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L’ABSORPTION DES RAYONS GAMMA DANS LES ÉLÉMENTS LOURDS EN RELATION AVEC LA LONGUEUR D’ONDE Par W. GENTNER. Institut du Radium, Laboratoire Curie. Sommaire. 2014 Les derniers résultats de la théorie sur l’effet Compton, l’effet photoélectrique et l’effet de matérialisation du photon sont exposés et comparés avec les résultats expérimentaux dans le domaine 03BB = 4, 65 UX. jusqu’à 03BB = 50 UX. Il apparait que l’accord entre la théorie et l’expérience est très satisfaisant et que les autres phénomènes possibles de l’absorption des rayons 03B3 ne peuvent pas influen- cer notablement la valeur du coefficient d’absorption total. 1. Introduction. - Les recherches des dernières années sur l’absorption des rayons gamma pénétrants ont montré que non seulement les électrons extérieurs de l’atome interviennent comme absorbants mais qu’il y a aussi une interaction directe entre les rayons y durs et les noyaux atomiques. Les résultats fournis par Meitner et Hupfeld (’), Tarrant (2), Chao (3) sur l’absorption anormale des éléments lourds pour le rayonnement de ThC" 106 eV) sont à l’ori- gine de l’hypothèse de l’absorption « nucléaire » des rayons y. Des expériences sur la diffusion de ce rayon- nement électromagnétique furerit entreprises tout d’abord par Meitner et Hupfeld (4) qui trouvèrent en dehors de la composante dûe à l’effet Compton une composante plus dure dans le rayonnement diffusé de Ru (8 + C). Cette dernière composante résulterait d’une diffusion sans changement de longueur d’onde et serait responsable de cette absorption anormale des éléments lourds. Par contre Gray et Tarrant ‘5) ont découvert dans le rayonnement diffusé de Ra(B + C) et de ThC" deux composantes x 106 eV et 1 X 106 eV. La longueur d’onde de ces deux composantes serait indépendante de l’énergie du rayon- nement primaire et du numéro atomique du radiateur. Après la découverte de l’électron positif Blackett et Occhialini (6) ont suggéré une interprétation intéres- sante de ces phénomènes en admettant la production des électrons positifs par les rayons y. Bientôt après, I. Curie et F. Joliot (1) ont prouvé expérimentalement les premiers, que les photons pouvaient se matérialiser en paires d’électrons. Ce phénomène prévu par la théorie de Dirac joue sûrement le rôle le plus impor- tant dans ce processus d’absorption supplémentaire () L. MEtTNEn et H. H. HUPFELD. Z. Physik, 931, 67, p. 14 (’’-) G. T. B. TARRANT. Proc. Roy. ~S’oc. 1932, 135, p. 223. (e) C. Y. CHAO. Proc. Nat. Acad. Sci., 1930, 16, p. 431. (4) L. MEITNER et H. H. HûPFELD. Z. Physik, 1932, 75, p. 105. (5) L. H. GRAY et G. T. B. TARRANT. Proc. Roy. Soc., 1932, 136, p. 662. (6) P. M. S. BLACKETT et G. P. S. OCCHIALINI. Proc. Roy. Soc., 1933, 139, p. 699. (7) 1. CURIE et F. JOLIOT. J. Phys., 1933, 4, p. 494. des rayons y pénétrants. D’autre part il justifie égale- ment la présence dans le rayonnement diffusé de la composante de 0,5 >C 106 eV (Gray et Tarrant) résul- tant de la disparition de l’électron positif (dématéria- lisation) avec émission de deux quanta d’énergie Av = 106 eV. En outre la composante dure observée dans le rayonnement diffusé a trouvé son explication dans le spectre continu de freinage des électrons projetés dans le radiateur (’). Cette dernière composante ne correspond donc à aucune absorption supplémentaire du rayonnement primaire. Les autres phénomènes d’absorption comme la diffu- sion sans changement de longueur d’onde (Meitner, Delbrück) (2) et l’effet de désintégration ne peuvent pas influencer sensiblement les coefficients d’absorp- ’tion totale. En effet les coefficients d’absorption résul- tant de ces effets sont sûrement inférieures à un pour 100 au coefficient d’absorption totale. Nous repren- drons cette question plus en détail dans la discussion. En se basant sur les derniers travaux théoriques relatifs à l’effet Compton, à l’effet photoélectrique et à l’effet de matérialisation du photon, on peut conclure qu’il n’y a plus de difficultés pour l’explication quanti- tative des coefficients d’absorption déterminés expéri- mentalement. Afin de prouver cet accord nous comparerons dans ce travail les différents résultats théoriques et expéri- mentaux relatifs à chacun des effets cités plus haut. Nous ajouterons quelques résultats que nous avons obtenus au cours de nos recherches et nous insisterons surtout sur la relation qui existe entre le coefficient d’absorption mesuré dans le plomb et la longueur d’onde. 2. Coefficient d’absorption par diffusion Comp- ton. La valeur de ce coefficient d’absorption (q) peut être considéré comme bien établi pour les rayons y par les calculs de Klein et Nishina(l). En se basant sur (t) Voir la discussion finale. t9) L. MEITNER et ~’I. DELBRÜCK. Z. Physik.,1933,84, p. 144. (3)0. KLEIN et Y. NisHi;à. Z Physik, 1929, 52, p. 853. Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:0193500606027400

