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REVUE La tomographie par émission de positons : le nouvel outil de l’imagerie fonctionnelle. Quel intérêt en rhumatologie ? Catherine Le Rest, Yves Bizais Service de médecine nucléaire, CHU de la Cavale Blanche, 29609 Brest cedex, France FDG / rhumatologie / tomographie par émission de positons bone / FDG / positron emission tomography Dans le domaine de l’imagerie fonctionnelle, actuelle- ment en pleine mutation, la tomographie par émission de positons (TEP, PET pour les anglophones) est cer- tainement, parmi les voies émergentes, celle qui paraît la plus prometteuse. Cette technologie d’imagerie fonctionnelle n’était encore récemment utilisée qu’à des fins de recherche et elle ne fait toujours pas partie des examens de routine pratiqués dans les services de médecine nucléaire. Elle nécessite en effet un appareillage encore insuffisamment répandu en France. Mais l’exploitation de son immense potentiel devrait rapidement changer cette situation. L’énorme pouvoir diagnostique de la méthode devrait même en faire prochainement une étape clé incontour- nable en cancérologie mais également en neuropsychia- trie et sans doute en cardiologie. Pour l’utilisateur il y aura toutefois une nette diffé- rence entre les examens conventionnels d’imagerie iso- topique et la TEP, tenant d’une part à la nature des radiotraceurs utilisés et d’autre part à la technique d’acquisition des données et à la façon de reconstruire les images. QU’EST CE QUE LA TOMOGRAPHIE PAR ÉMISSION DE POSITONS (TEP) ? Principe et méthode Le principe de la médecine nucléaire est l’imagerie de radiotraceurs. Ceux-ci sont la combinaison de deux éléments. Le premier est un vecteur, choisi en fonction de son affinité pour un organe à étudier (ou une fonc- tion métabolique) et le second est un isotope radioactif qui permet de localiser le vecteur et de réaliser une image de la répartition spatiale et/ou temporelle de celui-ci. Dans le cas de la TEP, les isotopes utilisés se désintègrent en émettant des positons, particules qui se comportent comme des électrons mais qui ont une charge positive. Ce sont les rayonnements émis par l’annihilation de ces particules qui sont à la base des images en TEP (figure 1). L’énergie de ces rayonne- ments est plus élevée que celle des isotopes couramment utilisés en médecine nucléaire, et nécessite un appa- reillage de détection adapté. Les radioéléments utilisés en TEP sont des isotopes des éléments les plus répandus dans les organismes vivants. Il s’agit de l’oxygène 15, de l’azote 13, du carbone 11 et du fluor 18. Les émetteurs de positons sont produits dans un cyclotron et la majorité d’entre eux ont une demi-vie courte (temps au bout duquel la radioactivité est diminuée de moitié : 20 minutes pour le carbone 11 et 110 minutes pour le fluor 18). Ces isotopes peuvent être utilisés seuls ; ils sont alors à la fois traceurs et vecteurs. Ils peuvent aussi être utilisés pour marquer un grand nombre de composés biologiques, et les radiopharmaceutiques ainsi obtenus permettent alors d’étudier la quasi totalité des processus physiopathologiques. Rev Rhum [E ´ d Fr] 2000 ; 67 : 707-13 Positron emission tomography. How useful is this new functionnal imaging tool in rheumatology? – Joint Bone Spine 2000 ; 67 (in press) © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833000000314/REV

La tomographie par émission de positons :le nouvel outil de l’imagerie fonctionnelle.Quel intérêt en rhumatologie ?

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REVUE

La tomographie par émission de positons :le nouvel outil de l’imagerie fonctionnelle.Quel intérêt en rhumatologie ?

Catherine Le Rest, Yves BizaisService de médecine nucléaire, CHU de la Cavale Blanche, 29609 Brest cedex, France

FDG / rhumatologie / tomographie par émission de positons

bone / FDG / positron emission tomography

Dans le domaine de l’imagerie fonctionnelle, actuelle-ment en pleine mutation, la tomographie par émissionde positons (TEP, PET pour les anglophones) est cer-tainement, parmi les voies émergentes, celle qui paraîtla plus prometteuse.

Cette technologie d’imagerie fonctionnelle n’étaitencore récemment utilisée qu’à des fins de recherche etelle ne fait toujours pas partie des examens de routinepratiqués dans les services de médecine nucléaire. Ellenécessite en effet un appareillage encore insuffisammentrépandu en France. Mais l’exploitation de son immensepotentiel devrait rapidement changer cette situation.L’énorme pouvoir diagnostique de la méthode devraitmême en faire prochainement une étape clé incontour-nable en cancérologie mais également en neuropsychia-trie et sans doute en cardiologie.

