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LA MISE EN ŒUVRE NATIONALE DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE UN MANUEL Base de données: Mise en oeuvre nationale du droit international humanitaire http://www.icrc.org/ihl-nat Base de données des traités du CICR http://www.icrc.org/dih

LA MISE EN ŒUVRE NATIONALE DU DROIT INTERNATIONAL … · Certains traités de droit international humanitaire ont été largement ratifiés. De fait, les Conventions de Genève sont

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  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIREUN MANUEL

    Base de donnes: Mise en oeuvre nationale du droit international humanitairehttp://www.icrc.org/ihl-nat

    Base de donnes des traits du CICRhttp://www.icrc.org/dih

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIREUN MANUEL

  • Genve, Pont du Mont-B lanc.

    Drapeaux l occas ion de

    la X X Xe Conf rence in te rnat iona le

    de la Cro ix-Rouge et du Cro issant-Rouge.

    Jorge Perez /Fdrat ion

  • Table des matires

    AVANT-PROPOS

    OBJECTIF DU MANUEL

    REMERCIEMENTS

    CHAPITRE PREMIER : INTRODUCTION LES RGLES DE BASE DU DIH 11

    CHAPITRE DEUX : TRAITS DE DIH ET MISE EN UVRE NATIONALE 17

    CHAPITRE TROIS : DIH ET DROIT PNAL NATIONAL 27

    CHAPITRE QUATRE : LES CONVENTIONS DE GENVE ET LEURS PROTOCOLES ADDITIONNELS 43

    CHAPITRE CINQ : TRAITS CONCERNANT LES PERSONNES ET LES BIENS DANS LES CONFLITS ARMS 63

    CHAPITRE SIX : TRAITS RELATIFS AUX ARMES 79

    CHAPITRE SEPT : LA COUR PNALE INTERNATIONALE 119

    CHAPITRE HUIT : SOUTIEN LA MISE EN UVRE DU DIH 129

    ANNEXES

    SITES PERTINENTS

    BIBLIOGRAPHIE

    1

    2

    3

    4

    5

    6

    7

    8

  • 5

    Avant-propos

    Les personnes touches par les conflits arms sont de plus en plus souvent celles qui ne participent pas ou plus aux combats. Le droit international humanitaire a t conu comme un ensemble de rgles visant rduire les effets des conflits arms sur ces groupes de personnes. La srie de conventions et protocoles qui le composent porte sur de nombreux domaines, tels que la protection des blesss et des malades, des civils, des prisonniers de guerre et de certains biens, ainsi que sur la restriction ou linterdiction de certains moyens et mthodes de guerre.

    Certains traits de droit international humanitaire ont t largement ratifis. De fait, les Conventions de Genve sont prsent acceptes de manire universelle et leurs Protocoles additionnels de 1977 figurent parmi les instruments juridiques les plus largement accepts. Cependant, le chemin vers la ratification universelle de certains autres traits de droit international humanitaire est encore long.

    Ladhsion ces conventions internationales ne constitue quune premire tape. Le respect du droit international humanitaire exige quune srie de mesures concrtes soient prises au niveau national, mme en temps de paix, afin de crer un cadre juridique qui garantisse que les autorits nationales, les organisations internationales, les forces armes et les autres porteurs darmes comprennent et respectent les rgles. Il importe galement que des mesures pratiques pertinentes soient prises et que les violations du droit humanitaire soient prvenues, et punies lorsquelles se produisent. De telles mesures sont indispensables pour que le droit fonctionne en cas de besoin. Pour mener cela bien de manire efficace, les diffrents organes gouvernementaux, larme et la socit civile doivent travailler en coordination.

    Le CICR a toujours jou un rle important dans le dveloppement et la promotion du droit international humanitaire. Conscient des difficults lies au plein respect de celui-ci, il a cr en 1996 des Services consultatifs afin dtre mieux mme dapporter ses services aux tats en la matire.

    Le prsent Manuel sur la mise en uvre du droit international humanitaire, rdig par les Services consultatifs du CICR, se fonde sur prs de 14 ans dexprience dans le domaine. Il couvre les tapes concrtes franchir pour mettre en uvre les Conventions de Genve et leurs Protocoles additionnels, les diffrents traits relatifs aux armes, le Statut de Rome de la Cour pnale internationale et dautres traits pertinents. Il propose des dossiers de ratification, des lois modles et des fiches techniques, outils permettant de garantir que la lgislation et la pratique des tats soient pleinement conformes aux obligations dcoulant des traits de droit humanitaire.

    Jespre que le prsent Manuel sera utile aux gouvernements dans leurs efforts pour assurer la mise en uvre totale du droit international humanitaire ; en effet, une augmentation du nombre des ratifications et une mise en uvre efficace sont sans aucun doute les garanties dune meilleure protection des victimes des conflits arms.

    Dr Jakob Kellenberger Prsident du Comit international

    de la Croix-Rouge

    AVANT-PROPOS

  • 7

    Objectif du Manuel

    Les Services consultatifs du CICR ont t crs en 1996 au sein de la Division juridique de linstitution. Depuis lors, le nombre dtats parties des instruments de droit interna-tional humanitaire (DIH) a considrablement augment. Cependant, les tats ont encore beaucoup faire pour garantir que les obligations stipules dans ces instruments soient refltes de manire adquate dans le droit national et appliques en pratique.

    Le prsent Manuel a t rdig en premier lieu lintention des responsables politiques et des lgislateurs, ainsi que des personnes qui les aident respecter leur obligation dassurer le respect du DIH. Le Manuel vise leur venir en aide dans la ratification des instruments pertinents et leur offrir des recommandations dans le processus de mise en uvre, leur permettant ainsi de rendre leurs lois et leur pratique conformes aux exigences du DIH.

    Le prsent Manuel met laccent, le plus possible, sur les principes et obligations gnraux, afin de se placer au-del des diffrences de traditions juridiques et de niveaux de dveloppement institutionnel. Il suit une mthode fonde sur les traits : par exemple, un chapitre important (chapitre quatre) est consacr aux instruments de base du DIH, soit aux Conventions de Genve de 1949, ratifies de manire universelle, et leurs Protocoles additionnels de 1977 et 2005. Dautres chapitres traitent dinstruments complmentaires relatifs la protection de personnes et de biens spcifiques durant les conflits arms (chapitre cinq), aux armes (chapitre six) et la Cour pnale internationale (chapitre sept). Tous les chapitres contiennent un bref aperu du contenu des traits, sans aller dans le dtail de chaque disposition du trait en question. Le Manuel tant destin en premier lieu aux lgislateurs et aux personnes qui les assistent, il met laccent sur les dispositions qui exigent que des mesures lgislatives ou rglementaires soient prises. Des informations gnrales sur le DIH et sa mise en uvre peuvent tre trouves dans les chapitres introductifs (chapitre premier chapitre trois), qui traitent galement des liens entre le DIH et le droit pnal au niveau national. Le Manuel propose des outils pratiques : une bibliographie complte avec des titres en anglais, en espagnol et en franais ainsi que des annexes contenant des lois modles et des recommandations rdiges par le CICR et dautres organisations spcialises.

    Ce Manuel na pas pour but de fournir des interprtations juridiques prcises et dfinitives des dispositions des instruments quil dcrit. Il doit tre considr comme un outil pratique que les Services consultatifs du CICR mettent la disposition de toutes les personnes qui participent la mise en uvre du DIH. Il reflte le savoir-faire accumul par les Services consultatifs durant leurs presque 14 ans dexprience dans la mise en uvre du DIH. Ce Manuel, combin aux bases de donnes disponibles sur le site internet du CICR concernant les mesures nationales de mise en uvre (www.icrc.org/ihl-nat), qui fournissent des exemples de lgislation et de jurisprudence de diffrents pays du monde, et les traits et documents de DIH (www.icrc.org/dih), qui indiquent ltat actuel des signatures et des ratifications, devrait apporter un certain nombre de rponses.

    Les Services consultatifs en droit international humanitaire du CICR demeurent la disposition des tats pour les aider respecter davantage leurs obligations en matire de DIH. Ils peuvent tre contacts par le biais de leur rseau de conseillers juridiques rgionaux ou Genve, ladresse suivante :

    Services consultatifs en DIHComit international de la Croix-Rouge19, avenue de la PaixCH 1202 GenveTl. : +41 22 734 6001Fax : +41 22 733 2057Courriel : [email protected]

    OBJECTIF DU MANUEL

    http://www.icrc.org/ihl-nathttp://www.icrc.org/dihmailto:advisoryservice.gva%40icrc.org?subject=

  • 9

    REMERCIEMENTS

    Remerciements

    Les Services consultatifs du CICR remercient toutes les personnes et organisations ayant contribu la rdaction de ce Manuel, qui est le rsultat dun intense travail dquipe. Ils remercient en particulier les organisations qui leur ont permis de reproduire certains de leurs documents concernant la mise en uvre du droit international humanitaire. Le CICR assume toutefois seul la responsabilit du prsent Manuel.

  • L A M I S E E N U V R E N A T I O N A L E D U D I H

    1 INTRODUCTION LES RGLES DE BASE DU DIH

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    12

    Sommaire

    CHAPITRE PREMIER : INTRODUCTION LES RGLES DE BASE DU DIH

    Quest-ce que le DIH ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13Quand le DIH sapplique-t-il ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14Que rgit le DIH ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

    Quest-ce qui est protg, et contre quoi ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Quelles sont les restrictions aux moyens et mthodes de guerre ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

    Quelle est la diffrence entre le DIH et le droit relatif aux droits de lhomme ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16Le DIH et le droit international relatif aux droits de lhomme sont-ils applicables dans les mmes situations ? . . . . . . . . . . . . 16Qui est li par le DIH et le droit international relatif aux droits de lhomme ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

  • 1 : INTRODUCTION LES RGLES DE BASE DU DIH

    13

    Le droit international humanitaire (DIH) est un ensemble de rgles qui, pour des raisons humanitaires, cherchent limiter les effets des conflits arms. Le DIH protge les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilits et limite les moyens et mthodes de guerre. Le DIH est galement appel droit de la guerre ou droit des conflits arms .

