8
F. Lindstedt, Stockholrrl. Le Concept de Nevralgie En 1919, j'ai fait a I'Association des MBdecins suBdois et plus tard au Ix" Congrhs de MBdecine interne des Pays du Nord, Copenhague, un rapport sur une nouvelle manike de concevoir la pathogenie de l'affection qu'on appelle la sciatique; j'6tayais meb opinions de quelques observations nouvelles. Suivant cette concep- tion B moi, qui diffbre de toutes les prhckdentes, les symptbmes dc douleur et de sensibilitb musculaires qui caractbrisent la nBvralgie du nerf sciatique doivent 6tre envisagbs c o m e l'expression de5 @tats de fatigue rnu.sculairc dBveloppBs dans le systeme musculaire nhcessaire a I'exBcution de la marche, c'est-&-dire, dans les muscles innerves par le sciatique et, surtout peut-Gtre, dans les muscles des regions lombaire, sacro-iliaque et fessihre. Les causes locales de ces Btats de fatigue sont conime rbgle dbmontrables. Elles sont coristituBes par 1es irritations pBriphBriques les plus diverses et par les conditions susceptibles de troubler ou de surmener la fonction musculaire en question; de ces multiples influences rbsultent des Btats de fixation et de tension de toute sorte, ou bien reflexes, ou bien meme, Bventuellement, d'une nature plut6t volon- taire, bref des Btats d'hyperfonction ou d'autres Btats fonctionnels pathologiques des muscles. Relativement k leur origine, les douleurs inusculaires de la sciatique sont donc a considkrer en principr (:omme analogues - au sens trAs large de ce mot - aux souffrances iiiusculaires trhs connues qui accompagnent le pied plat. Les douleurs irradie'es peuvent s'expliquer leur tour coinme &ant dkclenchkes par les e'tats sus-mentionnks irritatifs et douloureux des muscles; en princilpe, elles sont donc analogues aux irradiations douloureuses bien connues, par exemple, du ma1 de dents. Je tiens A signaler comme un fait capital que les alterations capables de jouer le rble de causes locales de la sciatique, telles entre autres, que le pied plat, le genu recurvatum et diverses anomalies statidues Be Ce gbnre, affections tin piled, du genou, de la

Le Concept de Névralgie

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le Concept de Névralgie

F. Lindstedt, Stockholrrl.

Le Concept de Nevralgie

En 1919, j'ai fait a I'Association des MBdecins suBdois et plus tard au Ix" Congrhs de MBdecine interne des Pays du Nord, Copenhague, un rapport sur une nouvelle manike de concevoir la pathogenie de l'affection qu'on appelle la sciatique; j'6tayais meb opinions de quelques observations nouvelles. Suivant cette concep- tion B moi, qui diffbre de toutes les prhckdentes, les symptbmes dc douleur et de sensibilitb musculaires qui caractbrisent la nBvralgie du nerf sciatique doivent 6tre envisagbs c o m e l'expression de5 @tats de fatigue rnu.sculairc dBveloppBs dans le systeme musculaire nhcessaire a I'exBcution de la marche, c'est-&-dire, dans les muscles innerves par le sciatique et, surtout peut-Gtre, dans les muscles des regions lombaire, sacro-iliaque et fessihre. Les causes locales de ces Btats de fatigue sont conime rbgle dbmontrables. Elles sont coristituBes par 1es irritations pBriphBriques les plus diverses et par les conditions susceptibles de troubler ou de surmener la fonction musculaire en question; de ces multiples influences rbsultent des Btats de fixation et de tension de toute sorte, ou bien reflexes, ou bien meme, Bventuellement, d'une nature plut6t volon- taire, bref des Btats d'hyperfonction ou d'autres Btats fonctionnels pathologiques des muscles. Relativement k leur origine, les douleurs inusculaires de la sciatique sont donc a considkrer en principr (:omme analogues - au sens trAs large de ce mot - aux souffrances iiiusculaires trhs connues qui accompagnent le pied plat. Les douleurs irradie'es peuvent s'expliquer leur tour coinme &ant dkclenchkes par les e'tats sus-mentionnks irritatifs et douloureux des muscles; en princilpe, elles sont donc analogues aux irradiations douloureuses bien connues, par exemple, du ma1 de dents.