Pour l’utilisateur il y aura toutefois une nette diffé-rence entre les examens conventionnels d’imagerie iso-topique et la TEP, tenant d’une part à la nature desradiotraceurs utilisés et d’autre part à la techniqued’acquisition des données et à la façon de reconstruireles images.

QU’EST CE QUE LA TOMOGRAPHIE PAR ÉMISSIONDE POSITONS (TEP) ?

Principe et méthode

Le principe de la médecine nucléaire est l’imagerie deradiotraceurs. Ceux-ci sont la combinaison de deux

éléments. Le premier est un vecteur, choisi en fonctionde son affinité pour un organe à étudier (ou une fonc-tion métabolique) et le second est un isotope radioactifqui permet de localiser le vecteur et de réaliser uneimage de la répartition spatiale et/ou temporelle decelui-ci. Dans le cas de la TEP, les isotopes utilisés sedésintègrent en émettant des positons, particules qui secomportent comme des électrons mais qui ont unecharge positive. Ce sont les rayonnements émis parl’annihilation de ces particules qui sont à la base desimages en TEP (figure 1). L’énergie de ces rayonne-ments est plus élevée que celle des isotopes courammentutilisés en médecine nucléaire, et nécessite un appa-reillage de détection adapté.

Les radioéléments utilisés en TEP sont des isotopesdes éléments les plus répandus dans les organismesvivants. Il s’agit de l’oxygène 15, de l’azote 13, ducarbone 11 et du fluor 18. Les émetteurs de positonssont produits dans un cyclotron et la majorité d’entreeux ont une demi-vie courte (temps au bout duquel laradioactivité est diminuée de moitié : 20 minutes pourle carbone 11 et 110 minutes pour le fluor 18).

Ces isotopes peuvent être utilisés seuls ; ils sont alorsà la fois traceurs et vecteurs. Ils peuvent aussi êtreutilisés pour marquer un grand nombre de composésbiologiques, et les radiopharmaceutiques ainsi obtenuspermettent alors d’étudier la quasi totalité des processusphysiopathologiques.

Rev Rhum [Ed Fr] 2000 ; 67 : 707-13Positron emission tomography. How useful is this new functionnal imaging tool in rheumatology?– Joint Bone Spine 2000 ; 67 (in press)© 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1169833000000314/REV

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La détection des émetteurs de positons nécessite unappareillage spécifique. Il existe en fait deux grandesfamilles de machines sur le marché. Les plus performan-tes, mais également les plus coûteuses, sont des camérasdédiées. L’autre alternative consiste à utiliser des gam-macaméras classiques et de les modifier afin de pouvoirdétecter les photons d’annihilation des positons. Cesdernières sont moins sensibles que les premières maisleur moindre coût et leur multifonctionnalité (ellespermettent à la fois la détection des radio-isotopesclassiques et celle des positons) devraient largementcontribuer à la diffusion de la technologie TEP.

Les émetteurs de positons en rhumatologie

Le chef de file des radiopharmaceutiques émetteurs depositons est le F18-2-fluorodéoxyglucose (18FDG). Ilrésulte du marquage du fluorodéoxyglucose par unatome de fluor 18, émetteur de positons. Après injec-tion, le 18FDG est capable de pénétrer dans les cellulesen suivant les mêmes voies que son analogue physiolo-gique. Il est alors phosphorylé. Ensuite, contrairementà son analogue, le 18FDG ne poursuit pas la voie

métabolique du glucose, mais il s’accumule dans lacellule où il peut être détecté (figure 2).

L’utilisation clinique du 18FDG repose sur le fait queles tissus normaux, les tumeurs bénignes et les tumeursmalignes ne métabolisent pas le FDG avec la mêmeintensité. En 1930, Warburg a été le premier à émettrel’hypothèse que le taux de glycolyse anaérobie est lié audegré de dédifférenciation des cellules cancéreuses etqu’il dépend du grade de la tumeur considérée [1]. Enfait, il a depuis été démontré que les cellules cancéreusesexpriment un plus grand nombre de transporteurs mem-branaires du glucose que les cellules normales et quel’activité des phosphatases intracellulaires est accentuéedans les cellules tumorales [2, 3]. Ces deux mécanismesentraînent une accumulation du FDG dans les cellulescancéreuses et donc une accumulation intracellulairedu 18FDG qui va être détectée en TEP. Le taux defixation du 18FDG mesuré dans les tissus, est le reflet del’activité métabolique intracellulaire.