L'absorption des rayons gamma dans les éléments lourds en

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Page 1: L'absorption des rayons gamma dans les éléments lourds en

L’ABSORPTION DES RAYONS GAMMA DANS LES ÉLÉMENTS LOURDSEN RELATION AVEC LA LONGUEUR D’ONDE

Par W. GENTNER.

Institut du Radium, Laboratoire Curie.

Sommaire. 2014 Les derniers résultats de la théorie sur l’effet Compton, l’effet photoélectrique et l’effetde matérialisation du photon sont exposés et comparés avec les résultats expérimentaux dans le domaine03BB = 4, 65 UX. jusqu’à 03BB = 50 UX. Il apparait que l’accord entre la théorie et l’expérience est trèssatisfaisant et que les autres phénomènes possibles de l’absorption des rayons 03B3 ne peuvent pas influen-cer notablement la valeur du coefficient d’absorption total.

1. Introduction. - Les recherches des dernièresannées sur l’absorption des rayons gamma pénétrantsont montré que non seulement les électrons extérieursde l’atome interviennent comme absorbants mais qu’ily a aussi une interaction directe entre les rayons ydurs et les noyaux atomiques. Les résultats fournis

par Meitner et Hupfeld (’), Tarrant (2), Chao (3) surl’absorption anormale des éléments lourds pour le

rayonnement de ThC" 106 eV) sont à l’ori-gine de l’hypothèse de l’absorption « nucléaire » desrayons y. Des expériences sur la diffusion de ce rayon-nement électromagnétique furerit entreprises toutd’abord par Meitner et Hupfeld (4) qui trouvèrent endehors de la composante dûe à l’effet Compton unecomposante plus dure dans le rayonnement diffusé deRu (8 + C). Cette dernière composante résulteraitd’une diffusion sans changement de longueur d’onde etserait responsable de cette absorption anormale deséléments lourds. Par contre Gray et Tarrant ‘5) ontdécouvert dans le rayonnement diffusé de Ra(B + C)et de ThC" deux composantes x 106 eVet 1 X 106 eV. La longueur d’onde de ces deuxcomposantes serait indépendante de l’énergie du rayon-nement primaire et du numéro atomique du radiateur.Après la découverte de l’électron positif Blackett etOcchialini (6) ont suggéré une interprétation intéres-sante de ces phénomènes en admettant la productiondes électrons positifs par les rayons y. Bientôt après,I. Curie et F. Joliot (1) ont prouvé expérimentalementles premiers, que les photons pouvaient se matérialiseren paires d’électrons. Ce phénomène prévu par lathéorie de Dirac joue sûrement le rôle le plus impor-tant dans ce processus d’absorption supplémentaire

() L. MEtTNEn et H. H. HUPFELD. Z. Physik, 931, 67, p. 14(’’-) G. T. B. TARRANT. Proc. Roy. ~S’oc. 1932, 135, p. 223.(e) C. Y. CHAO. Proc. Nat. Acad. Sci., 1930, 16, p. 431.(4) L. MEITNER et H. H. HûPFELD. Z. Physik, 1932, 75, p. 105.(5) L. H. GRAY et G. T. B. TARRANT. Proc. Roy. Soc., 1932, 136,

p. 662.

