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7/25/2019 Le Droit d Ingerence Humanitaire
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Universit de Lille II Facult de Sciences Juridiques, Politiques et SocialesAnne universitaire 2000-2001
DEA DROIT INTERNATIONAL ET COMMUNAUTAIRE
LE DROIT D'INGERENCEHUMANITAIRE
Mmoire en vue d'obtention du DEA Droit International et Communautaire (MentionDroit International)
Septembre 2001
Sous la direction de M. le Professeur KARAGIANNIS S.
M. TSAGARIS Konstantinos
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SOMMAIRE
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SOMMAIRE
INTRODUCTION.10
PREMIERE PARTIE : L'INTERDICTION DE PRINCIPE DE RECOURIR A LA
FORCE ARMEE...22
Chapitre I : La rgle d'interdiction du recours la force et l'ingrence
humanitaire...24
Section 1 : La dfinition du droit d'ingrence humanitaire..25
Section 2 : Le fondement juridique du droit d'ingrence humanitaire.31
1 : Le texte de l'article 24 de la Charte des Nations Unies...31
2 : La pratique contemporaine36
Chapitre II : Les exceptions au principe gnral d'interdiction d'une
intervention arme43
Section 1 : Exceptions contenues dans la rgle d'interdiction.44
1 : La lgitime dfense44
2 : Le maintien de la paix et la scurit collective..47
Section 2 : Exceptions dcoulant des circonstances excluant l'illicit du recours
la force effectue dans un but humanitaire...51
1 : Le consentement de l'Etat victime et la force majeure..51
2 : L'tat de ncessit..54
3 : Le cas de la situation d'extrme urgence...55
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DEUXIEME PARTIE : UNE REMISE EN CAUSE DE LA PROHIBITION DE
L'INTERVENTION HUMANITAIRE? 59
Chapitre I : Les Rsolutions de l'Assemble Gnrale vers un nouvel ordre
humanitaire international61
Section 1 : Les rsolutions 43/131 et 45/100 de l'Assemble gnrale des
Nations Unies...63
Section 2 : L'apport de ces rsolutions l'ordre humanitaire international.66
Chapitre II: Le principe de non-ingrence n'est pas une valeur
suprme..70
Section 1 : La Rsolution 688 (1991) du Conseil de Scurit.71
1 : Des nouvelles prrogatives pour le Conseil de scurit?..72
2 : Un droit d'ingrence pour les Etats?..77
Section 2 : L'intervention de l'O.T.A.N. au
Kosovo81
1 : Les arguments utiliss pour justifier l'emploi de la force..82
2 : Vers la conscration d'un droit d'intervention arme humanitaire?...87
CONCLUSION..95
ANNEXES..98
BIBLIOGRAPHIE..113
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LISTE D'ABREVIATIONS
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LISTE D'ABREVIATIONS
A.C.D.I. Annuaire Canadien de Droit International (C.Y.I.L.).
A.F.D.I. Annuaire Franais de Droit International.
A.J.I.L. American Journal of International Law.
A.L.K. Arme de la Libration du Kosovo.
A.G. Assemble gnrale des Nations
Unies.
A/RES Rsolution de l'Assemble gnrale.
A.S.I.L. The American Society of International Law.
B.Y.B.I.L. British Year Book of International Law.
C.D.I. Commission de droit international.
C.I.C.R. Comit International de la Croix-Rouge.
C.I.J. Cour internationale de justice.
C.P.J.I. Cour permanente de justice internationale.
C.S.C.E. Confrence pour la scurit et la coopration en Europe.
C.Y.I.L. The Canadian Yearbook of International Law.
I.C.L.Q. International and Comparative Law Quarterly.
I.F.R.I. Institut Franais des Relations Internationales.
J.D.I. Journal du Droit International (Clunet).
J.E.D.I. Journal Europen de Droit International.
J.I.L.P. Journal of International Law and Politics.
L.G.D.J. Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence.
M.S.F. Mdecins Sans Frontires.
N.Y.B.I.L. Netherlands Year Book of International Law.
O.E.A. Organisation des Etats Amricains.
O.N.G. Organisation non-gouvernementale.
O.N.U. Organisation des Nations Unies.
O.S.C.E. Organisation pour la scurit et la coopration en Europe.
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8
O.T.A.N. Organisation du Trait de lAtlantique Nord.
O.U.A. Organisation de l'Unit Africaine.
P.A.M. Programme alimentaire mondiale.P.U.F. Presses Universitaires de France.
R.B.D.I. Revue Belge de Droit International.
R.C.A.D.I. Recueil des Cours de l'Acadmie de droit international de la Haie.
R.D.I.L.C. Revue de droit international et de lgislation compare.
Rec. C.I.J. Recueil des arrts, avis consultatifs et ordonnances de la C.I.J.
R.F.Y. Rpublique fdrale de Yougoslavie.
R.G.D.I.P. Revue Gnrale de Droit International Gnral.R.H.D.I. Revue Hellnique de Droit International.
R.I.C.R. Revue Internationale de la Croix-Rouge.
R.Q.D.I. Revue Qubcoise de Droit International.
S.D.N. Socit des Nations.
S/RES Rsolution du Conseil de scurit.
T.P.I.Y. Tribunal Pnal International pour l'ex-Yougoslavie.
U.I.S. Union Internationale de Secours.
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INTRODUCTION
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INTRODUCTION
De nos jours, le droit international connat des avances fulgurantes. En effet,
nous connaissons aujourdhui une rvolution des droits de la personne, en vertu de
laquelle ces droits sont dsormais "la nouvelle religion laque de notre temps" . Il sest
pass plus de choses dans le domaine des droits de la personne depuis cinq ans que dans
les quarante-cinq annes prcdentes, avec, par exemple, la cration du Tribunal Pnal
International, la dcision concernant Pinochet et l'assignation de Milosevic devant le
Tribunal pnal international pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) de La Haye. Or, les
massacres et les violations des droits de la personne continuent, pour ne pas dire quils
deviennent plus nombreux. Il existe donc une contre-rvolution qui fait des victimes
partout, dont les Kurdes, les purations ethniques, les mutilations au Sierra Leone, les
rfugis et les prisonniers du Proche-Orient.
Cette rvolution et contre-rvolution des droits de la personne se retrouvent dans
le contexte de lintervention humanitaire. Dun ct, il est clair que les droits de la
personne ne relvent plus strictement de la juridiction domestique dun Etat, comme le
souligne lActe Final de laccord Helsinki. Ainsi, les chefs d'Etats ne peuvent plus se
rfugier derrire le principe de la souverainet territoriale pour violer les droits des
citoyens. Or, de lautre ct, il y a toujours de plus en plus dinnocents qui souffrent lors
de conflits arms. Ds lors, peut-on intervenir lorsque des populations civiles sont tues
dans un Etat tranger ? Mais plus encore : doit-on intervenir ? A-t-on le droit
dintervenir ?
Il est difficile de dfinir le concept dintervention humanitaire sans susciter lacontroverse. L'ide d'un "devoir" ou en tout cas d'un "droit d'ingrence" n'est pas
nouvelle. Elle est actuellement prsente comme un facteur destin rformer
profondment le droit des gens, et le mettre en concordance avec les donnes
nouvelles des relations internationales. Plus prcisment, le "droit d'ingrence" viserait
assurer un respect effectif et universel des droits de la personne les plus
fondamentaux. En ralit, cette ide n'a rien de nouveau.
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Grotius y faisait mention dans "Le droit de la guerre et de la paix "1 et Vattel
affirmait que "toute puissance trangre est en droit de soutenir un peuple opprim qui
lui demande son assistance"2
.C'est sur de telles bases que s'est dveloppe au XIXesicle la doctrine de l'intervention d'humanit, en vertu de laquelle un droit
d'intervention unilatrale existe lorsqu'un gouvernement viole les droits de l'humanit
par des excs de cruaut et d'injustice.
Cette doctrine favorable, dans certaines circonstances, un droit d'intervention
unilatrale n'a cess de trouver des dfenseurs, mme aprs la mise en place du systme
de la Charte des Nations Unies3.
Tout a pour origine la notion d'intervention. On peut citer cet gard l'arrtrendu par la C.I.J. (Cour internationale de justice) en 1949, dans l'affaire du canal de
Corfou opposant le Royaume-Uni et l'Albanie. La Cour, pour stigmatiser le
comportement de la marine britannique, emploie ce terme d'intervention, lui donnant
bien sr un sens pjoratif : "le prtendu droit d'intervention ne peut tre envisag que
comme la manifestation d'une politique de force" (la Royal Navy avait perdu deux
btiments ayant saut sur des mines dans des eaux pralablement dmines pour les
dbarrasser des restes de la seconde guerre mondiale, et avait unilatralement procd
un nouveau dminage en vue de saisir des pices conviction).
Si les interventions politiques ont t frquentes partir de 1945, l'Etat
intervenant a cherch lgitimer son action militaire en invoquant une institution
internationale ancienne, l'intervention d'humanit. Rougier crivait, en 1910, : "Toutes
les fois qu'une puissance interviendra dans la sphre de comptences d'une puissance,
elle ne fera jamais qu'opposer sa conception du juste et du bien social la conception
de cette dernire, en la sanctionnant au besoin par la force. [...] Ainsi l'intervention
d'humanit apparat comme un moyen ingnieux d'entamer peu peu l'indpendance
d'un Etat pour l'incliner progressivement vers la mi-souverainet." Toute l'ambigut de
nombres d'interventions dites d'humanit tait ainsi parfaitement expose.
1GROTIUS,Le droit de la guerre et de la paix, Livre II, Chapitre XXV, VII, 2.2VATTEL,Le droit des gens ou principes de la loi naturelle, appliqus la conduite et aux affaires des
Nations et des Souverains,Washington, Carnegie, 1916, vol. I, livre II, chap. IV, 56, p. 298.3
TESON (F.R.),Humanitarian intervention : An inquiry into law and morality,Dobbs ferry (New York),Transnational Publishers, 1988, XV-272p.
