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8 R.F.C. 416 Décembre 2008 L’IPSASB a publié en mars 2008 un document de consultation traitant de l’information financière et comptable relative aux partenariats public-privé. Ces partenariats qui se développent très rapidement soulèvent de nombreuses questions. Le document propose, dans cette perspective, une clarification des définitions utilisées, des modalités précises de comptabilisation pour le partenaire public et une harmonisation avec ce qui est pratiqué par le partenaire privé. Les typologies de PPP L’IPSASB définit un partenariat public- privé comme un « contrat entre une entité du secteur public et une entité du secteur privé en vue de la fourniture d’un actif public (normalement une infrastructure ou un éta- blissement public) et/ou d’un service » (p. 8). Il existe différents types de PPP selon le degré d’implication du secteur privé et la prise de risque encourue par ce dernier, des simples contrats de services aux privatisations. Les formes intermé- diaires sont nombreuses et se définissent selon les modalités du partage, au sein du contrat, des responsabilités de la concep- tion, de la construction, du fonctionne- ment, de la maintenance et du finance- ment (pp. 10-13). Cette définition très large amène l’IPSASB à délimiter le périmètre de son étude en pri- vilégiant certains types de PPP : les Service Concession Arrangements (SCA) ou “contrats de concession de services”. Ce sont en effet les formes intermédiaires qui posent en pratique la majorité des pro- blèmes en termes de comptabilisation. Les SCA recouvrent les contrats de concessions au sens strict dans lesquels l’entité publique concède à l’entité privée le droit de fournir un service au public grâce à l’utilisation d’une infrastructure publique, selon des modalités qu’elles a définies, et tous les autres contrats qui combinent un contrat de concession et un élément de construc- tion. C’est d’ailleurs cette terminologie qui a été retenue pour le titre du document IPSASB Accounting and Financial Reporting for Service Concession Arrangements. Si la typologie de l’ensemble des contrats associant un partenaire public et un parte- naire privé constitue une grille de lecture de la diversité des contrats existants, l’ap- pellation générique “contrats de conces- sion de services” est ambiguë comme le soulignent le ministère du Budget (1) et la Cour des comptes (2) , qui proposent à cet égard une terminologie alternative : public private sectors arrangements. La France regrette également le fait que la termino- logie retenue se rapproche beaucoup de celle utilisée par IFRIC 12 (3) , alors que l’IPSASB avait pour objectif premier de réfléchir de façon totalement autonome à la question des PPP. Le traitement comptable des PPP Cette proximité avec IFRIC 12 se retrouve également dans les critères proposés pour déterminer quelle entité (publique ou pri- vée) doit comptabiliser le bien sous-jacent au contrat dans ses actifs. Il ressort des différents critères utilisés par les pays ou organisations passés en revue par l’IPSASB que deux conceptions majeures sont à l’œuvre : celles privilégiant le contrôle et celles mettant en avant le partage des risques et des bénéfices. Le choix entre ces deux approches est central, on le retrouve aussi pour la comptabilisation des “special purpose vehicles” en consoli- dation par exemple. Il gouverne toutes les publications de l’IASB, de l’IPSASB ainsi que celles du FASB et du UK ASB. • La première approche, qui aboutit dans la très grande majorité des cas à la comp- tabilisation de l’actif sous-jacent par l’en- tité publique, est plutôt défendue par l’IASB via IFRIC 12. IFRIC 12 ne traite pas directement de la comptabilisation des PPP dans le secteur public mais précise, pour le secteur privé, la notion de contrô- le et entraîne généralement par la défini- tion qu’elle retient l’exclusion des PPP des actifs du partenaire privé. C’est par exten- sion qu’on peut en déduire le traitement “requis” en comptabilité publique. • La deuxième conception est dévelop- pée par l’UK Accounting Standards Board et Eurostat. L’objectif de la méthode est d’analyser avec plus de précision les termes des contrats afin de mesurer le partage des risques et des bénéfices entre les deux entités et décider si l’entité publique doit enregistrer ou non le PPP dans ses actifs. Selon les règles de comp- tabilité publique britanniques, l’entité publique n’enregistrera le PPP à l’actif que si elle a la majorité des risques et béné- fices. Il y a donc un choix à faire ; les deux notions s’excluent en effet et leur coexis- tence peut entraîner des incohérences importantes. En appliquant IFRIC 12, le partenaire privé ne comptabilise pas le bien sous-jacent dans ses actifs car il n’a pas le contrôle même s’il a supporté une partie des risques et jouit d’une partie des bénéfices attachés au contrat. L’application des règles de comptabilité publique britanniques fait ainsi qu’une partie seulement des SCA font l’objet d’un enregistrement à l’actif des entités publiques. N’étant pas non plus enregis- trés à l’actif des entités privées, des mil- liards de livres sterling d’actifs ne sont ainsi recensés nulle part (4) , ce qui n’est pas sans poser un problème à la fois financier et démocratique. Ce souci de mise en cohérence globale des deux systèmes comptables est un point important du document. Et c’est en grande partie lui qui semble amener l’IPSASB à proposer de retenir le critère du contrôle pour l’enregistrement à l’actif des biens sous-jacents. Ainsi, il y a “contrôle” quand : (1) l’entité publique contrôle ou régule quels services l’entité privée doit fournir à l’aide du bien sous- jacent, à qui elle doit le fournir et quels sont les prix qui doivent être pratiqués, et (2) l’entité publique contrôle la valeur résiduelle de l’actif à la fin du contrat. Ce choix n’est pas contesté du point de LA COMPTABILISATION SELON IPSASB DES PARTENARIATS PUBLIC–PRIVÉ Théorie comptable 1. « Observations sur le document de consulta- tion publié en mars 2008 par l’IPSAS Board pro- posant une information financière et comptable sur les contrats de concession de services », Ministère du Budget, des Comptes Publics et de la Fonction Publique, Mission des normes comptables, juin 2008. 2. Réponse de la Cour des Comptes, courrier de juillet 2008. 3. IFRIC 12 “Accords de concessions de services”. 4. Exemple développé par le Board dans le docu- ment, p. 26

