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Le département du Sègre ou les tribulations d'un préfet impérial. Janvier 1812 · Juin 1813 Durant l'occupation napoléonienne, la Catalogne est divisée en quatre départements. Celui du Sègre comprend trois arrondissements, Puigcerdà (chef-lieu), Talarn et Solsona. Nommé début février 1812, e préfet de ce nouveau département, Viefville des Essarts, éprouve quelques difficultés à rejoindre sa préfecture ou les troupes de l'Empereur, face aux insurgés, ont du mal à s'imposer. II ne s'installe à Puigcerdà que le 20 juin, après un séjour forcé de plus d'un mois à Mont-Louis. L'administration civile du département, dont une partie reste toujours aux mains de l'''ennemi'', n'est pas une sinécure. La guerre a ruiné le pays, les réquisitions l'affaiblissent encore et à une contrebande florissante s'oppose un service des douanes quasi ment impuissant. Les habitants de la Cerdagne sont peu nombreux à soutenir le nouveau pouvoir : en vieux habitués des temps de guerre et des changements de souve- raineté, ils cherchent à sentir d'ou vient le vent et essaient surtout de tirer leur épingle du jeu. La majorité préfère à une opposition ouverte ou à la franche collaboration une résistance passive qui décourage les tentatives de réforme et les réquisitions de toutes sortes. o: ,O r-- CI) I Durant l'ocupació napoleònica, Catalunya va ser dividida en quatre departaments. EI del Segre com- prenia tres districtes: Puigcerdà (la capital), Talarn i Solsona. Nomenat a inicis de febrer del 1812, el arefecte d'aquest nou departament, Viefville des Essarts, troba serioses dificultats per instal.lar-se en la seva prefectura, on les tropes de l'emperador, davant dels insurgents, tenen problemes per impo- sar-se. No s'instal.là a Puigcerdà fins al 20 de juny, després d'una estada forçosa de més d'un mes de durada a Montlluís. L'administració civil del departament, una part de la qual restà sempre en ans de l' "enemic", no resulta gens fàcil. La guerra arruinà el país, les requisicions l'acaben d'afleblir i a un contraban en alça s'oposa un servei de duanes pràcticament impotent. Els habitants de Cerdanya són poc nombrosos per poder mantenir el nou poder: acostumats de fa temps a estar en ~ erra i als canvis de sobirania, miren de veure d'on bufa el vent i proven de fer la viu-viu. La majoria ..,efereix una resistència passiva que malmeti les temptatives de reforma i tota mena de requisicions que no pas una oposició oberta o una franca col.laboració. Jean-Pierre CABOT Durante la ocupación napoleónica, Catalunya fue dividida en cuatro departamentos. EI del Segre mprendía tres distritos: Puigcerdà (la capital), Talarn y Solsona. Nombrado a inicios de febrero de 1812, el prefecto de este nuevo departamento, Viefville des Essarts, encuentra serias dificultades - a instalarse en su prefectura, en donde las tropas del emperador tienen problemes para imponer- :- a los insurjentes. No se instaló en Puigcerdà hasta el 20 de junio, después de una estancia forzo- sa de mas de un mes en Mont-Louis. La administración civil del departamento, una part de la cual vo siempre en manos del "enemigo", no resultaba nada íacil. La guerra arruinó el país, las requi- - nes lo acabaron de debilitar y a un contrabando en alza se opuso un servicio de aduanas pràcti- ente impotente. Los habitantes de Cerdanya eran poco numerosos para poder mantener al nuevo - er: acostumbrados desde hacía tiempo a estar en guerra y a los cambios de soberanía, intentan _ de donde sopla el viento y miran de escabullirse como pueden. La mayoría prefiere una resisten- asiva que anule los intentos de reforma y toda suerte de requisiciones a una oposición abierta o a una franca colaboración. DIVISION DE LA CATALOGNE DÉPARTEMENTS FRANCAIS 2 ~- la victoire de Wagram (5 et 6 Juillet . la paix règne en Europe exception - de l'Espagne ou l'Angleterre continue et soutient la junte de résistance de Cadix constituée après la révolte de Madrid, le 2 Mai 1808. Par Décret impérial du 26 Janvier 1812 1 , Napoléon prescrit, de Paris, une nouvelle organisation des forces d'occu- pation qui fait passer les provinces du Nord de l'Espagne sous adrninistration française directe. • CERETANIA· Núm. 2 • 1998 ·101

