Upload
michael-adams
View
58
Download
2
Embed Size (px)
DESCRIPTION
La Feuille Verte n°210 - septembre 2015.
Citation preview
ENTRE COP 21 ET RÉGIONALES
C'est au retour des Journées d'été des écologistes à Lille que
nous rédigeons cet édito. Impossible donc de ne pas en évoquer
quelques temps forts (1).
La plénière sur les lanceurs d'alerte, avec Eva Joly, Edwy
Plenel (de Médiapart), Yann Galut, député PS porteur d'une propo-
sition de loi sur le sujet (2) et des lanceurs d'alerte, Stéphanie
Gibaud, Nicole-Marie Meyer, Julian Assange. La dignité, le courage,
la compétence, la détermination de ces femmes et de ces
hommes, les propos de Yann Galut, sa lucidité, sa volonté de tra-
vailler avec les ONG : une belle leçon de politique.
La plénière sur la COP 21. Face à Laurent Fabius, Ronan
Dantec et Emmanuelle Cosse, une femme tchadienne, Hindou
Oumarou Ibrahim, a apporté un regard extrêmement pertinent sur
les effets du dérèglement climatique et son impact sur les peuples
et les États du Sud. Là aussi, sa compétence (elle a déjà participé à
des négociations internationales) et sa détermination nous ont
montré que le changement est possible. Elle nous a cité un pro-
verbe de son pays : « Si le ventre a faim, la tête ne réfléchit pas. »
Une façon de nous dire que ce n'est qu'avec une approche globale
que des solutions seront trouvées (3).
Sans oublier les questions qui traversent l'actualité, les mi-
grants, la guerre en Syrie, la crise économique qui ne dit pas son
nom... Ces Journées d'été étaient placées dans la perspective de la
COP 21 et des élections régionales de décembre. Pour les écolo-
gistes, ces deux échéances sont une occasion unique de rappeler
qu'ils ont une vision à long terme et cohérente et pour marteler
que « c'est le système qui doit changer, pas le climat » !
Au cours des prochains mois, pour répondre aux doutes qui
traversent notre société tout comme notre mouvement, mobili-
sons-nous autour de Cécile Prudhomme, notre tête de liste pour
les Régionales (4), et avec tous les écologistes, pour des avancées
significatives en faveur du climat.
Plus de 1 200 personnes présentes à Lille. Nous ne pouvons
qu'encourager l'ensemble des adhérents à venir aux Journées d'été
pour la richesse et l'ouverture des débats.
Avec Éric Alauzet.
(3) Gérard Mamet en parle plus longuement dans cette Feuille
Verte.
(4) Voir les éléments d'agenda en pages intérieures, et noter dès
maintenant notre Journée d'automne, le 3 octobre. (Des précisions
vous seront envoyées prochainement.)
SEPTEMBRE 2015 / n°210 / 1,70 €
Corinne Tissier
et Bernard Lachambre
Cosecrétaires EÉLV Franche-Comté
33, Avenue Carnot
LA COP 21 VUE DU TCHAD
Sommaire
2
P 1 : Edito
P 2-3 : La COP 21 vue du Tchad
P 4 : Démissions
P 5-6-7 : Les « éternels étrangers de l’intérieur », le Grand
Besançon et la loi
P 8-9 : Les raisons de la crise laitière
P 10 : Centrales : ça bout, là-dedans !
P 11 : Où trouver EELV près de chez soi ?
P 12-13 : Science et écologie
P 13 : Invitation à conférences
P 14-15 : « Dizeux » contre « Faizeux »
P 16 : Ils prennent racine
P 17-18-19 : Petite chronique wallisienne (2)
P 19 : Comment recevoir La Feuille Verte ?
P 20-21 : Adieu République, bonjour Carnot !
P 21 : Photos des candidats au chevet de la Savoureuse
P 22 : Photos JDE Lille
Il y a parfois des moments émouvants, extraordi-
naires ou magiques aux Journées d'été des écologistes. Ce
fut le cas lors du débat sur la COP 21, le vendredi soir, à
Lille, avec quatre intervenants : Laurent Fabius, ministre des
Affaires étrangères, Pierre Radanne, spécialiste des ques-
tions énergétiques, notre Secrétaire nationale Emma Cosse
et la représentante d'une ONG tchadienne, Hindou
Oumarou Ibrahim. Si toutes les contributions ont été perti-
nentes et utiles pour comprendre les enjeux planétaires de
ce sommet, ce n'est peut-être pas le ministre qui a été la
vraie « vedette » de ce débat…
Un enjeu global
On sait que le mois de juillet 2015 a été le mois le
plus chaud jamais enregistré sur la Terre. L'affaire est
grave : le réchauffement devient de plus en plus préoccu-
pant et l'objectif de la COP 21 est de limiter le réchauffe-
tique moyen à 2°C. Mais pour l'instant, reconnaît Laurent
Fabius, les contributions des États ne permettent qu'une
limitation à 3° – 3°5. « On n'est pas rendu », reconnaît
donc le ministre, qui salue au passage le rôle joué par les
écologistes dans la prise de conscience de ce problème
du dérèglement climatique.
Pierre Radanne, ancien
directeur de l'ADEME, reprend
l'expression du Pape, gérer la
maison commune – la Terre :
« Par dessus les inégalités
issues de l'histoire, les guerres,
le colonialisme, il faut gérer la
planète toute entière. » Il faut
faire un accord pour l'humani-
té, un accord où chacun doit
jouer son rôle : les «États, les entreprises, les ONG, les
collectivités et l'ensemble des citoyens. Une réflexion
d'ensemble doit permettre de définir un nouveau mode
de développement, d'avancer vers une transition écolo-
gique. « Travailler sur une nouvelle vague d'investisse-
ments, c'est travailler à une relance mondiale », ajoute
Radanne.
Après avoir exprimé son refus d'une approche politi-
cienne de la COP 21, Emma Cosse a fait remarquer au
ministre que, concernant la taxe sur les transactions fi-
nancières, qui pourrait servir au développement des pays
pauvres et à la lutte contre le dérèglement climatique,
Lille, JDE 2015
« la France n'était pas au
rendez-vous ». Puis elle a
demandé que notre pays
soit exemplaire : « La
France doit sortir des
énergies carbonées, des
énergies fossiles et l'État
doit participer à la cam-
pagne de désinvestisse-
ment dans l'ensemble des
énergies fossiles et pol-
luantes. » Faisant allu-
sion, au passage, au CICE
(1), elle a ajouté que « les fonds publics doivent cesser
d'arroser de manière aveugle les entreprises » et servir à la
transition énergétique. Elle a demandé aussi des compen-
sations pour les pays pauvres, sans lesquelles ils ne pour-
ront pas sortir des choix actuels : 10 milliards seulement
d'engagement à ce jour alors qu'il en faudrait 10 fois plus.
La parole authentique d'une jeune Tchadienne
Hindou Oumarou
Ibrahim est une jeune
femme de 31 ans, coor-
dinatrice de l'Associa-
tion des femmes peules
autochtomes du Tchad.
Elle a su trouver les
mots pour expliquer
simplement aux partici-
pants aux JDE les
drames qui se vivent
dans toute la région du
Sahel du fait du dérègle-
ment climatique. Autour
du lac Tchad, les populations nomades subissent de plein
fouet le réchauffement. Les changements de saison sont
plus marqués : à la saison des pluies, les précipitations sont
plus violentes mais moins fréquentes et les mares formées
– réserves d'eau pour le bétail - disparaissent beaucoup
plus vite ; à la saison sèche, les vagues de chaleur dépassent
les 50°C et rendent la vie insupportable.
Dans tout le Sahel, l'eau est très importante. Sa raré-
faction entraîne des conflits entre les éleveurs nomades, les
agriculteurs et les pêcheurs. Les sociétés sont fragilisées, y
compris dans les relations hommes-femmes. Ayant perdu
leurs moyens d'existence, les hommes partent à la ville
pour essayer, souvent en vain, de trouver du travail. Les
conséquences du réchauffement sont particulièrement
lourdes : les menaces pèsent sur l'autosuffisance alimen-
taire, sur l'eau, sur la paix et la sécurité, sur le droit à avoir
une vie digne. Dans une interview qu'elle a donnée par ail-
leurs à Madame Figaro (2), Hindou explique comment le
réchauffement climatique fait le lit du terrorisme :
« Partout au Sahel, des hommes très fâchés rejoignent
Boko Haram pour l'argent ou pour avoir le sentiment
d'exister, d'être un homme. »
Hindou insiste : « L'accord doit être juste, équitable,
durable et il faut penser à l'aspect humain au delà des as-
pects économiques. » Elle interpelle directement Laurent
Fabius sur le financement de la nécessaire adaptation des
pays pauvres. Elle est parfaitement consciente du rôle et
de l'influence que peut jouer le président de la COP 21
dans la négociation. Mieux que quiconque, elle a pu nous
faire toucher du doigt cette injustice qui est au cœur de la
question du réchauffement climatique : ce sont essentiel-
lement les pays riches qui sont responsables des émissions
de gaz à effet de serre et ce sont les pays pauvres qui en
subissent en premier les graves conséquences, tout en
n'ayant pas les moyens de s'adapter.
