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Camille Chuquet Brice Poiraud Once upon a time in America - Projet M2 Médias, Langages et Sociétés, Institut Français de Presse, sous la direction de Katharina Niemeyer, 2016 1 La Divine Comédie de Trump « The more successful the villain, the more successful the picture. » Alfred Hitchcock Introduction Selon le journaliste politique Michael Tomasky, le conservatisme républicain est aujourd’hui marqué par deux tendances : non seulement la population émet de nombreuses craintes face à l’évolution de cette société multiculturelle, mais en plus la rhétorique conservatrice tend à devenir de plus en plus outrancière. 1 Depuis quelques années, l’émission de radio de Rush Limbaugh ou encore la chaine Fox News transforment la politique en un spectacle belliqueux et divertissant. Il semblerait que Donald Trump ait su reprendre ces deux logiques à son compte pour devenir un succès populaire et médiatique. Donald Trump sait jouer avec le ressentiment et les craintes de son électorat en les insérant dans un discours populiste et transgressif, parfois teinté de vulgarité. Il tend à redéfinir les codes de la communication politique et accroît sa visibilité en repoussant toujours plus loin les limites de ce qui est politiquement acceptable. La visibilité médiatique est de moins en moins associée à la notion de mérite. Aujourd’hui, les images et les discours n’ont plus besoin d’être pertinents pour être diffusés et reconnus, un grand nombre de journalistes, d’intellectuels, de personnalités politiques ou issues du star-système, alimentent une visibilité endogène qu’ils auto renforcent au grès de leurs interventions. 2 Comme l’a expliqué Nelly Quemener, lors de son intervention à l’Institut français de presse le 21 mars 2016, Donald Trump a su construire une figure antipathique concentrant des positions simplistes et démagogues pour fédérer son électorat. Il apparaît alors comme un pourfendeur de tabous qui se rit du politiquement correct tout en mettant en lumière certaines évidences qui seraient perçues par le peuple et non par la classe politique. La campagne pour les primaires américaines des élections de 2016 a été largement détournée par le discours humoristique. L’humour permet généralement de rendre intelligible certains faits de société tout en conservant une fonction divertissante et cathartique. Il peut constituer un acte politique véritable et susciter des réflexions pertinentes. Cependant, comme l’a précisé Nelly Quemener, l’humour est devenu un langage commun et consensuel, et cela Donald Trump l’a bien compris. En créant une auto parodie de lui-même, ce dernier parvient alors à désamorcer les discours qui 1 TOMASKY Michael, Citizen Trump, Books n°73, février 2016 2 HEINICH Nathalie, De la Visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Éditions Gallimard, 2012, 608 p

La Divine Comédie de Trump - WordPress.com...pemet d’apaise les tensions.3 En passant par la caricature, Donald Trump dédramatise le radicalisme de son discours tout en vidant

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Camille Chuquet

Brice Poiraud

Once upon a time in America - Projet M2 Médias, Langages et Sociétés, Institut Français de Presse,

sous la direction de Katharina Niemeyer, 2016

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La Divine Comédie de Trump

« The more successful the villain, the more successful the picture. » Alfred Hitchcock

Introduction

Selon le journaliste politique Michael Tomasky, le conservatisme républicain est aujourd’hui marqué

par deux tendances : non seulement la population émet de nombreuses craintes face à l’évolution de

cette société multiculturelle, mais en plus la rhétorique conservatrice tend à devenir de plus en plus

outrancière.1 Depuis quelques années, l’émission de radio de Rush Limbaugh ou encore la chaine Fox

News transforment la politique en un spectacle belliqueux et divertissant. Il semblerait que Donald

Trump ait su reprendre ces deux logiques à son compte pour devenir un succès populaire et

médiatique. Donald Trump sait jouer avec le ressentiment et les craintes de son électorat en les

insérant dans un discours populiste et transgressif, parfois teinté de vulgarité.

Il tend à redéfinir les codes de la communication politique et accroît sa visibilité en repoussant

toujours plus loin les limites de ce qui est politiquement acceptable. La visibilité médiatique est de

moins en moins associée à la notion de mérite. Aujourd’hui, les images et les discours n’ont plus

besoin d’être pertinents pour être diffusés et reconnus, un grand nombre de journalistes,

d’intellectuels, de personnalités politiques ou issues du star-système, alimentent une visibilité

endogène qu’ils auto renforcent au grès de leurs interventions.2

Comme l’a expliqué Nelly Quemener, lors de son intervention à l’Institut français de presse le 21

mars 2016, Donald Trump a su construire une figure antipathique concentrant des positions

simplistes et démagogues pour fédérer son électorat. Il apparaît alors comme un pourfendeur de

tabous qui se rit du politiquement correct tout en mettant en lumière certaines évidences qui

seraient perçues par le peuple et non par la classe politique.

La campagne pour les primaires américaines des élections de 2016 a été largement détournée par le

discours humoristique. L’humour permet généralement de rendre intelligible certains faits de société

tout en conservant une fonction divertissante et cathartique. Il peut constituer un acte politique

véritable et susciter des réflexions pertinentes. Cependant, comme l’a précisé Nelly Quemener,

l’humour est devenu un langage commun et consensuel, et cela Donald Trump l’a bien compris. En

créant une auto parodie de lui-même, ce dernier parvient alors à désamorcer les discours qui

1 TOMASKY Michael, Citizen Trump, Books n°73, février 2016 2HEINICH Nathalie, De la Visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Éditions Gallimard, 2012, 608 p

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voudraient le tourner en dérision tout en créant du lien social. L’humour a un rôle pacificateur qui

permet d’apaiser les tensions.3 En passant par la caricature, Donald Trump dédramatise le

radicalisme de son discours tout en vidant de sa substance les discours humoristiques qui pourraient

se retourner contre lui.

Les récits de fiction constituent, la plupart du temps, des instruments pour penser le réel. Il s’agit de

déplacer des éléments du réel dans un espace hypothétique mais cohérent (selon Thomas Pavel4, il

est nécessaire de consolider les repères du public par un monde vraisemblable ou compréhensible)

afin de développer un regard critique. Au-delà du détournement par l’humour, Donald Trump est de

plus en plus associé à l’idée du mal dans des formes fictives, afin de réfléchir sur ses discours.

Ainsi il semble légitime de se demander comment la fiction, en introduisant les discours et l’image de

Donald Trump dans ses univers, parvient à construire un espace humoristique critique malgré les

tentatives de celui ci pour rendre la caricature et l’humour consensuels et obsolètes ?

Notre corpus d’analyse se compose de deux montages. « DarthTrump », est un montage parodique

remplaçant la figure de Darth Vader par celle de Donald Trump. Il a été réalisé par « Auralnauts » un

duo d’amateurs. Ce genre d’initiative témoigne de l’espace de liberté et d’expression ouvert par le

numérique. Le public s’approprie les images favorisant ainsi créativité et réflexion personnelle sur

des sujets politiques. La plupart des internautes se contentent de diffuser leurs créations sur les

réseaux sociaux. « Auralnauts » commence à se faire connaître pour ses parodies de films tournant

en dérision les politiques.

3 CHOQUETTE Emmanuel, L’humour : entre acte politique et intérêts communs, Montréal, AISP-Acte de congrès, 2014, 19 p 4COULOMB GULLY Marlène et ESQUENAZI Jean-Pierre, « Fiction et politique : doubles jeux », Mots. Les

langages du politique

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« Winter is Trumping », parodie de Game of Thrones, est un montage professionnel réalisé par Huw

Parkinson qui travaille pour le talk show australien Insiders sur la chaîne ABC. Il introduit Donald

Trump dans l’univers de Game of Thrones. Il faut noter que les montages professionnels demeurent

traversés par des logiques politiques et économiques bien que Huw Parkinson semble se définir par

son indépendance et sa créativité.