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Un peu moins d'un sicle plus tard, ayant l'occasion de se prononcer sur la
notion d'intervention humanitaire dans le litige opposant le Nicaragua aux Etats-Unis, la
C.I.J. (1986) nonce une conception restrictive : "L'assistance doit se limiter aux finsconsacres par la pratique de la Croix-Rouge, savoir prvenir et allger les
souffrances des hommes, et protger la vie et la sant et faire respecter la personne
humaine ; elle doit aussi, et surtout, tre prodigue sans discrimination toute
personne dans le besoin au Nicaragua".
Certes, la souverainet tatique n'est plus un absolu. Mais de l admettre qu'un
Etat ou un groupe d'Etats, une organisation intertatique ou une organisation non
gouvernementale puisse dcider d'intervenir sur le territoire d'un autre Etat des finshumanitaires, il y a un pas difficile franchir.
L'expression de "droit" ou de "devoir d'ingrence" - laquelle on a rapidement
accol le qualificatif "humanitaire" - est apparue pour la premire fois la fin des
annes '80 sous la plume de Mario Bettati, professeur de droit international public
l'Universit Paris II, et de Bernard Kouchner, homme politique franais qui fut l'un des
fondateurs des Mdecins sans frontires. En 1987 s'est tenue Paris la "Premire
Confrence internationale de droit et de morale humanitaire" sous l'gide de la facult
de droit de Paris-Sud et des Mdecins du monde. Bernard Kouchner et Mario Bettati en
publiaient les travaux la mme anne dans un ouvrage intitulLe devoir d'ingrence4. A
partir de cette date, l'expression allait tre frquemment reprise et dveloppe.
L'origine lointaine de cette entreprise est directement lie la guerre du Biafra,
tentative de scession d'une partie du Nigeria entre 1967 et 1970. L'affaire du
Bangladesh, en 1971, fut considre comme un prcdent regrettable. Au cours de la
guerre du Biafra, la Croix Rouge internationale, qui tait intervenue pour apporter une
aide humanitaire la population biafraise encercle et assige, fit l'objet d'actions
hostiles de la part des forces armes nigrianes, se traduisant notamment par des
attaques dlibres contre les hpitaux. Un groupe de mdecins franais, dont B.
Kouchner, estima partir de ce moment-l qu'une aide humanitaire impartiale apporte
sans discrimination, comme celle de la Croix-Rouge, tait dpasse, ds lors que l'une
des parties, le pouvoir central en l'espce, se livrait un massacre des populations
4BETTATI (M.) et KOUCHNER (B.),Le devoir d'ingrence, Paris : Denol, 1987.
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adverses dans des conditions susceptibles de tomber sous le coup de l'accusation de
gnocide.
La formule a vite fait recette, particulirement avec l'avnement d'un nouvelordre mondial sens replacer au premier rang des priorits des valeurs comme la
dmocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de la personne humaine. La ncessit
de secourir les populations en dtresse imposerait en effet chacun un "devoir
d'assistance peuple en danger", qui transcenderait les rgles juridiques traditionnelles.
Les incertitudes qui entourent ce droit ont d'emble suscit le questionnement et
mme la critique, d'autant qu'on ne sait pas trs bien s'il est seulement d'ordre moral ou
destin tre incorpor dans l'ordre juridique international existant. Celui-ci repose,depuis des sicles, sur un axiome: la souverainet des Etats. En consquence, un Etat
n'est li par une rgle de droit - et en particulier par une rgle qui protge les droits de
l'homme - que s'il l'a accepte en ratifiant un trait ou en adhrant une rgle
coutumire existante. Ainsi, les droits de l'homme n'ont-ils nullement, sur le plan
juridique, la mme tendue l'chelle universelle: une personne sera mieux protge
dans certains Etats que dans d'autres.
Parmi les principes qui rgissent les relations internationales figurent ceux de
souverainet, de non-ingrence dans les affaires intrieures d'un Etat et de non-recours
la force. En matire d'oprations extrieures, ceux-ci sont en thorie autant de limites
l'action des Etats et des organisations internationales.
Au cours de la dcennie 1990, l'activit accrue de l'O.N.U. en matire
d'oprations multinationales s'est accompagne d'une certaine remise en cause de ces
principes. Les oprations se rclamant de l'ingrence humanitaire sont particulirement
concernes : dpassant la souverainet tatique pour servir des objectifs humanitaires,
elles sont les stigmates des volutions des rgles du jeu international. Profitant de
l'affaiblissement de l'Etat acteur du systme, ne marquent-elles pas cependant autant le
progrs d'une hypothtique socit internationale promotrice de valeurs universelles que
le maintien de logiques de puissance venant contester les vertus supposes de
l'ingrence humanitaire ?
Qu'elles soient le fait des Etats ou des organisations internationales, les
interventions extrieures multinationales trouvent une grande partie de leur fondement
juridique dans la Charte des Nations Unies. Dans le cadre que celle-ci pose, il convient
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cependant de distinguer les dispositions initiales des dveloppements empiriques qui ont
suivi, qu'il s'agisse des oprations de maintien de la paix ou des volutions relatives la
notion de " droit d'ingrence ".L'article premier (paragraphe 1) de la Charte des Nations Unies fait du maintien
de la paix et de la scurit internationales la mission premire de l'Organisation des
Nations Unies. Partant, la Charte dfinit un certain nombre de principes devant rgir les
relations internationales. Parmi ceux-ci figurent l'galit souveraine des Etats (article 2
1), l'engagement de ne pas " recourir la menace ou l'emploi de la force, soit contre
l'intgrit territoriale ou l'indpendance politique de tout Etat, soit de toute autre
manire incompatible avec les buts des Nations Unies" (article 2 4), ou encore,corollaire du principe de souverainet, celui de non-ingrence, selon lequel "aucune
disposition de la prsente Charte n'autorise les Nations Unies intervenir dans les
affaires qui relvent essentiellement de la comptence nationale d'un Etat" (article 2 7).
Ces principes gnraux tant poss, certaines circonstances peuvent conduire
la drogation ceux-ci. S'agissant du recours la force, deux types de situation
autorisent celui-ci dans les relations entre Etats. D'une part, la lgitime dfense,
individuelle ou collective (article 51), d'autre part, tous les cas o le Conseil de scurit,
ayant constat une menace la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression
(article 39, voir infra), autorise un Etat, une coalition d'Etats ou une organisation
internationale recourir la force.
S'agissant du principe de souverainet et de la non-intervention dans les affaires
intrieures des Etats, l'article 2 7 de la Charte pose qu'un tel principe "ne porte en rien
atteinte l'application des mesures de coercition prvues au chapitre VII".
Paralllement, la responsabilit principale du maintien de la paix et de la scurit
internationales incombe au Conseil de scurit. A cette fin, ce dernier peut recourir aux
dispositions du Chapitre VI de la Charte, traitant du rglement pacifique des diffrends
et, le cas chant, celles du Chapitre VII, traitant des actions mener en cas de
menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression.
Le Chapitre VI dfinit une srie de mesures visant favoriser le rglement de
diffrends pouvant constituer une menace la paix et la scurit internationales. Le
caractristique fondamental de ce chapitre est qu'il n'autorise que des actions non
coercitives, qui ne s'imposent pas de faon obligatoire aux Etats. En vertu de ce
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chapitre, le Conseil de scurit met des recommandations, c'est--dire des actes qui
tirent leur autorit de leur acceptation par leurs destinataires, ainsi que " d'une vritable
force de persuasion politique, voire morale ".Le Chapitre VII est quant lui le chapitre de la dcision, de l'acte obligatoire et
de l'action coercitive. Il est, de par son titre et la porte qu'ont voulu lui confrer les
rdacteurs de la Charte, le chapitre de l'action de scurit collective et de lgitimation
des interventions multinationales relevant d'une logique coercitive. Dans le cadre du
Chapitre VII, le Conseil de scurit peut dcider, avec l'accord des cinq membres
permanents (et aprs avoir constat la menace la paix et la scurit internationales),
des actions mener afin de maintenir ou rtablir la paix. Mais le Conseil ne peut,conformment au principe de souverainet et de non-ingrence, traiter des questions qui
relvent des affaires intrieures d'un Etat et qui ne constituent pas une menace la paix
et la scurit internationales.
Au regard des dispositions de la Charte des Nations Unies, les possibilits
offertes aux Etats pour mettre en uvre des oprations extrieures sont donc assez
strictement dlimites. Sur le plan du droit, de telles oprations relvent en principe
davantage de l'exception que de la rgle. Outre les questions d'ordre politique, le
principe de souverainet ou l'absence de consensus au sein du Conseil de scurit
rendent souvent difficiles d'ventuelles interventions.
Dans le cadre ainsi tabli, la politique d'intervention des Etats va devoir
combiner d'un ct la ncessit d'agir en conformit avec les dispositions du droit
international public et de l'autre les impratifs d'une approche dtermine par des
intrts plus immdiats, lesquels intgrent, ou non, des considrations d'ordre
humanitaire et sont, ou pas, compatibles avec les contraintes d'ordre juridique. Toute
l'histoire des interventions extrieures depuis la Seconde Guerre mondiale s'inscrit dans
cette dynamique.
Ainsi, les Etats vont-ils alternativement inscrire leur action dans le cadre stricte
de la Charte des Nations Unies, mener des actions dont le fondement juridique se trouve
dans une interprtation largie des dispositions de la Charte ou ventuellement mener
des actions en violation des dispositions de la Charte. Dans chaque cas pourtant, les
candidats l'intervention seront soucieux de donner une assise juridique leur action.
Quelle que soit sa nature, lorsqu'elle apparat, la violation de la Charte n'est jamais
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confesse, qu'elle soit le fait de l'Iraq, des Etats-Unis, de la France, de la Chine ou de la
Rpublique fdrale de Yougoslavie.
Au cours de la Guerre froide, bien davantage que les contraintes juridiques, c'estl'antagonisme entre les deux grandes puissances qui empcha la mise en uvre des
mcanismes de gestion des conflits prvu dans le chapitre VII de la Charte5. Et d'une
faon gnrale, les principes de souverainet, de non-ingrence et de non-recours la
force furent largement bafous, par les deux Grands entre autres.
