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CONSULTATION THÉMATIQUE D’EXPERTS GOUVERNEMENTAUX SUR LES CONDITIONS DE DÉTENTION ET LES DÉTENUS PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES LE RENFORCEMENT DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE PROTÉGEANT LES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉ GENÈVE, SUISSE 29-31 JANVIER 2014

LE RENFORCEMENT DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

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CONSULTATION THÉMATIQUE D’EXPERTS GOUVERNEMENTAUXSUR LES CONDITIONS DE DÉTENTION ET LES DÉTENUS PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES

LE RENFORCEMENT DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE PROTÉGEANT LES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉGENÈVE, SUISSE29-31 JANVIER 2014

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Comité international de la Croix-Rouge 19, avenue de la Paix1202 Genève, SuisseT +41 22 734 60 01 F +41 22 733 20 57 Email : [email protected] www.icrc.org © CICR, novembre 2015

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CONSULTATION THÉMATIQUE D’EXPERTS GOUVERNEMENTAUX SUR LES CONDITIONS DE DÉTENTION ET LES DÉTENUS PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES

Rapport préparé par Ramin Mahnad Conseiller juridique, CICR

LE RENFORCEMENT DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE PROTÉGEANT LES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉGENÈVE, SUISSE29-31 JANVIER 2014

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Table des matières

I.   Introduction _____________________________________________________________ 1  

A.   Objectifs et méthode  ____________________________________________________________  4  

B.   Évaluation pratique de la protection des personnes détenues en relation avec un conflit armé non international   __________________________________________________________________  5  

C.   Définition  des  principaux  «  éléments  de  protection  »   _________________________________  9  

II.   Évaluation pratique : considérations relatives à la protection des personnes détenues par les États ________________________________________________________________ 10  

A.   Questions générales   ___________________________________________________________  10  1.   Considérations pratiques récurrentes  _____________________________________________________  10  2.   Thèmes généraux  ____________________________________________________________________  12  3.   Questions à étudier dans le cadre du processus  _____________________________________________  13  

B.   Questions spécifiques relatives aux conditions de détention   __________________________  14  1.   Alimentation et eau   __________________________________________________________________  14  2.   Hygiène   ___________________________________________________________________________  16  3.   Habillement   ________________________________________________________________________  17  4.   Séparation des catégories de détenus  _____________________________________________________  18  5.   Soins médicaux   _____________________________________________________________________  19  6.   Religion   ___________________________________________________________________________  24  7.   Enregistrement  ______________________________________________________________________  26  8.   Notification  _________________________________________________________________________  29  9.   Contacts avec le monde extérieur   _______________________________________________________  32  10.   Effets personnels  __________________________________________________________________  35  11.   Infrastructures, emplacement des lieux de détention et conditions d’hébergement  _______________  36  12.   Enfermement  _____________________________________________________________________  39  13.   Accès à l’extérieur et à l’exercice physique   _____________________________________________  41  14.   Sanctions disciplinaires  _____________________________________________________________  42  15.   Activités intellectuelles, éducatives et récréatives   ________________________________________  44  16.   Accès à l’aide humanitaire et autres articles  _____________________________________________  46  17.   Plaintes et requêtes  _________________________________________________________________  47  

C.   Questions spécifiques relatives aux détenus particulièrement vulnérables   ______________  49  1.   Femmes   ___________________________________________________________________________  50  2.   Enfants  ____________________________________________________________________________  60  3.   Ressortissants étrangers  _______________________________________________________________  65  

III.   Évaluation pratique : considérations relatives à la protection des personnes détenues par des parties non étatiques aux conflits armés non internationaux _________________ 66  

IV.   Définition des « éléments de protection » ____________________________________ 70  

A.   Conditions de détention  ________________________________________________________  70  

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1.   Alimentation et eau   __________________________________________________________________  70  2.   Hygiène   ___________________________________________________________________________  71  3.   Habillement   ________________________________________________________________________  71  4.   Séparation des catégories de détenus  _____________________________________________________  72  5.   Soins médicaux   _____________________________________________________________________  72  6.   Religion   ___________________________________________________________________________  73  7.   Enregistrement  ______________________________________________________________________  73  8.   Notification  _________________________________________________________________________  73  9.   Contacts avec le monde extérieur   _______________________________________________________  74  10.   Effets personnels  __________________________________________________________________  74  11.   Infrastructures, emplacement des lieux de détention et conditions d’hébergement  _______________  74  12.   Enfermement  _____________________________________________________________________  75  13.   Accès à l’extérieur et à l’exercice physique   _____________________________________________  76  14.   Sanctions disciplinaires  _____________________________________________________________  76  15.   Activités intellectuelles, éducatives et récréatives   ________________________________________  76  16.   Accès à l’aide humanitaire et autres articles  _____________________________________________  77  17.   Plaintes et requêtes  _________________________________________________________________  77  

B.   Groupes particulièrement vulnérables  ____________________________________________  78  1.   Femmes   ___________________________________________________________________________  78  2.   Enfants  ____________________________________________________________________________  81  3.   Ressortissants étrangers  _______________________________________________________________  83  4.   Personnes âgées, personnes handicapées et autres groupes vulnérables  __________________________  84  

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1    

I. Introduction

Ce rapport résume les discussions de la première réunion thématique d’experts gouvernementaux sur le renforcement du droit international humanitaire (DIH) protégeant les personnes privées de liberté en relation avec un conflit armé non international1. Cette réunion est la plus récente des étapes de la mise en œuvre de la résolution 1 de la XXXIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui s’est déroulée du 28 novembre au 1er décembre 2011.

La privation de liberté est un phénomène courant et normal durant les conflits armés. Qu’elles soient le fait de parties étatiques ou non étatiques aux conflits armés non internationaux, la capture et la détention de ses adversaires sont inhérentes à ces situations. Reconnaissant ce fait, le droit des conflits armés n’interdit généralement pas la privation de liberté par une partie à un conflit armé non international. En fait, dans une perspective humanitaire, l’option de la détention – lorsqu’elle se fait dans le respect de l’intégrité physique et de la dignité du détenu – peut souvent atténuer la violence et le coût humain d’un conflit armé. Le DIH s’attache donc à garantir que les détenus soient traités avec humanité et des règles existent à cet effet dans le droit applicable aux conflits armés, qu’ils soient internationaux ou non internationaux.

Malgré l’attention qu’accorde le DIH à la privation de liberté, l’examen le plus superficiel du droit applicable révèle une disparité considérable entre les dispositions larges et détaillées applicables dans les conflits armés internationaux et les règles très sommaires qui ont été codifiées pour les conflits armés non internationaux. Les quatre Conventions de Genève – universellement ratifiées mais qui ne s’appliquent en grande partie qu’aux conflits armés internationaux, c’est-à-dire aux conflits entre États – contiennent plus de 175 dispositions régissant la détention dans presque tous ses aspects : les conditions matérielles de détention, les besoins spécifiques des groupes vulnérables, les motifs de détention et les règles de procédure associées, les transferts entre autorités, etc. Cependant, il n’existe tout simplement pas de régime comparable pour les conflits armés non internationaux. L’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève et le Protocole II du 8 juin 1977 additionnel aux Conventions de Genève prévoient une protection vitale pour les détenus, mais leur portée et leur niveau de détail sont limités par rapport à la protection garantie par les Conventions de Genève pour les conflits armés internationaux2.  En plus du droit conventionnel, le droit international coutumier régit aussi la

                                                                                                                         1  Dans le préambule de sa Résolution 1, la Conférence internationale se déclare « consciente de la nécessité de renforcer le droit international humanitaire, en particulier en le réaffirmant dans les situations où il n’est pas correctement mis en œuvre, et en le clarifiant ou en le développant quand il ne répond pas suffisamment aux besoins des victimes des conflits armés. » Lorsque le terme ‘renforcement’ est utilisé dans le présent document en référence au DIH, il l’est donc sans préjudice d’une possible réaffirmation, clarification ou d’un développement du droit. 2 Pour plus de détails sur les divers cadres juridiques, voir « Strengthening Legal Protection for Persons Deprived of their Liberty in Relation to Non-International Armed Conflict – Regional Consultations 2012 : Background Paper ».

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conduite lors des conflits armés non internationaux : cependant, même si le droit qui découle de coutumes a force obligatoire au même titre que le droit conventionnel, son contenu est plus difficile à déchiffrer et est nécessairement moins détaillé, faute d’un texte ayant fait l’objet d’un accord.

La résolution 1 de la XXXIe Conférence internationale reflète la reconnaissance de la nécessité d’examiner cette question de plus près. Elle exprime le sentiment général des membres de la Conférence, qui ont estimé que plusieurs questions humanitaires liées à la privation de liberté dans les conflits armés non internationaux requéraient une attention approfondie et que des recherches, des analyses et des consultations supplémentaires étaient nécessaires. Elle invite le CICR à consulter les États, ainsi que d’autres acteurs concernés le cas échéant, et à présenter un rapport à la XXXIIe Conférence internationale – « pour qu’elle puisse l’examiner et y donner la suite appropriée » – formulant diverses options et recommandations visant à garantir que le DIH reste « pratique et pertinent » s’agissant de la protection juridique des détenus.

Suite à la XXXIe Conférence internationale, le CICR a tenu quatre consultations régionales d’experts gouvernementaux visant à évaluer dans les grandes lignes si et comment le DIH pourrait être renforcé dans quatre domaines : 1) les conditions de détention, 2) les catégories particulièrement vulnérables de détenus, 3) les motifs et les procédures d’internement et 4) les transferts de détenus d’une autorité à l’autre. Ces consultations ont eu lieu à Pretoria, Afrique du Sud (novembre 2012), San José, Costa Rica (novembre 2012), Montreux, Suisse (décembre 2013) et Kuala Lumpur, Malaisie (avril 2013). Ces discussions ont été résumées dans cinq rapports publiés par le CICR : un pour chaque consultation régionale, et un rapport de synthèse présentant un aperçu de toutes ces discussions3. Une séance d’information ouverte à toutes les missions permanentes à Genève a été organisée pour présenter les résultats et les étapes suivantes du processus.

À l’issue des consultations régionales, les experts avaient défini une large gamme de questions humanitaires et juridiques dans chacun des quatre domaines étudiés. Ils ont convenu que les étapes suivantes du processus devraient avoir pour principe directeur de se concentrer sur une évaluation concrète et technique de la nécessité et de la façon de renforcer le droit pour répondre à ces questions.

Le CICR a ensuite prévu deux consultations thématiques pour mener le processus dans cette direction. La première – du 29 au 31 janvier 2014, qui fait l’objet du présent rapport – a examiné plus en détail les questions liées aux conditions de détention et aux groupes de détenus vulnérables. Une seconde consultation thématique, faisant l’objet d’un autre rapport, a eu lieu du

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       Disponible sur : http://www.icrc.org/eng/assets/files/2013/strengthening-protection-detention-niac-regional-consultations-2012-icrc.pdf 3  Disponible en anglais sur : http://www.icrc.org/eng/what-we-do/other-activities/development-ihl/strengthening-legal-protection-ihl-detention.htm.    

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20 au 22 octobre 2014 et a couvert les transferts de détenus et les motifs et les procédures de détention.

Pour préparer la réunion thématique sur laquelle porte le présent rapport, le CICR s’est appuyé sur les conclusions générales suivantes, issues des consultations régionales :

Ø Les quatre domaines mentionnés ci-dessus sont bien ceux sur lesquels il convient de se concentrer pour la suite ;

Ø les États sont généralement favorables à un document qui renforcera le DIH régissant la détention en relation avec les conflits armés non internationaux ; la majorité d’entre eux préféreraient cependant un document qui ne soit pas juridiquement contraignant ;

Ø les règles du DIH applicables aux conflits armés internationaux devraient servir de point de départ pour déterminer ce que devrait contenir un document de DIH ;

Ø bien que les États aient des opinions divergentes sur les interactions entre le DIH et le droit international des droits de l’homme, le fond du droit international des droits de l’homme et les normes internationalement reconnues relatives à la détention – gardant à l’esprit qu’ils n’ont pas nécessairement été élaborés en pensant, comme pour le DIH, à l’équilibre entre les nécessités militaires et les considérations humanitaires – constituent aussi des sources de référence précieuses pour un éventuel instrument de DIH ;

Ø l’expérience collective des États et les pratiques qu’ils ont mises au point pour protéger les détenus peuvent constituer une source d’idées et d’informations utiles pour un éventuel document de DIH, et il faudrait continuer de les diffuser dans le cadre du processus ;

Ø la réglementation des activités de détention des groupes armés non étatiques est une question particulièrement sensible qui requiert une discussion approfondie.

Pour garantir une discussion approfondie et productive, il a été décidé de limiter la participation à la première consultation thématique à une sélection géographiquement représentative d’États. Pour faire en sorte que le processus progresse de façon transparente et inclusive, le CICR organisera, au printemps 2015, une réunion de tous les États sur les questions abordées lors de ces deux réunions thématiques. Ceux qui n’étaient pas présents auront ainsi la possibilité d’exprimer leur avis et de contribuer à la discussion.

Lors de la première consultation thématique, les discussions se sont limitées aux questions de fond ; les questions liées aux étapes suivantes du processus ont été laissées de côté en vue de la réunion à laquelle participeront tous les États. De plus, comme lors de précédentes consultations, les discussions se sont concentrées sur la protection des personnes privées de liberté pour des raisons liées aux conflits armés non internationaux. La protection des personnes détenues dans les États où un conflit armé non international est en cours, mais pour des raisons indépendantes du conflit, n’entre pas dans le cadre du processus.

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La réunion a consisté en séances de travail couvrant chacune des questions définies dans un document de travail préparé par le CICR. Ces séances ont été suivies d’exposés présentés par les rapporteurs des groupes de travail et d’une discussion en plénière. Le CICR était là pour faciliter les discussions, attirant l’attention sur des domaines spécifiques de préoccupation juridique ou humanitaire. Le principal objectif de la réunion était de donner aux États une occasion de faire part de leur avis sur les questions débattues. Les opinions exprimées dans ce rapport de synthèse sont donc celles des experts consultés, et ne reflètent pas nécessairement celles du CICR.

Un projet de ce rapport a été distribué aux experts participant au processus de consultation afin de garantir l’exactitude du texte et de donner aux experts la possibilité de suggérer des corrections. Cependant, le contenu de ce rapport est le fruit du travail exclusif du CICR.

Comme lors des précédentes consultations, aucune décision définitive n’a été prise. Les discussions se sont déroulées selon la règle de Chatham House et ce rapport n’attribue donc pas les commentaires à des individus ou à leur gouvernement.

A. Objectifs et méthode

Le but de cette première consultation thématique d’experts était de s’appuyer sur les progrès accomplis durant les consultations régionales en évaluant plus en détail s’il fallait renforcer le DIH régissant les conditions de détention et la protection des détenus particulièrement vulnérables dans les conflits armés non internationaux, et comment procéder. Aux fins de la discussion et de ce rapport, le terme « détention » était et est utilisé comme un synonyme de privation de liberté de tout type, indépendamment de sa durée, du contexte opérationnel, et du cadre juridique qui s’applique.

La réunion a entrepris deux tâches principales :

(1) une évaluation pratique qui a examiné en détail le fond des règles de DIH applicables aux conflits armés internationaux ainsi que les règles associées du droit international des droits de l’homme et les normes de détention internationalement reconnues, pour déterminer comment leur application pourrait s’intégrer dans le contexte des conflits armés non internationaux, en prêtant une attention particulière aux pratiques adoptées par les États pour répondre aux défis propres aux conflits armés non internationaux ;

(2) une enquête sur l’opinion des experts au sujet des éléments de protection spécifiques qui devraient être couverts dans tout renforcement du DIH.

Chacune de ces tâches est décrite plus en détail ci-dessous.

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B. Évaluation pratique de la protection des personnes détenues en relation avec un conflit armé non international

Le but de l’évaluation pratique était de mieux comprendre l’environnement opérationnel où les préoccupations humanitaires définies devront être résolues, et de faire en sorte que tout renforcement de la protection juridique des détenus se fasse de façon à la fois sensée et réaliste. La démarche visait à explorer toute la gamme des situations de détention qui se présentent durant les conflits armés non internationaux – du point de capture, de la détention temporaire et du transit, à la détention à long terme. Afin de faciliter l’évaluation, le CICR a préparé un document de travail qui décrivait différentes protections figurant dans les règles et normes de DIH et des droits de l’homme. Les participants ont étudié les protections liées à chaque domaine spécifique de préoccupation humanitaire et ont évalué comment ces protections pourraient être appliquées aux conflits armés non internationaux. Il est important de relever que l’évaluation ne visait pas à revisiter ou à remettre en question les lois et normes applicables aux conflits armés non internationaux. Son but était de définir toute considération spéciale qui pourrait devoir être prise en compte lors du renforcement de la protection juridique des détenus dans les conflits armés non internationaux.

L’évaluation pratique était structurée autour d’un ensemble de questions directrices. La première d’entre elles a amené les experts à examiner le texte des protections issues du DIH applicables aux conflits armés internationaux et d’autres normes pertinentes, et à débattre des questions pratiques – issues des spécificités des conflits armés non internationaux – qui devraient être prises en compte par un État lorsqu’il fournit chacune d’entre elles. Les experts étaient invités à faire part de toute pratique ou expérience pertinente à cet égard.

Une seconde question directrice a ensuite amené les experts à examiner plusieurs scénarios hypothétiques et à débattre de leur impact sur l’application des protections soumises à discussion. Ces scénarios étaient fondés sur un certain nombre de facteurs – mis en lumière durant les consultations régionales – qui pourraient influer sur la nécessité ou l’applicabilité de certaines protections. Ces scénarios définissaient, en termes très sommaires, des variables qui pourraient avoir des incidences concrètes sur la fourniture des protections soumises à discussion dans les questions directrices. Ils comprenaient les scénarios suivants :

Ø Scénario 1 : La détention est liée à une procédure pénale. Ø Scénario 2 : La détention n’entre pas dans le cadre du système de justice pénale et peut

être qualifiée d’« internement ». Ø Scénario 3 : La détention se déroule sur la base de l’unité qui a procédé à la capture, dans

une zone de combat. Ø Scénario 4 : La détention se déroule dans un centre prévu à cet effet, loin de la zone de

combat. Ø Scénario 5 : La détention se déroule sur le territoire de l’État détenteur.

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6    

Ø Scénario 6 : La détention se déroule sur le territoire d’un État qui n’est pas l’État détenteur.

Ø Scénario 7 : La détention est très brève ou est assurée en vue du transfert à une autre autorité.

Ø Scénario 8 : La détention n’inclut pas le transfert de la personne vers un lieu de détention, qu’il soit permanent ou temporaire : par exemple, un arrêt prolongé à un poste de contrôle, une détention pendant une fouille, une détention à des fins d’interrogatoire ou d’autres situations semblables.

Les experts étaient aussi encouragés à présenter d’autres circonstances opérationnelles qui pourraient devoir être prises en considération.

Enfin, l’évaluation pratique incluait une troisième question directrice qui invitait les experts à étudier dans quelle mesure les parties non étatiques à un conflit armé non international pourraient fournir les protections soumises à discussion. Lors de cette consultation, le seul but des questions directrices relatives aux parties non étatiques aux conflits armés non internationaux était d’évaluer si les groupes armés seraient capables de fournir diverses protections. Les questions visaient à informer le CICR des obstacles concrets que les États imaginaient, et de l’aider à déterminer comment en tenir compte au mieux. Afin de faciliter cette étape importante du processus, le CICR a demandé, aux fins de l’évaluation pratique, que les participants laissent de côté sans réserve leur opinion quant à la nécessité d’élaborer un document régisse la détention par les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux et à la forme qu’il devrait prendre, et à la façon dont les préoccupations relatives à la légitimation des groupes armés devraient en fin de compte être résolues. Il espérait que cette approche permettrait aux participants de se concentrer sur la capacité des parties non étatiques aux conflits armés non internationaux de fournir des protections spécifiques pour les détenus et permettrait au CICR de tenir compte de ces considérations pratiques.

Concernant la source et le contenu des protections débattues, le document de travail étudiait tout d’abord les normes figurant dans les troisième et quatrième Conventions de Genève ainsi que dans le Protocole II du 8 juin 1977 additionnel aux Conventions de Genève (Protocole additionnel II) – conformément aux recommandations de nombre des experts participants. Il faisait également référence à l’étude du CICR sur le DIH coutumier.

Le document incluait en outre des règles et normes du droit des droits de l’homme afin de mettre en lumière des protections humanitaires sur lesquelles le DIH reste silencieux ou pour fournir une image plus complète des règlements internationaux sur une question particulière. Les principaux documents relatifs aux droits de l’homme cités comprenaient :

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Ø l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Ensemble de règles minima)4 et les rapports du groupe intergouvernemental d’experts sur sa révision5 ;

Ø l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement (Ensemble de principes)6 ;

Ø les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok)7 ;

Ø l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing)8 ;

Ø la Convention relative aux droits de l’enfant9 ; Ø la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les

disparitions forcées (Convention contre les disparitions forcées)10.

De plus, le document faisait également référence aux principes et lignes directrices du processus de Copenhague applicables aux opérations militaires internationales11.

Concernant les objectifs et la méthodologie de l’évaluation pratique, les considérations suivantes doivent être gardées à l’esprit :

                                                                                                                         4 Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus   (Doc. Nations Unies A/CONF/611), adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977. 5 La Commission des Nations Unies sur la prévention de la criminalité et la justice pénale a établi ce groupe d’experts à la demande de l’Assemblée générale dans sa résolution 65/230. Lors de sa deuxième réunion, à Buenos Aires du 11 au 13 décembre 2012, le groupe d’experts a convenu d’examiner plusieurs questions et règles pour réviser l’Ensemble de règles minima. Le CICR a inclus des extraits du rapport du groupe d’experts dans le document de travail afin de garantir que la réunion dispose d’une description complète et à jour de la façon dont les préoccupations humanitaires relatives à la détention pourraient être résolues, et afin que ces approches soient prises en compte lors de l’évaluation des aspects pratiques de la fourniture de diverses protections durant les conflits armés non internationaux. Le CICR est conscient que les réunions du groupe d’experts sont en cours et qu’elles n’ont pas encore atteint de conclusion définitive. Les références au rapport du groupe d’experts n’étaient incluses dans les supports de discussion que pour centrer l’attention des participants sur des exemples concrets de protections qui pourraient être fournies aux détenus. Elles ne visaient pas à suggérer que le CICR était pour ou contre leur inclusion dans une éventuelle révision de l’Ensemble de règles minima. 6 Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988, doc. Nations Unies A/43/49 (1988). 7 Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l'imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes  (règles de Bangkok), doc. Nations Unies E/RES/2010/16 (22 juillet 2010). 8 Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution 40/33 du 29 novembre 1985. 9 Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée et ouverte à la signature, ratification et adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, conformément à l’article 49. 10 Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, résolution 61/177 de l’Assemblée générale des Nations Unies, doc. Nations Unies A/RES/61/177 (2006), entrée en vigueur le 23 décembre 2010. 11 Disponible (en anglais) sur :  http://um.dk/en/~/media/UM/English-site/Documents/Politics-and-diplomacy/Copenhagen%20Process%20Principles%20and%20Guidelines.pdf.

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Ø Les questions relatives à l’interaction du DIH et du droit des droits de l’homme, ainsi qu’à la portée de l’application des instruments cités, n’entraient pas dans le cadre des discussions. Le but, en incluant les dispositions figurant dans les instruments des droits de l’homme, était uniquement de susciter une discussion sur les considérations pratiques qui devraient être prises en compte en appliquant les protections qui en découlent durant les conflits armés non internationaux ;

Ø Les protections soumises à discussion étaient un échantillon de la vaste gamme de lois et de normes qui existe et n’avaient pas pour but de constituer une liste exhaustive du DIH et du droit des droits de l’homme. Les protections ont été choisies dans le but de lancer la discussion sur l’éventail des préoccupations humanitaires qui se présentent dans le cadre de la détention et sur les différentes approches qu’adoptent les instruments de droit international pour y répondre ;

Ø Bien qu’elles aient été tirées de lois et normes existantes, les protections soumises aux experts ont parfois été adaptées afin d’actualiser la terminologie, de simplifier le langage et de faciliter la discussion. De façon à centrer la discussion sur l’application du contenu des normes à toutes les personnes privées de liberté en relation avec les conflits armés non internationaux, les termes « internés » et « prisonniers » ont souvent été remplacés par le terme général « détenu ». Des références aux instruments d’où les protections ont été tirées sont incluses dans le présent document.