Le dèpartement du Segre

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Le département du Sègre ou les tribulationsd'un préfet impérial. Janvier 1812 · Juin 1813

Durant l'occupation napoléonienne, la Catalogne est divisée en quatre départements. Celui du Sègrecomprend trois arrondissements, Puigcerdà (chef-lieu), Talarn et Solsona. Nommé début février 1812,e préfet de ce nouveau département, Viefville des Essarts, éprouve quelques difficultés à rejoindre sa

préfecture ou les troupes de l'Empereur, face aux insurgés, ont du mal à s'imposer. II ne s'installe àPuigcerdà que le 20 juin, après un séjour forcé de plus d'un mois à Mont-Louis. L'administration civile

du département, dont une partie reste toujours aux mains de l'''ennemi'', n'est pas une sinécure. Laguerre a ruiné le pays, les réquisitions l'affaiblissent encore et à une contrebande florissante s'oppose

un service des douanes quasi ment impuissant. Les habitants de la Cerdagne sont peu nombreux àsoutenir le nouveau pouvoir : en vieux habitués des temps de guerre et des changements de souve-

raineté, ils cherchent à sentir d'ou vient le vent et essaient surtout de tirer leur épingle du jeu. Lamajorité préfère à une opposition ouverte ou à la franche collaboration une résistance passive qui

décourage les tentatives de réforme et les réquisitions de toutes sortes.

o:,Or--CI)

I

Durant l'ocupació napoleònica, Catalunya va ser dividida en quatre departaments. EI del Segre com-prenia tres districtes: Puigcerdà (la capital), Talarn i Solsona. Nomenat a inicis de febrer del 1812, elarefecte d'aquest nou departament, Viefville des Essarts, troba serioses dificultats per instal.lar-se enla seva prefectura, on les tropes de l'emperador, davant dels insurgents, tenen problemes per impo-sar-se. No s'instal.là a Puigcerdà fins al 20 de juny, després d'una estada forçosa de més d'un mes

de durada a Montlluís. L'administració civil del departament, una part de la qual restà sempre enans de l' "enemic", no resulta gens fàcil. La guerra arruinà el país, les requisicions l'acaben d'afleblir

i a un contraban en alça s'oposa un servei de duanes pràcticament impotent. Els habitants deCerdanya són poc nombrosos per poder mantenir el nou poder: acostumats de fa temps a estar en

~ erra i als canvis de sobirania, miren de veure d'on bufa el vent i proven de fer la viu-viu. La majoria..,efereix una resistència passiva que malmeti les temptatives de reforma i tota mena de requisicions

que no pas una oposició oberta o una franca col.laboració.

Jean-PierreCABOT

Durante la ocupación napoleónica, Catalunya fue dividida en cuatro departamentos. EI del Segremprendía tres distritos: Puigcerdà (la capital), Talarn y Solsona. Nombrado a inicios de febrero de1812, el prefecto de este nuevo departamento, Viefville des Essarts, encuentra serias dificultades

- a instalarse en su prefectura, en donde las tropas del emperador tienen problemes para imponer-:- a los insurjentes. No se instaló en Puigcerdà hasta el 20 de junio, después de una estancia forzo-

sa de mas de un mes en Mont-Louis. La administración civil del departamento, una part de la cualvo siempre en manos del "enemigo", no resultaba nada íacil. La guerra arruinó el país, las requi-

- nes lo acabaron de debilitar y a un contrabando en alza se opuso un servicio de aduanas pràcti-ente impotente. Los habitantes de Cerdanya eran poco numerosos para poder mantener al nuevo

- er: acostumbrados desde hacía tiempo a estar en guerra y a los cambios de soberanía, intentan_ de donde sopla el viento y miran de escabullirse como pueden. La mayoría prefiere una resisten-

asiva que anule los intentos de reforma y toda suerte de requisiciones a una oposición abierta oa una franca colaboración.

DIVISION DE LA CATALOGNEDÉPARTEMENTS FRANCAIS2

~- la victoire de Wagram (5 et 6 Juillet. la paix règne en Europe exception

- de l'Espagne ou l'Angleterre continueet soutient la junte de résistance de

Cadix constituée après la révolte de Madrid,le 2 Mai 1808. Par Décret impérial du 26Janvier 18121

, Napoléon prescrit, de Paris,une nouvelle organisation des forces d'occu-pation qui fait passer les provinces du Nordde l'Espagne sous adrninistration françaisedirecte.

