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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 58 (2010) 398–404 Article original Le jeune enfant sourd implanté cochléaire et l’observation des précurseurs du langage The young deaf child with cochlear implants and the language’s precursors V. Taly Laboratoire de psychologie clinique et de psychopathologie (EA 4056), institut de psychologie, université Paris Descartes, 71, avenue Édouard-Vaillant, 92100 Boulogne Billancourt, France Résumé Dans le cadre de notre travail en centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) « surdité », nous accueillons et prenons en charge de très jeunes enfants sourds. Dans ce contexte, nous nous intéressons aux précurseurs du langage oral, à l’émergence de celui-ci ainsi qu’aux styles d’interaction qui vont accompagner et soutenir ce processus notamment chez nos jeunes patients implantés cochléaires. Notre réflexion et nos observations s’inscrivent dans une double perspective théorique, à la fois neuroscientifique et psychodynamique. À partir d’une situation clinique de surdité acquise suite à une méningite à l’âge de trois mois, nous nous sommes engagées dans des consultations filmées pour suivre au plus près l’évolution langagière d’une jeune patiente. Ainsi, nous avons filmé plusieurs semaines une dyade mère/fillette implantée en situation d’interaction libre pendant une quinzaine de minutes, ainsi que nous-mêmes en interaction avec cette fillette pendant la même durée et avec un matériel identique à chaque séance. Ces enregistrements filmés ont débuté à partir du troisième réglage des prothèses, la fillette étant alors âgée de 13 mois et bénéficiant d’un double implant cochléaire (oreilles gauche et droite). À partir de ces séances d’observation « partagée » avec la mère accompagnée tantôt de l’orthophoniste, tantôt de la psychologue, nous avons tenté de dégager les précurseurs et l’émergence du langage chez cette petite fille sourde implantée. Nous vous proposons de vous exposer les premiers résultats de ce travail de recherche-action ancré dans la clinique du jeune enfant en CAMSP. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Surdité ; Enfant ; Implant cochléaire ; Langage Abstract Within the framework of our work in CAMSP “deafness”, we accomodate and deal with very young deaf children. In this context, we are interested in the precursors of the oral language, with the emergence of this one as with the styles of interaction, which will accompany and support this process in particular among our young patients with cochlear implants. Our reflexion and our observations fall under a double theoretical prospect, at the same time neuroscientific and psychodynamic. Starting from a clinical situation of deafness acquired following a meningitis at 3months old, we engaged in filmed consultations to follow to readiest the linguistic evolution of a young patient. Thus, we filmed several weeks a dyad mother/young girl with cochlear implants in free situation of interaction during about 15 min, like ourselves in interaction with this young girl for the same length of time and with a material identical to each meeting. These filmed recordings began starting from the third adjustment from the prostheses, the young girl being then 13-month-old and profiting from a double cochlear implants (ears left and right-hand side). From these meetings of observation “shared” with the mother accompanied sometimes by the speech therapist, sometimes of the psychologist, we tried to release the precursors and the emergence of the language in this small deaf girl with cochlear implants. We propose to you to expose yourselves the first results of this research task action anchored in the private clinic of the young child in CAMSP. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Deafness; Child; Cochlear implants; Language Adresse e-mail : [email protected]. 1. Introduction Dans le cadre de notre travail en CAMSP « surdité », nous accueillons et prenons en charge de très jeunes enfants sourds. 0222-9617/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2010.06.002

Le jeune enfant sourd implanté cochléaire et l’observation des précurseurs du langage

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Page 1: Le jeune enfant sourd implanté cochléaire et l’observation des précurseurs du langage

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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 58 (2010) 398–404

Article original

Le jeune enfant sourd implanté cochléaire et l’observation desprécurseurs du langage

The young deaf child with cochlear implants and the language’s precursors

V. TalyLaboratoire de psychologie clinique et de psychopathologie (EA 4056), institut de psychologie, université Paris Descartes,

71, avenue Édouard-Vaillant, 92100 Boulogne Billancourt, France

ésumé

Dans le cadre de notre travail en centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) « surdité », nous accueillons et prenons en charge de trèseunes enfants sourds. Dans ce contexte, nous nous intéressons aux précurseurs du langage oral, à l’émergence de celui-ci ainsi qu’aux styles’interaction qui vont accompagner et soutenir ce processus notamment chez nos jeunes patients implantés cochléaires. Notre réflexion et nosbservations s’inscrivent dans une double perspective théorique, à la fois neuroscientifique et psychodynamique. À partir d’une situation cliniquee surdité acquise suite à une méningite à l’âge de trois mois, nous nous sommes engagées dans des consultations filmées pour suivre au plus près’évolution langagière d’une jeune patiente. Ainsi, nous avons filmé plusieurs semaines une dyade mère/fillette implantée en situation d’interactionibre pendant une quinzaine de minutes, ainsi que nous-mêmes en interaction avec cette fillette pendant la même durée et avec un matériel identique àhaque séance. Ces enregistrements filmés ont débuté à partir du troisième réglage des prothèses, la fillette étant alors âgée de 13 mois et bénéficiant’un double implant cochléaire (oreilles gauche et droite). À partir de ces séances d’observation « partagée » avec la mère accompagnée tantôte l’orthophoniste, tantôt de la psychologue, nous avons tenté de dégager les précurseurs et l’émergence du langage chez cette petite fille sourdemplantée. Nous vous proposons de vous exposer les premiers résultats de ce travail de recherche-action ancré dans la clinique du jeune enfant enAMSP.2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Surdité ; Enfant ; Implant cochléaire ; Langage