Le contenu d’un document, et la question de la transposition directe des lois et des normes du DIH applicables aux conflits armés internationaux, et du droit des droits de l’homme, dans un éventuel instrument applicable aux conflits armés non internationaux, sous-tendaient inévitablement l’évaluation pratique. Plusieurs experts ont relevé que les différentes branches du droit s’appliquaient à différentes situations, et ont appelé à la prudence, en particulier pour ce qui est d’incorporer des normes des droits de l’homme dans le droit des conflits armés. D’autres experts ont adopté la position contraire : ils ont affirmé que, comme le droit des droits de l’homme s’appliquait déjà aux conflits armés non internationaux, les obligations actuelles découlant de cette branche du droit devaient être prises en considération lors du renforcement du DIH. Comme ce sont des préoccupations générales et que l’évaluation pratique n’avait pas pour but d’y trouver une réponse, elles sont relevées ici mais pas dans les sections qui suivent.

Un expert a estimé qu’aucun document ne devrait aller au-delà des dispositions du Protocole additionnel II (PA II). Selon ce point de vue, le PA II fournit déjà des protections relatives aux conditions de détention et groupes vulnérables ; l’application universelle de ses dispositions et de celles de l'article 75 du Protocole additionnel I (PA I) - qui, selon cet expert, sont de nature coutumière - serait la façon la plus appropriée de renforcer le DIH. De l’avis de l’expert, son État n’est pas favorable, à ce stade, d'une transposition systématique des règles relatives aux conflits armés internationaux, ni à l'extension des règles tirées du droit des droits de l'homme aux conflits armés non internationaux, si cela crée une nouveau droit.

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Des experts ont également estimé que des principes généraux seraient préférables à des protections très détaillées.

Enfin, comme mentionné ci-dessus, l’évaluation pratique ne visait pas à traiter de l’applicabilité des lois et normes internationales existantes – ni à les remettre en question. Par conséquent, les commentaires des experts attirant l’attention sur des questions générales de gestion des prisons, ou suggérant de réviser ou de réinterpréter les règles des Conventions de Genève et d’autres instruments sans faire référence à des considérations pratiques propres aux conflits armés non internationaux, n’ont pas été inclus dans ce rapport.

C. Définition  des  principaux  «  éléments  de  protection  »  

Le second objectif de la réunion était de réunir les opinions d’experts sur les éléments de protection spécifiques aux conditions de détention et aux groupes vulnérables qui devraient être inclus dans tout document visant à renforcer le DIH. La locution « éléments de protection » désigne ici les catégories détaillées de protection qui seraient couvertes, en laissant de côté le contenu normatif des protections.

Les experts ont aussi été invités à proposer des éléments supplémentaires qui devraient, à leur avis, être inclus. La spécification des exigences auxquelles l’autorité détentrice devrait satisfaire pour chaque élément a été laissée pour plus tard. L’objectif était d’aider le CICR à mieux comprendre quelles questions devraient figurer, de l’avis des États, dans un éventuel instrument normatif applicable aux conflits armés non internationaux. Aux fins de la discussion, le CICR est parti du principe que les participants avaient à l’esprit un document qui ne soit pas juridiquement contraignant, sauf indication contraire.

Ce rapport résume les remarques des experts sur chacun des exercices réalisés. Son but, pour ce qui est de l’évaluation pratique, est de refléter les principales considérations relatives aux conflits armés non internationaux que les experts ont mis en lumière. Concernant les éléments de protection, le rapport vise à trouver des terrains d’entente et présente des suggestions d’ajouts ou de modifications. Quoi qu’il en soit, en lisant ce rapport, il est important de se rappeler que tous les experts n’ont pas exprimé des opinions sur toutes les questions.

Il importe aussi de relever que les éléments de protection ont bénéficié, lors de la discussion, d’un vaste soutien préliminaire pour couvrir bon nombre d’entre eux dans un éventuel document ; toutefois, aucun consensus final ne s’est dégagé, ni sur l’inclusion de chaque élément dans tout nouveau document juridiquement non contraignant qui émergerait à l’issue du processus, ni sur les modalités de cette inclusion. Les éléments relevés pour la suite de la discussion contribueront néanmoins à se concentrer sur le dialogue en cours visant à explorer la nature et le contenu d'un tel document.

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La partie II se concentrera sur l’évaluation pratique relative à la détention par les États durant les conflits armés non internationaux. La partie III en fera de même avec la détention par les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux, et la partie IV présentera un aperçu des opinions des experts sur les éléments de protection à couvrir dans tout renforcement du DIH protégeant les personnes privées de liberté en relation avec un conflit armé non international.

II. Évaluation pratique : considérations relatives à la protection des personnes détenues par les États

Cette section commence par présenter plusieurs questions générales qui sont apparues durant l’évaluation pratique. Elle décrit ensuite chacune des protections que les questions directrices ont soumises à discussion et résume les opinions des experts sur les considérations pratiques – issues des conflits armés non internationaux en particulier – que les États devraient prendre en compte lorsqu’ils fournissent ces protections aux détenus. Cette section inclut également l’opinion des experts sur la façon dont les divers scénarios hypothétiques envisagés influeraient sur leur évaluation.

A. Questions générales

Tout au long de l’évaluation pratique, plusieurs considérations récurrentes touchaient pratiquement chaque protection étudiée. Plusieurs thèmes généraux sont en outre apparus durant les discussions sur la façon dont les différents défis devraient être abordés. Et enfin, il a été jugé important de répondre à diverses questions, plus tard dans le processus. Les principaux thèmes, questions et considérations pratiques sont décrits dans les sous-sections ci-après.

1. Considérations pratiques récurrentes

En analysant les protections présentées par les questions directrices, les experts ont mis en lumière plusieurs considérations pratiques qui devaient être gardées à l’esprit dans pratiquement tous les domaines considérés. Trois facteurs contextuels ayant émergé au cours des discussions méritent d’être expliqués dès le départ : la durée de la détention, le contexte opérationnel de la détention et si la détention se déroule en zone extraterritoriale ou sur le territoire de l’autorité détentrice12.

Concernant la durée de la détention, la plupart des dispositions étudiées ne soulevaient pas de préoccupation pratique majeure lorsqu’elles s’appliquaient à la privation de liberté à long terme.

                                                                                                                         12 À cet égard, il convient de relever qu’au moins un expert a émis l’opinion que tous les conflits où des États interviennent sur le territoire d’un autre État étaient des conflits armés internationaux, que l’autre partie au conflit soit ou non étatique. Dans ces situations, les opérations de détention en zone extraterritoriale seraient donc couvertes par les Conventions de Genève applicables aux conflits armés internationaux et ne relèveraient pas du DIH applicable aux conflits armés non internationaux.

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Cependant, concernant la détention à court terme, des préoccupations ont émergé au sujet de la possibilité, voire de la nécessité, d’appliquer certaines des protections. La détention à court terme comprend l’arrestation ou la capture d’une personne suivie rapidement d’un transfert vers une autre autorité, les restrictions de mouvement imposées aux résidents d’un village ou d’une maison pendant des recherches d’une durée variable, les personnes appréhendées à des fins d’interrogatoire ou de collecte d’informations sans qu’il soit prévu de les placer en détention, et les arrêts prolongés aux postes de contrôle. Il convient de relever que la détention à court terme pourrait se faire dans divers contextes opérationnels, allant des scènes d’hostilités actives aux centres de transit construits à cet effet dans des zones stables. En général, la plupart des experts estimait que des protections essentielles devraient s’appliquer en tout temps, mais que plus la détention était longue, plus les protections plus détaillées du DIH et des droits de l’homme devenaient utiles et applicables.

Le deuxième facteur était le contexte opérationnel de la détention. Quand les experts ont examiné les lois et les normes soumises à discussion, la fourniture de toute la gamme des protections dans les centres de détention à long terme situés à bonne distance des hostilités posait relativement peu de problèmes issus de l’existence d’un conflit armé non international. Cependant, les experts ont eu des difficultés à déterminer comment certaines protections seraient appliquées lorsque les conditions des champs de bataille nuisaient à l’approvisionnement en ressources ou à la sécurité des forces détentrices. Les principales situations considérées étaient la ‘détention par les forces en campagne’ (privation de liberté par des forces de terrain qui n’ont pas d’accès immédiat à une base ou à un centre de détention) et la détention sur les bases opérationnelles avancées. Ces circonstances pourraient influer sur les activités de détention de diverses manières : les forces en campagne qui s’emparent de détenus sur le champ de bataille devraient improviser sans centre de détention à proprement parler ; les forces sur des bases opérationnelles avancées pourraient souffrir de pénuries de nourriture et d’autres ressources en raison de la coupure des voies d’approvisionnement ; et le personnel engagé dans des hostilités actives risque souvent de ne pas pouvoir accorder beaucoup de temps et d’attention aux détenus en raison d’affrontements fréquents avec les forces ennemies. Pour les situations où certaines protections devenaient inapplicables, les experts ont envisagé un mélange d’approches, qui incluaient de veiller à ce que les besoins humains essentiels soient satisfaits et de fournir aux détenus les mêmes conditions que les forces détentrices au vu des circonstances. Les experts ont estimé que quand les détenus étaient transférés vers des environnements plus stables, la possibilité d’appliquer des protections plus détaillées du DIH et du droit des droits de l’homme s’améliorait. Les experts ont aussi jugé que la préparation, par la planification et la formation préalables, pourrait fortement contribuer à optimiser la probabilité de pouvoir fournir les protections dans la plus vaste gamme de circonstances possibles.

Le troisième facteur était de savoir si la détention se déroulait à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire de l’État détenteur. Les incidences pratiques n’étaient pas toujours les mêmes. Dans certaines situations, sans le soutien de l’ensemble des ressources, du personnel et des

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infrastructures de l’État, et du fait que la détention se déroule sur un territoire sur lequel l’État n’est pas souverain, l’État pourrait avoir plus de difficultés à fournir certaines des protections les plus détaillées. Dans d’autres situations, l’effet contraire était ressenti : une détention en zone extraterritoriale permettrait davantage à l’autorité détentrice de fournir certaines protections car les institutions, les ressources et les voies d’approvisionnement de l’État détenteur ne seraient pas touchées par le conflit armé.

2. Thèmes généraux

Par ailleurs, un certain nombre de thèmes généraux ont émergé durant les discussions. Premièrement, une grande partie de la conversation a oscillé entre deux pôles : l’importance de la protection des détenus et les contraintes opérationnelles imposées par les conflits armés non internationaux. Tout au long de la consultation, les participants ont rappelé à leurs collègues, à plusieurs occasions, l’importance d’être réalistes mais de ne pas trop mettre l’accent sur les contraintes opérationnelles. Comme l’a exprimé un participant, l’approche ne devrait pas envisager les environnements les plus complexes, mais commencer par définir les protections que tous jugeaient importantes, et seulement ensuite demander quelles limites opérationnelles pourraient se présenter dans un ensemble ou un autre de circonstances, et comment elles devraient être prises en compte.

Un deuxième thème était l’importance de planifier à l’avance les opérations de détention. Nombre des protections dont les experts ont débattu ont mis en lumière des préoccupations ou des limites concrètes liées aux conflits armés non internationaux qui pourraient être surmontées si elles sont prises en compte avant le début des opérations militaires. Réfléchir à l’avance à la composition hommes-femmes des forces sur le terrain susceptibles d’assurer la détention, planifier les infrastructures de détention en ayant à l’esprit les conditions matérielles, établir une politique de sécurité en visant à éliminer ou à réduire les risques associés à la fourniture de certaines protections, et former les forces à la façon de traiter les détenus vulnérables sont tous des éléments qui ont été définis comme contribuant à résoudre les nombreux défis mis en évidence dans les discussions.

Enfin, un troisième thème était lié à la question de la disponibilité des moyens. Les experts ont signalé que les conflits armés non internationaux touchent souvent les pays les plus pauvres, et que l’absence de ressources financières ou autres consacrées à la détention devrait être gardée à l’esprit en évaluant les diverses protections. Ces préoccupations ont particulièrement émergé durant les discussions sur la capacité des gouvernements de fournir des infrastructures de détention adéquates, des soins médicaux spécialisés et des ressources pour les activités éducatives, culturelles ou récréatives. Dans la plupart des cas, les préoccupations exprimées par les experts, toutes justifiées qu’elles soient, n’étaient pas liées aux circonstances causées par les conflits armés non internationaux ou propres à ces conflits. Comme le but de la consultation en général n’était pas d’examiner si les lois et normes internationales existantes sont applicables ou

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appropriées, ces commentaires sont mentionnés ici de façon très générale et ne sont pas inclus dans les sections spécifiques de l’évaluation pratique ci-dessous.

3. Questions à étudier dans le cadre du processus

Plusieurs questions auxquelles il faudra apporter des réponses ont aussi émergé durant la discussion. Deux d’entre elles méritent d’être mentionnées ici. Premièrement : quelle est la signification exacte du terme « détention » ? Le risque de confusion quant à sa définition est double : le degré de contrainte physique nécessaire pour satisfaire à la définition du terme, et le cadre juridique sous-entendu par l’utilisation du terme. Comme il a été susmentionné, aux fins de la discussion et de ce rapport, le terme « détention » était et est utilisé comme un synonyme de privation de liberté de tout type, indépendamment de sa durée, du contexte opérationnel, et du cadre juridique qui s’applique. Cependant, une plus grande clarté sera nécessaire au sujet de ce terme et d’autres termes, à mesure que le processus progresse.

L’autre question est la suivante : comment devrait-on tenir compte de l’impact que les diverses considérations pratiques mentionnées ci-dessus auront finalement sur la capacité des États de fournir certaines protections ? Une approche consistait à garantir la flexibilité par des protections très générales qui pourraient s’appliquer à chacun des scénarios envisagés. Les experts favorables à cette méthode ont cité les principes du processus de Copenhague comme modèle.

Il a aussi été proposé de mettre en place un système à plusieurs niveaux, qui fournirait une protection à la fois plus détaillée et adaptée aux circonstances. Selon ce modèle, différentes protections s’appliqueraient dans les centres de détention à long terme, les situations de détention à court terme et les contextes opérationnels plus complexes. Cette approche a été suggérée afin d’empêcher que les environnements opérationnels les plus difficiles servent de référence pour fixer les normes minimales qui émergent, ce qui donnerait une définition des protections correspondant au plus petit dénominateur commun et ignorant tout ce qui est faisable dans des environnements plus stables. Le principal inconvénient de l’adoption d’une approche à plusieurs niveaux était qu’il serait probablement difficile d’atteindre un accord sur la façon de classifier et de définir les divers niveaux.

Une troisième possibilité était d’harmoniser les protections avec ce qui était offert soit aux forces détentrices, soit à la population civile locale. Ceux qui étaient en faveur de cette approche pensaient qu’une norme prescrivant l’égalité des conditions pour les détenus, les forces détentrices ou la population civile, pourrait être combinée avec certaines normes minimales absolues, prenant ainsi en compte la grande variété des contextes où la détention peut se dérouler.

Il n’y avait pas de consensus clair ou de divergence d’opinion entre les experts concernant l’approche à adopter. Les différentes possibilités n’étaient pas non plus considérées

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mutuellement exclusives. Certains experts jugeaient une approche appropriée dans certaines circonstances, tout en privilégiant une approche différente dans d’autres cas. Leurs opinions à cet égard sont décrites plus en détail ci-dessous.

B. Questions spécifiques relatives aux conditions de détention

Les sections suivantes résumeront les commentaires des experts sur des protections spécifiques – tirées du DIH et du droit des droits de l’homme – liées aux conditions de détention. On ne pouvait pas attendre des experts qu’ils répondent à toutes les préoccupations liées aux conflits armés non internationaux pour toutes les protections énumérées, et ce rapport ne devrait pas être considéré comme un document exhaustif ou définitif sur la question. Son but premier est d’informer le CICR et les autres membres de la Conférence internationale sur ces questions et de les aider à réfléchir à la façon de prendre en compte les spécificités des conflits armés non internationaux lors du renforcement des règles du DIH qui protègent les détenus.

1. Alimentation et eau

Les dispositions suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les détenus recevront des vivres en quantité suffisante13. 2. La nourriture sera suffisante en qualité et variété pour leur assurer un équilibre

normal de santé et pour empêcher les troubles de carence ou la perte de poids14. 3. La nourriture tiendra compte du régime habituel ou coutumier des détenus15. 4. La nourriture sera servie aux heures de repas usuelles16. 5. De l’eau potable sera fournie en suffisance aux détenus à chaque fois qu’ils en auront

besoin17.

En règle générale, les experts ont considéré la fourniture d’eau et de nourriture comme une exigence essentielle. Les protections mentionnées ci-dessus n’ont donné lieu à aucune préoccupation pratique liée aux centres de détention à long terme. Certains experts ont indiqué que le régime alimentaire usuel des détenus ne pourrait être pris en considération que dans la mesure du possible.

                                                                                                                         13 Voir quatrième Convention de Genève (CG IV), article 89, par. 1. 14 Voir CG IV, article 89, par. 1. 15 Voir troisième Convention de Genève (CG III), article 26, par. 1 ; CG IV, article 89, par. 1. 16 Voir Ensemble de règles minima, règle 20, par. 1. 17 Voir CG III, article 26, par. 3 ; CG IV, article 89, par. 3 ; Ensemble de règles minima, règle 20, par. 2.

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Concernant la détention par les forces armées en campagne et sur les bases opérationnelles avancées, les experts ont réaffirmé l’importance de garantir que les détenus reçoivent de la nourriture et de l’eau potable ; leurs préoccupations pratiques étaient limitées aux heures des repas et à la prise en compte du régime alimentaire usuel des détenus. Il a été relevé, par exemple, que dans les situations de détention par des forces en campagne, les forces elles-mêmes ne prenaient sans doute pas leurs repas à des heures régulières. Et les rations des forces armées en campagne ne sont pas particulièrement variées ; il serait donc difficile de garantir un régime varié et usuel au moment de fournir des vivres aux détenus. Les experts ont aussi signalé que l’approvisionnement ne pouvait pas toujours atteindre les bases opérationnelles avancées, et que la disponibilité de la nourriture pouvait donc fluctuer. Les arrêts prolongés aux postes de contrôle et les restrictions imposées à la liberté de mouvement des personnes en attendant des fouilles approfondies de leur village ont aussi été mentionnés comme des situations où il n’est pas toujours possible ou nécessaire de prendre en compte le régime alimentaire usuel et le moment des repas. Dans ces situations de détention de très courte durée et d’autres, il a été estimé que le fait de servir une variété de repas pourrait être une préoccupation humanitaire moins urgente.

Concernant la fourniture d’eau potable, les experts ont relevé qu’en cas de détention par des forces en campagne, la disponibilité de l’eau pourrait être plus limitée que dans d’autres situations, mais qu’un approvisionnement minimal pouvait toujours être garanti. Un expert a noté que, si les réalités opérationnelles le permettent, les détenus ne devraient pas avoir à supporter les conséquences des pénuries.

Pour les situations où, en raison du contexte opérationnel, toutes les normes mentionnées ci-dessus ne pourraient pas être remplies, une possibilité est de fournir aux détenus des vivres et de l’eau au moins égaux, en termes de quantité, de qualité et de fréquence, à ceux fournis au personnel militaire des forces détentrices. Les protections supplémentaires mentionnées ci-dessus pourraient alors être garanties si la période de détention se prolonge ou si les détenus sont transférés plus loin du champ de bataille. Par ailleurs, il a été relevé qu’un détenu ne devrait pas être forcé de subir les mêmes conditions difficiles que les forces détentrices, et qu’il faudrait donc aussi une norme minimale à respecter en toutes circonstances. Une autre suggestion était d’assurer aux détenus le même approvisionnement en vivres et en eau qu’à la population locale, ou en fonction des besoins ou usages du pays où les forces opèrent. Il a aussi été proposé que les repas soient au moins servis à intervalles réguliers à défaut d’être servis aux heures habituelles.

Enfin, il a été relevé que les protections liées à la nourriture et à l’eau devaient être fonction des vulnérabilités du détenu concerné : les femmes enceintes, les enfants et les personnes souffrant de problèmes de santé ont des besoins nutritionnels qui devraient être pris en compte.

Une approche possible a été définie par un expert, qui a décrit la pratique d’un État spécifique, qui exigeait que les détenus reçoivent trois repas par jour, toutes les six heures, en tenant compte des considérations religieuses. Cette pratique, cependant, était suffisamment flexible pour tenir

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compte des questions de sécurité et des réalités opérationnelles. Par exemple, si les forces détentrices n’ont que des rations de combat à disposition, elles devraient fournir la même chose aux détenus.

2. Hygiène

Les dispositions suivantes, tirées des lois et normes internationales en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les détenus disposeront jour et nuit, pour leur usage personnel, d’installations sanitaires conformes aux règles de l’hygiène et maintenues en état constant de propreté18.

2. Les détenus recevront de l’eau et du savon en quantité suffisante pour leur hygiène corporelle quotidienne et le blanchissage de leur linge19.

3. Les détenus bénéficieront des installations nécessaires à cet effet20. 4. Les détenus bénéficieront du temps nécessaire à cet effet21. 5. Les détenus auront accès à des installations de bain et de douche suffisantes pour que

chaque détenu puisse être mis à même et tenu de les utiliser, à une température adaptée au climat, aussi fréquemment que l’exige l’hygiène générale selon la saison et la région géographique, mais au moins une fois par semaine sous un climat tempéré22.

6. Les détenus jouiront de facilités pour le bon entretien de la chevelure et de la barbe ; les hommes doivent pouvoir se raser régulièrement23.

Les experts ont à nouveau déterminé que la plupart des protections ne posaient pas de problème dans les centres de détention à long terme loin des hostilités. Certains étaient d’avis que les règles applicables aux conflits armés internationaux pouvaient être transposées directement aux conflits armés non internationaux. La seule exception formulée par plusieurs participants était que souvent, les détenus ne seront probablement pas autorisés à laver eux-mêmes leur linge dans nombre de circonstances. Certains experts ont aussi relevé qu’il faudrait peut-être restreindre l'accès à des outils de rasage en métal pour certains détenus afin d’éviter qu’ils ne les utilisent pour nuire à autrui.

Dans le contexte de la détention sur des bases opérationnelles avancées ou par des forces armées en campagne, il a aussi été jugé important de fournir des installations d’hygiène. Cependant, certaines des protections plus détaillées soumises à discussion ont donné lieu à des                                                                                                                          18 Voir CG III, article 29, par. 2 et 3 ; CG IV, article 85, par. 3. 19 Voir CG III, article 29, par. 2 et 3 ; CG IV, article 85, par. 3. 20 Voir CG III, article 29, par. 2 et 3 ; CG IV, article 85, par. 3. 21 Voir CG III, article 29, par. 2 et 3 ; CG IV, article 85, par. 3. 22 Voir Ensemble de règles minima, règle 13. 23 Voir Ensemble de règles minima, règle 16.

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préoccupations pratiques. Par exemple, la fourniture d’installations sanitaires est compliquée en l’absence d’eau courante et de toilettes ou d’autres infrastructures d’évacuation des déchets. Même lorsque ces installations sont fournies, elles peuvent être limitées aux toilettes chimiques, et il peut ne pas y avoir d’eau chaude. De plus, les voies d’approvisionnement peuvent être coupées, limitant l’accès au savon et à d’autres articles d’hygiène. Néanmoins, il a été souligné que même dans ces circonstances, et sans égard pour le type d’installations qui peut être disponible, il serait encore possible pour les forces détentrices de « prendre toutes les mesures d’hygiène nécessaires pour assurer la propreté et la salubrité des camps et pour prévenir les épidémies », comme prévu dans la troisième Convention de Genève.

Un participant a relevé la nécessité de tenir compte des usages culturels concernant les pratiques d’hygiène et un autre a souligné l’importance de tenir compte des besoins de groupes spécifiques tels que les femmes et les enfants.

3. Habillement

Les dispositions suivantes, tirées des lois et normes internationales en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Toutes les facilités seront accordées aux détenus pour se munir des vêtements, des chaussures et du linge de rechange nécessaires et pour s’en procurer ultérieurement si besoin est24.

2. L’habillement, le linge et les chaussures seront fournis en quantité suffisante aux détenus par l’autorité détentrice, qui tiendra compte du climat de la région où se trouvent les détenus25.

3. Les détenus recevront des vêtements suffisants pour rester en bonne santé26. 4. Le remplacement et les réparations de l’habillement, du linge et des chaussures seront

assurés régulièrement27. 5. Les détenus ne seront pas obligés de porter des vêtements ou des marques ayant un

caractère infamant, ou prêtant au ridicule, ou des vêtements dégradants ou humiliants28.