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Jean·Pierre CABOT

C'est une région tout entière ravagée par laguerre, ruinée par le flux et le reflux d'ar-mées plus ou moins régulières quel'Empereur décide d'annexer à l'Empire etqu'il veut soumettre à l'autorité de l'admi-nistration civile impériale. Ainsi la Catalogneest-elle divisée en quatre départements:- celui du Ter, Girona chef-lieu- celui du Montserrat, Barcelone chef-lieu- celui des Bouches de l'Ebre, Léridachef-lieu- celui du Sègre, Puigcerda chef-lieu

Cette étude, forcément limitée, ne porteraque sur l' organisation du département duSègre (ou de la Sègre, car les sources manus-crites utilisent indifféremment les deuxdénominations) qui sera composé de troisarrondissements: Puigcerda, Talarn, Solsona.

Le Décret impérial du 2 février 1812 nommeaux fonctions de préfet du département lesieur Jean-Louis Rieul de Viefville desEssarts, auditeur au Conseil d'Etat et alors

sous-préfet d'Orange. Par Décrets impériau:du 7 février 1812 sont nommés respective-ment sous-préfet de Solsona le sieur Billig i:

sous-préfet de Talarn le sieur Girot-Liboi .

Le préfet du Sègre quitte Orange le 27 février1812, et nous le retrouvons quatre jours pltard à Perpignan. Son rapport au ministre --l'intérieur le Comte de Montalivet, laisse _supposer que la situation en Catalogne n'è_guère brillante: il apprend que le départe-ment de la Sègre et son chef-lieu sont amains des ennemis. Aussi devra-t-il attendrà Perpignan, la venue de son supérieur hié-rarchique direct, le Conseiller d'Etat, baror;de Gérando, intendant de la CatalogueL'installation du préfet étant soumiserésultat des opérations militaires qui doiveêtre entreprises, Gérando décide d'emmene:avec lui à Girona Viefville des Essarts.

Malgré "la neutralité" observée par les hab -tants de la Cerdagne espagnole, la situatimilitaire sur place ne semble guère favorable

Figure 1

¡ ILAS CASAS BOURGNONsous-prèfet sous-prétet

Figueras Vicq

Général DECAENCommandant en che! de l'armée de Catalogne

Gouverneur qénéral du Principat

I

Gt'RANDOconseiuer d'Etat à Gerone

Intendant de la Haute Catalogne

IDépartemenl du SEGRE

J

JDépartement du TER

jde ROUJOUX

prélet à Gérone

I

VIEFVILLE des ESSARTSpréfet à Puigcerda

I

CHAUVELlNConseiller d'Etat à Barcelone

Intendant de la Basse-Cataloqne

JDépartement des BOUCHES DE L'EBRE

J

IDépartement du MONTSERRAT

JALBAN de VILLENEUVE

préfet à Lérida

IComte TREILHARDprétet à Barcelone

I¡BEAUMONT DELAGEsous-prelat soas-prètet

Tortosa Tarragone

ICHEVAUERsous-peéfet

cervera

L'ADMINISTRATION FRANCA1SE EN CATALOGNE, SOUS L'OCCUPAT10N NAPOLÉONIENNE

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ux troupes de 1'Empereur. Le GénéralGarreau commande 7 à 800 hommes qu'iloit opposer aux quelques 4000 insurgés. nt le directeur des Douanes Boulouvard

once l'arrivée imminente. Les mois defévrier et mars sant en effet marqués par des• ids d'insurgés qui pillent et rançonnenttoute la Cerdagne espagnole et française.

Fin avril 1812, le préfet du Sègre est de. tour à Perpignan ou il apprend que le

,néral baron Quesnel se prépare à marcherPuigcerda à la tête d'un carps de 1200

- mmes. Ces ren forts feront leur entrée danshef-lieu du département le 28 mai.