    Le DIH fait partie du droit international, lensemble des rgles qui rgissent les relations entre tats. Les sources du droit international comprennent notamment les accords crits entre tats (traits ou conventions qui lient uniquement les tats ayant consenti y tre lis), les rgles coutumires (qui sont des rgles non crites tires de la pratique constante des tats que ceux-ci considrent comme juridiquement contraignante), et les principes gnraux du droit.

    Le DIH a ses racines dans les rgles des civilisations et religions anciennes la guerre a toujours t soumise certains principes et certaines coutumes.

    Cest au XIXe sicle qua commenc la codification universelle du DIH. Depuis lors, les tats se sont mis daccord sur une srie de rgles pratiques, fondes sur lexprience douloureuse de la guerre moderne. Ces rgles tablissent un quilibre dlicat entre les proccupations dordre humanitaire et les exigences militaires des tats. Paralllement la croissance de la communaut internationale, un nombre toujours plus grand dtats ont contribu au dveloppement de ces rgles.

    Une partie essentielle du DIH se trouve dans les quatre Conventions de Genve de 1949. Celles-ci ont t dveloppes et compltes plus rcemment par trois autres accords : les Protocoles additionnels I et II de 1977, relatifs la protection des victimes de conflits arms, et le Protocole additionnel III de 2005, relatif ladoption dun signe distinctif additionnel.

    Dautres traits de DIH viennent complter ces instruments fondamentaux. Certains interdisent ou limitent lutilisation de moyens et mthodes de guerre et protgent certaines catgories de personnes et de biens. On peut citer par exemple : le Protocole de 1925 concernant la prohibition demploi

    la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactriologiques ;

    la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit arm de 1954, et ses deux Protocoles de 1954 et 1999 ;

    la Convention sur les armes biologiques de 1972 ; la Convention de 1976 sur linterdiction dutiliser des

    techniques de modification de lenvironnement des fins militaires ou toutes autres fins hostiles ;

    la Convention de 1980 sur certaines armes classiques et ses cinq Protocoles ;

    la Convention sur les armes chimiques de 1993 ; la Convention sur linterdiction des mines antipersonnel

    de 1997 ; le Statut de la Cour pnale internationale de 1998 ; le Protocole facultatif la Convention relative aux droits

    de lenfant, concernant limplication denfants dans les conflits arms, de 2000 ; et

    la Convention sur les armes sous-munitions de 2008.

    On considre aujourdhui que de nombreuses dispositions de ces traits refltent galement le droit international coutumier. En 2005, le CICR a publi une vaste tude sur le droit international humanitaire coutumier. Cette tude (ci-aprs DIHC) numre 161 rgles rgissant les conflits arms, dont la vaste majorit sapplique aux conflits arms internationaux et non internationaux. Une introduction cette tude peut tre consulte sur le site internet du CICR ladresse : www.cicr.org/fre.

    Quest-ce que le DIH ?

    http://www.cicr.org/fre

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    14

    Le DIH sapplique aux conflits arms (internationaux et non internationaux) et aux situations doccupation. Il ne couvre pas les situations de tensions internes ou de troubles intrieurs comme les actes de violence isols. Il ne dtermine pas si un tat a le droit davoir recours la force, ou sil la fait de manire lgitime ; cela est rglement par un domaine important mais distinct du droit international, nonc en premier lieu dans la Charte des Nations Unies.

    Le DIH tablit une distinction entre les conflits arms internationaux et non internationaux. Les conflits arms internationaux sont ceux qui opposent au moins deux tats, indpendamment de savoir si une dclaration de guerre a t faite, ou si les parties concernes reconnaissent ltat de guerre. Les parties un conflit arm international sont soumises un large ventail de rgles, notamment celles nonces dans les quatre Conventions de Genve et dans le Protocole additionnel I. Ce droit sapplique uniquement lorsquun conflit a clat, et de la mme manire pour toutes les parties, quelle que soit celle qui a dclench les hostilits.

    Les conflits arms non internationaux (souvent appels galement conflits arms internes ) se droulent habi- tuellement sur le territoire dun seul tat et opposent soit des forces armes rgulires dautres groupes arms, soit diffrents groupes arms entre eux. Les conflits arms internes sont soumis un ensemble de rgles plus restreint que les conflits arms internationaux (en particulier, larticle 3 commun aux Conventions de Genve et au Protocole additionnel II), mme si le droit coutumier a tendance rduire cette distinction et tend la protection accorde par certaines rgles de DIH tous les types de conflit arm.

    Quand le DIH sapplique-t-il ?

  • 1 : INTRODUCTION LES RGLES DE BASE DU DIH

    15

    Le DIH couvre en gnral deux domaines : la protection des personnes qui ne participent pas ou

    plus aux combats ; les restrictions aux moyens de guerre en particulier

    les armes et aux mthodes de guerre, telles que les tactiques militaires.

    Quest-ce qui est protg, et contre quoi ?Comme indiqu plus haut, le but du DIH est de protger les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilits. Les Conventions de Genve, applicables aux conflits arms internationaux, rgissent le traitement des blesss et des malades dans les forces armes en campagne (Convention I), des blesss, des malades et des naufrags des forces armes sur mer (Convention II), des prisonniers de guerre (Convention III) et des civils, notamment en territoires occups (Convention IV). Les civils protgs par la quatrime Convention de Genve sont ceux qui se trouvent aux mains dune partie au conflit ou dune Puissance occupante dont ils ne sont pas ressortissants ; ce groupe inclut les dplacs internes, les femmes, les enfants, les rfugis, les apatrides, les journalistes et dautres catgories de personnes. De mme, les rgles applicables aux conflits arms non internationaux (larticle 3 commun aux Conventions de Genve et le Protocole additionnel II) concernent le traitement des personnes qui ne participent pas ou plus directement aux hostilits.

    Ces catgories de personnes ont droit au respect de leur vie et de leur intgrit physique et mentale. Elles bnficient galement de garanties juridiques. Elles doivent tre protges et traites avec humanit en toutes circonstances, sans aucune distinction de caractre dfavorable.

    De manire plus spcifique, il est interdit de tuer ou de blesser un ennemi qui se rend ou qui est incapable de se dfendre, et les malades et les blesss doivent tre recueillis et soigns par la partie aux mains de laquelle ils se trouvent. Le personnel sanitaire, le matriel mdical, les hpitaux et les ambulances doivent tre protgs.

    Des rgles dtailles rgissent galement les conditions dinternement des prisonniers de guerre et la manire de traiter les civils sous le contrle dune Puissance ennemie (en territoire tranger ou sous occupation). Ces rgles prvoient notamment que ces personnes doivent recevoir de la nourriture, un abri et des soins mdicaux, et ont le doit dchanger des messages avec leur famille.

    Le droit dcrit un certain nombre de symboles clairement reconnaissables, appels signes distinctifs , qui peuvent tre utiliss afin didentifier des personnes, lieux et objets protgs. Ces signes distinctifs sont la croix rouge, le croissant rouge, le lion-et-soleil rouge, ainsi que le cristal rouge, rcemment adopt. Par ailleurs, dautres symboles identifient des objets tels que les biens culturels, les forces dangereuses, le personnel et les installations de protection civile.

    Quelles sont les restrictions aux moyens et mthodes de guerre ?Le DIH interdit tous les moyens et mthodes de guerre qui, notamment : ont pour objectif principal de rpandre la terreur parmi

    la population civile ; ne font pas de distinction entre les personnes qui

    participent directement aux hostilits et celles qui ne le font pas, comme les civils, le but tant de protger la population civile dans son ensemble, les civils isols et les biens civils ;

    causent des blessures superflues ou des souffrances inutiles ;

    causent des dommages tendus, graves ou durables lenvironnement.

    Ainsi, les traits de DIH interdisent lutilisation de nombreuses armes, notamment les balles explosives, les armes chimiques et biologiques, les armes laser aveuglantes et les mines antipersonnel.

    Que rgit le DIH ?

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    16

    Le droit international relatif aux droits de lhomme est constitu dune srie de rgles internationales, fixes par des traits ou par la coutume, sur la base desquelles les individus et les groupes peuvent sattendre un certain comportement ou certaines prestations de la part des gouvernements, ou les faire valoir. Les droits de lhomme sont des droits inhrents la personne humaine, qui appartiennent toutes les personnes du fait mme quelles sont des tres humains. Les rgles de droit international relatif aux droits de lhomme comportent galement de nombreux principes et directives qui ne dcoulent pas de traits (droit indicatif ou soft law ).

    Les traits constituant les sources principales du droit international relatif aux droits de lhomme incluent notamment les Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits conomiques, sociaux et culturels (1966), les conventions sur le gnocide (1948), la discrimination raciale (1965), llimination et la rpression du crime dapartheid (1973), la discrimination lgard des femmes (1979), la torture (1984) et les droits de lenfant (1989).

    Si, historiquement, le DIH et le droit international relatif aux droits de lhomme se sont dvelopps de manire spare, certains traits rcents contiennent des dispositions appartenant aux deux rgimes. On peut citer titre dexemples la Convention de 1989 relative aux droits de lenfant, en particulier son Protocole facultatif de 2000 concernant limplication denfants dans les conflits arms, le Statut de Rome de la Cour pnale internationale (CPI) de 1998 et la Convention de 2006 pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forces.