En général, les experts ont jugé essentiel de fournir aux détenus des vêtements adéquats, et ils ont souligné que la protection contre les vêtements humiliants et dégradants pouvait être garantie en toute circonstance. Pour la plupart, il n’y avait pas de préoccupation pratique liée aux conflits armés non internationaux concernant les centres de détention à long terme.                                                                                                                          24 Voir CG IV, article 90, par. 1. 25 Voir CG III, article 27, par. 1. 26 Voir Ensemble de règles minima, règle 17, par. 1. 27 Voir CG III, article 27, par. 2. 28 Voir CG IV, article 90, par. 2 ; Ensemble de règles minima, règle 17, par. 1.

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Cependant, certains experts doutaient de la possibilité, dans les opérations de détention en zone extraterritoriale, de donner aux détenus la possibilité de se munir des vêtements nécessaires ou de se les procurer ultérieurement. Ils ont cité des difficultés pratiques générales liées au degré de contrôle que les forces détentrices peuvent exercer sur le territoire. Cependant, un expert a décrit la pratique consistant, dans le contexte de la détention en zone extraterritoriale, à faire en sorte que le personnel de l’État détenteur se procure des vêtements auprès de fournisseurs locaux.

Concernant la détention à court terme, la détention sur les bases opérationnelles avancées et la détention par les forces armées en campagne, la fourniture de vêtements propres et adéquats a aussi été jugée possible dans la plupart des circonstances, avec le risque que dans le contexte de la détention par les forces en campagne, il ne soit peut-être pas possible de fournir immédiatement des vêtements adéquats. Un expert a décrit la pratique selon laquelle les détenus conservent leurs propres vêtements jusqu’à ce qu’ils arrivent dans un centre de détention à long terme. S’ils ne sont pas vêtus de façon adéquate, cependant, des vêtements leur seront fournis plus tôt.

4. Séparation des catégories de détenus

Les dispositions suivantes, tirées des lois et normes internationales en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les internés seront logés et administrés séparément des personnes privées de liberté pour toute autre raison29.

2. Les détenus en prévention doivent être séparés des condamnés30.

La séparation des catégories de détenus n’a pas donné lieu à des considérations pratiques liées aux conflits armés non internationaux dans le contexte des centres de détention à long terme. Ces centres offriraient les conditions matérielles qui faciliteraient la séparation des détenus, ainsi que le personnel et les institutions juridiques nécessaires pour déterminer à quelle catégorie ils appartiennent. Il a été noté, cependant, que la séparation des détenus en ‘internés’ ou en ‘condamnés’ n’a pas toujours de sens : parce que - comme le suggère l'article 68 de la quatrième Convention de Genève - une personne condamnée ne saurait être condamnée à une peine d’emprisonnement, elle demeure donc ‘internée’.

                                                                                                                         29 Voir CG IV, article 84. 30 Voir Ensemble de règles minima, règle 8.

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Concernant la détention à court terme, la détention sur des bases opérationnelles avancées et la détention par les forces en campagne, cependant, la séparation des catégories de détenus rencontrerait plusieurs obstacles. Par exemple, il ne sera peut-être pas possible, au début de la détention, de répartir les détenus car il n’aura pas encore été déterminé s’ils seront soumis à un internement, condamnés, transférés ou libérés. Un autre obstacle est que dans les situations de détention par les forces en campagne et sur les bases opérationnelles avancées, les forces ayant effectué la capture n’auront pas nécessairement l’espace et les infrastructures nécessaires pour assurer la séparation des différents types de détenus. Cependant, un expert a estimé qu’alors que la détention par des forces en campagne poserait des problèmes évidents à cet égard, la séparation sur les bases opérationnelles avancées pourrait être improvisée. Une autre considération était que, du point de vue du détenu, la séparation n’est pas nécessairement souhaitable lorsque les détenus sont relativement peu nombreux : la séparation des personnes internées de celles qui seront transférées au système de justice pénale pourrait équivaloir à un isolement.

Il a aussi été relevé que le cadre juridique de la détention pourrait changer durant le processus de détention : les internés pourraient être qualifiés de détenus pénaux et, après avoir purgé leur peine ou avoir été acquittés, redevenir des internés.

5. Soins médicaux

Les dispositions suivantes, tirées des lois et normes internationales en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les détenus recevront, dans toute la mesure du possible et dans les délais les plus brefs, les soins médicaux et l’attention qu’exige leur état31.

2. Les détenus recevront des soins de santé équivalents à ceux disponibles dans la communauté locale32.

3. Le lieu de détention possédera une infirmerie adéquate, placée sous l’autorité d’un médecin qualifié33.

4. Les détenus seront traités par un personnel médical de leur propre nationalité, et recevront des soins médicaux dans une langue qu’ils comprennent34.

5. Les femmes enceintes et les détenus atteints d’une maladie grave, ou dont l’état nécessite un traitement spécial, une intervention chirurgicale ou une hospitalisation seront

                                                                                                                         31 Voir PA II, article 7, par. 1 et 2. Appliqué aux personnes privées de liberté par le PA II article 5, par. 1, al. a. 32 Voir Rapport de la réunion du Groupe d’experts sur l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, UNODC/CCPCJ/EG.6/2012/4, par. 9, al. a. 33 Voir CG IV, article 91, par. 1. 34 Voir CG III, article 30, par. 3 ; CG IV, article 91, par. 3.

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transférés vers un établissement en mesure de leur dispenser le traitement nécessaire, et ils y recevront des soins qui ne devront pas être inférieurs à ceux qui sont donnés à l’ensemble de la population35.

6. Les détenus recevront gratuitement les soins médicaux dont ils ont besoin36. 7. Les détenus ne pourront pas être empêchés de se présenter aux médecins ou à d’autres

professionnels de la santé pour être examinés quand ils le désirent37. 8. Le personnel soignant ne sera pas puni pour avoir exercé une activité de caractère

médical conforme à la déontologie, quels que soient les bénéficiaires de cette activité38. 9. Les obligations professionnelles des personnes exerçant des activités de caractère

médical quant aux renseignements qu’elles pourraient obtenir sur les blessés et les malades soignés par elles devront être respectées sous réserve de la législation nationale39.

10. Sous réserve de la législation nationale, aucune personne exerçant des activités de caractère médical ne pourra être sanctionnée de quelque manière que ce soit pour avoir refusé ou s’être abstenue de donner des renseignements concernant les blessés et les malades qu’elle soigne ou qu’elle a soignés40.

11. Le personnel soignant établit et tient, pour tous les détenus, des dossiers médicaux exacts, à jour et confidentiels, sous la responsabilité exclusive du centre ou du personnel de santé41.

12. Les médecins et le personnel infirmier consigneront tout signe de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qu’ils pourraient constat42.

13. Les autorités détentrices disposeront, pour le VIH, la tuberculose et d’autres maladies, de services de prévention, de traitement, de soins et de soutien et de systèmes d’orientation des patients vers des programmes de traitement de la toxicomanie en milieu carcéral qui sont complémentaires de ceux proposés dans la population générale et compatibles avec ceux-ci43.

14. Les politiques sanitaires dans les prisons devront être intégrées aux politiques de santé publique nationales, ou au moins être compatibles avec ces dernières44.

15. Les personnes exerçant une activité de caractère médical ne pourront être contraintes ni d’accomplir des actes ou d’effectuer des travaux contraires à la déontologie ou à

                                                                                                                         35 Voir CG III, article 30, par. 2 ; CG IV, article 91, par. 2. 36 Voir CG IV, article 81. 37 Voir CG III, article 30, par. 4 ; CG IV, article 91, par. 4. 38 Voir PA II, article 10, par. 1. 39 Voir PA II, article 10, par. 3 et 4. 40 Voir PA II, article 10, par. 3 et 4. 41 Voir Rapport de la réunion du Groupe d’experts sur l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, UNODC/CCPCJ/EG.6/2012/4, par. 9, al. a. 42 Ibid., al. d. 43 Ibid., al. a. 44 Ibid.

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d’autres règles médicales qui protègent les blessés et les malades, ni de s’abstenir d’accomplir des actes exigés par cette déontologie45.

Plusieurs experts estimaient que toutes les normes énumérées pourraient s’appliquer aux conflits armés non internationaux. D’autres ont mentionné plus spécifiquement les dispositions des Conventions de Genève, arguant qu’elles avaient été élaborées pour les conflits armés et que les conflits armés non internationaux n’étaient pas différents. Un expert a souligné l'importance des dispositions tirées de l'article 7 du PA II dans la première protection énumérée ci-dessus, et a attiré l'attention sur la pertinence de l'alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 5 du PA II, qui interdit un acte médical qui ne serait pas motivé par l'état de santé de la personne concernée, et qui « ne serait pas conforme aux normes médicales généralement reconnues et appliquées dans des circonstances médicales analogues. ». D’autres encore ont souligné que parmi les protections ci-dessus, celles qui sont tirées du droit des droits de l’homme devraient s’appliquer dans les conflits armés non internationaux internes. L’importance des protections relatives aux soins médicaux faisait l’unanimité et les experts ont attiré l’attention sur le fait que les premiers contrôles médicaux et les tests effectués avant une libération étaient de bons moyens de repérer les cas de mauvais traitement.

Certains experts estimaient que quelques considérations s’appliquaient à toutes les situations de détention. Un expert a attiré l’attention sur le risque de tensions entre l’obligation de respecter le secret médical et l’obligation d’informer plusieurs personnes et entités de l’état de santé d’un détenu. Donnant lieu à des préoccupations semblables, du fait de l’évolution constante des besoins médicaux des unités militaires dans les conflits armés, les informations relatives aux soins médicaux, notamment les types de patients et leurs besoins, devraient être communiquées à diverses autorités militaires, afin qu’elles puissent fournir l’équipement nécessaire et déployer des spécialistes.

Au sujet de la disposition selon laquelle « les personnes exerçant une activité de caractère médical ne pourront être contraintes ni d’accomplir des actes ou d’effectuer des travaux contraires à la déontologie ou à d’autres règles médicales qui protègent les blessés et les malades, ni de s’abstenir d’accomplir des actes exigés par cette déontologie », un expert a signalé que lorsque les médecins militaires établissent une relation avec leurs patients, ils doivent bien sûr se comporter conformément à la déontologie médicale et ne sont pas autorisés à mener d’autres activités militaires. De plus, les médecins militaires sont tenus de respecter en toute circonstance les règles du DIH exigeant de traiter les personnes avec humanité.

Un expert a suggéré que la source des normes éthiques que les médecins militaires étaient tenus de suivre pouvait constituer un problème. Bien que l’éthique médicale soit mentionnée dans le DIH applicable aux conflits armés non internationaux, l’expert a demandé s’il était approprié que

                                                                                                                         45 Voir PA II, article 10, par. 2.

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le personnel médical rattaché à une armée soit tenu de suivre l’interprétation qu’a faite une entité externe du contenu de cette éthique. Pour clarifier ce point, un expert a fait une distinction entre les normes éthiques de l’autorité qui délivrait au médecin sa licence, qui devraient être respectées par le personnel médical militaire qui soigne des patients, et d’autres normes qui peuvent être promulguées par diverses entités extérieures au gouvernement dont relève le médecin. Un expert s’est également dit préoccupé que diverses normes éthiques puissent être utilisées pour créer des dispositions juridiques non contraignantes « soft law ».

Concernant les tests et les traitements pour le VIH et la tuberculose, un participant a relevé que la capacité d’assurer cette protection variait d’un contexte à l’autre et un autre a souligné que le droit relatif aux conflits armés internationaux ne comportait pas de protection de ce type et qu’elle serait inappropriée dans les conflits armés non internationaux. Un participant a dit que l’exigence de la Convention de Genève relative aux examens médicaux mensuels était difficile à respecter dans les conflits armés non internationaux mais n’a pas expliqué en quoi ceux-ci se distinguaient des conflits armés internationaux à cet égard.

Mis à part ces considérations générales, les questions pratiques soulevées par les experts étaient propres à des situations de détention particulières. Concernant la détention sur les bases opérationnelles avancées et dans des installations improvisées ou ad hoc, certains experts ont relevé que les forces de terrain étaient souvent dans l’incapacité d’assurer le même niveau de soins que les forces stationnées sur une base militaire plus permanente. Elles fournissent, cependant, des soins équivalents à ceux dispensés aux forces détentrices elles-mêmes. Il a aussi été relevé que, souvent, il n’y avait pas d’interprètes disponibles dans les situations de détention par des forces en campagne, ce qui rendait l’administration de soins médicaux dans une langue compréhensible pour le détenu considérablement plus difficile.

Concernant les qualifications du personnel médical, il a été relevé que dans le contexte de la détention par les forces en campagne ou de la détention sur des bases opérationnelles avancées, les forces détentrices n’auront pas nécessairement de « médecin qualifié », comme envisagé par la quatrième Convention de Genève pour les lieux d’internement. Elles disposeraient cependant d’un professionnel médical responsable des soins aux forces armées qui soignerait aussi les détenus.

Pour ce qui est du transfert des patients vers des installations adéquates si nécessaire, un expert a relevé que la détention par des forces en campagne et la détention sur les bases opérationnelles avancées exigeaient une certaine flexibilité pour tenir compte des retards causés par le contexte opérationnel. Enfin, au sujet de l’intégration des soins médicaux en détention dans les politiques de santé publique nationales, un expert a observé que les politiques de santé nationales ne traitaient généralement pas de situations de détention par des forces en campagne – ou sur des bases opérationnelles avancées, et de situations temporaires de détention dans des installations

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improvisées ou ad hoc– et qu’il pourrait être difficile d’appliquer cette protection à ces situations.

Pour ce qui est des opérations de détention en zone extraterritoriale, la question de la fourniture de soins d’un même niveau que celui dont bénéficie la population locale a fait naître certaines préoccupations, car les normes locales sont souvent inférieures à celles des autorités détentrices. Certains experts ont dit que dans ces circonstances, le détenu serait mieux desservi en recevant des soins égaux à ceux administrés aux forces détentrices. Cependant, d’autres ont souligné que les autorités ou les forces détentrices ne bénéficiaient pas toujours de meilleurs soins médicaux et que même quand c’était le cas, il était nécessaire de veiller à ce que le traitement, l’accès aux médicaments et l’entretien des appareils médicaux des détenus puissent se poursuivre après leur libération.

Concernant l’exigence que le personnel médical soit de la même nationalité que le patient, certains experts ont pensé que les règles établies dans les troisième et quatrième Conventions de Genève ne s’appliquaient qu’aux conflits armés internationaux, où il est prévu que les camps de prisonniers de guerre accueillent également le personnel médical interné des forces capturées et où les camps d’internement civils sont par définition peuplés uniquement de ressortissants étrangers. Certains experts ont souligné qu’il suffisait que les personnes administrant des soins médicaux communiquent dans une langue compréhensible pour les patients ; la présence d’un médecin qualifié s’exprimant dans la même langue, ou de la même nationalité, que le patient n’était pas nécessaire.

Concernant la compilation et la tenue des dossiers médicaux, un expert a relevé que dans des situations de détention par les forces en campagne, un traitement médical urgent qui ne requiert pas de soins vitaux ne serait pas nécessairement enregistré dans son intégralité (ou ne le serait pas du tout).

Des experts ont souligné que les protections liées à la tenue des dossiers et tirées des normes des droits de l’homme sont allées au-delà du droit en vigueur, dont celui applicable aux conflits armés internationaux. De même, la référence aux examens médicaux initiaux, au traitement lié au VIH, à la tuberculose et à l'abus de drogues, ainsi qu’au rôle du personnel médical vis-à-vis des autorités détentrices imposent des contraintes qui n’existent pas dans le droit relatif aux conflits armés internationaux.

En réponse à certaines des considérations exposées ci-dessus, plusieurs experts ont attiré l’attention sur l’applicabilité de toutes les protections formulées. Un expert a relevé qu’il faudrait commencer par viser à assurer les protections mentionnées ci-dessus ; alors seulement la flexibilité que les opérations peuvent exiger devrait être considérée. D’autres ont dit qu’il n’y avait pas de différence entre les conflits armés internationaux et les conflits armés non internationaux en matière de règles régissant les soins médicaux et que toutes les règles

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applicables dans les conflits armés internationaux pouvaient aussi s’appliquer aux conflits armés non internationaux. Concernant les règles établies dans le droit des droits de l’homme, il a été signalé que dans les conflits armés exclusivement internes, ces normes seraient à la fois pertinentes et applicables.

6. Religion

Les dispositions suivantes, tirées des lois et normes internationales en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les détenus sont autorisés à pratiquer leur religion46. 2. Toute latitude sera laissée aux détenus pour l’exercice de leur religion, y compris

l’assistance aux offices de leur culte, à condition qu’ils se conforment aux mesures de discipline courantes prescrites par l’autorité détentrice47.

3. Les détenus pourront recevoir une assistance spirituelle de personnes exerçant des fonctions religieuses48.

4. Si l’établissement contient un nombre suffisant de détenus appartenant à la même religion, un représentant qualifié de cette religion sera nommé ou agréé49.

5. Le représentant sera autorisé à organiser périodiquement des services religieux et à faire des visites pastorales sans témoins aux détenus de sa religion à des heures adéquates, sauf si le détenu s’y oppose50.

6. Les lieux de détention disposeront de locaux appropriés pour les services religieux51. 7. Chaque détenu aura en sa possession des livres d’édification et d’instruction religieuse

de sa confession52.

Les experts étaient généralement d’accord qu’autoriser les détenus à pratiquer leur religion était une protection importante dans toutes les situations de détention. De plus, les experts ont découvert que les protections spécifiques soumises à discussion posaient peu de soucis pratiques dans les lieux de détention à long terme, bien que quelques problèmes aient été soulevés.

Un expert a expliqué des pratiques d’État, autorisant et intégrant le libre exercice de la religion avec l'exception que les limites et restrictions puissent être imposées si elles sapent l’ordre public, par exemple, en provoquant la discorde parmi des détenus de différentes religions ou si

                                                                                                                         46 Voir PA II, article 5, par. 1, al. d. 47 Voir CG III, article 34, par. 1 ; CG IV, article 93, par. 1. 48 Voir PA II, article 5, par. 1, al. d. 49 Voir Ensemble de règles minima, règle 41. 50 Voir Ensemble de règles minima, règle 41. 51 Voir CG III, article 34, par. 2 ; CG IV, article 86. 52 Voir Ensemble de règles minima, règle 42.

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elles compromettent la sécurité de l’institution ou de son personnel. À cet égard, l'expert a souligné que la fréquentation des services religieux risquait d'être restreinte dans le cas où la participation d'un détenu particulier représente un danger pour la sécurité ou la sûreté.

Certains experts ont attiré l’attention sur l’importance des mesures de sécurité en lien avec la présence et les activités d’un représentant spirituel, en particulier lorsque la religion peut jouer un rôle dans le conflit armé. Des distinctions ont été faites entre les conflits armés internationaux et les conflits armés non internationaux à cet égard : un expert a clairement énoncé qu’il serait inapproprié de faire une analogie entre la pratique consistant à détenir les aumôniers des forces ennemies dans les conflits armés internationaux d’une part, et les conflits armés non internationaux d’autre part, et que les chefs spirituels ne devraient pas être membres de la population détenue. La nécessité de garantir que les visites de représentants spirituels se fassent à la demande du détenu, et non du représentant, a aussi été soulignée.

Pour ce qui est de la mise à disposition de locaux pour les offices religieux, un participant a relevé qu’il fallait veiller à ce que l’affection ou la construction d’un lieu par le gouvernement pour ces activités n’équivaille pas à l’établissement ou à la promotion d’une religion particulière, en violation de sa propre constitution. Une solution était de mettre une salle à disposition pour les services de toutes sortes, sans l’affecter à une religion particulière. Un autre expert a émis l’opinion que si rien ne justifie que les détenus n’utilisent pas les locaux existants sur leur lieu de détention pour exercer des fonctions religieuses, les États ne pourraient pas, eu égard à leurs ressources, s’encombrer de l'obligation de construire des lieux de culte dans les installations de détention.

Au sujet de la possession de textes religieux par les détenus, plusieurs experts ont fait remarquer que des mesures devraient être prises pour garantir qu’ils ne servent pas à introduire des armes, des drogues ou d’autres articles représentant un danger pour la sécurité. Les autres problèmes potentiels incluaient le risque de provoquer accidentellement des troubles parmi les détenus par la fourniture de textes inadéquats ou la manipulation inappropriée des textes par les autorités détentrices. D’autres problèmes potentiels portaient sur le fait d’agiter involontairement les détenus parce que les textes fournis n’étaient pas bons ou étaient traités incorrectement par les autorités détentrices. Un participant a jugé important de conserver la locution « dans la mesure du possible » lors de la formulation de normes relatives à la mise à disposition de textes religieux, comme dans la règle de l’Ensemble de règles minima d’où était tirée la protection en question.

Les autres préoccupations soulevées par les experts étaient limitées à la détention sur des bases opérationnelles avancées, la détention par des forces en campagne et aux situations temporaires de détention dans des installations improvisées ou ad hoc. Dans les cas de détention de très courte durée, il reste important de veiller à ce que les détenus soient libres de pratiquer leur religion, mais l’organisation de services et les visites d’un représentant spirituel le sont moins.

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Il a aussi été fait remarquer que dans le contexte de la détention par des forces en campagne ou de la détention à court terme sur des bases opérationnelles avancées, les services et les groupes de prière peuvent être impossibles en raison du manque d’infrastructures ou de l’impossibilité de surveiller et de sécuriser ces rassemblements. Les experts ont relevé que la fourniture de facilités ne serait pas non plus possible dans les contextes de détention par des forces en campagne et présenterait aussi des difficultés sur les bases opérationnelles avancées. Ils avaient aussi des préoccupations au sujet de la présence et des activités d’un représentant spirituel dans un contexte opérationnel où les forces ne pourraient pas organiser ces visites. Par ailleurs, il a été relevé que ces circonstances opérationnelles n’empêcheraient pas le CICR d’avoir accès aux détenus.

Pour apporter clarté et profondeur aux protections relatives à la religion, un expert a suggéré de se référer aux travaux du Comité des droits de l’homme sur la question.

7. Enregistrement

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les autorités détentrices transmettront aux autorités compétentes du gouvernement des informations sur les mesures prises par elles contre toute personne :

a. mise en résidence forcée, b. internée, c. privée de liberté d’une quelconque autre façon53.

2. Les autorités détentrices enregistreront tout changement relatif aux personnes susmentionnées, tels que les transferts, libérations, rapatriements, évasions, hospitalisations, naissances et décès54.

3. Les autorités détentrices enregistreront des informations de nature à permettre d’identifier exactement les détenus et d’aviser rapidement leur famille. Elles comporteront pour chaque personne au moins le nom de famille, les prénoms, le lieu et la date complète de naissance, la nationalité, la dernière résidence, les signes particuliers, le prénom du père et le nom de jeune fille de la mère, la date, le lieu et la nature de la mesure prise à l’égard de la personne, l’adresse à laquelle la correspondance peut lui être adressée, ainsi que le nom et l’adresse de la personne qui doit être informée55.

4. Les autorités détentrices enregistrent l’identité de l’autorité qui a procédé à la privation de liberté ; l’autorité qui a décidé la privation de liberté et les motifs de la privation de

                                                                                                                         53 Voir CG IV, article 136, par. 2. 54 Voir CG IV, article 136, par. 2. 55 Voir CG IV, article 138 ; CG III, articles 122 et 123.

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liberté ; l’autorité contrôlant la privation de liberté ; le lieu de privation de liberté ; la date et l’heure de l’admission dans le lieu de privation de liberté et l’autorité responsable du lieu de privation de liberté ; les éléments relatifs à l’état de santé de la personne privée de liberté ; en cas de décès pendant la privation de liberté, les circonstances et les causes du décès et la destination des restes de la personne décédée ; la date et l’heure de la libération ou du transfert vers un autre lieu de détention, la destination et l’autorité chargée du transfert56.

5. Les autorités détentrices enregistrent – régulièrement et si possible chaque semaine – des renseignements sur l’état de santé des détenus malades ou blessés gravement atteints57.

Tous les experts ont reconnu l’importance d’enregistrer les détenus. Les questions pratiques qui ont émergé se limitaient en grande partie aux phases initiales de la détention sur les bases opérationnelles avancées ou par les forces en campagne. La détention en zone extraterritoriale a aussi donné lieu à des considérations spécifiques.

Concernant le moment de l’enregistrement, les experts ont dit que les informations relatives à tous les cas de détention devraient être enregistrées rapidement après la capture ; ils ont utilisé des expressions comme « immédiatement », « sans délai » et « dès que possible ». Les experts ont relevé la pertinence et l’utilité de l’article 136, paragraphe 2, de la quatrième Convention de Genève – qui requiert de transmettre au Bureau de renseignements des informations sur toute personne internée, mise en résidence forcée ou appréhendée depuis plus de deux semaines.