Avec son sourire et son propos simple et authen-
tique, Hindou a été convaincante et lumineuse. Si on juge
aux applaudissements, c'est sa parole de vérité qui a été
finalement la vraie vedette de ce débat…
Gérard Mamet
(1) CICE : Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et
l'Emploi, dispositif d'aides aux entreprises annoncé par
François Hollande lors de ses vœux pour l'année 2014 et
mis en œuvre depuis... sans beaucoup de résultats.
(2) Madame Figaro des 21 et 22 août 2015, « Un
climat de solidarité », pages 46-49. Je ne suis ni un fan, ni
un lecteur habituel de ce journal, mais je trouve cet article,
où Hindou est interviewée en même temps que Nicolas
Hulot, très intéressant et très instructif pour comprendre
les conséquences du réchauffement climatique dans les
pays du sud.
3
De Rugy et Placé s'en vont. Et alors ?
Ils assument un choix pro-socialiste et surtout pro-
Hollande dont ils espèrent sans doute tirer bénéfice un jour
ou l'autre. C'est leur droit.
Mais il reste des aspects profondément insuppor-
tables dans leur attitude, dans cette manière de se draper
dans la toge d'une écologie authentique, contre la dérive
prétendument gauchiste du mouvement, alors que na-
guère, d'autres qui sont également partis (Mamère entre
autres) en dénonçaient la dérive droitière.
Le premier de ces insupportables aspects est de
relayer médiatiquement une image détestable des mili-
tants, caricaturés en crétins attardés, sectaires, dépas-
sés :« On assiste à un très fort délitement avec un mélange
de pulsion sectaire et de pulsion suicidaire », déclare
De Rugy doctement au chevet des malades que nous
sommes (1). On n’arrive plus à avoir les débats », affirme-t-
il (2). Et à Lille, il s'est passé quoi ? Seulement ce qu'en ont
rapporté les médias avides des petites phrases assassines ?
«C’est un astre mort, une structure morte, qui donne au-
jourd’hui une vision caricaturale et politicienne de l’écolo-
gie», assène Placé en parlant d'EÉLV (3). Parce que, bien
évidement, jamais Placé n'a eu quoi que ce soit à voir avec
une gestion politicienne du débat, jamais il n'a cherché à
calculer son orbite en fonction de la force d'attraction mi-
nistérielle ! « On est arrivé au summum de l'irresponsabilité
et de l'irrationnel », affirme-t-il encore (4). Il ne manque
plus que l'accusation d'hystérie pour se rapprocher de cette
vieille tradition des régimes totalitaires : psychiatriser le
discours de l'autre pour mieux le déconsidérer.
Le deuxième insupportable aspect de l'attitude pla-
cé-derugyenne est de s’exonérer à bon compte de toute
responsabilité face à une forme de décrédibilisation de
l'écologie politique, dans ces façons de finalement la ré-
duire en partie à un supplément d'âme offert au Parti socia-
liste et à Hollande en pleine déconfiture idéologique,
dans ces manières de guetter l'opportunité d'une car-
rière.
Et le troisième est de singulièrement oublier ce
qu'ils doivent aux militants pour avoir pu poser leurs
fesses dans les fauteuils confortables de la République et
des médias.
Il ne s'agit pas tant ici d'un désaccord politique, qui
anime la vie d'un parti et parfois effectivement le con-
damne à l’illisibilité, que d'une lutte de pouvoir qui mine
EÉLV, qui mine les Verts, lesquels affirmaient faire de la
politique autrement. La démission des deux élus est au
fond un aveu d'échec sur cette question.
On ne peut toutefois la réduire à cela. Lorsque Pla-
cé affirme qu'il entend « animer l’écologie réformatrice
qui assume la mondialisation, qui est pour l’Europe fédé-
rale, qui aime la République, qui aime la laïcité, qui bien
sûr s’inscrit dans l’économie de marché et veut bien sûr
faire changer les choses» (5), il rompt radicalement avec
toute une conception politique de l'écologie. Une con-
ception où la radicalité n'est pas celle d'une extrême
gauche qui vénère et rejette tout aussitôt des symboles
qu'elle croit pouvoir s'approprier (voir le discours tenu
aujourd'hui sur Alexis Tsipras), mais s'exprime dans une
volonté réelle de transformation et non de simples chan-
gements plus ou moins cosmétiques. Ce qui n'exclut
nullement le passage par des compromis.
De Rugy et Placé ont renoncé à cette ambition
pour n'en rester qu'à un compromis vide de contenu.
Michel Boutanquoi
(1) Canard enchaîné, 26 août.
(2) Dépêche AFP.
(3) Dépêche AFP.
(4) Canard enchaîné, 26 août.
(5) Dépêche AFP.
4
Démissions
INSUPPORTABLES !
5
Marronnier estival national
Le 5 août, le maire de Thise, opposé à l'installa-
tion de gens du voyage sur un terrain de sa commune et
bousculé alors qu'il cherchait à bloquer l'entrée des cara-
vanes, a organisé dans le village une marche de protesta-
tion contre ces itinérants indésirables, agrémentée d'une
banderole étalant ce slogan : « Invasion des gens du
voyage : ça suffit ! » Banderole derrière laquelle ont défi-
lé, entre autres, l'adjointe au maire de Besançon chargée
des Solidarités, de la coordination des élus, de la lutte
contre les discriminations, et celui chargé de la Culture.
Ils avaient été mandatés par le maire de Besançon en
soutien à celui de Thise, chargé (jusqu'ici, puisqu'il vient
de démissionner en
signe de protestation)
de l'accueil des « gens
du voyage » au Grand
Besançon, organisa-
tion territoriale com-
pétente depuis 2002
en matière de créa-
tion, d’aménagement
et de gestion des aires
d'accueil et de grands
passages (2) pour ceux
qu'on ferait mieux
d'appeler désormais
les Français Itinérants.
Le syndrome Virenque
Dans son appel de soutien, le Président de la CAGB
(Communauté d'Agglomération du Grand Besançon) et
maire de Besançon, annonçant la participation de deux
de ses élus, conclut : « Force doit rester à la loi et à son
respect ». Forts de ce message, lesdits élus ont participé
à la marche sans avoir éprouvé le besoin de lire la bande-
role qu'ils tenaient ! L'explication officielle voudrait qu'ils
aient été « piégés » par FR3, qui leur aurait demandé
d'être sur la photo : ils auraient ainsi participé à cette
mise en scène, en quelque sorte, « à l'insu de leur plein
gré ». En fait, ils n'ont visiblement rien lu de répréhen-
sible sur ce calicot, à moins que leur allégeance ne les ait
aveuglés ; mais les voilà maintenant gênés par les com-
mentaires réprobateurs. Ils devraient cependant savoir
que l’interdiction de séjour n’est pas du ressort des
maires. Pourquoi n'ont ils pas refusé de participer à
cette marche de dupes ?
L'actuel ministre de l'Intérieur avait pourtant
affirmé en 2013, lors de « dérapages » du maire de
Nice :
« Nous ne pouvons tolérer des occupations illicites
de terrains publics ou privés, mais il faut que les col-
lectivités appliquent la loi en réalisant des aires d’ac-
cueil et des terrains de passage pour les groupes. »
Relire la loi Besson - pas Éric, mais Louis - du 5 juillet
2000.
« Force est de
respecter la loi »
Or la communau-
té du Grand Be-
sançon se trouve
dans la situation
évoquée par le
Ministre. En effet,
alors que la presse
a fait essentielle-
ment ses titres
autour d'un maire
agressé, il reste sur
le fond un sujet
problématique
que la Cagb recon-
naît elle-même, mais que l'on oublie d'aborder. Si on
reprend le Schéma départemental pour l’accueil et
l’habitat des gens du voyage du Doubs, qui repré-
sente la feuille de route de la loi Besson au niveau
local—le dernier ayant été approuvé en mars 2013
par le Préfet et le Président du Conseil Général pour
la période 2013-2018—, on peut lire :
« La CAGB a répondu à ses obligations en aména-
geant une aire de grands passages sur la commune
de Thise. Toutefois, celle-ci, d’une taille inférieure à 2
hectares, ne permet pas l’accueil de groupes de plus
de 100 caravanes. Or, le secteur de Besançon con-
naît fréquemment des stationnements hors aires de
groupes de cette taille.