'" danger de vair revenir en force les insur-::_- est toujours présent et la situation parait

ore bien embrouillée. Le préfet ne secourage pourtant pas mais il prend la déci-

de partir pour Montlouis, ou il arrive le-~ '1812.

relations entre civils et militaires ne santbonnes en Catalogne. Le 7 mai 1812,

,....,néral Garreau adresse une lettre à- 'ille des Essarts toujours bloqué à• ouis. 11précise que 1'occupation de lagne ne peut être garantie car ses trou-quent d'être appelées ailleurs. Le pré-

~oute le Général, devrait cependant faireage à Puigcerda pour connaitre les

é et prendre des informations sur l' ad-ation du pays mais comme un simple

culier, l'autorité civile etrnilitaire conti-- d'être exercée par le Général. Cettesition provoque la colère du préfet qui- part à Gérando. L'intendant approuve

bordonné et l' engage à l'ester à

Le département du Sègre...

Montlouis en attendant des jours meilleurs.

Fin mai 1812, une nouvelle "affaire" opposele préfet, toujours à Montlouis, à Meurand,Comrnissaire des Guerres à Puigcerda. Cettealgarade vient du maintien d'un marchépassé à la fin d'avril 1812 pour la foumiturede viande à 1'armée, fourniture à la chargedes habitants des communes de la Cerdagne,ce qui a provoqué des plaintes. Le préfet jugece marché "onéreux pour le pays, désavanta-geux pour le gouvernement, profitable auxseuls entrepreneurs" et il y voit "une spécu-lation sur la guerre".

Dans sa réponse, Meurand est très clair, e'estun refus de se soumettre à 1'autorité du pré-fet tant qu' il ne sera pas installé dans sesfonctions: "Jusque là, je ne dois des comptesqu'à mes chefs et c'est à eux que je dois sou-mettre ma conduite".

Gérando doit, une fais de plus, calmer sonfougueux subordonné qui brüle de pouvoirjouer son rêle de préfet et qui se morfondtoujours à Montlouis. L'arrivée de la divisionQuesnel permet de consolider la présencefrançaise et par là même de procéder, enfin,à l'installation du préfet, le 20 juin 1812.Trois mois, jour pour jour, après avoir étéoffieiellement nommé, le préfet du Sègre vadone pou vair eommencer à exercer réelle-ment ses fonctions.

11 - LES PROBLÈMES DEL'ADMINISTRATION CIVILE DUDÉPARTEMENT DU SÈGRE

La tàche promet d'être lourde pour le préfet

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Jean·Pierre CABOT

car les difficultés ne manquent pas: anarchiedue à la guerre, nombre important de petitescommunes dont certaines comptent moins decent habitants et qui déc1arent n'avoir aucunrevenu propre. "Tout est ici [à Puigcerdà] àcréer, affirme Gérando puisqu'il n'y a ni pri-son, ni local pour les tribunaux, ni pour lapréfecture, il faudra construire à neuf'. Lepréfet est beaucoup plus pessimiste: "je nesuis, à Puigcerda, qu'un simple spectateurdes événements" écrit-il à Gérando.

Les raisons de cette impuissance? Selon lepréfet c'est le manque de sujets instruits,1'esprit de parti, la crainte de l'avenir maisplus encore "la petite portion de territoire dece département soumise aux armées de SaMajesté, 35 ou 36 communes ou hameauxdont la population n'excède point 8 à 9000ames".En effet, une grande partie du départementreste aux mains de l'ennemi ; quant à la par-tie, réduite, qui est occupée et protégée par1'armée impériale, elle est toujours soumiseaux incursions des "insurgés" et elle supporteà elle seule tout le poids des dépenses et desréquisitions en nature qu'entraine la présencede 1'armée. Soucieux du sort de ses adminis-trés, le préfet souligne que ces réquisitions defourrage, de voitures, d'ouvriers, de bêtes,d'argent enfin représentent une "sommeterrible" pour un "pays ruiné par la guerre,ou le sol est peu fertile".

Les autochtones désireux de seconder le pré-fet dans son administration ne semblent pastrès nombreux et c'est surtout le service desdouanes qui semble souffrir le plus de cemanque d'intérêt de la population. Les

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Cerdans semblent beaucoup plus intéresséspar la contrebande, "ce mal funeste qui nour-rit, selon Gérando, l'insurrection parce qu'ellefournit tous les genres d'approvisionnementsaux communes ennemies". Selon Boulouvard.directeur chargé de l' organisation des douanesde la Cerdagne espagnole, la seule façon d'enfinir avec la guerre en Cerdagne, c'est "1'ané-antissement de la fraude et du commercelucratif que font les insurgés en se soustrayantà toute espèce de droits".

