants pour leur expliquer ce qui leur était arrivé, comment ils pensaient qu’ils
étaient tombés malades et échanger avec ou des prêtres-médecins ou d’autres personnes pour les mettre en
garde : « j’ai mangé tel fruit etc. ». Même si on pensait que les démons avaient rendu la personne malade, elle
essayait quand même de traduire ce qui lui arrivait, ses symptômes, et d’en parler. Et ça, c’est quelque chose de
très intéressant que l’on retrouve aujourd’hui, le patient témoin. Dans énormément d’hôpitaux aux Etats Unis,
• Médecine très liée à la religion
• Les démons sont responsables des maladies
• Diagnostique par divination (oracles)
• Hépatoscopie
• Nabu est le Dieu des sciences et de la médecine.
• Médecine théocratique (prêtres-médecins)
• Enseignement par témoignage des malades
• Naissance de la sémiologie
• Traitement chir. des fractures et luxations
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vous avez des patients qui sont dans les services cliniques de l’hôpital, qui ont été guéris et qui viennent expliquer
au médecin comment tel médicament donne tel effet secondaire. C’est donc très empirique mais ça permet de
créer un lien et de faire passer l’expérience du malade vers le médecin pour améliorer le soin, et c’était déjà
pratiqué aux temps des Babyloniens.
C’est aussi aux temps des Babyloniens qu’est née la sémiologie, ça veut dire que même s’il y avait ces oracles
qui faisaient de la divination, on a commencé à avoir la sémiologie, c’est-à-dire la science des symptômes, et ils
avaient aussi une façon efficace de traiter des fractures, des luxations, en particulier en immobilisant des
membres, voire en réalisant de la chirurgie légère.
La médecine en Égypte ancienne
C’est une médecine qui a beaucoup plus fait parler d’elle. On a retrouvé en 1875 un coffre avec différents papyrus :
le papyrus Ebers et le papyrus Smith, qui témoignent de ce qu’on savait en médecine au XVIè s avant JC et on
savait énormément de choses déjà, ce qui a été une découverte très importante.
Les papyrus Ebers et Smith
• 1550 av JC Papyrus Ebers sous Amenhotep I (découvert en 1875)
– Ce papyrus prend la liste de remèdes de phytothérapie et autres substances naturelles et décrit
sommairement un certain nombre de maladies, là on est vraiment sur quelque chose de
scientifique,
– en même temps, dans ce papyrus on a des formules magiques qui sont invoquées par le
médecin dans une incantation du dieu Horus (dieu du soin, de la médecine, de la
thérapeutique). On ne sait pas ce qui avait le plus de valeur pour les médecins entre les
incantations et les remèdes. Comme pour les Sumériens, on a un mélange, on a des prémisses de
science mais on ne se sépare pas de la partie magique, incantatoire de la médecine.
– Dans ce papyrus, il y a aussi différents traités (traités du cœur, traité des tumeurs, etc.) qui
montre aussi les prémisses, la naissance d’une médecine spécialisée.
– On voit qu’il y a un lien fort entre la maladie, la magie, les croyances et aussi tout ce qui est à
disposition du médecin pour soigner, comme la phytothérapie (médecine par les plantes) et
d’autres substances, minérales (des argiles par exemple).
• 1500 av JC Papyrus Smith (traité de chirurgie)
– Les Égyptiens faisaient déjà de la chirurgie, ce qui était quelque chose de beaucoup plus
rationnel, où il y a une absence de magie.
– La chirurgie était beaucoup utilisée pendant la guerre, et ça a été comme ça pendant des siècles,
la chirurgie a beaucoup progressé du fait de la guerre où il fallait soigner les blessés. On séparait
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bien à l’époque la chirurgie et la médecine, et vous allez voir que cette séparation entre médecine
et chirurgie a perduré bien des siècles après JC, que ce soit en Orient ou en Occident. On
considère dès cette époque que la chirurgie, finalement, c’est mécanique : on a quelque chose de
cassé et on essaie de le réparer, et ce n’est pas ce qu’on considère avec la médecine où on donne,
beaucoup plus encore à cette époque, un aspect de science globale et un aspect qui reste encore
magique et lié à la religion.
