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L’asthme sévère : les différents phénotypes Severe Asthma: Various phenotypes B. Michaud, R. Echraghi, J. Just * Centre de l’asthme et des allergies, groupe hospitalier Trousseau-La-Roche-Guyon, APHP, université Paris-6, 26, rue Dr Arnold-Netter, 75012 Paris, France Disponible sur Internet le 10 mars 2010 Résumé Bien que les données récentes suggèrent que la prévalence de l’asthme diminue, celle concernant l’asthme sévère reste égale. Si l’asthme sévère reste minoritaire chez l’enfant asthmatique, cette forme clinique d’asthme représente à elle seule 80 % des dépenses de santé liées à l’asthme. Chez l’enfant, la définition de l’asthme sévère est difficile car les classifications internationales utilisées ne prennent pas en compte les exacerbations graves ni l’atteinte des voies aériennes inférieures. L’élimination des diagnostics différentiels, la prise en compte des co-morbidités, d’un environnement inadéquat, d’une mauvaise adhésion au traitement sont des étapes incontournables qui doivent précéder le diagnostic d’asthme sévère. La définition des différents phénotypes d’asthme sévère tient compte de l’âge de début, de la fréquence des exacerbations graves et enfin la fonction respiratoire. L’asthme allergique reste une entité fréquente en pédiatrie, à risque de sévérité, d’une part, et de persistance à l’âge adulte, d’autre part. L’importance de mieux définir « les asthmes sévères » permettra dans l’avenir de cibler les traitements comme c’est le cas pour l’omalizumab, anticorps anti-IgE humanisé, indiqué dans l’asthme sévère non contrôlé allergique de l’enfant d’âge scolaire et de l’adolescent. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Asthme ; Asthme sévère ; Enfant ; Allergie ; Fonction respiratoire Abstract Although recent data suggests that the prevalence of asthma is decreasing, the prevalence of severe asthma remains unchanged. Even if severe asthma affects only a minority of asthmatic children, this clinical form of asthma alone represents 80% of the health care expenses for asthma. The definition of severe asthma in children is difficult because current international classifications do not take into account severe exacerbations involving the lower airways. Excluding differential diagnoses, consideration of co-existing conditions, an inadequate environment and poor compliance to treatment are unavoidable factors which must be considered before making a diagnosis of severe asthma. The definition of the different phenotypes of severe asthma should take into account age of onset, the rate of recurrence of severe exacerbations and, finally, respiratory function. Allergic asthma continues to be a frequent phenomenon in paediatrics, with, on the one hand, the risk of severity and, on the other hand, the risk of persistence to adulthood. The importance of a better definition of ‘‘the severe asthmas’’ is that it would in the future allow better targeting of treatments such as omalizumab and humanized anti-IgE antibody, which are indicated in uncontrolled severe allergic asthma in school-aged children and adolescents. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Asthma; Children; Severity; Allergy; Diagnosis 1. Données épidémiologiques, mortalité et morbidité liées à l’asthme sévère Il est estimé que l’asthme sévère touche entre 1 et 3 % de la population générale chez les enfants et les adultes [1]. Des données récentes issues de la phase III de l’étude International Study of Asthma and Allergies in Childhood (ISAAC) suggèrent que bien que la prévalence de l’asthme n’augmente plus, voire diminue dans les pays industrialisés, celle de l’asthme sévère reste égale [2]. En Europe, l’estimation de la prévalence de l’asthme chez l’enfant a pu être réalisée dans les différentes phases de l’étude ISAAC : dans la phase I de cette étude, la prévalence de l’asthme va de 4 à 9,3 % en France et au Royaume-Uni respectivement, avec Revue française d’allergologie 50 (2010) 188192 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Just). 1877-0320/$ see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reval.2010.01.031

L’asthme sévère : les différents phénotypes

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L’asthme sévère : les différents phénotypes

Severe Asthma: Various phenotypes

B. Michaud, R. Echraghi, J. Just *

Centre de l’asthme et des allergies, groupe hospitalier Trousseau-La-Roche-Guyon, AP–HP, université Paris-6, 26, rue Dr Arnold-Netter, 75012 Paris, France