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Within the framework of our work in CAMSP “deafness”, we accomodate and deal with very young deaf children. In this context, we arenterested in the precursors of the oral language, with the emergence of this one as with the styles of interaction, which will accompany and supporthis process in particular among our young patients with cochlear implants. Our reflexion and our observations fall under a double theoreticalrospect, at the same time neuroscientific and psychodynamic. Starting from a clinical situation of deafness acquired following a meningitis atmonths old, we engaged in filmed consultations to follow to readiest the linguistic evolution of a young patient. Thus, we filmed several weeksdyad mother/young girl with cochlear implants in free situation of interaction during about 15 min, like ourselves in interaction with this youngirl for the same length of time and with a material identical to each meeting. These filmed recordings began starting from the third adjustment

rom the prostheses, the young girl being then 13-month-old and profiting from a double cochlear implants (ears left and right-hand side). Fromhese meetings of observation “shared” with the mother accompanied sometimes by the speech therapist, sometimes of the psychologist, we triedo release the precursors and the emergence of the language in this small deaf girl with cochlear implants. We propose to you to expose yourselveshe first results of this research task action anchored in the private clinic of the young child in CAMSP.

2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

eywords: Deafness; Child; Cochlear implants; Language

Adresse e-mail : [email protected].

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222-9617/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.neurenf.2010.06.002

. Introduction

Dans le cadre de notre travail en CAMSP « surdité », nousccueillons et prenons en charge de très jeunes enfants sourds.

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V. Taly / Neuropsychiatrie de l’enfan

ans ce contexte, nous nous intéressons aux précurseurs duangage oral, à l’émergence de celui-ci ainsi qu’aux styles’interaction qui vont accompagner et soutenir ce processusotamment chez nos jeunes patients implantés cochléaires.otre réflexion et nos observations s’inscrivent dans une doubleerspective théorique, à la fois neuroscientifique et psychody-amique.

Nous mettons en parallèle la littérature relative à la sur-ité et notre illustration clinique de surdité acquise suite à uneéningite. Nous développerons les observations faites lors des

onsultations filmées pour suivre au plus prêt l’évolution de laommunication et les précurseurs du langage de notre jeuneatiente. Ainsi, nous nous proposons de vous présentez ce tra-ail d’observation « partagée » auprès d’une petite fille sourdemplantée avec sa mère accompagnée tantôt de l’orthophoniste,antôt de la psychologue.

. Surdité acquise de l’enfant

.1. Le cas de la méningite

Dix pour cent des méningites bactériennes (principalementpneumocoque ou méningocoque) entraînent une surdité de

erception.La surdité est neurosensorielle bilatérale avec une gravité

llant de légère à profonde. La perte auditive s’avère irréversiblet peut s’aggraver dans les mois qui suivent la méningite.

En 2003, Garabédian et al. soulignent le risque de fibroseuis d’ossification cochléaire bilatérale dans les cas de surditérofonde des suites d’une méningite, ils préconisent la pose’implant cochléaire sans tarder [1].

.2. Un passé d’entendant

Une surdité acquise implique qu’il y a eu un passé’entendant. L’enfant a entendu au cours de sa vie intra-utérineuis dans ses premiers mois de vie après la naissance. En effet,. Boysson-Bardies a recensé les différentes expériences qui ont

évélé les aptitudes et compétences du fœtus et du nourrisson enatière de discrimination auditive et langagière [2].Ces premières expériences auditives au cours de la vie intra-

térine et dans les premières semaines après la naissance ontermis un début de co-modalité sensorielle et ont laissé unempreinte plus ou moins prégnante dans l’organisation neu-océrébrale (mémoire auditive, circuits des aires auditives).r la co-modalité sensorielle est de plus en plus décrite

omme une variable importante dans le développement sen-oriel de l’enfant, notamment pour le langage. Desjardins., au sein du programme international pour le langage de

’enfant (PILE) mené à l’hôpital Necker, a développé une théo-ie sur l’enveloppe trans-sensorielle qu’elle appelle enveloppeogav (toucher–odorat–goût–audition–vue) comme détermi-ante parmi les précurseurs corporels et interactifs chez des

ébés entendants, pour l’accès ultérieur de l’enfant à la commu-ication et au langage [3].