Le grand domaine d’application du 18FDG est lacancérologie, toutes tumeurs confondues. Ce traceur apu ainsi être proposé en particulier pour caractériser etétudier les tumeurs des os et des tissus mous.

Parmi les traceurs émetteurs de positons utilisables enrhumatologie, il faut également mentionner le fluor 18,utilisé seul. Cet isotope se comporte sur le plan biolo-gique comme le fluor non radioactif. Après avoir étéinjecté, il est rapidement incorporé à l’os sous forme defluoroapatite. Cette molécule obtenue par échange dufluor 18 contre un ion hydroxy de l’hydroxyapatite, estradioactive et émet des positons. Elle peut donc êtredétectée par une caméra adaptée.

INDICATIONS DE LA TEP EN RHUMATOLOGIE

Le 18FDG étant un marqueur de l’activité métaboliquedes tissus, il apporte des renseignements fonctionnelsessentiels en cancérologie. Son intérêt a été démontré àtous les stades de la prise en charge de la maladiecancéreuse [4, 5]. Les indications de la TEP au 18FDGsont multiples mais leur pertinence doit être moduléeen fonction de chaque pathologie.

Les indications cancérologiques générales actuelle-ment proposées sont les suivantes :– caractérisation d’une masse tumorale : bénigne oumaligne,– détermination du grade d’une tumeur,– définition d’un site approprié pour une biopsiecontributive,

Figure 1. Principe de la tomographie par émission de positons au18FDG. Le 18-fluorodeoxyglucose administré au patient par voieintraveineuse, s’accumule dans les tissus proportionnellement à leuractivité métabolique. Le fluor 18 qui est la composante radioactive dutraceur se désintègre en émettant un positon (électron positif). Cha-que positon émis disparaît ensuite rapidement en s’annihilant avec unélectron du patient. Cette réaction donne naissance à deux photonsde 511 keV émis simultanément dans des directions opposées à180°. La distribution du 18FDG est déterminée en combinant ladétection en coïncidence des photons d’annihilation et les principesde la tomographie d’émission.

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– bilan initial d’extension locorégionale et à distance,quelle que soit la nature des lésions,– suivi d’une réponse thérapeutique (postchimiothéra-pie ou postradiothérapie),– détection de récurrence,– bilan d’extension en cas de rechute,– identification d’un cancer primitif inconnu (carci-nome d’origine inconnue, élévation de marqueurs nonspécifiques, localisations secondaires isolées).

Les tumeurs musculosquelettiques sont parmi les pre-mières tumeurs non cérébrales à avoir été étudiées enTEP et toutes les indications précédemment citées sontapplicables aux pathologies tumorales rencontrées enrhumatologie [6, 7].

TEP et diagnostic positif en rhumatologie

Évaluation d’une masse tumoraleMalgré les avancées importantes réalisées dans ledomaine de l’imagerie morphologique (nouvelles géné-rations de scanner et imagerie par résonance magnéti-

que nucléaire), l’évaluation des tumeurs osseuses et desmasses des tissus mous reste parfois difficile. Dans lessituations les plus simples, les tumeurs malignes seprésentent avec des caractéristiques qui permettent rai-sonnablement de prévoir le diagnostic histologiquefinal. Ces critères diagnostiques ne sont toutefois paspathognomoniques et ne sont pas toujours présents. Lasolution la plus simple semble alors de procéder à unebiopsie de la lésion suspecte. Dans le cadre des tumeursmusculosquelettiques il est toutefois préférable de limi-ter ce type de geste diagnostique en raison du risquenon négligeable de dissémination de cellules tumorales,d’hémorragie, ou d’infection [8, 9]. Si un test diagnos-tique non invasif tel que la TEP est capable de docu-menter a priori le diagnostic étiologique, la biopsiepréalable devient alors inutile avant la réalisation de labiopsie exérèse et une éventuelle complication de laponction biopsie peut ainsi être écartée.