Disponible sur Internet le 10 mars 2010

Résumé

Bien que les données récentes suggèrent que la prévalence de l’asthme diminue, celle concernant l’asthme sévère reste égale. Si l’asthme sévèrereste minoritaire chez l’enfant asthmatique, cette forme clinique d’asthme représente à elle seule 80 % des dépenses de santé liées à l’asthme. Chezl’enfant, la définition de l’asthme sévère est difficile car les classifications internationales utilisées ne prennent pas en compte les exacerbationsgraves ni l’atteinte des voies aériennes inférieures. L’élimination des diagnostics différentiels, la prise en compte des co-morbidités, d’unenvironnement inadéquat, d’une mauvaise adhésion au traitement sont des étapes incontournables qui doivent précéder le diagnostic d’asthmesévère. La définition des différents phénotypes d’asthme sévère tient compte de l’âge de début, de la fréquence des exacerbations graves et enfin lafonction respiratoire. L’asthme allergique reste une entité fréquente en pédiatrie, à risque de sévérité, d’une part, et de persistance à l’âge adulte,d’autre part. L’importance de mieux définir « les asthmes sévères » permettra dans l’avenir de cibler les traitements comme c’est le cas pourl’omalizumab, anticorps anti-IgE humanisé, indiqué dans l’asthme sévère non contrôlé allergique de l’enfant d’âge scolaire et de l’adolescent.# 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Asthme ; Asthme sévère ; Enfant ; Allergie ; Fonction respiratoire

Abstract

Although recent data suggests that the prevalence of asthma is decreasing, the prevalence of severe asthma remains unchanged. Even if severeasthma affects only a minority of asthmatic children, this clinical form of asthma alone represents 80% of the health care expenses for asthma. Thedefinition of severe asthma in children is difficult because current international classifications do not take into account severe exacerbations involvingthe lower airways. Excluding differential diagnoses, consideration of co-existing conditions, an inadequate environment and poor compliance totreatment are unavoidable factors which must be considered before making a diagnosis of severe asthma. The definition of the different phenotypes ofsevere asthma should take into account age of onset, the rate of recurrence of severe exacerbations and, finally, respiratory function. Allergic asthmacontinues to be a frequent phenomenon in paediatrics, with, on the one hand, the risk of severity and, on the other hand, the risk of persistence toadulthood. The importance of a better definition of ‘‘the severe asthmas’’ is that it would in the future allow better targeting of treatments such asomalizumab and humanized anti-IgE antibody, which are indicated in uncontrolled severe allergic asthma in school-aged children and adolescents.# 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Asthma; Children; Severity; Allergy; Diagnosis

Revue française d’allergologie 50 (2010) 188–192

1. Données épidémiologiques, mortalité et morbiditéliées à l’asthme sévère

Il est estimé que l’asthme sévère touche entre 1 et 3 % de lapopulation générale chez les enfants et les adultes [1]. Desdonnées récentes issues de la phase III de l’étude International

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J. Just).

1877-0320/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservdoi:10.1016/j.reval.2010.01.031

Study of Asthma and Allergies in Childhood (ISAAC)suggèrent que bien que la prévalence de l’asthme n’augmenteplus, voire diminue dans les pays industrialisés, celle del’asthme sévère reste égale [2].

En Europe, l’estimation de la prévalence de l’asthme chezl’enfant a pu être réalisée dans les différentes phases de l’étudeISAAC :

� dans la phase I de cette étude, la prévalence de l’asthme va de4 à 9,3 % en France et au Royaume-Uni respectivement, avec

és.

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Tableau 1Démarche diagnostique d’un asthme sévère de l’enfant.

Diagnostic différentielCorps étrangerImmaturité (petites voies aériennes, trouble dedéglutition, déficit immunitaire transitoire)Malformations comprimant l’arbretrachéobronchiqueSéquelles sévères d’infection viraleMucoviscidoseMaladie ciliaire des bronches

Co-morbiditésPathologie ORL chroniqueRGOPerturbations psychologiquesObésité

EnvironnementPollution biologique (allergènes)Pollution domestique

Adhésion au traitement

Tableau 2Critères d’asthme sévère selon l’American Thoracic Society [7].