    Le DIH et le droit international relatif aux droits de lhomme sont-ils applicables dans les mmes situations ?Le DIH sapplique en priode de conflit arm, que celui-ci soit international ou non international.

    En principe, le droit international relatif aux droits de lhomme est applicable en tout temps, cest--dire en temps de paix et dans des situations de conflit arm. Cependant, certains traits de droit international relatif aux droits de lhomme permettent aux gouvernements de droger certains droits dans des situations de danger public menaant la survie de la nation, y compris la guerre. Ces drogations doivent cependant faire lobjet dune notification, reprsenter le seul moyen de faire face au danger et tre proportionnelles la crise en question. En outre, elles ne doivent pas tre mises en place de manire tablir des discriminations et ne doivent pas enfreindre dautres rgles de droit international y compris les rgles de DIH.

    Certains droits de lhomme ne peuvent cependant jamais faire lobjet de drogations et sont protgs par le DIH et par le droit international relatif aux droits de lhomme en toutes circonstances. En font partie linterdiction de la torture et dautres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants, linterdiction de lesclavage et de la servitude et linterdiction des lois pnales rtroactives.

    Qui est li par le DIH et le droit international relatif aux droits de lhomme ?Le DIH lie toutes les parties un conflit arm. Pendant un conflit international, le DIH doit tre respect par les tats concerns, tandis que pendant un conflit interne, le DIH lie le gouvernement et les groupes qui se battent contre lui ou entre eux. Le DIH nonce ainsi des rgles applicables aux acteurs tatiques et non tatiques. Il stipule galement que les personnes peuvent tre considres pnalement responsables de manire individuelle pour des infractions graves aux Conventions de Genve et au Protocole additionnel I, et pour dautres violations graves du DIH, durant les conflits arms tant internationaux que non internationaux.

    En revanche, le droit international relatif aux droits de lhomme nonce des rgles qui lient les gouvernements dans leurs relations avec les individus. Il prvoit galement une responsabilit pnale individuelle pour des violations qui peuvent constituer des crimes internationaux, tels que le gnocide, les crimes contre lhumanit, les disparitions forces et la torture.

    Pour plus dinformations, vous pouvez consulter les ouvrages suivants :

    H.-P. Gasser, Le droit international humanitaire , in Hans Haug (directeur de publication), Humanit pour tous : le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Institut Henry-Dunant/ditions Paul Haupt, Berne/Stuttgart/Vienne, 1993, pp. 491-579.

    F. Kalshoven, L. Zegveld, Constraints on the Waging of War: An introduction to international humanitarian law, CICR, Genve, 2006.

    M. Sassli, A. Bouvier, Un droit dans la guerre?, CICR, Genve, 2e d., 2012.

    Quelle est la diffrence entre le DIH et le droit relatif aux droits de lhomme ?

  • L A M I S E E N U V R E N A T I O N A L E D U D I H

    2 TRAITS DE DIH ET MISE EN UVRE NATIONALE

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    18

    Sommaire

    CHAPITRE DEUX : TRAITS DE DIH ET MISE EN UVRE NATIONALE

    Devenir partie aux traits de DIH . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19Pourquoi est-il important de devenir partie aux traits de DIH ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20Comment ratifier les traits de DIH ou y adhrer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21Que signifie devenir partie un trait de DIH avec une rserve ou une dclaration interprtative ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22Que faut-il faire pour mettre en uvre le DIH ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23Quelles sont les principales diffrences de mise en uvre dans les pays monistes et dualistes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24Comment russir la mise en uvre du DIH ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

  • 2 : TRAITS DE DIH ET MISE EN UVRE NATIONALE

    19

    Les traits sont des accords crits qui crent des obligations juridiques entre pays (ou tats ). La procdure dadhsion aux traits multilatraux1 peut tre rsume de la manire suivante. Le texte du trait est adopt lors dune confrence internationale laquelle participent les tats. Le trait est ensuite ouvert la signature durant une priode dtermine, par exemple 12 mois. Les tats apposent leur signature dans un livre, indiquant ainsi leur volont dtre lis par ce trait. La signature ne lie pas ltat au libell du trait, mme si ltat ne peut pas priver le trait de son objet et de son but entre le moment de sa signature et celui de sa ratification2.

    1 Les traits multilatraux sont ceux auxquels sont parties plus de deux tats, et sont souvent ouverts tous les tats.

    2 Voir la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traits, art. 18.

    Aprs avoir sign le trait, ltat le ratifie en envoyant une lettre au dpositaire (cest--dire le Secrtaire gnral de lONU ou ltat dpositaire), gnralement aprs avoir effec-tu au plan national les dmarches juridiques ncessaires la ratification. Si un tat na pas sign le trait pendant quil tait ouvert la signature, il peut tout de mme y devenir partie en y adhrant , en ralisant une seule dmarche consistant envoyer une lettre au dpositaire indiquant sa volont dtre li 3.

    Ces procdures peuvent tre rsumes de la manire suivante :

    3 Pour plus de dtails, voir le Manuel des traits des Nations Unies, disponible ladresse http://treaties.un.org/doc/source/publications/THB/French.pdf.

    Lobligation de mettre en uvre le DIH incombe en premier lieu aux tats. Ceux-ci doivent prendre une srie de mesures juridiques et pratiques en temps de paix et en priode de conflit arm dans le but dassurer le plein respect de cet ensemble de rgles.

    Le terme mise en uvre nationale englobe toutes les mesures qui doivent tre prises pour garantir que les rgles de DIH soient pleinement respectes. Cependant, il ne suffit pas de se borner appliquer ces rgles lorsquun conflit a clat ; certaines mesures doivent tre prises en temps de paix. Elles sont ncessaires pour garantir que : les civils et le personnel militaire connaissent les rgles de DIH ; les structures, les procdures administratives et le personnel requis pour respecter le droit soient

    disponibles ; et les violations du DIH soient prvenues, et punies le cas chant.

    De telles mesures sont indispensables pour garantir que le droit soit rellement respect.

    Devenir partie aux traits de DIH

    Moment : Mesures prendre :

    Avant ladoption du texte Les tats ngocient le libell du texte du trait.

    Aprs ladoption, lorsque le trait est ouvert la signature Les tats peuvent signer le trait, et peuvent ensuite dposer un instrument de ratification ( ratifier ).

    Aprs lcoulement de la priode de signature Ratification, si le trait a t sign par ltat, sinon par le dpt dun instrument dadhsion ( adhrer ).

    dautres moments Les tats peuvent galement devenir parties aux traits la suite de la division dun tat en plusieurs nouveaux tats. Le terme utilis est succession dtats .

    3 Pour plus de dtails, voir le Manuel des traits des Nations Unies, disponible ladresse http://treaties.un.org/doc/source/publications/THB/French.pdf.

    http://treaties.un.org/doc/source/publications/THB/French.pdfhttp://treaties.un.org/doc/source/publications/THB/French.pdfhttp://treaties.un.org/doc/source/publications/THB/French.pdfhttp://treaties.un.org/doc/source/publications/THB/French.pdf

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    20

    Tout dabord, il est important que les tats ratifient les traits de DIH parce que ces instruments sont conus spcialement pour apporter une protection aux victimes en priode de conflit arm. Ces conventions, qui rglementent la conduite des hostilits et visent protger les personnes qui ne participent pas ou plus directement celles-ci, constituent la base juridique indispensable qui protge la vie et la dignit des victimes des conflits arms.

    Le DIH reflte un compromis dlicat entre des considrations humanitaires et militaires : dun ct, la conviction que les guerres ont des limites ; de lautre, lide que la guerre doit tre mene le plus rapidement possible et avec le moins de ressources possible. La ratification des traits de DIH par les tats envoie un message clair : ils sont prts respecter ces rgles, dont lobjectif est de rduire les souffrances qui sont malheureusement ncessairement lies aux situations de conflit arm.

    De plus, le DIH nonce certaines rgles de jus cogens, auxquelles il ne peut tre drog mme en temps de guerre (par exemple linterdiction de la torture et de lesclavage). Ainsi, en ratifiant les traits de DIH et en les intgrant dans leur droit national, les tats prennent des mesures claires pour respecter et assurer le respect de certains droits fondamentaux reconnus par la communaut internationale.

    La ratification des traits de DIH cre pour les tats lobligation de diffuser les rgles et les obligations contenues dans ceux-ci, afin de faire en sorte quils soient respects par toutes les parties un conflit arm et de garantir que les conflits arms soient mens de manire plus humaine. En intgrant ces conventions dans leur droit national, les tats doivent prvoir des sanctions en cas dinfractions graves leurs dispositions. La perspective dtre sanctionn peut par consquent avoir un effet dissuasif sur les criminels et les auteurs de crimes de guerre potentiels et, lorsque les dispositions sont appliques, rduire limpunit. En dautres termes, la ratification des traits de DIH, qui implique la diffusion de connaissances et la garantie que des sanctions adquates et suffisantes soient prvues en cas dinfractions graves leurs dispositions, devrait contribuer un plus grand respect du DIH et des droits de lhomme en gnral.

    En bref, il est important que les tats ratifient les traits de DIH parce que ceux-ci sont le rsultat dun consensus international quant la ncessit de limiter les effets des conflits arms. Une ratification universelle devrait mener une plus grande prvisibilit et une plus grande protection des victimes des conflits arms, puisquelle implique que les mmes rgles sappliquent toutes les parties. Le fait que les quatre Conventions de Genve aient t ratifies par tous les tats tmoigne du consensus universel sur les obligations entourant la conduite tenir durant un conflit arm. De plus en plus dtats reconnaissent les obligations dcoulant des traits de DIH ; ceux-ci contribuent donc renforcer le cadre international des droits fondamentaux et aider protger les personnes les plus vulnrables en priode de conflit arm.