Dans le cas de la surdité acquise, nous devons comprendreu’il y a eu perte de l’audition. Ce diagnostic de handicap acquis

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e l’adolescence 58 (2010) 398–404 399

ient bouleverser les représentations que la famille a de l’enfant,a communication et les interactions avec lui. . . provoquant chezes parents tantôt sidération, déni, deuil ou culpabilité. Commente représenter cet événement ?

.3. Cas clinique : Sylvie

Sylvie est la dernière-née, elle a deux grands frères, âgés de2 ans et quatre ans. Cette petite fille fut très attendue après deuxrossesses de garcon. La famille vit dans une région retirée.

À l’âge de trois mois, Sylvie a présenté une fièvre importante,endant trois jours, sa mère s’est rendue au dispensaire pour quea fille soit auscultée, le quatrième jour la situation ne s’étantas améliorée, l’enfant est conduite en urgence à l’hôpital. Pen-ant le trajet, elle convulse et quelques heures après être arrivéel’hôpital, la fillette perd connaissance, et est transférée en

éanimation néonatale, son état est très préoccupant pendantes 48 premières heures. Il est diagnostiqué d’une méningite àneumocoque.

Après dix jours de coma, Sylvie se réveille et est transférée enédiatrie : elle présente alors une hypotonie importante et bienu’éveillée, il n’y avait pas de contact visuel et elle semblait peuéagir aux bruits. Parallèlement au traitement médicamenteux,lle bénéficie de kinésithérapie respiratoire et de stimulationssychomotrices.

Au fil de l’hospitalisation, plusieurs examens confirmentne surdité profonde bilatérale, ainsi qu’une hypermétropie,n revanche l’hypotonie globale tend à régresser. L’enfant eta mère resteront un peu plus d’un mois en pédiatrie, ellest alors âgée de presque cinq mois. Pendant cette période’hospitalisation, elles recoivent la visite de la grand-mère pater-elle qui vit non loin de l’hôpital tandis que le père et les deuxrères n’ont pas pu matériellement se déplacer.

À cinq mois, elle rentre chez elle. Les pronostics envisagenta marche autonome vers l’âge de trois ans ce qui inquiète la

ère. Il est prescrit des appareils auditifs, mais devant l’absencee gain suffisant avec l’appareillage en contours d’oreille à l’âgee huit mois, il est décidé de pratiquer sans tarder une implan-ation cochléaire bilatérale (en effet les cochlées sont en cours’ossification, et plus tard l’implantation sera impossible).

. L’implantation cochléaire

Le principe de l’implant cochléaire repose sur le codagees sons et des bruits de l’environnement en stimuli élec-riques capable d’agir directement sur les afférences nerveusesu nerf cochléaire, déterminant ainsi une perception auditive.a technique d’implantation consiste à mettre en place unelectrode dans la cochlée [4]. On ne peut proposer un implantue s’il persiste un nerf auditif suffisant, avec des fibres ner-euses susceptibles de véhiculer les stimulations électriques de’implant. Le succès du traitement ne se limite pas à la technique

’implantation cochléaire mais dépend comme chez tout sujet,ais encore plus chez l’enfant, de la pertinence de l’indication

’implantation cochléaire tout comme de la qualité de la prisen charge qui va suivre la pose de l’implant.

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nlàlc(/be/,/abe/). Nous notons aussi des bruits de bouche (vibrationdes lèvres). La compréhension n’a pu être évaluée de facon nette.Les appareils sont encore très peu portés. La famille est trèsinvestie dans le suivi ».

Tableau 1Caractéristiques du babillage des enfants sourds [6].

Babillage d’apparition plus tardive que chez les enfants entendantsProduction de sons consonantiques stéréotypés et atypiques, conditionnés

non par des facteurs acoustiques mais par la lecture labiale et par laperception kinesthésique

Corrélation négative entre l’importance de la perte auditive et ledéveloppement des productions vocales, au niveau des unitéssegmentales et suprasegmentales

Corrélation entre l’adaptation prothétique associée à l’entraînement auditifet le développement des éléments segmentaux et suprasegmentaux

00 V. Taly / Neuropsychiatrie de l’enfan

Il existe un recul d’une trentaine d’années d’expérience cli-ique qui valide la méthode d’implantation cochléaire dans leraitement de la surdité bilatérale profonde chez l’enfant. Leseuils d’audition avec implant sont ramenés à 30 dB sur tout lehamp fréquentiel, et ce, après un certain temps d’entraînement.

.1. Cas clinique : Sylvie

Pour réaliser cette implantation, un suivi mère–enfant estrganisé à Paris pour quatre à six mois. Le père de l’enfant et leseux grands frères sont restés en outre-mer. Les explorations pré-mplant confirment la pertinence et l’urgence de l’interventionevant le risque d’ossification cochléaire bilatérale, le choixst fait de poser deux implants. Pendant toute la période pré-mplantatoire, la mère tire bénéfice des différentes rencontresvec les professionnels hospitaliers, notamment auprès de lasychologue du service ORL. L’opération est réussie. Le suiviospitalier va se poursuivre pendant quatre mois pour les diffé-ents contrôles, réglages et consultations. Une fois l’activationes électrodes réalisée, des réglages sont proposés régulièrementour que l’enfant s’habitue progressivement à ces nouvelles per-eptions auditives. À chaque réglage, quatre programmes sontnsérés dans le processeur (partie externe de l’implant qui traitees informations sonores). La mère a en charge de les chan-er quand elle a le sentiment que sa fille a bien supporté lerogramme précédent.