LA COMPTABILISATION SELON IPSASB DES … · Le traitement comptable des PPP ... matière de comptabilisation des PPP ne sera connue qu’après analyse et discussion des différentes

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R.F.C. 416 Décembre 2008

L’IPSASB a publié en mars 2008 undocument de consultation traitantde l’information financière etcomptable relative aux partenariatspublic-privé. Ces partenariats quise développent très rapidementsoulèvent de nombreuses questions.Le document propose, dans cetteperspective, une clarification desdéfinitions utilisées, des modalitésprécises de comptabilisation pour le partenaire public et uneharmonisation avec ce qui est pratiqué par le partenaire privé.

Les typologies de PPP

L’IPSASB définit un partenariat public-privé comme un « contrat entre une entitédu secteur public et une entité du secteurprivé en vue de la fourniture d’un actif public(normalement une infrastructure ou un éta-blissement public) et/ou d’un service »(p. 8). Il existe différents types de PPPselon le degré d’implication du secteurprivé et la prise de risque encourue par cedernier, des simples contrats de servicesaux privatisations. Les formes intermé-diaires sont nombreuses et se définissentselon les modalités du partage, au sein ducontrat, des responsabilités de la concep-tion, de la construction, du fonctionne-ment, de la maintenance et du finance-ment (pp. 10-13).

Cette définition très large amène l’IPSASB àdélimiter le périmètre de son étude en pri-vilégiant certains types de PPP : les ServiceConcession Arrangements (SCA) ou“contrats de concession de services”. Cesont en effet les formes intermédiaires quiposent en pratique la majorité des pro-blèmes en termes de comptabilisation. LesSCA recouvrent les contrats de concessionsau sens strict dans lesquels l’entité publiqueconcède à l’entité privée le droit de fournirun service au public grâce à l’utilisationd’une infrastructure publique, selon desmodalités qu’elles a définies, et tous lesautres contrats qui combinent un contratde concession et un élément de construc-tion. C’est d’ailleurs cette terminologie quia été retenue pour le titre du documentIPSASB Accounting and Financial Reportingfor Service Concession Arrangements.

Si la typologie de l’ensemble des contrats

associant un partenaire public et un parte-naire privé constitue une grille de lecturede la diversité des contrats existants, l’ap-pellation générique “contrats de conces-sion de services” est ambiguë comme lesoulignent le ministère du Budget (1) et laCour des comptes (2), qui proposent à cetégard une terminologie alternative : publicprivate sectors arrangements. La Franceregrette également le fait que la termino-logie retenue se rapproche beaucoup decelle utilisée par IFRIC 12 (3), alors quel’IPSASB avait pour objectif premier deréfléchir de façon totalement autonome àla question des PPP.

Le traitement comptable des PPP

Cette proximité avec IFRIC 12 se retrouveégalement dans les critères proposés pourdéterminer quelle entité (publique ou pri-vée) doit comptabiliser le bien sous-jacentau contrat dans ses actifs. Il ressort desdifférents critères utilisés par les pays ouorganisations passés en revue par l’IPSASBque deux conceptions majeures sont àl’œuvre : celles privilégiant le contrôle etcelles mettant en avant le partage desrisques et des bénéfices. Le choix entreces deux approches est central, on leretrouve aussi pour la comptabilisationdes “special purpose vehicles” en consoli-dation par exemple. Il gouverne toutes lespublications de l’IASB, de l’IPSASB ainsique celles du FASB et du UK ASB.

• La première approche, qui aboutit dansla très grande majorité des cas à la comp-tabilisation de l’actif sous-jacent par l’en-tité publique, est plutôt défendue parl’IASB via IFRIC 12. IFRIC 12 ne traite pas

directement de la comptabilisation desPPP dans le secteur public mais précise,pour le secteur privé, la notion de contrô-le et entraîne généralement par la défini-tion qu’elle retient l’exclusion des PPP desactifs du partenaire privé. C’est par exten-sion qu’on peut en déduire le traitement“requis” en comptabilité publique.