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Un certain nombre de montages intégrant les discours de Donald Trump dans un cadre fictif lié à la

pop culture ont été produits au cours de la campagne.

Il s’agira de montrer comment l’association entre la figure de Trump et celle de l’antagoniste

fascisant permet de désactiver la caricature autoproduite par Trump tout en réactivant une critique

inédite.

Les vidéos seront analysées au prisme des notions d’intericonicité et d’intermédialité afin de montrer

la pertinence critique de l’hybridation de ces supports avec la figure de Donald Trump.

Enfin nous aborderons la portée politique de la critique. La réintégration de Donald Trump dans des

fictions où il incarne le rôle du « méchant » soulève un questionnement réel sur ses compétences

politiques et la façon dont il est perçu par les publics. Il s’agira également d’aborder le rôle politique

de l’humour et de la pop culture.

I/ L’intérêt du recours à l’intericonicité et l’intermédialité pour formuler

une critique sur Donald Trump

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Penser la rencontre d’une icône avec une autre

Les montages fictifs étudiés recourent à des techniques d’hybridation mobilisant divers supports

médiatiques qui tendent à brouiller la frontière entre le réel et la fiction.

« Darth Trump » comme « Winter is Trumping » intègrent des discours réels de Donald Trump dans

des séquences fictives de Star Wars et de Game of Thrones, les deux montages sont donc marqués

par l’intermédialité.

D’après Marc Lits la compréhension d’un texte passe par l’analyse de ses conditions de production

ainsi que par l’identification des références textuelles auxquelles il renvoie.5 L’intertextualité est

omniprésente au sein des deux montages, on ne peut comprendre les dialogues de la séquence que

si on se réfère à la fois au discours de Trump dans son vrai contexte et à l’univers fictif dans lequel

s’insère Trump.

5DYMYTROVA Valentyna, « Marc LITS (2008), Du récit au récit médiatique », Communication [En ligne], Vol. 28/2 | 2011, mis en ligne le 13 juillet 2011,

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D’autre part les deux montages étudiés dans cette partie intègrent l’image de Donald Trump de

manière très différente dans les univers fictifs. Pour saisir l’intelligence de l’image il est nécessaire de

la penser en relation au sein d’un système d’images qui se définissent et s’influencent les unes, les

autres en mobilisant la notion d’intericonicité6. « Winter is Trumping » insère directement le visage

de Trump sur le corps des personnages de Game of Thrones pour l’intégrer à l’histoire.

6ARRIVE Mathilde, « L’intelligence des images - l’intériconicité, enjeux et méthodes », E-rea [Online], 13.1 | 2015, Online since 15 December 2015

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En revanche « Darth Trump » est plus ambigu ; le montage mobilise des références à Donald Trump

à travers le dialogue et l’image pour nous faire comprendre que c’est bien lui qui se cache sous le

masque de Darth Vader.

La confirmation ostensible que Donald Trump est bien Darth Vader nous est donnée en image à la

fin quand tombe le masque et qu’il ne reste sur le visage brûlé du seigneur Sith que la mèche blonde

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de Donald Trump. Par ailleurs, la véritable image de Trump est également intégrée dans la séquence

de fin après que celui-ci ait rejoint la force.

Star Wars comme Game of Thrones présentent tous deux des caractéristiques facilitant l’intégration

de Donald Trump dans les séquences. Nous avons vu que l’image de Donald Trump était utilisée

différemment dans les deux montages, en réalité l’usage qui est fait de son image correspond au lien

que les réalisateurs ont voulu créer avec la fiction. Donald Trump partage certains traits de caractère

en commun avec Darth Vader qui figure aujourd’hui parmi les figures des méchants les plus

mythiques du cinéma. Il est donc introduit au sein d’une figure individuelle et conserve le même rôle

tout au long de la vidéo, Trump est Vader sous le masque en transparence. L’image de Trump n’est

pas intégrée de manière ostensible car Trump s’est incarné en Darth Vader. Il s’agit de produire la

rencontre d’une icône avec une autre : que se passe-t-il quand le plus grand méchant du cinéma

rencontre la figure contemporaine la plus controversée du jeu politique ? Darth Trump synthétise les

caractéristiques de deux figures publiques extrêmement connues mais appartenant à deux univers

différents, créant de ce fait une icône dépassant la frontière du réel et de la fiction. Darth Trump fait

appel à des codes connus de tous pour pouvoir penser autrement. L’identification très forte de

Trump à Vader focalise la critique sur l’ego et la nature de ce dernier.

En revanche, l’image de Trump est intégrée de façon inégale dans GOT. On remarque qu’il prend

successivement la place de figures plutôt négatives dans l’ensemble : un représentant du conseil de

Qarth, figure égoïste et intolérante qui refuse de donner l’asile à Daenerys, Bronn, figure désinvolte,

mercenaire de Tyrion Lannister, sir Janos Slynt, figure mesquine et cruelle commandant du guêt puis

membre de la garde de nuit, sir Alliser Thorne lord commandant de la garde de nuit foncièrement

opposé au héros Jon Snow, Jaimie Lannister chef de la garde royale, figure alternativement négative

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et positive, et Joffrey Baratheon figure inhumaine connue pour son sadisme, d’abord prince puis roi

de Westeros. Si la volonté de stigmatiser Donald Trump peut paraître évidente dans l’association

faite avec Joffrey Baratheon, méchant emblématique de la série, il faut préciser que l’essentiel n’est

pas ici de lier Trump à un personnage mais de l’intégrer dans un univers cruel et sans pitié qui

permette la critique de son discours politique. L’intégration directe de l’image de Trump permet de

réaliser à quel point sa politique s’insère bien dans l’atmosphère de la série. La présence de Trump se

justifie moins par l’identité des personnages qu’il incarne, souvent secondaire, que par l’opportunité

critique permise par la séquence. Game of Thrones est une série profondément politique qui retrace

les moyens mis en œuvre par les différents personnages pour acquérir/conserver le pouvoir. Elle est

connue pour sa représentation violente et crue des bassesses de la nature humaine,

perpétuellement retravaillée par les rapports de force au sein desquels elle s’insère. Si le rapport

avec les autres candidats n’est pas évoqué dans la vidéo, on pourrait considérer que le discours de

Trump est transposé de la campagne pour les primaires au sein de laquelle les rapports de force sont

omniprésents, à Game of Thrones où la configuration politique comme les interactions entre les

personnages décident du sort de chacun.

L’apport de la démarche : Rendre Trump crédible dans un univers fictif

Mathilde Arrivé considère que le lien entre deux images donne naissance à une 3èmeimage à travers

ce qu’elle nomme la triplopie.7 La rencontre entre les images provoque une iconomorphose qui, par

le biais de la citation, engendre une nouvelle unité de sens. La recontextualisation des images ouvre

un espace discursif inédit permettant de penser leurs objets. Cette logique est vraie pour tout type

d’intermédialité/intertextualité. La réintégration des discours comme celle de l’image de Trump dans

des séquences cinématographiques donnent une nouvelle vision du candidat.

Toute forme de récit passe au préalable par l’identification de figures sociales dans des situations

concrètes. Cela permet au sujet récepteur de repérer ces figures dans le récit grâce à leurs

caractéristiques identitaires et sociales. Le sujet est capable d’interpréter le récit parce qu’il a vécu

des expériences sociales ancrées dans la pratique.8 L’intégration de la figure de Trump dans des

situations fictives permet d’identifier et de réfléchir à la réalité du candidat. La représentation fait

sens pour le récepteur qui l’identifie car il a déjà fait l’expérience de Donald Trump via les médias

7 ARRIVE Mathilde, « L’intelligence des images - l’intericonicité, enjeux et méthodes », E-rea [Online], 13.1 | 2015, Online since 15 December 2015 8 VOIROL Olivier, « Le travail normatif du narratif. Les enjeux de reconnaissance dans le récit médiatique», Réseaux 4/2005 (no 132) , p. 51-71

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d’information au cours de la campagne. Les montages permettent de poser un regard critique sur ses

discours tout en proposant une version alternative et réflexive qui dépasse le cadre du réel.