En association avec la rééducation orthophonique précoce,’accompagnement psychologique est mis en place au CAMSPu rythme d’une consultation hebdomadaire. Dans ce contextee vulnérabilité psychologique, accentué par le déracinementamilial et culturel, l’idée première est de soutenir la mère de’enfant et de prévenir un isolement social et un repli dépressif.otre première rencontre a lieu une semaine après l’intervention

hirurgicale qui représentait le pic d’angoisse de ce voyage àaris pour la mère de Sylvie. Le soulagement, voire la joie, esterceptible même si l’inquiétude reste présente.

. Émergence du langage chez l’enfant atteint deurdité sévère ou profonde

Lorsque la surdité survient pendant la période prélinguistiquee nombreuses études ont tenté de préciser les caractéristiquesu développement du langage de l’enfant atteint de surdité pro-onde [5,6]. Ces études n’ont pas porté sur les implantationsrécoces qui relèvent d’une pratique très récente. Shirley Vinter5] résume avec beaucoup de précaution ces études et rap-elle que la divergence des options théoriques a conduit à deséthodologies différentes, « notamment en ce qui concerne les

aramètres retenus pour caractériser les productions sonores.es recherches ont abouti de la sorte à des données partielles,ontradictoires, voire contestables en certains cas, en raison de laéconnaissance des problèmes inhérents à la surdité manifestée

ar leurs auteurs » [5, p. 21].

.1. Stade des vocalisations (0 à deux mois)

Les réflexes phonatoires tels que les cris, les mani-estations émotives fondamentales, les émissions vocales

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rovoquées par les soupirs, les plaintes, les gémissements chez’enfant sourd seraient les mêmes que chez l’enfant enten-ant.

.2. Stade de la production des syllabes archaïques (un àuatre mois)

Les enfants sourds, quelle que soit l’importance de la perteuditive, produisaient des sons (sons vocaliques et quelquesonsonantiques) selon un répertoire stéréotypé ; la différencerincipale avec les entendants serait les courbes mélodiques quie sont pas variées et la durée des productions qui reste courte.

S. Vinter n’a pas observé de jasis solitaire chez l’enfant sourdrofond.

.3. Les stades du babillage (trois à dix mois)

Dans le développement normal, on distingue le babillageudimentaire (3–8 mois) puis le babillage canonique5–10 mois). Le babillage canonique est caractérisé par laéduplication de syllabes avec une consonne et une voyelleien délimitées, il apparaît chez les enfants entendants enoyenne vers sept mois. Les productions des enfants sourds

ont non seulement retardées mais les articulations sontmprécises et déviantes. Le développement du babillageanonique apparaît favorisé par l’appareillage précoce d’aprèses conclusions de la recherche de S. Vinter (Tableau 1)5].

.4. Cas clinique : Sylvie

Âgée de 11 mois, Sylvie débute une prise en charge orthopho-ique, elle porte alors des contours d’oreille. Après six séances,’orthophoniste nous écrit : « c’est une petite fille qui s’intéressetout ce qui se passe autour d’elle, notamment les signes (de la

angue des signes/LSF), elle continue à babiller et ce babillageomposé principalement de voyelles et l’apparition de bilabiales

bsence de corrélation entre la quantité de vocalisations produites parl’enfant sourd et le développement ultérieur de son langage

ôle significatif de l’intervention précoce et de la coopération del’entourage familial vis-à-vis des productions sonores

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V. Taly / Neuropsychiatrie de l’enfan

C’est à 13 mois que nous rencontrons Sylvie au CAMSPsurdité », une semaine après la pose de l’implant cochléaire,

equel n’est pas encore activé.L’arrivée à Paris a entraîné chez la mère de Sylvie l’abandon

e sa langue maternelle dans ses interactions avec sa fille, aussiien dans l’intimité que lors des consultations. Lorsque nousointons ce changement, la mère de Sylvie est elle-même éton-ée et dit ne pas s’en être rendu compte. Il est fort probableu’elle ait, consciemment ou non, voulu se conformer aux repré-entations qu’elle se faisait des attentes du milieu médical etééducatif parisien, néanmoins, ce changement de langue inter-oge : Sylvie et sa mère ne sont à Paris que pour cinq mois tout aulus et une fois de retour outre-mer, elles vivront avec l’ensemblee la communauté qui ne parle pas francais au quotidien.

La langue des signes n’est que très peu utilisée par la mèree Sylvie, le vocabulaire se limite à quelques signes tels que :bonjou », « merci », « au revoir ». En dehors du « au revoir »,ylvie n’utilise pas les signes de LSF.