J e tiens A signaler comme un fait capital que les alterations capables de jouer le rble de causes locales de la sciatique, telles entre autres, que le pied plat, le genu recurvatum et diverses anomalies statidues Be Ce gbnre, affections tin piled, du genou, de la

Page 2: Le Concept de Névralgie

207

hanche, varices, salpingites, Btats pathologiques et anomalies de la colonne vertebrale ou de la region lombo-sacrBe, etc., ne sont tout de m6me nullement B considerer comme la cause la plus impo1,- lante des symptames doulouretm Car cettc cause est constituke par des Btats et par des influences d‘une nature plus gen6rale, notzlmment de nature a signifier ou cngendrer un systhme nerveux Gpuisible ou hypersensible et reagissant pour cette raison d’une manibre pathologique.

Le temps me fait dkfaut, mtalheureusement, pour parler ici en detail de tous les travaux et de toutes les contributions qu’a falt naitre la question prBsente et qui ont vu le jour en Danemark, en SuBde et cn Allemagne durant les annires qui suiivirent ma commu- nication. Au sujet des travaux de HELLWEG, je me bornerai simple- nient it dire que, dans une certaine mesure, ils nous exposent a fairc dkvfer la discussion. Du reste, qu’il me suffise d‘observer qu’une opinion tend de plus en plus k s’affirmer, que mes conceptions - iiu rnoins pour un grand nombre de soi-disant sciatiques - sont en principe justes.

Dautre part, ill n’est pas niable que rnm conceptions en question ont souleve une forte opposition. Une des principales causes de cetle opposition est sans doute I’embarras oh nous plonge ips0 facto l’admission de cette fagon de voir, quand il s’agit de repondre a cette questilon : Faut-il continuer ou non d envisager la sciatique comme une uffertion ndvralgique? En effet, si l’on repond affirma- tivement, on se trouve conceder que n i h e les douleurs, qui semblent 6tre d’origine purement p&iphBrique, peuvent Btre considirrbes comme des n6vralgies vraiies. Mais, comme on le verra mieux encore par ce qui suit, pareille reponse contredirait nos concepts les plus courants de la n6vralgi:e. Si, au contraire, l’on repond nBgatihiemerlt, on avoue implicitement que l’immense majo- rite des synipttimes de douleurs, classees jusqu’ici commk nevraigies, ne mBritent plus desormais ce nom. I1 conviknt erl Met d’observer que, si l’on admet pour la sciatique l’origihe suppos6e, on est Bgalenient fork6 de l’adniettre pour notnbre d‘autres sympt6mes (( nkvralgiques )), pui se combinent habituellemnt A ceux du rhumatisme musculaire, comme, par exemple, pour la brachialgie, les nBvralgies intercostales et occipitales. Ajodtez que la quCstion de la nature nevralgique ou hon du rhumatisme museulaire depend elle-m6me, B un tr&s haut degrb, de la r6ponse. Car, avec ma manilere de voir, un tr&s grand nombre de symptbmes du rhuma- tism.e rnuirwlodf-e soht ahsolument & considher comme des s ~ b h 6 -

Page 3: Le Concept de Névralgie

208

nies douloureux dtiologiquement Cquivalents aux fornies de nevralgies que je viens de mentilonner.

On se trouve donc en presence de I’impkrieuse nbcessit6 de chercher a s’expliquer d‘une manikre h peu prks exacte ce que signifie b c concept tic (( ndvralgie n . Ce but est en rbalite beaucoup plus tliifficile h at,teiadre qu’on ne pourrait It: croiw tle prime ahord. Q u a d on parcourt la littbrature medicale, on voit en effet que pour l’instani, - abstraction faita d’un grand nombre de variantes moins essentielles de la dbfinition - nous a w n s affaire ii pas rnoins de trois conceptZorrs de la ndorabyic enti&rement dif fermtcs. Dans la mesure du possihle et du peu dc? temps don1 je dispose, je veux vous present,er une dtudc critique soiniiiaire de ces conceptions au point de vue de leurs droits tlikoriques et prat.iques ii I’existence.