Dans le domaine de la scurit collective, outre l'opration de Core, rendue
possible par des circonstances tout fait particulires au sein du Conseil de scurit6, fut
dvelopp par l'O.N.U. le systme palliatif des oprations de maintien de la paix,lesquelles ont longtemps relev du Chapitre VI, c'est--dire d'une logique consensuelle
et non coercitive, dfaut de l'application du Chapitre VII. N'apparaissant pas en tant
que telles dans la Charte, de telles oprations taient, par nature, juridiquement et
politiquement ambigus, et ont t l'objet de fortes contestations7.
Avec la fin de la Guerre froide et avec le renouveau O.N.U.sien qui lui est
associ, les oprations multinationales menes sous l'gide de l'O.N.U. connaissent un
dveloppement important, sur les plans quantitatif et qualitatif. Dans ce mouvement,
non seulement les oprations sont de plus en plus coercitives, mais elles sont, de
surcrot, le plus souvent cres afin de grer des conflits d'ordre intratatique. Ces deux
tendances se traduisent par un recours croissant au Chapitre VII, facilit par le
consensus au sein du Conseil de scurit, ainsi que par un affaiblissement de la
distinction entre ordre interne et ordre international.
C'est dans ce contexte que doivent tre apprhendes les tentatives de
dveloppement du " droit d'ingrence humanitaire ".
5En particulier les dispositions de l'article 43, selon lequel " tous les membres des Nations Unies, afin decontribuer au maintien de la paix et de la scurit internationales, s'engagent mettre la disposition duConseil de scurit, sur son invitation et conformment un accord spcial ou des accords spciaux, lesforces armes, l'assistance et les facilits, y compris le droit de passage, ncessaires au maintien de la paixet de la scurit internationales".6.L'Union sovitique tait alors absente du Conseil de scurit, en protestation de la reprsentation de laChine au Conseil par Taiwan, et non par la Rpublique populaire de Chine.7Ce fut le cas en particulier de la premire opration de maintien de la paix (Force d'urgence des NationsUnies dans le dsert du Sina ; 1956-1967), du fait de sa cration par l'Assemble gnrale et non par leConseil de scurit ; le fondement juridique de l'opration du Congo (Opration des Nations Unies au
Congo ; 1960-1964) fut galement vivement contest, notamment par la France et l'Union sovitique.
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Respectant le principe de souverainet et de non-intervention dans les affaires
intrieures d'un Etat, le droit international humanitaire, dfini entre autres par les
Conventions de Genve, ne couvre que les conflits inter tatiques et ne permet donc pasde traiter des atteintes aux droits de la personne humaine constates l'intrieur d'un
Etat. L'application des Conventions de Genve s'arrte l o commence la souverainet
de l'Etat.
Face l'obstacle constitu par la souverainet, et en l'absence d'une menace la
paix et la scurit internationales, les candidats l'intervention vont alors chercher
s'affranchir des contraintes juridiques existantes, sans pour autant les contester. Ainsi le
concept "d'ingrence humanitaire" doit-il permettre de donner une assise juridique uneintervention qui prendrait place l'intrieur d'un Etat des fins humanitaires.
Deux rsolutions de l'Assemble gnrale des Nations Unies dfinissent la
notion de "droit d'assistance humanitaire". Il s'agit des rsolutions 43/131 et 45/100
adoptes respectivement le 8 dcembre 1988 et le 14 dcembre 1990. La rsolution
43/131, intitule "Assistance humanitaire en cas de catastrophes naturelles et situations
d'urgence du mme ordre", tablit les bases du principe, et pose que les Etats sur le
territoire desquels une situation d'urgence ncessite une assistance humanitaire
internationale doivent faciliter la mise en uvre des oprations d'assistance par les
organisations internationales et non gouvernementales. La rsolution 45/100 consacre le
principe du libre accs aux victimes, par l'tablissement de "couloirs d'urgence". Bien
qu'manant de l'Assemble gnrale et n'ayant donc aucune valeur contraignante, ces
textes vont pourtant constituer le fondement d'une volution de la doctrine tout autant
que de la pratique des activits humanitaires de l'O.N.U., et des Etats.
L'objectif du "droit d'assistance humanitaire" est de dpasser le principe de non-
ingrence - d'o l'assimilation au " droit d'ingrence " -, sans pour autant remettre en
cause la souverainet de l'Etat. Pour Mario Bettati, il s'agit "d'amnager un nouvel
espace juridique o se trouveraient indissolublement lis la lgitimation de
l'intervention humanitaire et le principe fondamental de l'indpendance et de la non-
soumission de l'Etat l'gard de l'extrieur"8.
8
BETTATI (M.),Le droit d'ingrence. Mutation de l'ordre international, Paris, Editions Odile Jacob,mars 1996, p. 9.
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Dans son principe pourtant, l'ingrence humanitaire relve d'une nouvelle
conception des relations internationales et des prrogatives de l'Etat au sein du systme.
Elle s'inscrit en cela dans le mouvement d'affaiblissement du rle de l'Etat sur la scneinternationale, mais aussi de son aptitude grer ses propres affaires. Pour les
dfenseurs de l'ingrence humanitaire, la souverainet tatique ne doit plus tre ce
rempart qui permet un gouvernement de cautionner voire de perptrer, sur son
territoire et en toute impunit, des violations massives des droits de l'homme. C'est
galement dans cet esprit que se dveloppent les diffrentes formes d'ingrences
judiciaires, au travers des tribunaux pnaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et
pour le Rwanda, et de la Cour pnale internationale.Mais ces principes tant poss, lorsque, dans la pratique, l'ingrence humanitaire
devient intervention impliquant des Etats et le dploiement de forces armes, elle doit
en thorie tre autorise par le Conseil de scurit des Nations Unies, qui conserve
toutes ses prrogatives relatives au maintien de la paix et de la scurit internationales.
Il en rsulte des ambiguts quant la qualification de la situation qui fonde les
comptences du Conseil de scurit, puisque le recours au Chapitre VII correspond pour
le Conseil la mise en uvre de ses prrogatives, et non une ingrence. Quoi qu'il en
soit, la remise en cause de certains principes juridiques qu'implique l'ingrence
humanitaire ne dispense pas les Etats de passer par l'O.N.U. lorsqu'ils souhaitent mener
une opration relevant de l'ingrence, et ce d'autant plus que celle-ci implique des
actions de force.
Les vnements du Kosovo au cours de l'anne 1999 donnent la problmatique
de l'ingrence humanitaire une nouvelle dimension. Entre le 24 mars et le 10 juin 1999,
l'O.T.A.N. a men une campagne arienne contre la Rpublique fdrale de
Yougoslavie, Etat indpendant et membre de Nations Unies. Les Etats occidentaux
participant l'opration se sont placs dans une logique d'ingrence humanitaire pour
justifier une intervention arme non autorise par le Conseil de scurit des Nations
Unies, mene l'encontre d'un Etat souverain et pour grer une situation qui relevait des
affaires intrieures de cet Etat.
Malgr quelques dbats sur la lgalit de l'oprationForce Allie, la majorit des
juristes s'entendent aujourd'hui pour dire que l'opration s'est faite en violation des
dispositions du droit international rglementant l'usage de la force arme. La
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perspective des veto russe et chinois au Conseil de scurit explique le choix des Etats
membres de l'O.T.A.N. de ne pas passer par les Nations Unies. Mais alors que
l'opration supposait le recours la force, l'aval du Conseil de scurit tait impratif. Ace titre, aucune interprtation des rsolutions du Conseil, que celles-ci prcdent ou
suivent l'opration, ne peut permettre de conclure l'existence d'un fondement juridique
a priori ou a posteriori de l'opration.
Dans cet environnement combinant opration arme d'envergure et fondement
juridique contest sur fond de catastrophe humanitaire et de purification ethnique, les
Etats occidentaux ont dvelopp une rhtorique autour de la lgitimation de l'opration
Force Allie sur la base de la ncessit morale de mettre un terme une "campagnecontinue de violence et de rpression l'encontre de la population albanaise au
Kosovo". Au dbut des frappes, les diffrentes dclarations des chefs d'Etat et de
gouvernement des pays membres de l'O.T.A.N., de son Secrtaire gnral ou du Conseil
europen pour justifier celles-ci font systmatiquement rfrence des considrations
d'ordre thique.
En d'autres termes, s'affranchissant des contraintes juridiques propres toute
intervention militaire extrieure, les Occidentaux ont tent de lgitimer leur opration
en invoquant des objectifs humanitaires. Si, faute de l'aval du Conseil de scurit,
l'opration n'est pas lgale, elle doit tout le moins devenir lgitime par les buts qu'elle
est cense servir, ceux-ci devant autoriser les Etats membres de l'O.T.A.N. contourner
et le Conseil de scurit, et la souverainet de la Rpublique fdrale de Yougoslavie.
En fait, l'invocation des buts humanitaires devenait d'autant plus indispensable que
l'opration se faisait en dehors de toute rsolution du Conseil de scurit.
Plus de dix ans aprs l'adoption par l'Assemble gnrale des Nations Unies des
deux rsolutions relatives au "droit d'assistance humanitaire", l'opration Force Allie
relance le dbat et la rflexion sur les vertus et perversits du concept. Au cours de la
dcennie 1990, le "droit d'ingrence" avait fait partie de ces concepts considrs comme
la mode, et recevant un cho favorable essentiellement dans les pays occidentaux, la
France en particulier. Il s'tait inscrit dans le mouvement du Nouvel ordre mondial et de
la fin de l'Histoire, mais n'avait t, dans les faits, que peu utilis.
Dans ce contexte peu favorable, l'opration Force Allie replace le concept
d'ingrence humanitaire au centre du dbat sur l'volution des relations internationales,
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l'affaiblissement de l'Etat et de la souverainet affrente, et la lgitimit du recours la
force.
Dans l'ordre de ces ides, on va aborder, dans un premier temps, la rgle deprincipe interdisant le recours la force arme dans les relations internationales, ainsi
que les exceptions cette rgle. Selon les auteurs favorables un droit d'ingrence
humanitaire, une intervention arme (donc un recours la force) peut tre admise si elle
est base sur des considrations humanitaires. On va alors examiner, si le recours la
force pour des raisons humanitaires peut tre admis par le droit international actuel
(PREMIERE PARTIE). Ensuite, dans le cadre des instruments adopts par l'Assemble
gnrale et le Conseil de scurit des Nations Unies et la lumire des vnementsrcents, on va voir si, finalement, la rgle d'interdiction de recourir la force n'est pas
remise en cause par la conscration d'un vritable droit d'ingrence humanitaire
(DEUXIEME PARTIE).