LES « ÉTERNELS ÉTRANGERS DE L'INTÉRIEUR » (1), LE GRAND BESANÇON
ET LA LOI
6
L’aire de grands passages de Thise ne permet pas de cou-
vrir l’ensemble des besoins, principalement pour les
groupes de taille supérieure à 100 caravanes qui circulent
sur ou le long de l’A36. »
Or ces aires doivent être conçues pour accueillir de
150 à 200 caravanes, sur une surface d'au moins 4 hec-
tares (circulaire d'application de la loi). Des recommanda-
tions précisent en conséquence, sur ce document : « Mise
à disposition d’un terrain ponctuel pour le passage de
groupes de plus de 100 caravanes sur la CAGB (entre 3 et
4 hectares). »
Des obligations sont identifiées concernant les aires
d'accueil : « Mettre à disposition 60 places d’aires d’ac-
cueil (aires de Pirey, Saône et Besançon). Mettre à disposi-
tion un terrain de délestage pour les ménages itinérants
(pouvant accueillir 30 à 40 caravanes). »
D'autres obligations sont mentionnées concernant
les terrains familiaux, en relation avec la sédentarisation
de certaines familles vivant en permanence sur des aires
d'accueil : « Réalisation de terrains familiaux pour libérer
l’aire de Besançon : au minimum 12 terrains sur la CAGB
(dont au moins deux sur Besançon). »
Force est de constater que ces obligations ou recom-
mandations n'ont pas été suivies de réalisations adaptées
en conformité avec la loi.
En stigmatisant une population qui n'est pas seule
responsable de la situation, cette libération de la parole
officielle en direction d' « agresseurs » discriminés d'après
leur mode de vie risque de renforcer certains préjugés,
autorisant tout un chacun à se lâcher dans un climat
d'intolérance aggravée en temps de crise. Quel signe poli-
tique une telle bévue envoie-t-elle avec un rejet aussi
violent alors que le non-respect de la loi de la part de la
CAGB, du Département et de la Préfecture sera toujours
automatiquement générateur d'installations illicites ?
Combien de temps durera ce marronnier estival national
qui alimente nos journaux tous les ans, avec des relents
nauséabonds sur fond de laxisme d’État ?
Français Itinérants
Depuis 2010, le Conseil de l’Europe a opté pour
l’emploi du terme « Rom » comme terme générique pour
désigner tous les groupes tsiganes et voyageurs. Le
terme «Tsigane», employé antérieurement à 2010
par le Conseil de l’Europe, a été éliminé à la demande
d’intellectuels Roms des pays de l’Est en raison d’une
connotation raciste et haineuse de ce terme dans le
langage courant de ces pays. Les autres termes em-
ployés par le Conseil de l’Europe, qui faisaient réfé-
rence au mode de vie mobile (Nomades, Voyageurs,
Gens du Voyage), ont également été écartés des
textes officiels de l’Union européenne au profit du
terme « Rom ».
Ce choix de l’institution européenne est peut-être à
l’origine d’une certaine confusion pour les décideurs
politiques, mais aussi pour le public des pays
d’Europe de l’Ouest. «Rom» est le nom que se donne
un groupe culturel spécifique, majoritairement sé-
dentaire ou sédentarisé, et majoritairement ressortis-
sant des pays nouvellement entrés dans l’Union euro-
péenne. La majorité des Tsiganes et Voyageurs (Gens
du Voyage) dans les pays d’Europe de l’Ouest ne sont
pas Roms et ne se retrouvent pas dans cette appella-
tion. Beaucoup ont le sentiment que leur identité et
une part importante de leur culture, le mode de vie
mobile, sont ainsi confisquées et niées.
L’association France Liberté Voyage (FLV) mi-
lite pour que l’expression « Français itinérants » rem-
place « Gens du voyage » et son cortège d’amalgames
et de confusions. « Avec la formule “Français itiné-
rants“, nous revendiquons à la fois la pleine citoyen-
neté française, qui nous a été retirée voici un siècle, et
la reconnaissance de notre mode de vie », explique
Milo Delage, président de FLV et vice-président de
l’UFAT (Union française des Associations tsiganes)
qui, le 27 juin dernier, a présenté la situation des
voyageurs français aux instances européennes à
Strasbourg, et est parfaitement au courant de ce qui
s'est passé à Thise.
7
« L’expression “Français itinérants“ affirme notre
pleine citoyenneté. Depuis un siècle, nous avons plus de
devoirs et moins de droits que les autres Français ; nous
voulons la suppression du statut spécial »(3), explique
encore Milo Delage. « Nous voulons être considérés au
même titre que les Français de l’étranger, c’est-à-dire
comme des citoyens à part entière mais ayant pour des
raisons matérielles un mode de vie particulier. Cette for-
mule évite aussi les considérations ethniques qui servent
de prétextes pour nous exclure. Les questions d’origine de
la famille et d’identité culturelle n’ont pas à être mélan-
gées avec le mode de vie itinérant ou non. De plus en plus
de gens qui ne sont pas tsiganes vivent comme nous. Il ne
faut surtout pas maintenir des ségrégations et imposer
des ghettos selon les origines. »
Un point sémantique également important : si la
notion de «gens du voyage» remplace celle de
«nomades» depuis la loi du 5 juillet 2000 relative à l'ac-
cueil et à l'habitat des gens du voyage, l'expression « les
gens du voyage » ne peut pas se mettre au singulier, ce
qui est lourd de signification et de conséquences cultu-
relles implicites. Par exemple, quand une famille pose un
problème, c'est la totalité des gens du voyage qui paient.
C'est ainsi que, sur le Grand Besançon, deux aires restent
fermées depuis 2010 et 2011, ce que reconnaît parfaite-
ment l'Agglo : « Un groupe familial présentant des
troubles de comportements a fortement dégradé les aires
de Saône et de Mamirolle. Cette famille est « originaire »
du secteur et y demeure en stationnement illicite. » Or ces
aires sont fermées et vides. Si la loi vaut pour tout le
monde, cela veut dire qu'elle doit valoir pour les per-
sonnes incriminées, qui sont visiblement connues, et non
pour la collectivité globale à laquelle elles appartiennent.
La loi et les solutions durables
L’insuffisance du nombre de places légales pour
les caravanes force ces Français itinérants à l’errance et à
l’illégalité en les poussant de territoires interdits en terri-
toires interdits. Or, le corollaire du voyage, c’est la possibi-
lité de stationner. Le fait que la carte de circulation
ait enfin été supprimée et que ces Français rentrent
peu à peu dans le droit commun ne veut pas dire
que la sédentarisation doit être leur lot ; leur mode
de vie mobile doit être respecté, même à l'occasion
d'une sédentarisation. Toute une série de discrimi-
nations doit par ailleurs prendre fin, comme le fait
que ces Français se voient refuser ou majorer tout
contrat d'assurance pour leurs véhicules et cara-
vanes, les difficultés pour obtenir une carte de vote
ou scolariser des enfants ou pour obtenir les terrains
familiaux promis. Le respect de la loi doit concerner
toutes les parties si l'on tient à mettre en place des
solutions durables.
Si l'Assemblée nationale a par ailleurs voté en
juin la suppression du livret de circulation imposé
aux gens du voyage, elle a aussi adopté le renforce-
ment des pouvoirs de contrainte des préfets consta-
tant l'irrégularité de certaines communautés de
communes quant à la loi Besson. La Préfecture pour-
ra bloquer, directement sur les budgets des collecti-
vités, les sommes nécessaires à la réalisation des
aires d’accueil. Pour ce qui est de l'application de la
loi... rendez-vous l'année prochaine...En attendant,
nous nous devons de participer à la construction
d'un dialogue authentique, veillant à faire évoluer
les mentalités, et d'une participation des Français
itinérants à la mise en place de politiques les con-
cernant.
Thierry Lebeaupin
1) Expression empruntée à Fernand Milo Delage,
Président de France, Liberté, Voyage et porte parole
des Gens du voyage en France.
2) Aire d'accueil : Équipement de service public spé-
cialement aménagé pour le stationnement des fa-
milles pratiquant l’itinérance.
Aire de grands passages : Équipement réservé à
l’accueil des grands groupes de voyageurs qui con-
vergent vers les lieux de grands rassemblements lors
de la période estivale.
Terrain familial : Terrain prévu pour la sédentarisa-
tion des gens du voyage.
3) In Dépêches tziganes, Français itinérants à la
place de gens du voyage ?
8
La crise laitière s'explique d'abord par une con-
joncture défavorable : une demande asiatique moins im-
portante que prévu à cause du ralentissement écono-
mique, l'embargo russe qui bloque les exportations vers
la Russie et le pic saisonnier de production de lait qui va,
chaque année, d'avril à septembre. Mais elle a aussi des
raisons plus générales : une agriculture intensive orientée
vers l'exportation, la dérèglementation des marchés avec
la fin des quotas laitiers et la course à l'industrialisation.
Les raisons structurelles
Avant
cette crise, la
production euro-
péenne était déjà
excédentaire :
107 % par rap-
port à la de-
mande intérieure.
La fin des quotas
laitiers a permis
l'augmentation
de la production européenne - qui dépasse largement la
demande intérieure -, principalement en Allemagne, en
Irlande et aux Pays-Bas, mais aussi … en Bretagne et en
Pays-de-Loire.