Je tiens B signaler. tout d’abord que le concept de ndvralgie vint sans doute de I’attention particulibre qu’on donnai,t originellement h eertaines douleurs semblarit irradier le long des troncs newwix, e t auxquelles, en dkpit de leur reniarquable irriportance et de leur localisat,ion ew des regions d’une exploration f‘acile, on tie parvenait, tout de m h e pas h ddcouvrir une cause locale quelconque. I1 etait donc nature1 de penser quc ces douleurs, 2. I’inverse de ce que I’expkrience nous a enseignk pour les douleurs (( ordinaires )),

Btaient coinniand6es non par des causes irritatiives agissant la pkriphtiric., mnis par des altdratioiis no11 d8moritrables tles nwfs eux-ni&mcs ou du systkine Iiei’vwx. - Cette derni,hre hypothPst: parut, dnns la suilr, applicable aussi A UII grand noinbre de douleurs qui n’irrudirnt p i s It: long des t.ronc,s iierveux - par exeniple, aux n6vralgiscs arliculaires, ii lu n~ast~odynie, elc ... - douleurs, oh l’impossibilitb de dcimontrer quclque cause locale devait n6ces- sairement pamitre in$xylicable, en tous cas incompatible avec la supposition qu’il s’agisse des douleurs (( ordilnaikes )).

L’appellation de nevralgie est donc foiidee sur une hypothbse par laquelle on a cherche 2, expliquer certaines manifestations doulou- reuses inexplicables en tant que douleur ordinaire. L’hypothkse clle-me^me a ainsi dktermind le concept. La nature de l’hypothbse explique aussi que, de tant de cdtes, on ait cherche a d6finir la n6vralgi;e sous une forinc principalement dtiologique. D’aprhs cette manikre de la defini‘r, on entend par nbvralgie une affection ner- veuse ( ( sui genem’s )), commandke par des alterations partioulil&res, pour le m,oment indeterminables et par consequent indemontrables, des nerfs peripheriques ou de quelque autre part& du territoire de projectiion qui correspond a la localisation de la douleur.

Page 4: Le Concept de Névralgie

Un semblable concept exige cependant que l'affection nerveuse consideree puisse &re nettemenl, dBlimitBe au point de vue s6m6io- Ingique, mais aussi que, dans une nevralgie, on ne puisse dBmontrer aiicune cause locale que ce soilt, sous forme d'alterations en dehors ou t:n drdans du systhme nerveux proprement dit.

l~rlati~vement a la delimitation sBmBiologique on a bien tent& (111 g8116ra1, de donner a la nevralgie trois caracteristiques, a savoilr :

1 L',in,tensile' des douleurs. 2" Leur caractere irradiant. 3" Leur apparition sous forme de parmysnies.

Mais, a vrail dire, ' ces t,rois caractkristiques sont evidemment. d'une nature trhs relative; en effet, on peut trks bien soutenik que chacune et toutes sont le bien comnwn de toutes 10s douleurs. I1 s'ensuit que l'affection nerveuse supposee ne repond pas un tableau symptomatique cliniquement isolable, ce qui doi't forcement paraitre en desaccord avec le principe Btiologique de ce concept.

Quant a l'absence de causes demontrables, I'experience, conime on le sait, nous a de plus en plus enseign6 que la grande majorilth des syrnptbmes douloureux qu'on donnait autrefois pour des nevralgies (( vraies )), - c'est-%-dire, pour des nevralgies au sens du concept etiologique - sont en realit6 secondaikes B des alters- ti!ons d6montrables et ,B nombre de causes fort diverses. Si l'on admet de plus pour les sciatiques et autres symptbmes dits nevral- giques la possibillite du niode d'origine que j'ai suppose plus haut, on doit aussil adnettre que la categorie des manifestations doulou- reuses, auxquelles l'hypothhse d'une affection pathologique speciale intkressant le systhme nerveux peut continuer a s'appliquer, est a I'heure prdsente extr6mement reduite et que de plus, dans I'avenir, elle se reduira encore davantage. Mais dans ces condi;tions I'hypothhse du concept Btiologique - B tout le mioins quand il s'agit d'un cas special - paraitra tellement invraisemblable, m8me dans les cas dont on n'a pu trouver encore la nature secondaire, que, d'une manihre gen&ale, on ne peut en faire la base d'un concept utililsable en prat,ique.