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PREMIERE PARTIE :
L'INTERDICTION DE PRINCIPE DE
RECOURIR A LA FORCE ARMEE
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PREMIERE PARTIE : L'INTERDICTION DE
PRINCIPE DE RECOURIR A LA FORCE ARMEE.
Le droit international permet une srie des ractions des violations des droits
de la personne, qui vont des simples remontrances des mesures des reprsailles
intensives. Ces ractions sont permises, et mme s'imposent en certaines circonstances,
et le principe de non-intervention ne constitue pas un obstacle leur obtention.
Ce systme est toutefois limit des ractions non armes. Toutes les mesures
armes, fussent-elles prsentes comme destines faire respecter les droits
fondamentaux de l'individu, sont soumises un corps de rgles spcifiques. Le recours
la force dans les relations internationales reste exceptionnel et fait l'objet d' un rgime
particulier.
Nous examinerons ds lors dans cette premire partie les possibilits de
ractions armes des violations des droits de la personne par rapport ce rgime.
La pratique consistant justifier une intervention militaire par des motifs
humanitaires est trs ancienne. Ds le Moyen-Age, des multiples actions guerrires ont
t officiellement prsentes comme une raction des perscutions religieuses9. Au
XIXe sicle, la politique d'intervention fut rige en systme avec l'tablissement de la
"Sainte-Alliance". De la mme manire Thodore Roosevelt, ds 1904, tentait de
justifier les nombreuses interventions militaires des Etats-Unis dans les Carabes par des
exigences humanitaires.
On pourrait encore citer des prcdents plus rcents comme l'invasion de Saint-Domingue par les troupes des Etats-Unis en 1965, les interventions armes du Vietnam
au Cambodge, de la France en Rpublique centrafricaine, des Etats-Unis la Grenade,
au Nicaragua ou Panama. Toutes ces interventions armes sont motives
essentiellement par des raisons humanitaires.
A l'origine, le principe mme du recours la force en tant que rglement des
diffrents internationaux tait admis, moyennant le respect des certaines conditions.
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Dans ces circonstances, la licit d'une action arme humanitaire tait largement
reconnue. Cependant, avec la gnralisation de la rgle de l'interdiction du recours la
force, l'action arme est devenue exceptionnelle et la justification d'une interventionhumanitaire doit trouver des nouvelles bases juridiques.
C'est dans ce point que le dbat doctrinal, entre les tenants d'un "droit
d'ingrence humanitaire" et ses ngateurs, fut anim. Les uns invoquent l'interdiction du
recours la force pour exclure une intervention humanitaire. Les autres parlent d'une
intervention lgitime par des considrations humanitaires.
Selon les tenants de l'existence d'un "droit d'ingrence", c'est avant tout la
motivation humanitaire d'une intervention arme qui est susceptible de la rendre licite.Le caractre choquant de violations massives des droits de la personne l'intrieur d'un
pays justifierait une raction arme extrieure destine y mettre fin.
Cette tendance ne remet cependant pas en cause l'existence et la persistance d'un
principe gnral d'interdiction du recours la force, inscrit dans l'article 2 4 de la
Charte des Nations Unies.
Les auteurs favorables un "droit d'ingrence", prtendent que tout recours la
force n'est pas interdit par la Charte. Selon eux, une intervention destine mettre fin
des violations massives de droit de la personne ne tomberait pas sous le coup de
l'interdiction de principe de l'article 2 4 de la Charte10.
Certains tendent dmontrer que la rgle du non recours la force permet ce
genre d'intervention arme, alors que d'autres, placent les "interventions humanitaires"
dans le cadre des exceptions prvues par cette mme rgle.
Dans l'ordre de ces ides, on va voir d'abord, la rgle gnrale d'interdiction de
recourir la force (Chapitre I), et ensuite les exceptions la rgle qui rendent licite une
action arme fonde sur des considrations humanitaires (Chapitre II).
9ROUGIER (A.), "La thorie de l'intervention d'humanit",R.G.D.I.P., 1910, p. 472.10
TESON (F. R.), Humanitarian Intervention : An inquiry into law and morality, Dobbs ferry (NewYork), Transnational Publishers, 1988, pp. 127 et ss.
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Chapitre I : La rgle d'interdiction du recours la force et
l'ingrence humanitaire.
Les auteurs de la doctrine du "droit d'ingrence humanitaire" s'appuient sur une
interprtation de l'article 2 4 de la Charte de l'O.N.U.11, qui interdit le recours
l'emploi de la force "soit contre l'intgrit territoriale ou l'indpendance politique de
tout Etat, soit de toute autre manire incompatible avec les buts des Nations Unies",
pour soutenir que la rgle de l'interdiction du recours la force ne pourrait pas
concerner les interventions humanitaires.
D'aprs cette interprtation de l'article 2 4 de la Charte, certains recours la
force sont permis. Si on raisonne de cette faon, les recours, qui ne sont pas dirigs
"contre l'intgrit territoriale ou l'indpendance politique de tout Etat" ou qui ne
s'oprent pas "de toute autre manire incompatible avec les buts de Nations Unies",
sont autoriss12. Par consquent, les actions armes destines mettre fin des
violations des droits de la personne seraient lgitimes, puisque la protection de ces
droits constitue un des buts des Nations Unies.Afin de mieux comprendre cette tendance doctrinale, il convient d'examiner,
d'abord, la dfinition et le contenu du droit d'ingrence humanitaire (Section 1), et
ensuite, s'interroger sur le fondement juridique de cette thorie (Section 2). Il parat
indispensable de dterminer partir de quand ces auteurs considrent qu'une
intervention est licite et sur quelle source de droit international elle peut se fonder.
11
Voir Annexe I.12BETTATI (M.), " Un droit d'ingrence?",R.G.D.I.P., tome 95, 1991/3, p. 649.
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Section 1 : La dfinition du droit d'ingrence humanitaire.
Les auteurs favorables au droit d'ingrence humanitaire admettent sa mise enuvre moyennant le respect de certaines conditions. En aucun cas ils n'assimilent pas le
droit d'ingrence une comptence discrtionnaire d'intervenir militairement ds qu'ils
considrent que des droits de la personne sont menacs ou mme viols dans un autre
Etat.
Parmi les conditions voques par les auteurs de la doctrine du droit d'ingrence
humanitaire, figure le critre du but de l'action arme. Selon eux, c'est le but
humanitaire qui lgitime une intervention arme.Charles Rousseau, dans son manuel de droit international public du 1971, dfinit
gnralement l'intervention d'humanit comme tant l'action exerce par unEtat contre
un gouvernement tranger "dans le but de faire cesser les traitements contraires aux
lois de l'humanit qu'il applique ses propres ressortissants"13.
Dans le mme esprit Perez - Vera considre que l'intervention humanitaire doit
remplir la condition essentielle de la poursuite exclusive de l'intrt humanitaire par
l'Etat qui prtend en tre le protecteur14.
Antoine Rougier de son cot, subordonne la licit d'une intervention d'humanit
la circonstance que l'Etat intervenant est relativement dsintress. Pour lui,
l'intervention d'humanit est par dfinition dsintresse. Il considrait que :
"L'intervention cesse d'tre dsintresse lorsque l'intervenant a un intrt dpasser
les limites o devrait se tenir son action"15.
Ce critre du but humanitaire de l'action arme humanitaire a t mentionn par
tous les auteurs favorables au droit d'ingrence humanitaire, mais il est loin d'tre le seul
tre mis en exergue.
Les auteurs de cette tendance doctrinale considrent, tout d'abord, que les droits
de la personne doivent avoir t gravement viols dans l'Etat vis par l'intervention
arme. Cette condition a t dj formule par Arntz, un des crateurs du concept
d'intervention d'humanit. Arntz lgitimait le droit d'intervention lorsqu'un
13ROUSSEAU (C.),Droit international public, Paris, Sirey, 1980, tome IV, p. 49.14
PEREZ-VERA (E.), "La protection d'humanit en droit international",R.B.D.I.,1969,p. 417.15ROUGIER (A.), "La thorie de l'intervention d'humanit",R.G.D.I.P., 1910, pp. 502 et 503.
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gouvernement violait les droits de l'humanit par "des excs d'injustice et de cruaut qui
blessent profondment nos murs et notre civilisation"16.
En 1934, Georges Scelle estime propos des interventions d'humanit dansl'Empire turc, que la lgitimit de ces actions s'explique par la ncessit de maintenir
l'ordre public international, face l'explosion des fanatismes religieux17. Ainsi, sont
lgitimes cette poque les interventions contre tout gouvernement qui viole les droits
de l'humanit par des excs d'injustice et de cruaut envers certaines catgories de sujets
au mpris des lois de la civilisation. Sur cette base se fonde l'intervention de la France,
mandataire des puissances, en 1860 en Syrie, pour sauver les maronites massacrs par
les Druses. Georges Scelle va plus loin et n'hsite pas reconnatre la lgitimitd'interventions armes entreprises par des gouvernements pour assurer le respect d'un
certain nombre de rgles fondamentales du droit international commun, comme le
respect de la personne humaine, de sa vie, de ses liberts, de sa proprit18.
Cette condition de violation grave des droits de la personne a t reprise par
l'ensemble des tenants du droit d'ingrence humanitaire. Par exemple, Perez - Vera parle
des crimes spcialement rvoltants, d'une cruaut extrme, et que la complicit
gouvernementale laisse impunis, ou encore des massacres blesser la conscience de
l'humanit.