Les excédents se retrouvent livrés au marché
mondial avec la volatilité des prix qui découle de la déré-
gulation : après des périodes relativement favorables en
2013 et 2014, on entre dans une période difficile ; dans
ce secteur la dérégulation profite plutôt à l'Europe du
nord et à la Nouvelle-Zélande, qui sont plus avancées
dans l'industrialisation de l'agriculture (gros élevages,
robots de traite…). La volatilité des prix se transmet alors
au marché intérieur, avec un effondrement vers 300 € la
tonne de lait.
Avec la dérégulation, on ne va pas forcément
vers une crise permanente, mais vers des crises à répéti-
tion, avec un mouvement de yoyo des prix. Mais surtout
la dérégulation, dont la fin des quotas laitiers n'est qu'un
des aspects, va entraîner, outre la volatilité croissante des
prix, une pression sur les coûts de production et la ten-
dance renforcée à l'industrialisation de l'agriculture et de
nouvelles disparitions des exploitations orientées vers
l'élevage.
Les propositions d'un agrobusinessman
Pour les écologistes, c'est précisément ce mo-
dèle d'une agriculture toujours plus industrielle qui est à
bout de souffle. La course à la productivité se fait au dé-
triment de la qualité des produits. Mais elle a aussi de
graves conséquences sociales - la disparition d'un
nombre toujours croissant d'agriculteurs - et des consé-
quences dramatiques pour l'environnement. Elle a enfin
une autre conséquence moins souvent mentionnée : ce
type d'élevage mobilise des terres des pays pauvres pour
produire des aliments (comme le soja) destinés à la
nourriture des animaux des pays riches, et développe
une politique exportatrice agressive, qui accentue un peu
plus le déséquilibre Nord-Sud et compromet l'autosuffi-
sance alimentaire des pays pauvres.
Or, les propositions que vient de faire le prési-
dent de la FNSEA Xavier Beulin vont dans le sens d'une
industrialisation encore accrue de l'agriculture. Dans le
JDD du 23 août, en effet, il propose un investissement de
3 milliards d'euros pour « moderniser les bâtiments d'éle-
vage » et « organiser le regroupement des exploitations
afin qu'elles soient plus productives ». Autant de mesures
qui auraient pour conséquence la disparition accélérée
d'un grand nombre d'exploitations familiales. Il faut dire
que Xavier Beulin n'est pas vraiment un agriculteur. C'est
surtout le PDG de la société Sofiprotéol, groupe agro-
industriel au chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros, spé-
cialisé dans les oléagineux et les protéagineux, qui pro-
duit par exemple des agrocarburants.
Plus grave encore, au moment où la France va
accueillir la COP 21, Xavier Beulin propose aussi « un
moratoire d’un an sur les normes environnemen-
tales » (1), ce qui aurait pour conséquences de nouvelles
dégradations de l'environnement. Au moment où il faut
prendre des mesures pour limiter le réchauffement cli-
matique, il serait plus judicieux, au contraire, de revenir à
Agriculture
LES RAISONS DE LA CRISE LAITIÈRE
9
une agriculture de proximité, respectueuse de l'environ-
nement, d'abord destinée à nourrir les habitants de ce
pays avec des produits de qualité.
Le modèle de l'AOP comté résiste
Dans cette crise du lait, les zones à AOP s'en tirent
bien grâce à une maîtrise de la production. C'est le cas de
la zone à AOP comté qui maintient ses prix autour de 450
€ la tonne (550 € pour le comté bio). Mais il faudra aussi
être très attentif au maintien d'un cahier des charges exi-
geant et ne pas aller vers une augmentation de la produc-
tion du comté que préconisent certaines organisations
agricoles.
Globalement, on ne peut que déplorer la fin des
quotas laitiers, qui ont d'ailleurs été maintenus au Canada
et rétablis aux États-Unis, mais délibérément abandonnés
en Europe, dans le cadre d'une dérégulation plus générale
selon le mythe de la « concurrence libre et non faussée ».
C'est ce modèle exportateur d'inspiration libérale que
soutiennent le gouvernement et la FNSEA et qui porte en
lui aussi bien la volatilité des prix que la course à l'indus-
trialisation et la disparition de l'agriculture paysanne. Et
malheureusement, il a aussi pour conséquences de nou-
veaux dégâts sur l'environnement : entre autres, diminu-
tion de la biodiversité des prairies et pollution des rivières
par l'excès d'effluents d'élevage.
Pour sortir de la crise laitière
Il y a dans le modèle de l'AOP comté des éléments
qui pourraient être généralisés : la maîtrise des quantités
produites, un cahier des charges qui permette de dé-
fendre la qualité des produits et le respect des milieux
naturels, les circuits courts quand c'est possible ; beau-
coup de fruitières à comté commercialisent directement
autour d'un tiers de leur production.
L'industrialisation de l'élevage se fait essentielle-
ment par une augmentation de la part de céréales, de
maïs et de soja dans l'alimentation des vaches, et donc au
détriment de l'herbe. En la matière, la « Ferme des mille
vaches » est un exemple caricatural. Or les systèmes her-
bagés ont l'avantage de ne pas entrer en concurrence
avec l'alimentation humaine : on cite souvent le
contre-exemple classique de la production de soja
par le Brésil pour nourrir les vaches européennes.
Contrairement au maïs et au soja, les systèmes
herbagés fragmentés par les haies contribuent à la
biodiversité et participent au stockage du carbone
des sols : remarque pas inutile à quelques mois de
la COP 21 sur le climat…
Enfin, il faut donner la priorité à une alimen-
tation de qualité pour tous, produite localement.
La Confédération paysanne propose de limiter les
exportations aux « denrées qui ne peuvent pas
être produites dans les pays importateurs » (2), ce
qui éviterait de surcroît, comme on l'a déjà dit, la
destruction de l'agriculture des pays pauvres par
des exportations « agressives ». Pour privilégier
l'agriculture locale, différentes possibilités peuvent
être mises en œuvre : AMAP (3), vente directe,
contractualisation de l'approvisionnement local
des cantines scolaires, si possible en bio, etc. Les
aides de l'Europe devraient être totalement réo-
rientées vers une conversion écologique de l'agri-
culture dans cette direction. Seul ce type d'agricul-
ture et d'élevage peut s'opposer aux intérêts de
l'agrobusiness, dont la grande distribution fait par-
tie, et est susceptible de maintenir un bon niveau
d'emplois dans les campagnes. C'est un des enjeux
des prochaines élections régionales, en particulier
en Bourgogne-Franche-Comté, puisqu'on peut, à
ce niveau, contribuer à la réorientation des poli-
tiques agricoles.
Gérard Mamet
(1) JDD du 23 août 2015.
(2) Scénario Conf’ : Prospective Lait de vache.
L’avenir au service de l’emploi et de la vitalité des
territoires ruraux. Document récent mais non daté.
(3) AMAP : Association pour le Maintien d'une Agri-
culture Paysanne. C'est un peu un système d'abon-
nement entre consommateurs et producteurs lo-
caux. Il prend souvent la forme d'un « panier » heb-
domadaire comportant des fruits et légumes, par-
fois des produits laitiers et de la viande. Ce système
sécurise le revenu des agriculteurs.
10
Dernièrement, j’ai encore entendu dans mon en-
tourage que « le nucléaire, ça ne pollue pas » et que « c’est
encore la meilleure solution face à toutes ces éoliennes
gigantesques qui détruisent le paysage ». Le réseau Sortir
du nucléaire vient de publier dans sa lettre mensuelle de
juillet un article qui rappelle le grave impact des centrales
nucléaires sur les cours d’eau, notamment en période de
sécheresse et de canicule. Il n’est donc pas vain de propo-
ser une petite révision à nos lecteurs.
Des centrales nucléaires gourmandes en eau
Une centrale nucléaire a besoin d’eau en perma-
nence pour évacuer la chaleur produite par la réaction nu-
cléaire, et cela même à l’arrêt.
En bord de mer ou sur les cours d’eau à fort débit,
les centrales fonctionnent en circuit « ouvert » : chaque
réacteur prélève près de 50 m3/seconde pour ses besoins
en refroidissement. L’eau est ensuite rejetée à une tempé-
rature plus élevée.
Sur les cours d’eau où le débit est plus faible, elles
fonctionnent en circuit dit « fermé » : chaque réacteur
pompe près de 2 à 3 m3/seconde dont une partie est en-
suite évaporée dans les tours de refroidissement, formant
un panache blanc caractéristique ; le reste est ensuite reje-
té. Les deux tiers de l’énergie produite par une centrale
sont perdus sous forme de chaleur. Celle-ci sera elle-même
évacuée sous forme de vapeur d’eau (qui constitue elle-
même un gaz à effet de serre) et/ou viendra réchauffer les
cours d’eau.