I1 s'ajoute aussi que ne pouvons Bvidemment pas nous liberer, - ainsi qne I'exige l'utilisation logique du concept Bti!oIogique, - de l'emploi du terme de (( nevralgie )) pour une multitude de symptbmes douloureux dont la nature secondaire est demontrable. Comnie on Ir, sait, depuis dBjh longtemps on applique A des dodleurs de ce genre le nom de nkvralgies (( serondacres ) I . Et, de fait, dans

i4

Page 5: Le Concept de Névralgie

210

la plupart des sympt6mes douloureux en quwtitrn nous rontinuons B &re lies au terme de n6vralgie. Cette circonslancc, dvidcniiiiriit. dkmontre d'une part, que la denoniination tlc nbvralgic est &alp- rnmt employite pour d'autres raisons que crlles du concept Btiolo- gique, d'autre part, que ces raisons ont un 1:u.g~ droit a l'existence. Ida question qui se pose esf alors la suivante : Quelles 5ont C P S

ra 1 sons? Le plus simple est peut-etre d'admettre que les raisoiis e n cause

w i t d'ordre purement s6m6ilologique. Dans la litt6rature medicale, P I I effet, se manifestent chez p1uLjieurs auteurs une tendancr Ir ddfinir le concept de nkvralgie comme un concryt purement se'me'io- Jiy?que. Mais B cet Bgard OJI ne parajt janiais avoilr pris rn cnnsideration, que, en vertu d'un pareil concqt, l'appellation de nc;\ ralgi'e doit toujours &tre ahsolument incldpendante de I'existence ou non d'une cause demontrable, respectiieiiient de la nature dra la cause Bventuellement demontrke. Observons de plus qu'un concept purcrnent symptomatique ne peut qu'ktre Briiinemment relatif, ce qui exige en consequence qu'une nBphrolithiase ou une cholklithiase, par cxemple, soit presentee comme offrant des douleurs d'un cnracthrc beaucoup plus n6vPalgique que, par exemple, une nevralgie articulaire ou une mastodynie. Mais un tel concept syrnptomatique iir pourra jarnais &re logiquenient applique dans la pratique. Sous lc rapport de la noinenclature il contrasterait par trop avec le langage auquel nous sommes liBs par l'usagr et qui, &vidrmment, wnploie le terme de nitvralgie pour des rnisoris ayant des droiis h l'existence superieurs a celles du concept skmdiologique.

Par l'analyse du langage usuel - sup laquelle je ne peux iri m'6tendre en detail - j'en suis arrive A penser que les raisons en cause concordent 6troitement avec le principe qui. ainsi que je I ' a i

dit, scnible UVOII', d&s l'origine, donne; les lirnites cliniqUes dc la conception de nkralgie. J'ai iici en vue l'inexplicdbilite' des douleurs. En fait, le maintien de la conception des nevralgies secondaires e\t certainement a considkrer coinme l'expression de cette idee que les nhvralgies, en dkpilt de causes locales d6montrables. ne sont pourtant pas jug& explicables de la m&me fapon qu'une douleur ordinaire. Cette opinion est vdriflke, entre autres raisons, par C P

fait que des hypothhes speciales ont paru necessaires pour. expli- qucr les relations existant entre les causes localrs dcirnontrBes, d'unc part, rt 1'ihtciisitB des douleurs, leurs irradiations et leur mode qxkial d'apparitiun, d'autre part. Ces hypothbses, comme on 1~ sait, oiit BtB jug6es dignes de former la base d u n concept special