Cette contrebande semble parfaitement orga-nisée et les spéculateurs désireux de voir laguerre continuer en Catalogne.

Entre le 24 juin et le 27 octobre 1812, 46affaires sont jugées par le tribunal des doua-nes installé à Puigcerda le 24 juin 1812. Dansune gran de majorité, les procès verbaux fontétat de transport illicite, par une ou deu x per-sonnes, de denrées comestibles. Le plus sou-vent les contrebandiers ont abandonné cequ'ils transportaient et ont pris la fuite à l' ar-rivée des douaniers. Bien peu sont arrêtés cardevant le risque de représailles inévitable, lespréposés se bornent souvent à assurer leurservice passivement, abandonnant toute idéede promotion, quittes même à pas ser pourdes complices aux yeux de leurs chefs. Uneseule affaire importante fait état de la saisiechez un particulier, Bonaventure Cassy, deproduits coloniaux en quantité importante.Après trois séances et.. .. le saisi étant décédéentre temps et laissant une veuve et plusieursenfants en bas àge, le tribunal confisque lesmarchandises et condarnne la veuve à uneamende égale à leur valeur et aux frais duprocès.

ns' agit done de menu fretin qui est arrêté pares préposés qui saisissent, le plus souvent,

des denrées de consommation alors que les"réseaux'' importants signalés par Garreau etBoulouvard continuent leur commerce frau-:rueux en toute impunité.

La contrebande s'explique, en partie, par lesdifficultés d'approvisionnement dans les--iUelles se trouvent les habitants du départe-

ent du Sègre, victimes à la fois des insurgési les rançonnent et des Français qui lesposent.

_e danger représenté par les incursions en-aemies est toujours présent puisque

cquette du Désert, inspecteur-adjoint pourorganisation du domaine propose au préfet" prier le Général Quesnel de donner une

- rce armée suffisante pour protéger l' enlè-ement des récoltes.

population civile n'est pas la seule à con-tre une situation difficile: le nombre des

ldats malades ne cesse d'augmenter._'h6pital de Puigcerda n'étant pas en mesure" les soigner, il faut les évacuer sur

_ ontlouis au rythme de 30 à 40 tous les 4urs. Fin juin 1812 est nommée une com-. sion de 7 membres chargée d' étudier les

~ yens d'améliorer le sort des malades hos-.sés. En réponse, la commission a dressé

rêle de souscription, ne voyant pas d'au-~ moyen que celui d'avoir recours auxàmes bienfaisantes", lesquelles ne sont,

_' près l'état, que des fonctionnaires françaisdépartement!

uis la mise en place du pouvoir civil, les

Le département du Sègre...

tensions entre civils et militaires, jaloux deleurs prérogatives respectives, n'ont cessé dese manifester. Si les relations sont assez bon-nes avec le général Quesnel, dont "la sagessemet tant de soins à tenir tout dans l'ordre et àprévenir les moindres froissements", le pointde friction le plus épineux entre les deu xautorités semble venir de la différence detraitementsdes uns et des autres. Ainsi lesmilitaires reprochent-ils aux administrateurscivils "de manger les revenus de la princi-pauté et d'être gras sement payés tandis queles officiers et soldats sont dans la misère",

Il semble bien qu'on puisse affirmer que lesuns ne sont pas mieux payés que les autres ;si les salaires des civils sont plus élevés queceux des militaires, ces derniers reçoivent,notamment les officiers supérieurs (les pre-miers à se plaindre), des "profits de guerre"non négligeables. Un autre problème, et nondes moindres, est celui de la langue. LesCerdans s' expriment en catalan et l' adminis-tration française est exercée par des gensvenus de l'intérieur du pays et qui, non con-tents de ne pas connaitre la région, en igno-rent aussi la langue. Ce n'est pas fait pourfaciliter la tàche du préfet dans ses relationsadministratives avec les maires des commu-nes qui relèvent de sa juridiction. La corres-pondance entre le préfet et le maire dePuigcerda, Florensa, est rédigée en français .Selon Viefville des Essarts ce magistrat estl'un de ceux (trop peu nombreux à son gré)que les insurgés appellent avec mépris des"Afrancesados". Lorsqu'il doit informer outransmettre des ordres aux maires des autrescommunes, le préfet rédige ses messages enfrançais et les fait traduire en catalan.