D'autres critres sont encore t mentionns non plus par l'ensemble de la
doctrine, mais par certains, voire un seul de ses reprsentants. Rougier, par exemple, a
prtendu que l'Etat auteur de l'intervention d'humanit ne pouvait agir que
conjointement avec d'autres Etats. Arntz et Rolin - Jacquemyns vont plus loin dans leur
raisonnement et admettent l'intervention seulement si elle est exerce par une
organisation internationale. A l'oppos, d'autres auteurs justifient un droit d'ingrence
arme humanitaire tout Etat, qu'il agisse individuellement ou collectivement. A ce
propos, Bernard Kouchner prend une position contradictoire puisqu'il affirme, d'une
part, de manire gnrale que l'ingrence ne peut se mener au nom d'un Etat, mais doit
tre collective et d'autre part, il qualifie de licites19des oprations militaires menes de
16Cit par ROLIN-JACQUEMYNS (G.), "Note sure la thorie du droit d'intervention",R.D.I.L.C., 1876,
p. 675.17SCELLE (G.),Prcis de droit des gens, vol. 2, Sirey, Paris, 1934, p. 50.18
SCELLE (G.),Droit International Public, Ed. Domat Montchrestien, Paris, 1994, p. 622.19KOUCHNER (B.),Le malheur des autres, Paris, Editions Odile Jacob, 1991, p. 291.
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manire unilatrale sans le consentement du Conseil de scurit telles l'opration
Provide Comfort qui s'est droule en avril 1991 dans le Kurdistan iraquien.
Teson considre qu'une condition essentielle d'une intervention humanitaire estque les victimes des violations de droits de la personne demandent et acceptent
l'invasion trangre20. Enfin, Verwey insiste de manire gnrale sur les conditions de
ncessit et de proportionnalit.
Sur le plan de la dfinition du droit d'ingrence humanitaire, et sans s'interroger
sur les fondements de la doctrine, on peut mettre certaines rserves. D'une manire
gnrale, on pourrait dire que son contenu reste imprcis. Le droit d'ingrence
humanitaire consiste lgitimer une intervention arme afin d'aider une population quia besoin d'tre secourue, mme si le pays "hte" devait s'y opposer. Le concept de droit
d'ingrence humanitaire a tent d'encourager et de justifier le recours la force
internationale prvu dans le cadre des Nations Unies pour protger les populations
menaces l'intrieur de leurs propres frontires. Les tats ont depuis des sicles tent
de justifier leurs interventions armes dans les affaires intrieures des autres tats par
des motifs tels que la dfense des droits de l'homme, la dfense des minorits, celle de
leurs ressortissants expatris ou d'autres motifs d'humanit.
On voit ainsi, que le contenu de cette tendance doctrinale est non seulement
imprcis , mais il laisse surtout, la porte ouverte tous les abus. C'est vident quant la
condition, essentielle pour cette tendance doctrinale, du but humanitaire de
l'intervention effectue.
On voit mal comment un Etat s'engagerait une action militaire, avec tous les
risques que cette action comporterait (pertes potentielles en hommes et en matriel),
dans un but dsintress. Pourtant, certains auteurs comme Perez -Vera et Rougier
parlent de l'exigence de la poursuite exclusive d'un intrt strictement humanitaire.
D'autres auteurs prennent conscience que les Etats qui interviennent poursuivent
paralllement d'autres objectifs que la protection des droits de la personne et tentent
d'laborer une certaine hirarchie et certains critres permettant de dgager un motif
humanitaire prdominant.
20
TESON (F.R.),Humanitarian intervention : An inquiry into law and morality,Dobbs ferry (NewYork), Transnational Publishers, 1988, pp. 119-120.
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Teson a t le premier laborer une hirarchie afin de dgager un motif
humanitaire prdominant. Pour Teson, une intervention militaire doit tre entreprise
dans un but vraiment humanitaire pour tre justifie. Il reconnat que le problme est deformuler certains standards pour mesurer le motif humanitaire de l'intervention arme.
Premirement, il estime que l'Etat intervenant doit limiter son action arme ce qu'il
arrte la violation des droits de la personne par les gouvernements. Ensuite, il souligne,
que mme s'ils existent conjointement des motifs non-humanitaires, ceux-ci ne doivent
en aucun cas rduire l'objectif principal de l'intervention, qui est d'arrter la violation
des droits de la personne. Enfin, Teson conclue que toute intervention militaire doit tre
inspire par des motifs purement humanitaires afin de protger les droits de lapersonne21.
Le mme auteur se pose, aussi, une srie de questions afin de dterminer le plus
objectivement possible si le but humanitaire de l'intervention arme en question est
vraiment prpondrant. Il propose de se demander si les troupes militaires occupent le
territoire en question plus longtemps que ncessaire ou encore si l'Etat intervenant ne
demande pas des avantages ou des faveurs par le nouvel gouvernement mis en place la
suite de l'intervention. Finalement, il propose de se poser la question de savoir si l'Etat
intervenant a pour but de dominer l'Etat vis ou il agit pour des raisons vraiment
humanitaires.
Il parat, alors, vident que c'est extrmement difficile de mettre en uvre une
"relle" intervention humanitaire dans un cas concret. Les questions qui se posent sont
multiples et posent certains problmes. En particulier, comment on peut dterminer si
l'Etat intervenant cherche dominer l'Etat vis? A quel moment faut-il se placer pour
valuer la restauration effective des droits de la personne? C'est pas vraiment facile de
rpondre ces questions et par consquent de dfinir avec prcision le critre du but
humanitaire de l'intervention humanitaire.
Le critre de l'importance des violations des droits de la personne, qui est voqu
unanimement par la doctrine favorable au droit de l'ingrence humanitaire, pose
exactement le mme genre de problmes. En effet, comment peut-on apprhender un
21
TESON (F.R.),Humanitarian intervention : An inquiry into law and morality,Dobbs ferry (NewYork), Transnational Publishers, 1988, p. 115.
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crime spcialement rvoltant et qu'est-ce qu'un acte de nature violer les lois de
l'humanit? On peut se demander s'il s'agit pas des considrations proches du droitnaturel qui peuvent nous amener une situation particulirement dangereuse, d'autant
plus que certains auteurs admettent une intervention militaire ds qu'il existe un danger
imminent sans qu'aucune violation n'ait pas t constate.
On l'a dj vu, que dans la quasi-totalit d'interventions militaires opres, les
considrations humanitaires taient loin d'tre les seules les motiver. Par ailleurs, il
faut signaler que les pires violations des droits de la personne ont laiss ceux qui s'en
prtendaient les dfenseurs sans aucune raction. D'autre part, il faut pas oublier que lesinterventions dites "d'humanit" ont souvent caus plus de victimes qu'ils n'taient pas
senses en viter.
On comprend alors, que ces considrations dmontrent que l'apprciation de
l'importance de la violation des droits de la personne est essentiellement fonde sur des
critres de lgitimit qui varient selon les membres de la communaut internationale.
Si on examine, maintenant, les autres facteurs destins dmontrer le caractre
humanitaire d'une intervention militaire on va raliser que ceux-ci aussi donnent lieu
des controverses. Teson posait comme condition essentielle de la lgitimit d'une
intervention arme, la volont de la population opprime de l'Etat vis. Mais, comment
et partir de quand on peut dire que cette population souhaite l'invasion trangre.
Ainsi, ce serait la puissance intervenante elle-mme d'apprcier et dterminer la
volont d'une population.
Quant aux autres conditions, telles la ncessit et la proportionnalit, elles
suscitent aussi des nombreuses interrogations.
Un signe supplmentaire du caractre imprcis de la dfinition de ce droit
d'ingrence humanitaire est que certaines conditions ont t nonces par certains
auteurs et pas par d'autres et qu'elles ont fait l'objet des discussions au sein de la
doctrine mme. C'est, par exemple, le cas du caractre unilatral ou non de
l'intervention arme qui a donn lieu des divergences de vues.
En ralit, l'tablissement des conditions, pour la mise en uvre du droit
d'ingrence humanitaire, ainsi que leur apprciation par la doctrine, qui en est favorable,
semble poser un grand dilemme. En effet, on ralise que soit les conditions sont trs
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souples et on laisse la porte ouverte des abus, soit elles sont strictes et aucune situation
pratique ne pourra tre recouverte.
D'une part, certains auteurs considrent qu'il s'agit des conditions strictes. C'estainsi que Verwey, aprs avoir examin des cas particuliers les plus divers, conclut
qu'aucun d'entre eux ne rpond pas aux conditions de l'intervention humanitaire, et ce
principalement cause de manque de dsintressement de l'Etat intervenant22.
D'autre part, d'autres auteurs estiment que les conditions de lgitimit de
l'ingrence humanitaire sont trop souples. Teson, par exemple, considre que l'invasion
arme de la Grenade par les Etats-Unis en 1983 est justifie par des considrations
humanitaires. Teson va encore plus loin dans son raisonnement, et dit que le critre dela violation massive des droits de la personne serait rempli non seulement en cas de
violations effectives, mais aussi dans l'hypothse de l'imminence d'une violation.
Si on prend comme exemples les invasions dites d'humanit effectues au cours
des dernires dcennies23, on se rend compte que la mise en uvre des conditions
voques par la doctrine favorable au droit d'ingrence humanitaire laisse tant de place
des jugements de valeur qu'elle suscitera des abus.
En conclusion, on pourrait se rfrer l'article d'Antoine Rougier "La thorie de
l'intervention d'humanit"24, qui au dbut du sicle parle du danger que pourrait
prsenter la gnralisation du droit d'ingrence humanitaire. Dans son tude Rougier
parle de l'impossibilit pratique de sparer les mobiles humains de l'intervention des
mobiles politiques. Il estime qu' partir du moment o les Etats intervenants sont les
seuls juger l'opportunit de leur action, ils vont le faire en fonction de leurs intrts.
Il continue en disant, que tous les jours dans tous les coins de la plante se
commettent des actes de barbarie, mais qu'aucun Etat ne songe faire cesser parce que
tout simplement aucun Etat n'a intrt de les faire cesser. Chaque fois qu'une puissance
intervient dans un Etat au nom de l'humanit, elle le fait pour l'englober dans sa sphre
d'influence politique et en dfinitive pour le dominer.
22VERWEY (W.-D.), "Humanitarian intervention under International Law",Netherlands International
Law Review, 1985 (3), p. 404.23On peut voquer les interventions armes du Vietnam au Cambodge, de la France en Rpubliquecentrafricaine, des Etats-Unis la Grenade, au Nicaragua ou Panama qui ont toutes t motives
officiellement par des raisons humanitaires.24ROUGIER (A.), "La thorie de l'intervention d'humanit",R.G.D.I.P., 1910, pp. 468-526.