Donald Trump tient des propos conservateurs, intolérants voire racistes qui s’inspirent du

ressentiment économique, culturel et racial de la population en période de crise. Il est donc

facilement assimilable à une figure négative et antagoniste. De surcroît sa rhétorique est outrancière,

limitée et violente, parfois même vulgaire, ce qui le rend plus proche de la caricature que de la figure

politique. Le fond comme la forme de son discours repoussent si loin les limites de la correction et de

la décence politique qu’il est difficilement appréhendable dans un cadre réel. Parfois on a bel et bien

du mal à croire qu’il existe.

Nous avons expliqué en introduction que Donald Trump désamorçait la critique humoristique en se

présentant lui-même comme une caricature. Son pouvoir d’auto dérision empêche toute forme

d’innovation humoristique sur sa personne. A quoi bon créer une caricature puisqu’elle ne sera

jamais à la hauteur de la figure originale qui se présente elle-même comme une caricature ?

L’intelligence de la démarche de ces montages réside dans leur capacité à courcircuiter à leur tour le

procédé employé par Trump. Si il n’est plus possible de moquer Trump par le discours humoristique

puisqu’il se moque lui-même et qu’il se moque de tout, la fiction permet de rendre crédible la figure

de Trump par la réintégration de ce dernier dans un autre univers. Il est aisément identifiable à des

méchants fictifs stéréotypés et s’insère parfaitement dans les univers qui leurs sont relatifs. En réalité

Donald Trump paraît plus authentique dans un cadre fictif que dans un cadre réel. La critique est

activée par la facilité déconcertante avec laquelle Trump endosse un rôle fictif négatif qui discrédite

son rôle politique réel.

II/ L’identification de Trump à Darth Vader face à l’intégration de son

discours politique dans l’univers de Game of Thrones

Un certain nombre de liens peuvent être fait entre Donald Trump et Darth Vader ou Game of

Thrones, facilitant ainsi l’insertion de ce dernier dans ces univers.

Nous avons relevé des thèmes, communs pour la plupart, afin de faciliter l’analyse. (L’ego/le goût

pour l’hégémonie, la religion, la violence personnelle, la violence du discours politique : discours anti

immigration/discours pro-torture.) La récurrence de certains thèmes souligne les domaines de

prédilection de Trump et la façon dont il est perçu.

L’ego/Le goût pour l’hégémonie

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Donald Trump a de nombreux points communs avec Darth Vader. Toujours vêtus de noir, ils ont

commencé par renier leur appartenance d’origine (les libéraux/ le côté lumineux) pour rejoindre un

mouvement opposé (les conservateurs/le côté obscur). Donald Trump et Darth Vader sont tous les

deux doués en affaire : si Trump est un magnat de l’immobilier milliardaire, Vader obtient de Boba

Fett et de Lando Calrissian la capture de Han Solo et Leia pour attirer Luke dans un piège. L’Empire

entretient de nombreuses relations douteuses avec les organisations de la bordure extérieure, il

négocie ainsi régulièrement avec les Hutts et la fédération du commerce dans des buts politiques ou

financiers.

Mais ce qui rapproche le plus Donald Trump de Darth Vader c’est son égo démesuré et son goût pour

l’hégémonie. Depuis qu’il est jeune Anakin a toujours été confiant et ambitieux. « Someday I will be

the most powerful Jedi ever. »9. Sa soif de pouvoir a été déterminante dans son basculement vers le

côté obscur ; toute sa vie Anakin a défié le conseil des Jedis pour démontrer sa supériorité. Aussi

Darth Vader fait tout dans la démesure, il a rétabli un empire consolidé par une armée de clones

subordonnés, il habite à bord d’une immense station spatiale : « l’Etoile noire », qui fait aussi office

d’arme de destruction massive, il porte une armure imposante ; drapé dans sa cape il affiche un

toujours un ton supérieur et sentencieux.

Le montage d’Auralnauts introduit l’hégémonie de Donald Trump dans celle de Vader avec une dose

d’humour. Vader est orgueilleux mais toujours extrêmement sérieux, alors que Donald Trump fait

preuve d’un narcissisme revendiqué et excessif. Ainsi, pour rendre Trump crédible dans l’univers de

Star Wars, Auralnauts a fait le choix de tourner en ridicule les marques d’hégémonie de Darth Vader.

La vidéo s’ouvre sur « we’re not gonna take it » des Twisted Sisters ; il s’agit d’une chanson de hard

rock relative à la persévérance, la mise en avant de l’ego et de la volonté libre. Dans le clip original le

petit garçon défie son père pour devenir une rock star loufoque et libérée. Cette ouverture permet

de bien mettre en avant qu’à l’image de Vader, Trump fait ce qu’il veut.

9 Star Wars épisode II, « L’attaque des clones »

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Par ailleurs, les croiseurs de l’empire ainsi que l’Etoile noire, symboles de l’hégémonie de Vader,

portent une pancarte disproportionnée avec le slogan de la campagne de Trump détourné : « Make

the galaxy great again ». Vader règne sur l’Empire comme Trump souhaite régner sur l’Amérique.

Auralnauts repolitise avec beaucoup d’auto dérision, la situation à l’œuvre dans Star Wars, Darth

Trump fait campagne pour une galaxie qu’il domine déjà. La pancarte a, à la fois une vocation

emphatique qui souligne que l’hégémonie de Trump égale, voire surpasse celle de Vader, et à la fois

une vocation décrédibilisante. Avec cette pancarte le vaisseau comme la station n’ont plus rien

d’impressionnants et deviennent des caricatures politiques à l’image de Trump.

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De même la séquence n° 10 rend compte de la mort de Trump en mettant la focale sur sa coupe de

cheveux. Sa coiffure fait partie de son identité et rappelle à quel point il est une caricature construite

de toute part. Darth Trump a été intégralement brûlé mais ses cheveux demeurent. Il s’agit de

tourner en ridicule la superficialité de Trump qui à l’aune de la mort porte encore cette coupe de

cheveux et ne peut, même pas en cet instant fatidique, être pris au sérieux.

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La plupart des séquences mettent en lumière l’égo surdimensionné de Donald Trump dans des

situations sérieuses qui deviennent humoristiques. Trump est toujours en décalage par rapport au

dialogue, son unique solution face aux problèmes rencontrés réside dans l’énumération de tout ce

qui fait son génie.

Dans la séquence n°2, un général de l’Empire vient faire état du problème soulevé par le fait de

garder Leia en otage, non seulement cela pourrait susciter de la sympathie pour le Sénat et la

République, mais en plus il est possible qu’elle ne dise rien sur la base rebelle avant de mourir. Au

lieu d’apporter une réponse constructive, Trump répond en énumérant ses qualités « I do get along

with people, I deal with foreign countries, I made a lot of money dealing against China… » Un autre

militaire vient le voir pour lui dire que le vaisseau intercepté ne contient pas les plans de la base

rebelle, mais Trump continue de se mettre en avant et de rappeler les raisons de sa supériorité sans

suite logique « I employ thousands of people »…Trump pense être la solution de tous les problèmes

qu’il rencontre. Cette image renvoie clairement à son comportement en campagne : tous les

problèmes pourraient être résolus parce qu’il a réussi dans la vie, mais en soi Trump ne propose

jamais de véritables solutions et quand il le fait, ses idées ne semblent pas réalistes.