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Jean·Pierre CABOT

Tous ces problèmes, toutes ces difficultés ontraison de l'enthousiasme du jeune préfet quien aoüt 1812 est victime d'une véritable crisede désespoir. II envisage même un instant dequitter son chef-lieu et de rentrer en France.Seule sa loyauté et sa discipline l' empêchentde mettre à exécution son projet. Aucunmotif de satisfaction, semble-t-il pour cefonctionnaire dont le séjour en Catalognen'aura pas été une sinécure.

Le tableau est-il vraiment aussi noir?Comment ont réagi les Cerdans à l'arrivée dupréfet? Ont-il résisté ou ont-ils collaboré?

"Les habitants voient avec plaisir s' établir unrégime stable, la confiance renait" ; "leshabitants de la Cerdagne ont paru voir avecplaisir l'entrée des troupes françaises, peu sesont éloignés et jusqu' à ce moment l'ordre etla tranquillité n' ont nullement été troublés"ainsi s' exprime, depuis Perpignan, Viefvilledes Essarts, mais il est loin du théàtre desopérations. Cependant, le 6 juillet 1812,Viefville des Essarts adresse une note àGérando, dans laquelle il fait savoir que l'es-prit public se prononce de jour en jour davan-tage contre le système établi: "tous les rap-ports qui me parviennent ne lais sent aucundoute à cet égard. L'espérance frustrée, lesvexations, la nullité de l' administration ensont le seul motif",

Certains propriétaires à la fois en Cerdagnefrançaise et en Cerdagne espagnole jouentsans complexe le double jeu: tel ce notablede Palau de Cerdagne, Vincent Trabis, ils serangent du còté des Français quand ceux -cil'emportent et s'impliquent totalement dans

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l' organisation espagnole quand les insurgéssont maitres du terrain.

La Cerdagne est un pays occupé par unearmée étrangère qui se conduit comme toutearmée en pays conquis: nombreu ses exac-tions tant des militaires du rang que des offi-ciers. Les plaintes relevées sont certes nom-breuses mais concernent, en général, desmenus larcins ou abus de pouvoir sans gran-des conséquences. Cependant les habitantsde Cerdagne sont encore un modèle de sou-mission et de tranquillité ; on ne connait nivoleurs, ni brigands dans les cantons ; on yvoyage seul avec de l'or.

Pourtant la "timidité" des Cerdans vient dece qu'ils ont enduré; ils redoutent encore lesvengeances et l'insécurité semble rester lacause principale de leur tiédeur d'autant queles incursions de "miquelets" n' ont jamaivéritablement ces sé malgré la présence destroupes françaises. Mais ici, point de révolteviolente, point d'assassinats comme il s'enest produit ailleurs en Catalogne. Si résistan-ce il y a, elle est beaucoup plus passive. Leréquisitions de fourrage, de voitures pour letransport, d' ouvriers, des bêtes, d'argentreprésentent, nous l'avons dit, une "sommeterrible" certes, mais les villages font sou-vent la sourde oreille. Le préfet doit alorsfaire appel aux militaires pour obliger lesmaires des communes récalcitrantes à payer.

Pour certains "afrancesados", la collabora-tion allait de soi ; pour ce qui concerne lepeuple, en attendant de collaborer on espèretirer profit de la présence française, qui, pourse faire rembourser des domma ges causés

les Espagnols qui, pour faire rentrer à lason un parent ou un ami prisonnier et

enu en captivité en Catalogne même ou enFrance. Marie Cassi de Puigcerda adresse

"' réclamation pour obtenir le paiement de- - F qui lui sont restés dus pour le prixune paire de boeufs qu'elle fut "obligée denner pour la consommation de l'arméeagnole". Badia Michel, voiturier, deman-

" la mise en liberté de son fils Laurent, cap-, Iors de la prise de Tortosa par les

~ çais ; il aurait été enròlé "de force" dans-ème bataillon de ligne catalan avec .... le

__ e de sergent!

ertains habitants montrent cependant unestilité plus déclarée et n'hésitent pas àigrer ce qui provoque la réaction des auto-

- .- qui placent leurs biens sous séquestre.

onclusion, la Cerdagne semble être res-calme pendant cette période, pas delte de la population, pas de crime contrereprésentants civils ou militaires de

= pereur. Les Cerdans paraissent avoirert autant de l' occupation espagnole

" de l' occupation française et ils ont tentétirer profit de l'une et de l'autre. Ils. sent, dans leur grande majorité, n'avoiru prendre parti ni pour les uns, ni pourutres ; pas de nationalisme espagnol, pas

-antage de nationalisme français maisquoi pas un nationalisme cerdan? On

rte les uns et les· autres ; on essaie de_ profit des uns et des autres en se sachantérent.