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Tout au long de cette premire section, on a eu l'occasion de voir que les auteurs
favorables au droit d'ingrence humanitaire assortissent sa mise en uvre de certaines
conditions. Aucun d'entre eux ne considre ce droit d'intervention arme humanitairecomme une comptence discrtionnaire ds qu'il y a des violations des droits de la
personne sur le territoire d'un autre Etat. On a vu aussi, que malgr tout le contenu et la
dfinition de ce droit, celui-ci reste imprcis et peut s'avrer extrmement dangereux.
Mais, les dangers engendrs par la dfinition d'une norme n'entranent pas, en
soi, l'absence de validit de cette dernire. On va essayer, alors, d'analyser, dans une
deuxime section, le fondement juridique du droit d'ingrence humanitaire.
Section 2 : Le fondement juridique du droit d'ingrence humanitaire.
Comme on a dj mentionn, la doctrine favorable au droit d'ingrence
humanitaire se fonde sur une interprtation de l'article 2 4 de la Charte des Nations
Unies pour dmontrer que la rgle de l'interdiction du recours la force ne concerne pas
les interventions humanitaires.
Pour analyser cette argumentation de la doctrine, on va d'abord examiner le texte
de l'article 2 4 en combinaison avec la Charte dans son ensemble (paragraphe 1) et
ensuite, on verra la pratique contemporaine des interventions armes (paragraphe 2).
1 : Le texte de l'article 2 4 de la Charte des Nations Unies.
L'article 2 4 de la Charte des Nations Unies prvoit que : " Les Membres de
l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir lamenace ou l'emploi de la force, soit contre l'intgrit territoriale ou l'indpendance
politique de tout Etat, soit de toute autre manire incompatible avec les buts des
Nations Unies"25.
C'est incontestable que cette disposition n'interdit pas explicitement tout recours
la force dans les relations internationales. Selon l'article 2 4, l'emploi de la force
n'est pas interdit mais seulement lorsqu'il est dirig contre l'intgrit territoriale,
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l'indpendance politique de l'Etat vis ou lorsqu'il est incompatible avec les buts des
Nations Unies. Cet article pose donc trois conditions pour qu'un recours la force soit
interdit. Ce sont ces trois conditions qu'on va examiner successivement.Si les critres relatifs la dfinition du droit de l'ingrence, qu'on a mentionn
auparavant, sont remplis on pourrait dire qu'une intervention humanitaire est permise
dans la mesure o elle n'est pas dirige contre l'intgrit territoriale d'un Etat. Une
intervention arme ne doit tre qu'un acte destin rtablir les droits de la personne
enfreints, mais, en aucun cas, ne peut se confondre avec l'appropriation de territoire.
Toutefois, on pourrait dire que le passage des troupes armes (dans le cadre d'une
intervention arme mme humanitaire) travers les frontires d'un autre Etat, sans leconsentement de ce dernier, s'opre contre son intgrit territoriale. D'un autre ct, des
actions armes transfrontalires sans acquisition de territoire ont souvent t qualifies
de violations de la souverainet territoriale. Tel a t le cas dans l'affaire des Activits
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci26, o la C.I.J. a parl
uniquement des violations des espaces arien et maritime nicaraguayens.
Encore moins vident est de savoir si une ingrence humanitaire est dirige
contre l'indpendance politique de l'Etat envahi. D'une part, certains auteurs estiment
que tel ne peut pas tre le cas puisque l'action n'a pas pour but une forme de domination.
D'autre part, on peut pas ignorer que le but de l'intervention est de rgler un problme,
essentiellement, de politique interne, de protger une partie de la population contre une
autre. En effet, l'intervention s'opre contre le gouvernement de l'Etat vis afin de
restreindre ses pouvoirs et si ncessaire de le renverser. Par consquent, l'intervention
arme vise bien le pouvoir politique de l'Etat envahi et a serait difficile de prtendre
que l'indpendance politique de l'Etat vis n'est pas atteinte.
L'interprtation de la dernire phrase de l'article 2 4 de la Charte, qui interdit
tout recours la force qui s'oprait, dans les relations internationales, de toute manire
incompatible avec les buts des Nations Unies, pose galement des nombreux problmes.
25L'ONU : le systme institutionnel, documents d'tudes, N 3.02, La documentation franaise, Paris,2001, p. 3.26C.I.J., A.C., 27 juin 1986, affaire desActivits militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-
ci, Rec. 1986, p. 14.
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Les auteurs favorables au droit de l'ingrence humanitaire soulignent que l'un
des buts des Nations Unies est prcisment la protection des droits de la personne. Ces
auteurs invoquent le paragraphe 2 du prambule de la Charte des Nations Unies quiprvoit : "NOUS, PEUPLES DES NATIONS UNIES, RESOLUS proclamer
nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignit et la valeur
de la personne humaine, dans l'galit des droits des hommes et des femmes, ainsi que
des nations, grandes et petites"27. C'est dans cet esprit que Tesonrappelle que l'emploi
de la force dans un but humanitaire, non seulement ne contredit pas les buts des Nations
Unies, mais bien au contraire il soutient un de ses buts essentiels qui est la protection
des droits de la personne. De ce fait, il serait erron de dire que l'interventionhumanitaire est prohibe par l'article 2 4 de la Charte des Nations Unies.
De l'autre ct, on peut opposer, ce raisonnement des partisans du droit
d'ingrence humanitaire, un autre but de l'O.N.U. qui est le maintien de la paix et de la
scurit internationales, prvus dans les chapitres VI et VII de la Charte. Mme le
premier paragraphe du prambule de la Charte va l'encontre de l'interprtation faite
par la tendance doctrinale d'un droit d'ingrence humanitaire. Plus prcisment, le
premier paragraphe du prambule de la Charte des Nations Unies prvoit : "NOUS,
PEUPLES DES NATIONS UNIES, RESOLUS prserver les gnrations futures du
flau de la guerre qui, deux fois en l'espace d'une vie humaine, a inflig l'humanit
d'indicibles souffrances".
Enfin, Michel Virally remarque qu'une action militaire mme si elle vise
protger les droits de la personne, va incontestablement l'encontre de son but. Selon le
mme auteur toute politique de force va l'encontre des objectifs et des buts des
Nations Unies28.
A l'oppos, la doctrine favorable au droit d'ingrence prtend que le but des
Nations Unies de maintenir la paix peut tre enfreint, condition qu'un autre but, en
l'occurrence la protection des droits de la personne, soit satisfait. En d'autres termes, il
existerait une sorte de hirarchie entre les diffrents buts des Nations Unies et par
272 du prambule de la Charte des Nations Unies, documents d'tudes, N 3.02, La documentation
franaise, Paris, 2001, p. 3.28VIRALLY (M.), "Panorama du droit international contemporain",R.C.A.D.I., vol. 183, 1983-V, p. 102.
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consquent, une intervention militaire visant protger les droits de la personne ne
serait pas contraire au but de l'O.N.U. de maintenir la paix.
Si on procde, maintenant, la lecture du corollaire de l'interdiction du recours la force, qui est l'obligation de rgler pacifiquement les diffrends (article 2 3 de la
Charte), on verra qu'il n'y a rien dans l'article 2 4 qui peut affirmer qu'une action peut
enfreindre un but des Nations Unies. Les partisans de la doctrine du droit d'ingrence
humanitaire se fondent uniquement sur le texte de l'article 2 4 pour soutenir leur thse.
Or, le texte du troisime paragraphe du mme article dispose : "Les Membres de
l'Organisation rglent leurs diffrends internationaux par des moyens pacifiques, de
telle manire que la paix et la scurit internationales ainsi que la justice ne soient pasmises en danger".
Ainsi, selon les termes de l'article 2 3 une raction d'un Etat membre de
l'O.N.U., mme des violations massives des droits de la personne, doit s'effectuer de
manire pacifique sans mettre en danger ni la paix et la scurit internationales ni la
justice. Par ailleurs, l'article 33 de la Charte numre les moyens pacifiques de
rglement des diffrends29et complte l'article 2 4. Ici encore, la Charte ne prvoit
aucune exception relative une intervention arme humanitaire. Par consquence, on
peut dire que la Charte interdit expressment tout intervention arme unilatrale, dans la
mesure o elle menace la paix et la scurit internationales.
Mme si on acceptait la thse de la doctrine du droit d'ingrence humanitaire,
selon laquelle il existe une hirarchie entre les objectifs de l'O.N.U., on ne pourrait
qu'admettre la prminence du maintien de la paix sur la protection des droits de la
personne. Comme, on dj vu le premier paragraphe du prambule de la Charte tablit
comme but primordial le maintien de la paix. Dans le mme esprit, le Chapitre I, intitul
"Buts et principes", indique dans son article 1 1 comme premier but des Nations Unies
de maintenir la paix et la scurit internationales.
D'ailleurs, le prambule30 de la Charte prcise les moyens utiliss par
l'Organisation pour atteindre ses objectifs. En lisant le prambule, on remarque que la
29L'article 33 de la Charte des Nations Unies prvoit comme moyens de rglement des diffrends "la voie dengociation, d'enqute, de mdiation, de conciliation, d'arbitrage, de rglement judiciaire, de recours auxorganismes ou accords rgionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix".30
"NOUS, PEUPLES DES NATIONS UNIES, RESOLUSET A CES FINS pratiquer la tolrance, vivre en paix l'un avec l'autre dans un esprit de bon voisinage, unir nos forces pour maintenir la paix et
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Charte donne une propre supriorit aux moyens dirigs en faveur du maintien de la
paix. En outre, aucune rfrence n'est pas faite des moyens militaires pour imposer le
respect des droits de la personne. Dans le prambule, on voit qu'une seule rfrence unrecours aux institutions internationales.
En concluant, on peut se rfrer la jurisprudence de la C.I.J., qui dans son avis
consultatif relatif Certaines dpenses des Nations Unies31prcise qu' il est ncessaire
d'accorder une primaut la paix et la scurit internationales puisque les autres
objectifs de l'Organisation ne peuvent tre atteints que si la paix et la scurit
internationales sont assures.