Certains participants ont insisté sur la pratique voulant que l’unité ayant procédé à la capture enregistre immédiatement le détenu, par écrit. Un État avait pour pratique de fournir au détenu une copie du document dans une langue qu’il comprenne, tandis qu’un autre délivrait aux détenus une « carte de capture » portant des informations telles que l’unité ayant procédé à la capture, la date et l’heure et d’autres informations utiles. Un participant a décrit la pratique consistant à enregistrer les détenus dès qu’ils arrivent à la base opérationnelle avancée et à toujours les amener devant un tribunal au cours des premiers jours ou des premières semaines de la détention. Un autre a décrit une pratique consistant à enregistrer les détenus à leur arrivée des zones de combat dans un centre de détention organisé, et après un premier contrôle. Le centre de détention n’a pas besoin d’être une structure à long terme ; il suffit d’un endroit géré par du personnel qualifié et équipé pour tenir des dossiers sur les détenus. Enfin, un expert a décrit la pratique consistant à inclure des formulaires de détention, ainsi que des questionnaires médicaux et tactiques, avec les ordres des opérations de détention délivrés aux forces en campagne. Ces formulaires de détention ne font pas de distinction entre les situations de détention à court ou à

                                                                                                                         56 Voir Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, article 17, par. 3. 57 Voir CG IV, article 138 ; CG III, articles 122 et 123.

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long terme et incluent un numéro d’enregistrement qui répartit les détenus vulnérables dans des catégories distinctes.

Au sujet du type d’informations recueillies, il n’y a eu que peu de discussions approfondies sur les protections mentionnées ci-dessus. Un expert a suggéré, au vu des nombreux types d’informations spécifiques présentés, une approche générale qui garantirait des informations suffisantes pour permettre l’identification des détenus. D’un autre côté, les participants ont pris note qu’une abondance de détails était souvent requise dans de nombreux contextes, par exemple en l’absence de cartes d’identité nationales ou lorsque les noms sont très courants. Un expert a proposé d’inclure l’appartenance à un groupe vulnérable parmi les informations qui doivent être enregistrées, afin que tout besoin spécifique puisse être rapidement repéré et satisfait. Enfin, l’utilisation de photos a été suggérée comme moyen utile d’enregistrer l’identité d’un détenu. Un expert a indiqué que l'information fournie ne devrait pas servir à identifier les détenus aux fins d’un traitement discriminatoire interdit, de violations de leur intimité, ou d’atteintes à leur dignité.

Concernant l’entité à laquelle transmettre les informations, les experts ont réfléchi à qui serait chargé de tenir les registres et de garantir qu’ils soient utilisés aux fins prévues, et à la durée de conservation des données. Un expert a signalé que, dans les conflits armés internationaux, la mise en place du Bureau de renseignements requis par les Conventions de Genève avait, par le passé, été difficile et que, pour les conflits armés non internationaux contemporains, il serait préférable de se concentrer sur un enregistrement rapide, comme prévu dans les principes du processus de Copenhague, plutôt que sur l’instance responsable de l’enregistrement. D’autres ont insisté sur la nécessité de faire en sorte que l’entité responsable, quelle qu’elle soit, conserve les informations pour un usage ultérieur. Selon une autre perspective, l’information ne devrait être conservée que jusqu’à ce qu’elle ait rempli son rôle prévu, à savoir prévenir les disparitions et les mauvais traitements.

Certains experts ont rappelé que dans le contexte de la détention par des forces en campagne, les forces engagées dans des hostilités actives ne seraient pas nécessairement en mesure d’enregistrer immédiatement les détenus.

Dans d’autres contextes, en particulier les opérations en zone extraterritoriale, il peut falloir du temps pour vérifier l’identité de la personne, et l’État détenteur n’aura pas nécessairement accès aux informations de l’État hôte sur ses ressortissants. De plus, les détenus eux-mêmes pourraient falsifier les informations. D’autres facteurs influant sur le moment de l’enregistrement incluaient l’intensité des combats, la distance entre la zone de combat et un centre de détention, et la disponibilité de véhicules de transport. Certains experts ont signalé que dans certaines situations, notamment lorsque des personnes sont appréhendées pour être interrogées et libérées immédiatement après, l’enregistrement n’était pas nécessaire. Plus généralement, certains experts ont affirmé qu’il n’y avait pas de différence entre les conflits armés internationaux et les conflits

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armés non internationaux quand il s’agissait de l’obligation des États d’enregistrer les détenus et que les protections applicables aux conflits armés internationaux pouvaient être appliquées aux conflits armés non internationaux.

8. Notification

Les dispositions suivantes, tirées des lois et normes internationales en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les informations relatives à la détention d’une personne sont transmises, par les moyens les plus rapides, aux personnes et entités suivantes :

a. parties non étatiques aux conflits armés non internationaux, b. familles des détenus, c. gouvernement dont relèvent les détenus, d. CICR, e. toute autre autorité appropriée58.

2. En plus de l’identité de la personne privée de liberté, les informations transmises incluront :

a. la date, l’heure et le lieu de la privation de liberté et de l’admission dans le lieu de privation de liberté ;

b. l’adresse à laquelle la correspondance peut être envoyée au détenu ; c. le lieu où se trouve le détenu ; d. l’autorité ayant décidé la privation de liberté ; e. l’autorité contrôlant la privation de liberté ; f. le lieu où se trouve la personne privée de liberté, y compris, en cas de transfert

vers un autre lieu de privation de liberté, la destination et l’autorité responsable du transfert ;

g. la date, l’heure et le lieu de la libération ; h. les éléments relatifs à l’état de santé de la personne privée de liberté ; i. en cas de décès pendant la privation de liberté, les circonstances et causes du

décès et la destination des restes de la personne décédée59.

Les experts s’accordaient généralement pour dire que les membres de la famille du détenu et le CICR devraient être notifiés dès que possible de la détention, du transfert, de la libération ou de l’état de santé d’une personne.  En faisant part des pratiques de leurs États, certains experts ont

                                                                                                                         58 Voir CG III, articles 70 et 123 ; CG IV, articles 106, 137 et 140 ; Convention contre les disparitions forcées, article 18 ; Ensemble de principes, principe 16, par. 1. 59 Voir CG III, article 70 ; CG IV, article 106 ; Convention contre les disparitions forcées, article 18 ; Ensemble de principes, principe 16, par. 1.

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indiqué que le CICR recevait généralement une notification, mais qu’une notification directe n’était adressée aux membres des familles que lorsque cela était possible ou réalisable, comme expliqué ci-dessous. Plusieurs considérations liées aux conflits armés non internationaux, pour la plupart limitées aux toutes premières phases de la détention, ont aussi été jugées importantes.

Concernant le destinataire de la notification, certains participants ont déclaré que, contrairement aux notifications faites à d’autres États dans les conflits armés internationaux, la notification directe des parties non étatiques aux conflits armés non internationaux était inappropriée. Un expert a dit qu’en l’absence d’agence centrale de recherches dans les conflits armés non internationaux pour faciliter la correspondance entre les parties, et du fait que les groupes armés non étatiques sont structurés différemment des États, il est beaucoup plus difficile de notifier l’adversaire dans les conflits armés non internationaux. Un autre expert a expliqué que l'État détenteur risquait de rencontrer des difficultés politiques en contactant directement la partie non étatique, et en la reconnaissant comme une entité légitime qui pourrait être prise en compte pour le détenu et sa famille. Un autre avis était que rien ne s’oppose à ce qu’on transmette à une partie non étatique à un conflit armé non international l’identité d’un détenu, mais que dans certaines situations, la transmission directe d’informations à un adversaire non étatique au sujet du lieu où se trouve un détenu pourrait s’accompagner de nombreuses complications. Une notification rapide aux groupes armés, même sans donner de précision sur le lieu de la détention, pourrait constituer une menace pour les forces armées. Il a été souligné, cependant, que cette préoccupation ne valait que durant la première phase de la détention. Les experts, cependant, ont pris note des exemples tirés des expériences passées, quand les gouvernements notifiaient les parties non étatiques des cas de détention.

Plusieurs participants ont déclaré qu’il était extrêmement important de notifier le CICR et que cela devrait être fait immédiatement ou dès que possible. Un expert a souligné le délai de deux semaines pour notification au Bureau national de renseignements au titre de l'article 168 de la quatrième Convention comme orientation pertinente. Un expert a dit que le rôle du CICR était particulièrement important dans les conflits armés non internationaux, précisément car, contrairement à ce qui se produit dans les conflits armés internationaux, l’adversaire est un groupe armé non étatique qu’un gouvernement pourrait être réticent à contacter directement. Un expert a souligné que dans nombre de cas, le CICR est le principal ou le seul organe capable d'informer la famille du détenu.

La notification des familles des détenus a aussi été jugée importante. Dans certains cas, la notification directe aux familles ne posait pas de problème. Dans d'autres, en particulier dans les opérations de détention en zone extraterritoriale, l'État détenteur risque de rencontrer des difficultés en fournissant une notification directe à la famille des détenus, et dans la pratique ne le ferait que lorsque cela est possible. Les experts ayant émis cette opinion ont déclaré que les Principes de Copenhague représentaient une norme équilibrée et réaliste à cet égard.

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Le moment, cependant, était à prendre en considération. Certains experts estimaient que dans les phases initiales de la détention, si la famille d’un détenu était affiliée à un groupe armé, il pourrait y avoir de bonnes raisons de ne pas divulguer son identité. Dans cette perspective, même s’il s’agit des informations les plus essentielles, comme le nom du combattant et le fait qu’il soit vivant, la notification compromettrait l’avantage tiré du fait que l’ennemi ne soit pas au courant de la capture du combattant.

Les experts ont réfléchi aux délais prévus dans les dispositions des troisième et quatrième Conventions de Genève relatives aux cartes de capture et d’internement pour déterminer ce qui pourrait être possible dans les conflits armés non internationaux. La quatrième Convention de Genève requiert des autorités détentrices qu’elles fournissent à un interné civil la possibilité d’envoyer une carte directement à sa famille « dès son internement ou au plus tard une semaine après son arrivée dans un lieu d’internement et de même en cas de maladie ou de transfert dans un autre lieu d’internement ou dans un hôpital »60 ; la troisième Convention de Genève exige les mêmes mesures pour un prisonnier de guerre « dès qu’il aura été fait prisonnier ou, au plus tard, une semaine après son arrivée dans un camp, même s’il s’agit d’un camp de transit, et de même en cas de maladie ou de transfert dans un lazaret ou dans un autre camp »61.

En général, le respect de ces délais dans les conflits armés non internationaux ne soulevait aucune préoccupation. Cependant, un participant estimait que les délais ne tenaient pas pleinement compte des liens étroits que les combattants des conflits armés non internationaux tendent à entretenir avec la population civile, et de la nécessité, par conséquent, d’attendre que le risque qu’entraînerait la notification de membres de sa famille impliqués dans le conflit diminue. Quoi qu’il en soit, il a été souligné que ces préoccupations n’émergeaient que dans les phases initiales de la détention et que la notification des familles pouvait et devrait se faire dès que possible.

Au moins un expert estimait que la notification des familles ne présentait pas de problème de sécurité car il serait difficile de détenir quelqu’un sans que sa famille ou d’autres membres du groupe armé ne le découvrent assez rapidement. Dans la plupart des cas, quand un combattant capturé arrive sur une base ou dans un autre centre d’où la notification est possible, la famille, ainsi que les autres membres du groupe armé, sont déjà au courant de la détention. Un autre expert a expliqué que les familles étaient toujours notifiées, sauf quand cela constituait un danger immédiat pour la famille, le détenu ou les forces concernées.

La question de la notification de l’État dont les détenus relèvent a aussi provoqué une discussion. Il a été mentionné que les combattants détenus pour des raisons liées à un conflit armé non international ne veulent pas toujours que leur détention – ou leur libération et leur rapatriement –

                                                                                                                         60 CG IV, article 106. 61 CG III, article 70.

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soit communiquée à leurs autorités gouvernementales ; selon un participant, l’État détenteur pourrait aussi avoir des raisons de ne pas vouloir en informer le gouvernement du détenu. La plupart des experts semblaient convenir que la décision devrait dépendre de la volonté de la personne détenue. De plus, même si le détenu n’objecte pas à la notification, l’autorité détentrice a la responsabilité de garantir qu’il n’en subira pas les conséquences. Un autre expert a déconseillé d’accorder un droit de veto unilatéral aux détenus concernant la notification à leur gouvernement, car cela pourrait être un moyen d’éviter les poursuites pour avoir commis un crime. Enfin, certains experts ont signalé qu’il pourrait être difficile de notifier des gouvernements avec lesquels l’État détenteur n’entretient pas de relations diplomatiques.

D’autres destinataires potentiels des notifications ont été suggérés ou mentionnés comme exemples de pratiques dans certains contextes. Ils comprenaient les avocats du détenu, le gouvernement du pays hôte en cas de conflit armé non international extraterritorial et les chefs locaux ou anciens.

Concernant le contenu de la notification, aucun problème pratique n’a été mentionné quant à la communication de l’identité des détenus ou du fait de leur détention. Cependant, certains experts ont dit que, en plus des retards liés à la sécurité exposés ci-dessus, dans certaines situations il pourrait être difficile d’identifier immédiatement les individus, car il se peut qu’ils ne portent pas de carte d’identité, qu’ils falsifient les informations, ou qu’ils soient incapables de s’exprimer en raison de leurs blessures. Ces problèmes étaient plus susceptibles de se présenter dans les opérations de détention en zone extraterritoriale, où l’État détenteur n’a pas accès aux bases de données nationales et à d’autres ressources permettant d’identifier les détenus.

La notification de l'état de santé des détenus a aussi suscité des discussions, certains participants affirmant que le respect de l'intimité des détenus nécessitait que la personne détenue donne son consentement à la divulgation de cette information. Dans tous les cas, cette notification doit être conforme à la législation nationale régissant le secret médical.

Les experts ont aussi eu une discussion sur le recours aux progrès technologiques pour faciliter la notification. Internet en général et les médias sociaux en particulier, ont été définis comme des moyens permettant de communiquer des informations sur les détenus. Il a été relevé, cependant, que les capacités techniques variaient d’un contexte à l’autre. Il a aussi été mentionné qu’Internet et les médias sociaux seraient particulièrement utiles pour maintenir des liens avec le monde extérieur, mais peut-être moins pour les notifications.

9. Contacts avec le monde extérieur

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Les dispositions suivantes, tirées des lois et normes internationales en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Chaque détenu sera mis en mesure, dès son internement, ou au plus tard une semaine après son arrivée dans un lieu de détention et de même en cas de maladie ou de transfert dans un autre lieu d’internement ou dans un hôpital, d’adresser directement à sa famille des informations sur sa détention, son adresse et son état de santé62.

2. Les détenus seront autorisés à expédier et à recevoir des lettres et des cartes, ou à communiquer par d’autres moyens, comme les téléphones portables et Internet63.

3. La censure de la correspondance adressée aux internés ou expédiée par eux devra être faite dans le plus bref délai possible et toute interdiction de correspondance édictée pour des raisons militaires ou politiques, ne pourra être que temporaire et d’une durée aussi brève que possible64.

4. Chaque détenu sera autorisé à recevoir à intervalles réguliers, et aussi fréquemment que possible, des visites et en premier lieu celles de ses proches65.

Les experts pensaient que les protections mentionnées ci-dessus étaient pour la plupart appropriées et faisables dans les centres de détention à long terme, avec quelques réserves. La détention par des forces en campagne et sur les bases opérationnelles avancées a cependant donné lieu à certaines considérations pratiques.

Dans le cas des centres de détention à long terme, les considérations pratiques touchant à la correspondance concernaient principalement les moyens de communication. En général, l’utilisation de la technologie pour faciliter les contacts familiaux était accueillie favorablement : les vidéoconférences et l’utilisation de plateformes Internet comme Skype non seulement permettent une communication en temps réel, mais elles étaient aussi considérées comme un substitut efficace aux lettres en cas d’illettrisme. Par ailleurs, certains experts ont relevé qu’il n’était pas possible d’accorder aux détenus un accès libre aux téléphones portables ou à Internet pour des raisons de sécurité ; plusieurs experts ont aussi relevé la difficulté que posent les formes immédiates de communication en matière de censure. Un expert a également relevé la nécessité de retarder temporairement la communication initiale avec les familles lorsque la sécurité ou les intérêts de l’enquête l’exigent.

Les visites en personne étaient également en général jugées possibles dans les centres de détention à long terme. Cependant, les experts ont souligné que dans les situations de conflit armé, ces visites nécessitent d’importantes mesures de sécurité, et requièrent énormément de

                                                                                                                         62 Voir CG IV, article 106 ; CG III, article 70. 63 Voir CG III, article 71, CG IV, article 107, par. 1. 64 Voir CG IV, article 112 ; CG III, article 76. 65 Voir CG IV, article 116, par. 1.

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temps et de ressources. Par conséquent, elles ne sont pas toujours possibles, mais sont facilitées autant que les circonstances le permettent.

Cependant, deux experts ont adopté une position plus absolue : ils ont dit que les visites en face à face aux détenus membres des forces armées ennemies seraient difficiles dans toutes les circonstances. L’un d’entre eux a expliqué qu’une protection semblable à la disposition de la quatrième Convention de Genève, qui établit que « chaque interné sera autorisé à recevoir à intervalles réguliers, et aussi fréquemment que possible, des visites et en premier lieu celles de leurs proches » ne pouvait pas être appliquée aux situations de conflit armé non international et que la troisième Convention de Genève, qui ne prévoit pas du tout de visites familiales pour les prisonniers de guerre, constituait une meilleure analogie.

Au sujet des visites du CICR, plusieurs experts ont souligné à quel point il était important que le CICR ait accès à tous les détenus et affirmé la faisabilité de ces visites, mêmes lorsque les visites familiales n’étaient pas possibles. Les principes du processus de Copenhague ont été mentionnés à ce sujet.

Les autres considérations pratiques ne portaient que sur des situations de détention particulières. Dans le cas de la détention par des forces en campagne et sur les bases opérationnelles avancées, les visites familiales seront peut-être impossibles, et des délais dans l’envoi et la réception de correspondance peuvent être nécessaires pour empêcher que les détenus ne mettent en place des activités hostiles par leurs contacts avec le monde extérieur. Au vu de ces préoccupations, certains jugeaient que les délais prévus pour l’envoi de cartes de capture et d’internement dans les conflits armés internationaux étaient également appropriés dans les conflits armés non internationaux. (Les cartes de capture et d’internement sont aussi abordées dans la section « Notification » ci-dessus.) En général, les experts semblaient s’accorder sur le fait qu’une certaine flexibilité temporelle était nécessaire, mais qu’une personne ne pouvait pas être placée au secret pour une durée prolongée.

Concernant les conflits armés non internationaux extraterritoriaux, il a été relevé que si une personne était détenue sur le territoire de l’État détenteur, il serait difficile de faire venir les membres de sa famille depuis l’État hôte.

Un problème plus général était de déterminer avec qui les détenus seraient autorisés à correspondre. La définition du mot « famille » était l’une des questions pratiques qui ont émergé, en particulier concernant les familles étendues et les couples de même sexe. Il a aussi été jugé important d’inclure l’avocat des détenus parmi les personnes avec qui ils pouvaient correspondre, certains experts ayant attiré l’attention sur la pratique consistant à garantir la communication entre les internés et leur avocat.

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Dans le même temps, il a été noté que ces circonstances opérationnelles n’entraveraient pas l'accès du CICR aux détenus.

10. Effets personnels

Les dispositions suivantes, tirées des lois et règles internationales en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Tous les effets d’usage personnel resteront en la possession des détenus66. 2. Les sommes ainsi que les objets de valeur dont les détenus sont porteurs ne pourront leur

être enlevés que conformément aux procédures étables67. 3. Les objets ayant surtout une valeur personnelle ou sentimentale ne pourront leur être

enlevés68. 4. Un reçu détaillé sera remis aux détenus pour les objets qui leur sont enlevés69. 5. Toute somme enlevée aux détenus devra être portée au crédit du compte de chaque

détenu et ne pourra être convertie en une autre monnaie à moins que la législation du territoire dans lequel le propriétaire est détenu l’exige ou que le détenu n’y consente70.

6. Des mesures seront prises pour conserver les objets des détenus en bon état71. 7. Les détenus pourront avoir sur eux une certaine somme en espèces afin de pouvoir faire

des achats72.

Concernant les protections relatives à la conservation des dossiers et des effets personnels, il semblait ne pas y avoir de préoccupations propres aux conflits armés non internationaux. Un participant a décrit la pratique consistant à accorder aux forces l’autorisation générale de saisir les biens, mais exigeant qu’elles documentent la saisie et fournissent à la personne en question une copie du document, et qu’elles lui rendent les biens saisis en temps voulu.

Concernant la restitution des biens saisis, les experts ont signalé la pratique standard consistant à rendre au détenu ses biens à sa libération ou lors de son transfert. Des exceptions ont été mentionnées, lorsque les biens ne sont pas restitués pour des raisons de sécurité – comme dans le cas des armes, par exemple. La restitution des sommes en espèces qui ont été saisies a aussi été étudiée en détail ; certains experts ont mentionné la pratique consistant à ne pas restituer les espèces aux détenus si elles risquaient d’être utilisées pour financer d’autres activités hostiles.

                                                                                                                         66 Voir CG III, article 18, par. 1. 67 Voir CG III, article 18, par. 4 ; CG IV, article 97, par. 1 et 2. 68 Voir CG III, article 18, par. 3 ; CG IV, article 97, par. 3. 69 Voir CG IV, article 97, par. 1 ; CG III, article 18, par. 3. 70 Voir CG IV, article 97, par. 2 ; CG III, article 18, par. 4. 71 Voir Ensemble de règles minima, règle 43, par. 1. 72 Voir CG IV, article 97, par. 7.

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Plusieurs experts ont relevé que ces décisions seraient prises au cas par cas et dépendraient, notamment, de la somme en question et des conditions dans lesquelles la personne avait été capturée. D’autres experts trouvaient difficile de justifier qu’on laisse ces décisions à la discrétion des autorités détentrices. Ils ont dit que toute rétention de biens, en particulier d’argent, ne devrait se faire que conformément à un cadre juridique et ils ont souligné que même dans un contexte pénal, les autorités n’avaient pas toute discrétion pour confisquer des sommes d’argent. Les critères pour le faire dans le contexte de la détention de sécurité devraient être encore plus stricts, car il est difficile de justifier la non restitution de l’argent d’un détenu s’il n’est pas poursuivi pour un crime. Les critères pour le faire dans le contexte de la détention de sécurité devraient être encore plus stricts, car il est difficile de justifier la non restitution de l’argent d’un détenu s’il n’est pas poursuivi pour un crime. Un expert a mentionné le recours à une procédure similaire à celle utilisée dans un conflit armé international : l'État détenteur qui donnerait l'argent saisi au pays d'origine du détenu et donnerait au détenu un reçu pour ce montant. Le détenu recouvrerait alors le montant auprès de son gouvernement. Un autre expert a suggéré un mécanisme de traitement des plaintes des détenus pour assurer la restitution des objets personnels.

Les experts n’étaient pas d’accord sur la rétention des objets à usage personnel, ou ayant une valeur personnelle ou sentimentale. Quelques-uns d’entre eux ont décrit la pratique consistant à ne pas autoriser les détenus durant les conflits armés non internationaux à conserver d’effets personnels. Les raisons évoquées étaient que ces objets pouvaient être utilisés pour corrompre le personnel ou fabriquer des armes. De l’avis d’un expert, une différence entre les conflits armés non internationaux et les conflits armés internationaux était que dans ces derniers, la chaîne de commandement et la discipline parmi les prisonniers de guerre pouvaient souvent être tenues pour acquises. Cependant, la question des différences entre les situations de détention dans les conflits armés non internationaux et les situations d’internement de civils hostiles dans les conflits armés internationaux au titre de la quatrième Convention de Genève n’a pas été directement abordée.

D’autres experts ont jugé qu’il n’y avait pas de différence entre les conflits armés non internationaux et les conflits armés internationaux. Un expert a dit que les infrastructures pourraient être sécurisées, même si les détenus étaient autorisés à conserver des articles tels que livres et autres effets personnels, et que s’il fallait faire une distinction relative à la rétention des biens, ce devrait être entre les détenus de droit pénal et les internés, et non entre les conflits armés internationaux ou non internationaux.

11. Infrastructures, emplacement des lieux de détention et conditions d’hébergement

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Les dispositions suivantes, tirées des lois et règles internationales en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les détenus disposeront, au même degré que la population civile locale, d’abris contre les bombardements aériens et autres dangers de guerre73.