    Pourquoi est-il important de devenir partie aux traits de DIH ?

  • 2 : TRAITS DE DIH ET MISE EN UVRE NATIONALE

    21

    Aucune rgle stricte ne doit tre suivie pour ratifier les traits de DIH ou y adhrer. Ce qui est important, cest que ltat concern dclare formellement son consentement tre li par le trait conformment ses procdures nationales dadhsion des accords internationaux. Ces procdures exigent frquemment lapprobation par le parlement du pays en question. Ds que la dcision formelle dtre li a t prise conformment aux procdures nationales, ltat dpose un instrument dadhsion/de ratification auprs du dpositaire (habituellement lONU ou un tat). Cest le dpt de cet instrument qui donne une porte internationale lengagement de ltat et qui cre des relations convention-nelles, notamment des droits et des obligations envers les autres parties.

    Des modles de lettres dadhsion et de ratification peuvent tre consults lannexe I.

    Comment ratifier les traits de DIH ou y adhrer

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    22

    Une rserve est une dclaration unilatrale, quelle que soit la manire dont elle est formule ou intitule, faite par un tat au moment de devenir partie un trait, par laquelle celui-ci indique quil exclut ou modifie leffet juridique de certaines dispositions de ce trait pour ce qui est de leur application lgard de cet tat. Certains traits, tels que le Statut de Rome de la Cour pnale internationale de 1998, la Convention de 1993 sur les armes chimiques, la Convention de 1997 sur linterdiction des mines antipersonnel ou la Convention de 2008 sur les armes sous-munitions, nacceptent pas ce genre de dclarations. Dautres stipulent que seules des rserves dtermines peuvent tre faites. Dans tous les cas, une rserve ne peut jamais tre incompatible avec lobjet et le but du trait, et les autres tats peuvent sopposer la rserve. Contrairement une rserve, une dclaration interprtative ne fait que clarifier le point de vue dun tat quant sa comprhension dun sujet rgi par un trait ou son interprtation dune disposition particulire, et ne vise pas exclure ou modifier leffet juridique dun trait.

    Lorsquun trait de DIH ne contient aucune clause concernant la possibilit ou limpossibilit de faire une rserve, les tats peuvent faire des rserves ou des dclarations interprtatives au moment o ils deviennent parties ce trait, la condition que celles-ci ne soient pas contraires lobjet et au but du trait et quelles ne portent pas atteinte au fond de celui-ci. En pratique, les tats joignent leur instrument de ratification la rserve ou la dclaration quils souhaitent faire et, si la question se pose, confirment les dclarations de toutes sortes faites au moment de la signature, sils souhaitent les maintenir.

    Que signifie devenir partie un trait de DIH avec une rserve ou une dclaration interprtative ?

  • 2 : TRAITS DE DIH ET MISE EN UVRE NATIONALE

    23

    Aux termes du DIH, une srie de mesures doivent tre prises, les principales tant : traduire les instruments de DIH dans les langues

    nationales ; faire en sorte que ces instruments soient connus le plus

    largement possible au sein des forces armes et de la population en gnral ;

    sanctionner toutes les violations des instruments de DIH et, en particulier, adopter une lgislation pnale qui punit les crimes de guerre ;

    sassurer que les personnes, les biens et les lieux protgs spcifiquement par le droit soient dment identifis et signals ;

    prendre des mesures pour viter lutilisation abusive de la croix rouge, du croissant rouge, du cristal rouge et des autres emblmes et signes prvus par le DIH ;

    sassurer que les personnes protges jouissent des garanties judiciaires et autres garanties fondamentales durant les conflits arms ;

    nommer des personnes et les former au DIH ; assurer en particulier la prsence de conseillers juridiques au sein des forces armes ;

    prvoir la mise en place et/ou la rglementation des : Socits nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-

    Rouge et dautres socits de secours volontaires, organisations de protection civile, bureaux nationaux de renseignements ;

    tenir compte du DIH en choisissant les sites militaires, et en mettant au point et en dveloppant des armes et des tactiques militaires ;

    prvoir la mise en place de zones sanitaires, zones neutres et zones dmilitarises.

    Certaines de ces mesures exigent ladoption dune lgislation ou de rglements et seront examines aux chapitres suivants. Dautres requirent la cration de programmes dducation, le recrutement et/ou la formation de personnel, la fabrication de cartes didentit et dautres documents, la mise en place de structures spciales, la cration de procdures administratives et de planification. Toutes ces mesures contribueront assurer la mise en uvre efficace du DIH. Chaque trait possde cependant ses propres modalits de mise en uvre, et le but du prsent Manuel est de faciliter la comprhension de ce qui est spcifiquement requis.

    Que faut-il faire pour mettre en uvre le DIH ?

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    24

    On dcrit en gnral les tats comme tant soit monistes, soit dualistes4. Dans les tats monistes, les traits sont en gnral applicables directement dans le droit national, sans lgislation distincte dapplication. Dans le cadre de la procdure dadhsion au trait, le parlement du pays adopte ce quon appelle une loi de ratification , et ordonne que celle-ci soit publie dans le Journal officiel. De nombreuses dispositions des traits de DIH requirent cependant davantage que ladoption dune loi de ratification habituelle. Cela est d en partie au fait que la plupart des traits de DIH exigent ladoption dune srie de dispositions spcifiques, comme par exemple la mise en place de mesures visant protger lemblme, ou la cration dun bureau national de renseignements.

    4 En pratique, les tats se servent des deux modles, selon que les dispositions du trait en question sont dtailles ou non.

    Dans les tats dualistes, la ncessit de disposer dune lgislation de mise en uvre est encore plus vidente, car sans celle-ci, les traits ne sont pas applicables directement en droit national.

    De nombreux systmes juridiques peuvent galement tre dcrits comme tant fonds soit sur le common law , soit sur le droit continental (galement appel droit civil ). Les tats de common law sont le plus souvent dualistes, ceux de droit civil sont gnralement monistes. Ces termes gnraux refltent lhistoire du systme juridique de ces tats, inspir soit par le common law anglais, soit par le droit romain. Mme si chacun de ces systmes influence fortement lautre, et si en pratique aucun nexiste sous sa forme pure , leurs principales diffrences sont les suivantes :

    Quelles sont les principales diffrences de mise en uvre dans les pays monistes et dualistes ?

    Afin de mettre en uvre le DIH au plan national, de nombreux tats de common law adoptent une loi distincte (indpendante) rgissant les obligations dcoulant de chacun des principaux traits. Ainsi, on trouvera souvent une loi relative aux Conventions de Genve, une loi sur la Cour pnale internationale, une loi sur les mines antipersonnel, etc., contenant habituellement des infractions pnales. En revanche, les tats de droit continental intgrent souvent toutes les infractions pnales dcoulant de ces traits dans leur code pnal, quil soit civil ou militaire, ou les deux.

    Domaine Common law Droit continental

    Jurisprudence La jurisprudence des tribunaux suprieurs est une source de droit et lie souvent les juges, en plus de la lgislation.

    Les juges se fondent en premier lieu sur la lgislation crite.

    Droit pnal et procdure pnale Recours des jurs, rgle de la preuve par ou-dire, infractions pnales dans des lois autres que le code pnal, existence dinfractions de common law.

    Recours des juges dinstruction ; davantage dimplication des juges dans le procs, plutt quuniquement des conseils.

  • 2 : TRAITS DE DIH ET MISE EN UVRE NATIONALE

    25

    Une planification minutieuse et des consultations rgulires sont les cls dune mise en uvre efficace. De nombreux tats ont cr des organes dans ce but, tels que les commissions nationales de DIH, qui feront lobjet du chapitre quatre. Dans certains pays, les Socits nationales peuvent galement apporter leur aide pour la mise en uvre du DIH.

    Par le biais de ses Services consultatifs en droit international humanitaire, le CICR fournit aux gouvernements des conseils et de la documentation en matire de mise en uvre nationale. Les Services consultatifs peuvent tre contacts par lintermdiaire de la dlgation du CICR la plus proche ou ladresse suivante :

    Services consultatifs en droit international humanitaire Comit international de la Croix-Rouge19, avenue de la Paix1202 GenveSuisse

    Tl. : + 41 22 734 60 01Fax : + 41 22 733 20 57

    Courriel : [email protected]

    Comment russir la mise en uvre du DIH ?

    mailto:advisoryservice.gva%40icrc.org?subject=

  • L A M I S E E N U V R E N A T I O N A L E D U D I H

    3 DIH ET DROIT PNAL NATIONAL

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    28

    Sommaire

    CHAPITRE TROIS : DIH ET DROIT PNAL NATIONAL

    La rpression pnale en DIH . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29Procdure pnale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

    Entamer des poursuites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30Choix du tribunal comptent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30Rcolte et examen des preuves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

    Comment intgrer les crimes internationaux dans le droit national . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31Formes de pnalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33Prescription . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

    La prescription dans les systmes nationaux de droit pnal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34Dlais de prescription en droit international des traits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34Dlais de prescription en droit international coutumier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

    Formes de responsabilit pnale individuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35Ordres suprieurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36Garanties judiciaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37Fondement de la comptence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

    Gnralits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Comptence universelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Infractions graves au DIH . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

    Coopration et assistance en matire pnale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

  • 3 : DIH ET DROIT PNAL NATIONAL

    29

    Comme indiqu plus haut, le DIH est un ensemble de rgles visant protger les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilits, et limiter les moyens et mthodes de guerre. Il prvoit galement des mcanismes permettant de garantir le respect des rgles de ce domaine du droit. Parmi ces mcanismes, la prvention et, le cas chant, la rpression des infractions graves revtent une importance particulire. La responsabilit premire en la matire incombe aux tats.