(6) P. M. S. BLACKETT et G. P. S. OCCHIALINI. Proc. Roy. Soc.,1933, 139, p. 699.

(7) 1. CURIE et F. JOLIOT. J. Phys., 1933, 4, p. 494.

des rayons y pénétrants. D’autre part il justifie égale-ment la présence dans le rayonnement diffusé de lacomposante de 0,5 >C 106 eV (Gray et Tarrant) résul-tant de la disparition de l’électron positif (dématéria-lisation) avec émission de deux quanta d’énergieAv = 106 eV. En outre la composantedure observée dans le rayonnement diffusé a trouvéson explication dans le spectre continu de freinage desélectrons projetés dans le radiateur (’). Cette dernièrecomposante ne correspond donc à aucune absorptionsupplémentaire du rayonnement primaire.

Les autres phénomènes d’absorption comme la diffu-sion sans changement de longueur d’onde (Meitner,Delbrück) (2) et l’effet de désintégration ne peuventpas influencer sensiblement les coefficients d’absorp-’tion totale. En effet les coefficients d’absorption résul-tant de ces effets sont sûrement inférieures à un pour100 au coefficient d’absorption totale. Nous repren-drons cette question plus en détail dans la discussion.En se basant sur les derniers travaux théoriques

relatifs à l’effet Compton, à l’effet photoélectrique et àl’effet de matérialisation du photon, on peut conclurequ’il n’y a plus de difficultés pour l’explication quanti-tative des coefficients d’absorption déterminés expéri-mentalement.

Afin de prouver cet accord nous comparerons dansce travail les différents résultats théoriques et expéri-mentaux relatifs à chacun des effets cités plus haut.Nous ajouterons quelques résultats que nous avonsobtenus au cours de nos recherches et nous insisteronssurtout sur la relation qui existe entre le coefficient

d’absorption mesuré dans le plomb et la longueurd’onde.

2. Coefficient d’absorption par diffusion Comp-ton. - La valeur de ce coefficient d’absorption (q)peut être considéré comme bien établi pour les rayons ypar les calculs de Klein et Nishina(l). En se basant sur

(t) Voir la discussion finale.t9) L. MEITNER et ~’I. DELBRÜCK. Z. Physik.,1933,84, p. 144.(3)0. KLEIN et Y. NisHi;à. Z Physik, 1929, 52, p. 853.

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:0193500606027400

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la théorie de Dirac ces auteurs ont trouvé pour 6 la

formule

(e et m est la charge et la masse de l’électron, h laconstante de Planck, v la fréquence du rayonnement,c la vitesse de la lumière, N le nombre d’électrons).

cr 1Le coefficient de diffusion par électron i, - n’estN

alors qu’une fonction de la longueur d’onde et ne

dépend pas de la nature du radiateur. La validité decette formule a été confirmée d’une part par les résul-tats de Skobelzyn sur la répartition des électrons derecul et d’autre part par des mesures d’absorptiondans les éléments légers de rayons 1~ de longueurd’onde connue.

3. Coefficient d’absorption photoélectrique. ---Actuellement on peut déterminer la valeur de ce coef-ficient (r) grâce à la formule empirique de Gray (1) ouà l’aide de plusieurs calculs théoriques récents. La for-mule de Gray pour le coefficient d’absorption photo-électrique dans le plomb est établie d’après les valeursde différents auteurs ayant fait des recherches sur

l’absorption des rayons y mous et d’énergie moyenne.