Page 6: Le Concept de Névralgie

de la nevralgie, ti savoir du concept pathog8hiqua. D'aprbs ce dernier, on entend par nevralgie une douleur qui, 1 l'inverse de la douleur (( ordinailre )), rCsulte, non pas d 'me irHtat?on purement perfph$riqde, mais de l'irritation d'un faisceau entier d e fibres nt?rveuses aux points, oh, - coinme dans les troncs nerveux ou dans les raciaes postbrieures, - de nombreuses flbres nerveuses se trouvent juxtaposees. En ce cas on pense en g6nhral que cette irriltation - la o h elle n'est pas commandhe par dn proGessus pathologique primaire hypothbt*ique, developph dans le nerf lui- riliernc - rhsulte de ce que les alterations agissant c m m e facteur causal, telles par exemple que les tumeurs, les alterations inflam- matoires, etc., rdalisent une pression au nerf ou un processus inflammatoi're envahissant le nerf par continuith. Dans ce cas, on a cru pouvt)ir expliquer l'irradiation caracthristique des douleurs comme un siimple phenombne de projection.

Ainsi que je l'ai dejh releve dam mes travaux anthrieurs (1 ) la G thhorik de la projection )), stiftout sous sa forme de (( Ihdorie de la pression )), est cependant foPt peu Satisfaisante el pour les raisons suivantes :

a aucunc raison de supposer qu'une pressioh quelconque sur U I ~

grand faisceau nerveux ou un processus inflarnmatoilre au nerf existe. Cette constatatilon est tout particuli&rciiicnt frappwtc, .;i l'on reconnait la possibilite du mode suppos6 de pathog6nese de la scialique et des nhvralgies apparentbes. Car, dans les cas de cc genre, nombre #affections purement periphbriques, coinme le pied plat, les affections du genou, les arthrites scapulo-hum6ral6s, etc., peuvent constituer les causes Btiologiques locales;

2" Quant aux cas o h ill existe positivement des raisons pour admettre une affection secondaire, par pression ou par une action quelconque sur les grands faisceaux nerveux, la situatilon de l'altera- tion jouant un ri3le htilologique n'est habituellement pas telle, que l'irradiation douloureuse nbvralgi'que en puisse recevoir une explication concordant avec la theorie de la projection;

3" M6me si la situation des alteratilons Btiologiques repondai t aux exigences de la thBorie de la projection, le tableau oliniqut! de

10 Dans la plupart des cas de nhvralgiles dilw

(1) Uber die Etiologie und Pathogenese der Isohias. Actu Yed. Scar& vol. LIII, fasc. 111, 1920. - Uber die Etiologie und Pathogenese der Ischias und Lumbago nebst einer neuen Anschauu'ngsweise dieser Neu- ralgien. Zeitschr. 7. Klin. Med., bd 93, 1922.

Page 7: Le Concept de Névralgie

212

la nBvralgie n’en resterait pas moins dans ses grandes lignes inex- pliQu6.

I1 s’ensuilt que le concept pathoghique de la nbvralgie, de m6me que le concept Btiologique, se fonde sur une hypothese qu’on ne peut songer & utiliser que dans un petit nornbre de faits et qui, ineme pour ces faits, est en regle genkrale trop invraisemblable pour servir de fondement b un concept de nkvralgie logiquement transportable dans la pratique.

Par l’analyse prBc6dente du concept de la nevralgie, j’ai voulu rnontrer tout dabord que, pour l’instant, nous avons affaire a pas moins de trois concepts de la ri6vralgie essentiellement diffkrents, et ensuite qu’atccun de ces concepts n’a dc droits suffisants d l’exis- tence pour qu’on puiisse en faire une application logique dans la pratique. Ceci Btant, toute discussion sur la nature nevralgique ou lion dune douleur, est fatalement condamnee h se perdre dans les nuages. Toutefois, comme pour une certaine categorie de douleurs nous continuons b &re plus ou moins li6s au terme de ndvralgie, la re‘vision du concept de ne‘vralgie s’impose. Mais, aussi longtemps que nous ne possedons pas de la nbvralgic une hypothese suffisnm- ment vraisemblable, pour servir de base h un concept rationnel et transportable dans la pratique, nous devrons nous estimer satisfaits avec un concept depourvu de toute supposition prkalable et qui, relativement b la nomenclature, concordera en principe, autant que faire se peut, avec les raisons qui scmblent avoir guide le langage dans l’emploi du terme de n6vralgie. En conskquence, l’idke direc- trice devra &re l’inexplicabilliltb de la douleur. I1 s’agit donc de chercher dkfinir logiquenient, un concept qui cinbrasse justerneril les sympt6mes douloureux, qui, d’aprks les considerations que nous avons fait valoir, ne peuvent s’expliquer comme des douleurs ordinailres. Ce concept, pour ce quil est de sa teneur clinique, je I ( d6finirais de Is manikre suivante :