    En DIH, lauteur dune infraction grave est tenu pour individuellement responsable de celle-ci et doit tre poursuivi et puni. Les quatre Conventions de Genve de

    1949 (ci-aprs CG I-IV), leur Protocole additionnel I de 1977 (ci-aprs P I) et dautres traits noncent les obligations prcises des tats parties en matire de rpression pnale des infractions graves aux rgles de DIH durant un conflit arm. La nature et la porte de ces obligations varient dun trait lautre. Cependant, une srie de questions doivent tre examines pour assurer une rpression efficace au niveau national, telles que : la procdure pnale ; les moyens dintgrer la rpression dans le droit pnal ; la prescription ; les types de responsabilit pnale individuelle et les modes de responsabilit, tels que la responsabilit du commandement ; et la coopration et lassistance entre les tats en matire pnale.

    Lun des lments les plus importants de la mise en uvre nationale des obligations de DIH est ladoption dun cadre juridique complet permettant de poursuivre et de punir efficacement les infractions graves au DIH. Presque tous les traits examins dans ce Manuel exigent que soit prvue la poursuite de toutes les infractions graves leurs dispositions ou de certaines de ces infractions, mesure qui ncessite habituellement ladoption dune lgislation approprie. Afin daider les tats dans leur rflexion au sujet dune telle lgislation, le prsent chapitre propose un aperu des principales questions lies la mise en place de sanctions pnales. Pour un point de vue plus complet, le lecteur est invit consulter galement le chapitre sept, qui traite plus spcialement de la mise en uvre du Statut de Rome de la Cour pnale internationale (CPI).

    La rpression pnale en DIH

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    30

    Le droit pnal de fond et la procdure pnale de tous les tats, ainsi que lensemble de leur systme judiciaire, doivent permettre de poursuivre des personnes prsumes responsables dinfractions graves au DIH. La pratique des tats ne connat gnralement pas de procdure particulire pour la rpression des crimes au titre du droit international. La poursuite et la rpression de ces crimes suivent habituellement la procdure standard devant les tribunaux du pays, quils soient civils ou militaires, ou les deux.

    Entamer des poursuitesDes infractions graves au DIH peuvent tre commises par les membres des forces armes ou par dautres personnes, sur le territoire national ou ltranger, durant un conflit arm international ou non international. Les autorits qui souhaitent poursuivre une personne prsume responsable de tels crimes doivent examiner au pralable plusieurs points. Tout dabord, il sagit de dterminer si lacte prsum constitue un crime au sens du droit national et si les tribunaux nationaux sont comptents pour connatre de telles affaires. La question de la comptence du tribunal est particulirement importante pour les crimes commis hors du territoire national, pour lesquels une base spcifique de comptence, comprenant la comptence universelle, doit tre prvue par la lgislation.

    Il convient ensuite de dcider si des poursuites doivent tre entames. Llment principal prendre en compte pour une telle dcision devrait tre la qualit des preuves rcoltes. Lorsque la personne poursuivie appartient aux forces armes, il faut dcider si cest le droit militaire ou ordinaire qui est applicable et devant quel tribunal cette personne sera juge. Lindpendance de lorgane charg dentamer des poursuites revt une importance cruciale pour garantir un systme efficace de rpression des infractions graves au DIH. Dans certains pays par exemple, le fait dentamer des poursuites pnales pour de telles infractions est soumis lapprobation dune autorit excutive. Afin dviter une ventuelle inertie de la part du gouvernement, par exemple pour des raisons dopportunit politique, les critres permettant dengager une poursuite pnale et/ou les motifs permettant de la refuser devraient tre dfinis clairement dans la lgislation nationale. Enfin, il est important que les victimes de telles infractions puissent accder la justice de manire simple et directe.

    Choix du tribunal comptentLe droit international ne se prononce pas sur le choix du tribunal comptent. Si, au niveau national, la mise en place de tribunaux extraordinaires est en gnral contraire lexigence dun tribunal impartial et rgulirement constitu, lattribution de comptences des tribunaux civils ou militaires pour connatre des violations du DIH est laisse la discrtion de chaque tat. Il nest pas facile de dclarer a priori ou de manire gnrale quune solution est prfrable lautre. Cependant, en vue de rprimer les infractions graves au DIH (crimes de guerre), le lgislateur national devrait garder lesprit les points suivants : les crimes de guerre peuvent tre commis par des civils

    aussi bien que par des militaires ; leurs auteurs peuvent tre poursuivis en temps de paix

    comme en temps de guerre ; ces affaires peuvent entraner des enqutes ltranger

    ou le recours la coopration judiciaire internationale dans les cas o la comptence universelle est exerce ou lorsque le jugement est rendu contre les propres troupes de ltat envoyes ltranger.

    Les solutions choisies dpendront de la relation entre le droit commun et le droit militaire et entre les pouvoirs civil et militaire au sein de ltat.

    Rcolte et examen des preuvesLe jugement de crimes commis ltranger pose des problmes particuliers en ce qui concerne la rcolte des preuves et le droit de la dfense de les examiner. Il est important de se pencher sur ces questions et, si ncessaire, de prvoir des procdures adquates, telles que ladmission de tmoignages par vido ou lenvoi de commissions rogatoires ltranger, et de renforcer les accords de coopration judiciaire internationale.

    Afin dtablir la culpabilit de laccus dans des affaires de crimes de guerre, il faut dmontrer, entre autres, que lacte en question a t commis durant un conflit arm ou en lien avec un tel conflit. Cest pourquoi la lgislation nationale indique souvent quelle autorit est habilite qualifier une situation donne de conflit arm. En outre, les victimes devraient tre autorises participer de manire active la procdure. Au besoin, elles devraient galement bnficier dune protection, linstar des accuss et des tmoins. Cela serait justifi dans les cas o le ressentiment et le risque de vengeance sont levs. Enfin, dans la procdure pnale, il faut galement tenir compte de la ncessit de protger les secrets militaires ou la scurit nationale, mais la confidentialit ne doit pas tre invoque dans le seul but dviter une poursuite. Si ncessaire, la procdure peut se drouler huis clos.

    Procdure pnale

  • 3 : DIH ET DROIT PNAL NATIONAL

    31

    Plusieurs possibilits soffrent au lgislateur au moment de transposer les infractions graves au DIH dans la lgislation pnale nationale et de les soumettre au droit national.

    La premire possibilit consiste appliquer le droit pnal national militaire ou ordinaire existant. Cette mthode part de lide que le droit pnal national prvoit une rpression adquate des infractions graves au DIH et quil est donc inutile dintroduire de nouveaux crimes. Si lon part du principe que le droit international prime sur le droit national, la lgislation nationale doit tre interprte conformment aux dispositions du droit international qui lient ltat, et les ventuelles lacunes de la loi doivent tre combles.

    Avantage : les codes pnaux modernes prvoient la rpression

    dune srie de crimes diffrents, y compris des violations graves des droits de lhomme fondamentaux comme le droit la vie, la sant, lintgrit physique et mentale, la libert personnelle et la proprit.

    Inconvnients : les crimes dfinis par le droit pnal interne ne

    correspondent souvent que de manire approximative au comportement criminel qui caractrise les conflits arms ;

    les conditions et les procdures conformment auxquelles les criminels peuvent tre punis selon le droit pnal national ne correspondent pas toujours aux exigences du DIH ;

    les peines prvues par le droit existant ne sont pas forcment appropries la gravit des crimes en question.

    La deuxime possibilit consiste pnaliser les infractions graves au DIH au niveau national en faisant rfrence de manire gnrale aux dispositions pertinentes de DIH, au droit international dans son ensemble, ou aux rgles et coutumes de la guerre (droit coutumier), et dfinir une srie de peines.

    Avantages : cette solution est simple et conomique. Toutes les

    infractions au DIH sont punissables grce une simple rfrence aux instruments pertinents et, le cas chant, au droit coutumier ;

    aucune nouvelle lgislation nationale nest ncessaire lorsque des traits sont modifis ou que de nouvelles obligations se crent pour un tat qui devient partie un nouveau trait.

    Inconvnients : la pnalisation par le biais dune disposition gnrique

    peut savrer insuffisante au regard du principe de lgalit, en particulier parce que cette mthode ne permet pas de prononcer des peines diffrentes en fonction de la gravit de lacte, moins que cette dcision ne soit laisse au juge en application de critres stricts fixs par la loi ;

    cette mthode demande au juge du tribunal national de clarifier et dinterprter le droit la lumire des dispositions de droit international, ce qui donne celui-ci une marge de manuvre considrable. Le fait que les dfinitions des crimes de guerre contenues dans les instruments internationaux ne correspondent pas forcment exactement au libell quon trouve habituellement dans la lgislation interne ne facilite pas sa tche.

    La troisime possibilit consiste prvoir, dans le droit national, des crimes spcifiques correspondant ceux dfinis dans les traits internationaux. Cela peut tre fait de diffrentes manires, notamment : en reprenant dans le droit national la liste complte des

    crimes, avec un libell identique celui des traits, et en fixant les peines applicables chaque crime, de manire individuelle ou par catgorie de crimes ; ou

    en redfinissant ou en reformulant dans le droit national la description de chaque type de comportement constituant un crime.

    Avantages : lorsque ces crimes sont dfinis individuellement dans

    le droit pnal national, la violation dun trait est punissable mme si celui-ci na pas t ratifi par ltat engageant des poursuites ;

    sagissant de laccus, une pnalisation spcifique respecte davantage le principe de lgalit, puisquelle fixe de manire claire et prvisible les types de comportement considrs comme criminels, et donc punissables ;

    cette mthode facilite la tche des personnes charges de lapplication de la loi en les dchargeant en partie du travail souvent fastidieux de recherche et dinterprtation dans le domaine du droit international.