Le département du Sègre...

III. LE BILAN DEL'ADMINISTRATION FRANCAISERÉALlSATIONS ET PROJETS

C'est, on le sait, par le Traité des Pyrénées,en 1659 et 1660, que la Cerdagne a été par-tagée en deux parties. Dès 1'installation dupréfet à Puigcerda, l'intendant Gérandoadresse au ministre de 1'intérieur un projet deréunification des deux Cerdagne dans lecadre du département du Sègre. Pourquoirevenir sur une partition vieille de plus decent quarante ans? II s'agit bien sür d'étendrel'espace administré par les Français et depermettre une rentrée des impóts plus impor-tante. L'intendant s'appuie sur la géographiepour défendre sa thèse. La Cerdagne est unbassin situé au sommet des Pyrénées et envi-ronné de hau tes cimes. Les eaux se déversenttoutes dans le Sègre qui traverse la Cerdagne.On arrive dans cette plaine venant de Francepar le Col du Puymorens à l'ouest ou celui deMontlouis à l'est. II faut emprunter des sen-tiers escarpés. Ce bassin a done une unitégéographique comme d'ailleurs d'autresvallées pyrénéennes.Un autre argument et non des moindres estl'unité culturelle de la population: même lan-gue, mêmes activités de part et d'autre d'unefrontière tout artificielle. Et, ajoute l'inten-dant, il faut faire 3 jours d'un chemin diffici-le pour aller à Perpignan alors qu'il ne fautqu'une heure ou souvent moins pour venir àPuigcerda.

Le ministre de l'intérieur tranche:"Je penseque ce n'est pas encare le moment de s'oc-cuper de cet objet". La suite de la phrase a étébarrée:"il faut attendre que sa Majesté

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Jean·Pierre CABOT

l'Empereur ait pris une détermination défini-tive sur la Catalogne". On est en droit de sedemander si Napoléon ne s'est pas livré aune expérience. N'a-t-il pas fait de ses admi-nistrateurs civils des cobayes envoyés dansune région peu sure et dont il ne savait paslui-même s'il ne faudrait pas bientòt la ren-dre au royaume d'Espagne d'ou il l'avaitdétachée par décret? En tout état de cause, leprojet a avorté et la Cerdagne reste encoreaujourd'hui "Meitat de França, meitatd' Espanya",

Une certaine régularité dans le fonctionne-ment de l'administration n'a pu être menée àbien qu'au chef-lieu, Puigcerda et dans l'en-clave de Llivia ; même si, pour cette demiè-re, le maire, Manuel Lledos, a du recourirsouvent à la vente de terrains communauxpour pouvoir acquitter les contributions ordi-naires et extraordinaires imposées par "legouvemement français résidant àPuigcerda". Dans les autres communes, l'ad-ministration municipale n'ajoué, semble-t-il,aucun rêle particulier. Dans ces conditions, ilest bien évident que la plupart des réalisa-tions à mettre à l' actif des Français serontmenées à bien à Puigcerda ou pourPuigcerda.

Contrairement aux militaires qui utilisent lamanière forte pour arriver à leurs fins, le pré-fet a, dans la majorité des cas, utilisé la léga-lité. Ainsi pour la construction d'un fort pourprotéger Puigcerda. Quand l'endroit a étéchoisi, Viefville des Essarts fixe la marche àsuivre pour l' acquisition des terrains parl'Etat. Le préfet tient à ménager les intérêtsdu gouvemement mais aussi ceux de ses

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administrés. Les terrains acquis, les travauxavancent vite: des ouvriers ont été réquisi-tionnés à Puigcerda ; quant aux autres com-munes, elles ont versé chacune sa contribu-tion.