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Dans la séquence n°5, le général essaye de faire une description de la situation militaire. Trump

l’interrompt en lui disant qu’il n’a pas besoin d’être un génie pour savoir cela, mais qu’en revanche,

lui se trouve être un génie. Il déclare être un meilleur militaire que n’importe qui dans la pièce. Cette

position illustre bien celle de Trump qui pense, parce qu’il est un génie et qu’il est doué en affaires,

pouvoir s’improviser des qualités d’experts dans tous les domaines : l’économie, la politique

étrangère, la politique migratoire… Trump serait même passé expert dans « l’art de construire des

murs ».

La séquence n°7 constitue sans doute l’illustration la plus absurde de l’ego de Trump. Sur Bespin,

alors que Lando cherche à comprendre les termes du marché qu’il a passé avec Trump, ce dernier

vante les mérites de sa gamme de steaks10«If you like steaks, you’ll absolutely love Trump’s steaks.

Trump’s steak are the world’s greatest steaks, and I mean that in every sense of the word » .

Lando se trouve totalement désorienté et tente de comprendre les conditions du contrat, mais

Trump continue dans sa mégalomanie.

10Trump Steaks, www.sharperimage.com/si/view/product/Trump+Steaks/888888

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Il s’agit ici de moquer l’empire financier de Trump et les excès qu’il mobilise pour appeler au

consumérisme ; avant d’être un homme politique, Trump reste avant tout un homme d’affaire.

La vidéo se termine sur une séquence ultime de mise en avant de l’ego, le narcissisme de Trump est

tellement important qu’il perdure après sa mort.

Dans la dernière séquence, Luke est face aux hologrammes de ceux qu’il a perdus et qui reposent

désormais avec la Force : Obi Wan Kenobi, Yoda et DarthTrump. Trump dit qu’il va mener toutes les

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élections, dans tous les états, de l’Iowa au New Hampshire, de la Caroline du Sud à la Caroline du

Nord. Pendant ce temps-là tous les personnages font la fête…

Trump pourrait être le grand vainqueur du film, après avoir incarné le grand méchant, il serait

intériorisé comme figure bénéfique ayant embrassé sa rédemption. Pourtant ses objectifs ne

diffèreraient pas : acquérir et rester au pouvoir. Cela pourrait signifier que malgré l’absurdité de ses

propos, il a été élevé au rang d’icone. Les personnages de Star Wars pourraient sembler l’approuver

par la fête à l’instar de son électorat.

Mais l’interprétation pourrait être tout autre. Trump est mort et malgré tout il ambitionne toujours

d’acquérir le pouvoir ce qui est encore plus absurde. Les personnages pourraient alors rire de lui et

Luke, las des bêtises de son père, choisirait de le laisser pour retrouver ses amis à la fête.

Malgré les décalages, le discours de Donald Trump s’intègre bien dans les séquences car son ego

s’associe bien à l’hégémonie de Darth Vader même si ce dernier reste plus solennel. Le lien entre

l’hégémonie commune aux 2 personnages et l’humour, permet de montrer à quel point Trump est

crédible dans la peau d’un personnage antagoniste tout en moquant la superficialité de son discours

de façon critique.

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Cependant malgré la dimension humoristique, on remarque qu’aucun militaire ne se dresse contre

Darth Trump au cours de la vidéo (mis à part le général qui critique sa posture religieuse et termine

étouffé par la force). La plupart des personnages regardent Darth Trump avec crainte et respect,

même l’empereur ne le soumet pas. Il est possible d’associer ce comportement à celui d’une partie

l’électorat de Trump. Certains de ses partisans semblent le suivre aveuglément comme un leader né,

sans jamais remettre en cause les failles de son discours. Il existe un lien évident entre la figure

autoritaire de Darth Vader et l’autoritarisme grandissant de Trump et de son électorat. Tous comme

les militaires au service de Vader, il existe du côté de l’électorat de Trump, un véritable culte du chef.

On relève également quelques séquences relatives à l’ego dans « Winter is Trumping ». Donald

Trump dit devant le conseil du roi que le peuple n’est constitué que par ceux qui le supportent. Ainsi

Trump ne reconnaît que son électorat, ceux qui flattent son ego.

Dans la séquence n°7, Trump est intégré à la place de Janos Slynt qui refuse d’obéir aux ordres de Jon

Snow en rejetant le commandement de Greyguard. Trump répond à Jon Snow interloqué que l’on a

besoin de « gens qui savent ce qu’ils font et non de bébés ». Cette séquence témoigne une fois de

plus du narcissisme de Trump qui rejette la hiérarchie parce qu’il pense être le meilleur en toutes

circonstances.

L’ego est plus valorisé dans Darth Trump parce que comme nous l’avons dit Trump est assimilé à un

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personnage individuel qui partage cette caractéristique. Dans Winter is Trumping, la volonté de Huw

Parkinson est d’assimiler les positions politiques de Trump à l’univers de la série.

La religion

La religion est abordée dans les deux vidéos. Il est difficile pour Donald Trump de rallier l’électorat

chrétien car c’est un libéral qui tente de s’improviser conservateur. Tout au long de sa campagne,

Trump a essayé de mobiliser des arguments pour démontrer son attachement à la religion « I believe

in God. I am Christian. I think The Bible is certainly, it is THE book...First Presbyterian Church in

Jamaica Queens is where I went to church. I’m a Protestant, I’m a Presbyterian. And you know I’ve

had a good relationship with the church over the years. I think religion is a wonderful thing. I think

my religion is a wonderful religion »11

Vader et Trump sont tous les deux en décalage par rapport aux attentes religieuses des contextes

dans lesquels ils s’insèrent. Vader croit en la force alors que les Jedis ont disparu, Trump est un

presbytérien libéral qui ne satisfait pas l’électorat chrétien. Dans la séquence n° 3, Trump dit qu’il est

très chrétien et très investi dans la religion. « I’am a very very strong believer in religion and

christianity » Le général lui demande de ne plus parler de sa magie et de sa dévotion pour la force,

religion ancienne qui ne lui a pas permis de stopper les rebelles et de trouver leur base. Trump

étouffe le général en vantant ses qualités à nouveau avec le même segment de discours que la

séquence n°2, ce qui marque l’intertextualité avec l’idée d’ego comme solution à tous les problèmes.

(« I do get along with people, I deal with foreign countries, I made a lot of money dealing against

China »).

11« Donald Trump talks about religion », Politico,04/11/11

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Il est intéressant de constater que dans la séquence originale, Darth Vader évoque aussi sa dévotion

religieuse : « I find your lack of faith disturbing »12. Vader est trop croyant alors que Trump ne l’est

pas assez, mais les deux cas impliquent une emphase religieuse contraire à l’attente des personnages

à ce point précis de la vidéo.

Game of Thrones met en séquence les réticences du pape vis-à-vis de Donald Trump. En effet le pape

condamne les positions radicales de Trump, selon lui « une personne qui veut construire des murs et

non des ponts n’est pas chrétienne »13

Dans la vidéo Trump arrive en chevalier face au conseil du roi comme s’il avait une requête et

explique que le pape est allé à Mexico et qu’il a dit des choses négatives à son sujet. Varys répond

que « c’est terrible (Dreadful) » avec un ton indifférent. Trump renchérit en disant qu’il est une

« personne très bien (Donald Trump is a very nice person ) », Littlefinger sourit de manière ironique.

12 Star Wars épisode IV, « Un nouvel espoir » 13« Le ton monte entre le pape François et Donald Trump », Le Monde, 19/02/2019

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En rappelant les positions du pape, la vidéo démontre à quel point la figure de Trump divise l’Eglise

et les croyants malgré son appartenance au camp des conservateurs.

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Il faut noter que l’ego de Trump est moqué une nouvelle fois car visiblement sa personne n’est pas

assez importante pour susciter l’intérêt du conseil du roi. Par ailleurs, il est intéressant de remarquer

que la condamnation du pape intervient dans un univers où la religion occupe une place très

importante malgré les vices de la population. Comme Donald Trump, la plupart des personnages sont

dévots en apparence, alors qu’ils restent marqués par l’argent, le pouvoir, le plaisir et la violence.