Le coefficient d’absorption par atome est déduit dela formule

Par un calcul théorique de l’effet photoélectriquebasé sur lathéorie de Dirac Hall (2) a obtenu la formulesuivante pour le coefficient photoélectrique par atomedans le niveau K

(1) L. H. GRAY. Proc. Cambr. Ph. Soc., t93t, 27, p. 103.(2) H. HALL. Phys. Review, 1934, 45, p. ti20.

Cette formule est valable pour toutes les valeurs du

numéro atomique (Z) et pour hv ~ mc. Dans un travailsuivant Hall et Rarita (1) ont montré que l’absorptiondans le niveau Li est égale à 20 pour 100 de l’absorptiondans le nivean K. Comme les autres niveaux n’appor-tent qu’une absorption négligeable on peut conclureque le coeffieient d’absorption photoélectrique

Récemment Hulme et ses collaborateurs (2) ont publiéun calcul théorique de l’effet photoélectrique valablepour toutes les valeurs de Z et de hv.

Leurs résultats ne sont reproduits que graphique-ment et sont en bon accord avec la formule de Hall

pour hv > 5 rnc2.Ces deux calculs théoriques de l’effet photoélectrique

montrent que la variation du coefficient d’absorptionphotoélectrique en fonction du numéro atomique estaussi une fonction de la longueur d’onde.Dans le tableau suivant sont indiquées les valeurs

calculées d’après la formule empirique de Gray etd’après les travaux théoriques de Hall et de Hulme etses collaborateurs.

TABLBAU 1.

On voit que la concordance entre les valeurs empi-riques et les valeurs théoriques est assez bonne ; nousverrons ensuite dans le tableau IV que les dernièresvaleurs expérimentales correspondent d’une façon trèssatisfaisante aux valeurs théoriques.

4. Coefficient d’absorption par matérialisationdu photon. - Cette question a été d’abord traitée

théoriquement par Oppenheimer et Plesset (3). Ils onttrouvé que pour hv - 2,65 X 101 eV l’absorption attri-buable à la disparition d’un quantum avec projectiond’un électron positif et d’un électron négatif est égale à25 pour 100 de l’absorption par effet Compton dans lecas du plomb. Bethe et Heitler (1) ont reproduit graphi-quement lors de leurs dernières études sur ce phéno-mène la grandeur de l’effet de matérialisation pour unegrande région des énergies quantiques ; leurs résultats

(1) H. HALL et W. RARITA. Phys. Rev., 1934, 46, p. 143.(2) H. R. HULME, Z. Me DOUGALL, R. A. BUCHIRGHAM et R. H.

FOWLE R. Nroc. Roy. Soc., 4935, 449, p 131.

(3) OPPENHEIMER et PLESgET. Phys. Rev., ~933, 44, p. 53.(~) H. BETHE et W. HxwLBn. Proc. Roy. Soc., 1934, 146, p. 83.

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s’accordent avec ceux des auteurs précédents. Ce pro-cessus de la transformation d’un photon en deux élec-trons de charge de signe contraire ayant lieu dans lechamp du noyau atomique le coefficient d’absorptionde matérialisation est proportionnel à Z2 dans le do-maine des énergies quantiques égales à quelquesmillions de Volts. Ce n’est que pour les énergies

que la théorie donne des solutions simplespour la section efficace des rayons y pour l’effet dematérialisation. Ainsi Heitler et Sauter (i), Bethe etHeitler ont trouvé que la section efficace (x) d’un

rayonnement y de grande énergie est donnée par

5. Comparaison entre les valeurs théoriqueset expérimentales. - Une vérification de la théoriesur ce phénomène de la matérialisation a été obtenueau cours des recherches sur la projection des électronspositifs dans la chambre de Wilson. De cette façonChadwick, Blackett et Occhialini (-) ont trouvé pourle cas du plomb une section efficace des rayons y duThC" égale à 2,8 X ~0-~~ cm2 en bon accord avec lavaleur théorique de 2,6 X 10-24 cm2.Dans le cas du rayonnement y de Po+Be(hv= 5X 106

eV) on calcule que pour l’atome de plomb la probabilitéd’un processus Compton est du même ordre que la