    Inconvnients : cette dfinition spcifique des crimes reprsente une

    tche norme pour le lgislateur, qui exige des efforts considrables de recherche et de rdaction. Elle peut entraner un rexamen approfondi de la lgislation pnale existante ;

    Comment intgrer les crimes internationaux dans le droit national

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

    32

    si la dfinition est trop dtaille et spcifique, elle peut manquer de la flexibilit ncessaire pour intgrer les modifications du droit international un stade ultrieur.

    Enfin, en choisissant la quatrime possibilit, les autorits nationales peuvent prfrer adopter une mthode mixte consistant combiner la pnalisation au moyen dune disposition gnrique et la dfinition prcise et spcifique de certains crimes. Dans ce cas, la disposition gnrique est rsiduelle en ce sens quelle concerne les actes qui ne sont pas spcifiquement pnaliss et passibles dune peine (conformment au principe lex specialis derogat lege generali). Cette combinaison dune pnalisation gnrale et spcifique peut galement tre complte par lapplication subsidiaire dautres dispositions de droit pnal ordinaire.

    Avantage : sous ses diffrentes formes possibles, cette mthode

    permet dhonorer pleinement et avec les nuances ncessaires les obligations dcoulant des traits en matire de rpression des violations du DIH.

    Inconvnient : avec cette mthode, le juge doit tre capable

    dinterprter simultanment les dispositions de droit international et national.

  • 3 : DIH ET DROIT PNAL NATIONAL

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    Les diffrentes mthodes exposes plus haut, en particulier les mthodes 2 4, prennent gnralement la forme suivante : une loi spciale indpendante, distincte des codes

    pnaux ; ou un ajout dans la lgislation pnale existante

    (habituellement le code pnal ordinaire ou le code pnal militaire, ou les deux).

    Le fait de combiner, dans un mme instrument lgislatif, les crimes et les principes gnraux du droit pnal, conformment aux exigences spcifiques du droit pnal international, facilite assurment le travail des praticiens du droit dans les tats dans lesquels une telle mthode peut tre utilise. Cependant, ladoption par un tat dune loi spciale indpendante du code pnal ne sinsre pas toujours facilement dans la structure du systme lgislatif pnal. Cela va en outre lencontre de la tendance, dans certains pays, regrouper au maximum les dispositions de droit pnal dans un seul instrument juridique.

    La solution consistant intgrer des infractions dans la lgislation existante, outre le fait quelle oblige le lgislateur dterminer la manire dont il va les intgrer (section ou chapitre spcifique, ajout aux crimes existants, etc.), pose un autre problme : il sagit de dcider si, en droit interne, les infractions punissables seront places dans le droit pnal ordinaire ou dans le droit pnal militaire. Les personnes responsables de violations du DIH pouvant tre soit des civils, soit des militaires, certains tats ont insr les dispositions pertinentes dans le droit pnal ordinaire et dans le droit pnal militaire, ou ont tendu la porte de lun de ces rgimes pour quil sapplique aux militaires et aux civils. Dans la mesure o les systmes lgislatifs pnaux et les relations entre les droits pnaux ordinaire et militaire varient normment dun pays lautre, il est difficile de prconiser de manire abstraite une variante plutt que lautre. Ce qui est important, cest de sassurer que la dcision nentrane pas une absence de juridiction in personam.

    Enfin, dans les pays tradition de common law, les infractions graves au DIH sont souvent rprimes par la lgislation principale qui transpose et met en uvre le trait dans le systme juridique national (par exemple dans une loi relative aux Conventions de Genve). Ce genre de loi dfinit en gnral la porte matrielle des crimes et la juridiction laquelle ils sont soumis.

    Formes de pnalisation

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

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    Le fait de fixer un dlai de prescription de laction juridique en cas dinfraction peut porter sur deux aspects de la procdure. Dune part, la prescription peut sappliquer la poursuite. Si un certain temps sest coul depuis la commission dune infraction, cela signifie quaucun procs ne peut plus tre intent, et quaucun verdict ne peut tre prononc. Dautre part, la prescription peut sappliquer uniquement lexcution de la peine elle-mme. Dans ce cas, le fait quun certain laps de temps se soit coul signifie que la peine ne peut pas tre excute. La rpression des infractions graves au DIH tant essentielle pour assurer le respect de ce domaine du droit, la question de la prescription de ces infractions doit tre souleve. Cela est particulirement important tant donn la gravit de certaines infractions, qualifies de crimes de guerre, qui vont lencontre des intrts de lensemble de la communaut internationale.

    La prescription dans les systmes nationaux de droit pnalLa plupart des systmes juridiques prvoient des dlais de prescription relativement courts pour les infractions mineures. Pour les crimes plus graves, les tats ont choisi deux autres formules. La premire, adopte par de nombreux pays de droit civil, fixe des dlais de prescription beaucoup plus longs que pour les infractions plus lgres. La seconde, qui concerne principalement les pays de common law, ne fixe aucune prescription pour la poursuite des crimes de guerre.

    Dlais de prescription en droit international des traitsLa plupart des instruments de DIH demeurent muets sur cette question. Le 26 novembre 1968, lAssemble gnrale des Nations Unies a adopt la Convention sur limprescriptibilit des crimes de guerre et des crimes contre lhumanit. Cette convention, entre en vigueur en 1970, sapplique la poursuite et lexcution des peines, et couvre les crimes de guerre en particulier les infractions graves aux Conventions de Genve et les crimes contre lhumanit, y compris lapartheid et le gnocide, commis en temps de paix et en temps de guerre. Elle a un effet rtroactif, dans la mesure o elle exige la suppression des dlais de prescription fixs auparavant dans des lois ou autres instruments, et elle sapplique aux crimes qui existent dj en vertu de telles dispositions.

    Dlais de prescription en droit international coutumierLa tendance rcente poursuivre les criminels de guerre prsums de manire plus vigoureuse devant les cours et les tribunaux pnaux nationaux et internationaux, ainsi que le corpus juridique croissant de rgles attribuant des comptences pour connatre des crimes de guerre sans dlai de prescription, ont transform les dispositions conventionnelles existantes interdisant la prescription pour les crimes de guerre en droit coutumier (voir la Rgle 160 DIHC). En outre, la prescription pourrait empcher les enqutes sur les crimes de guerre et la poursuite des suspects, ce qui constituerait une violation de lobligation de droit coutumier cet gard.

    Prescription

  • 3 : DIH ET DROIT PNAL NATIONAL

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    Des personnes peuvent tre dclares responsables pnalement non seulement pour avoir commis des crimes de guerre, mais aussi pour avoir tent de les commettre, pour avoir aid les commettre ou pour avoir facilit ou encourag leur commission. Elles peuvent galement tre tenues responsables davoir planifi la commission de crimes de guerre ou den avoir t les instigatrices. Les commandants et autres suprieurs peuvent tre considrs comme pnalement responsables des crimes commis en rponse leurs ordres.

    Le fait de ne pas agir peut galement constituer une violation. Dans des situations de conflit arm, les forces armes ou les groupes arms rpondent en gnral un commandement qui est responsable du comportement de ses subordonns. Afin que le systme rpressif soit efficace, il faut que les suprieurs hirarchiques encourent une responsabilit pnale individuelle lorsquils ne prennent pas les mesures adquates pour viter que leurs subordonns ne commettent des infractions graves au DIH. La question de la responsabilit du commandement sest pose avec acuit pendant la Deuxime Guerre mondiale. Si les Chartes des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo ne contenaient aucune rgle cet gard, les procs tenus aprs la guerre ont tabli des principes gnraux ayant trait la responsabilit du commandement. Ces principes sont actuellement reconnus comme faisant partie du droit international coutumier, applicable aux conflits arms internationaux et non internationaux (voir la Rgle 153 DIHC). Ils peuvent tre rsums ainsi : la responsabilit du commandement implique un

    suprieur, cest--dire une personne ayant lautorit effective sur un subordonn, qui peut tre civil ou militaire ;

    la relation entre le commandant et son subordonn peut exister de jure ou de facto, en mettant laccent sur la capacit matrielle dempcher et de punir la commission de crimes ;

    la responsabilit peut dcouler dune connaissance relle ou implicite : dans ce dernier cas, lorsque le suprieur avait des raisons de savoir ou tant donn les circonstances du moment, aurait d savoir que des crimes taient ou allaient tre commis, cela suffit pour que sa responsabilit soit engage ;

    le suprieur na pas pris toutes les mesures ncessaires et raisonnables qui taient en son pouvoir pour empcher le comportement criminel ou pour y mettre un terme. Cela inclut le manquement au devoir de sanctionner des subordonns qui commettent des crimes de guerre, qui dcoule dun manquement lobligation denquter sur les allgations de crimes de guerre ou au devoir de les dnoncer aux autorits suprieures.

    Sagissant du droit des traits, les Conventions de Genve ne se prononcent pas sur la question, contrairement lart. 86 al. 2 du Protocole additionnel I, qui stipule :

    Le fait quune infraction aux Conventions ou au prsent Protocole a t commise par un subordonn nexonre pas ses suprieurs de leur responsabilit pnale ou disciplinaire, selon le cas, sils savaient ou possdaient des informations leur permettant de conclure, dans les circonstances du moment, que ce subordonn commettait ou allait commettre une telle infraction, et sils nont pas pris toutes les mesures pratiquement possibles en leur pouvoir pour empcher ou rprimer cette infraction.