2. Les autorités détentrices prendront toutes les mesures nécessaires et possibles pour que les détenus bénéficient d’une protection efficace contre les rigueurs du climat, les effets de la guerre et les dangers du conflit armé74.

3. Les lieux de couchage seront suffisamment spacieux et bien aérés, et les détenus disposeront d’un matériel de couchage convenable et de couvertures en nombre suffisant, compte tenu du climat et de l’âge, du sexe et de l’état de santé des détenus75.

4. Les conditions de logement tiendront compte des mœurs et coutumes des détenus et ne devront, en aucun cas, être préjudiciables à leur santé76.

5. Dans les lieux de vie des détenus, les fenêtres sont suffisamment grandes pour qu’ils puissent lire ou travailler à la lumière naturelle, et permettre l’entrée d’air frais77.

6. Dans les lieux de vie des détenus, la lumière artificielle doit être suffisante pour leur permettre de lire ou de travailler sans altérer leur vue78.

7. Les conditions de logement des détenus seront aussi favorables que celles qui sont réservées aux troupes de l’autorité détentrice stationnées dans la région79.

8. Les détenus ne seront placés que dans des établissements situés sur la terre ferme80. 9. Les détenus ne seront pas retenus dans une région où ils seraient exposés au feu de la

zone de combat ou à d’autres dangers de la guerre81. 10. Les lieux de détention ne seront pas situés dans des zones ou districts malsains, ou dont

le climat serait pernicieux pour les détenus82. 11. Les détenus retenus temporairement dans un district ou une zone malsains ou dont le

climat leur est pernicieux seront transportés aussitôt que possible dans un lieu d’internement plus approprié83.

12. Les internés ne seront pas détenus dans des pénitenciers84. 13. Les détenus seront placés dans des lieux de détention raisonnablement proches de leur

lieu de résidence habituel85.

                                                                                                                         73 Voir CG III, article 23, par. 2 ; Étude sur le droit coutumier, règles 118 et 121. 74 Voir CG IV article 85, par. 1 ; PA II, article 5, par. 1, al. b ; Étude sur le droit coutumier, règles 118 et 121. 75 Voir CG IV, article 85, par. 2. 76 Voir CG III, article 25, par. 1. 77 Voir Ensemble de règles minima, règle 11. 78 Voir Ensemble de règles minima, règle 11. 79 Voir CG III, article 25, par. 1. 80 Voir CG III, article 22, par. 1 et 2. 81 Voir CG III, article 23, par. 1 ; CG IV, article 83, par. 1. 82 Voir CG IV, article 85, par. 1 ; CG III, article 22, par. 1 et 2. 83 Voir CG III, article 22, par. 1 et 2 ; CG IV, article 85, par. 1. 84 Voir CG III, article 22, par. 1 et 2.

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En règle générale, les experts estimaient que les protections mentionnées ci-dessus étaient pour la plupart applicables dans les centres de détention à long terme. Les dispositions relatives à l’hébergement – allant de l’espace et de la literie à l’accès à la lumière naturelle et à l’air frais – et à la protection contre les dangers des hostilités donnaient généralement lieu à peu de considérations liées aux conflits armés non internationaux. Une exception était la protection issue de la troisième Convention de Genève, qui prévoit pour les détenus des conditions de logement aussi favorables que celles des forces de l’autorité détentrice dans la même zone. Certains experts se sont demandé si cette disposition – conçue pour les prisonniers de guerre – serait appropriée pour les détenus civils. Concernant l’accès à la lumière naturelle et à l’air frais, la possibilité que les cellules, ou même les infrastructures, aient des fenêtres dépendait à la fois de la sécurité et de l’infrastructure : il ne sera peut-être pas possible d’avoir des fenêtres car le centre est exposé à des tirs indirects ou simplement parce que le seul lieu de détention possible est une tente. Un expert a signalé que la capacité de tenir compte des mœurs et des coutumes des détenus devenait aussi limitée sur les bases opérationnelles avancées et dans d’autres opérations de détention à proximité des hostilités. Un autre expert a observé de manière plus générale que les dispositions concernant la taille des fenêtres, l'accès à l'air frais, et le placement des détenus à proximité de leur lieu de résidence - tirées de normes internationales des droits de l’homme - étaient trop détaillées.

Cependant, un certain nombre de considérations pratiques ont émergé concernant les opérations de détention en zone extraterritoriale, touchant principalement aux limitations affectant le contrôle territorial et l’accès aux infrastructures de l’État détenteur. Par exemple, concernant la possibilité de placer les détenus dans un lieu de détention raisonnablement proche de leur lieu de résidence habituel si possible, un facteur à prendre en considération était que ces zones peuvent être inaccessibles aux autorités détentrices, car les combattants capturés peuvent provenir de régions de l’État sous l’influence ou l’autorité de l’ennemi. De plus, les détenus peuvent être transférés là où se trouvent les organes d’examen compétents, ou évacués d’infrastructures de détention qui sont exposées aux dangers des hostilités, et donc emmenés loin de leur lieu de résidence. Enfin, la nécessité de fournir aux détenus des protections essentielles qui dépendent d’infrastructures disponibles uniquement dans quelques centres peut imposer des contraintes supplémentaires à leur lieu de détention. Les experts ont relevé que ces difficultés étaient plus susceptibles de se présenter dans des opérations de détention en zone extraterritoriale que dans des contextes purement internes, en raison des limites relatives aux infrastructures disponibles. Les experts ont aussi noté que la disposition d’où était tirée la protection était loin d’être absolue et laissait une certaine flexibilité : l’Ensemble de principes établit que « si une personne détenue ou emprisonnée en fait la demande, elle sera placée, si possible, dans un lieu de détention ou d’emprisonnement raisonnablement proche de son lieu de résidence habituel86 ».

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       85 Voir Ensemble de principes, principe 20. 86 Voir Ensemble de principes, principe 20 (souligné par les auteurs).

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Concernant les protections contre le placement des internés dans des pénitenciers, certains experts ont réfléchi à la meilleure façon de procéder si la seule option possible était une structure pénale. Une solution était de tenir les internés à l’écart des détenus de droit pénal, en affectant une aile du pénitencier aux détenus de sécurité par exemple. Il a été relevé que dans de telles circonstances, les internés devraient toutefois être soumis à un régime approprié, c’est-à-dire qui évite un enfermement ou un isolement semblable à celui auquel serait soumis un criminel condamné. (La question de l’enfermement est abordée ci-dessous.) Les autres réponses indiquaient que ces situations, si elles se présentaient, seraient temporaires. Un expert a dit qu’une partie d’une base militaire pourrait toujours être convertie en camp d’internement. Deux autres ont pensé qu’il était plus important de se concentrer sur la séparation des internés et des détenus de droit pénal, plutôt que sur la nature de l’infrastructure utilisée. En général, les experts ont noté que la planification était importante pour garantir que le lieu et le régime de détention soient tous les deux conformes au cadre juridique régissant la privation de liberté.

Pour la détention sur les bases opérationnelles avancées et la détention par les forces en campagne, les réalités opérationnelles exigeraient une plus grande flexibilité que les centres de détention à long terme. Par exemple, la protection fournie aux détenus contre les dangers des hostilités sur une base militaire ou parmi les forces en campagne serait la même que pour les forces détentrices, et les détenus seraient évacués en lieu sûr dès que possible.

Concernant la protection tirée de la troisième Convention de Genève demandant que les détenus soient placés dans des locaux situés sur la terre ferme, plusieurs participants ont attiré l’attention sur la nécessité éventuelle de les placer pour de brèves périodes à bord de navires pour effectuer des tests, en particulier lorsque les infrastructures d’internement au sol n’ont pas encore été établies. Ces détenus seraient transférés sur terre dès que possible sur un plan opérationnel.

Un autre expert a noté que dans les cas de détention très brève avant transfert à d’autres autorités, ces protections devenaient moins pertinentes, indépendamment du contexte opérationnel de la détention.

12. Enfermement

La disposition suivante, tirée du droit international en vigueur, a été soumise aux experts pour considération :

Sauf en cas de sanctions pénales ou disciplinaires, les détenus ne pourront être enfermés que si cette mesure s’avère nécessaire à la protection de leur santé ; cette situation ne

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pourra en tout cas se prolonger au-delà des circonstances qui l’auront rendue nécessaire87.

Plusieurs experts ont reconnu que le régime de détention imposé aux internés devrait différer de celui de la détention pénale, et que la protection soumise à discussion reflétait cette distinction. Cependant, certains experts ont signalé que la disposition était destinée aux prisonniers de guerre internés – la quatrième Convention de Genève contient également des protections contre l’enfermement des civils, mais elles sont plus contextuelles – et, telle que formulée, pourrait ne pas être applicable aux conflits armés non internationaux. Néanmoins, il était généralement admis que le degré de contrainte auquel les internés sont soumis dans les conflits armés non internationaux devrait refléter la nature non punitive de l’internement, bien qu’un expert ait émis des doutes sur la question.

Un participant a décrit la pratique consistant à interner les combattants, durant un conflit armé non international, dans un camp fermé, tout en leur laissant leur liberté de mouvement à l’intérieur du camp. Un autre expert a expliqué que tout isolement – et donc enfermement –, quel qu’il soit, était une mesure de dernier ressort pour protéger la santé du détenu ou celle d’autrui.

Certains experts ont décrit la pratique consistant à permettre aux internés de vivre dans des espaces communs comme un objectif souhaitable, mais qui dépendait de la volonté des internés à se plier aux règles et règlements de la structure. L’absence d’enfermement était la récompense accordée pour ce respect. Cet écart par rapport à l’exigence de la disposition ci-dessus se justifiait par la différence entre les conflits armés internationaux et les conflits armés non internationaux : dans les conflits armés non internationaux, les combattants ont une motivation personnelle et, contrairement aux prisonniers de guerre, ils ne se conformeront pas nécessairement aux règles du centre.

D’autres experts jugeaient que l’enfermement devrait être une mesure exceptionnelle, et que les différences entre les conflits armés internationaux et les conflits armés non internationaux n’étaient pas si claires que d’autres voulaient bien le dire. Dans cette perspective, la distinction entre les internés et les condamnés de droit pénal était logique, comme la distinction entre prisonniers de guerre et civils. Cependant, il ne semblait pas justifié de distinguer entre un combattant civil interné dans un conflit armé international – détenu au titre de la quatrième Convention de Genève – et un combattant civil interné dans un conflit armé non international ; dans les deux cas, ce sont des civils qui se battent en leur propre nom contre un État. Ainsi, les protections de la quatrième Convention de Genève relatives à l’enfermement ne sembleraient pas moins appropriées dans un conflit armé non international.

                                                                                                                         87 Voir CG III, article 21.

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Plusieurs experts ont mis en garde contre des arguments qui placeraient les détenus dans un environnement punitif sans les protections de la procédure régulière et du droit à un procès équitable que prévoient les droits de l’homme. Ils ont insisté sur l’importance de ne pas prendre ce qui les arrangeait dans le DIH et les droits de l’homme en laissant le reste.

Il n’y a pas eu d’accord au sujet de la transposition de la protection telle que formulée dans un conflit armé non international, mais les experts ont tous admis que le principe à la base de la protection pourrait s’appliquer aux conflits armés non internationaux.

13. Accès à l’extérieur et à l’exercice physique

Les dispositions suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les détenus auront la possibilité de pratiquer des exercices physiques, notamment du sport.

2. Les détenus auront la possibilité d’être en plein air. 3. Les détenus sont autorisés à faire de l’exercice physique et à passer au moins deux

heures par jour en plein air88.

Les protections mentionnées ci-dessus ont provoqué peu de discussions et de débats et, dans l’ensemble, ne prêtaient pas à controverse.

Les experts ont décrit une pratique consistant à accorder aux détenus des protections de base minimales, en plus de privilèges supplémentaires en récompense de leur respect des règles. Un expert a mentionné la pratique consistant à ne pas autoriser qu’une restriction dure plus de trois jours consécutifs, et à demander que cela ne soit imposé que pour des raisons de santé ou de sécurité.

Il a aussi été noté que des considérations de sécurité pourraient exiger que certains détenus ne soient pas autorisés à se mêler aux autres.

Dans le contexte de la détention sur des bases opérationnelles avancées, de la détention par les forces de campagne, et de situations temporaires de détention dans des installations improvisées ou ad hoc, les contraintes physiques liées à l'infrastructure pourraient avoir un impact sur la disponibilité des installations destinées à l’exercice physique.

                                                                                                                         88 Voir CG III, articles 38, par. 2, et 98, par. 3 ; CG IV, articles 94, par. 3, et 125, par. 1 ; Ensemble de règles minima, règle 21.

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Certaines de ces préoccupations s’appliquent également aux opérations de détention en zone extraterritoriale.

14. Sanctions disciplinaires

Les dispositions suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. En aucun cas les peines disciplinaires ne seront inhumaines, brutales ou dangereuses pour la santé des détenus89.

2. Les peines disciplinaires devront tenir compte de l’âge, du sexe et de l’état de santé du détenu90.

3. Les sanctions suivantes, notamment, seront interdites : a. les fatigues physiques dangereuses pour la santé ; b. les brimades d’ordre physique ou moral ; c. le tatouage ou l’apposition de marques ou de signes corporels d’identification ; d. les stations ou les appels prolongés ; e. les exercices punitifs, f. les exercices et manœuvres militaires ; g. les restrictions de nourriture et d’eau ; h. l’isolement pour une durée prolongée et indéterminée ; i. l’isolement pour les mineurs, les femmes enceintes, qui allaitent, ou qui ont avec

elles un enfant en bas âge et les handicapés mentaux, comme sanction disciplinaire ; pour les condamnés à mort et les condamnés à une peine de prison à vie, du fait de la nature de leur peine ; et pour les personnes en détention provisoire, comme moyen d’extorsion ;

j. la suspension des visites de la famille et des proches ; k. les châtiments corporels ; l. l’enfermement en cellule obscure ; m. l’enfermement dans des locaux non éclairés par la lumière du jour ; n. l’obligation de remplir dans les services de l’établissement un emploi comportant

un pouvoir disciplinaire ; o. les peines collectives91.

4. Le recours à l’isolement ne doit constituer qu’une mesure de dernier ressort devant être autorisée par l’autorité compétente, et appliquée uniquement dans des circonstances exceptionnelles, pour une durée aussi brève que possible92.

                                                                                                                         89 Voir CG III, article 89, par. 3 ; CG IV, article 119, par. 2 ; Ensemble de règles minima, règle 31. 90 Voir CG IV, article 119, par. 2. 91 Voir CG III, article 87, par. 3 ; CG IV, article 100 ; PA II, article 4, par. 2, al. a et b ; Ensemble de règles minima, règles 28, par. 1, et 31.

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5. La durée d’une même punition ne dépassera jamais un maximum de trente jours consécutifs, même dans les cas où un détenu aurait à répondre disciplinairement de plusieurs faits, au moment où il est statué à son égard, que ces faits soient connexes ou non93.

6. Il ne s’écoulera pas plus d’un mois entre la décision disciplinaire et son exécution94. 7. Au cas où un détenu serait frappé d’une nouvelle peine disciplinaire, un délai de trois

jours au moins séparera l’exécution de chacune des peines, dès que la durée de l’une d’elles sera de dix jours ou plus95.

8. Les détenus ne peuvent être punis que conformément aux dispositions d’une telle loi ou d’un tel règlement d’une autorité administrative compétente, qui détermine la conduite qui constitue une infraction disciplinaire, le genre et la durée des sanctions qui peuvent être infligées et l’autorité compétente pour prononcer ces sanctions96.

9. Avant que ne soit prononcée une peine disciplinaire, le détenu inculpé sera informé de l’infraction qui lui est reprochée et il sera autorisé à se défendre avec l’assistance d’un interprète si nécessaire et réalisable ; et le détenu a le droit de soumettre la décision à l’examen d’autorités supérieures97.

10. L’autorité compétente doit procéder à un examen complet du cas avant de prendre des mesures disciplinaires98.

La plupart des experts estimaient que l’application de la liste des peines interdites ne posait pas de problème dans les conflits armés non internationaux, et peu de préoccupations propres à ces conflits ont été soulevées. D'autres, cependant, ont exprimé des réserves au sujet de certaines des peines spécifiques énumérées comme interdites.

Il serait nécessaire de poursuivre la discussion afin d’établir les réserves qui découlent de préoccupations propres aux conflits armés non internationaux, et celles qui constituent plus généralement des observations sur la mise en œuvre des normes internationales des droits de l'homme dans la pratique de la détention.

En tout cas, il a été souligné que tout régime disciplinaire doit être juste, proportionnel, prévisible et non discriminatoire. Les experts ont aussi signalé que les « sanctions disciplinaires » étaient un domaine qui ne dépendait d’aucune façon des ressources à la disposition de l’autorité détentrice.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       92 Voir Ensemble de règles minima, règle 32, par. 1, et du Rapport de la réunion du Groupe d’experts sur l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus tenue à Buenos Aires du 11 au 13 décembre 2012. 93 Voir CG IV, article 119, par. 3 ; CG III, article 90, par. 3. 94 Voir CG III, article 90, par. 3. 95 Voir CG III, article 90, par. 4. 96 Voir Ensemble de règles minima, règles 29 et 30 ; Ensemble de principes, principe 30. 97 Voir CG IV, article 123, par. 2 ; CG III, article 96, par. 4 ; Ensemble de règles minima, règle 30, par. 2 et 3 ; Ensemble de principes, principe 30. 98 Voir Ensemble de règles minima, règle 30, par. 2.

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Un expert a estimé que l’emprisonnement dans des locaux sans lumière du jour méritait quelques éclaircissements. Par exemple, bien que les détenus aient dans tous les cas accès à la lumière du jour chaque jour, il se pouvait qu’ils soient logés dans des cellules sans fenêtre pour des raisons liées aux arguments exposés durant les discussions sur les infrastructures de détention.

Les experts n’ont en outre pas soulevé de problèmes propres aux conflits armés non internationaux concernant l’interdiction des isolements de durée prolongée ou indéterminée et ils ont noté que le droit relatif aux conflits armés internationaux n’envisage pas du tout l’isolement. (Les restrictions des Conventions de Genève sur la durée des mesures disciplinaires s’appliquent à tout type d’enfermement99.) Cependant, certains experts ont dit que des éclaircissements seraient les bienvenus. Un expert a demandé ce que signifiait « mesure de dernier ressort » dans ce contexte ; un autre a suggéré d’étudier la possibilité de fixer à quinze jours la durée maximale au-delà de laquelle l’isolement serait interdit. Certains experts ont signalé que durant des conflits armés, la séparation d’un détenu particulier du reste de la population carcérale serait parfois nécessaire pour des raisons de sécurité et de discipline, bien qu’il semble que cette séparation puisse être imposée sans pour autant équivaloir à un isolement.

Concernant les motifs et procédures des sanctions disciplinaires, aucun point propre aux conflits armés non internationaux n’a été soulevé, mais il a été observé que les régimes formels décrits dans les protections mentionnées ci-dessus ne seraient pas appropriés ou nécessaires dans les situations de détention à court terme. Un expert a évoqué un régime disciplinaire existant qui ne comprend aucune règle ou procédure formelle, mais fonctionne sur la base de mesures d’incitation et d’avantages visant à encourager le respect des règles, dans le respect de l’exigence fondamentale de traiter les détenus avec humanité en toutes circonstances. Ce régime ne dispose pas d’un système d’appel formel, mais les détenus peuvent présenter des plaintes à tout moment. Certains experts, néanmoins, ont insisté sur la nécessité que tous les régimes disciplinaires soient prévisibles et qu’un mécanisme de plainte soit disponible.

15. Activités intellectuelles, éducatives et récréatives

Les dispositions suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les détenus sont encouragés à pratiquer des activités intellectuelles, éducatives et récréatives, des sports et des jeux100.

2. Les détenus auront à leur disposition des locaux adéquats et l’équipement nécessaire101.

                                                                                                                         99 Voir CG III, articles 89, 90 et 95 ; CG IV, articles 119 et 122. 100 Voir CG III, article 38, par. 1 ; CG IV, article 94, par. 1. 101 Voir CG III, article 38, par. 1 ; CG IV, article 94, par. 1.

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3. Les détenus ont accès à une bibliothèque à leur usage, suffisamment pourvue de livres instructifs et récréatifs102.

4. Les détenus bénéficient d’une instruction continue, notamment d’une instruction religieuse dans les pays où cela est possible103.

5. L’instruction des détenus doit être coordonnée avec le système de l’instruction publique du pays, afin qu’ils puissent poursuivre leur formation sans difficulté après leur libération104.

Plusieurs experts ont relevé l’importance des activités culturelles, éducatives et récréatives pour garantir que les détenus puissent être réintégrés dans la société et ne reprennent pas leur participation aux hostilités. Il a été souligné que les conflits armés non internationaux différaient des conflits armés internationaux à cet égard, car le simple rapatriement des détenus ou le départ du territoire occupé n’était pas une option dans les conflits armés non internationaux. À cet égard, nombre d'experts ont estimé que la réalisation concrète de ces normes juridiques relevait d’une bonne politique de détention avec diverses implications positives.

Il était généralement entendu que les protections mentionnées ci-dessus seraient pertinentes dans les centres de détention à long terme et non dans le contexte de la détention à court terme, comme la détention par des forces en campagne ou la détention sur des bases opérationnelles avancées. Les experts ont aussi fait remarquer qu’il n’y avait pas besoin de faire de distinction entre la détention pénale et l’internement pour les protections mentionnées ci-dessus.

Concernant la fourniture de locaux adéquats pour les activités intellectuelles, éducatives et récréatives, les pratiques actuelles en matière d’accès à l’extérieur et à l’exercice physique avaient beaucoup de points communs. Un expert a décrit la pratique consistant à permettre aux détenus qui se comportent bien d’avoir accès à des loisirs en plein air quatre à 20 heures par jour, tandis que les détenus soumis à des sanctions disciplinaires bénéficient d’un minimum de deux heures. Les activités se déroulent dans un environnement commun, et seuls certains détenus de haute sécurité ne sont pas autorisés à y participer.

Certains experts ont aussi décrit diverses pratiques concernant la fourniture de l’équipement nécessaire pour les activités culturelles, éducatives et récréatives. Les journaux, les livres, les magazines, la télévision, les DVD, les jeux vidéo et la radio ont été cités comme exemples de ressources à la disposition des détenus, comme les ordinateurs portables. Un expert a noté que l'équipement fourni devrait convenir à la population carcérale spécifique. Par exemple, il ne serait pas approprié d’avoir beaucoup de livres et de journaux au regard des niveaux d'alphabétisation de certaines populations.

                                                                                                                         102 Voir Ensemble de règles minima, règles 40 et 78. 103 Voir Ensemble de règles minima, règle 77, par. 1. 104 Voir Ensemble de règles minima, règle 77, par. 2.

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La gestion de la sécurité dans ce domaine a révélé différentes approches adoptées par différents États. Certains experts ont souligné que les informations devaient être soumises à la censure ; par exemple, les ordinateurs portables ne devraient pas être connectés à Internet et les journaux édités si nécessaire. Une autre opinion consistait à dire qu’il incombe à l’État de planifier avec soin l’aménagement et le personnel des centres, de façon à réduire le risque d’agitation jusqu’à ce que la censure devienne inutile.

Concernant la mise à disposition d’une bibliothèque, il semblait ne pas y avoir de préoccupations propres aux conflits armés non internationaux pour les lieux de détention à long terme dans les conflits internes. Dans les opérations de détention en zone extraterritoriale, les surveillants et l’infrastructure supplémentaires nécessaires pour gérer une bibliothèque physique ne seront pas toujours disponibles, mais les détenus auront toujours accès aux livres.

Concernant les activités éducatives, de nombreux exemples de formation professionnelle pour les détenus ont été proposés. Les experts jugeaient en outre que les protections ne posaient aucun problème dans les opérations de détention interne. Pour ce qui est de la détention en zone extraterritoriale, certains experts pensaient qu’il serait difficile de garantir la fourniture d’une éducation coordonnée avec le système d’instruction publique du pays en cas de différences sensibles entre les systèmes et les priorités de l’État détenteur et de l’État hôte en matière d’éducation.

16. Accès à l’aide humanitaire et autres articles

La disposition suivante, tirée du droit international en vigueur, a été soumise aux experts pour considération :

Les détenus seront autorisés à recevoir par voie postale ou par tout autre moyen, des envois individuels ou collectifs contenant notamment des denrées alimentaires, des vêtements, du matériel médical et des articles destinés à satisfaire leurs besoins en matière de religion, d’études ou de loisirs105.