Il a été démontré que l’intensité de la glycolyse intra-cellulaire (et donc l’intensité de la fixation du 18FDG)

Figure 2. Voies métaboliques du glucose et du fluorodeoxyglucose (FDG). Le FDG est transporté comme le glucose. Il entre dans la cellule enutilisant les mêmes transporteurs membranaires et il est ensuite phosphorylé en 6 par une hexokinase. Contrairement au glucose - 6 - phosphate,la molécule phosphorylée de FDG ne peut pas ressortir de la cellule et ne peut pas non plus subir les étapes suivantes de la glycolyse. De ce faitle FDG-6-phosphate est piégé dans la cellule proportionnellement à son transport membranaire et à l’activité de l’hexokinase.

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est corrélée au grade histologique des tumeurs [3, 10].Celle-ci est plus importante en cas de tumeur malignequ’en cas de tumeur bénigne. Il est donc séduisantd’avoir recours à la scintigraphie au 18FDG dans lecadre du diagnostic étiologique des masses tumorales.Ceci paraît notamment intéressant lorsqu’il est néces-saire d’étayer un faisceau peu convaincant de présomp-tions cliniques et morphologiques en faveur du caractèrebénin ou malin de la masse tumorale. La TEP au18FDG permet de différencier précocement et de façonpertinente deux situations ayant des implications pro-nostiques très différentes (cancer à traiter ou lésionbénigne à surveiller). Lodge et al. ont démontré sur unesérie de 29 patients que la sensibilité et la spécificité dela scintigraphie au 18FDG dans le diagnostic différen-tiel entre tumeurs osseuses de haut grade et lésionbénignes étaient respectivement de 100 % et 76 %[11]. Aoki et al. rapportent également des résultatspréliminaires encourageants en ce qui concerne l’utili-sation de la TEP au 18FDG pour le diagnostic différen-tiel des chondrosarcomes [12].

Détermination du grade d’une tumeurDans le cadre des sarcomes, les critères qui guident laprise en charge thérapeutique sont la taille, le site, et legrade de la tumeur. Les deux premiers paramètres peu-vent être déterminés de façon fiable par des techniquesd’imagerie morphologique telles que l’IRM. En revan-che, ce type d’examen ne permet pas de faire la distinc-tion entre une tumeur bénigne et un sarcome de hautgrade. Le plus souvent cette information n’est obtenuequ’à partir de l’analyse histopathologique d’une pièced’exérèse, l’indication du geste opératoire étant portéesur un faisceau de présomptions cliniques et morpho-logiques en faveur d’une tumeur maligne.

Les données de la littérature montrent que grâce à laTEP au 18FDG il est possible de préciser le grade destumeurs avant même de disposer des résultats histopa-thologiques. Cette donnée devrait permettre d’adapterau plus tôt la prise en charge thérapeutique des patients.

Les premières observations cliniques démontrantl’existence d’une relation entre le taux de fixation du18FDG et le grade d’une tumeur ont été rapportéespour les gliomes [13]. Une relation similaire entre letaux de fixation du 18FDG et le grade des tumeursmusculosquelettiques a été rapportée initialement dansdeux études préliminaires portant sur un nombre réduitde patients [14, 15]. Ces données ont été confirmées surdes séries de patients plus importantes [16, 17].

L’intérêt de la scintigraphie au 18FDG tient égale-ment (dans ce cadre) à sa grande valeur prédictivenégative (83 %) quand il s’agit de préciser le caractèreprogressif ou non des sarcomes des tissus mous, alorsque celle du scanner n’est que de 55 % [18].

Choix d’un site de biopsieLorsque le diagnostic positif reste incertain, il est néces-saire d’envisager une biopsie à visée diagnostique. Lessarcomes des tissus mous peuvent être des lésions degrande taille. Elles sont alors le plus souvent très hété-rogènes et la partie de la tumeur ayant le plus haut gradepeut être manquée par une biopsie qui porte nécessai-rement sur une région de taille réduite. Une biopsie nonguidée par des données fonctionnelles telles que cellesapportées par la scintigraphie au 18FDG, peut conduireà des erreurs diagnostiques, à des erreurs d’appréciationdu grade tumoral et conduire ainsi à une prise en chargesuboptimale. Griffeth et al. suggèrent d’avoir recours àla TEP au 18FDG pour définir le site de la biopsie [17].Il ont en effet montré que cet examen permet de déter-miner la région tumorale ayant la fixation la plus intenseet donc l’activité métabolique la plus forte. La biopsiedoit porter sur cette zone pour conduire au diagnostic leplus juste.