. Consultations filmées

En plus des séances d’orthophonie et des consultations psy-hologiques, nous avons proposé des consultations filmées àette dyade mère–enfant avec comme centre d’intérêt premier’observation de la mise en place progressive, au fil des semaines,e la communication sous toutes ses formes et des précurseursu langage. Plusieurs questions ont motivé cette proposi-ion de consultations filmées : comment depuis l’implantationochléaire, l’enfant et sa mère allaient-elles réguler mutuelle-ent leurs modalités d’expression vocale, faciale et gestuelle,

omment allaient évoluer les rythmes de leurs échanges mul-imodaux ? Comment l’attention mutuelle, l’écoute et le tour àour allaient se mettre en place ? Implicitement, psychologue etrthophoniste, nous avions des préoccupations spécifiques maisomplémentaires, et nous avions en référence les études micro-escriptives de bébé réalisées dans des conditions naturelles aveces parents1.

Pour ces consultations filmées, l’axe principal a donc portéur les échanges entre l’enfant et l’adulte qu’il s’agisse de saère ou de nous-mêmes. Notre démarche de recherche-action

ncrée dans la clinique du jeune enfant en CAMSP s’est faite enéférence aux travaux de Bateson [7] et au concept de « proto-onversation » qui désigne l’interaction parent–enfant (voiredulte–bébé) et son importance pour le développement ulté-ieur du langage et des rites culturels. Le postulat est que ceschanges s’apparentent à des premières formes de conversationt qu’ils constituent des précurseurs du développement du lan-age ultérieur. Pour chaque enfant et dans chaque famille, il ydes facons différentes de communiquer, des styles propres. . .

’idée était de mieux les repérer avec le parent et d’encourager

eur épanouissement.

D’emblée, nous avons eu l’idée d’un partenariat avec learent, de nous engager dans une observation « partagée » oùous serions à tour de rôle observateur et observé avec l’enfant.

1 Stern, Bateson, Brazelton.

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e l’adolescence 58 (2010) 398–404 401

e plus nous avons souhaité apprendre et développer notre capa-ité d’adulte à observer et à communiquer avec l’enfant dans saingularité. L’introduction de la vidéo, aussi comme tiers, visaitnous permettre de nous décentrer dans un second temps et

’« affûter » cette fonction observante.À 13 mois, lorsque nous rencontrons Sylvie pour la première

ois, cela fait un mois qu’elle a quitté son île sous les tropiquesour Paris qui traverse l’hiver. Ses repères familiers sont pertur-és, elle vit avec sa mère dans un nouvel endroit, sans son pèret ses frères. Au moment de notre première rencontre, la filletteormait très peu en journée, à peine 15 minutes, ce qui évoquaitne hypervigilance, et questionnait des comportements de lutteontre la dépression maternelle que nous mettons en lien avec’idée de veiller sur sa mère dans ce contexte de vulnérabilitésychologique.

.1. Premières séances

Elle a 13 mois, est très souriante, n’est pas craintive dansa relation, nous pouvons souligner qu’elle a développé déjàne appétence à la communication, elle sait attirer l’attention,olliciter activement l’interaction par des mimiques, des rirest la soutenir pendant plusieurs minutes. Elle suscite d’embléeeaucoup d’empathie. Elle vocalise très peu, nous l’entendonsrincipalement lorsqu’elle geint pour regagner les bras de saère.Sa station assise n’est pas assurée, elle a le dos voûté et

’appuie sur ses mains pour se maintenir mais la position estnconfortable alors elle s’allonge à plusieurs reprises.

Lors de la première rencontre avec l’orthophoniste, Sylviee percoit aucun son puisque les implants ne seront activésue la semaine suivante. Elle ne montre pas d’appréhensionrencontrer de nouvelles personnes. Au contraire, elle fait

reuve de curiosité et interpelle l’adulte par un regard pro-ond. Les échanges communicationnels sont essentiellementisuels avec de nombreux sourires. Cette sérénité pourraittre liée à une présence très rapprochée de la mère, Sylvieouvant l’agripper et se lover à tout moment dans lesras maternels. Elle observe, découvre de nouveaux jouets,e se déplace pas et nous n’entendrons pas le son de saoix.

.2. Deuxièmes séances

Elle a 13 mois et une semaine, elle a eu son premier réglage etréagi nettement à la stimulation auditive lors de la consultationvec le régleur pour activer l’implant cochléaire. Cette réactionranche de Sylvie vient signifier à sa mère et aux profession-els que l’implant cochléaire fonctionne et que Sylvie percoitertains sons grâce à l’implant.

Par ailleurs, sa station assise est bien meilleure que la semainerécédente, puisqu’elle n’a plus besoin de s’appuyer sur lesains, elle commence à explorer la salle en rampant en se

ractant principalement à la force des bras (la participation desambes est limitée).

La mère de Sylvie apparaît moins anxieuse et semble avoiretrouvé le sourire, pour elle et sa fille un nouvel espoir est permis

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Tableau 2Résultats de l’évaluation au Brunet-Lézine Révisé.