Bien que la pratique en relation avec la réception de colis individuels varie, les experts s’entendaient généralement pour dire que la protection mentionnée ci-dessus ne posait pas de problème significatif dans les conflits armés non internationaux, pour autant que des contrôles de sécurité adéquats soient appliqués. Il a aussi été relevé que lorsque l’autorité détentrice faisait face à des contraintes liées aux ressources, les articles humanitaires provenant de la famille ou d’autres sources pouvaient être utiles pour garantir que les besoins des détenus soient correctement satisfaits.                                                                                                                          105 Voir CG III, article 72, par. 1 ; CG IV, article 108, par. 1 ; PA II, article 5, par. 1, al. c.

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Concernant les types d’articles qui pouvaient être reçus, plusieurs experts ont affirmé que les articles énumérés dans les Conventions de Genève étaient aussi acceptables dans les conflits armés non internationaux. Divers exemples tirés de la pratique ont été fournis, de détenus recevant des colis individuels de leur famille contenant des vêtements, des livres, des cigarettes et d’autres articles agréés.

Concernant les questions de sécurité et d'assainissement à prendre en compte, les risques comportent la possibilité de passer des armes et d’autres articles interdits par colis, ainsi que des drogues illicites en tant que médicaments ou aliments de source non vérifiée susceptibles de causer des problèmes d'assainissement dans le centre de détention. À cet égard, plusieurs experts ont souligné qu’il n’était actuellement pas nécessaire de disposer de colis de ce type lorsque les autorités détentrices prennent en charge les besoins matériels et de santé des détenus.

Concernant les questions de sécurité et de salubrité qui devraient être prises en considération, les risques incluaient la possibilité de faire entrer des armes et d’autres articles interdits dans des colis, ainsi que des articles illicites dans les vivres ou les médicaments. Il a été relevé que le risque d’abus est toujours présent et que des mesures peuvent être prises, notamment en affectant des ressources spécifiques aux contrôles et à la définition préalable des articles autorisés ou non. Les participants ont été priés de noter que nombre de ces préoccupations peuvent être résolues par une planification et une organisation préalables soigneuses du centre.

Le contexte opérationnel de la détention jouait aussi un rôle. De l’expérience d’un expert, les ressources nécessaires pour les mesures de sécurité requises peuvent être mises à disposition dans les centres de détention à long terme. Cependant, sur les bases opérationnelles avancées, les contraintes que rencontre la mise en place d’un système de contrôle empêchent d’autoriser les détenus à recevoir des colis individuels. Un autre expert jugeait que les colis individuels étaient surtout nécessaires dans les situations de détention à court terme, où les détenus auraient avantage à ce que leur famille leur fasse parvenir rapidement des articles. Comme avec les centres de détention à long terme, il a été relevé qu’il n’y avait pas de besoin réel de colis urgents de ce type lorsque les autorités détentrices prenaient intégralement en charge les besoins de santé et matériels des détenus.

17. Plaintes et requêtes

Les dispositions suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

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1. Les détenus auront le droit de présenter aux autorités au pouvoir desquelles ils se trouvent leurs requêtes concernant le régime auquel ils sont soumis106.

2. Les détenus sont autorisés à adresser une requête ou plainte à l’administration pénitentiaire centrale, à l’autorité judiciaire ou à d’autres autorités compétentes, par la voie prescrite107.

3. Le conseil d’un détenu a le droit de présenter une requête ou une plainte au sujet de la façon dont le détenu est traité108.

4. Lorsque ni la personne détenue ou emprisonnée, ni son conseil n’a la possibilité de présenter une requête ou une plainte, un membre de la famille du détenu ou toute autre personne qui connaît l’affaire peut exercer ce droit109.

5. À moins qu’une requête ou plainte soit de toute évidence téméraire ou dénuée de fondement, elle doit être examinée sans retard et une réponse donnée au détenu dans les meilleurs délais110.

6. L’autorité détentrice transmettra ces requêtes et ces plaintes sans modification ou censure111.

7. Le caractère confidentiel de la requête ou de la plainte est maintenu si le demandeur le requiert112.

8. En cas de rejet de la requête ou de la plainte, ou en cas de retard excessif, le demandeur est autorisé à saisir une autorité judiciaire ou autre113.

9. Ni la personne détenue ni aucun demandeur ne doit subir de préjudice pour avoir présenté une requête ou une plainte114.

En général, les experts estimaient que les protections mentionnées ci-dessus soulevaient peu de questions propres aux conflits armés non internationaux. Leur principale préoccupation était que, en particulier dans des opérations de détention en zone extraterritoriale, il pouvait se révéler impossible de garantir que les détenus puissent saisir une autorité judiciaire. Dans ces circonstances, certains experts ont déclaré qu’un examen conduit par une autorité indépendante et impartiale pourrait être une solution. Les exemples d’autorités qu’ils ont mentionnés comprenaient des instances militaires hors de la chaîne de commandement de l’autorité détentrice et des organes indépendants, tels que médiateurs ou institutions nationales des droits de l’homme. Cependant, un expert a signalé que les forces armées étatiques emportaient avec elles leur droit national partout où elles étaient déployées, et que si la conduite en question constituait une infraction pénale, elle serait alors investiguée comme telle, conformément au

                                                                                                                         106 Voir CG IV, article 101 ; CG III, article 78. 107 Voir Ensemble de règles minima, règle 36, par. 1 et 3 ; Ensemble de principes, principe 33, par. 1. 108 Voir Ensemble de principes, principe 33, par. 1. 109 Voir Ensemble de principes, principe 33, par. 2. 110 Voir Ensemble de règles minima, règle 36, par. 4 ; Ensemble de principes, principe 33, par. 4. 111 Voir CG IV, article 101 ; CG III, article 78. 112 Voir Ensemble de principes, principe 33, par. 3. 113 Voir Ensemble de principes, principe 33, par. 4. 114 Voir Ensemble de principes, principe 33, par. 4 ; CG IV, article 101, par. 3 ; CG III, article 78.

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droit pénal applicable et à la procédure de l’État détenteur. Certains experts ont aussi exprimé l’opinion que l’accès à une représentation juridique n’était pas une question de droit. À cet égard, un expert a suggéré une définition potentiellement large de ‘conseil’, qui pourrait inclure, par exemple, les anciens de la tribu ou de la famille. Dans les opérations de détention internes où le fonctionnement des institutions de l’État n’était pas entravé par le conflit armé, par contre, le contrôle judiciaire restait une possibilité.

Concernant les possibilités de présenter des requêtes et des plaintes, plusieurs participants ont décrit la pratique consistant à demander aux détenus lors du processus d’entrée et à chaque transfert s’ils avaient rencontré des problèmes. Les contrôles médicaux sont un moyen supplémentaire de repérer tout mauvais traitement. Les experts ont aussi mentionné qu’en garantissant au CICR un accès aux détenus, on permettait à ces derniers de déposer des plaintes et des requêtes.

Les experts ont aussi examiné si le régime de traitement des plaintes devait être différent de celui du traitement des requêtes. Ils semblaient s’entendre pour dire que les deux devraient être traités séparément, car les plaintes requerraient un processus d’examen plus élaboré, mais ils reconnaissaient aussi qu’il serait difficile pour les détenus de déterminer si leur démarche spécifique relevait de l’une ou de l’autre. Une proposition était qu’il valait mieux s’intéresser au sérieux de la question soulevée plutôt que de tenter de déterminer s’il s’agit d’une plainte ou d’une requête. Par exemple, les cas où les détenus demandent davantage d’eau potable et de soins médicaux seraient traités différemment de ceux liés à l’octroi de temps supplémentaire pour les activités récréatives.

Certains experts ont également souligné que le principe 14 des Principes de Copenhague avait une formulation plus appropriée 115.

C. Questions spécifiques relatives aux détenus particulièrement vulnérables

Les sections suivantes résumeront les opinions des experts sur les protections spécifiques relatives aux détenus particulièrement vulnérables, figurant dans le DIH et le droit international des droits de l’homme. S’appuyant sur les résultats des consultations régionales, qui avaient défini divers groupes sur lesquels se concentrer, les femmes, les enfants, les ressortissants étrangers, les personnes handicapées et les personnes âgées ont bénéficié d’une attention particulière. Les experts ont aussi débattu d’autres groupes vulnérables, comme les détenus

                                                                                                                         115  Conformément au principe 14 des Principes de Copenhague, « les détenus ou leurs représentants doivent être habilités à soumettre, sans représailles, les plaintes orales ou écrites concernant leur traitement ou leurs conditions de détention. Toutes les plaintes doivent être examinées et, si elles reposent sur des informations crédibles, elles doivent faire l’objet d’une enquête par l'autorité détentrice. » (Traduction CICR)

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séropositifs et les minorités ethniques/religieuses, et de la question des vulnérabilités imprévisibles créées par les dynamiques d’un conflit armé non international donné.

En plus des considérations spécifiques liées aux protections décrites ci-dessous, les experts semblaient être d’accord pour dire qu’il faudrait prendre soin à ne pas définir trop de groupes spécifiques. Certaines catégories de détenus, comme les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées et les ressortissants étrangers auraient besoin de dispositions spécifiques. Cependant, les experts avaient le sentiment qu’il ne faudrait pas énumérer tous les groupes supplémentaires possibles pour y adjoindre les protections correspondantes ; ils avaient l’impression qu’il était plus utile d’envisager des protections de nature à garantir que les forces armées soient formées et préparées à repérer les détenus particulièrement vulnérables, et à anticiper et satisfaire leurs besoins. Les considérations incluaient la composition des forces et les compétences à disposition pour répondre aux besoins des groupes vulnérables, ainsi que la préparation de l’infrastructure de détention nécessaire pour accueillir des groupes qui, par exemple, pourraient devoir être détenus séparément. Il a été souligné qu’il ne pouvait pas y avoir de solution universelle : par exemple, tous les groupes vulnérables n’auraient pas besoin d’une libération anticipée ou d’être séparés des autres détenus. Une liste non exhaustive des vulnérabilités pourrait fournir des orientations sans s’accompagner nécessairement d’un régime spécifique pour les groupes qu’elle définit.

Certains experts ont jugé mieux d’aborder toute la question dans son ensemble, comme un point visant à garantir qu’aucun groupe ne soit victime de discrimination. En observant les besoins des groupes particulièrement vulnérables sous l’angle de l’interdiction de toute discrimination, plutôt que dans la perspective des droits fondamentaux de catégories de personnes particulières, un certain degré de flexibilité pourrait être préservé pour répondre aux besoins spécifiques qui se présentent. D’autres pensaient qu’il serait utile de faire une distinction entre les vulnérabilités issues de besoins spécifiques et celles découlant du risque de harcèlement ou d’hostilité de la part d’autres détenus.

Comme la section précédente, celle-ci ne constitue pas un exposé exhaustif ou définitif sur les incidences pratiques de l’application aux conflits armés non internationaux des normes étudiées.

1. Femmes

Plusieurs experts se sont dits favorables au degré d’attention que la réunion portait aux femmes en tant que groupe vulnérable. Ils ont signalé que la réponse aux besoins spécifiques des femmes était étroitement liée à la nécessité de faire en sorte qu’elles ne subissent pas de discriminations, et que ce lien devait être clairement défini dans le processus. Comme l’a expliqué un expert, la

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discrimination peut découler de la simple application d’une même norme à différents groupes de personnes.

Les experts ont aussi souligné que nombre des protections figurant dans les instruments des droits de l’homme traitant des femmes détenues – les Règles de Bangkok en particulier – contenaient des dispositions qui devraient également s’appliquer aux hommes et que l’universalité de ces normes devrait être prise en compte pour la suite du processus.

Une considération générale était que les différentes protections étudiées dans cette section devraient être mises en œuvre en ayant leur objectif humanitaire à l’esprit et en tenant pleinement compte des conséquences négatives imprévues. Par exemple, la séparation des femmes et des hommes ne devrait pas équivaloir à un isolement, et les investigations des plaintes ne devraient pas constituer une violation de l’intimité.

a) Séparation des femmes

Les dispositions suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Sauf lorsque les hommes et les femmes d’une même famille sont logés ensemble, les femmes seront gardées dans des locaux séparés de ceux des hommes116.

2. Les femmes seront placées sous la surveillance immédiate de femmes117.

Peu de préoccupations propres aux conflits armés non internationaux ont été soulevées concernant la séparation des femmes et des hommes. Dans les centres de détention à long terme sur le territoire de l’État détenteur, la détention des hommes et des femmes dans des institutions totalement distinctes ne donnait pas lieu à des préoccupations propres aux conflits armés non internationaux. Un expert a décrit la pratique d’un État vivant un conflit armé non international, consistant à transférer toutes les femmes dans un centre de détention réservé aux femmes, où les gardes et les membres de la direction sont tous des femmes. Dans les opérations de détention en zone extraterritoriale, et dans le contexte de la détention par des forces en campagne et de la détention sur les bases opérationnelles avancées, il est plus difficile de garantir des infrastructures de détention séparées. Cependant, les experts ont relevé qu’il n’était pas nécessaire d’avoir des infrastructures entièrement séparées, pour autant que des mesures soient prises pour assurer la séparation physique des détenus, ainsi que leur sécurité. Les experts se sont entendus pour dire que lorsque la séparation totale n’était pas possible, il fallait quand même une                                                                                                                          116 Voir CG IV, article 76, par. 3 ; PA II, article 5, par. 2, al. a ; CG III, article 25, par. 4 ; Étude sur le droit coutumier, règle 119 ; Ensemble de règles minima, règle 8, al. a. 117 Voir PA II, article 5, par. 2, al. a ; Étude sur le droit coutumier, règle 119.

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séparation suffisante pour prévenir toute interférence avec la jouissance de la gamme entière des protections applicables aux conditions de détention.

La protection relative à la surveillance des femmes par des femmes ne posait pas de problèmes liés aux conflits armés non internationaux dans les centres de détention à long terme. Cependant, pour la détention par des forces en campagne ou sur les bases opérationnelles avancées, il se peut que dans certaines situations il n’y ait pas de surveillantes ou qu’elles ne soient pas disponibles en raison des hostilités. Un expert a décrit la pratique consistant à demander une supervision supplémentaire lorsqu’il était temporairement impossible que des femmes surveillent les détenues. Les experts ont aussi noté la possibilité de trouver des moyens de garantir – lorsque des femmes ne pouvaient pas être affectées à la surveillance du centre de détention à plein temps – que seules des femmes aient des contacts directs avec des détenues. Un autre a insisté sur l’importance de la formation et du suivi pour prévenir les abus : les exemples incluaient les systèmes de surveillance et les mécanismes permettant aux femmes de déposer des plaintes sans craindre de représailles.

b) Soins de santé

Les dispositions suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Des services de santé spécifiques aux femmes au moins équivalents à ceux offerts à l’extérieur doivent être assurés aux détenues118.

2. Les mesures de santé préventives particulièrement importantes pour les femmes, comme le test de Papanicolaou et le dépistage du cancer du sein et des cancers gynécologiques, doivent être offertes aux détenues au même titre qu’aux femmes du même âge à l’extérieur119.

3. Si une détenue demande à être examinée ou traitée par une femme médecin ou une infirmière, sa demande doit être satisfaite dans la mesure du possible, sauf lorsque la situation exige une intervention médicale d’urgence120.

4. Si l’examen est effectué par un homme, contrairement aux desiderata de la détenue, un membre du personnel de sexe féminin doit y assister121.

5. Le personnel médical est le seul présent lors des examens médicaux, sauf si le médecin estime que les circonstances sont exceptionnelles ou qu’il demande la présence d’un

                                                                                                                         118 Voir Règles de Bangkok, règle 10, par. 1. 119 Voir Règles de Bangkok, règle 18. 120 Voir Règles de Bangkok, règle 10, par. 2. 121 Voir Règles de Bangkok, règle 10, par. 2.

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membre du personnel pénitentiaire pour des raisons de sécurité ou encore si la détenue demande expressément une telle présence122.

6. Si la présence d’un membre du personnel pénitentiaire non médical est nécessaire lors d’un examen médical, il doit être fait appel à une femme et l’examen doit être réalisé de manière à garantir le respect de la vie privée, la dignité et la confidentialité123.

7. Les locaux hébergeant les détenues doivent comporter les installations et les fournitures nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques des femmes en matière d’hygiène, notamment des serviettes hygiéniques fournies gratuitement, et doivent être régulièrement approvisionnés en eau pour les soins personnels des femmes et de leurs enfants, en particulier pour les femmes devant cuisiner, les femmes enceintes, les mères allaitantes ou les femmes ayant leurs menstruations124.

Les protections mentionnées ci-dessus ne semblaient pas soulever de préoccupations propres aux conflits armés non internationaux concernant les lieux de détention à long terme. Il a été relevé, cependant, que l’exigence que les femmes reçoivent des soins de santé spécifiques aux femmes au moins équivalents à ceux offerts à l’extérieur ne les protégeait pas suffisamment contre le risque de discrimination dans la communauté locale concernée. Ce risque était considéré particulièrement important dans les opérations de détention en zone extraterritoriale – lorsque les pratiques de la communauté locale peuvent être totalement différentes de celles des forces détentrices –, mais il était également présent dans les opérations de détention internes. Selon les experts, une protection adéquate exigerait le respect d’une norme d’égalité de service pour les hommes et les femmes.

Dans le contexte de la détention par des forces en campagne et de la détention sur les bases opérationnelles avancées, la majeure partie de la discussion sur les soins de santé pour les femmes tournait autour de l’éventuelle absence de femmes médecins et de soins de santé spécifiques aux femmes. Les exemples de pratiques dans ces circonstances consistaient notamment à veiller à ce qu’un membre du personnel de sexe féminin – et, si nécessaire, une interprète – soit toujours présent lorsqu’une femme était examinée par un homme. Il a aussi été fait remarquer que les mesures de santé préventives étaient plus adaptées aux lieux de détention à long terme et moins susceptibles d’être nécessaires dans les situations de détention à court terme. La disponibilité des installations et fournitures nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques des femmes en matière d’hygiène a aussi été jugée plus réalisable dans les lieux de détention à long terme que pendant une détention de courte durée.

Les experts ont souligné que pour optimiser la possibilité de fournir ces protections, il était absolument nécessaire de planifier la composition des forces concernées et de former le personnel à la gestion des femmes détenues.                                                                                                                          122 Voir Règles de Bangkok, règle 11, par. 1 et 2. 123 Voir Règles de Bangkok, règle 11, par. 1 et 2. 124 Voir Règles de Bangkok, règle 5.

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c) Femmes enceintes ou allaitant leurs enfants

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les détenues qui sont enceintes ou qui allaitent doivent recevoir des conseils sur leur santé et leur régime alimentaire dans le cadre d’un programme établi et suivi par un professionnel de la santé qualifié125.

2. Les autorités détentrices doivent fournir gratuitement aux femmes enceintes, aux nourrissons, aux enfants et aux mères allaitantes une nourriture adéquate et apportée en temps voulu, un environnement sain et la possibilité de faire régulièrement de l’exercice126.

3. Les besoins médicaux et nutritionnels des détenues ayant récemment accouché, mais dont l’enfant ne séjourne pas avec elles en prison, doivent être inclus dans les programmes de traitement127.

4. Les détenues ne doivent pas être dissuadées d’allaiter leur enfant, si ce n’est pour des raisons de santé bien précises128.

5. Le régime cellulaire ou l’isolement disciplinaire ne doivent pas s’appliquer comme punition aux femmes qui sont enceintes, qui allaitent ou qui ont avec elles un enfant en bas âge129.

6. Les moyens de contrainte ne doivent jamais être utilisés sur des femmes pendant le travail, l’accouchement ou immédiatement après l’accouchement130.

Les experts n’ont pas soulevé de préoccupations propres aux conflits armés non internationaux concernant les protections mentionnées ci-dessus. Plusieurs ont relevé qu’il était difficile d’imaginer que leurs propres forces puissent retenir des femmes enceintes dans un conflit armé non international. Néanmoins, ils ont admis que des femmes enceintes étaient effectivement détenues dans des conflits armés non internationaux et que ces protections étaient essentielles.

Un expert a pensé que la protection contre le régime cellulaire ou l’isolement disciplinaire comme punition n’allait pas assez loin et qu’il devrait y avoir des restrictions générales sur l’isolement des femmes enceintes. Un autre expert appelait à la prudence à cet égard, parce que vu le très petit nombre de femmes enceintes en détention, le fait de les séparer des détenus et des condamnés pourrait entraîner leur isolement de facto et leur enfermement cellulaire.                                                                                                                          125 Voir Règles de Bangkok, règle 48, par. 1. 126 Voir Règles de Bangkok, règle 48, par. 1. 127 Voir Règles de Bangkok, règle 48, par. 3. 128 Voir Règles de Bangkok, règle 48, par. 2. 129 Voir Règles de Bangkok, règle 22. 130 Voir Règles de Bangkok, règle 24.

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d) Femmes vivant avec des enfants ou recevant la visite d’enfants

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. La décision d’autoriser un enfant à séjourner avec sa mère en prison doit être fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant131.

2. Les enfants en prison avec leur mère ne doivent jamais être traités comme des détenus132. 3. Si une détenue est accompagnée d’un enfant, celui-ci doit également subir un examen

médical, de préférence par un pédiatre, pour déterminer les soins médicaux qui pourraient être nécessaires133.

4. Des soins de santé adaptés, au moins équivalents à ceux qui sont offerts à l’extérieur, doivent lui être dispensés134.

5. Les enfants vivant avec leur mère en prison doivent pouvoir bénéficier à tout moment de services de soins de santé primaires et leur développement doit être suivi par des spécialistes, en collaboration avec des services de santé de l’extérieur135.

6. Il faut faire en sorte que les détenues séjournant en prison avec leurs enfants puissent passer le plus de temps possible avec eux136.

7. Les conditions dans lesquelles l’enfant est élevé doivent être aussi proches que possible de celles dont bénéficie un enfant vivant hors du milieu carcéral137.

8. Les décisions concernant le moment où l’enfant sera séparé de sa mère doivent être prises sur la base d’évaluations individuelles et de l’intérêt supérieur de l’enfant138.

9. Le transfert de l’enfant hors de la prison doit être opéré avec tact, uniquement lorsqu’une autre solution de prise en charge a été trouvée et, dans le cas d’une détenue de nationalité étrangère, en consultation avec les autorités consulaires139.

10. Lorsque les enfants ont été séparés de leur mère, les détenues doivent se voir accorder le maximum de possibilités et de facilités pour les rencontrer, si cela correspond à l’intérêt supérieur des enfants et ne compromet pas la sécurité publique140.

11. Les visites auxquelles des enfants prennent part doivent se dérouler dans un cadre propre à faire de la visite une expérience positive, y compris le climat résultant de l’attitude du personnel pénitentiaire, et doivent permettre des contacts directs entre la mère et

                                                                                                                         131 Voir Règles de Bangkok, règle 49. 132 Voir Règles de Bangkok, règle 49. 133 Voir Règles de Bangkok, règle 9. 134 Voir Règles de Bangkok, règle 9. 135 Voir Règles de Bangkok, règle 51, par. 1. 136 Voir Règles de Bangkok, règle 50. 137 Voir Règles de Bangkok, règle 51, par. 2. 138 Voir Règles de Bangkok, règle 52, par. 1. 139 Voir Règles de Bangkok, règle 52, par. 2. 140 Voir Règles de Bangkok, règle 52, par. 3.

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l’enfant. Les visites supposant un contact prolongé avec les enfants devraient être, si possible, encouragées141.

En évaluant les incidences pratiques des protections relatives aux femmes séjournant avec leurs enfants en prison, la plupart des experts estimaient que les décisions devraient généralement avoir pour objectif l’intérêt supérieur de l’enfant. D’autres ont avancé des d’autres considérations comme la sécurité de l'État et le traitement humain des détenus. Certains experts ont fait remarquer que les protections mentionnées ci-dessus devraient également s’appliquer aux situations où les enfants séjournent avec leur père en détention. La seule considération potentielle liée aux conflits armés était qu’il pourrait ne pas être possible de transférer un enfant étranger hors de la prison en consultation avec des autorités consulaires lorsqu’il n’y a pas de relations diplomatiques entre les États en question.

Concernant les visites des enfants à leurs parents, les experts ont reconnu la nécessité de prendre des précautions de sécurité pour empêcher toute communication relative aux activités hostiles ou introduction d’articles interdits dans le lieu de détention, bien qu’il ait aussi été souligné que les protections telles que formulées ci-dessus étaient suffisamment flexibles pour en tenir compte.