Transformation sarcomateuse des lésions pagétiquesLes lésions spécifiques de la maladie de Paget et desneurofibromatoses n’accumulent pas ou peu le 18FDGsi bien que la TEP au 18FDG ne présente aucun intérêtau stade du diagnostic positif ou du bilan d’extension.Par contre, lorsque ces lésions sont le siège d’une trans-formation sarcomateuse, leur activité métaboliques’accroît et elles accumulent le 18FDG. La TEP est alorstrès performante et permet de discriminer aisémententre des lésions sarcomateuses qui fixent le 18FDG etdes lésions pagétiques qui ne le fixent pas. La scintigra-phie au 18FDG est alors supérieure à la scintigraphieosseuse conventionnelle qui ne permet pas de faire cettedistinction, la fixation des phosphonates marqués étantsimilaire au niveau des lésions spécifiques et des dégé-nérescences sarcomateuses.

Identification d’un cancer primitif inconnuLa présence d’une lésion secondaire dont le primitif estinconnu est une situation très difficile à gérer pour leclinicien et le patient. La majorité des cancers qui seprésentent sous la forme de métastases initiales sont desadénocarcinomes. La connaissance du site primitif peutavoir des conséquences thérapeutiques importantes. Eneffet la réponse thérapeutique à une séquence de chi-miothérapie donnée n’est pas la même pour tous les

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cancers (les cancers du sein répondent mieux à certaineschimiothérapies que des cancers du rein, alors mêmeque les deux pathologies se présentent sous la forme delésions osseuses métastatiques). La connaissance du pri-mitif peut donc conduire à des modifications thérapeu-tiques (changement de chimiothérapie, résection d’unelésion primitive ou secondaire).

La TEP au 18FDG est un examen non spécifique.L’accumulation du traceur utilisé est indépendante dela nature des tissus. Cet examen est donc tout à faitindiqué pour détecter une lésion primitive quelles quesoient sa nature et sa localisation. La lésion ne seradétectée que sur le critère de son activité métabolique.D’excellents résultats ont été rapportés dans cette indi-cation [19, 20].

L’indication de la TEP au 18FDG dans le bilanétiologique des syndromes paranéoplasiques procèdedu même principe. Les lésions le plus souvent diagnos-tiquées sont pulmonaires ou cérébrales.

Il faut noter qu’après l’injection du radiotraceur, il estpossible de réaliser des images du corps entier. Leslésions ainsi dépistées sont ensuite souvent confirméespar les examens morphologiques ultérieurs, centrés surla ou les régions pathologiques identifiées par la TEP.

TEP et bilan d’extension

La combinaison de deux éléments, la nature du traceurutilisé et le mode d’acquisition font de la TEP au18FDG un examen tout à fait approprié pour effectuerle bilan d’extension locorégional et à distance d’une

lésion primitive. Le caractère non spécifique du traceurpermet d’utiliser le 18FDG pour le bilan initial d’exten-sion de toutes les tumeurs quelle que soit leur étiologie(figure 3). Seuls importent le grade des tumeurs et leuractivité métabolique. Le site des lésions est indifférent.Le 18FDG est susceptible en particulier de s’accumulerdans les lésions des tissus mous, et au niveau médullaire.

Il faut noter que la scintigraphie au 18FDG permet undiagnostic différentiel plus aisé en cas de lésions osseu-ses du squelette axial. Les lésions secondaires et leslésions dégénératives qui peuvent avoir un aspect assezsimilaire en scintigraphie osseuse conventionnelle(notamment à un stade précoce) n’ont pas le mêmecomportement vis-à-vis du 18FDG. Les premières onttendance à accumuler le FDG alors que les secondes nesont pas hyperfixantes [21].

Dans le cadre des sarcomes ostéogéniques, la détec-tion des localisations secondaires peut également êtreenvisagée en utilisant le fluor 18 (figure 4). Celui-cipermet en effet d’identifier des sites extraosseux deformations ostéogéniques ou de calcifications [22].

La TEP est également un examen très performantpour confirmer ou infirmer l’existence d’une récur-rence. Contrairement aux examens morphologiques,ses performances ne sont pas modifiées par les traite-ments antérieurs éventuels dont ont pu bénéficier lespatients (geste opératoire, chimiothérapie ou radiothé-rapie). La scintigraphie au 18FDG peut en particulierprédire la nature bénigne ou maligne d’une masse rési-

Figure 3. Exemple de scintigraphie au 18-fluorodeoxyglucose : réci-dive locorégionale d’un ostéosarcome du fémur gauche.

Figure 4. Exemple de scintigraphie au fluor 18. Mise en évidence demultiples métastases osseuses d’un cancer de la prostate se tradui-sant par des zones d’accumulation du fluor 18.