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postural coordination

3 mois et 17 jours 8 mois et 20 jours 10 mois et 15 jours

epuis cette activation de l’implant et la réaction de Sylvie à latimulation.

.3. Troisièmes séances

La fillette a 13 mois et deux semaines. Nous parvenons àbtenir une attention conjointe soutenue avec des séquences deeu prendre/donner, ou de jeu d’imitation avec vibration de lèvresvec une amorce de tour de rôles.

L’évaluation au Brunet-Lézine situe le niveau postural homo-ène à huit mois et 20 jours (QD : 64), le niveau de coordinationisuo-manuelle est hétérogène et la situe à dix mois et 15 joursQD : 77).

Nous apprenons qu’à présent, le week-end, l’enfant et sa mèreendent visite à des compatriotes, c’est l’occasion pour la mèree Sylvie de reparler sa langue et pour Sylvie d’évoluer dans unontexte langagier bilingue (Tableau 2).

.4. Quatrièmes séances

Elle a 13 mois et trois semaines, elle a eu son troisièmeéglage d’implant. Elle sait maintenant s’asseoir les fesses sures talons en s’appuyant avec les mains.

.4.1. Séquences filmées avec Sylvie, sa mère et’orthophoniste

Sylvie est assise sur le tapis d’éveil et des jouets lui sont pro-osés par sa mère. Sylvie reste immobile, l’attention conjointest difficile à obtenir, la mère de Sylvie cherche à avoir un contactil à œil avec sa fille mais sans succès, alors elle lui soulève àlusieurs reprises le menton pour orienter son visage vers leien (en langue des signes francaise, ce geste a été repris pourignifier l’idée de faire violence). Puis la mère de Sylvie par-ient à identifier un jouet qui intéresse cette dernière. L’enfantemble avoir besoin de temps pour appréhender le jouet, alorsue sa mère se précipite pour proposer les autres objets de laaisse, à ce moment la nouveauté et le dispositif de séance fil-ée semblent contraindre cette maman à ne pas prendre le temps

vec sa fille. Nous percevons ici un biais lié à la situation mêmee l’enregistrement filmé. Sylvie ne vocalise que très peu dansette situation, elle émet des petits sons, bouche fermée, pourignifier son intérêt sur un objet. La cadence des propositionsaternelles ralentit quelque peu, la mère de Sylvie peut perce-

oir que Sylvie veut retrouver un objet qui lui a été retiré. Leéfaut d’ajustement des rythmes de l’une et l’autre partenaire de

ette interaction est saisissant et nous renvoie par empathie à unentiment douloureux. Sylvie cherche à explorer les objets aveca bouche, elle les prend en main et les dirige vers sa bouche

ais ces initiatives sont réprimées par sa mère qui invoque desnc

e l’adolescence 58 (2010) 398–404

aisons d’hygiène. Sylvie interpelle le professionnel dans la sallear une courte vocalise accompagnée d’un geste de la mainuivi d’un large sourire (vocalise d’appel). Nous intervenonsour offrir un étayage à la mère de Sylvie qui s’en saisit puisa consultation se poursuit sous la forme de dyade profession-el/enfant. Sylvie semble imposer une distance relationnelle àespecter avec l’adulte, car lorsque nous sommes trop près, elle’interagit plus. Puis dans un jeu musical avec les baguettes sure xylophone, le tour de rôle semble s’amorcer s’accompagnant’interactions visuelles. Lorsque l’enregistrement est suspendu,a séance se poursuit, Sylvie se déplace et c’est lors de ceséplacements que nous entendons des vocalises, son mouvementorporel s’accompagne de nombreuses vocalises.

.5. Cinquièmes séances

Elle a 14 mois. Elle a eu son quatrième réglage d’implant.Dans la salle d’attente, elle vocalise énormément, elle s’agite

our venir dans la salle de consultation, tandis que sa mère paraîtlus distante. La mère de Sylvie s’animera en consultation envoquant sa visite à des compatriotes dans le week-end, et lelaisir de reparler sa langue et d’être moins isolée avec sa fillee temps d’un week-end. Pendant que sa mère parle, Sylvie neesse de vocaliser, sa mère disant que depuis la veille sa fille ne’arrête pas et que c’est un comportement nouveau, elle ajoutepeut-être qu’elle s’entend ».

Elle parvient maintenant à se tenir à quatre pattes quelquesnstants et à être tonique sur ses jambes quand elle est soutenueebout.

Alors qu’elle se montre très loquace en début de consul-ation, elle l’est beaucoup moins lorsque nous commencons’enregistrement vidéo.