Un expert a déclaré qu’il n’était pas du tout approprié d’étendre les protections relatives aux visites aux combattants détenus. Comparant ces combattants aux prisonniers de guerre dans les conflits armés internationaux, l’expert a argué que la troisième Convention de Genève ne prévoit pas de visites familiales d’aucune sorte, pas même des enfants. D’autres participants, cependant, ont déclaré que même dans le cas de combattants détenus, l’intérêt supérieur de l’enfant devrait primer.

e) Violences et abus sexuels

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Si une détenue a subi des violences sexuelles, elle doit être avisée de son droit de saisir la justice et être pleinement informée des procédures et mesures que cela implique142.

2. Si une détenue décide d’engager une action en justice, le personnel concerné doit en être averti et saisir immédiatement l’autorité compétente afin qu’une enquête soit menée143.

3. Les autorités détentrices doivent aider les détenues à accéder à une aide judiciaire144.

                                                                                                                         141 Voir Règles de Bangkok, règle 28. 142 Voir Règles de Bangkok, règle 7. 143 Voir Règles de Bangkok, règle 7. 144 Voir Règles de Bangkok, règle 7.

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4. Des mesures concrètes doivent être mises en place pour éviter toute forme de représailles à l’encontre des détenues qui dénoncent de telles violences ou qui saisissent la justice145.

5. Les détenues qui ont été victimes de violences sexuelles, et en particulier celles qui sont tombées enceintes à la suite de telles violences, doivent recevoir un avis et des conseils médicaux appropriés et se voir offrir les soins de santé physique et mentale, l’appui et l’aide juridique requis146.

6. Le droit des détenues à la confidentialité de leur dossier médical, y compris plus précisément leur droit de refuser de divulguer des informations ou de se soumettre à des examens médicaux concernant leurs antécédents en matière de santé de la reproduction, doit toujours être respecté147.

La mise en œuvre, dans les conflits armés non internationaux, des protections mentionnées ci-dessus, n’a pas donné lieu à des préoccupations majeures. Les experts ont souligné l’importance de ces protections, signalant que les détenues dépendaient entièrement des autorités détentrices pour le soutien médical, psychosocial et juridique.

Un expert a attiré l’attention sur le fait que dans les conflits armés non internationaux extraterritoriaux, il ne sera pas toujours possible de saisir la justice, du moins si l’on entend par « justice » les tribunaux nationaux. Dans ces circonstances, les plaintes devraient être traitées par les institutions militaires compétentes.

Concernant les viols et les grossesses, la résolution 2122 (2013) du Conseil de sécurité des Nations Unies a été mentionnée, évoquant « la nécessité de ménager un accès sans discrimination à l’ensemble des services de santé sexuelle et procréative, y compris en cas de grossesse résultant d’un viol ».

Certains experts ont fait remarquer que les hommes étaient eux aussi victimes d’abus sexuels et que les protections adéquates devraient également s’appliquer à eux.

f) Fouilles

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Des mesures concrètes doivent être prises pour préserver la dignité et l’estime de soi des détenues pendant les fouilles corporelles, qui ne doivent être réalisées que par du

                                                                                                                         145 Voir Règles de Bangkok, règle 7. 146 Voir Règles de Bangkok, règle 25, par. 2. 147 Voir Règles de Bangkok, règle 8.

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personnel féminin dûment formé aux méthodes de fouille appropriées et conformément aux procédures établies148.

2. D’autres méthodes de détection utilisant, par exemple, des scanners doivent être conçues pour remplacer les fouilles à nu et les fouilles corporelles intégrales et éviter ainsi les effets psychologiques, et éventuellement physiques, préjudiciables de telles fouilles149.

Garantir que les fouilles corporelles sont réalisées par des femmes posait peu de problèmes dans les lieux de détention à long terme. L’utilisation d’autres méthodes de détection était aussi jugée souhaitable, bien qu’il ait été mentionné que les scanners ne peuvent pas toujours repérer certains objets dangereux et que des fouilles manuelles pourraient encore être nécessaires. La disponibilité de la technologie était aussi un facteur important.

La disponibilité de femmes pour réaliser les fouilles pourrait constituer un problème dans le contexte de la détention sur des bases opérationnelles avancées ou par des forces en campagne. Les experts ont relevé que les forces de combat sont souvent composées exclusivement d’hommes et qu’une certaine flexibilité serait requise. L’organisation et la formation soigneuse des patrouilles, pour qu’elles incluent des femmes, ont à nouveau été mises en avant comme un bon moyen d’appliquer ces protections. Les pratiques adoptées en l’absence de femmes incluaient par exemple la restriction des fouilles initiales à des fouilles corporelles sommaires en présence d’une autre personne, qui joue le rôle d’observateur. Si, après la fouille initiale, il y a des raisons de croire qu’une détenue dissimule des armes sur sa personne, elle sera transférée afin qu’une fouille plus approfondie puisse être réalisée par une femme.

Concernant les autres méthodes de détection, certains experts jugeaient qu’il était peu probable que des scanners soient disponibles sur les bases opérationnelles avancées. Cependant, un expert a expliqué que les scanners manuels et les détecteurs de mines pouvaient permettre de repérer les armes. Un expert a estimé irréaliste d'exiger des forces armées qu’elles aient à s’acquittent d’une telle obligation, étant donné que les États n’ont généralement pas de scanners ou d'autres technologies de détection dans un théâtre opérationnel.

g) Libération anticipée

La protection suivante, tirée du droit international en vigueur, a été soumise aux experts pour considération :

                                                                                                                         148 Voir Règles de Bangkok, règle 19. 149 Voir Règles de Bangkok, règle 20.

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Les parties au conflit s’efforceront de conclure, pendant la durée des hostilités, des accords en vue de la libération, du rapatriement, du retour au lieu de domicile ou de l’installation en pays neutre de certaines catégories de détenus, et notamment des femmes enceintes et des mères avec nourrissons et enfants en bas âge150.

Les experts ont précisé que la protection mentionnée ci-dessus concernait les détenues dont la détention continue serait légale mais pour qui des alternatives devraient être trouvées pour des raisons humanitaires. Les experts n’ont vu aucune difficulté liée à la recherche d’accords avec d’autres États, ou avec le CICR, concernant le rapatriement ou l’accueil de ces personnes. Ils étaient cependant préoccupés qu’un État puisse devoir conclure un accord avec une partie non étatique à un conflit, risquant ainsi de la légitimer de manière implicite. Cependant, au moins un expert a pensé que si l’accord en question était informel et conclu avec l’aide du CICR, il pourrait être plus acceptable. Les experts ont aussi relevé que la protection mentionnée ci-dessus ne prévoit pas d’accords avec l’adversaire, mais principalement avec des tierces parties qui peuvent apporter des solutions pour accueillir les détenues libérées.

h) Suivi et plaintes

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les services d’inspection, les missions de visite ou de contrôle ou les organes de supervision doivent comprendre des femmes151.

2. Les détenues qui font état de mauvais traitements doivent recevoir une protection, un appui et un soutien psychologique immédiats, et leur plainte doit faire l’objet d’une enquête de la part d’autorités compétentes et indépendantes, menée dans le respect du principe de confidentialité. Les mesures de protection doivent tenir compte en particulier des risques de représailles152.

Comme pour les autres protections, la disponibilité de personnel féminin était considérée comme un facteur important ; les experts estimaient que dans les conflits armés non internationaux, où les ressources militaires peuvent être limitées, l’inclusion de femmes dans les missions de contrôle ou les organes de supervision était particulièrement importante lorsqu’il y avait déjà une population carcérale féminine ou lorsqu’il était prévu que des femmes soient détenues.

                                                                                                                         150 Voir CG IV, article 132, par. 2. 151 Voir Règles de Bangkok, règle 25, par. 3. 152 Voir Règles de Bangkok, règle 25, par. 1.

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Concernant l’enquête menée par des autorités compétentes et indépendantes, des questions ont été soulevées au sujet de la signification exacte de l’adjectif « indépendant » : s’agit-il d’une entité extérieure aux forces armées ? Ou cela signifie-t-il simplement « indépendante de la chaîne de commandement du lieu de détention » ? La plupart des experts ont estimé que, pour que la protection ait un sens dans les opérations de détention en zone extraterritoriale, l’indépendance vis-à-vis de la chaîne de commandement était essentielle. Le degré d’indépendance pouvait varier, mais la personne traitant la plainte ne doit pas avoir de liens avec les personnes qui font l’objet de l’enquête. Dans les opérations de détention internes, un participant a pensé qu’il serait bien de disposer d’un mécanisme de surveillance entièrement externe.

2. Enfants

Cette section traite des enfants en tant que groupe particulièrement vulnérable de détenus. Les questions générales incluaient la définition même du groupe : faudrait-il faire une distinction entre un enfant et un adolescent ? Et comment les détenus seraient-ils classés en cas de doute sur leur âge ? Il y avait également une reconnaissance du fait que, dans la pratique, il peut quelquefois être difficile d'établir avec certitude l'âge d'une personne. Ces questions sont restées sans réponse et les discussions se poursuivront au fil du processus.

a) Notification de la détention, personne de contact et accès à un avocat

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Dès qu’un mineur est appréhendé, ses parents ou son tuteur sont informés immédiatement ou, si ce n’est pas possible, dans les plus brefs délais153.

2. Tout enfant privé de liberté a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par les visites, sauf circonstances exceptionnelles154.

3. Les enfants privés de liberté ont le droit d’avoir rapidement accès à une assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée155.

Les considérations liées aux conflits armés non internationaux relatives à l’enregistrement, à la notification et aux contacts avec le monde extérieur étaient les mêmes pour les enfants que pour la population carcérale en général.

                                                                                                                         153 Voir Règles de Beijing, règle 10.1. 154 Voir Convention relative aux droits de l’enfant, article 37, al. c ; Règles de Beijing, règle 26, par. 5. 155 Voir Convention relative aux droits de l’enfant, article 37, al. d.

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En général, les experts ont insisté sur la nécessité de disposer d’une assistance, car les enfants ne seront peut-être pas suffisamment âgés pour comprendre leurs droits et déposer des plaintes. Cependant, une protection spécifique qui a causé des préoccupations chez certains experts était de garantir un accès rapide à une assistance juridique. En cas de détention sur le territoire de l’État détenteur, cette protection ne semblait pas poser de problème. Cependant, dans les opérations de détention en zone extraterritoriale, l’accès à un avocat pourrait être impossible ou inapproprié, mais une autre forme d’assistance juridique pourrait être possible. Un expert a signalé que quelles que soient les circonstances, si la détention se déroule dans le cadre de poursuites pénales, l’accès à un avocat serait nécessaire.

Au sujet de ce qui constitue toute autre assistance appropriée, un expert a suggéré qu’un soutien psychosocial soit également fourni.

b) Conditions d’hébergement

La protection suivante, tirée du droit international en vigueur, a été soumise aux experts pour considération :

Tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant156.

Les considérations liées aux conflits armés non internationaux soulevées par rapport à la protection susmentionnée sont similaires à celles soulevées dans le cadre de la séparation des détenus : dans le contexte de la détention sur des bases d'opérations avancées, de la détention par les forces en campagne, et les situations temporaires de détention dans des installations improvisées ou ad hoc, les contraintes personnelles et d’infrastructure pourraient poser problème en matière de séparation.

c) Éducation

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

                                                                                                                         156 Voir CG IV, article 82, par. 2 ; Étude sur le droit coutumier, règle 120 ; Convention relative aux droits de l’enfant, article 37, al. c ; Ensemble de règles minima, règle 8, al. d.

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1. Les enfants détenus pourront suivre une formation scolaire ou, s’il y a lieu, professionnelle adéquate pour qu’ils ne soient pas désavantagés dans leurs études en quittant l’institution157.

2. Les enfants détenus pourront fréquenter des écoles soit à l’intérieur, soit à l’extérieur des lieux de détention158.

Concernant la fréquentation d’écoles à l’extérieur du lieu de détention, un expert a relevé que cette protection reflétait la nature non punitive de l’internement. Dans les opérations de détention sur le territoire de l’État détenteur, la protection pourrait peut-être être mise en œuvre dans les conflits armés non internationaux, mais elle dépendait beaucoup de facteurs tels que le contexte opérationnel et les motifs de la privation de liberté : son application serait difficile, en particulier lorsqu’un mineur est détenu pour sa participation directe aux hostilités, et susceptible de s’échapper. Il a aussi été relevé que les enfants couraient eux-mêmes des risques en étant exposés aux hostilités en allant à l’école.

Une autre considération propre aux opérations de détention en zone extraterritoriale était qu’il peut être difficile pour l’État détenteur de fournir à un enfant une éducation conforme aux normes ou attentes locales. Les opérations de détention internes ne posaient pas de problème à cet égard.

Un expert a fait remarquer que l’impact de l’interruption du cursus d’un enfant pouvait être atténué en veillant à ce que sa détention soit une mesure de dernier ressort. Deux experts ont décrit la pratique consistant à détenir les mineurs capturés, mais à les référer vers des organisations, notamment des organismes des Nations Unies, qui puissent se charger d’eux et les aider à réintégrer la société. Un des experts a dit que si aucune organisation compétente n’était disponible, l’enfant était désarmé et libéré.

d) Alimentation et exercice physique

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les enfants âgés de moins de 15 ans recevront des suppléments de nourriture proportionnés à leurs besoins physiologiques159.

2. Les jeunes détenus et les autres dont l’âge et la condition physique le permettent doivent recevoir pendant la période réservée à l’exercice une éducation physique et récréative160.

                                                                                                                         157 Voir PA II, article 4, par. 3, al. a ; Ensemble de règles minima, règle 77, par. 1 ; Règles de Beijing, règle 26.6. 158 Voir CG IV, article 94, par. 2. 159 Voir CG IV, article 89, par. 5.

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3. À cet effet, le terrain, les installations et l’équipement seront mis à leur disposition161.

Très peu de considérations liées aux conflits armés non internationaux ont été mentionnées concernant les protections présentées. Un expert a estimé qu’elles n’étaient appropriées que dans les centres de détention à long terme. Un autre a mentionné la pratique consistant à donner aux enfants toute la nourriture et les activités récréatives dont ils avaient besoin. Cependant, aucune formation formelle n’était dispensée.

e) Détenues mineures

Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les détenues mineures doivent avoir le même accès à l’éducation et à la formation professionnelle que leurs homologues masculins162.

2. Les détenues mineures doivent avoir accès à des programmes et services expressément conçus pour leur sexe et leur âge, tels qu’un soutien psychologique en cas de violences sexuelles163.

3. Les détenues mineures doivent recevoir une éducation sur la santé féminine et avoir régulièrement accès à des gynécologues, tout comme les détenues adultes164.

4. Si elles sont enceintes, les détenues mineures doivent recevoir un appui et des soins médicaux équivalents à ceux dispensés aux détenues adultes165.

5. Leur état de santé doit être suivi par un spécialiste, compte tenu du fait qu’elles peuvent courir un plus grand risque de complications pendant la grossesse en raison de leur âge166.

Aucune considération propre aux conflits armés non internationaux n’a été mentionnée au sujet des protections énumérées ci-dessus.

f) Enfants non accompagnés

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       160 Voir Ensemble de règles minima, règle 21, par. 2. 161 Voir CG IV, article 94, par. 3 ; Ensemble de règles minima, règle 21, par. 2. 162 Voir Règles de Bangkok, règle 37. 163 Voir Règles de Bangkok, règle 38.  164 Voir Règles de Bangkok, règle 38 165 Voir Règles de Bangkok, règle 39 ; Règles de Beijing, règle 26.4. 166 Voir Règles de Bangkok, règle 39 ; voir les Règles de Beijing, règle 26.4.

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Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. Les autorités détentrices devront pourvoir à l’entretien des enfants dépendant des détenus, s’ils sont sans moyens suffisants de subsistance ou incapables de gagner eux-mêmes leur vie167.

2. Les autorités compétentes se soucieront en particulier d’assurer, dans de bonnes conditions, la garde des enfants laissés sans surveillance168.

Concernant la fourniture d’un soutien aux personnes dépendant des détenus, certains experts ont jugé important de tenir compte du fait que dans les conflits armés non internationaux, les familles peuvent être affiliées aux forces ennemies, et que des fonds destinés à un objectif humanitaire peuvent être utilisés pour financer des activités hostiles. Au moins un expert a estimé que cette protection était excessive.

Concernant la nécessité d’assurer la garde des enfants laissés sans surveillance, les experts ont jugé que dans les opérations de détention sur le territoire de l’État détenteur, la responsabilité de s’occuper de l’enfant incombait à l’État – bien que le degré d’intensité des hostilités et le contrôle du territoire exercé par la partie détentrice puissent avoir un impact sur les mesures possibles. Plusieurs experts ont affirmé que, dans les opérations extraterritoriales, l'État détenteur n’était pas juridiquement responsable du bien-être des membres de la famille d’un détenu, qui, selon eux, relève de la responsabilité de l'État hôte. L'un d'eux a fait une analogie avec la situation des prisonniers de guerre au titre de la troisième Convention de Genève, qui ne rend pas l'État détenteur responsable de membres de la famille. Selon d’autres participants, les forces ayant procédé à la capture n’abandonneraient pas les enfants non accompagnés, mais elles auraient des difficultés à assumer l’entière responsabilité de garantir leur bien-être à long terme, notamment car il se peut que les autres membres de la famille de l’enfant vivent dans des zones dangereuses pour les forces concernées. La possibilité de garantir la prise en charge d’un enfant non accompagné dépendait donc du degré de contrôle exercé sur le territoire concerné. Lorsque l’État détenteur ne contrôle que le centre de détention, la difficulté est maximale, mais lorsque les forces détentrices exercent un contrôle plus large sur le territoire, il est possible de s’engager à garantir le bien-être des enfants non accompagnés. Il a aussi été reconnu qu’une solution consisterait à confier l’enfant aux soins de l’État hôte.

g) Libération et alternatives à la détention                                                                                                                          167 Voir CG IV, article 81, par. 3. 168 Voir Ensemble de principes, principe 31.

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Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

1. L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible169.

2. L’autorité appropriée aura recours à la libération conditionnelle aussi souvent et aussi tôt que possible170.

Les protections mentionnées ci-dessus semblaient donner lieu à peu de considérations pratiques dans le contexte des opérations de détention interne.

Un expert a observé que dans les opérations de détention en zone extraterritoriale, la libération conditionnelle n’était pas possible si l’État détenteur n’avait pas le contrôle du territoire où le détenu était libéré – l’impossibilité de l’emprisonner à nouveau rendrait nulle la nature conditionnelle de la détention. Un autre expert a convenu qu’il était important, indépendamment des difficultés pratiques potentielles, de garantir que les autorités envisagent ces options, même s’il était impossible de les mettre en pratique dans certaines circonstances spécifiques. Les experts ont aussi pris note de la forte probabilité que les enfants aient été recrutés de force, et que leur simple retour dans leur famille atténue la menace qu’ils représentent.

Un moyen de garantir que la détention soit une mesure de dernier ressort dans les conflits armés non internationaux extraterritoriaux était simplement de faire connaître les risques associés à la participation aux hostilités. Un dialogue avec les membres de la communauté locale – anciens des tribus et autres figures d’autorité – soit directement, soit par l’intermédiaire des médias, pour expliquer les dangers auxquels les enfants s’exposent en s’engageant dans diverses activités liées aux conflits, a été mentionné comme approche efficace. Cependant, au moins deux experts ont estimé que cette approche de la détention comme mesure de dernier ressort était en fait moins adaptée à un contexte de conflit armé non international, puisque dans la plupart des cas il n'existe pratiquement aucun autre moyen d'atténuer le risque que représente le détenu. L'un d'eux a ajouté que dans de nombreux conflits armés non internationaux aujourd'hui, les activités hostiles de combattants détenus étaient motivées par des raisons idéologiques, et dans de nombreux cas même encouragés par les membres de la famille et la société en général.

Un des experts a attiré l’attention sur le fait que certaines privations de liberté visaient à garantir la sécurité dans le contexte de camps pour déplacés internes. Dans ces situations, les enfants peuvent être privés de liberté avec leur famille, ce qui constitue un obstacle à une libération anticipée.

3. Ressortissants étrangers                                                                                                                          169 Voir Convention relative aux droits de l’enfant, article 37, al. b ; Règles de Beijing, règle 19.1. 170 Voir Règles de Beijing, règle 28.1.

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Les protections suivantes, tirées du droit international en vigueur, ont été soumises aux experts pour considération :

• L’autorité détentrice groupera les détenus selon leur nationalité, leur langue et leurs coutumes171.

• Les détenus ressortissants d’un pays étranger pourront communiquer avec leurs représentants consulaires172.

Plusieurs opinions différentes ont été exprimées au sujet de l’accès des personnes détenues à leurs autorités consulaires dans le cadre des conflits armés non internationaux. Certains experts le considéraient comme une obligation juridique. Un expert – se référant à la décision de la Cour internationale de Justice dans l’affaire LaGrand173 – a décrit la pratique consistant à informer systématiquement les détenus étrangers de leur droit à une assistance consulaire et à demander aux autorités détentrices d’honorer toute requête d’exercer ce droit. Un autre expert a décrit la pratique selon laquelle l’État détenteur fournit aux détenus un accès aux autorités consulaires – comme l’exige la Convention de Vienne sur les relations consulaires – tout en se réservant le droit de refuser l’autorisation de bénéficier d’une assistance consulaire. D’autres experts étaient d’avis que les autorités détentrices étaient entièrement libres de décider d’accorder ou non un accès aux fonctionnaires consulaires dans les conflits armés non internationaux. Plusieurs experts ont aussi déclaré que tout contact entre un détenu et des autorités consulaires ne devrait se dérouler qu’avec le consentement du détenu.

Un expert a signalé que l’accès aux autorités consulaires n’était possible que lorsque les États concernés entretenaient des relations consulaires. Certains experts ont suggéré qu’en l’absence d’autorités consulaires, d’autres autorités diplomatiques, s’il y en a, devraient prendre leur place. Si aucun représentant de l’État du détenu ne peut accéder au lieu de détention, les autorités consulaires devraient alors être notifiées de la détention.

Dans les situations de détention à court terme suivies d’un transfert aux autorités locales, certains experts ont considéré qu’il était de la responsabilité de l’État territorial d’informer les ressortissants étrangers de leurs droits consulaires.

III. Évaluation pratique : considérations relatives à la protection des personnes détenues par des parties non étatiques aux conflits armés non internationaux

Après avoir donné leur avis sur les considérations pratiques que les États devraient garder à l’esprit en appliquant les diverses protections mentionnées dans la section précédente, les experts

                                                                                                                         171 Voir CG IV, article 82. 172 Voir Convention de Vienne sur les relations consulaires, article 36 ; Ensemble de règles minima, règle 38. 173 Affaire LaGrand (Allemagne c. États-Unis d’Amérique), Cour internationale de Justice, arrêt du 27 juin 2001.

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ont été invités à donner leur avis sur les implications qu’aurait l’application de ces protections pour les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux. Un facteur clé était la diversité des acteurs non étatiques et des groupes armés qui peuvent participer aux conflits armés non internationaux et les différences de capacités associées. Pour certains experts, il n’était pas difficile d’imaginer tous ces groupes fournir de la nourriture, de l’eau et des articles de première nécessité. Cependant, s’agissant des protections plus détaillées, l’identité du groupe en question jouait un grand rôle. Étant donné les limites de certains groupes en termes d’organisation et de ressources, il est peu probable qu’ils puissent fournir plus que des articles essentiels. D’autres, d’un autre côté, peuvent être si bien établis qu’ils auront leur propre système juridique et éducatif, permettant la mise en œuvre de protections plus détaillées.

De plus, les doutes des experts ne se limitaient pas aux capacités des acteurs non étatiques. Certains se sont aussi interrogés sur leur volonté de fournir des protections pourtant à leur portée. Nombre des protections étudiées requéraient simplement de s’abstenir de certains actes ou de prendre des mesures qui n’exigeaient pas de ressources financières ou autres. Cependant, certains experts doutaient que certains groupes armés non étatiques soient disposés à les fournir, voire tout simplement à reconnaître la légitimité de normes internationales.

Vu cette diversité des groupes armés, certains experts estimaient qu’il fallait trouver un équilibre entre la nécessité d’empêcher que le plus petit dénominateur commun devienne la norme dans toutes les situations, et la nécessité de garantir que des normes trop ambitieuses ne nuisent pas à des normes réalistes. Il a aussi été noté qu’un ensemble limité de règles contraignantes régissant la détention par les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux existe déjà dans le Protocole additionnel II et qu’il faudrait veiller à ce qu’il soit mis en œuvre, notamment en dispensant des formations aux groupes armés.