    En outre, lart. 87 du Protocole additionnel I nonce les devoirs et les obligations des commandants militaires par rapport leurs subordonns. Les suprieurs doivent empcher que leurs subordonns commettent des infractions graves et, au besoin, rprimer ces infractions et les dnoncer aux autorits comptentes. Cest uniquement sil manque ces devoirs quun commandant risque dtre dclar pnalement responsable de ne pas avoir agi.

    Formes de responsabilit pnale individuelle

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

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    Sur la base de deux rgles de droit coutumier applicables aux conflits arms internationaux et non internationaux, une responsabilit pour des crimes de guerre peut natre mme si ceux-ci ont t commis la suite dordres suprieurs. Ces rgles stipulent premirement que tout combattant a le devoir de dsobir un ordre manifestement illgal. Deuximement, le fait dobir un ordre suprieur nexonre pas le subordonn de sa responsabilit pnale sil savait ou aurait d savoir, tant donn la nature de lacte en question que lordre tait illgal (voir les Rgles 154 et 155 DIHC).

    Cette rgle tait formule dans les Chartes des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo ; plus rcemment, elle a t reprise dans les Statuts des tribunaux pnaux internationaux pour lex-Yougoslavie et pour le Rwanda, du tribunal spcial pour la Sierra Leone et de la Cour pnale internationale.

    Il convient de mentionner ici que le fait que des crimes de guerre aient rsult dordres suprieurs a t pris en compte comme facteur dattnuation de la peine. On peut citer cet gard la pratique de Nuremberg et de Tokyo, des tribunaux pnaux internationaux plus rcents, et de nombreux manuels militaires, de nombreuses lgislations nationales et dclarations officielles des tats.

    Ordres suprieurs

  • 3 : DIH ET DROIT PNAL NATIONAL

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    Selon la pratique actuelle des tats, dans les conflits arms internationaux et non internationaux, nul ne peut tre reconnu coupable ou condamn sil na pas t soumis un procs quitable offrant toutes les garanties judiciaires fondamentales. Le droit un procs quitable est ancr dans les quatre Conventions de Genve et dans les Protocoles additionnels I et II. Le fait de priver une personne protge dun procs rgulier et impartial constitue une infraction grave au sens des troisime et quatrime Conventions de Genve et du Protocole additionnel I. Larticle 3 commun aux quatre Conventions de Genve interdit de prononcer des condamnations ou deffectuer des excutions sans un jugement pralable, rendu par un tribunal rgulirement constitu. Si une partie au conflit prive une personne du droit un procs quitable, elle commet un crime de guerre en vertu des Statuts de la Cour pnale internationale, des Tribunaux pnaux internationaux pour lex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spcial pour la Sierra Leone.

    Nombre de ces garanties judiciaires sont dj prvues dans le droit interne des tats parties aux Conventions de Genve, et sont trs semblables aux droits ancrs dans les instruments internationaux relatifs aux droits de lhomme, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 14). Il convient de signaler quil ne peut pas tre drog aux droits noncs lart. 75 al. 4 du Protocole additionnel I, comme cest pourtant le cas de certaines garanties dcoulant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

    Les tats doivent veiller ce que les garanties judiciaires nonces dans les instruments auxquels ils sont parties soient intgres dans leur lgislation interne, dans des instruments tels que leur code de procdure pnale et leurs rgles sur la preuve, dans la lgislation indpendante relative aux personnes protges au titre des Conventions de Genve et de leurs Protocoles, et dans leur constitution.

    Voici un aperu des principales garanties judiciaires prvues par les Conventions de Genve (surtout la troisime et la quatrime), leurs Protocoles additionnels et le Statut de la Cour pnale internationale. Il est galement fait rfrence aux rgles pertinentes de ltude du CICR sur le droit international humanitaire coutumier (DIHC) : le principe de la responsabilit pnale individuelle

    (art. 75.4 (b), P I ; art. 6.2 (b), P II ; art. 25.2, CPI ; Rgle 102, DIHC) ;

    le principe nullum crimen et nulla poena sine lege (pas de crime sans loi, pas de peine sans loi) (art. 99.1, CG III ; art. 75.4 (c), P I ; art. 6.2 (c), P II ; art. 22-23, CPI ; Rgle 101, DIHC) ;

    le principe non bis in idem (autorit de la chose juge) (art. 86, CG III ; art. 117.3, CG IV ; art. 75.4 (h), P I ; art. 6.2 (a), P II ; art. 20, ICC ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit de laccus dtre jug sans dlai par un tribunal indpendant, impartial et rgulirement constitu (art. 84.2, CG III ; art. 75.4, P I ; art. 6.2, P II ; art. 67.1, CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit de laccus dtre inform de la nature et de la cause de laccusation (art. 104.2, CG III ; art. 71.2, CG IV ; art. 75.4 (a), P I ; art. 6.2 (a), P II ; art. 67.1 (a), CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    les droits et moyens de dfense, par exemple le droit de se dfendre ou dtre assist dun avocat qualifi librement choisi (art. 99 et 105, CG III ; art. 72 et 74, CG IV ; art. 75.4 (a) et (g), P I ; art. 6.2 (a), P II ; art. 67.1 (d), CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit une assistance juridique gratuite lorsque les intrts de la justice lexigent (art. 105.2, CG III ; art. 72.2, CG IV ; art. 67.1 (d), CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit de laccus de communiquer librement avec son dfenseur (art. 105.3, CG III ; art. 72.1, CG IV ; art. 67.1 (b), CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit un dlai et des facilits suffisants pour prparer sa dfense (art. 105.3, CG III ; art. 72.1, CG IV ; art. 67.1 (b), CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit de laccus dinterroger des tmoins et de faire entendre des tmoins (art. 96.3 et 105.1, CG III ; art. 72.1, CG IV ; art. 75.4 (g), P I ; art. 67.1 (e), CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    la prsomption dinnocence (art. 75.4 (d), P I ; art. 6.2 (d), P II ; art. 66, ICC ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit de laccus dtre prsent son procs (art. 75.4 (e), P I ; art. 6.2 (e), P II ; art. 67.1 (d), CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit de laccus de ne pas tmoigner contre lui-mme ni savouer coupable (art. 75.4 (f), P I ; art. 6.2 (e), P II ; art. 67.1 (g), CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit de laccus ce que son jugement soit rendu publiquement (art. 75.4 (i), P I ; art. 74.5 et 76.4, CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit de laccus dtre inform de ses droits de recours (art. 106, CG III ; art. 73, CG IV ; art. 75.4 (j), P I ; art. 6.3, P II ; une partie de la Rgle 100, DIHC) ;

    le droit de laccus dtre assist par un interprte, si besoin est (art. 96.4 et 105.1, CG III ; art. 72.3 et 123.2, CG IV ; art. 67.1 (f), CPI ; une partie de la Rgle 100, DIHC).

    Garanties judiciaires

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

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    GnralitsUn tat peut exercer sa comptence sur son propre territoire. Cette comptence inclut le pouvoir de faire la loi (comptence lgislative), le pouvoir dinterprter ou dappliquer la loi (comptence judiciaire) et le pouvoir de prendre des mesures pour faire respecter la loi (comptence dexcution). Cependant, si la comptence dexcution est en gnral limite au territoire national, le droit international admet que dans certaines circonstances, un tat puisse lgifrer ou statuer sur des faits se produisant hors de son territoire (comptence extraterritoriale).

    En ce qui concerne le droit pnal, une srie de principes sont considrs comme le fondement de cette comptence extraterritoriale. Ils incluent la comptence pour des actes : commis par des personnes ayant la nationalit de ltat

    du for (principe de la nationalit ou de la personnalit active) ;

    commis contre des citoyens de ltat du for (principe de la personnalit passive) ; ou

    mettant en jeu la scurit de ltat (principe de protection).

    Ces principes, qui rencontrent un soutien plus ou moins fort dans la pratique et lopinion gnrale, exigent tous un lien entre lacte commis et ltat revendiquant sa comptence. En revanche, le principe de luniversalit, qui permet galement de fonder une comptence extraterritoriale, ne requiert pas la prsence dun tel lien.

    Comptence universelleLa comptence universelle dsigne la comptence pour connatre des infractions indpendamment de lendroit o celles-ci ont t commises ou de la nationalit de leur auteur ou de leur victime. Le droit dexercer une telle comptence pour les crimes de guerre commis pendant des conflits arms internationaux et non internationaux est reconnu comme une rgle de droit international humanitaire coutumier (Rgle 157, DIHC). Luniversalit sapplique galement une srie dinfractions, habituellement les crimes internationaux fondamentaux, dont la rpression par tous les tats est justifie ou ncessaire pour des raisons de politique publique internationale.

    Une srie de traits obligent les tats parties prvoir la comptence universelle pour certains crimes, y compris lorsque ceux-ci sont perptrs durant un conflit arm. Parmi ces crimes, le rgime des infractions graves prvu par les Conventions de Genve et le Protocole additionnel I sera examin sparment dans la prochaine section. On peut citer dautres instruments universels, comme la Convention contre la torture, la Convention sur la scurit du personnel des Nations Unies et du personnel associ, le

    deuxime Protocole relatif la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit arm et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forces.

    La comptence universelle peut tre exerce soit par le biais de ladoption dune loi nationale (comptence lgislative universelle), soit par lenqute sur des crimes prsums et le jugement de leurs auteurs (comptence judiciaire universelle). La premire se retrouve plus souvent dans la pratique des tats et est gnralement la base ncessaire une enqute et un procs. Un tribunal peut cependant, du moins en principe, fonder directement sa comptence sur le droit international et exercer une comptence judiciaire universelle sans se rfrer la lgislation nationale.