La violence

La violence est omniprésente dans les deux vidéos. Ces dernières mettent en séquence deux formes

de violence, la violence personnelle d’une part et la violence qui émane de ses opinions politiques,

notamment en matière d’immigration et de politique étrangère.

La violence personnelle

Au-delà de la violence de son programme que nous aborderons ultérieurement, Donald Trump a

souvent révélé une nature violente. On peut par exemple citer, parmi ses nombreuses incitations à la

violence, ses propos relatifs au fait « qu’il paierait les frais d’avocat de ceux qui maitriseraient les

perturbateurs de son meeting14 », propos qui semblent indécent pour un homme politique voué à

acquérir le pouvoir.

Les deux montages ont su allier avec humour la violence de Trump avec celle de Vader et de l’univers

de Game of Thrones.

Vader est un personnage extrêmement violent. Rappelons qu’Anakin a massacré les enfants du

temple Jedi. Vader quant à lui, étouffe régulièrement ses opposants, recourt à la torture, et n’hésite

pas à mener à terme des génocides comme celui d’Alderaan.

Le montage d’Auralnauts recourt à un artifice pour révéler la violence de Trump dans le personnage

de Darth Vader. La séquence n°2 et la séquence n°8 intègrent des morceaux du discours tenu par

Trump à Fort Dodge dans l’Iowa15 dans lequel il tourne Ben Carson en ridicule, accusé de violence

envers sa mère et un ami d’enfance. Ben Carson aurait poursuivi sa mère avec un marteau, essayé de

poignarder un ami d’enfance et frappé quelqu’un au visage avec un cadenas. Donald Trump a pris

l’habitude de discréditer Ben Carson sur son passé violent en l’accusant de souffrir de troubles

14« Donald Trump : I may pay legal fees for man who punched protester », The Guardian, 14/06/2016 15« Trump on Carson : if you are a child molester, there is no cure », Grabien, 11/13/2015

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psychiatriques. Mais dans le discours de Fort Dodge, Trump imite Carson, il s’approprie sa violence

pour le ridiculiser. Sortie de son contexte, les propos de Trump donnent l’impression qu’il a lui-même

fait preuve de violence envers sa mère et ses amis. « How dare the press not believe me that I went

after my mother with a hammer! »/ « I hit somebody in the face with a padlock, then I tried to stabb

a friend of mine who’s name was Bob ».

Bien que ces actes n’aient pas été réellement commis par Trump, ils soulignent le potentiel de

violence qui l’habite à l’instar de celle qui ronge Vader. Les propos sont réintégrés de manière

humoristique et pertinente.

Dans la séquence n°2, Vader suscite l’incompréhension de Leia. La séquence n°8 reprend les images

cultes de l’Empire contre attaque qui mettent en séquence la révélation de Vader : il est le père de

Luke et de ce fait il l’invite à rejoindre « le côté obscur ». Luke est anéanti par cette nouvelle et hurle

avant de se jeter dans le vide. Le montage construit la séquence de façon à ce que ce soit la violence

de Trump vis-à-vis de sa mère et de son ami qui suscite cette réaction. Trump est tourné en ridicule

de la même façon que le discours qu’il a tenu sur Carson, on assiste à une sorte de moquerie en

abîme.

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De surcroît la notion d’égo est mobilisée à nouveau, après sa révélation, Trump invoque de manière

totalement absurde, son merchandising vendu par la plateforme Macy’s. C’est cette ultime folie qui

pousse Luke à sauter de la passerelle. Malgré l’auto dérision de la séquence qui fragilise une fois de

plus les capacités politiques de Trump, son potentiel de violence est pointé du doigt.

La violence du discours politique

Au-delà de la violence personnelle, les vidéos rendent compte de la radicalité du discours politique

de Donald Trump.

Alors que Darth Trump reste centré sur l’identification de Trump à Vader, Game of Thrones met la

focale sur son discours politique en intégrant ce dernier dans un univers cruel et violent.

Game of Thrones aborde les questions des discriminations, des migrations et de l’esclavage. « Winter

is Trumping » offre donc un cadre favorable pour aborder les positions de Trump sur la tolérance

religieuse et la politique migratoire.

Donald Trump défend l’idée qu’il faudrait bannir temporairement les musulmans du territoire

américain pour lutter contre l’Islam radical, comme le témoigne l’exemple du discours tenu en

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Caroline du Sud le 7 décembre 2015.16Dans la séquence n°1 de « Winter is Trumping », Daenerys

arrive aux portes de Qarth et demande l’asile pour son peuple affamé et déshydraté après la

traversée du désert. Trump s’avance, refuse la proposition et dit que la cité a des problèmes sérieux

avec l’Islam radical « we have a serious problem with radical islam, we have a tremendous problem

and we can’t be the stupid country anymore »

Daeneys dit que là d’ où elle vient, « les invités sont traités avec respect et non insultés aux portes

de la cité ». La pertinence du mashup résulte de la coïncidence entre la position de Trump qui

souhaite bloquer l’entrée des Etats Unis aux musulmans, et celle du conseiller de Qarth qui souhaite

empêcher Daenerys d’entrer dans la cité. La critique sort de la bouche de Daenerys qui pointe le

comportement intolérant et irrespectueux de Trump, désormais conseiller de Qarth. Quelques

séquences plus tard, l’histoire se poursuit et Daenerys affirme qu’ils vont mourir par la faute de

Trump qui essaye de se justifier en disant que l’exclusion est temporaire « I said temporarily, I didn’t

said permanently, I said temporarily ». Cette séquence révèle l’absurdité des propos de Trump avec

16Donald Trump, Pearl Harbor Day Rally at the USS Yorktown South Carolina, 7/12/2015 (https://www.youtube.com/watch?v=NzOslZ5mP2g)

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beaucoup d’ironie. Il est difficile de nuancer une politique discriminatoire avec des conditions de

temps tout comme la mort n’admet aucun délai supplémentaire.

« Winter is Trumping » comme « Darth Trump » font également allusion à la politique que Trump

entend mener contre l’immigration mexicaine.

Depuis le début de sa campagne, Donald Trump défend une politique anti immigration vis-à-vis du

Mexique. Trump affirme sur son site de campagne vouloir construire un mur entre le Mexique et les

Etats Unis et accuse les mexicains d’être « des criminels et des violeurs. » Tous les immigrés

clandestins devraient, selon lui, être expulsés ; qui plus est le mur serait à la charge des mexicains. En

cas de refus, le prix des visas mexicains serait augmenté. Il s’agit d’une mesure parmi d’autres car

Trump préconise également la fin du droit du sol.17

Par exemple, « Winter is Trumping » reprend une partie d’ un discours tenu par Trump sur Fox

News18 dans lequel il affirme « We have to build a wall, and it has to be build quickly, and I don’t

mind having a big beautiful door in that wall so the people can come in legally ».

17 « Les surprenantes solutions de Donald Trump face à l’immigration », L’Obs, 17/08/2015 18 Donald Trump, Fox News debate, (https://www.youtube.com/watch?v=mF4cxxuZ5_M)

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Encore une fois ce discours s’intègre parfaitement dans l’univers de Game of Thrones qui comprend

un mur gigantesque entre Westeros et la bordure extérieure pour protéger le royaume des

sauvageons et des marcheurs blancs.

Dans la vidéo Donald Trump incarne un membre de la garde de nuit offusqué qu’il n’y ait plus ni

frontière ni contrôle, il faut donc selon lui, construire un mur rapidement en conséquence.

Il rappelle qu’il est « le meilleur constructeur et qu’il construira le meilleur mur au monde (The

greatest builder is me, and I will build the greatest wall you have ever seen) ». A noter la répétition

du terme « greatest », qu’on retrouve régulièrement dans le discours de Trump. Ce superlatif qu’on

associe généralement au discours religieux, pourrait révéler la perception quasi divine que Trump a

de lui-même et servir d’emphase à son ego démesuré.