A la fin de ce paragraphe, il reste examiner un dernier argument de la doctrinedu droit d'ingrence humanitaire. Certains auteurs, favorables cette tendance
doctrinale, mettent en exergue l'argument selon lequel une intervention arme
humanitaire respecte en soi l'objectif du maintien de la paix. Ils considrent qu'une
intervention arme humanitaire en mettant fin des violations massives des droits de la
personne, elle empche une volution historique qui mnerait une menace ou une
rupture de la paix par le pays dictatorial vis32.
Cet argument est doublement critiqu sur le plan de fait, ainsi que sure le plan
juridique. D'une part, sur le plan de fait c'est pas du tout vident que les violations
massives des droits de la personne dans un Etat amneraient une menace ou encore
moins une rupture de la paix. En outre, dans l'histoire on a des nombreux exemples
des rgimes dictatoriaux qui n'ont pas provoqu une rupture de la paix dans les relations
internationales33. D'autre part, sur le plan juridique la Charte a bien pour proccupation
principale le maintien de la paix. On voit mal comment la Charte pourrait lgitimer une
rupture bien relle de la paix en invoquant une rupture hypothtique et ventuelle.
En effet, on constate que le but principal de l'O.N.U. est le maintien de la paix
et l'article 2 4, invoqu par la doctrine favorable au droit de l'ingrence humanitaire,
la scurit internationales, accepter des principes et instituer des mthodes garantissant qu'il ne sera pasfait usage de la force des armes, sauf dans l'intrt commun, recourir aux institutions internationales
pour favoriser le progrs conomique et social de tous les peuples".31C.I.J., A.C., 20 juillet 1962, affaire relative Certaines dpenses des Nations Unies, Rec. 1962 p. 151.32TESON (F.R.),Humanitarian intervention : An inquiry into law and morality,Dobbs ferry (New
York), Transnational Publishers, 1988, pp. 132-133.33Voir le rgime de Franco en Espagne ou encore le rgime de Salazar en Portugal.
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renvoie bien ce but. Les dispositions de l'article 2 4 de la Charte interdisent bien tout
recours la force, mme motiv par des considrations humanitaires.
Une fois examin le texte de l'article 2 4 en combinaison avec la Charte desNations Unies dans son ensemble, on va ensuite vrifier si la pratique contemporaine
des interventions armes confirme ou non cette interprtation.
2 : La pratique contemporaine.
La plupart des partisans de la doctrine du droit d'ingrence humanitaire basent
leur argumentation juridique sur l'examen de la pratique contemporaine des
interventions armes. Depuis le deuxime guerre mondiale on assiste une riche
pratique d'interventions armes.
Mais, le fait de constater une telle pratique ne peut pas dmontrer que le principe
de non recours la force soit assoupli. En elle-mme, cette pratique ne suffit pas pour
tablir une coutume. C'est dans ce sens que la C.I.J., dans l'affaire des Activits
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, considre que pour dduire
l'existence de rgles coutumires, il est suffisant que les Etats y conforment leur
conduite de manire gnrale. Pour la Cour, les Etats doivent traiter eux-mmes lescomportements non conformes la rgle en question comme des violations celle-ci et
non pas comme des manifestations d'une rgle nouvelle. Selon la Cour alors, la pratique
ne peut tre prise en compte que si elle illustre un accord entre les Etats, qui
constituerait une opinio juris dmontrant l'existence d'une rgle coutumire.
Afin d'valuer cette volont des Etats, on verra dans un premier temps les
rsolutions de l'Assemble gnrale des Nations Unies, ainsi que les conventions
rgionales de scurit collective et les traits de protection des droits de la personne.Ensuite, on verra certains des cas d'intervention que la doctrine invoque, afin de
rechercher s'il s'agit vraiment des prcdents lgitimant des interventions humanitaires.
Parmi les nombreuses rsolutions de l'Assemble gnrale des Nations Unies,
relatives au principe de non recours la force, trois d'entre elles nous paraissent
particulirement difiantes. Il s'agit de la Rsolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970
sur les relations amicales et la coopration des Etats, de la Rsolution 3314 (XXIV) du
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14 dcembre 1974 portant dfinition de l'agression et de la Rsolution 37/10 du 15
novembre 1982 sur le rglement pacifique des diffrents.
La Rsolution 2625 (XXV)34
nonce dans ses principes que : "Tout Etat a ledevoir de s'abstenir de recourir la menace ou l'emploi de la force pour violer les
frontires existantes d'un autre Etat ou pour violer les lignes internationales de
dmarcation". Ainsi, la rsolution carte l'argumentation de la tendance doctrinale,
selon laquelle une intervention arme humanitaire est permise partir du moment o
elle n'entrane pas une appropriation territoriale. De cette manire, la rsolution interdit
non seulement toute violation de l'intgrit territoriale, mais aussi toute violation de la
souverainet territoriale.D'autre part, le texte de la rsolution interdit tout recours la force arme ou non
arme pour quelque raison que ce soit. Par consquent, mme le recours la force pour
des raisons humanitaires est prohib. Enfin, le mme texte prvoit que les Etats doivent
rgler leurs diffrends en utilisant des moyens pacifiques en excluant tout recours la
force. On comprend, alors, que mme la violation massive des droits de la personne
constitue un diffrend qui doit tre rgler par des moyens pacifiques et en aucun cas par
une intervention militaire.
La Rsolution 3314 (XXIV)35du 14 dcembre 1974 prcise dans son 1erarticle
la dfinition de l'agression comme tant tout emploi de la force arme contre la
souverainet, l'intgrit territoriale ou de l'indpendance politique d' un autre Etat.
Ensuite, dans son article 3, la rsolution procde une numration exhaustive d'actes
qualifies d'agression. On remarque, alors que la dfinition donne par la rsolution est
extrmement prcise sans faire aucune mention des circonstances propres une
intervention arme humanitaire.
En outre, l'article 5 du mme texte nonce qu'aucune considration, que ce soit
politique, conomique ou militaire, ne saurait justifier une agression. On apprhende
34Rsolution 2625 (XXV) de l'Assemble gnrale des Nations Unies : Dclaration relative aux principesdu droit international touchant les relations amicales et la coopration entre Etats,conformment la Charte des Nations Unies, du 24 octobre 1970, in Les grands textes du droitinternational public, 2medition, d. Dalloz, Paris, 2000, pp. 32-41.35Rsolution 3314 (XXIV) de l'Assemble gnrale des Nations Unies : Dfinition de l'agression, du 14
dcembre 1974, in Les grands textes du droit international public, 2me
dition, d. Dalloz, Paris, 2000,pp. 237-240.
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donc, qu'aucune considration humanitaire ne pourrait pas justifier une intervention
arme.
La Rsolution 37/10 du 15 novembre 198236
raffirme l'interdiction gnrale derecourir la force en prcisant que les Etats ont l'obligation de rgler leurs diffrends
internationaux "exclusivement" par des moyens pacifiques.
Ces rsolutions de l'Assemble gnrale des Nations Unies ne sont pas les seuls
instruments qui interprtent l'article 2 4 de la Charte comme interdisant tout recours
la force arme mme pour des raisons humanitaires. On verra par la suite, que des
conventions caractre rgionale en font ainsi.
La Charte de l'O.E.A.
37
dans son article 21 interdit le recours la force, sauf encas de lgitime dfense conformment aux traits en vigueur. A l'exception alors, de
lgitime dfense tout recours l'emploi de la force est interdit. De mme, la Charte de
l'O.E.A., dans son article 27, interdit expressment tout recours la force contre
l'intgrit, l'inviolabilit du territoire ou contre la souverainet et l'indpendance
politique d'un Etat amricain en le qualifiant d'acte d'agression.
De mme, la Charte de l'O.U.A.38dans son article II rige en objectif principal
de l'Organisation la dfense de la souverainet, de l'intgrit territoriale et de
l'indpendance des Etats membres.
On voit alors, que les Etats ont, travers les diffrents instruments rgionaux,
manifester leur volont d'exclure toute forme de recours la force dans les relations
internationales.
Si on examine, maintenant, le texte des certaines instruments juridiques
protecteurs des droits de la personne, on verra qu'aucune rsolution ni convention ne
permet, directement ou indirectement, le recours la force pour faire respecter ces
droits. Bien au contraire, les traits relatifs la protection des droits de la personne
subordonnent toute raction unilatrale une srie des conditions. Les traits en
question prvoient des mcanismes de rglement que les Etats doivent utiliser. Ces
traits ont prvu, aussi toute une srie de contre-mesures non armes moyennant le
36Rsolution 37/10 de l'Assemble gnrale des Nations Unies : Rglement pacifique des diffrendsinternationaux, du 15 novembre 1982, http://www.un.org/documents/ga/res/37/a37r010.htm37Charte de l'O.E.A (Charte de Bogota - Trait interamricain pour le rglement pacifique des diffrends,dit Pacte de Bogota), signe le 30 avril 1948 Bogota, http://www.oas.org/juridico/english/charte.html
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respect des certaines conditions. On remarque, alors, que ces textes conventionnels non
seulement interdisent le recours la force arme, mais ils prvoient en mme temps tous
les mcanismes ncessaires afin de mieux assurer protection des droits de la personne.En outre, tout recours la force pour faire respecter les droits de la personne irait
l'encontre des conventions en question.
Mme dans le cas des reprsailles, les Etats se sont prononcs de manire claire
pour l'interdiction absolue des reprsailles armes. D'une part, l'article 2 4 de la Charte
des Nations Unies ne prvoit aucune exception en ce qui concerne le motif humanitaire
de l'Etat intervenant. Et d'autre part, la Rsolution 2625 (XXV) nonce le devoir des
Etats de s'abstenir d'actes de reprsailles impliquant l'emploi de la force. Cetteinterdiction des reprsailles armes est confirme par la Rsolution 36/103 de
l'Assemble gnrale39 qui souligne "le devoir d'un Etat de s'abstenir de recourir
toute intervention armeou tout acte d'ingrence militairey compris les actes de
reprsailles impliquant le recours la force".