Surtout, ces rejets d’eau chaude ne font pas le
bonheur des milieux aquatiques. En 100 ans, la tempéra-
ture du Rhin a augmenté de 3°, notamment à cause de la
centrale de Fessenheim. Ces rejets thermiques agissent
comme une barrière qui réduit considérablement les
chances de survie des poissons grands migrateurs,
comme les saumons et truites des mers. Leur impact est
d’autant plus important en période de fortes chaleurs,
avec des fleuves au débit réduit et à la température en
hausse.
Une pollution chimique et radioactive ac-
crue en cas de sécheresse
En temps normal, les sites nucléaires sont auto-
risés à rejeter dans l’eau d’importantes quantités de
substances radioactives (tritium, carbone 14, etc., qui
s’accumulent dans la végétation aquatique) et surtout
chimiques : bore, hydrazine, phosphate, détergents,
chlore, ammonium, nitrates, sulfates, sodium, métaux
(zinc, cuivre, etc.). La chaleur favorisant la prolifération
des amibes, EDF a tendance à utiliser encore plus de
produits chimiques en été, notamment pour éviter que
les tours de refroidissement se transforment en foyers
de légionellose.
Or lorsque le débit des cours d’eau se réduit, la
concentration des substances polluantes augmente. Un
grand nombre de communes prélèvent leur eau potable
dans les cours d’eau, comme Agen (Lot-et-Garonne), à
seulement 20 km en aval de la centrale nucléaire de
Golfech. Et bien des agriculteurs utilisent cette eau pol-
luée pour arroser leurs cultures.
Des nuisances croissantes avec le réchauf-
fement du climat
Le changement climatique promet la multiplica-
tion des épisodes extrêmes (notamment sécheresses et
canicules) et risque d’aggraver la pression sur les cours
d’eau. EDF ferait mieux de se rendre à l’évidence : à
terme, bon nombre de centrales ne pourront plus pro-
Sortir du nucléaire
CENTRALES : ÇA BOUT, LÀ-DEDANS !
11
débit d’étiage des fleuves de 20 à 40 % d’ici à 2050, mais il
ne sera sans doute pas nécessaire d’attendre cette date.
Les centrales côtières, quant à elles, seront con-
frontées à un autre problème : certaines risquent d’être
menacées par la montée des eaux, comme Gravelines
(construite sur un polder) ou le Blayais (déjà inondée lors
de la tempête de 1999).
Loin de constituer un atout dans la lutte contre le
changement climatique dans un monde qui se réchauffe, le
nucléaire constitue un risque supplémentaire dont il est
urgent de se débarrasser !
Suzy Antoine
12
1. Renseignement : le traitement massif de
données est aussi dangereux qu'inefficace
La loi sur le renseignement, récemment adoptée
par la France, a pour objectif de détecter des « signaux
faibles », c'est-à-dire des profils de comportements
suspects. Pour rassurer la population, les promoteurs
de la loi disent que ne seraient collectées que des
« données de connexion » et pas leurs contenus. Or les
données de connexion sont parfois plus intrusives que
les contenus. Par exemple, le fait de savoir que quel-
qu'un a téléphoné à un cardiologue ou au bureau des
Alcooliques anonymes en dit plus long que le contenu
de la conversation elle-même (utilisation par les assu-
reurs, par exemple). De plus, on parle de données
« anonymisées », ce qui est un contresens puisque l'ob-
jectif est de collecter des informations liées à des per-
sonnes. (Pour la Science n° 453, juillet 2015, pp. 16-17)
Commentaire : Il y a dans cette loi sur le rensei-
gnement des dispositions dangereuses pour les libertés
individuelles et le respect de la vie privée, qui ont été
soulignées par pratiquement tous les juristes des ONG
de défense des droits humains. On frémit à l'idée que
l'extrême droite au pouvoir s'empare un jour de ces
moyens. Mais ce traitement massif de données pour-
rait se révéler par ailleurs inefficace quant à ses objec-
tifs affichés. La probabilité qu'une personne identifiée
par le système soit un terroriste n'est que de 0,5 %. Il y
aurait donc énormément de « faux-positifs ». Il serait
plus judicieux de se concentrer sur des données ciblées,
avec des moyens techniques et humains appropriés. Ce
n'est pas un hasard si les Américains ont fini par abroger
le « Patriot Act » mis en place après le 11 septembre et
que le gouvernement français a voulu copier.
2. Le problème du gluten est un symptôme
de nos mauvaises pratiques alimentaires
Le gluten est un mélange de protéines contenues
dans les céréales et combiné avec l'amidon. C'est le glu-
ten qui donne de l'élasticité à la pâte et qui lui permet de
lever. On voit se multiplier dans les magasins les aliments
estampillés « sans gluten ». L'intolérance au gluten pour-
rait être liée à une perméabilité trop grande de la paroi
intestinale. Dans ces conditions, des molécules étran-
gères traverseraient la paroi intestinale et provoque-
raient une réaction inflammatoire. Une nourriture trop
raffinée, trop riche en graisses et trop pauvre en fibres
fragiliserait la paroi intestinale et la rendrait plus per-
méable. (Pour la Science n° 453, juillet 2015, pp. 18-19)
Commentaire : Les pratiques boulangères ont
changé au cours de ces dernières décennies. Les nou-
velles variétés de blé contiennent du gluten plus difficile
à digérer et la moins bonne fermentation de la pâte ne
permet plus la prédigestion du gluten, comme c'était le
cas avec le levain traditionnel. Il y a bien sûr des cas d'hy-
persensibilité au gluten et des personnes qui déclenchent
une réaction immunitaire à certaines protéines du
Science et écologie
LOI RENSEIGNEMENT, INTOLÉRANCE AU GLUTEN,
ET MENACES SUR L'ÉLEVAGE
La science pour éclairer les choix de l'écologie politique.
La réflexion politique pour développer la critique de la science
13
gluten (1). Mais l'essentiel du problème est ailleurs, dans
la « malbouffe » liée à la nourriture industrielle. Il est
urgent d'effectuer une transition vers une alimentation
durable : davantage de produits végétaux naturels, moins
de sucres, de graisses et de produits d'origine animale. Ce
qui, de surcroît, aurait des effets positifs sur le climat et
l'environnement…
3. Le réchauffement fait de l'ombre à l'éle-
vage
Les climatologues prévoient, selon les scénarios,
une hausse de température de 2 à 4°C d'ici à 2050 avec
une augmentation des phénomènes climatiques ex-
trêmes. Ces changements dégraderont le bien-être des
animaux d'élevage et leur productivité. Le stress ther-
mique augmente de 7 à 25 % la dépense d'énergie pour
lutter contre l'excès de chaleur. Cela diminue donc l'éner-
gie disponible pour produire du lait ou du muscle. Les
vaches laitières à haute performance, celles qui produi-
sent plus de 30 litres de lait par jour, sont, par ailleurs,
très fragiles et des organes comme le foie sont très sen-
sibles à une exposition à la chaleur. D'autres animaux
comme les porcs et les poulets ont aussi des problèmes
de tolérance à la chaleur. (La Recherche n° 501-502, juil-
let 2015, pp. 86-89)
Commentaire : Deux pistes principales sont à
l'étude : la modification des infrastructures et une réo-
rientation de la sélection. D'un côté, on peut réduire le
stress thermique de différentes manières : plantations
d'arbres pour faire de l'ombre aux bêtes, utilisation de
ventilateurs et brumisateurs dans les bâtiments, etc.
Certaines expériences de réorientation de la sélection
sont déjà en cours pour obtenir des animaux plus rus-
tiques, mieux adaptés à la ressource en herbe (1). Des
croisements entre différentes races sont tentés pour
réunir sur les mêmes animaux les qualités de rusticité,
de résistance au stress thermique et d'adaptation à des
ressources fourragères différentes.
Gérard Mamet
(1) C'est le cas des gens atteints de la maladie cœliaque.
(2) À partir des années 80-90, la sélection de la race
montbéliarde, orientée uniquement en direction de l'aug-
mentation de la production laitière, s'est faite au détri-
ment de la rusticité et de la capacité d'utiliser l'aliment
« herbe ».
Conférences
Il y a quelque temps, j’ai profité d’un petit séjour
touristique à Strasbourg pour assister, à la librairie
Kléber, à une conférence d’Alexandre Jardin, au sujet de
son livre Laissez-nous faire ! On a déjà commencé (1).
BBZ
A l e x a n d r e
Jardin est le fondateur
du mouvement Bleu
Blanc Zèbre (BBZ), as-
sociation citoyenne
regroupant une cen-
taine d’opérateurs de
la société
civile, tels que des associations, fondations, acteurs des
services publics, mairies, mutuelles ou entreprises, réali-
sant une action efficiente permettant de résoudre un
problème de la société en impliquant les citoyens dans
sa résolution. Ces opérateurs sont intégrés à BBZ après
un examen de leur candidature via un comité de sélec-
tion, puis labellisés comme « Zèbres » ou « Zébrillons ».
Les Zèbres sont des « Faizeux », en opposition
aux « Dizeux ». Chaque Zèbre est donc porteur d’une ou
plusieurs actions qui sont autant de solutions aux maux
de la société française.