Une douleur est plus otc mows ne‘vt*algique dans la mesure oh par son intensite‘, scs irradiations ou son mode special d’apparition elle semble inexplicable, c’est-8-dire, inassimilable B la douleur u ordinaire n, en raison de sa disproportion, soit B l’e?‘ywtl d e In cause locale incrimine‘e. soit B l‘e‘gard d~ l’absence de towte cause dkmontrable de ce genre.

Cc concept, & vrai dire, est ne‘gatif et il ne contient aucune hypo- these positive concernant. la nature plus ihtime des symptbmes douloureux en question. Par contre, i l d i t au moins quelles sont

Page 8: Le Concept de Névralgie

213

les douleurs qu’on doit tenter dexpliquer de plus pres. Dans quelle mesure sera-t-il possible d’kdilfier, en faveur d’une cat6gorie plus ou moins importante de ces douleurs, une hypothese suffisamment vraiseinblable pour qu’elle serve de fondement it un concept plus pathogenique et dou6 do riieilleurs droits h l’existence, c’est 18 une nouvelle question, et nous devons la remettre ti plus tard.

Par son ampleur le concept, que je propose, inclut, dans une certaine mesure, divers sympt6mes douloureux, tels, par exemple, que l’angine de poitrine et certaines autres douleurs viscdrales qui ne sont g6n6ralenient pas qualifi6es de nhvralgies. Mais, en raison de la relativite prononcke de ce concept, la discordance signalee n’a pas une importance tellement essentielle qu’elle s’oppose a l’adoption du concept dans la pratique.

I1 est d’une extrsme importance que mes nouvelles manileres de voir concernant la pathoghie de la sciatique et de quelques autres nivralgies ne s’opposent nullement, mais bien au contraire, qu’elles obligent B mettre ces symptdmes douloureux et, par suite aussi, Ieurs kquivalents myalgiques au compte des sympt6mes pluq 011 moins n6vralgiques du nouveau concept. Car, tous ces symptbmes douloureux, au point dc vue symptomatologique, contrastent Bvil- demment avec l’insignifiance relative des causes locales habituelle- ment incrilmindes. Pour leur complete cxplicati~on ils exigent aussi, conime je l’ai d6jh signal6, la constatation ou la supposition non seulement dune cause locale, mais encore d‘un mode reactionnel plus O L ~ moins pathologilque de la part du systeme nerveux, aux irritations sensibles en g6nBral.

Par ces derniers mots, je suis en fait sur la voie d‘une nouvelle hypothhse de la ngvralgie, hypothese qui, B mon sens, est en &at d‘expliquer, mieux et d’une maniere plus g6n6rale que nos hypo- theses actuelles, ce que nous avons observe aussi bilen dans l’6tio- logie que dans la symptomatologie des douleurs n6vralgiques. Mais de cette hypothese de la ndvralgie, comme de la question de savoir en quelle mesure elle peut sembler digne de servik de base B un nouveau concept pathogenique de la nbvralgie, je ne peux ilci parler; je suis contraint de renvoyer B un travail plus 6tendu et qui vient justement de paraftre (1).

(1) F. LINDSTEDT. Uber den Neuralgiebegriff und die Natur der Neural- gien’, Zeitschr. fur d. Ges. Neurologie und psyohiatrie. ad. 102, 1926,