.5.1. Séquences filmées : Sylvie avec sa mère et lasychologue

En une semaine les vocalises semblent avoir évolué. Précé-emment, il s’agissait de nombreux sons réalisés bouche fermée,ors de cette séquence par l’intermédiaire de la mise en bouchet l’exploration orale de la girafe « Sophie », Sylvie produit desons en ouvrant la bouche. Les vocalises relevées comportent deshonèmes postérieurs (consonne vélaire « g », consonne dorso-vulaire « r » et semi-consonne « w »). Cette phase d’explorationrale, accompagnée de mouvements de langue et de vocalisa-ions semble très importante pour Sylvie, en effet cette activité’exploration orale est marquée par un plaisir manifeste deylvie, ici plusieurs canaux sensoriels sont engagés : le tou-her, le goût, l’odorat, l’audition et la vue. Rappelons que Sylvie’avait pu faire que quelques tentatives la semaine précédente.ette activité de plaisir associant exploration orale (non nutri-

if) et vocalisations est décrite classiquement chez des enfantsntendants jusqu’à cinq mois.

.6. Sixièmes séances

Elle a 14 mois et demi. Cela fait deux semaines que nouse nous sommes pas vues. Dans les premiers moments de laonsultation, elle reste dans un corps à corps avec sa mère,

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ontrairement à son habitude, elle ne s’intéresse pas aux jeuxis à sa disposition, il semble qu’elle ait besoin de réintégrer le

adre de la consultation ainsi que la présence du professionnelvant de s’éloigner de sa mère. Nous échangeons avec sa mère,uis Sylvie se met alors à vocaliser et elle se hisse sur sa mère,uis pour la première fois elle réussit à se déplacer à quatre pattesour venir se hisser en appui sur le professionnel, elle rétablitn lien qui a été au préalable médiatisé par l’échange verbal.

Elle se montre attentive et peut s’engager dans des jeux ryth-iques avec l’alternance des rôles, quelque chose d’un schème

révisible s’installe et où elle attend la reproduction de son issue.lle vocalise énormément.

.6.1. Séquences filmées : Sylvie avec sa mère et’orthophoniste

La mère de Sylvie s’engage quant à elle dans un jeu de cou-ou, où la routine du jeu est bien intégrée avec la répétition’absence/présence, c’est un moment marqué par la complicitét l’accordage affectif.

L’usage des jouets et objets sonores : les maracas retiennent’attention de Sylvie, elle aime les secouer et accompagne leurruit de variations mélodiques sur [a]. Les mêmes vocalisesccompagnent le bruit du xylophone quand Sylvie frappe laame. Ainsi la production musicale s’accompagne spontanémente la voix par Sylvie. Par ailleurs, Sylvie peut signifier clairementon déplaisir et son refus par des mimiques très significatives etn geste des deux mains pour signifier « non » lorsque nous luirésentons certains objets ou certaines matières (la plume et leissu en fourrure).

Puis c’est Sylvie qui reprend un jeu de cache-cache derrièren tissu, et finit par se cacher elle-même, témoignant d’une capa-ité à inverser les rôles face au professionnel. La mère de Sylviest très touchée de voir ce dont sa fille est capable.

En revoyant la séquence filmée, nous percevons aussi’ajustement progressif de la distance de dialogue qui s’est opéréar les professionnels.

.7. Septièmes séances

Elle a 14 mois et trois semaines.À son arrivée, elle tient à rester sur les genoux de sa mère,

lle est rassurée par cette relation proximale et il n’est pas ques-ion pour elle d’interagir avec sa mère au-delà de cette distance.’allaitement au sein se poursuit et est quasi-continu la nuit, luissurant un corps à corps.

La mère de Sylvie a le sentiment que sa fille reconnaît quandlle est appelée par son prénom, pour preuve elle explique queylvie peut s’interrompre dans ses déplacements lorsque sa mère

’appelle. Cet événement revêt une grande importance, commeous pouvons le comprendre, et ce progrès a été annoncé au pèree Sylvie qui s’en est enthousiasmé. De plus en plus, il apparaîtue l’attention conjointe est facilitée par la perception auditive.ylvie peut élargir l’interaction à trois en sollicitant du regard la

articipation du professionnel (qui était en retrait) pour chantera comptine des marionnettes.

Elle est capable de s’engager à minima dans un jeu de faireemblant, à partir de gobelets de dînette, ce jeu est repris en

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iroir par l’adulte ce qui suscite un plaisir manifeste pour Sylvie,à encore le tour de rôles est progressivement introduit.

.8. Huitièmes séances

Elle a presque 15 mois et manifeste depuis peu des réactions’angoisse de l’étranger, alors que Madame ne les avait pasbservés chez sa fille jusque-là. Elle pleure alors vivement ete s’apaise qu’après plusieurs minutes dans les bras de sa mèret l’éloignement de l’inconnu.

Lors de notre conversation avec sa mère, Sylvie profite desoments de silence pour vocaliser, il semble qu’une amorce du

our de parole puisse être repérée.Alors âgée de 15 mois et deux semaines, nous avons observé

e premier pointage de notre jeune patiente en consultation, elleointe très nettement pour qu’on lui donne un objet à distancet vocalise en faisant le geste de pointage.