Ces Zèbres sont regroupés par BBZ dans des Bou-
quets de solutions thématiques (éducation, accès à l’em-
ploi, entrepreneuriat, etc.), en vue de les implanter dans
les territoires avec les maires signataires de la charte
d’engagement de BBZ. (Les Zèbres peuvent bien sûr s’im-
planter en dehors de Bouquets).
Faire face au FN
Après les élections européennes, lorsque le FN
est passé devant tous les autres partis, il ne s’est rien
passé en politique. Quelle remise en question fondamen-
tale la droite et la gauche ont-elles opérée ? Aucune.
Quand on nie la souffrance et que l’on brouille les re-
pères, on rend les gens fous et ils sont alors prêts à voter
pour n’importe quoi, sans même regarder de quoi il
s’agit. Marine Le Pen canalise toutes les révoltes dans un
seul tuyau, le sien. Il est urgent que des révoltes posi-
tives, solidaires, aient lieu autour des gens d’action.
Lutter contre les énarques ou les « mini
Colbert »
Ils seraient à l’origine du malaise français. Un
« mini-Colbert » est quelqu’un qui cherche à vivre la vie à
la place des autres, qui vient de la haute administration,
qui a une conception de la vie verticale, juridique et sans
risques, alors que tout le monde court des risques. Il se
donne l’illusion d’agir en interdisant à peu près tout.
Ces « mini Colbert » ont la passion de la norme,
ce qui est en train de mettre la France en révolte. « Les
élus locaux sont accablés de normes totalement folles.
Quand un maire ouvre un centre de pompiers, il doit
créer des douches et des toilettes pour handicapés,
comme si tous les pompiers de France étaient paraplé-
giques. Ce sont des surcoûts insupportables pour les pe-
14
Drôles de Zèbres
« DIZEUX » CONTRE « FAIZEUX »
AVANT-PROPOS DU COMITÉ DE LECTURE :
Les membres du Comité de lecture (CL) sont chargés de déterminer si, sur le fond et la forme, un texte est publiable dans
La Feuille Verte. Le plus souvent, après discussion, on arrive à un consensus. Ce ne fut pas le cas pour l'article qui suit. D'un
côté, son auteure, qui a assisté à une conférence d'Alexandre Jardin, a apprécié une forme de « parler-vrai » et y a vu des pro-
positions innovantes, proches de l'écologie. D'autres membres du CL, au contraire, tout en saluant l'hostilité de l'écrivain au
FN, voient dans ce type de discours des accents démagogiques (l'opposition entre les « dizeux » et les « faizeux »), des relents
ultralibéraux contre les normes et l'État et des risques de dérive populiste.
Comme pour les autres articles, ce texte n'engage pas Europe Écologie dans son ensemble, mais seulement son auteur. Et
chaque lecteur de La Feuille Verte pourra se faire son idée et réagir s'il le souhaite.
tites communes. Le monde associatif crève des normes
françaises. » L’étatisme de droite et celui de gauche sont
responsables d’avoir dissous le pacte républicain.
Plus personne ne fait confiance à la classe
politique
Le marché de la promesse est carbonisé. BBZ a
donc décidé de ne réunir que des « Faizeux », des gens
dont l’action est visible par la population et qui ont accu-
mulé ce que n’ont plus nos partis : du crédit moral. Les
grandes réformes de 1958 ont été possibles parce que
toute une génération de Français libres a emboîté le pas
à De Gaulle qui, lui-même, avait investi tout son crédit
moral gagné pendant la guerre.
Libérer la France par les « Faizeux » plutôt
que par les « Dizeux »
Parmi les hommes et les femmes d’action, voici ce
que l’on peut trouver :
- L’un d’entre eux donne à manger chaque jour à
150 000 personnes par le réseau de l’Andes, constituée
de 300 épiceries solidaires.
- Un autre distribue 2 millions de livres jeunesse à
80 centimes d’euro au fond des campagnes et dans
des cités, hors marché du livre. Il fait lui-même le
boulot du ministre de la Culture.
- Une autre crée des mutuelles de proximité dans
les villages où les gens n’ont plus les moyens de
payer le tarif normal, en faisant de la négociation
groupée.
- Un autre a commencé à “rebancariser” depuis un
an 100 000 personnes parmi les 2,5 millions de
Français exclus de leur banque et qui n’ont plus de
RIB. Ils ne peuvent donc ni s’inscrire dans les
agences d’intérim, ni même payer la cantine de
leurs enfants.
- Au sein de Pôle emploi, à la Sécurité sociale, dans
l’armée, dans l’Éducation nationale, un repérage
de fonctionnaires d’une créativité exceptionnelle a
été effectué. Ces fonctionnaires sont actuellement
étouffés par le système, qui ne sait pas tirer profit
du génie de ses « Faizeux ».
À travers cette économie sociale et solidaire fu-
rieusement dynamique, la France est en train d’inventer
localement toutes les solutions dont elle a besoin.
Comment les Zèbres peuvent-ils peser sur
les partis politiques ?
Les partis devront se transformer sous la con-
trainte. En 2017, le mouvement BBZ présentera aux par-
tis républicains une démarche inverse à celle de Nicolas
Hulot en 2007. Au lieu de leur demander de signer un
pacte en leur disant « Signez et faites-le ! », il leur sera
proposé une alliance avec la société civile agissante qui
dira ceci : « Signez et laissez-nous faire ! » Le génie vient
d’en bas.
BBZ est un mouvement politique qui ne veut pas
de postes ministériels mais qui sollicite des contrats de
mission.
La société civile a pris de vitesse les appa-
reils politiques.
Toute la société française est en train de basculer
en mode collaboratif, sauf le sommet de l’État. Une des
raisons de l’inertie de nos appareils est qu’ils sont peu-
plés de gens qui n’ont pas fait grand chose de leurs dix
doigts. Une question semble taboue dans les interviews
des hommes et des femmes politiques : « Qu’avez-vous
fait personnellement pour les autres ? Pas dans l’exercice
de vos fonctions. Avez-vous créé des emplois ? Distribué
des salaires ? Sorti de la précarité un chômeur, “tutoré“
un élève en difficulté ? » Cette question devrait revenir
au centre du débat public français.
Pour terminer, j’ai fait remarquer à Alexandre
Jardin que le programme de BBZ s’était bien inspiré de
celui des écologistes, Vivre mieux. Il m’a répondu qu’en
effet, les similitudes étaient importantes, mais que notre
problème était que nos dirigeants semblaient avoir per-
du de vue nos fondamentaux et la pratique de l’écologie
quotidienne.
Suzy Antoine
(1) Laissez-nous faire ! On a déjà commencé, par
Alexandre Jardin, éditions Robert Laffont.
15
16
Dans le Pays de Montbéliard, un collectif local,
« Les Incroyables Comestibles »,
a pris racine depuis deux ans à Valentigney et depuis, tel
un pied de potiron qui court, il s'est développé.
Et c'est ainsi, en partenariat avec maintenant 7 communes
de la Communauté d'agglomération, que surgissent çà et
là des petits carrés de jardins de toutes formes, où le pas-
sant, l'habitant du coin peut se servir, sans aucune contre-
partie, mais peut également planter, arroser, biner, etc.
La première graine a germé en 2008 à Todmorden,
petit village d'irréductibles, non pas gaulois, mais anglais,
où, à l'initiative de Pam Warhust (utopiste loufoque, di-
ront certains...), l'idée est venue d'utiliser les parterres
publics (commissariat, écoles, postes...) pour y faire pous-
ser de bons légumes afin que la population puisse se
nourrir à peu de frais , avec pour objectif - pourquoi pas ?
- de devenir autosuffisants.
Depuis, cette vision de partage, de solidarité s'est
propagée un peu partout dans le monde.
À Béthoncourt, nous avons demandé à la ville
d’occuper le domaine public ; l'équipe municipale est par-
tie prenante, et salades, ciboulette, courgettes, tomates
et même melons poussent maintenant devant la biblio-
thèque, deux écoles maternelles et le centre culturel.
Seul petit hic : les gens n'osent pas se servir ! Du
gratuit, sans rien en retour ?...
Qu'à cela ne tienne : à la rentrée, un petit tour
dans les écoles, de la sensibilisation à droite, à gauche,
et cela germera petit à petit.
Nos prochains projets :
- un grand jardin au milieu de la friche d'une pis-
cine démolie, en partenariat avec le Centre Social, les
écoles et les habitants ;
- un jardin au centre CFA avec les apprentis cuisi-
niers.
« Si chacun fait un geste, on change la ville, si on
s'y met tous, on change le monde. »
Faites passer... (1)
Odile Joannès
(1) Pour en savoir plus :
http://tinyurl.com/qgj2vkv
http://tinyurl.com/pmln688
ILS PRENNENT RACINE.