Rien n'a été prévu pour l'enlèvement desordures et autres immondices de Puigcerdadont la population est évaluée à 1700 habi-tants. Un marché est done passé avec unentrepreneur qui sera tenu d'enlever, tous lesjours, les fumiers et immondices qui se trou-veront ramassés dans les rues. FrançoisGelavert accepte le marché pour un anmoyennant la somme de 250 F et à la condi-tion d'être affranchi pour ses deux charrettesde tous transports militaires. Belle occasionde se faire exempter de réquisitions militai-res ... gratuites!

Le mauvais état des rues demande de promp-tes réparations. Les revenus communauxétant insuffisants, cette dépense revient à lacharge des particuliers qui auront à paver oufaire paver, à leurs frais, le devant de leurmai son jusqu' au milieu du ruisseau selon unplan qui leur sera foumi. Après de longuestergiversations, les habitants obéissent, ilsont bien senti que la mesure était prise danl'intérêt général.

Outre la construction d'un nouveau cimetiè-re extra-muros, des dépenses sont engagéespour la réparation de ponts sur le Carol ousur le Sègre. Ces réparations sont urgentes etnécessitées par le passage continuel soit destroupes soit des habitants. Ces travaux doi-vent être également à la charge des commu-nes.

?our lutter contre les incendies et pour cons-- er une réserve d'eau suffisante en cas deège, le général Quesnel fait effectuer desvaux de curement de l'étang.

_'" bilan de l'administration civile n'est done=. totalement négatif si l'on tient compte à

fois du peu de temps et du peu de moyens- nt les fonctionnaires ont disposé pour agir.

aient-ils pu faire mieux et si oui, pour-o:. i cela n'a-t-ií pas été fait? Il semble bieno:.~ïl n'y ait pas toujours eu de véritable_ llaboration entre civils et militaires. Ceci

ut expliquer que, chacun restant sur sessitions, ils n'aient pas pu élargir leur

. ation et n' aient pas non plus réussi ànir l' adhésion de la population entière.ant, il est bon de le rappeler, ici pas de

lences, pas de révolte. Les Cerdans ont- é passivement aux mesures qui leur ont

destinées uniquement à améliorer le sortes occupants ou à les favoriser. Dès qu'ils- enti que les mesures proposées allaient

le sens d'une amélioration de leurs con-ons de vie, ils se sont montrés plus favo-

URCES D'ARCHIVES

. Le département du Sègre...

rables et n' ont pas hésité à collaborer ....jus-qu'à un certain point. On peut done classer,d'après leur comportement, les Cerdansespagnols en quatre catégories:- les partisans de la Junte insurrection-nelle: batlles, regidors et autres responsableslocaux de l'administration d'ancien régime ;- les afrancesados, telle maire de Puigcerdaou celui de Llivia ;- les "opportunistes": gros propriétairesterriens ayant des biens de part et d'autre dela frontière et soucieux de les conserver ;- la majorité des Cerdans, fatigués de subirles exactions des uns et des autres ; majoritésilencieu se qui n'aspire qu' à la paix et à latranquillité.

Comment les napoléoniens auraient-ils purésister à une levée en masse de la populationalors que les effectifs militaires en Cerdagnen'ont jamais dépassé les 5000 hommes? Larésistance passive n'a done pas été une preu-ve de faiblesse de la part des Cerdans mai s aucontraire l' affirmation de leur différence .

•Série M: mémoires et reconnaissanceshives nationales.

~ FI Administration Générale.- érie FI E71 à 73: Espagne 1810-1814e; érie FI BI 172/18: Préfecture de police: organi-

et personnel An VII -1816z., érie AF IV: Secrétairerie d'Etat impériale - An- 1815

- : guerre et affaires diverses_: Police générale et affaires diverses

: Minutes et décrets de l'Empereur

rhives du Service historique de l'Armée de Terre:zennes

- Archives départementales des Pyrénées OrientalesSérie M: 3 MI 20 B

- Archives de la Couronne d'Aragon (Barcelone)Vilar, Gabrielle: Inventaire des archives de la couron-ne d'Aragon. Occupation napoléonienne.Hacienda: cajas: V; VIII; X; XIV; XVII; XXI; XXII;XXIII; XXV: XXVII; XXXIV; XLI; XLIII; XLVII;XLVIII; LIV; LVI.

• CERETANIA· Núm. 2· 1998 .109