probabilité d’un processus de matérialisation. On doitalors s’attendre à ce que ce rayonnement projette enmême temps que 100 électrons négatifs (composés de 50électrons Compton et de 50 électrons négatifs de maté-rialisation) 50 électrons positifs. Si on compare ceschiffres théoriques avec les valeurs expérimentaleson se rend compte que les électrons de matérialisationont une énergie cinétique plus faible que les électronsde recul. L’énergie cinétique moyenne de ces électronsde matérialisation n’étant dans ce cas que de l’ordre de2 X l06eV il en résulte que ces électrons viennentd’une couche plus mince égale à 40 pour 100 environde l’épaisseur correspondante aux électrons de Compton.En se servant d’une couche épaisse on doit alors ob-server que la proportion des électrons négatifs par rap-port aux électrons positifs n’est dans le cas du plombque 30 pour 100 environ. C’est en effet la proportiontrouvée par I. Curie et F. Joliot (3) lors de leurs

(1) W. HEITLER et F. SAUTER. Nature, 1933, 132, p. 892.(2) J. CHADWIK, P. M. S. BLACKETT et G. P. S. OCCHIALINI. PrOC.

Roy. Soc.. 1934, 144, p. 235.(3) I. CURIE et F. JOLIOT. J. Phys’J 1933, 4, p. 49.~

études de ce phénomène à l’aide de la chambre deWilson.

TABLEAU II. - Comparaison des valeurs expériatentalesde f(etelaar, Piccard et Stahel avec les valeurs théo-riques == 1 ,4~ x 10-2~’~, ~ = 6,4 U.Î.).

TABLEAU III. - Comparaison entre les valeurs erpéri-mentales de Rogers et les valeurs théoriques ((je: == 1 , 6X 10-25. À = î,0 U.X. Ra (8 -t- C) filtré par 1,5 cm).

Une autre épreuve quantitative sur la validité exactede la théorie est la variation du coefficient d’absorptionen fonction du numéro atomique. Nous discuteronscette question en détail pour le rayonnement de ThC"dans un prochain article et nous exposerons ici seule-ment deux exemples sur le rayonnement de Ra (I3-E-C).Dans le tableau II les valeurs sont tirées d’un travail de

Ketelaar, Picard et Stahel (1) qui se sont servi d’un

rayonnement de Ra (B + C) très fortement filtré, celledu tableau III proviennent du travail de Rogers (1) quiutilise un rayonnement deRa (B+C) moins filtré. Dansles deux cas la longueur d’onde était définie par lamesure du coefficient d’absorption dans les éléments

légers {6~). Dans le domaine des rayons y de Ra B + C etpour les éléments légers seule l’absorption par effetCompton (GE) intervient. On peu t donc déduire la lon gueurd’onde effective à l’aide de laformule de Klein etNishina.Nous avons choisi pour les deux tableauxles valeursrelatives aux trois éléments les plus caractéristiques.Sn,Pb, Ur. La valeur du coefficient d’absorption parélectron pour l’effet de matérialisation (u=) a été calculépour les deux longueurs d’onde de 6,4 U X et de 7,0 UXà l’aide des résultats de Bethe et Heitler. Le coefficient

d’absorption photoélectrique par électron (tE) est cal-

(1) H. KETELAAR, A. PICCARD et E. STAHEL. J. 1934, 5,p. 385.

(2) Z. S. ROGERS. Proc. Roy. Soc., ~932, 44, p. 349.

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culée d’après les graphiques de Hulme et ses colla-borateurs. On voit que la somme de ces deux valeurs

théoriques (2: -/., + rj est en très bon accord avec la

différence entre les valeurs expérimentales du coeffi-cient d’absorption par électron (~E) et la valeur du

coefficient d’absorption par effet Compton (cr ).Cette concordance entre les valeurs théoriques et

expérimentales dépasse les prévisions car dans le cas

du rayonnement de Ra (~3 -E- C) on obtient jamais unrayonnement monochromatique même avec la plusgrande filtration. Par conséquent on doit supposer quela longueur d’onde effective n’est pas exactement iden-tique pour les différents éléments utilisés comme écransabsorbants.De tous les calculs ci-dessus il résulte que dans la