    Les tats ont adopt une srie de mthodes pour ancrer la comptence universelle dans leur droit national. cet gard, les dispositions constitutionnelles sont dune importance cruciale pour dterminer le statut du droit coutumier ou conventionnel dans le systme juridique interne. Les tribunaux peuvent se fonder directement sur ces dispositions ou sur le droit international pour exercer leur comptence universelle lorsque cela est permis ou ncessaire. Cependant, comme les dispositions pertinentes de droit international ne sont pas toutes dapplication directe (non self-executing), il est prfrable que les bases de comptence qui sappliquent aux crimes de guerre soient prvues expressment en droit interne.

    Un certain nombre dtats systme de droit civil (fond sur un code) prvoient la comptence universelle dans leur code pnal ordinaire et/ou militaire. Ce code peut dfinir le champ dapplication matriel et juridictionnel de linfraction dans le mme chapitre. Il est cependant plus frquent que les dispositions sur la comptence universelle se trouvent dans la section gnrale du code et fassent rfrence des infractions concrtes dfinies ailleurs dans le mme instrument. La comptence universelle peut galement tre ancre dans une loi de procdure pnale ou dans une loi sur lorganisation des tribunaux. Certains tats ont attribu leurs tribunaux une comptence universelle par rapport certaines infractions par le biais dune loi spciale indpendante.

    Dans les pays qui ne se fondent pas sur des codes en gnral les pays systme de common law , la pratique habituelle consiste prvoir la comptence universelle dans la lgislation primaire, qui dfinit la fois le champ dapplication matriel et juridictionnel de linfraction.

    Fondement de la comptence

  • 3 : DIH ET DROIT PNAL NATIONAL

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    Quelle que soit la mthode utilise, la question la plus importante examiner est celle de savoir si la comptence universelle requiert un lien particulier avec ltat du for. En gnral, on comprend par l que laccus doit se trouver sur le territoire avant que la poursuite ne soit entame.

    En intgrant la comptence universelle dans le droit national, il faut en outre tenir compte des points suivants : afin dviter limpunit, tous les crimes de guerre,

    quils soient commis dans le cadre dun conflit arm international ou non international, doivent tre soumis la comptence universelle ;

    il est important dindiquer clairement que la comptence stend toutes les personnes responsables directement ou indirectement de la commission des crimes en question, indpendamment de leur nationalit et du fait que le crime ait t commis sur le territoire de ltat ou ltranger ;

    les critres relatifs louverture dune procdure pnale ou au refus den entamer une doivent tre fixs de manire claire et prcise ;

    comme les comptences de plusieurs tats peuvent tre concurrentes, lexercice de sa comptence par un tat peut tre soumis certaines conditions, telles que le respect du principe non bis in idem, la prise en compte de peines dj prononces ltranger et lexercice pralable de la comptence par un autre tat ou par un tribunal international.

    Cependant, la condition de la double responsabilit pnale, selon laquelle le crime poursuivi doit tre considr comme un crime galement lendroit o il a t commis, est incompatible avec les exigences du DIH.

    Enfin, la poursuite et le jugement de crimes commis ltranger posent des problmes particuliers en ce qui concerne la rcolte des preuves, le respect des droits de laccus et la protection des tmoins et des victimes. Des procdures adquates de poursuite et de jugement au titre de la comptence universelle doivent rpondre ces problmes au moyen de dispositions appropries visant faciliter les enqutes et la rcolte et lvaluation des preuves. cet gard, des accords de coopration judiciaire internationale sont essentiels et peuvent devoir tre renforcs dans certains cas.

    Infractions graves au DIHLes infractions graves sont des violations particulirement srieuses du DIH numres dans les quatre Conventions de Genve de 1949 et le Protocole additionnel I, qui impliquent une responsabilit pnale individuelle et qui entranent la comptence universelle. Une liste complte des infractions graves se trouve la page suivante.

    Plus prcisment, selon les dispositions pertinentes des Conventions de Genve et du Protocole additionnel I, les tats ont lobligation de rechercher les personnes suspectes davoir commis des infractions graves indpendamment de leur nationalit , et soit de les traduire en justice devant leurs propres tribunaux, soit de les remettre un autre tat partie pour quil les juge (principe aut dedere aut judicare). Si les Conventions ne dclarent pas expressment que la comptence doit tre revendique indpendamment du lieu o linfraction a t commise, elles ont t interprtes de manire gnrale comme instaurant une comptence universelle. ce titre, elles figurent parmi les premiers exemples de comptence universelle en droit des traits. En outre, elles prvoient une comptence universelle obligatoire, puisquelles obligent les tats juger les personnes prsumes avoir commis des infractions graves ou entamer les procdures ncessaires lextradition de ces personnes. Les tats peuvent commencer une enqute ou une procdure mme lencontre de personnes se trouvant hors de leur territoire. Lorsque lextradition vers un autre tat nest pas possible, les tats doivent nanmoins disposer dune lgislation pnale leur permettant de juger les auteurs prsums dinfractions, indpendamment de leur nationalit et du lieu de commission des infractions.

    Plus prcisment, le DIH demande aux tats de prendre les mesures suivantes en matire dinfractions graves.

    Premirement, les tats doivent adopter une lgislation nationale qui interdit et rprime les infractions graves soit en crant une loi distincte, soit en modifiant des lois existantes. Cette lgislation doit sappliquer toutes les personnes indpendamment de leur nationalit qui commettent des infractions graves ou qui ordonnent que de telles infractions soient commises, y compris les cas o les infractions consistent ne pas agir malgr une obligation juridique de le faire. Elle doit sappliquer aux actes commis sur le territoire de ltat et ltranger.

    Deuximement, les tats doivent rechercher et poursuivre les personnes prsumes coupables dinfractions graves. Ils doivent poursuivre ces personnes ou les extrader vers un autre tat pour quelles y soient juges.

    Troisimement, les tats doivent demander leurs com- mandants militaires de prvenir et rprimer les infractions graves, et de prendre des mesures contre les personnes se trouvant sous leur contrle qui commettent de telles infractions.

    Quatrimement, les tats doivent se prter assistance en ce qui concerne les procdures pnales lies des infractions graves.

  • LA MISE EN UVRE NATIONALE DU DIH

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    INFRACTIONS GRAVES NONCES DANS LES CONVENTIONS DE GENVE DE 1949 ET LE PROTOCOLE ADDITIONNEL I DE 1977

    Infractions graves nonces dans les quatre Conventions de Genve de 1949 (art. 50, 51, 130 et 147, respectivement)

    Infractions graves nonces dans les troisime et quatrime Conventions de Genve de 1949 (art. 130 et 147, respectivement)

    Infractions graves nonces dans la quatrime Convention de Genve de 1949 (art. 147)

    - homicide intentionnel

    - torture ou traitement inhumain

    - expriences biologiques

    - fait de causer intentionnellement de grandes souffrances

    - fait de porter des atteintes graves lintgrit physique ou la sant

    - destruction et appropriation de biens, non justifies par des ncessits militaires et excutes sur une grande chelle de faon illicite et arbitraire

    (cette dernire disposition ne se trouve pas lart. 130 de la troisime Convention)

    fait de contraindre un prisonnier de guerre ou un civil protg servir dans les forces armes de la Puissance ennemie

    fait de priver un prisonnier de guerre ou une personne protge de son droit dtre jug rgulirement et impartialement selon les prescriptions des Conventions

    - dportation ou transfert illgaux

    - dtention illgale dune personne protge

    - prise dotages

    INFRACTIONS GRAVES NONCES DANS LE PROTOCOLE ADDITIONNEL I DE 1977 (ART. 11 ET 85)

    - fait de compromettre gravement, par un acte ou une omission intentionnel et injustifi, la sant ou lintgrit physique ou mentale des personnes au pouvoir de la Partie adverse ou internes, dtenues ou dune autre manire prives de libert en raison dun conflit arm, en particulier les mutilations physiques, les expriences mdicales ou scientifiques, les prlvements de tissus ou dorganes pour des transplantations qui ne seraient pas motivs par ltat de sant de la personne concerne et qui ne seraient pas conformes aux normes mdicales gnralement reconnues que la Partie responsable de lacte appliquerait dans des circonstances mdicales analogues ses propres ressortissants jouissant de leur libert ;

    Lorsquils sont commis intentionnellement et quils entranent la mort ou causent des atteintes graves lintgrit physique ou la sant :

    - soumettre la population civile ou des personnes civiles une attaque ;

    - lancer une attaque sans discrimination atteignant la population civile ou des biens de caractre civil, en sachant que cette attaque causera des pertes en vies humaines, des blessures aux personnes civiles ou des dommages aux biens de caractre civil, qui sont excessifs ;

    - lancer une attaque contre des ouvrages ou installations contenant des forces dangereuses, en sachant que cette attaque causera des pertes en vies humaines, des blessures aux personnes civiles ou des dommages aux biens de caractre civil, qui sont excessifs ;

    - soumettre une attaque des localits non dfendues et des zones dmilitarises ;

    - soumettre une personne une attaque en la sachant hors de combat ;

    - utiliser perfidement le signe distinctif de la croix rouge, du croissant rouge ou dautres signes protecteurs ;

    Lorsquils sont commis intentionnellement et en violation des Conventions et du Protocole :

    - le transfert par la Puissance occupante dune partie de sa population civile dans le territoire quelle occupe, ou la dportation ou le transfert lintrieur ou hors du territoire occup de la totalit ou dune partie de la population de ce territoire ;

    - tout retard injustifi dans le rapatriement des prisonniers de guerre ou des civils ;

    - les pratiques de lapartheid et les autres pratiques inhumaines et dgradantes, fondes sur la discrimination raciale, qui donnent lieu des outrages la dignit personnelle ;

    - le fait de diriger des attaques contre les monuments historiques, les uvres dart ou les lieux de culte clairement reconnus qui constituent le patrimoine cult