Mais, la doctrine favorable au droit d'ingrence arme unilatrale invoque des
cas particuliers d'interventions armes afin d'appuyer son argumentation. Le problme
qui se pose est d'examiner les prcdents invoqus tout en essayant d'isoler les
considrations politiques des vritables positions juridiques. Ceci est beaucoup moins
vident lorsque les Etats intervenants se rfugient derrire des motifs d'ordre
humanitaire pour justifier une intervention arme unilatral.
Un des prcdents, voqus par la doctrine favorable au droit d'ingrence arme
humanitaire et qu'on va voir, est l'intervention de la Tanzanie en Ouganda en 1979. En
fait, au mois de janvier 1979, les troupes tanzaniennes pntrent sur le territoire
ougandais. Le prsident Nyerere dclare que le gouvernement d'Amin Dada est un
gouvernement des "voyoux" et que le peuple ougandais dispose bien du droit de le
renverser. Quelques mois plus tard, un nouveau gouvernement est form,(aprs
coopration des troupes tanzaniennes avec les rebelles ougandais), et dclare qu'il va
dfendre les droits de la personne.
38Charte de l'Organisation de l'Unit Africaine, signe le 25 mai 1963 en Ethiopie,http://www.oua2000.dz/charte.htm.39Rsolution 36/103 de l'Assemble gnrale des Nations Unies : Dclaration sur l'inadmissibilit de
l'intervention et de l'ingrence dans les affaires intrieures des Etats, du 9 dcembre 1981, A/RES/36/103.
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Pour les auteurs favorables au droit d'ingrence humanitaire, l'intervention en
question vient appuyer la doctrine de l'intervention d'humanit puisque la motivation de
l'Etat intervenant tait de lutter contre un rgime tyrannique qui violait les droits de lapersonne. C'est ainsi, que Teson prtend qu'il s'agit, ici du prcdent le plus claire en
faveur du droit d'intervention arme unilatrale pour des motifs humanitaires40. Mais,
cette intervention de la part de Tanzanie Ouganda est loin d'tre justifie par des
considrations humanitaires. D'une part, le prsident tanzanien quand les troupes de son
pays pntraient le territoire ougandais il invoquait, dj, la lgitime dfense. Il faut pas
oublier que quelques semaines avant l'intervention tanzanienne, les troupes ougandaises
avaient pntr et occup une partie du territoire de Tanzanie. La Tanzanie avaitprotest officiellement et avait dclar qu'elle allait riposter (chose qui est faite quelques
semaines plus tard). On voit alors, que le prcdent invoqu par la doctrine entre dans la
sphre d'une intervention arme justifie par la lgitime dfense et pas par des
considrations humanitaires. C'est ainsi, que le gouvernement tanzanien a t soutenu de
plusieurs Etats.
Un autre prcdent, invoqu par la doctrine, est l'intervention indienne au
Bengladesh qui a conduit, en 1971, cet Etat l'indpendance. Cette action a t
prsente comme une intervention destine mettre fin aux massacres de la population
bengali par les forces pakistanaises. L encore, la justification officielle par les Indes
tait la lgitime dfense, puisque selon New Delhi le Pakistan avait auparavant
bombard des villages sur le territoire indien. Les considrations humanitaires en
l'espce n'avaient servies que pour convaincre politiquement les autres Etats et non
comme fondement juridique.
On pourrait encore invoquer, comme exemple, l'intervention des Etats-Unis la
Grenade en 1983. En l'espce, les reprsentants amricains ont mis l'accent sur les
motivations humanitaires. Cependant, les Etats-Unis ont bas leur dfense sur d'autres
arguments sans rapport avec la notion d'intervention humanitaire. Selon les amricains,
l'intervention tait justifie par l'appel du gouverneur gnral de la Grenade, par
l'autorisation donne par une organisation rgionale des Carabes et par la protection
40
TESON (F.R.),Humanitarian intervention : An inquiry into law and morality,Dobbs ferry (NewYork), Transnational Publishers, 1988, pp. 167-168.
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des ressortissants amricains tablis sur l'le. Il faut enfin, souligner que cette
intervention a fait l'objet d'une large condamnation internationale et elle a t
condamne en 1983, par la Rsolution 38/7 de l'Assemble gnrale des Nations Unies.De mme, l'invasion des Etats-Unis au Panama au mois de dcembre 1989 tait
motive par d'autres considrations et a t, aussi condamne par l'Assemble gnrale.
En conclusion, on peut dire que chaque fois que les Etats taient amens se
prononcer sur le principe de non recours la force arme (principe pos comme on a vu
dans l'article 2 4 de la Charte de l'O.N.U.), ils ont affirm que cette disposition interdit
de manire gnral l'emploi de la force dans les relations internationales.
D'une part, des rsolutions telles que la Rsolution 2625 (XXV) et la Rsolution3314 (XXIV) portant dfinition de l'agression, rejettent toute possibilit d'invoquer des
motivations humanitaires pour chapper l'interdiction de principe de l'article 2 4 de
la Charte. La pratique conventionnelle, que ce soit sur un plan rgional ou universel,
confirme ce point de vue.
D'autre part, la pratique des relations internationales dmontre que les
considrations humanitaires, invoques par les Etats intervenants, sont loin de constituer
une base juridique. Comme on a vu, les justifications des Etats intervenants ne
dmontrent une position juridique claire en faveur du droit d'ingrence humanitaire.
Bien au contraire, dans la plupart des cas les interventions armes s'expliquent par des
considrations politiques.
Enfin, il est essentiel de rappeler que la C.I.J., en se prononant propos de
l'affaire du Dtroit de Corfou41, elle a condamn le Royaume-Uni pour violation de la
rgle du non-recours la force en soulignant l'importance de celle-ci dans les relations
internationales.
De mme, la C.I.J. s'est prononc de manire gnrale sur l'existence ventuelle
d'une pratique favorable un droit d'intervention d'humanit dans l'affaire des Activits
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci42. En l'espce, la Cour
estime que les Etats-Unis n'ont pas justifi leur conduite en prenant argument d'un
nouveau droit d'intervention ou d'une exception nouvelle au principe interdisant le
41C.I.J., Fond, 9 avril 1949, affaire duDtroit de Corfou, Rec., 1949, p.4.42
C.I.J., A.C., 27 juin 1986, affaire desActivits militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Rec. 1986, p. 14.
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recours la force. La Cour dans le mme arrt va plus loin, puisqu' elle examine les
motifs humanitaires invoqus par les Etats-Unis. La Cour estime que la force n'est pas la
mthode approprie pour vrifier et assurer le respect des droits de l'homme et conclutque le motif tir de la prservation des droits de l'homme au Nicaragua ne peut justifier
juridiquement l'intervention arme des Etats-Unis.
Dans ce chapitre, on a examin la rgle d'interdiction du recours la force par
rapport au droit d'ingrence humanitaire. Par la suite, on va essayer de voir le mme
droit d'ingrence humanitaire, mais cette fois par rapport aux exceptions cette rgle
d'interdiction de recourir la force arme.
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Chapitre II :Les exceptions au principe gnral d'interdiction
d'une intervention arme.
Comme on a pu remarquer dans le premier chapitre, la rgle de l'intervention du
recours la force (article 2 4 de la Charte des Nations Unies) exclut toute intervention
arme unilatrale. Nanmoins, cela ne veut pas dire que tout recours la force arme
soit interdit dans les relations internationales. Certes, le principe gnral est
l'interdiction du recours la force, mais on peut envisager des situations o l'emploi de
la force sera exceptionnellement considre comme licite.
Ainsi, on peut distinguer deux diffrentes situations o le recours la force est
exceptionnellement admis.
Il s'agit d'abord, des exceptions qui sont contenues dans la rgle mme de
l'interdiction de recourir la force (Section 1). Ce sont les dispositions mmes de la
Charte des Nations Unies qui prvoient la lgitime dfense (article 51) et les
mcanismes de scurit collective (Chapitre VII).
Ensuite, on a les exceptions qui ne sont pas prvues dans la rgle elle-mme,mais qui dcoulent des rgles gnrales de la responsabilit internationale, appliques
au cas particulier du recours la force. Il s'agit de ce que la Commission du Droit
International (C.D.I.) appelait les "circonstances excluant l'illicit" dans son projet
d'articles sur la responsabilit internationale des Etats (Section 2).
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Section 1 : Les exceptions contenues dans la rgle d'interdiction.
Lors de l'analyse du texte de l'article 2 4 de la Charte des Nations Unies, on a
constat qu'aucun recours la force n'est autoris dans les relations internationales.
Toutefois, si on combine la lecture de cette disposition avec les autres articles de la
Charte qui rglementent les actions armes, on constatera qu'ils existent des exceptions
l'interdiction de recourir la force.
Ainsi, la Charte en elle-mme prvoit directement, en tant qu'exceptions la
rgle pose par l'article 2 4, la lgitime dfense (paragraphe 1), et le maintien de la
paix et da la scurit internationales (paragraphe 2).
1 : La lgitime dfense.
L'article 51 de la Charte reconnat, de faon expresse, un "droit naturel de
lgitime dfense, individuelle et collective, dans le cas o un membre des Nations Unies
est l'objet d'une agression arme". Ce droit est qualifi de "droit naturel", ce qui carte
les interprtations restrictives fondes sur la logique de la scurit collective. La C.I.J. a
considr que l'expression impliquait l'existence d'un droit coutumier de lgitimedfense43. Il s'agit d'un droit qui peut tre mis en uvre collectivement tout autant
qu'individuellement, ce qui est de nature rassurer les petits Etats qui ne peuvent
compter, pour leur scurit dans les conditions traditionnelles, que sur une alliance
classique.
Selon les termes de l'article 51, seule l'agression arme justifie le recours la
force au titre de la lgitime dfense. Une mise en uvre satisfaisante du principe
suppose donc une dfinition universellement admise de l'agression. Aprs plusieurstentatives infructueuses partir de 1950, l'Assemble gnrale, par une rsolution du 18
dcembre 1967, a cr un comit spcial d'tude dont les travaux ont abouti en 1974.
C'est prs de trente ans aprs l'entre en vigueur de la Char