• La deuxième conception est dévelop-pée par l’UK Accounting Standards Boardet Eurostat. L’objectif de la méthode estd’analyser avec plus de précision lestermes des contrats afin de mesurer lepartage des risques et des bénéfices entreles deux entités et décider si l’entitépublique doit enregistrer ou non le PPPdans ses actifs. Selon les règles de comp-tabilité publique britanniques, l’entitépublique n’enregistrera le PPP à l’actif quesi elle a la majorité des risques et béné-fices.

Il y a donc un choix à faire ; les deuxnotions s’excluent en effet et leur coexis-tence peut entraîner des incohérencesimportantes. En appliquant IFRIC 12, lepartenaire privé ne comptabilise pas lebien sous-jacent dans ses actifs car il n’apas le contrôle même s’il a supporté unepartie des risques et jouit d’une partie desbénéfices attachés au contrat.

L’application des règles de comptabilitépublique britanniques fait ainsi qu’unepartie seulement des SCA font l’objetd’un enregistrement à l’actif des entitéspubliques. N’étant pas non plus enregis-trés à l’actif des entités privées, des mil-liards de livres sterling d’actifs ne sontainsi recensés nulle part (4), ce qui n’est passans poser un problème à la fois financieret démocratique.

Ce souci de mise en cohérence globaledes deux systèmes comptables est unpoint important du document. Et c’est engrande partie lui qui semble amenerl’IPSASB à proposer de retenir le critère ducontrôle pour l’enregistrement à l’actifdes biens sous-jacents. Ainsi, il y a“contrôle” quand : (1) l’entité publiquecontrôle ou régule quels services l’entitéprivée doit fournir à l’aide du bien sous-jacent, à qui elle doit le fournir et quelssont les prix qui doivent être pratiqués, et(2) l’entité publique contrôle la valeurrésiduelle de l’actif à la fin du contrat.

Ce choix n’est pas contesté du point de

LA COMPTABILISATION SELON IPSASBDES PARTENARIATS PUBLIC–PRIVÉ

Théorie comptable

1. « Observations sur le document de consulta-tion publié en mars 2008 par l’IPSAS Board pro-posant une information financière et comptablesur les contrats de concession de services »,Ministère du Budget, des Comptes Publics et de laFonction Publique, Mission des normes comptables,juin 2008.

2. Réponse de la Cour des Comptes, courrier dejuillet 2008.

3. IFRIC 12 “Accords de concessions de services”.

4. Exemple développé par le Board dans le docu-ment, p. 26

vue français. Le ministère du Budget souhaiterait cepen-dant que la question de la comptabilisation des PPP aubilan se pose de façon plus large, du fait des risquesengendrés par ces opérations, en particulier au passif,et que soit menée une réflexion sur le caractère“consolidant ou déconsolidant” des contrats, la comp-tabilisation des PPP devant « répondre également ausouci de mieux appréhender la soutenabilité budgétaired’un projet d’investissement et son incidence sur le niveaude la dette (5)».

L’IPSASB aborde, sans y répondre vraiment, ces ques-tions par deux biais :

• celui de l’enregistrement au passif des engagementspris par l’entité publique (comme la garantie de ladette du partenaire privé par l’entité publique afin deréduire le coût de l’emprunt ou encore la garantie parle partenaire public d’un revenu minimum pour l’entitéprivée) ;

• et de l’éventuelle consolidation des comptes de l’enti-té publique avec ceux de l’entité privée partenaire. L’IP-SASB ne préconise pas à cet égard un traitement spéci-fique pour les PPP et propose l’utilisation des critèresdéfinis par IPSAS 6 pour définir si l’entité publiquecontrôle ou non l’entité privée. L’utilisation du critère ducontrôle fait ainsi que l’entité publique contrôle non seu-lement le bien à l’actif mais également l’entité privée sitant est que l’entité privée ne gère que ce bien (“specialpurpose vehicle”).

La version finale des préconisations de l’IPSASB enmatière de comptabilisation des PPP ne sera connuequ’après analyse et discussion des différentes contribu-tions transmises au Board l’été dernier. Il apparaîtcependant, en première approche, que l’IPSASB semblevouloir traiter avant tout la question PPP dans l’optiqued’une harmonisation du traitement comptable avec lesecteur privé. Cette ambition, si elle est tout à fait légi-time et nécessaire, ne peut néanmoins faire oublier lesenjeux spécifiques que les PPP soulèvent pour la gou-vernance financière publique et c’est ce que les contri-butions françaises cherchent à souligner

Pour aller plus loin

IPSASB, Consultation Paper, Accounting and FinancialReporting for Service Concession Arrangements, mars2008, www.ipsasb.org

■ Madeleine DECK

Agrégée à l’ENS Cachan

5. Réponse du ministère du Budget, p. 2