Au même moment, la vidéo fait un plan rapproché sur le peuple sauvageon attendant de l’autre côté

du mur dans la neige gelée, pendant que Trump le regarde avec condescendance du haut du mur. Ce

plan accroît le misérabilisme de la séquence, la critique est activée par l’indifférence de Trump face

aux peuples en souffrance qu’il s’agisse des sauvageons prêts à se faire dévorer par les marcheurs

blancs ou des mexicains qui viennent aux USA chercher du travail. Cette séquence dénonce la

politique radicale de Trump toujours avec une forme d’humour noir qui le conforte dans le rôle du

méchant.

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La thématique de l’intolérance est également exploitée par Darth Trump. Dans la séquence n°6

Trump explique à un militaire que la situation à la frontière est une catastrophe. Le militaire lui

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assure que le bouclier peut stopper tous les bombardements des ennemis. Trump essaye de justifier

sa politique en disant qu’il « adore les mexicains mais qu’ils tuent les américains à la frontière, qu’ils

leur volent leurs emplois, leurs entreprises, leur argent » etc… Cette position fait écho à l’intolérance

de Vader vis-à-vis du Sénat et de l’ordre Jedi. Trump parle depuis sa chambre de méditation qui le

coupe du monde, le mur n’est pas évoqué directement mais pourrait être réintroduit par cette

frontière symbolique.

Enfin « Winter is Trumping » aborde la thématique de la réintroduction de la torture, ce qui permet

de faire la synthèse entre la violence personnelle de Trump et ses positions politiques. Dans la

dernière séquence de « Winter si Trumping », Trump est assimilé au méchant le plus cruel de Game

of Thrones, Joffrey Baratheon, qui se caractérise par son goût pour la torture et le sadisme. Le

symbole est fort, Joffrey est en passe de devenir un des méchants les plus célèbres de la pop culture

à l’instar de Darth Vader, Joffrey a su évoluer avec la violence de son époque. Le montage montre

Trump en train d’évoquer la torture avec Tyrion, au cours de la bataille de la Néra. Trump explique

que « leurs ennemis se moquent d’eux pendant qu’ils torturent à l’eau et coupent des têtes (they

laugh at us, our ennemies laugh at us while but they say waterboarding and they chop off heads) ». Il

finit par affirmer qu’il réinstaurera « la torture à l’eau et des choses pires que cela (I will bring back

waterboarding and I’ll bring back a hell of a lot worse than waterboarding) ». La dernière séquence

montre l’explosion des bateaux ennemis sur la rivière face à Tyrion inquiet et perplexe.

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Non seulement la violence de Trump est révélée par l’association de celui ci au personnage de

Joffrey, mais en plus l’explosion des bateaux souligne les conséquences inhumaines que pourraient

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avoir la réinstauration de la torture à l’eau. Trump est partisan de l’idéologie libérale19 de la torture

qui postule que celle-ci doit être utilisée dans des cas d’extrême urgence mettant en danger la vie

d’autres personnes. Il s’agit de montrer comment Trump, à l’instar de Joffrey peut revendiquer des

positions inacceptables portant atteinte à la dignité humaine et condamnées par le droit

international.

III/ La portée politique des montages : une critique inédite initiée par la

formation d’une nouvelle icône

La remise en question des capacités politiques de Donald Trump

Une fiction est politique quand elle a un rôle politique pour les lecteurs. Claude Lefort distingue la

politique, activité des professionnels de la politique, et le politique qui aménage des espaces de

réflexion sur des questions politiques. Quand la fiction donne des pistes de réflexion et des clés de

compréhension sur des questions politiques, elle traite le politique.20Les montages remettent en

question les capacités politiques de Donald Trump. Ainsi « Darth Trump » comme « Winter is

Trumping » soulèvent un questionnement politique qui relève du politique.

Rendre Trump crédible dans le rôle du méchant c’est d’abord montrer les dangers latents qui

imprègnent son discours. La superficialité de ses propos, son excès de confiance en lui, son égo

démesuré, mais également ses idées populistes, radicales voire racistes et violentes pourraient nuire

grandement au peuple des Etats unis. Les deux vidéos suggèrent que Trump pourrait s’avérer aussi

dangereux que des figures stéréotypées qui concentrent en elles les racines du mal.

Nous l’avons vu DarthTrump tend à souligner le potentiel autoritaire de Trump à travers la figure de

Vader, mais également celle de son électorat, qui par la métaphore militaire, approuve et se soumet

sans résistance.

Le titre « Winter is Trumping » sonne également comme une prophétie. Dans Game of Thrones, les

personnages redoutent la venue de l’hiver, perçu comme un enfer blanc, un empire de mort auquel

on ne survit pas. L’accès au pouvoir de Trump serait-il assimilable aux conséquences dévastatrices de

l’hiver ?

D’autre part, l’intégration crédible de Trump dans un univers fictif sonne comme un paradoxe pour

un candidat à la présidence des Etats Unis. Comment le prendre au sérieux ? Les deux montages font

preuve d’un puissant pouvoir de dérision. La présidence des Etats Unis implique des responsabilités

19TERESTCHENKO Michel, « De l'utilité de la torture ? Les sociétés démocratiques peuvent-elles rester des sociétés décentes ?», Revue du MAUSS 2/2006 (no 28), p. 337-366 20 COULOMB GULLY Marlène et ESQUENAZI Jean-Pierre, « Fiction et politique : doubles jeux », Mots. Les langages du politique

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considérables, montrer que Trump est un stéréotype fictif c’est dénoncer son incapacité à gouverner

dans une situation réelle.

L’humour peut être envisagé comme un véritable acte politique en ce qu’il permet souvent de

réaliser une volonté politique. Il s’agit soit de générer une pensée critique sur un système, soit de

chercher à le changer. Certains discours humoristiques prennent de véritables positions politiques,

militantes ; l’humour est là pour servir d’emphase au message. D’autres humoristes tournent tout en

dérision, leur but est de générer une prise de conscience. Ces humoristes ne prennent pas position,

ils sont simplement critiques. Il s’agit de mettre en relief les contradictions de la société et de faire

réfléchir sur nos habitudes sociales et politiques.21

Il est difficile de connaître les positions politiques d’Auralnauts et de Huw Parkinson, par conséquent

nous ne pouvons deviner si leur but était réellement de prendre position conte Trump ou si ces

vidéos s’intègrent dans leurs habitudes de tourner les situations en parodie pour pointer leurs

faiblesses.

Auralnauts comme Huw parkinson sont des experts du montage parodique débordant de fantaisie.

Auralnauts se définit ainsi sur sa chaîne you tube « Auralnauts are Craven Moorhaus and Zak Koonce.

We do a lot of things here. We change the dialogue in movies to turn them into comedies. We

change dialogue in commercials to turn them into dark glimpses into dystopian futures. We count

how many people were murdered by popular movie stars. We write music. We basically do whatever

we want and hope you enjoy it, because thinking too hard about what people want tends to ruin the

creative process. »22La description Twitter de Huw Parkinson est tout aussi désinvolte et créative

« Creating witchcraftery for @InsidersABC by mixing together politics, films, 4 ounces of newt, a dash

of spider maths, a Thermomix and 3 bags of kitten fear »23

Il semblerait donc que les 2 montages se situent dans un contexte de dérision généralisée du

politique (d’autant que Parkinson travaille pour ABC Insiders, un talk show australien qui critique

l’actualité politique), ce qui n’enlève rien à la pertinence de leur critique. Que l’intention de réaliser

un acte politique soit présente ou pas, les 2 montages mettent en évidence les contradictions

inhérentes à Trump ce qui permet de générer une prise de conscience.