loi empirique relative au coefficient d’absorption parélectron des rayons y de Ra (B-j-C) (vérifiée exacte pardifférents auteurs)

le produit est la somme de deux composantes.L’une est proportionnelle à Z (coefficient d’absorptionpar électron) et correspond a l’effet de matérialisationet l’autre proportionnelle à une puissande de Z (envi-ron Z~~~) correspondant à l’effet photoélectrique.Une autre façon de vérifier l’accord entre la théorie

et l’expérience est la comparaison des coefficients

d’absorption du plomb en fonction de la longueurd’onde. Ce coefficient d’absorption a été mesuré pourde nombreuses valeurs de 1... car il joue le rôle le plusimportant dans l’identification de celle-ci Nous avonsdonc reproduit dans le tableau IV un ensemble desvaleurs expérimentales trouvées par différents auteurset celles des coefficients d’absorption théorique. Lespectre étudié s’étend des rayons y les plus durs jus-qu’aux rayons X. Les valeurs théoriques ont été calcu-lées pour l’effet Compton (aat) d’après la formule deKlein et Nishina, pour l’effetphotoélectrique par-tir des résultats de Hulme et collaborateurs pour l’effetde matérialisation d’après les calculs de Bethe etHeitler. Comme les calculs théoriques de Hulme et col-laborateurs ne sont exécutés que jusqu’à ~, == 36 U Xnous avons extrapolé les résultats de ces auteurs jus-qu’à X = 50 U. X à l’aide de la formule de Gay. Nousavons vu en effet que cette formule empirique est enbon accord avec les valeurs théoriques.La première partie de ce tableau comprend les me-

sures d’absorption effectuées à l’aide des rayons y descorps radioactifs. Le seul rayonnement monochroma-tique .que l’on a à sa disposition dans ce domaine estcelui duThC" d-une énergie quantique de 2,65 xl06eV.L’accord entrele coefficient d’absorption expérimentalequi a été mesuré par plusieurs auteurs et dont nousavons reproduit une valeur moyenne, et la valeur

théorique est parfait. Les autres longueurs d’onde ontété obtenues en filtrant plus ou moins fortement lerayonnement de Ra (B--C) ou grâce à la diffusion Comp-ton du rayonnement de 2,6Sxi0eV par un radiateurd’un faible poids atomique (Chao, Gentner). Malgré

que le rayonnement de Ra (~3 -~- C) ne soit jamaismonochromatique et que la définition de la longueurd’onde se base ici sur une mesure expérimentale del’absorption des éléments légers la concordance avec lathéorie est très bonne. Nos résultats obtenus à partir durayonnement diffusé de ThC" (publié antérieurement)s>iit aussi en bon accord avec la théorie. Ce ne sont

que les résultats de Chao pour la longueur d’onde de 7,0U Xe t de 9,6U’Xqui montrent un écart considérable. Maiscette déviation s’explique en considérant qu’il existetoujours dans le rayonnement diffusé à côté de la com-posante de Compton, une composante de dématériali-sation de l’électron positif (kj - 0,5i X 106 eV). Cettecomposante augmente le coefficient d’absorption expé-rimentale dans la région hvcompton > mc2 et le diminue

pour hvGompton Par conséquent les coefficients d’absorption détermi-

nés expérimentalement par Chao sont plus petits queles valeurs théoriques pour les longueurs de 29,4 U. X.et de 47 UX. La courbe de Chao pour la variation ducoefficient d’absorption en fonction de la longueurd’onde coupe donc la courbe théorique presque exacte-ment au point hv = nlc2. Les précautions que nousavons prises pour diminuer l’influence de la compo-sante de dématérialisation sont décrites plus bas.

Fig. 1.