Critères majeurs (� 1)Contrôle de l’asthme nécessitant

Un traitement continu ou semi-continu (� 50 %) par corticoïdes orauxUn traitement par fortes doses de corticoïdes inhalés

Critères mineurs (� 2)Nécessité d’un traitement additionnel quotidien (b2-agonistes

longue durée d’action, théophyllines, anti-leucotriènes)Symptômes nécessitant la prise quotidienne ou quasi-quotidienne

de b2-agonistes de courte durée d’actionObstruction persistante (VEMS < 80 %, variabilité du DEP > 20 %)Un ou plusieurs recours aux soins en urgence/anAu moins trois cures courtes de corticoïdes orauxAggravation rapide provoquée par la baisse de 25 % de la dose

de corticoïdes oraux ou inhalésATCD d’asthme aigu grave ayant mis en jeu le pronostic vital Allergy

Clin Immunol. 2009;124(6):1210–6.

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pour les symptômes d’asthme sévère tels que les réveilsnocturnes pour asthme, des prévalences allant de 1 et 1,5 %en France et de 0,5 à 3,5 % dans le reste de l’Europe ;� dans la phase II de cette étude dans tous les centres français,

la prévalence de l’asthme sévère évaluée par au moins quatrecrises d’asthme dans l’année précédente était seulement de2 % [3].

En France, une étude regroupant l’enquête décennale santéde l’Insee (Institut national des statistiques et des étudeséconomiques) et les enquêtes du cycle triennal en milieuscolaire, estime la prévalence de l’asthme actuel chez l’enfant à9 % [4]. Dans une compilation de la British Lung and AsthmaInformation Agency, la prévalence de symptômes témoignantde crises graves comme des sifflements empêchant l’élocutionétait de moins de 4 % dans des pays d’Europe dont la France etjusqu’à 8,5 % au Royaume-Uni [5].

Comme attendu dans toutes ces études, il y avait dans cespopulations pédiatriques, une proportion plus élevée de garçonsquelle que soit la sévérité de l’asthme.

Concernant des paramètres de morbidité, les enfants sonthospitalisés plus souvent pour crise d’asthme que les adultes.Les statistiques de mortalités, publiées régulièrement parl’OMS, montrent que de nos jours l’asthme est une cause dedécès relativement rare avec des variations géographiquesimportantes. Cependant ces dernières années, en dépit del’exceptionnalité des décès par asthme, pratiquement tous lespays européens sauf le Luxembourg présentent quelques cas dedécès parmi les enfants âgés de 0 à 14 ans [6].

Enfin, si l’asthme sévère reste minoritaire chez l’ensembledes asthmatiques, 80 % des dépenses de santé (principalementliées aux coûts indirects, c’est-à-dire à l’absentéisme scolaire etprofessionnel) sont dues à l’asthme sévère [7].

2. Définition de l’asthme sévère

Tout d’abord, on ne peut parler d’asthme sévère qu’aprèsélimination minutieuse des diagnostics différentiels, évaluationdu contrôle de l’environnement et enfin traitement descomorbidités [8] (Tableau 1).Cette démarche, unanimementadmise, demande donc des explorations ciblées et un suivi dupatient avant d’envisager le diagnostic d’asthme sévère. Ainsi,chez l’adulte, l’asthme est qualifié de sévère chez les patientsdifficiles à contrôler malgré un traitement adapté correctementpris et réévalué sur une période de six mois [9]. L’asthme sévèreest caractérisé selon différents critères cliniques, fonctionnelset thérapeutiques par l’ATS en 2000 [10] (Tableau 2). Différentsguidelines internationaux régulièrement réactualisés définis-sent l’asthme sévère. En 2002, les recommandations inter-nationales du Global initiative for asthma (Gina) et du NationalAsthma Education Prevention Program (NAEPP) évaluaient lasévérité de l’asthme en quatre stades (intermittent, persistantléger à sévère) en fonction des symptômes diurnes et nocturneset de la fréquence des exacerbations qui affectent l’activité et duvolume expiratoire maximum seconde (VEMS) avant la misesous traitement. En 2005, la charge thérapeutique intervientégalement dans la classification en quatre stades exposée par le

Gina chez l’adulte. Mais la prise en compte des exacerbationsgraves, particulièrement fréquente chez l’enfant est malévaluée par cette classification. Ce paramètre est mieux intégrépar la classification du NAEPP, mais ce score ne prendmalheureusement pas en compte les traitements de fond et toutparticulièrement les corticoïdes inhalés.