Incroyables comestibles
Europe Ecologie Les Verts de Franche-Comté
(33, Avenue Carnot 25000 Besançon)
Directeur de publication : Gérard Roy
Comité de lecture : Michel Boutanquoi, Gérard Mamet,
Gérard Roy, Suzy Antoine, Françoise Touzot
CPPAP: 0518 P 11003
Maquette : Corinne Salvi Mise en page : Suzy Antoine
De la Franche-Comté à Wallis et Futuna
Petite chronique wallisienne (2)
17
Les origines :
Les archéologues font remonter la 1ère vague de
migration à 1400 ans avant JC. Les Austronésiens, an-
cêtres des wallisiens du XXIeme siècle, vivaient d' agri-
culture extensive mais aussi de pêche, chasse et cueil-
lette. Ils élevaient des cochons -déjà!-, et des poules.
Les hommes de cette époque reculée habitaient déjà
dans des fale (prononcez falé), la maison traditionnelle
composée d'une seule pièce encadrée de poteaux sup-
portant une charpente recouverte de feuilles de panda-
nus. Ils fabriquaient des poteries de type lapita, que l'on
retrouve dans tout l'ouest océanien.
C'était une culture de tradition orale et soumise à
une autorité coutumière. Selon les archéologues, l'orga-
nisation sociale correspondait probablement à une jux-
taposition de petits villages où certaines familles accé-
daient au statut de 'Aliki (que l'on traduit par « noble »,
bien que ce statut n'ai pas grand-chose à voir avec celui
de la noblesse de l'Ancien Régime), grâce à la valeur
guerrière de ses membres. Cette reconnaissance était
obtenue par la confiance qu'accordaient les villages à
ses membres les plus courageux, meilleurs orateurs ou
diplomates,. La qualité d'Aliki pouvait d'ailleurs se
perdre par une mauvaise conduite.
Aujourd'hui encore ce sont parmi les familles
Aliki que sont désignés les rois, puisque, comme indiqué
dans ma 1ère chronique, Wallis et Futuna vivent sous la
double autorité de la coutume (rois, chefferie) et de
l’État français. Sans oublier l’Église Catholique, on en
parlera plus loin...
L'influence des voisins Tongiens :
Vers 1200 Après JC, des Tongiens, venu de l'Ar-
chipel de Tonga voisin, commencent à investir l'île et
installent peu à peu une domination qui durera plus de
200 ans. De cette période on retient notamment l'ins-
tauration d'un système royal fort et pyramidal, l'intro-
duction de la cérémonie du kava (2) et la mise en place
d'un travail d'intérêt communautaire au sein des vil-
lages ; toutes ces traditions restent encore très vivantes
aujourd'hui : pas de fête coutumière sans cérémonie du
kava, et pas de villages qui n'organisent de travail com-
mun, supervisé par la chefferie : entretien des chemins
et des routes, construction et réparation des églises,
fabrication de nattes ou cuisine pour les femmes etc...
Les Uvéens de cette époque croient en la puis-
sance des dieux fondateurs : dieu de l'océan, du monde
des morts, dieux des tremblements de terre, ancêtres
divinisés... Tout événement malheureux est interprété
comme un manque de respect dû aux dieux ou aux an-
cêtres. Des offrandes, y compris humaines -sacrifices et
anthropophagie ont cours, comme dans toute l'Océanie
à cette époque- permet de s'attirer la bienveillance des
Dans le dernier numéro de la Feuille Verte, je proposais aux lecteurs de partager avec eux quelques unes de mes décou-
vertes, interrogations, ma perplexité parfois, en faisant mes 1ers pas sur ce petit territoire français, inconnu de la plupart de
nos concitoyens et perdu dans l'immense Océan Pacifique, l'archipel de Wallis et Futuna.
Après quelques éléments de géographie, intéressons-nous à l'histoire, singulière, de ce territoire, une histoire vieille de
3500 ans et qui reste très présente aujourd'hui.(1)
Pour simplifier, je ne vous raconterai ici que l'histoire de l'île de 'Uvea, nommée Wallis après sa découverte par un navi-
gateur britannique, Samuel Wallis en 1767. En effet le passé des deux îles principales de l'archipel est assez différent, ainsi
que leur géographie .
divinités et des ancêtres.
Les Tongiens accordent l'indépendance à ’Uvea au
XVème siècle, suite à un acte d'allégeance des Wallisiens
au roi tongien de l'époque. Aujourd'hui encore, la culture
wallisienne reste profondément imprégnée des rituels et
du système social de cette époque.
L'installation des missionnaires :
Pour faire face à l’expansion de l’église anglicane
en Océanie, le pape Grégoire VII confie à la Société de
Marie la mission d’évangéliser la partie occidentale du
Pacifique au nom de l’Eglise Catholique. C'est ainsi que
débarquent à ‘Uvea, en 1837, deux prêtres maristes qui
seront suivis de nombreux autres. Ceux-ci étudient la
langue, rédigent dictionnaires et grammaires tout en prê-
chant.
Rapidement, les missionnaires obtiennent la con-
version de nombreux chefs de village, puis de la popula-
tion, un succès qui s’explique en grande partie par la
grande habileté des représentants de l’Église à se couler
dans le moule de la tradition wallisienne et futunienne,
dans le respect des chefferies, jetant ainsi les bases d’une
société fondée sur la religion et la tradition.
Les missionnaires créent écoles et petits sémi-
naires, ainsi qu'une imprimerie qui facilite la propagation
de la nouvelle religion.
Le « martyr » du Père St Pierre Chanel, tué en
1841 à Futuna et vénéré aujourd'hui encore dans tout le
Pacifique, contribue, si besoin était, à renforcer l'institu-
tion catholique.
L'île de Wallis devient en 1886 un Protectorat
français; idem en 1887 par Futuna. S'il s'est agit d'une
demande conjointe de la reine wallisienne Amelia (oui
oui, il y eu quelques reines dans cette société pourtant
très patriarcale) et de la Mission Catholique, ce projet
était en réalité porté par la Mission, soucieuse de préser-
ver ses intérêts sur ce territoire. La reine fut quelque peu
"utilisée" dans cette affaire...L'Etat français lui-même
tenait à préserver son prestige d'Etat colonial dans la
région, et à éviter la progression de l'Angleterre, très pré-
sente dans le Pacifique. Un résident, représentant de
l'Etat français, s'installe, doté de très peu de moyens.
La vie à Wal-
lis/'Uvea ne
change pas
beaucoup
pendant plu-
sieurs décen-
nies et reste
rythmée par la coutume, la religion et quelques conflits
entre résidents, chefferie et mission.
L'entrée dans le monde moderne :
Wallis découvre brusquement la modernité et
l'opulence en mai 1942 avec l'arrivée sur son sol de 6000
marines américains. En effet, le Japon vient de lancer une
offensive pour dominer tout le Pacifique et a écrasé l'ar-
mée américaine à Pearl Harbour (Hawaï). Les américains
ripostent, c'est la Guerre du Pacifique. Ils installent alors
des points d'observation dans tous les territoires alliés,
dont Wallis. Les habitants découvrent tout à la fois le Coca
Cola, les Jeep, l'aviation, et... le dollar qui coule à flot pour
monnayer des travaux demandés aux Wallisiens : défri-
chage, construction de routes, blanchisserie, etc...Les cul-
tures vivrières sont abandonnées. De cette période nai-
tront des petits métis Américano-wallisiens, qui revendi-
quent aujourd'hui souvent fièrement leur mixité.
Wallis connaît une crise au départ des Américains
en 1944. L'ouverture de l'île vers d'autres réalités crée des
frustrations et le retour à l'autorité coutumière est mal
vécu par de nombreux habitants dont certains décident de
quitter leur île, souvent pour la Nouvelle Calédonie, où
l'exploitation du nickel requiert de la main d’œuvre.
Au cours des années 50, constatant que le situa-
tion de Protectorat n'est plus adaptée, la Mission Catho-
lique milite pour une amélioration statutaire. Le Lavelua ,
roi de Wallis, convaincu par les responsables religieux, for-
mule auprès de l'Etat la demande d'un statut spécifique
pour les deux îles, en insistant sur la nécessaire conserva-
tion des coutumes locales.
À rebours des revendications d’indépendance au
Maghreb ou en Afrique subsaharienne, l'archipel demande
une intégration plus complète dans la République -accès à
la nationalité française (référendum de 1959), représenta-
tion politique au Parlement- mais aussi la garantie du res-
pect des coutumes et institutions existantes : maintien des
trois royaumes, de la chefferie chargée de la gestion des
villages, place de l’Église Catholique. Une Assemblée Terri-
toriale, composée de 20 membres élus, est créée, un séna-
teur et un député représentent le territoire à l'Assemblée
Nationale.
18
19
L’État, représenté par De Gaulle, alors Président de
la République, s'engage à assurer le développement éco-
nomique de l'archipel : un budget territorial est créé.