La deuxième partie du tableau reproduit les coeffi-cients d’absorption pour le rayonnement de dématé-rialisation de l’électron positif. Ces valeurs ont étédéterminées au cours des recherches sur la diffusion des

rayons y de ThC’’ On ne doit cependant pas surestimerl’exactitude de ces résultats car cette composante dedématérialisation comprend encore une partie du spec-tre continu de freinage et il est très difficile de définirexactement l’influence de ce dernier sur le coefficient

d’absorption.

Page 5: L'absorption des rayons gamma dans les éléments lourds en

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TABLEAU IV. - Comparaison entre les coeffieients d’absorption par atome de plornb calculés théoriquementet les valeurs déterminées expérimentalement.

Dans la troisième rpartie du tableau sont exposéesparticulièrement les mesures relatives aux rayons X.Comme il a été déjà discuté dans le travail de Alichanjanet Kosman, les longueurs d’onde attribuées par Her-

mann et Jaeger à leurs coefficients d’absorption nepeuvent pas être justifiées. En effet, l’examen de nom-breux résultats expérimentaux et théoriques montrequ’il n’est pas possible d’obtenir les valeurs correspon-

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279

Fig. 2.

dantes au début du spectre continu des rayons X enextrapolant les résultats déterminés par une filtrationtrès forte.Nous avons ajouté dans la troisième partie du tableau

lors des résultats de Chao qui sont influencés par l’er-reur déjà signalée une mesure pour la longueur d’ondede 46 U.X. Cette valeur a été déterminée lors de nos

recherches sur le rayonnement y diffusé. Les détailsdu dispositif expérimental sont représentés dans la

figure i. Nous avons utilisé pendant ces mesures commeauparavantle rayonnement de Th C"(hv ==2) 65 Xi06e V).Ce rayonnement monochromatique a été diffusé pardeux radiateurs de Mg sous un angle de f3;:)o. Commeil existe toujours dans le rayonnement diffusé par des

Fig. 3.

radiateurs d’un faible poids atomique une proportiondu rayonnement de dématérialisation nous avons déter-miné le coefficient d’absorption seulement avec desfiltres minces de quelques dixièmes de millimètresde Pb. Pour éviter les erreurs provenant d’une diffu-

. sion secondaire nous avons pris les mêmes précautions

déjà décrites dans un travail précédent (1). Les recher-ches antérieures relatives à la détermination du coeffi-cient d’absorption dans la région des longueurs d’ondeplus] courtes ont été réalisées à l’aide de filtres plus

(1) W. GENTNKR. J. Phys., 1934, 5, p. 49.

Page 7: L'absorption des rayons gamma dans les éléments lourds en

280

épais car dans cette région la composante de dématé-rialisation a une longueur d’onde plus grande que lacomposante Compton. Le coefficient d’absorption quenous avons obtenu pour ), = 46 U.X est en très bonaccord avec les mesures de Alichanjan et Kosman etcorrespond d’une façon très satisfaisante aux calculsthéoriques.La même comparaison entre les valeurs théoriques

et les résultats expérimentaux est aussi exposée gra-phiquement dans les figures 2 et 3. Pour plus de faciliténous avons porté comme ordonnée le coefficient d’ab-sorption du plomb par électron soit == Il at/82. Onvoit comme nous l’avions déjà signalé (1) que la diffé-rence entre le coefficient d’absorption de plomb et lecoefficient d’absorption des éléments légers (JE dans lafigure 2) passe par un minimum pour À voisin de 6, ~ U. X.D’autre part, la valeur absolue du coefficient d’absorp-tion du plomb atteint un minimum pour ). voisin de4 UX. La valeur absolue du coefficient d’absorptiondu plomb correspond à deux rayonnements de lon-gueurs d’onde très différentes, pour décider quelle estla valeur exacte de celle-ci, il est donc nécessaire defaire une mesure relative entre le coefficient d’absorp-tion dans le plomb et dans un élément léger.