De plus, l’ensemble des classifications internationales nedéfinisse l’atteinte fonctionnelle que par l’étude du VEMS et neprennent pas en compte l’atteinte des voies aériennesinférieures. Chez l’enfant, le VEMS est le plus souvent normalquelle que soit la sévérité clinique de l’asthme évaluée à partirde score d’activité clinique [11]. En revanche, le débitexpiratoire évalué à 25–75 % de la capacité vitale(DEM 25-75), qui est le reflet de l’atteinte des petites voiesaériennes, est mieux corrélé à un score tenant compte de laclinique et des besoins médicamenteux [12]. Une étude,réalisée dans l’asthme difficile à traiter de l’enfant, montre quele DEM 25-75 est corrélé à la fraction expirée du monoxyde

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d’azote (FeNO), elle-même corrélée au remodelage tissulaireévalué par la mesure de l’épaississement de la membrane basaledes bronches [13].

En 2006, le contrôle de l’asthme remplace la notion desévérité pour le Gina [14]. Des questionnaires d’évaluation ducontrôle, comme l’asthma control test (ACT), deviennentindispensables pour le clinicien dans le suivi des asthmatiques.C’est le non contrôle sous une pression thérapeutique élevée quiconstitue alors l’asthme sévère.

3. Facteurs de risques d’asthme sévère et risque depersistance à l’âge adulte

À l’adolescence et à l’âge adulte, le genre féminin est unfacteur de risque d’asthme sévère alors que chez l’enfant,l’asthme sévère se rencontre plutôt chez le garçon. Ainsi, uneétude réalisée à Boston montre que l’hospitalisation pour crised’asthme est plus fréquente chez le garçon avant 14 ans etnettement plus fréquente chez les filles à partir de l’adolescence[15]. Le sexe féminin est un facteur de risque de persistance del’asthme de l’enfance vers l’âge adulte [16]. De la même façon,dans l’étude de Varraso et al., ce sont les jeunes filles ayant eu unepuberté précoce et une obésité qui sont à risque d’asthme sévère[17]. Dans une étude européenne, d’autres facteurs de risqueprédictifs d’un asthme sévère à l’âge adulte sont retrouvés chezl’enfant, comme une altération précoce du VEMS, un taux élevéd’IgE sériques et une toux productive persistante [18].

4. Phénotypes d’asthme chez l’enfant

L’hétérogénéité de l’asthme tend à considérer l’asthme pluscomme un syndrome que comme une maladie en tant que telle[19]. L’asthme sévère peut également être décrit selondifférents phénotypes : l’âge de début de la maladie, le tauxd’exacerbation graves, la présence d’une atteinte persistante dela fonction respiratoire et la résistance aux corticoïdes. Le débutprécoce (< 12 ans) est souvent lié à un terrain atopique définipar un eczéma, une rhinite allergique et/ou des sensibilisationsallergéniques [20]. L’asthme à début plus tardif est souvent lié àune altération précoce de la CVF. Certains asthmes ont unetendance à développer des exacerbations graves. Ainsi,l’altération précoce du VEMS, mais aussi le jeune âge ouencore le terrain allergique sont des facteurs de risqued’exacerbations fréquentes et graves. A contrario, certainsasthmes sont peu symptomatiques et sont associés à unealtération irréversible des débits expiratoires [21]. Unphénotypage dépendant de l’âge est également décrit. Ainsi,les exacerbations sévères associées à des symptômes occa-sionnels et sans symptômes inter-critiques sont fréquents chezl’enfant d’âge préscolaire, alors que les enfants plus âgés ontdes symptômes plus chroniques, persistants et répondant à demultiples stimuli [8,22].

L’asthme allergique est un phénotype de l’asthme à risque desévérité. L’allergie rend compte de la sévérité de l’asthme :

� d’une part, car l’exposition directe à un allergène pour lequelle patient est sensibilisé peut entraîner une exacerbation ;

� d’autre part, car l’exposition prolongée à l’allergène peutprovoquer une instabilité de la maladie plus difficilementcontrôlée par le traitement de fond [23–25].

Récemment, il a été montré qu’à Sydney le compte depollens influence le nombre d’hospitalisations pour asthme quelque soit l’âge [26]. En 2002, à Cambridge, au Royaume-Uni,suite à un orage à la fin du mois de juillet, un nombre élevéd’hospitalisations ont été observées pour crise d’asthme dont undécès. L’analyse de ces patients hospitalisés a mis en évidenceune sensibilisation allergénique conjointe a alternaria alter-nata et aux pollens, par rapport au groupe d’asthmatique sansmanifestation sévère en période orageuse sensibilisé unique-ment aux pollens [27]. Ces épidémies de crises d’asthme aiguësgraves en début d’été sont essentiellement liées aux pollens etsurtout aux moisissures comme alternaria, didymella exitialis,sporobolomyces. . . Elles surviennent dans le cadre dephénomènes climatiques particuliers, tels que les oragesassociés à une chute de température, une augmentation de lapression atmosphérique et de l’humidité et des pluiesdiluviennes qui seraient responsables de la rupture des grainsde moisissures, libérant des particules allergéniques [28,29].