Des mesures visant à encourager les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux à respecter les règles ont aussi été étudiées. Certains experts ont relevé que la perspective de bénéficier d’un traitement positif en retour pouvait inciter certains groupes à respecter les règles dans les conflits armés internationaux. À la lumière des défis croissants en matière de respect par les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux, un expert a suggéré de repenser les mécanismes d'incitation existants, et de concevoir de nouvelles normes de manière à ce que les protections juridiques qui vont au-delà des garanties humanitaires de base soient subordonnées à un traitement réciproque. Les experts ont aussi relevé que le « privilège du combattant » – l’immunité contre les poursuites devant les tribunaux nationaux pour des actes de guerre conformes au DIH – n’existe que dans les conflits armés internationaux et non dans les conflits armés non internationaux, et mais qu’il constitue une bonne incitation à respecter les règles.

Les autres points détaillés formulés par les experts au sujet des acteurs non étatiques et des protections spécifiques incluaient les considérations suivantes :

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Concernant la séparation des détenus, certains experts doutaient que les acteurs non étatiques puissent disposer de lieux de détention distincts. Certains d’entre eux trouvaient aussi difficile d’imaginer que les États acceptent une protection qui exigerait qu’un acteur non étatique sépare les détenus pénaux des autres détenus, alors qu’aucun État ne serait prêt à accepter que ces groupes aient le droit d’engager des poursuites pénales. Cependant, un expert a argué que l’illégalité de l’acte en droit national n’empêche pas d’envisager des protections humanitaires au cas où il serait commis. À cet égard, les experts ont attiré l’attention sur la difficulté d’éviter de légitimer des acteurs non étatiques tout en garantissant des protections pour le personnel militaire capturé. Il semblait néanmoins que les experts s’entendaient pour dire que les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux devraient séparer les membres des forces étatiques des autres détenus.

Sur la question des soins médicaux, certains experts ont demandé ce que signifiait le terme « médecin qualifié » pour une partie non étatique à un conflit armé non international : la personne doit-elle être en possession de diplômes délivrés par le gouvernement ennemi ? Des questions similaires ont été soulevées au sujet des protections relatives à la déontologie et à la fourniture de soins médicaux conformes à la loi et à la politique nationales sur les soins de santé. De plus, les experts se sont demandé comment les groupes pourraient honorer leur obligation de transférer les patients qui en ont besoin vers des infrastructures médicales adéquates, quand celles-ci étaient probablement des hôpitaux publics. Un expert a attiré l’attention sur l’importance d’inclure certaines interdictions claires, comme les expérimentations médicales et les transfusions sanguines forcées. Il semblait au moins y avoir consensus sur le fait que les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux devraient fournir un accès adéquat aux soins médicaux.

Concernant l’enregistrement et la notification, les experts estimaient que les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux devraient avoir des obligations claires ; les considérations pratiques à cet égard étaient un peu semblables à celles que les États devaient prendre en compte. Par exemple, un expert a signalé que les acteurs non étatiques pourraient devoir temporairement taire des informations sur l’emplacement exact du lieu de détention pour des raisons de sécurité –encore plus peut-être que les États. Cependant, ils trouveraient inacceptable d’éviter l’enregistrement et la notification pendant une période prolongée. Pour ce qui est des personnes à avertir, l’envoi d’informations aux familles des détenus, à leur gouvernement et au CICR était considéré important et réalisable. Les experts ont aussi dit que les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux doivent fournir tous les détails possibles sur la santé des détenus et accorder un accès au CICR.

Concernant les conditions de logement, les infrastructures et l’emplacement du lieu de détention, des doutes ont été exprimés au sujet de la capacité des groupes armés non étatiques à construire et à entretenir des structures de détention spécifiques conformes à l’ensemble des protections étudiées.    

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Une autre question clé est celle du contact avec le monde extérieur. Il a été noté que, comme de nombreux groupes armés non étatiques ne sont pas sensibles aux mécanismes de surveillance et de contrôle externes, le contact avec le monde extérieur pourrait être la seule façon de s’assurer que les détenus disposent bien de toutes les protections nécessaires. En particulier, les experts ont dit, les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux doivent laisser le CICR accéder à leurs détenus.

Sur la question des sanctions disciplinaires, les experts ont dit que s’abstenir d’imposer les châtiments énumérés n’était en aucun cas une question de ressources et que les acteurs non étatiques pouvaient facilement s’y plier. Un expert pensait qu’il serait utile de décrire ces interdictions plus en détail pour les acteurs non étatiques.

Concernant les activités intellectuelles, éducatives et récréatives, les experts ont fait remarquer qu’il pourrait être difficile pour les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux de fournir des équipements à cette fin ; ils ont aussi attiré l’attention sur la nécessité de garantir que cette protection ne soit pas utilisée à des fins d’endoctrinement. Dans le même temps, il a été noté que l’accès au monde extérieur devrait être une garantie fondamentale, car il ne nécessite pas de ressources particulières.

Au sujet des plaintes et des requêtes des détenus aux mains des parties non étatiques aux conflits armés non internationaux, les experts ont eu des difficultés à imaginer qu’un acteur indépendant et impartial puisse être disponible, vu la relative simplicité, en termes d’organisation, de nombreux groupes armés et l’absence de mécanismes judiciaires ou équivalents. D’un autre côté, certains experts pensaient qu’une définition large de l’« indépendance » était une norme à laquelle les groupes armés pourraient se conformer.

Concernant l’accès à l’aide humanitaire et autres articles, les protections étaient jugées applicables, du moins pour les parties non étatiques aux conflits armés non internationaux qui pouvaient placer leurs détenus dans un centre stable. Pour les groupes armés qui se déplacent en permanence, et qui emmènent leurs détenus avec eux, il serait difficile d’organiser la livraison régulière de ces articles. Néanmoins, certains experts ont signalé qu’il était particulièrement important pour les groupes armés de permettre ces envois, si possible, car ils sont encore plus susceptibles que les États d’avoir besoin d’une assistance externe pour répondre aux besoins des détenus.

Pour ce qui est des femmes et des enfants, les experts étaient très favorables à l’application, dans la mesure du possible, des mêmes protections que pour les États. Certaines difficultés pratiques similaires ont été définies : par exemple, les acteurs non étatiques auraient encore plus de difficultés que les États à déterminer l’âge des détenus quand il n’est pas immédiatement manifeste que ce sont des enfants. La réponse aux besoins des femmes enceintes et les protections contre les violences et les abus sexuels étaient jugées particulièrement importantes ;

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les experts estimaient qu’il pourrait être particulièrement efficace de sensibiliser les groupes armés à ces questions.

Concernant le traitement réservé aux ressortissants étrangers en tant que groupe vulnérable de détenus, il a été souligné que l’accès à une assistance consulaire soulèverait plusieurs problèmes, car les relations diplomatiques, par définition, sont nouées par des États.

IV. Définition des « éléments de protection »

Cette section résume les opinions des experts sur les questions spécifiques qui devraient être couvertes dans tout renforcement du DIH applicable aux conflits armés non internationaux. Elle reproduit les éléments de protection que le CICR a présentés à la réunion et recense ceux qui devraient, selon les experts, être inclus dans un renforcement du droit. Elle précise aussi quand les experts ont suggéré d’inclure des éléments supplémentaires ou de réviser les éléments proposés.

Comme mentionné précédemment, la locution « éléments de protection », ici, ne désigne que les types de protection qui seraient couverts ; elle ne couvre pas le contenu normatif des protections. La formulation des exigences auxquelles l’autorité détentrice devrait satisfaire pour chaque élément sera traitée ultérieurement.

 

A. Conditions de détention

1. Alimentation et eau

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Quantité de nourriture • Qualité de la nourriture • Régime alimentaire habituel du détenu • Heures des repas • Suffisance de l’eau potable et accès à l’eau potable

Aucun autre élément n’a été suggéré.

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2. Hygiène

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Présence et accessibilité d’installations sanitaires dans les lieux de détention • Présence d’installations d’hygiène dans les lieux de détention • Temps alloué à l’hygiène corporelle • Fourniture des articles nécessaires à l’entretien de l’hygiène • Présence d’espaces pour les soins de toilette • Temps alloué aux soins de toilette

Les experts ont aussi suggéré d’ajouter une référence explicite au droit à l’intimité, en particulier en relation avec l’accès aux installations sanitaires.

3. Habillement

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Acquisition de ses propres vêtements • Mise à disposition de vêtements par les autorités détentrices • Remplacement et réparation des vêtements mis à disposition par les autorités

détentrices • Qualité et quantité des vêtements mis à disposition, en fonction du climat et de l’état

de santé des détenus • Protections contre les vêtements humiliants ou dégradants

Dans le cadre des discussions, les experts ont fait des suggestions relatives à l’inclusion éventuelle d’éléments de protection supplémentaires. L’un d’eux a suggéré que dans certaines circonstances, des vêtements de protection soient fournis aux détenus, notamment des vêtements de protection contre le feu, un masque à gaz en cas de risque d’exposition à des armes chimiques, ou des gilets pare-balles si les détenus sont déplacés d’un endroit à l’autre sous les tirs. Un autre expert a pensé qu’il faudrait explicitement mentionner la fourniture d’articles de couchage et de linge adéquats.

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4. Séparation des catégories de détenus

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Séparation des détenus par catégories.

Aucun autre élément n’a été suggéré.

5. Soins médicaux

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Existence et caractère adéquat des structures médicales dans les lieux de détention • Compétences du personnel médical • Qualité des soins médicaux • Circonstances donnant lieu au transfert de patients vers d’autres structures pour y

être soignés • Coût des soins pour le détenu • Langue et nationalité des fournisseurs de soins de santé • Premiers tests médicaux • Examens médicaux réguliers • Accès des détenus aux soins médicaux dont ils ont besoin • Conservation et divulgation des dossiers médicaux • Rôle du personnel médical en matière de conseils aux autorités détentrices sur les

conditions de détention • Protection du personnel médical dispensant un traitement • Respect de la déontologie

Un expert a estimé que les examens médicaux réguliers ne devraient pas constituer un élément de protection, et a expliqué que si l'État détenteur dispense un traitement médical accessible et rapide sur appel, les examens médicaux réguliers risquent de créer une charge financière excessive n’ayant pas de valeur ajoutée significative. Certains experts estimaient qu’il était nécessaire d’ajouter des obligations négatives : par exemple l’interdiction de réaliser des expérimentations ou des tests médicaux sur les détenus. Les experts ont aussi pensé qu’il était important que les détenus puissent exprimer toute préoccupation qu’ils pourraient avoir concernant la qualité des soins médicaux qu’ils reçoivent.

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6. Religion

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• La pratique religieuse • La possibilité d’assister aux services • La présence de représentants religieux dans les lieux de détention • La disponibilité de locaux où conduire des services religieux • L’accès aux textes religieux

Les experts ont suggéré que le droit de ne pratiquer aucune religion et de ne pas assister aux services religieux soit aussi mentionné.

7. Enregistrement

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Premier enregistrement des personnes privées de liberté • Enregistrement des changements de situation des personnes privées de liberté • Qualité des informations recueillies sur les personnes privées de liberté

Aucun autre élément n’a été suggéré.

8. Notification

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Notification de la détention ou des changements de situation des détenus • Destinataire(s) de la notification, circonstances déterminant qui sera notifié et le rôle

des organisations humanitaires

Aucun autre élément n’a été suggéré.

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9. Contacts avec le monde extérieur

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Possibilité d’envoyer des lettres et des cartes, ou de communiquer avec le monde extérieur par d’autres moyens

• Fréquence minimale des communications avec le monde extérieur • Première possibilité de communiquer avec le monde extérieur • Visites des proches des détenus

Aucun autre élément n’a été suggéré.

10. Effets personnels

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Les objets que les détenus sont autorisés à conserver • Les procédures à suivre pour enlever des objets aux détenus et les conserver durant

la détention • Les objets à valeur sentimentale ou personnelle • La restitution des objets à la libération • La gestion des documents d’identité • La gestion des médicaments et autres articles liés à la santé

Aucun autre élément n’a été suggéré.

11. Infrastructures, emplacement des lieux de détention et conditions d’hébergement

Les experts ont en majeure partie convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

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• Protection offerte par les infrastructures contre les dangers du conflit armé • Protection offerte par les infrastructures contre les rigueurs du climat • Qualité de l’hébergement en termes de température, de lumière (naturelle et

artificielle) et d’aération • Qualité de l’hébergement en termes d’espace • Protection contre le feu • Protection contre l’humidité • Qualité des conditions d’hébergement par rapport à celles des forces stationnées

dans la même région • Emplacement des lieux de détention en fonction de la santé des détenus • Emplacement des lieux de détention par rapport aux dangers posés par les hostilités • Emplacement des lieux de détention par rapport à la proximité de la famille des

détenus

Un expert a suggéré de ne pas inclure l’« emplacement des lieux de détention par rapport à la proximité de la famille des détenus » en raison des difficultés exposées durant l’évaluation pratique174. Il a été également suggéré de ne pas examiner la question de l'accès à la lumière naturelle (qui ne doit pas être confondue avec la question distincte de l'accès à l'extérieur). Les autres éléments suggérés par les experts comprenaient :

• l’espace par détenu ; • les mesures d’isolement ; • le transfert de lieux de détention à des tierces parties ; • la séparation des forces de combat et des forces affectées aux activités de

détention.

12. Enfermement

La plupart des experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir l’élément de protection suivant :

• Degré d’enfermement

Cependant, un expert était réticent à s’inspirer trop directement de la troisième Convention de Genève, préférant une approche plus générale pour garantir que les régimes d’internement conservent leur nature non punitive.

                                                                                                                         174 Voir section II (B)(11).

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13. Accès à l’extérieur et à l’exercice physique

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Possibilité de faire de l’exercice physique • Possibilité d’être à l’extérieur • Temps alloué à l’exercice physique et temps passé à l’extérieur

Aucun autre élément n’a été suggéré.

14. Sanctions disciplinaires

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Considérations relatives à l’âge, au sexe et à l’état de santé du détenu • Mesures disciplinaires qui devraient être spécifiquement interdites • Protections relatives à l’isolement • Protections relatives à la durée des châtiments et à la rapidité de leur exécution • Protections relatives aux châtiments consécutifs • Énumération des infractions et des sanctions imposées par l’autorité détentrice • Garanties de procédure et possibilité pour le détenu d’être entendu

Il a été jugé que l’utilisation des mesures de contrainte comme punition devrait aussi être réglementée. Certains experts ont émis des réserves au sujet de l’examen de punitions spécifiques interdites. Un autre élément portait sur l’emploi de mesures de contrainte comme punition. Les experts ont aussi suggéré d’inclure des dispositions relatives à un système de surveillance de l’utilisation des mesures disciplinaires, pour garantir qu’elles ne soient pas utilisées de façon inopportune.

15. Activités intellectuelles, éducatives et récréatives

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

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• Rôle de l’autorité détentrice dans la fourniture de ces activités en général • Disponibilité des locaux et de l’équipement nécessaires pour ces activités dans les

lieux de détention • Présence de bibliothèques dans les lieux de détention • Éducation dans les lieux de détention

Un expert a attiré l’attention sur la nécessité de protéger la liberté du détenu de ne pas participer à ces activités. Un autre pensait que la « présence de bibliothèques dans les lieux de détention » devrait être remplacée par un élément traitant de la disponibilité de livres.

16. Accès à l’aide humanitaire et autres articles

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Accès à l’aide humanitaire • Types d’articles que les détenus peuvent recevoir

Aucun autre élément n’a été suggéré.

17. Plaintes et requêtes

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Possibilité de présenter des requêtes et des plaintes • Possibilité qu’un avocat ou d’autres personnes présentent des requêtes et des plaintes

au nom d’un détenu • Autorités à qui les requêtes et les plaintes peuvent être adressées • Responsabilité des autorités de répondre aux requêtes ou aux plaintes • Protections relatives à la censure des plaintes • Protections relatives aux conséquences du dépôt de plainte • Recours en cas de retard dans le traitement d’une requête ou d’une plainte ou en cas

de rejet

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Certains experts estimaient que l’indépendance et l’impartialité de l’organe de réception des plaintes méritaient plus d’attention, comme la tenue d’un registre des plaintes pour en garder une trace.

B. Groupes particulièrement vulnérables

1. Femmes175

a) Séparation  et  surveillance  séparées  

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Conditions d’hébergement des femmes dans des locaux séparés de ceux des hommes

• Considérations relatives aux femmes en détention

Aucun autre élément n’a été suggéré.

b) Soins de santé et hygiène

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Disponibilité et qualité des services de santé spécifiques aux femmes • Mesures de santé préventives particulièrement importantes pour les femmes • Genre des prestataires de soins • Personnes pouvant assister aux examens médicaux • Besoins spécifiques des femmes en matière d’hygiène

Aucun autre élément n’a été suggéré.

a) Femmes enceintes ou allaitant leurs enfants Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :                                                                                                                          175 Les éléments de protection portant sur la séparation et l’hébergement des femmes, les soins de santé et l'hygiène, les femmes enceintes ou allaitant leurs enfants, ainsi que les femmes vivant avec des enfants ou recevant la visite d’enfants ont été omis dans le projet distribué aux experts. Les sections 1 à 4 ci-dessous n’ont donc pas été examinées par les experts participant au processus de consultation.

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• Conseils médicaux et nutritionnels pour les femmes enceintes et les femmes qui allaitent

• Conditions sanitaires dans les lieux de détention pour les femmes enceintes, les nourrissons, les enfants et les mères qui allaitent

• Besoins médicaux et nutritionnels des femmes ayant récemment accouché • Allaitement en détention • Restrictions imposées au régime cellulaire ou à l’isolement disciplinaire des

femmes enceintes, des femmes qui allaitent ou qui ont avec elles un enfant en bas âge

• Restrictions imposées à l’utilisation de moyens de contrainte pendant et après le travail

Aucun autre élément n’a été suggéré.

a) Femmes vivant avec des enfants ou recevant la visite d’enfants

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Facteurs permettant de déterminer si les enfants peuvent rester avec leurs parents détenus

• Caractère approprié du traitement et de l’environnement pour les enfants vivant avec leurs parents en détention

• Soins de santé pour les enfants vivant avec leurs parents en détention • Facteurs permettant de déterminer quand il y a lieu de séparer les enfants de

leurs parents détenus • Conditions du transfert hors du milieu carcéral d’un enfant vivant avec un

parent • Visites des enfants à leurs parents détenus

Aucun autre élément n’a été suggéré.

b) Violences et abus sexuels

Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

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• Accès aux informations relatives aux recours judiciaires possibles en cas d’abus sexuels

• Soumission des cas d’abus sexuels aux autorités compétentes • Protection contre les représailles pour avoir dénoncé des abus sexuels • Soutien et conseils médicaux pour les femmes ayant subi des abus sexuels • Secret médical pour les femmes qui ont subi des abus sexuels

Plusieurs autres éléments ont été mentionnés et pourraient être inclus :

• Accès à des services de santé sexuelle et reproductive • Détection des abus sexuels et prise en charge de leurs conséquences • Mécanismes d’identification des victimes de mauvais traitements • Mécanismes de prévention des abus sexuels par les autorités détentrices, par

exemple mécanismes de surveillance et de redevabilité dans le système de détention

• Mécanismes de compte rendu et d’enquête tenant compte des besoins des victimes – par exemple, avec du personnel féminin – et qui ne soient pas uniquement activés par les victimes

• Formation des médecins et du personnel des prisons à la prise en charge des cas d’abus sexuels

• Protection pour les garçons et les hommes contre les violences et les abus sexuels.

c) Fouilles Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Procédures à suivre pour la fouille des femmes • Sexe et formation des autorités chargées de fouiller les femmes • Autres méthodes de détection

Un expert a suggéré d’inclure une mention explicite au droit à l’intimité.

d) Libération anticipée Les experts ont en majeure partie convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Libération anticipée des femmes détenues

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Cependant, un participant a suggéré de reformuler cette disposition pour la rendre plus précise, et proposé « conditions de libération anticipée des femmes ».

e) Surveillance et plaintes Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Composition hommes-femmes des organes de surveillance • Protection, soutien et conseils pour les femmes qui dénoncent des mauvais

traitements • Investigation des accusations de mauvais traitements • Nature de l’organe d’investigation • Confidentialité des plaintes • Protection contre les représailles

Les experts ont aussi souligné l’importance de surveiller en amont les abus sexuels ou autres et de mettre en place des mécanismes de surveillance tenant compte des besoins propres aux femmes.

2. Enfants

a) Notification de la détention, personne de contact et accès à un avocat

Les experts ont en majeure partie convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Notification des proches des enfants détenus • Maintien de liens familiaux pour les enfants détenus • Accès des enfants détenus à un avocat

Certains experts pensaient que l’« accès à un avocat » devrait être modifié en « accès à une assistance juridique ou autre assistance appropriée ». Un expert pensait que les besoins des enfants dans ce domaine ressemblaient tellement à ceux des adultes qu’ils devraient peut-être être complètement laissés de côté.

b) Conditions d’hébergement

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Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir l’élément de protection suivant :

• Conditions d’hébergement des enfants par rapport aux adultes  

Aucun autre élément n’a été suggéré.

c) Éducation Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Qualité et contenu de l’éducation des enfants en détention • Accès des enfants détenus aux écoles à l’intérieur et à l’extérieur des centres de

détention.

Aucun autre élément n’a été suggéré.

d) Alimentation et exercice physique Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Besoins nutritionnels spécifiques des enfants • Besoins spécifiques des enfants en matière de loisirs et d’exercice physique • Équipements récréatifs et sportifs destinés aux enfants

Deux experts suggèrent d’omettre le terme ‘spécial’. Aucun autre élément n’a été suggéré.

e) Détenues mineures Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Besoins spécifiques des détenues mineures • Besoins spécifiques des détenues mineures qui sont enceintes

Il a été suggéré d’ajouter d’autres éléments traitant des violences sexuelles et des mauvais traitements physiques.

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Cependant, un expert n’était pas convaincu qu’il soit nécessaire de définir un sous-groupe de femmes vulnérables, vu que les normes couvrant l’ensemble de la population carcérale féminine s’appliqueraient. Un autre a fait remarquer qu’il était nécessaire de trouver un équilibre : les normes qui émergeront du document adopté seront reflétées dans des instructions à l’intention du personnel militaire ; plus elles sont longues, moins elles auront de chances de toucher les membres des forces armées. Les experts ont pris note que les détenues mineures formaient une catégorie qui tendait à être négligée, et la mise en avant de leurs besoins contribue à garantir que les autorités détentrices soient en position d’y répondre.

f) Enfants non accompagnés Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Soutien aux personnes à charge des détenus • Prise en charge des enfants de détenus laissés sans surveillance

Un expert a suggéré de couvrir le transfert de l’enfant aux autorités compétentes dans les conflits armés non internationaux extraterritoriaux.

g) Libération et alternatives à la détention Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

• Alternatives à la détention pour les enfants • Libération conditionnelle des enfants

Certains experts ont estimé que ces principes ne conviennent pas à un contexte de conflit armé non international, et ont relevé leur origine dans l'application des lois Certains experts ont suggéré de traiter aussi des conditions dans lesquelles la libération se déroulerait et de la façon dont la sécurité et le bien-être de l’enfant seraient garantis. Ils pensaient aussi que le risque qu’ils soient à nouveau recrutés en tant qu’enfants-soldats devrait être abordé.

3. Ressortissants étrangers Les experts ont convenu que tout renforcement du DIH devrait couvrir les éléments de protection suivants :

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• Séparation des catégories de détenus • Accès aux autorités consulaires

Il a aussi été relevé que, dans certains cas, les autorités consulaires proprement dites pourraient ne pas être disponibles, mais que d’autres autorités diplomatiques pourraient prendre leur place. Il a donc été suggéré d’élargir cette protection en évoquant l’« accès aux autorités consulaires ou autres autorités diplomatiques ».

4. Personnes âgées, personnes handicapées et autres groupes vulnérables

Les experts n’ont pas reçu d’éléments de protection spécifiques pour cette catégorie mais ont été invités à proposer leurs propres éléments. Sur la base des discussions, les possibilités incluent les protections suivantes :

• Préparation et formation des forces à la définition des groupes vulnérables et au dialogue avec ces groupes

• Composition de forces ayant les compétences nécessaires pour anticiper, repérer et satisfaire les besoins des groupes vulnérables.

 

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MISSION

Organisation impartiale, neutre et indépendante, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a la mission exclusivement humanitaire de protéger la vie et la dignité des victimes de conflits armés et d’autres situations de violence, et de leur porter assistance. Le CICR s’efforce également de prévenir la souffrance par la promotion et le renforcement du droit et des principes humanitaires universels. Créé en 1863, le CICR est à l’origine des Conventions de Genève et du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dont il dirige et coordonne les activités internationales dans les conflits armés et les autres situations de violence.

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