Par ailleurs, il faut préciser qu’avoir recours à la pop culture, c’est s’assurer de mobiliser un langage

que tout le monde comprend. Depuis les années 50, la culture populaire est traversée par deux

tendances contraires : d’un côté elle a une fonction socialisatrice qui fédère les individus autour de

figures communes et de l’autre, elle soumet les individus à un certain nombre d’institutions ce qui

21 CHOQUETTE Emmanuel, L’humour : entre acte politique et intérêts communs, Montréal, AISP-Acte de congrès, 2014, 19 p 22 AURALNAUTS about, youtube(https://www.youtube.com/user/Auralnauts/about) 23 PARKINSON Huw, twitter (https://twitter.com/rabbitandcoffee)

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peut avoir des conséquences aliénantes. La fonction fédératrice se fonde sur un critère quantitatif :

la pop culture est partagée par le plus grand nombre, et sur un critère qualitatif : la pop culture est,

contrairement à la culture savante accessible au plus grand nombre. 24

Star Wars est devenu un monument du cinéma de Science fiction et Darth Vader incarne un des

méchants les plus emblématiques de tous les temps. De plus tout individu est capable de

comprendre la référence à Star Wars. Game of Thrones n’a pas encore atteint la légitimité

cinématographique de Star Wars, la référence n’est pas connue de tous mais elle se démocratise

rapidement ; le succès de Game of Thrones n’a fait que croître depuis sa sortie.

La communication est liée à la culture populaire depuis longtemps. L’essor du numérique a amplifié

l’impact de la culture populaire sur les publics. De plus en plus de contenus sont marqués par des

logiques d’edutainment incorporant des éléments éducatifs dans des médias de divertissement,

permettant par exemple de sensibiliser les populations à des problèmes sociaux. 25Intégrer Donald

Trump dans des univers fictifs tels que Star Wars ou Game of Thrones permet de sensibiliser les

publics aux enjeux de la primaire américaine pour les élections présidentielles en mobilisant des

références connues et accessibles qui ont accédé au rang d’icônes.

La création d’une nouvelle icône enrichissant et altérant la perception des publics

L’icône confond fétichisation et banalisation, elle n’est pas unique comme l’œuvre d’Art et peut être

réutilisée dans de nombreuses configurations sans perdre sa force symbolique, c’est le cas de Donald

Trump à travers la fiction.26

En associant Trump à Vader et en l’intégrant dans l’univers de Game of Thrones, les montages

détournent son image, qui concentre un fort capital symbolique, par des icônes de la pop culture

tout aussi riches de sens. Selon Mathilde Arrivé, Il semblerait que la sacralisation de l’image originale

coexiste avec la circulation massive des images dérivées. La figure iconique de Donald Trump

coexiste donc avec la diffusion des images qui la représente à travers la pop culture. La prolifération

d’images ne banalise pas la figure de Trump, elle tend au contraire à la diffuser tout en enrichissant

sa force symbolique par le biais de l’intericonicité. Le recours à la fiction permet de former une

nouvelle icône qui ancre dans les mémoires la figure autoritaire et surréaliste de Trump.

Depuis quelques temps, les références associant Trump au fascisme se multiplient.

On trouve des allusions dans la presse, comme par exemple la une du Philadelphia Daily news du 8

24 BUHMANN, A.; HELLMUELLER, L.; BOSSHART, L. (2015): Popular culture and communication practice. In: Communication Research Trends, Vol. 34(3), pp. 4–18. 25 BUHMANN, A.; HELLMUELLER, L.; BOSSHART, L., Ibidem 26 ARRIVE Mathilde, « L’intelligence des images - l’intericonicité, enjeux et méthodes », E-rea [Online], 13.1 | 2015, Online since 15 December 2015

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décembre 2015 qui titre « the new furor »27, jeu de mot entre fureur et führer ; de nombreuses

personnalités ont également donné leur avis sur la question : Glenn Beck, éditorialiste conservateur

compare Trump a Hitler en rappelant que lui aussi n’était pas pris au sérieux, le comédien Louis CK

considère la situation actuelle aux Etats Unis semblable à celle de l’Allemagne des années 30, John

Kasich soutient qu’aucune communauté n’est à l’abri et que tout le monde peut potentiellement

devenir la cible de Trump…28

Les montages fictifs associant Trump à des figures autoritaires sont de plus en plus nombreux sur

Internet.

Certaines images comme celle de Dallas Austin, citent Hitler en filigrane pour donner l’impression

que l’intericonicité dévoile le vrai visage de Trump, celui du fascisme.29

Beaucoup d’images circulant sur Internet jouent sur l’association de Trump à des symboles fascistes

pour révéler son potentiel autoritaire. D’autres, pointent du doigt les dangers du ralliement aveugle

de l’électorat.

Le Saturday Night Live a notamment réalisé une fausse vidéo promotionnelle humoristique mettant

en avant le caractère raciste de l’électorat de Trump.30

La démarche de la vidéo est de montrer par l’exemple que les médias ont une raison de traiter

négativement l’image de Donald Trump. La vidéo s’ouvre sur une petite phrase qui semble

condamner ironiquement les médias en apparence, il s’agit d’aller voir du côté de l’électorat pour

comprendre véritablement la figure de Trump « The Media’s been saying some pretty negative

things about Donald Trump, but what are real american saying ? ».

27 « The new furor, la couverture du Philadelphia daily news compare Donald Trump à Adolf Hitler », L’Obs, 8/12/15 28 « Video, Donald Trump comparé à Adolf Hitler par de nombreuses personnalités politiques et médiatiques américaines », le Huffington Post, 24/04/2016 29http://buzz.blog.ajc.com/2016/03/01/dallas-austin-likens-donald-trump-to-hitler/ 30« SNL parody : Racists for Trump », CNN (http://edition.cnn.com/videos/tv/2016/03/07/snl-donald-trump-parody-ad-racists-for-trump-daily-hit-newday.cnn)

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La vidéo montre des séquences de la vie quotidienne, au travail ou dans l’intimité de l’électorat,

pour rendre compte d’une ambiance authentique. Les intervenants dressent un portrait positif de

Donald Trump : «The guy is a winner, he is authentic, he is the only one who actually created jobs

… ».

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Dans la 2ème partie de la vidéo on revoit les mêmes protagonistes, toujours dans leur intimité en train

de parler positivement de Trump « he is gonna take our economy from here to here, he is not some

cautious politicien, he says what I am thinking…) sauf que chacun d’entre eux porte un symbole

raciste ou fasciste en décalage avec la séquence : brassard nazi, robe du Ku Klux Klan, propagande

pro blancs et anti islam. La vidéo prétend, par le discours humoristique, montrer le visage raciste de

l’électorat de Trump et sous tend qu’il pourrait être responsable de l’ascension de l’autoritarisme. La

vidéo se termine sur une phrase choc qui tourne l’électorat en ridicule : « racist for Donald Trump »,

les racistes soutiennent Trump.

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On peut aussi citer le sketch humoristique de Sarah Silverman du 10 mars 2016 dans l’émission

Conan.31 Dans ce sketch, Hitler valide les positions de Trump mais s’offusque de sa vulgarité et

regrette d’être comparé à lui. Malgré la dimension humoristique, la critique est sévère, non

seulement Trump a l’aval de la figure qui incarne le mieux le mal dans l’imaginaire commun, mais en

plus il force Hitler à se poser des questions, ce qui sous-entend qu’il est peut être plus radical que lui.

31 « Blessé par les comparaisons avec Trump, Hitler vient défendre son honneur à la télévision », le Huffington

Post, 24/04/2016 (http://www.huffingtonpost.fr/2016/03/11/video-adolf-hitler-donald-trump-a-la-television-americaine_n_9436334.html)

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Il est difficile d’évaluer la pertinence de toutes ces analogies avec le fascisme car la reductio ad

hitlerium s’est banalisée jusqu’à devenir simpliste et dérisoire.