Apport de la médecine égyptienne
• Ciblage des maladies par spécialités
• Ophtalmologie très développée (collyres solides faits en séchant des broyats de
plantes
• Documents et archives (Papyrus)
• Interrogatoire du patient et sémiologie très développés
• Connaissance de l’anatomie et traitements chirurgicaux améliorés par les
pratiques d’embaumement (alors qu’au Moyen Age, l’Église interdisait de faire de l’anatomie
sur les morts, ce qui a arrêté l’avancée de la médecine en anatomie). L’embaumement permettait
d’augmenter les connaissances car il fallait vider les corps de ce qui allait vieillir et on nettoyait les corps.
• C’est ce qui a permis de comprendre un peu mieux le rôle des poumons, du foie, du cœur,
des vaisseaux, et pourtant, même en disséquant complètement les patients, on n’avait pas compris
comment fonctionnait la circulation sanguine à cette époque.
• On avait compris le lien entre maladie et nourriture, il y avait par exemple des purges en
prévention ou en soin
• La médecine reste très intriquée avec la religion et la magie
• C’est à partir de cette époque qu’on a eu une rigueur de l’examen (interrogatoire +
inspection du malade). Le malade est capable de donner un certain nombre d’informations, mais
vous êtes obligés de l’inspecter pour comprendre plus qu’il ne vous dit, des signes qu’il ne vous donnera
pas, et ça c’est encore vraiment actuellement utilisé.
• Il faut aussi savoir qu’Hippocrate a séjourné 3 ans en Egypte à l’âge de 19 ans, et c’est
là où il a été initié et on lui a validé son art de guérir. En Égypte ancienne, vous aviez une
formation et après vous étiez validé par un pair.
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Exercice de la médecine en Haute Égypte
• L’idée dans l’exercice de la médecine en Haute Égypte, c’était de maintenir le corps humain en
harmonie avec le cosmos, donc tout l’environnement, ciel compris ; il y a cette dimension un peu
mystique.
• Horus était le dieu guérisseur
• L’objectif, c’était de soigner la cause et non les conséquences : c’est important parce
qu’on avait déjà compris à cette époque que c’était plus important d’essayer de changer la cause d’une
maladie plutôt que sa conséquence.
• Je vous ai parlé de la médecine spécialisée par pathologie, mais ça veut dire qu’il y avait déjà
des médecins généralistes = Sounou (Soun=souffrance, au sens large, pas que la partie
douleur)
• Une chose intéressante qui a continué dans d’autres pays dans l’Antiquité, c’est qu’il y avait des
médecins dédiés à un groupe d’individus (médecin du palais, des cultivateurs
etc.). Chaque groupe d’individus avait ses médecins : on pourrait penser que c’est dû au fait que les
pathologies n’étaient pas les mêmes, on peut aussi y voir un certain élitisme
• Transmission familiale des connaissances
Médecine des Hébreux
• On est à la même époque mais les hébreux considéraient eux toujours les maladies comme des châtiments divins ->médecine théurgique
(ne pas confondre médecine théurgique et médecine théocratique avec les prêtres-médecins)
• Apports très importants en médecine préventive et en hygiène :
Situation géographique : des zones +/- désertiques, des zones avec de l’eau et de la chaleur, avec des
microorganismes qui peuvent se développer dans les animaux que l’on mange ou les habitations, donc ils ont très
vite compris l’importance de l’hygiène en prévention
– Isolements des contagieux, ce sont les Hébreux qui ont commencé à faire ça
– Désinfections de leurs effets
– Abattage des animaux codifiés pour limiter les maladies (on enlevait le sang
de l’animal car on pensait que beaucoup de maladies étaient transmises ainsi)
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– Propreté du corps -> pureté de l’esprit (Talmud) : cela montre l’importance de
l’hygiène
La médecine grecque
L’apport de la médecine Grecque
• Fondations de la médecine moderne : la médecine grecque a eu la plus grande influence sur
la médecine actuelle et fonde ce qu’on considère comme la médecine moderne. Les Grecs se sont
beaucoup inspirés des Egyptiens, et il y avait des échanges contemporains entre eux
• Bases plus rationnelles : les maladies ont des causes naturelles. Même si les Grecs
ont plein de Dieu, avec eux on a une médecine qui est de plus en plus fondé sur le rationnel
• S’est inspiré des textes Egyptiens
• A influencé +++ la médecine romaine puis toute la médecine occidentale
En fait on avait la médecine égyptienne qui a influencé la médecine grecque qui a influencé la médecine
romaine, ensuite on a un trou avec la Chrétienté qui est revenu en arrière sur l’origine divine de la maladie et grâce
à toute à la partie orientale et à la médecine arabe, tout n’a pas été perdu et après, à la Renaissance, on est revenu
à la médecine grecque.