L’allergie est également un facteur de risque de persistancede l’asthme dans l’enfance. La sensibilisation aux trophal-lergènes se poursuit par la sensibilisation aux pneumallergèneset est un marqueur de risque déterminant pour le développe-ment d’un asthme [30]. Seule la sensibilisation allergéniqueprécoce (avant l’âge de huit ans) est associée à l’asthme alorsque la sensibilisation allergénique apparaissant après cet âge estliée au rhume des foins mais pas à l’asthme [31]. Un taux élevéd’IgE totales est corrélé à la sévérité de l’asthme chez l’enfantdans l’étude Tenor [32]. Cette même relation est retrouvée dansl’étude de Carroll et al. dans laquelle, dans une cohorte de400 enfants de sept à 18 ans, un score élevé de tests cutanéspositifs aux aéroallergènes est associé à un risque augmentéd’hospitalisation, d’utilisation de corticoïdes et d’altérationde la fonction respiratoire [33]. De la même façon, uneaugmentation du diamètre des prick tests aux acariensDermatophagoides pteronyssinus (Der p) 1 a été associée àune augmentation des symptômes d’asthme et une augmenta-tion du risque d’hospitalisation [34]. La relation entre l’atopieet l’altération de la fonction respiratoire est aussi retrouvée chezles enfants d’âge préscolaire [35]. Naqvi et al. montrent, chezdes enfants âgés de 8 à 18 ans, qu’un taux élevé d’IgE(> 100 UI/mL) en comparaison à un groupe ayant un taux IgEplus bas est associé :

� à une fonction respiratoire basale dégradée ;� à un asthme plus sévère attesté par des hospitalisations plus

fréquentes [36].

Chez l’adolescent, l’intensité de l’hyperréactivité bron-chique est corrélée à différents marqueurs d’atopie, dont letaux d’IgE totales, les IgG4 spécifiques des acariens etl’éosinophilie sanguine, différentes interleukines (IL) de lalignée Th-2 comme IL-5, l’IL-13 [37]. De la même façon, uneétude réalisée chez des enfants âgés de cinq à 15 ans montre

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que deux marqueurs d’atopie (prick tests positifs et IgEtotales élevées) sont associés à une fonction respiratoiredégradée et à un asthme sévère évalué par des crisesfréquentes et graves [38].

Enfin, certaines sensibilisations à des allergènes particulierscomme les acariens [16] ou l’alternaria alternata [39] sont desfacteurs de risque de persistance de l’asthme de l’enfance àl’âge adulte.

5. Asthme sévère et perspectives thérapeutiques

Mieux définir les phénotypes de l’asthme doit permettre decibler le traitement le plus approprié. Ainsi, un premiertraitement dirigé contre une cible moléculaire, l’omalizumab,anticorps humanisé anti-IgE, a permis de contrôler certainsenfants présentant un asthme IgE médié sensibilisé à unallergène perannuel et non contrôlé malgré de fortes doses decorticoïdes inhalées [40].

Dans l’avenir, les définitions plus phénotypiques desasthmes sévères, tenant compte aussi des cellules et desmolécules impliquées dans la physiopathologie des exacerba-tions (explorées par des techniques non invasives, commel’expectoration induite, la mesure de la fraction exhalée du NOou encore l’étude du condensat) devraient nous permettre decibler les traitements appropriés aux phénotypes ainsi définis.

6. Conclusion

L’asthme sévère de l’enfant est probablement sous-estimé enraison d’une classification inappropriée à ses spécificitéspédiatriques. Après avoir éliminé les diagnostics différentiels etposé le diagnostic d’asthme sévère, il est important d’en décrireles phénotypes afin de connaître et d’anticiper les facteurs derisque de décompensation, de pouvoir informer la famille durisque de persistance à l’âge adulte et surtout de proposer untraitement adapté.

Conflit d’intérêt

J. Juste est consultante pour le laboratoire Novartis.

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