Cependant il semblerait que ce type de fiction puisse être digne d’intérêt si on la replace dans son

contexte et qu’on interroge le rôle de l’électorat comme l’a fait le Saturday Night Live.

D’autre part plus en plus de chercheurs se posent la question de la montée de l’autoritarisme aux

Etats Unis. La polarisation Républicain/Démocrate s’est développée à partir des années 60 quand le

parti républicain embrassa une ligne plus conservatrice pour conquérir les Etats du Sud.

Actuellement Donald Trump fédère des individus sans distinction d’âge, de revenus, de nationalité,

de religion ; il est soutenu de manière homogène sur le territoire américain ce qui le distingue des

autres candidats.

Matthew MacWilliams a trouvé de fortes corrélations entre l’électorat de Trump et sa propension à

désirer un gouvernement autoritaire.32Hetherington et Weiler ont découvert que le parti républicain,

qui défend des valeurs traditionnelles, attire un électorat avec des valeurs autoritaires.33 Cette

tendance a été accélérée par les problèmes économiques, l’immigration et la menace terroriste.

Selon Stenner il existe des prédispositions autoritaires chez certains individus qui peuvent être

32TAUB Amanda, « The rise of American authoriarianism », Vox, 1/03/2016 33TAUB Amanda, Ibidem

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activés en période de crise et rendre ces individus sensibles au discours de Trump qui dispose d’un

leadership autoritaire.34

Selon le sondage d’Adam Petrihos, l’électorat aux prédispositions très autoritaires serait plus enclin à

voter Trump : 52% de l’électorat républicain soutenant Trump aurait un très haut potentiel

autoritaire35

Mais en l’absence de contexte de craintes, ces prédispositions restent endormies même s’il existe un

leader. Par ailleurs, Hetherington et Elizabeth Suhay ont découvert que quand les individus sans

prédispositions avaient suffisamment peur (exemple menace terroriste) ils commençaient à se

comporter comme les partisans de l’autoritarisme.36La théorie de Suhay se confirme, ceux qui ont

assez peur des nouvelles menaces physiques tendent à se comporter comme des autoritaires et donc

de ce fait à soutenir Trump.

De plus en plus de manifestations autoritaires commencent à voir le jour. On peut par exemple citer

le supposé salut hitlérien de Birgitt Peterson, à la sortie d'un meeting de Trump à Chicago.37

34TAUB Amanda, Ibid 35TAUB Amanda, Ibid 36TAUB Amanda, « The rise of American authoritarianism », Vox, 1/03/2016 37« Ce geste d’une militante de Trump est bien un salut nazi », Libération, 14/03/2016

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Au meeting de Trump à Cleveland dans l’Ohio, un partisan dit aux opposants de retourner à

Auschwitz en effectuant le salut nazi.38

De même, Le 5 mars 2016, à Orlando, les partisans de Trump ont juré qu’ils voteraient pour lui en

levant le bras, rappelant encore une fois le salut nazi.39

38« Un supporter de Donald Trump hurle aux opposants de retourner à Auschwitz », RTL, 15/03/2016 39 « Un meeting de Donald Trump a pris des airs d’Allemagne nazie », Slate, 6/03/2016

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Ces marques du réel alimentent les fantasmes de la fiction. A travers les symboles historiques, le

public comme les politiques interprètent le réel à la lumière du passé et soulignent le danger

potentiel qui émane de Trump comme de ses électeurs.

Selon Mathilde Arrivé, l’image, par le biais de l’intericonicité, a une fonction rituelle permettant de

fédérer les individus. Le mouvement consensuel peut donner lieu à une uniformisation importante.40

Les fictions fédèrent les individus autour d’une certaine vision de Trump, généralement caricaturale

et négative.

Il faut cependant prendre en compte l’idée que les identités sont de plus en plus altérées par la

virtualité médiatique et les interactions permises par le numérique, entrainant un brouillage des

frontières entre la fiction et la réalité.41Auralnauts comme Huw Parkinson se sont appropriés un

individu réel pour en faire un personnage fictif. Malgré ses limites, les restrictions des algorithmes,

et les inégalités qui parcourent le web, Internet peut offrir un espace d’expression et de créativité

très important dans les pays où la liberté d’expression est respectée. Attention cependant à ne pas

confondre réel et fiction, quand bien même il s’agirait d’une figure qui s’y prête comme celle de

Trump.

De même, les médias comme les amateurs peuvent avoir tendance à réutiliser des logiques

sociologiques ou historiques pour recomposer une identité collective.42Cependant ces références

peuvent traduire un excès de narrativité et avoir tendance à généraliser l’application de figures

fascisantes à la réalité comme si on ne pouvait penser en dehors des carcans de l’histoire.

Par ailleurs, l’image est très présente dans la société américaine et sert d’outil de communication

comme de propagande.43

On peut se demander si ces fictions ne font pas œuvre de propagande, consciemment ou

inconsciemment dans la production de sa visibilité et de sa popularité ?

D’après Jerôme Cotte et François L’Yvonnet, l’humour a perdu de son caractère contestataire et agit

maintenant de façon encadrée : la critique n’est plus aussi forte car le discours humoristique profite

40 ARRIVE Mathilde, « L’intelligence des images - l’intericonicité, enjeux et méthodes », E-rea [Online],

13.1 | 2015, Online since 15 December 2015 41DYMYTROVA Valentyna, « Marc LITS (2008), Du récit au récit médiatique », Communication [En ligne], Vol. 28/2 | 2011, mis en ligne le 13 juillet 2011, 42DYMYTROVA Valentyna, Ibidem 43 ARRIVE Mathilde, « L’intelligence des images - l’intericonicité, enjeux et méthodes », E-rea [Online],

13.1 | 2015, Online since 15 December 2015

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à ceux qui en font l’objet ; les humoristes ne cherchent plus à déranger mais à être reconnus par le

pouvoir.44

Conclusion

Pour conclure nous aimerions soulever l’idée que la représentation fictive de Trump constitue un

objet de croyance. D’habitude les publics, forts de leur intelligence, passent par le déni pour favoriser

le croire. « Je sais bien que l’objet est construit, caricatural, mais quand même j’y crois45 ». Avec

Donald Trump, il est de plus en plus difficile de passer par la phase lucide du déni, comme si la figure

fictive de Trump générait une croyance brute. Pourquoi la figure fictive serait-elle construite ou

caricaturale puisque Trump est plus authentique au sein des univers de fiction que dans les univers

réels ? Je sais bien que la figure fictive de Trump n’est pas construite car elle illustre le réel, pour cela

j’y crois.

44 CHOQUETTE Emmanuel, L’humour : entre acte politique et intérêts communs, Montréal, AISP-Acte de congrès, 2014, 19 p 45LAMBERT Frédéric, Je sais bien mais quand même. Essai pour une sémiotique des images et de la croyance, Editions Non Standard, 2013.

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Table des matières

La Divine Comédie de Trump .................................................................................................................. 1

Introduction ......................................................................................................................................... 1

I/ L’intérêt du recours à l’intericonicité et l’intermédialité pour formuler une critique sur Donald

Trump .................................................................................................................................................. 4

Penser la rencontre d’une icône avec une autre ............................................................................ 5

L’apport de la démarche : Rendre Trump crédible dans un univers fictif ....................................... 9

II/ L’identification de Trump à Darth Vader face à l’intégration de son discours politique dans

l’univers de Game of Thrones ........................................................................................................... 10

L’ego/Le goût pour l’hégémonie ................................................................................................... 10

La religion ...................................................................................................................................... 19

La violence ..................................................................................................................................... 22

III/ La portée politique des montages : une critique inédite initiée par la formation d’une nouvelle

icône .................................................................................................................................................. 31

La remise en question des capacités politiques de Donald Trump ............................................... 31

La création d’une nouvelle icône enrichissant et altérant la perception des publics ................... 33

Conclusion ......................................................................................................................................... 42