• Première vague de modernisation de l’approche médicale
Evolution de la médecine grecque en 4 périodes
• Médecine mythologique (Chiron, Asclépios, Hygie, Panacée etc.) Dans cette partie-
là, on a encore une médecine basée sur une partie religieuse.
• Médecine des philosophes-savants (dissociation avec la magie) – Pythagore,
Thales de Milet, Héraclite, Démocrite là on a une médecine qui commence vraiment à être
fondée sur la science, sur la connaissance et ce terreau va permettre à la médecine hippocratique
d’éclore.
• Médecine hippocratique (Ile de Cos), reconnaissance de l’origine naturelle des
maladies : c’est vraiment son apport important. La médecine d’Hippocrate était localisée à l’île de Cos
mais il faut savoir qu’à cette époque en Grèce, il y avait des écoles différentes selon les endroits, des
pensées médicales différentes, même au temps d’Hippocrate. Ces différentes écoles ne progressent pas
à la même vitesse, ne mettent pas en avant les mêmes symptômes
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• Médecine post hippocratique
•
Médecine Hippocratique
• Fin du Ve siècle avant JC -> âge d’or de la médecine grecque
• Ecoles médicales de Rhodes, de Cnide, de Crotone et de Cos, celle de Cos étant la
plus importante.
• 4 concepts :
– importance de la connaissance de l’organisme humain et son environnement pour bien soigner
les gens. On considère que l’anatomie, la physiologie sont importantes puisque les maladies ont
une cause naturelle.
– On considère que la maladie est la conséquence d’une atteinte de l’ensemble du corps (réactions
de défenses), donc on prend en compte des phénomènes de maladie globale, ce qui fait déjà
penser à ce qu’on appellera l’immunité
– 4 types d’humeurs : sang, phlegme, bile jaune(foie), bile noire(veines)
– On considère que quand on est malade, on a une rupture d’équilibre entre des facteurs
intrinsèques au malade et extrinsèques
Hippocrate
• -460 à -377 av JC
• Formé en Egypte, Syrie, Italie
• Siècle de Périclès (siècle le plus important de l’histoire grecque antique)
• A fait une synthèse de toutes les connaissances antérieures rapportées de ses voyages
• A aussi créé une synthèse médicale : le Corpus hippocratique utilisé jusqu’au XVIIIè siècle
• Traité Pharmakitis, qui s’apparente à une pharmacopée
– Médicaments choisis selon les symptômes (développement de ce qu’on appelle aujourd’hui
l’indication médicale)
– Théorie des contraires : on donne un antalgique pour soigner la douleur, ce qui est le fondement
de toute la pharmacologie moderne
• Evolution des maladies en 3 phases (incubation, critique, résolution), ce qui n’était pas évident
à l’époque et permet de soigner chaque phase en fonction de la cinétique de la maladie
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• Examen du malade va encore plus loin, comportant ses antécédents, signes généraux, signes
locaux, examen méthodique : c’est de la sémiologie avancée.