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duelle ou récurrente avec la même fiabilité que lors dudiagnostic initial. Korkmaz et al. ont montré sur unesérie de 81 patients que sa sensibilité dans cette indica-tion est de 93 % (comparable à celle de l’IRM et duscanner) et surtout que sa spécificité est de 97 % alorsque celle des examens morphologiques est seulement de70 % [23]. La TEP au 18FDG permet également deréaliser avec la même pertinence que lors du bilaninitial, le nouveau bilan d’extension locorégional ou àdistance nécessaire pour adapter le traitement de larécidive.

L’intérêt clinique de la scintigraphie au 18FDG étantdémontré, il est nécessaire de valider l’intégration de cetexamen dans les algorithmes de prise en charge despatients. Les premières études socioéconomiques por-tant sur l’efficacité de cet examen en terme de coût sonten cours. Les premiers résultats portant sur l’intégrationde la TEP dans la prise en charge diagnostique etthérapeutique des nodules pulmonaires et des lympho-mes sont favorables [24-26].

TEP et suivi thérapeutique

Des études in vivo ont montré l’existence d’une fortecorrélation entre le nombre de cellules cancéreuses via-bles et le taux de fixation de 18FDG. Ceci a été vérifié invivo sur des modèles animaux, dans le cancer du seinpar exemple [27]. Ces constatations ont ouvert la voied’une nouvelle indication potentielle de la scintigraphieau 18FDG, celle du suivi thérapeutique [28]. Les pre-mières études cliniques réalisées ont montré que la TEPpermettait précocement de différencier les lymphomesrépondeurs et non répondeurs à une chimiothérapie depremière ligne. Cette distinction devrait avoir un impactthérapeutique important car elle permet des adapta-tions précoces (poursuite ou intensification du traite-ment en cours).

L’évaluation de la réponse thérapeutique des sarco-mes et des tumeurs osseuses semble être le champd’application le plus prometteur de la TEP en rhuma-tologie. Sur le plan pratique, il suffit de suivre l’évolu-tion de la fixation du 18FDG au sein d’une tumeurgrâce à des mesures semi quantitatives fiables et repro-ductibles de celle-ci. Lorsque ces mesures répétées ontlieu au cours d’un traitement ou après celui-ci, ellesdonnent des informations sur la réponse de la tumeurau traitement en terme d’activité métabolique. Il estparfois possible d’observer une fixation résiduelle du18FDG au sein des lésions tumorales alors que la tumeurn’est plus active sur le plan métabolique. Cette fixation

résiduelle traduit alors la présence de tissu inflamma-toire réactionnel. Plus que le niveau absolu de fixation,il importe en fait de prendre en compte l’évolution de lafixation. Il a été démontré pour les sarcomes qu’unediminution rapide du taux de fixation du 18FDG ausein d’une lésion (même s’il existe une fixation rési-duelle) témoigne de l’efficacité du traitement en coursou achevé [29]. Cet aspect paraît particulièrement inté-ressant dans ce type de pathologie car il est habituel dedébuter la prise en charge thérapeutique par une chi-miothérapie adjuvante avant de procéder à l’exérèsechirurgicale de la lésion résiduelle [30]. Les résultatspréliminaires de deux études montrent que la nature dela réponse tumorale des sarcomes à une première lignede chimiothérapie peut effectivement être prédited’après l’évolution de la fixation de 18FDG [31, 32].

Des études socioéconomiques sont actuellement encours pour évaluer l’impact économique de l’utilisationde la TEP au 18FDG dans le suivi thérapeutique dessarcomes.

CONCLUSION

La tomographie par émission de positons est une explo-ration isotopique d’avenir qui devrait bientôt être à ladisposition des cliniciens. Cette nouvelle techniqued’imagerie apporte des informations fonctionnelles surl’activité métabolique des tissus. En rhumatologie, lechamp d’application de la TEP au 18FDG devraitconcerner toutes les étapes de la prise en charge destumeurs osseuses et des tissus mous, le domaine le plusprometteur étant celui du suivi thérapeutique. Cet exa-men mérite d’être considéré dans les algorithmes dedécision diagnostique et thérapeutique. Le résultat desétudes socioéconomiques en cours devraient en préciserbientôt les modalités.

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier l’Association pour la recherchecontre le cancer pour le soutien financier qu’elle aapporté à Catherine Le Rest et qui a permis la réalisa-tion de ce travail.

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La tomographie par émission de positons 713