6. Discussion. - L’ensemble des résultats relatifsà un grand nombre d’observations différentes, quenous venons d’exposer, montre que les valeurs expéri-mentales sur l’absorption des rayons et rayons Xdurs sont en parfait accord avec les derniers résultatsthéoriques. Nous arrivions donc à la conclusion queles trois phénomènes d’absorption dus à l’effet Compton,à l’effet photoélectrique et à l’effet de matérialisationpeuvent entièrement expliquer les coefficients d’absorp-tion déterminés expérimentalement.La « composante dure » signalée par plusieurs

auteurs dans le rayonnement diffusé (1) ne corresponddonc pas à une absorption distincte du rayonnnementprimaire. Nous avions interprété dans un article précé-dent (3) ce phénomène de la composante dure » par le

spectre continu de freinage des électrons projetés dansle radiateur; en apportant une preuve expérimentalenous avons pu indiquer l’importance de ce spectrecontinu pour l’évaluation de l’intensité des rayons ydiffusés.Par conséquent on doit supposer que la grandeur de

(1) W. GENTNER. C. R., 193 J, 197, p. ff 11.~~~ L. H. GRAY et G. T. TARRANT. l. C. - E. STAHBL et H. KETELAAR.

J. Phys., 1933, 4, p. 460 et 934, 5, p. 512. - Tu HEITING. Z. f ’.Physik, 1933, 87, p. 127.

(3) lv. CENTRER. Alaturwiss, 1934, 22, p. 435.

l’effet Meitner-Hupfeld (1) (diffusion sans changementde longueur d’onde) était surestimé par la superposi-tion du spectre continu de freinage. En effet, Lauritsenet Oppenheimer (2) en se basant sur des considérationsthéoriques ont pu montrer que l’intensité du rayonne-ment diffusé sans changement de longueur d’onde est .

de l’ordre de 1 p. 100 du rayonnement de dématériali-sation pour le cas du plomb. Ces auteurs ont aussiexposé théoriquement que l’intensité du spectre con-tinu calculé est du même ordre de grandeur commel’intensité qu’on a observée pour la « composante dure ».

D’autre part il résulte des expériences sur la désin-tégration du deutérium (3) et du béryllium (1) sous l’ac-tion des rayons y, que la section efficace des rayons ypour ces deux processus est de l’ordre de CM2tandis que l’absorption par effet Compton est del’ordre de 10-25 em2.

Après tous ces résultats on peut conclure quel’absorption des rayons ; se compose principalementdes trois effets cités et que tous les autres phénomènespossibles correspondent à un coefficient d’absorption 1 pour 100 du coefficient d’absorption totale.

Note ajoutée à la correction. - Dans un travailrécent H. A. Bethe (Proc. Roy. Soc. 1935, 150, p. 129),a traité théoriquement la dématérialisation de l’élec-tron positif pendant son parcours dans la matière.Il trouve que pour le cas du rayonnement de Th C"(hv = 2, 65 a 9 06 e V) les électrons positifs les plusvites d’une énergie de 1,5 X 106 e V environ possèdentune probabilité de 7 pour 100 pour être dématérialiséavant leur arrêt avec émission de deux quanta d’uneénergie différente et une probabilité de 1 pour 100pour la dématérialisation par un électron du niveau Kavec émission d’un seul quantum. Bethe arrive ainsi àla conclusion que la « composante dure » dans le

rayonnement diffusé serait composé en parties égalesdes quanta provenant du spectre continu de freinagecité plus haut et des quanta émis lors de la dématériali-sation de l’électron positif ayant encore une énergiecinétique considérable. Cette interprétation est en

accord avec nos résultats que la « composante dure »ne correspond pas à un effet supplémentaire de

l’absorption des rayons primaires.

(t) L. MEITNER et H. H. HUPFELD. Z. Physik, 1932, 75, p. 705. -L 3IEIT;BR et H. KâsTERS. Z: Physik,, 1933, 84, p. 137. -

M. DEr.BRÜCx. Z. Physik, l)33, 84, p. 144.(l~ C. C. LAURITSEN t J. R. ÛPPENIIEIMEH. Phys. Rev. 1934, 46,

p. 80.

(3) J. CHADWICH et GOLDHABER. Nature, 493!, 134, p. 231.(~) W. GENTNER. C. R. 1934, 199, p. 1211.

Manuscrit reçu le 17 avril 1935.