Base de la thérapeutique hippocratique
• Régime alimentaire adapté à la maladie
– Inanition : nourriture fortifiante
– Inflammation : diète sévère car on pensait que l’inflammation était liée à une alimentation
inadaptée
• Pharmacopée
– Principes actifs d’origine minérale (cuivre, alun, nitrates)
– Principes actifs d’origine végétale, comme la mandragore : le choix se faisait par empirisme, on
n’avait pas de bases scientifiques, par ex les racines de la mandragore ressemblent à l’humain,
c’est de l’ethnopharmacologie.
• Chirurgie
– Nombreux types
– Anesthésie à la mandragore ou au pavot (qui contient des morphiniques à effet antalgique)
• Procédés physiques
– Bains chauds ou froids
– Compresses
• Saignées
La médecine romaine
Chronologie
• -753 au IIIème siècle av JC : médecine divinatoire, donc depuis la mort d’Hippocrate, il y a
un moment avant que la médecine grecque passe à Rome, il faut encore un siècle pour que la médecine
romaine sorte de l’aspect divinatoire.
• 295 Av JC introduction du culte d’Asclépios à Rome (Esculape)
• Les médecins grecs soignent à Rome (-219 av JC Archagatus de Sparte puis Celse, Dioscoride,
Galien)
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• Première période : Dioscoride (Pharmacologie) ; Celse (De re medica)
• Deuxième période : Travaux de Galien
Place des médecins dans la Rome Antique
• La médecine est jugée indigne des gens cultivés et est initialement pratiquée
par des esclaves mais ils vont gagner quelques avantages sociaux :
• Seuls étrangers à ne pas être expulsés par César en 46 av JC
• Exemptés d’impôts par Auguste (guéri de ses rhumatismes)
• Dispensés des obligations militaires par Hadrien
• 3 types de médecins
– Libéraux, Archiatres, médecins militaires
Enseignement et innovations
• Ecoles de médecine dans tout l’Empire romain
• Jusqu’à 11 ans d’études selon Galien, mais durée très variable
• Il faut être approuvé par ses pairs pour exercer à partir de l’empereur Julien : il y
a un collège de médecine qui décide si on peut se réclamer du titre de médecin
• Apport majeur en hygiène publique
• Naissance des infirmières : ce n’était que des femmes à l’époque
Thérapeutique
Il n’y a pas eu beaucoup d’évolution par rapport aux Grecs de ce côté
• On a inventé la Thériaque (Andromachus l’ancien), qui a perduré plus de mille ans, c’est un mélange
de plantes, jusqu’à plus de 100 selon les recettes. Le mélange a évolué, c’étaient des recettes secrètes, il
y avait des faussaires. L’idée était de faire une panacée, un traitement pour toutes les maladies en se
disant que si on mettait plein de produits, on pouvait tout soigner. Il y avait des substances nocives, des
poisons, du venin, en petites quantités dans l’idée de protéger (// vaccin)
• Thermalisme : aujourd’hui on se rend compte des limites du thermalisme
• Saignées : très peu d’indications reconnues aujourd’hui
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Galien (129-200)
• Etudie à Smyrne, Corinthe, Alexandrie
• Exerce à Pergame à partir de 158
• Considéré comme fondateur de la physiologie expérimentale
• A beaucoup fait progresser les connaissances en Anatomie du système nerveux
• A aussi beaucoup fait progresser les connaissances sur les médicaments et en particulier
leurs nombreuses formulations (sirops, pommades, crèmes, ce qu’on appelait des onguents) -
> galénique : la pharmacie galénique est nommée après Galien mais ce terme (galénique/galéniste)
existait à l’époque et renvoyait aux disciples de Galien qui était bien plus que quelqu’un qui formulait des
médicaments, c’était un très grand médecin, et un très grand anatomiste. L’influence de Galien s’étend
jusqu’après le moyen âge.