Wallis-et-Futuna deviennent officiellement
Territoire d'Outre-Mer en juillet 1961, sans change-
ments institutionnels depuis, et prennent le nom de
Collectivité d'Outre-Mer en 2003.
L'évolution du mode de vie à Wallis et Futuna aura
été beaucoup plus rapide en 50 ans que pendant les
3 450 années qui ont précédé :
- instauration d'une vie politique et démocratique
qui crée des conflits entre les différents pouvoirs.
- mise en œuvre d'un enseignement laïc dans les
établissements du secondaire (la Direction de l'Enseigne-
ment Catholique garde cependant la main sur l'enseigne-
ment primaire).
- ouverture à l'extérieur et aux biens de consom-
mation avec le soutien économique de l’État. La télé fait
son apparition en ...1984 ! Et internet en 2007. Le télé-
phone portable, quant à lui, est annoncé pour fin 2015.
Le décalage culturel est considérable entre les généra-
tions.
Dans les années à venir, d'autres évolutions se-
ront sans doute nécessaires. La suite… au prochain
numéro.
Françoise TOUZOT
(1) Sources : « Wallis et Futuna, 3500 ans d'histoire »
F.Angleviel et B. Papilio-Halagahu
« Vivre la coutume à 'Uvea, tradition et modernité »
D.Pechberty et E.Toa
ainsi que les conseils et infos de Mikaela Tui, historien
et éthnologue wallisien
(2) Le kava est une boisson obtenue à partir de la ra-
cine d'une sorte de poivrier sauvage; cette boisson est
consommée rituellement dans le Pacifique occidental
et a des propriétés myorelaxantes, anesthésiantes et
euphorisantes. De quoi faciliter les négociations lors
des rencontres coutumières entre chefs de village...
Comment recevoir La Feuille Verte ?
Vous n’êtes pas adhérent d’Europe Ecologie Les Verts de Franche-Comté ?
Et du même coup, vous ne recevez pas systématiquement
La Feuille Verte, le mensuel des écolos comtois ?
Abonnez-vous ! Réabonnez-vous! Et faites abonner les gens autour de vous !
Ainsi, vous serez sûr de ne rater aucun numéro, et cela pour la modique somme
de 16,00 euros seulement (11 numéros par an).
Nom : ………………………………………. Prénom : …………………………………………………...
rue : …………………………………………………………………………………………………………………….
CP : …………………… Ville : ………………………………………………………………………………….
Chèque à l’ordre d’EELV-FC, à adresser à :
EELV-FC — 33, Avenue Carnot — 25000 Besançon
20
Il est temps de sortir votre carnet d’adresses pour
noter les changements survenus cet été. En effet, EÉLV-FC
a déménagé : ses locaux sont désormais situés au 33,
avenue Carnot, toujours à Besançon. Le numéro de
téléphone reste inchangé (03 81 81 06 66).
Dans la Boucle (1)
Les écologistes étaient dans la Boucle depuis de
nombreuses années. Le local qu’ils occupaient au 14, rue
de la République était certes dans le centre ville, ce qui
permettait d’avoir accès facilement à tous les services
administratifs. Cependant il était situé au 1er étage, des-
servi par un escalier raide et étroit, qui rendait son acces-
sibilité difficile, aussi bien pour les personnes handica-
pées que pour les transporteurs amenés à livrer du maté-
riel souvent lourd. Les pièces en enfilade n’étaient pas
très pratiques, en particulier le coin cuisine qui voisinait
avec les toilettes. Seule la grande pièce qui servait pour
les réunions était digne d’intérêt. Depuis quelque temps,
nous rencontrions également des difficultés avec le pro-
priétaire, notamment à propos du calcul des charges. Il
devenait urgent de changer d’air.
On cherche...
La recherche d'un nouveau lieu a duré environ
deux ans. Le cahier des charges précisait les conditions
suivantes : un rez-de-chaussée pour permettre l’accessi-
bilité aux handicapés et faciliter le transport de matériel,
une grande pièce pour les réunions, une localisation cen-
trale permettant d'utiliser les transports en commun et
un loyer raisonnable. Après un certain nombre de visites
de locaux qui auraient pu convenir, notre choix s’est arrê-
té sur celui de l’avenue Carnot.
Des travaux
Il y avait bien quelques travaux de remise en état,
dont l’organisation a été laissée aux soins du BER (2). Il
était notamment nécessaire d’enlever une cloison et des
placards pour créer une grande salle de réunion. C’est
la Régie des Quartiers (3) qui s’en est occupée. Puis
Claude Mercier a pris en charge l’organisation des tra-
vaux de nettoyage et de peinture, en faisant appel aux
bonnes volontés : Claude, Corinne, Christian, Gérard,
Enya Marie, Anthony, Patrick, Benoit, Alain, Bernard,
Rémy, Suzy. Tout n’est pas encore terminé et il est pos-
sible d’organiser une suite des travaux dans les temps
à venir.
Un déménagement
Enfin, le déménagement a eu lieu le samedi 25
juillet, avec l’aide d’Eric Morgen qui nous a prêté main
forte avec le camion de sa compagne. Comme il fallait
s’y attendre, le passage des objets encombrants dans
l’escalier a donné du fil à retordre aux déménageurs
improvisés. Ensuite il fallu monter rapidement les éta-
gères pour y installer le contenu des cartons et faire
fonctionner le téléphone et Internet après quelques
péripéties (le technicien Orange a rencontré bien des
difficultés alors qu’on nous avait assuré qu’il suffisait
de se rebrancher sur la prise téléphonique !).
Le nouvel espace
Il reste encore à fixer quelques rayonnages pour
terminer le rangement et à coller des étiquettes pour
mieux s’y retrouver. Mais dans l’ensemble, l’opération
s’est bien terminée. Nous sommes mieux installés
qu’avant ; c’est plus spacieux, mieux agencé et il y a
plus de rangements. Nous disposons d’une vraie cui-
sine et d’un espace toilettes à part. Nous sommes
proches de la gare Viotte (5 à 10 minutes à pied), ac-
cessibles par le tram à l’arrêt Flore ainsi que par les
bus (lignes 4, 11, 12, 20).
Une cour à l’arrière peut permettre à une voiture
de stationner. Mais attention, d’autres locataires vivent
Déménagement
ADIEU RÉPUBLIQUE, BONJOUR CARNOT !
21
dans l’immeuble et ils surveillent jalousement leur
place. De plus, lorsqu’il pleut, d’énormes flaques d’eau
se forment et il faut alors viser précisément l’endroit où
l’on pose les pieds...
Un déménagement, c’est toujours utile pour
évacuer ce qui ne sert pas et pour retrouver ce que l’on
croyait perdu. Cela a été le cas pour les 50 premiers
numéros de La Feuille Verte, qui ont été retrouvés dans
deux boîtes d'archives dont j’ignorais complètement
l’existence. Ils ont rejoint triomphalement les suivants
sur un rayon d’étagère, à la vue de tous.
Maintenant que nous sommes rentrés de va-
cances, les militant-e-s sont convié-e-s à nous rendre
visite et à s’approprier leur nouvel espace. À bientôt !
Suzy Antoine
(1) Pour les non-Bisontins, la Boucle est le nom
donné au centre historique de la ville de Besançon, dû au
fait de s'être développé dans un méandre du Doubs dont
la forme même est celle d'une boucle. Cœur économique
de la ville, La Boucle réunit la grande majorité des com-
merces et des services de la ville, ainsi que la quasi-
totalité des administrations.
(2) Bureau Exécutif Régional, composé actuelle-
ment de 9 membres, dont les 2 cosecrétaires régionaux.
(3) Association qui, dans le cadre de l’économie
sociale et solidaire, concourt à l’amélioration du cadre de
vie dans les quartiers de Besançon, en associant les habi-
tants à la définition et à la réalisation d’interventions.
Nos candidats au chevet de la Savoureuse
La Savoureuse, jolie rivière
du Territoire-de-Belfort,
hélas très polluée
Jean Siron et
Marie-Claire Thomas
Vincent Jeudy et
Jean Siron Interview de Cécile
Prudhomme, tête de
liste régionale
33, Avenue Carnot / 25000 Besançon / 03 81 81 06 66 / http://franchecomte.eelv.fr/
Quelques temps forts des JDE de Lille
Marisol Touraine, ministre de la
Santé, lors de la plénière sur le
thème « Santé-environnement :
le défi du XXIe siècle ».
Julian Assange, depuis
l’ambassade d’Equateur à
Londres, lors de la plé-
nière sur le thème
« Lanceurs d’alerte : ils
protègent la démocratie »
Cécile Prudhomme,
tête de liste régio-
nale Bourgogne
Franche-Comté, lors
de la plénière sur les
régions
Militants épuisés qui se ressourcent
sous le chapiteau prévu à cet effet !!!
Pascal Canfin, ancien ministre
délégué au Développement lors
de la plénière « Donner un prix
à la nature : vraie ou fausse
solution ? »
Eva Joly, eurodéputée, lors de la
plénière sur les lanceurs d’alerte