. Discussion et conclusion

Notre communication s’appuie sur les observations faites enonsultation d’accompagnement psychologique et en consulta-ions filmées avec l’orthophoniste ou la psychologue, au cours derois premiers mois qui suivent l’implantation cochléaire d’uneeune enfant présentant une surdité acquise.

Au fil des semaines, nous avons pu assister et participer à’installation de quelques précurseurs du langage. Sylvie quitait au début silencieuse, s’est mise à vocaliser d’abord lorse comportements d’exploration orale, ou de déplacementsu’elle effectuait avec son corps, nous avions également puntendre quelques vocalises d’appel très brèves. Puis les objetsonores et instruments musicaux ont suscité un accompagne-ent vocal spontané prolongé. Enfin, c’est lors de discussions

ntre sa mère et le professionnel que nous avons pu entendre’abord des vocalises de facon simultanée puis lors des pausesonversationnelles lors des échanges entre adultes. Enfin, plusécemment, l’apparition du pointage proto-déclaratif accompa-né d’une vocalise marque l’ébauche d’une formulation de laemande.

L’attention conjointe a été de meilleure qualité et avec uneurée qui a augmenté au fil des séances. Parmi les variables, il yle développement intrinsèque de Sylvie, l’apport de la percep-

ion auditive du fait de l’implant cochléaire, et les ajustementsrogressifs de sa mère et des professionnels en interaction avecylvie et sa mère. Au cours de ces consultations, l’importancees routines de jeu a été révélée de facon majeure, en tantue précurseurs des schèmes conversationnels, par la rencontrentersubjective qu’elles impliquent et le tour de rôles qu’ellesmorcent, ébauche de tour de parole.

Le support de la vidéo était à visée exploratoire dans notreémarche de travail au CAMSP « surdité ». Il présente cer-ains inconvénients mais également de l’intérêt. Nous avonsu observer que la mère de l’enfant dans les échanges spon-

anés était plutôt dans un rapport proximal, distance que nousvons perturbée en introduisant dans un premier temps le tran-at. Toutefois, de par son inclinaison, le transat a favorisé uneilleur contact visuel pour cette dyade mère–enfant, surtout
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[6] Chevrie-Muller C, Narbona J. Le langage de l’enfant. 3e éd. Issy-les-Moulineaux: Masson; 2007.

[7] Bateson MC. The epigenesis of conversational interaction. In: Bullowa M,editor. Before speech: the beginning of human communication. Cambridge:

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orsque la perception auditive était encore faible. Pour ce quist des professionnels progressivement et assez intuitivement,ous nous sommes autorisées à nous rapprocher, à réduirea distance de dialogue pour soutenir l’interaction avec Syl-ie.

Il se trouve que le recours au film est de plus en plus uti-isé dans le travail orthophonique avec un objectif de guidancearental. Dans ce champ disciplinaire, parmi les intérêts du filmouligné par l’orthophoniste, il y a l’idée de garder une tracerécise des productions orales de l’enfant pour appréhender auieux l’évolution des productions (celles-ci étant toujours dif-ciles à isoler et à identifier), aussi d’identifier les situationsngendrant et favorisant les productions orales tout comme iden-ifier les moyens de communication mis en place par les parents.

Pour conclure, la vidéo nous a permis de travaillerans l’après-coup des séances et de confronter nos regards’orthophoniste et de psychologue autour des interactions, maisgalement de re-visionner avec la mère de Sylvie pour perce-oir les progrès de Sylvie, les ressources dont la fillette avaitait preuve, les ajustements mutuels qui avaient été possible deettre intuitivement en place, etc. Il nous est apparu que ce soit

es professionnels ou la mère de Sylvie, que grâce à la vidéoous avons pu nous décentrer par rapport à la situation rela-ionnelle et en même temps nous identifier aux protagonistese l’interaction, percevant les points d’accroche et ce qui avait

u faire défaut, par exemple, partir de l’activité, de l’intérêt de’enfant. . .

Nous poursuivons à ce jour la prise en charge de cette fillettet de sa maman.

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onflit d’intérêt

Pas de conflit d’intérêt.

emerciements

Annonciade Plécy, orthophoniste, pour sa précieuse colla-oration, et Sylvie et sa maman, pour leur confiance et leurnergie.

éférences

1] Garabédian EN, et al. Les implants cochléaires pédiatriques. Ann Otolaryn-gol Chir Cervicofaciale 2003;120:139–51.

2] Boysson-Bardies. Comment la parole vient aux enfants ? Paris: Odile Jacob;1996.

3] Desjardins V. In: Golse B, editor. Le développement affectif et intellectuelde l’enfant : compléments sur l’émergence du langage. Paris: Masson; 2008.

4] Loundon N, Busquet D. Implant cochléaire pédiatrique et rééduca-tion orthophonique : comment adapter les pratiques ? Paris: Flammarion;2009.

5] Vinter S. L’émergence du langage de l’enfant déficient auditif. Paris: Masson;1994.

Cambridge University Press; 1979. p. 63–77.