La médecine orientale/arabe
Généralités
• Lien entre la médecine gréco-romaine et la médecine occidentale : trou de mille
ans dans la médecine occidentale ; pouvoir de la Chrétienté, on ne peut ouvrir les cadavres, on soigne par
la prière, on revient à l’origine divine de la maladie. Les Grecs ont transmis leurs connaissance à des gens
qui n’étaient pas chrétiens, en Orient (il y avait quelques chrétiens qui exerçaient) et l’apport de la
médecine grecque a pu s’améliorer encore par l’apport de ces pays orientaux, et quand, à la Renaissance,
on a été prêts à comprendre que la religion devait avoir sa partie, mais pas que, en médecine, on a pu
récupérer le savoir des Anciens, amélioré par l’apport oriental ; sans cela on aurait perdu des siècles de
connaissances médicales.
• Approfondissement en chirurgie, ophtalmologie, Pharmacologie
(pharmacopée nouvelle), hygiène et physiologie.
• Trait d’union entre l’antiquité et la renaissance
Apports de la médecine arabe
• Maintien, amélioration et transmission des connaissances des grecques
• Développement de la pharmacie galénique et chimique. On commence à utiliser la
chimie comme médicament, et pas uniquement la pharmacopée naturelle : extraction et purification avec l’alambic
• Essor de la profession de pharmacien à partir du XIème siècle
o pharmakon=poison.
Faculté de Santé
Département PluriPASS
Pr. Frédéric Lagarce
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Le pharmacien est au départ le gardien des poisons, puis responsable des thérapeutiques, des
médicaments, de la fabrication et de la qualité du médicament. Cela a commencé au XIè s en Orient.
• Utilisation de l’alambic
• Découverte de la petite circulation au XIIIème siècle
• Système hospitalier IX-XIIIème
Médecins célèbres
✓ Mésué l’ancien (776-855) « l’évangéliste des pharmaciens »
o De re Media : contient 131 aphorismes enseignés en Europe jusqu’au XVIème Siècle
✓ Rhazès (850-925)
o Le Continent : première encyclopédie médicale
✓ Avicenne (980-1037) « le prince des médecins »
o Le Canon de la médecine (encyclopédie de sémiologie et de thérapeutique)
✓ Averroès (1126-1198) « le commentateur d’Aristote » Médecin, philosophe,
mathématicien, astronome, physicien…A transmis ce qi avait été découvert en médecine par les Grecs.
Médecine du moyen âge occidental
Chronologie
A) Période monastique 500-1100
– Obscurantisme médical
– Domination par l’Eglise
– Interdiction des dissections
– Traitements par les reliques…
B) Période scolastique 1100-1400
– Reprise des acquis des médecins arabes
– Interdiction de la médecine par les moines : on revient à une professionnalisation de la médecine
– La médecine devient une science
– Début des facultés de médecine (lectio et disputatio)
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– Influence de l’école de Salerne (fondée au IXème , mais prend son essor plus tard)
C) 1220 faculté de médecine de Montpellier
Les hôpitaux au moyen âge
• Hospices et hôtels-Dieu, plutôt réservé aux pauvres (période monastique)
• Les hospitaliers : ordre monastique
• Les maladreries : endroits pour soigner les malades, en dehors des villes, sert pour les lépreux
• Les hôpitaux spécialisés comme le quinze-vingt, encore à Paris, spécialisé en ophtalmologie
Grandes épidémies
A) La lèpre
– Existait depuis le premier siècle en Gaule
– Développement au temps des croisades en Europe (1095-1270)
– Habit de « ladre » pour les malades et crécelle pour se signaler
– Perte de Jérusalem par Baudouin IV, atteint
– Alibi pour le massacre et rançon des juifs au XIVème
Donc on voit qu’il y a des impacts sociaux.
B) La peste noire (1347-1352)
– Commence à Gênes en 1347, dure 5 ans, a fait 25 millions de morts soit 50% de la population
Européenne. Quand on a la peste, on meurt en moins de 72h dans 80-90% des cas ; on ne pouvait
même plus ramasser les morts.